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Référence :

Alliance de la fonction publique du Canada c. Assoc. des pilotes fédéraux du Canada, 2009 CAF 223, [2010] 3 R.C.F. 219

A-375-08

A-383-08

2009 CAF 223

A-375-08

Alliance de la Fonction publique du Canada (demandeur)

c.

Association des pilotes fédéraux du Canada et Procureur général du Canada (défendeurs)

A-383-08

Procureur général du Canada (demandeur)

c.

Association des pilotes fédéraux du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada (défenderesses)

Répertorié : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Assoc. des pilotes fédéraux du Canada (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Evans, Pelletier et Layden-Stevenson, J.C.A.—Ottawa, 24 mars et 2 juillet 2009.

Fonction publique — Compétence — Contrôle judiciaire d’une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique attribuant, par suite d’une demande présentée en vertu de l’art. 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), trois postes de la fonction publique fédérale à l’unité de négociation comprenant le groupe Navigation aérienne (AO) — La définition du groupe AO et de son unité de négociation excluait expressément les postes qui n’exigeaient pas de licence de pilote et d’expérience de pilotage — Les mentions relatives au pilotage d’un aéronef ont été supprimées de la description de travail des postes attribués au groupe AO en l’espèce — Il s’agissait de savoir si la Commission avait outrepassé sa compétence en incluant les postes dans l’unité de négociation AO malgré l’exclusion — Selon le juge Evans, J.C.A. (la juge Layden-Stevenson, J.C.A., souscrivant à ses motifs) : La Commission était légalement habilitée à interpréter l’art. 58 de la LRTFP et à l’appliquer étant donné que le législateur lui a expressément conféré ce pouvoir — La déférence s’imposait à l’égard de la décision de la Commission et de son interprétation de l’art. 58 de la LRTFP et cette décision devait être examinée selon la norme de la décision raisonnable — Les demandeurs devaient établir que la Commission avait formulé une interprétation déraisonnable de l’art. 58 en n’y incluant pas la directive énoncée aux art. 57(3) et 70(2) de la LRTFP, que les unités de négociation doivent correspondre aux groupes professionnels établis par l’employeur — La Commission a conclu que l’exclusion ne pouvait pas être déterminante et ne pouvait en conséquence primer sur la responsabilité que lui imposait la loi de « veiller à la composition appropriée des unités de négociation et en fin d’analyse de décider de cette composition » — De même, la Commission n’était pas convaincue que si les fonctions principales des postes en cause relevaient du groupe AO, elle devait automatiquement accorder préséance à l’exclusion explicite énoncée dans la définition de ce groupe — La décision que la Commission a rendue relativement à la demande n’était pas déraisonnable — Demandes rejetées — Selon le juge Pelletier, J.C.A. (motifs dissidents) : Il incombe à la Commission, en application de l’art. 58 de la LRTFP, d’appliquer les définitions aux faits se rapportant à un poste ou à un groupe donné — Rien n’autorisait la Commission à examiner de nouveau la justesse de la définition de l’unité de négociation — En l’espèce, la Commission a commis une erreur en considérant la tâche à accomplir en application de l’art. 58 comme s’il s’agissait de définir l’unité habile à négocier sous le régime de l’art. 57 — La Commission a commis une erreur en ne distinguant pas entre les critères de forme et les critères fonctionnels — L’expérience de pilotage et la possession d’une licence valide de pilote n’étant pas des éléments obligatoires des poste en cause, les postes étaient exclus expressément de l’unité de négociation de la navigation aérienne — Il était déraisonnable de la part de la Commission de conclure que les postes pourraient être ramenés dans une unité dont ils sont expressément exclus.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Norme de contrôle judiciaire — Contrôle judiciaire d’une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique attribuant, par suite d’une demande présentée en vertu de l’art. 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, trois postes de la fonction publique fédérale à l’unité de négociation comprenant le groupe Navigation aérienne — En l’espèce, le seul motif de contrôle pouvant être invoqué était celui de l’erreur de compétence — L’interprétation de la loi habilitante se fait généralement suivant la norme de la raisonnabilité — Bien que la Cour suprême du Canada ait retenu une catégorie de « question[s] de compétence ou de constitutionnalité » commandant l’application de la norme de la décision correcte, aucun raisonnement ne justifiait de considérer comme une « question de compétence » l’interprétation d’autres dispositions ne soulevant pas de question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui est étrangère au domaine d’expertise du décideur administratif — Pour établir en l’espèce que la Commission a outrepassé sa compétence en interprétant erronément une disposition de sa loi habilitante, un demandeur doit démontrer que l’interprétation était déraisonnable.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique attribuant, par suite d’une demande présentée en vertu de l’article 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) par l’Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC), trois postes de la fonction publique fédérale à l’unité de négociation comprenant le groupe Navigation aérienne (AO). Les demandeurs soutenaient que la Commission avait outrepassé sa compétence parce que la définition du groupe AO et de son unité de négociation exclut expressément les postes qui n’exigent pas de licence de pilote et d’expérience de pilotage.

Le différend faisait suite à la révision par l’employeur de la description de travail de trois postes au sein de Transports Canada, laquelle a eu pour effet de supprimer les mentions relatives au pilotage d’un aéronef. Auparavant, ces postes faisaient partie du groupe professionnel AO. Ces postes ont été attribués dans des groupes professionnels différents. L’APFC a demandé de replacer les trois postes dans l’unité de négociation du groupe AO. La Commission a conclu que la correspondance avec le groupe AO était la meilleure. Les demandeurs affirmaient que la Commission avait commis une erreur relative à sa compétence en ne considérant pas que l’élimination des qualifications de pilotage dans les descriptions de travail des postes reclassifiés excluait automatiquement ces postes du groupe AO parce que les postes n’exigeant pas de qualifications de pilotage étaient expressément exclus de ce groupe et, par conséquent, de l’unité de négociation. En outre, les demandeurs soutenaient que la Commission avait erré en modifiant les unités de négociation au lieu de simplement déterminer à quelle unité existante les trois postes appartenaient.

La principale question litigieuse était celle de savoir si la Commission avait outrepassé sa compétence en incluant les postes dans l’unité de négociation AO. De même, la Cour s’est livrée à une analyse des normes de contrôle applicables aux décisions de tribunaux administratifs.

Arrêt (le juge Pelletier, J.C.A., dissident) : les demandes doivent être rejetées.

Selon le juge Evans, J.C.A. (la juge Layden-Stevenson, J.C.A., souscrivant à ses motifs) : Le seul motif de contrôle que les demandeurs pouvaient invoquer, compte tenu des faits en l’espèce, était celui de l’erreur de compétence en application de l’alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales compte tenu de la clause privative énoncée à l’article 51 de la LRTFP. Un tribunal aura outrepassé sa compétence en rendant une décision erronée sur une question juridique susceptible de révision suivant la norme de la décision correcte. Un tribunal peut aussi outrepasser sa compétence si sa décision relative à une question de droit est déraisonnable. Pas plus que les autres tribunaux administratifs, la Commission n’est légalement autorisée à rendre une décision fondée sur une interprétation déraisonnable de sa loi habilitante. Même la plus stricte clause privative ne sera d’aucun secours dans un tel cas.

Des décisions récentes de la Cour suprême du Canada, notamment Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, précisent que l’interprétation de sa loi habilitante par un tribunal administratif se fait généralement suivant la norme de la raisonnabilité. Cependant, dans Dunsmuir, la Cour a retenu une catégorie de « question[s] de compétence ou de constitutionnalité » commandant l’application de la norme de la décision correcte. Bien qu’il convienne d’appliquer la norme de la décision correcte à l’interprétation de dispositions législatives qui distinguent les compétences respectives afférentes à différents régimes administratifs, les approches contemporaines du droit administratif relatives au rôle des tribunaux spécialisés et des cours de justice généralistes ne contiennent pas de raisonnement justifiant de considérer comme une « question de compétence » (dont le contrôle s’effectue selon la norme de la décision correcte) l’interprétation d’autres dispositions de lois habilitantes ne soulevant pas de question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui est étrangère au domaine d’expertise du décideur administratif. Pour autant que Dunsmuir ait conservé la notion de question de compétence pour désigner les dispositions d’une loi habilitante qui doivent faire l’objet d’une décision correcte de la part du décideur, il l’a fait de façon très restreinte. Il semblerait qu’il faut procéder à une analyse relative à la norme de contrôle lorsqu’il est allégué qu’un tribunal administratif a excédé sa compétence en interprétant erronément une disposition de sa loi habilitante. Par conséquent, pour établir que la Commission a outrepassé sa compétence en interprétant erronément une disposition de sa loi habilitante, un demandeur doit démontrer que l’interprétation était déraisonnable.

La Commission était légalement habilitée à interpréter l’article 58 et à l’appliquer étant donné que le législateur lui a expressément conféré le pouvoir d’interpréter l’article 58 afin de statuer sur une demande fondée sur cette disposition et la déférence s’imposait à l’égard de la décision de la Commission. La question que devait trancher la Commission pour statuer sur la demande fondée sur l’article 58 n’était qu’une question d’interprétation de sa loi constitutive, censée, de ce fait, être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.

On ne trouve dans le texte de l’article 58 aucune directive explicite concernant le fondement sur lequel la Commission doit se prononcer sur l’appartenance de tout fonctionnaire à une unité de négociation qu’elle a définie, ou sur leur appartenance à toute autre unité. Par contre, lorsqu’il s’agit de la définition initiale de l’unité de négociation sous le régime de l’article 57 ou, subséquemment, de la révision de sa structure suivant l’article 70, la Commission est tenue de veiller à ce que les unités de négociation « correspond[e]nt aux groupes [. . .] professionnels établis par l’employeur » sauf si, de cette façon, « elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie ». Pour obtenir gain de cause, les demandeurs devaient en conséquence établir que la Commission avait formulé une interprétation déraisonnable de l’article 58 en n’y incluant pas la directive énoncée aux paragraphes 57(3) et 70(2).

Les motifs de la Commission contenaient le degré de justification de la décision, de transparence et d’intelligibilité propres à conférer un caractère raisonnable à la décision. Premièrement, la Commission a manifestement examiné le principe invoqué par les demandeurs selon lequel un poste exclu de la définition d’un groupe professionnel ne devrait pas être inclus dans l’unité de négociation représentant ce groupe et a conclu qu’en l’absence de directives explicites, l’exclusion ne pouvait pas être déterminante et ne pouvait en conséquence primer sur la responsabilité que lui imposait la loi de « veiller à la composition appropriée des unités de négociation et en fin d’analyse de décider de cette composition ». Deuxièmement, la Commission n’était pas convaincue que si les fonctions principales des trois postes relevaient du groupe AO, elle devait automatiquement accorder préséance à l’exclusion explicite énoncée dans la définition de ce groupe. Il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission d’examiner les définitions des groupes dans leur ensemble, c’est-à-dire les éléments inclus et les éléments exclus puisqu’il était impossible d’attribuer les postes à un groupe sans faire injure à un aspect ou l’autre des définitions. Troisièmement, la Commission a alors eu recours au mode de résolution qu’elle emploie pour ce genre de différends, et elle a attribué le poste à l’unité de négociation comprenant le groupe professionnel dont les principales fonctions ressemblaient le plus à celles du poste en litige. Enfin, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas négligé les conséquences de ses décisions sur les relations de travail. Pour ces motifs, la décision que la Commission a rendue relativement à la demande n’était pas déraisonnable.

Selon le juge Pelletier, J.C.A. (motifs dissidents) : Il appartient à la Commission de définir l’unité de négociation appropriée en tenant compte des groupes professionnels de l’employeur et des exigences de la négociation collective. Lorsque les unités de négociation ont été définies, il incombe à la Commission, en application de l’article 58 de la LRTFP, d’appliquer les définitions aux faits se rapportant à un poste ou à un groupe donné. Rien dans l’article 58 n’autoriserait la Commission à examiner de nouveau la justesse de la définition de l’unité de négociation.

En l’espèce, la Commission a commis une erreur en considérant la tâche à accomplir en application de l’article 58 de la LRTFP comme s’il s’agissait de définir l’unité habile à négocier sous le régime de l’article 57. Bien qu’il entre dans les obligations légales de la Commission de se prononcer sur la composition appropriée des unités de négociation, elle a aussi l’obligation de résoudre les questions d’inclusion ou d’exclusion concernant les unités de négociation qu’elle a définies. L’erreur entachant le raisonnement de la Commission procède de ce qu’elle n’a pas distingué entre les critères de forme et les critères fonctionnels. L’analyse visant à déterminer si un poste ou un groupe entre dans la définition d’une unité de négociation doit commencer par la présence ou l’absence des critères de forme énoncés. En l’espèce, il fallait se demander si l’expérience de pilotage et la possession d’une licence valide de pilote étaient des éléments obligatoires de la description du poste ou du groupe et, si ce n’est pas le cas, le poste ou le groupe est exclu de l’unité de négociation de la navigation aérienne. Parce que ces critères n’étaient pas obligatoires en l’espèce, les postes étaient exclus de l’unité de négociation de la navigation aérienne. Il était déraisonnable de conclure qu’ils pourraient être ramenés dans cette unité de négociation par application de critères fonctionnels agissant indépendamment de l’exclusion formelle.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(4)a) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), c) (édicté, idem), 28 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 2002, ch. 8, art. 35).

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, art. 43, 51 (mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 274), 57, 58, 70.

Municipal Government Act, R.S.A. 2000, ch. M-26.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.

décisions examinées :

Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, (1979), 25 R.N.-B. (2e) 237; Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650; United Taxi Drivers’ Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville), 2004 CSC 19, [2004] 1 R.C.S. 485.

décisions citées :

Association du groupe de la navigation aérienne c. Conseil du Trésor, 2001 CRTFP 2; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32, [2008] 2 R.C.S. 195; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Laseur, 2003 CSC 54, [2003] 2 R.C.S. 504.

DOCTRINE CITÉE

Rootham, Christopher. Labour and Employment Law in the Federal Public Service. Toronto : Irwin Law, 2007.

    DEMANDES de contrôle judiciaire d’une décision (2008 CRTFP 42) de la Commission des relations de travail dans la fonction publique attribuant, par suite d’une demande présentée en vertu de l’article 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, trois postes de la fonction publique fédérale à l’unité de négociation comprenant le groupe Navigation aérienne. Demandes rejetées, le juge Pelletier, J.C.A., dissident.

ONT COMPARU

Andrew J. Raven pour la demanderesse (dossier A-375-08).

Neil McGraw pour le demandeur (dossier A-383-08).

Phillip G. Hunt pour la défenderesse l’Association des pilotes fédéraux du Canada (dossiers A-375-08, A-383-08).

Neil McGraw pour le défendeur Procureur général du Canada (dossier A-375-08).

Andrew J. Raven pour la défenderesse Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier A-383-08).

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l., Ottawa, pour la demanderesse (dossier A-375-08).

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur (dossier A-383-08).

Shields & Hunt, Ottawa, pour la défenderesse l’Association des pilotes fédéraux du Canada (dossiers A-375-08, A-383-08).

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur Procureur général du Canada (dossier A-375-08).

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l., Ottawa, pour la défenderesse Alliance de la Fonction publique du Canada (dossier A-383-08).

    Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

    Le juge Evans, J.C.A. :

A.      INTRODUCTION

[1]     L’Alliance de la fonction publique du Canada (l’Alliance) et le procureur général du Canada ont déposé des demandes de contrôle judiciaire fondées sur l’article 28 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 2002, ch. 8, art. 35] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)], afin d’obtenir l’annulation d’une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique [Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor] (2008 CRTFP 42). Ils soutiennent que la Commission a outrepassé sa compétence en accueillant la demande de l’Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC) — défenderesse en l’espèce — visant l’attribution de trois postes de la fonction publique fédérale à l’unité de négociation comprenant le groupe Navigation aérienne (AO).

[2]     Les demandeurs soutiennent que cette décision devrait être annulée en application de l’alinéa 18.1(4)a) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5] de la Loi sur les Cours fédérales parce que, la définition du groupe AO et de son unité de négociation excluant expressément les postes qui n’exigent pas de licence valide de pilote et d’expérience de pilotage (qualifications de pilotage), la Commission a outrepassé sa compétence. Il n’est pas nécessaire, selon eux, que les titulaires des trois postes en litige possèdent les qualifications de pilotage.

[3]     Les demandeurs prétendent que l’article 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (LRTFP), qui confère à la Commission le pouvoir de se prononcer sur l’appartenance d’un fonctionnaire à une unité de négociation qu’elle a définie, n’habilite pas celle‑ci à inclure un employé dans une unité de négociation constituée d’un groupe professionnel dont il est expressément exclu. Selon eux, un principe fondamental du régime de relations de travail régissant la fonction publique veut que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, les unités de négociation coïncident avec les groupes professionnels établis par l’employeur.

[4]     Je ne suis pas de cet avis. J’estime que la Commission n’a pas outrepassé sa compétence lorsqu’elle a inclus les postes en cause dans l’unité de négociation du groupe AO, dont les membres remplissent des fonctions semblables à celles des titulaires des postes en cause. Sa décision ne repose ni sur une interprétation erronée d’une disposition de la LRTFP, qui donnerait lieu à un contrôle suivant la norme de la décision correcte, ni sur une interprétation déraisonnable de la disposition applicable. En conséquence, je suis d’avis de rejeter les demandes de contrôle judiciaire.

[5]     Les demandes de contrôle judiciaire ont été entendues ensemble puisqu’elles se rapportent à la même décision et soulèvent des questions identiques. Les présents motifs s’appliquent aux deux demandes, et une copie en sera versée aux deux dossiers (A-375-08 et A-383-08).

B.      CONTEXTE FACTUEL

[6]     Le différend fait suite à la révision par l’employeur de la description de travail de trois postes au sein de Transports Canada, laquelle a eu pour effet de supprimer les mentions relatives au pilotage d’un aéronef. Il s’agit des postes suivants : gestionnaire, Opérations de contingence de l’aviation civile (poste 1), de surintendant, Enquêtes sur l’application de la loi (poste 2) et de surintendant, Sécurité des aérodromes (poste 3).

[7]     Avant la révision de leur description de travail et leur reclassification, les trois postes faisaient partie du groupe professionnel AO parce que 10 % de leurs fonctions se rapportaient au pilotage d’aéronefs. Les descriptions n’énonçaient pas expressément que les titulaires des postes devaient obligatoirement posséder des qualifications de pilotage, mais cela découlait implicitement du fait que les fonctions comportaient du pilotage. Les descriptions de travail modifiées, d’où les fonctions de pilotage étaient absentes, ne faisaient pas non plus mention de la nécessité de qualifications de pilotage.

[8]     Après avoir modifié ces descriptions de travail, l’employeur a déplacé le poste 1 de l’unité de négociation du groupe AO à celle du groupe des Services des programmes et de l’administration (PA) et les postes 2 et 3 du groupe AO à l’unité de négociation du groupe des services techniques (TC). L’APFC est l’agent de négociation accrédité de l’unité de négociation du groupe AO, tandis que les unités de négociation des groupes PA et TC sont représentées par l’Alliance.

[9]     La reclassification des postes procédait du fait qu’ils n’exigeaient plus de qualifications de pilotage de leurs titulaires, de sorte qu’ils étaient expressément exclus de la définition de l’unité de négociation du groupe AO.

[10]     La définition du groupe AO et de son unité de négociation (voir Association du groupe de la navigation aérienne c. Conseil du Trésor, 2001 CRTFP 2, paragraphe 4) renferme deux exclusions. La première vise les postes dont la principale raison d’être est comprise dans la définition de tout autre groupe et, la seconde, la plus pertinente en l’espèce, était ainsi libellée [au paragraphe 10 de 2008 CRTFP 42] :

Sont aussi exclus les postes pour lesquels il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience comme pilote d’aéronef et une licence valide de pilote.

L’emploi du mot « aussi » donne à penser que les postes pour lesquels les qualifications de pilotage ne sont pas obligatoires sont exclus du groupe AO, même si leur principale raison d’être n’est pas comprise dans un autre groupe.

[11]     Quelques années après la reclassification des postes et leur rattachement aux unités de négociation des groupes PA et TC, l’APFC s’est prévalue de l’article 58 [de la LRTFP] et a demandé à la Commission de replacer les trois postes dans l’unité de négociation du groupe AO, faisant valoir que les fonctions de ces postes correspondaient davantage à celles de ce groupe qu’à celles des groupes PA et TC. L’APFC n’avait pas contesté la justesse des descriptions de travail afférentes à ces postes.

C.      DÉCISION DE LA COMMISSION

[12]     La Commission, siégeant à un seul commissaire, a relevé que la reclassification du poste 1 remontait à mars 2003 et celle du poste 2, au début de 2001, mais que la demande fondée sur l’article 58 avait été déposée en mai 2006. Aucune question n’a toutefois été soulevée relativement à ces délais. La Commission a également indiqué que, sous le régime de l’article 58, il incombait à l’APFC d’établir que les fonctions et responsabilités principales des postes relèvent de la définition du groupe AO. Les parties n’ont pas non plus contesté cette conclusion.

[13]     La Commission a reconnu que l’employeur avait le droit de classer les postes, que la classification des trois postes en cause était à jour et exacte et que ces points ne pouvaient être mis en cause dans une demande fondée sur l’article 58.

[14]     Le commissaire a considéré qu’à l’égard de cette demande fondée sur l’article 58, sa tâche consistait à « déterminer la meilleure correspondance afin de placer ces postes dans leurs unités de négociation appropriées sans que je sois nécessairement obligé de trouver le parfait agencement » (paragraphe 9). Après avoir comparé la description des postes avec les tâches attribuées au groupe AO et avec celles qui relevaient des groupes PA et TC, la Commission a déclaré qu’elle devait tenir principalement compte des tâches principales des postes en litiges et de ceux avec lesquels la comparaison s’établissait.

[15]     Relativement à l’argument qu’il y avait lieu de rejeter la demande de l’APFC parce que les postes pour lesquels les qualifications de pilotage ne sont pas nécessaires devaient être exclus de l’unité de négociation du groupe AO, la Commission a indiqué ce qui suit (paragraphe 11) :

    Assurément, il s’agit d’une approche trop simpliste, qui empêcherait [. . .] (la “Commission”) de remplir l’une de ses obligations législatives, soit de veiller à la composition appropriée des unités de négociation et en fin d’analyse de décider de cette composition.

[16]     La Commission a statué qu’un poste expressément exclu d’un groupe professionnel n’était pas automatiquement exclu de l’unité de négociation dont ce groupe faisait partie, indiquant que l’exclusion constituait cependant un facteur à prendre en compte dans l’évaluation globale de la « meilleure correspondance » pour les besoins de la négociation collective. Elle a conclu que, bien que la correspondance avec le groupe AO ne fût pas parfaite, c’était néanmoins la meilleure, et elle a réattribué les postes à ce groupe et accueilli la demande de l’APFC fondée sur l’article 58.

[17]     À l’appui de leur demande de contrôle judiciaire et d’annulation de cette décision, les demandeurs font valoir que la Commission a commis une erreur relative à sa compétence en ne considérant pas que l’élimination des qualifications de pilotage dans les descriptions de travail des postes reclassifiés excluait automatiquement ces postes du groupe AO parce que les postes n’exigeant pas de qualifications de pilotage étaient expressément exclus de ce groupe et, par conséquent, de l’unité de négociation.

D.      CADRE LÉGISLATIF

[18]     Les dispositions suivantes de la LRTFP sont pertinentes pour les présentes demandes de contrôle judiciaire. L’article 51 [mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 274] renferme une clause privative stricte qui, appliquée aux faits de l’espèce, fait en sorte que le seul motif de contrôle judiciaire pouvant être invoqué est celui de l’erreur de compétence :

    51. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances et les décisions de la Commission sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire qu’en conformité avec la Loi sur les Cours fédérales et pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de cette loi.

[. . .]

    (3) Sauf exception prévue au paragraphe (1), l’action — décision, ordonnance ou procédure — de la Commission, dans la mesure où elle est censée s’exercer dans le cadre de la présente partie, ne peut, pour quelque motif, notamment celui de l’excès de pouvoir ou de l’incompétence à une étape quelconque de la procédure :

a) être contestée, révisée, empêchée ou limitée;

b) faire l’objet d’un recours judiciaire, notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto.

[19]     Le motif de contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales qui s’applique en l’espèce est le suivant :

    18.1 (1) [. . .]

    (4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

[20]     La décision de la Commission fait suite à une demande de l’APFC fondée sur l’article 58 de la LRTFP, mais l’article 57 de cette Loi, qui a trait à l’accréditation des unités de négociation, et l’article 70, qui se rapporte à la révision, après l’accréditation, du caractère approprié des unités de négociation approuvées antérieurement par la Commission sont tout aussi pertinents, parce que les demandeurs soutiennent que la Commission a erré en modifiant les unités de négociation au lieu de simplement déterminer à quelle unité existante les trois postes appartenaient :

    57. (1) Saisie d’une demande d’accréditation conforme à l’article 54, la Commission définit le groupe de fonctionnaires qui constitue une unité habile à négocier collectivement.

    (2) Pour décider si le groupe de fonctionnaires constitue une unité habile à négocier collectivement, la Commission tient compte de la classification des postes établis par l’employeur et des personnes qu’il emploie, notamment des groupes ou sous-groupes professionnels qu’il a établis.

    (3) La Commission est tenue de définir des unités correspondant aux groupes et sous-groupes professionnels établis par l’employeur, sauf dans le cas où elles ne constitueraient pas des unités habiles à négocier collectivement au motif qu’elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie.

    (4) L’unité de négociation définie par la Commission ne coïncide pas nécessairement avec le groupe de fonctionnaires visé par la demande d’accréditation :

    58. À la demande de l’employeur ou de l’organisation syndicale concernée, la Commission se prononce sur l’appartenance de tout fonctionnaire ou de toute catégorie de fonctionnaires à une unité de négociation qu’elle a définie, ou sur leur appartenance à toute autre unité. [Non souligné dans l’original.]

[21]     Enfin, les dispositions suivantes régissent la révision des unités de négociation accréditées.

    43. (1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[. . .]

    70. (1) Dans les cas où elle révise la structure des unités de négociation, la Commission tient compte, pour décider si le groupe de fonctionnaires constitue une unité habile à négocier collectivement, de la classification des postes établis par l’employeur et des personnes qu’il emploie, notamment des groupes ou sous-groupes professionnels qu’il a établis.

    (2) La Commission est tenue de définir des unités correspondant aux groupes ou sous-groupes professionnels établis par l’employeur, sauf dans le cas où elles ne constitueraient pas des unités habiles à négocier collectivement au motif qu’elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie.

E.      QUESTIONS EN LITIGE ET ANALYSE

Question 1 : Les qualifications de pilotage étaient‑elles encore obligatoires après la modification de la description de travail des trois postes?

[22]     À l’audience, l’avocat de l’APFC a soutenu que la reclassification des trois postes n’avait pas, dans les faits, éliminé l’exigence que les titulaires des postes possèdent une licence de pilote et aient une expérience récente du pilotage. Il a souligné que les qualifications de pilotage n’étaient expressément indiquées ni dans l’actuelle description ni dans la précédente, mais que l’exigence que les titulaires les possèdent avait été inférée du fait que certaines tâches énoncées dans la description de travail antérieure supposaient le pilotage d’aéronefs.

[23]     Il a affirmé qu’il était erroné de conclure de l’élimination de ces fonctions que les postes reclassifiés n’exigeaient plus les qualifications de pilotage, parce que certaines des fonctions qui continuaient de faire partie de la description ressemblaient beaucoup à celles qui étaient énumérées dans la liste des activités du groupe AO, pour lesquelles « une expérience récente du pilotage d’aéronefs est requise ». Il a fait valoir que cette dernière exigence s’appliquait tout autant aux mêmes activités énoncées dans les nouvelles descriptions de travail et qu’en conséquence ces descriptions continuaient implicitement d’exiger les qualifications de pilotage.

[24]     Je ne suis pas de cet avis. La Commission n’a pas conclu que les nouvelles descriptions de ces trois postes exigeaient implicitement que les titulaires possèdent une licence de pilote et aient une expérience récente du pilotage. D’ailleurs deux des titulaires ne satisfaisaient pas à ces exigences. La Commission a uniquement dit [au paragraphe 31] qu’à l’égard du poste 2, les qualifications de pilotage « aideraient à accomplir les tâches ou, pour reprendre les propos [d’un témoin], [traduction] “seraient utiles” ».

[25]     En vérité, le raisonnement central de la Commission est que, même si l’on excluait les postes reclassifiés du groupe professionnel AO par suite de l’élimination des tâches pour lesquelles les qualifications de pilotage étaient « obligatoires », ces postes pourraient toujours être inclus dans l’unité de négociation AO parce que leurs fonctions principales sont analogues à celles du groupe AO.

[26]     Comme celle de la Commission, mon analyse part du principe que la modification des trois descriptions de travail a eu pour effet de supprimer l’exigence des qualifications de pilotage, et qu’en conséquence la définition du groupe AO excluait ces trois postes du groupe.

Question 2 : La Commission a‑t‑elle outrepassé sa compétence en incluant les postes dans l’unité de négociation AO?

[27]     Selon les demandeurs, la Commission a outrepassé sa compétence lorsque, dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 58, elle a inclus un employé dans une unité de négociation comprenant un groupe professionnel duquel le poste occupé par l’employé était expressément exclu. Selon eux, cela revient à modifier une unité de négociation accréditée, ce que la Commission n’est légalement habilitée à faire que sous le régime de l’article 70.

[28]     Ils soutiennent que la question de savoir si l’article 58 autorise la Commission à rendre des décisions ayant pour effet de modifier la définition d’une unité de négociation est une question ressortissant à la compétence et qu’elle exige une décision correcte : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), aux paragraphes 30, 31 et 59.

[29]     Ils font valoir, subsidiairement, qu’en concluant que l’article 58 lui permettait d’inclure dans une unité de négociation des postes dont la définition les en excluait expressément, la Commission en a fait une interprétation déraisonnable parce que contraire à un principe fondamental de la négociation collective dans la fonction publique, le principe de correspondance entre unités de négociation et groupes professionnels.

[30]     Le seul motif de contrôle que les demandeurs peuvent invoquer, compte tenu des faits en l’espèce, est celui de l’erreur de compétence (Loi sur les Cours fédérales, alinéa 18.1(4)a)). La clause privative énoncée à l’article 51 interdit le contrôle judiciaire pour de « simples » erreurs de droit sous le régime de l’alinéa 18.1(4)c) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5]. En l’absence d’indication contraire, il faut considérer que les mentions de l’absence de compétence ou du refus d’exercer la compétence, à l’alinéa 18.1(4)a), renvoient à la notion d’erreur de compétence élaborée par la common law en matière de contrôle judiciaire des actes administratifs : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, plus particulièrement au paragraphe 19 (Khosa).

[31]     L’alinéa 18.1(4)a) n’établit pas de norme de contrôle applicable à la question de savoir si un tribunal administratif a outrepassé sa compétence. Comme le juge Binnie l’a indiqué dans l’arrêt Khosa (paragraphe 42), à l’égard de cette disposition :

Aucune norme de contrôle n’est précisée. Suivant l’arrêt Dunsmuir, les questions touchant la compétence commandent l’application de la norme de la décision correcte (motifs majoritaires, par. 59).

Il importe néanmoins de souligner que l’excès de compétence d’un tribunal administratif peut prendre deux formes.

[32]     Un tribunal administratif peut, premièrement, avoir « outrepassé sa compétence » en rendant une décision erronée sur une question juridique susceptible de révision suivant la norme de la décision correcte. Ces questions ont été qualifiées de « questions de compétence » ou, pour reprendre la terminologie employée par le juge Binnie dans l’extrait précité de « questions touchant la compétence ». Elles peuvent comprendre des questions relatives aux dispositions de la loi habilitant le tribunal administratif.

[33]     Deuxièmement, même si la question tranchée par le tribunal administratif n’est pas une question de « compétence » au sens de ce qui précède, mais une « simple » question de droit, la Cour peut quand même accueillir une demande de contrôle judiciaire si la décision rendue est déraisonnable.

[34]     Par conséquent, la Commission aura « outrepassé sa compétence » si la Cour conclut que cette dernière devait statuer correctement sur la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 58 l’autorisait à inclure un poste dans une unité de négociation alors que la définition de l’unité l’excluait expressément et que la Cour n’est pas d’accord avec cette conclusion.

[35]     Même si l’interprétation de l’article 58 ne commande pas l’application de la norme de la décision correcte, la Commission aura « outrepassé sa compétence » malgré tout si son interprétation est déraisonnable. Pas plus que les autres tribunaux administratifs, la Commission n’est légalement autorisée à rendre une décision fondée sur une interprétation déraisonnable de sa loi habilitante. Le respect de la primauté du droit exige cette protection minimale contre l’exercice arbitraire d’un pouvoir public par les décideurs administratifs, qu’il y ait ou non clause privative : Khosa, au paragraphe 42.

i) Contrôle suivant la norme de la décision correcte et « question de compétence »

[36]     Des décisions récentes de la Cour suprême du Canada ont clarifié nombre de points se rapportant aux normes de contrôle applicables aux décisions de tribunaux administratifs comme la Commission. S’agissant de la question qui nous occupe, l’établissement de la présomption selon laquelle le contrôle de l’interprétation de sa loi habilitante par un tribunal administratif se fait généralement suivant la norme de la raisonnabilité est particulièrement pertinente : Dunsmuir, aux paragraphes 54 et 55; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32, [2008] 2 R.C.S. 195, au paragraphe 21; Khosa, au paragraphe 25.

[37]     Toutefois, la rétention, dans l’arrêt Dunsmuir (paragraphe 59), de la catégorie des « question[s] de compétence ou de constitutionnalité » commandant l’application de la norme de la décision correcte peut être source de confusion si la définition de ces questions doit se faire indépendamment de l’analyse de la norme de contrôle.

[38]     J’estime qu’il serait difficile de concilier l’analyse pragmatique et fonctionnelle bien établie que la Cour suprême applique en matière de norme de contrôle (maintenant simplifiée et désignée sous un autre nom dans l’arrêt Dunsmuir) avec l’analyse abstraite inhérente aux questions de compétence. Plus particulièrement, si l’analyse relative à la norme de contrôle indique que l’interprétation d’une disposition de sa loi habilitante par un tribunal administratif appelle l’application de la norme de la raisonnabilité, qu’est‑ce qui justifierait de qualifier l’interprétation de « question de compétence » et de lui appliquer la norme de la décision correcte?

[39]     Je vois bien pourquoi il convient d’appliquer la norme de la décision correcte à l’interprétation de dispositions législatives qui distinguent les compétences respectives afférentes à différents régimes administratifs (Dunsmuir, au paragraphe 61), mais je ne puis trouver dans les approches contemporaines du droit administratif relatives au rôle des tribunaux spécialisés et des cours de justice généralistes un raisonnement justifiant de considérer comme une « question de compétence » à laquelle s’applique, conséquemment, la norme de la décision correcte, l’interprétation d’autres dispositions de lois habilitantes ne soulevant pas de « question de droit [. . .] qui revêt “une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise” du décideur administratif » (Dunsmuir, au paragraphe 55).

[40]     Selon moi, le juge Bastarache a bien exposé, au paragraphe 28 de l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, le vide analytique de la notion de « question de compétence » lorsqu’il a écrit :

[. . .] une « erreur de compétence » est simplement une erreur portant sur une question à l’égard de laquelle, selon le résultat de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, le tribunal doit arriver à une interprétation correcte et à l’égard de laquelle il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue.

Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour semble avoir partagé cette façon de voir puisqu’on peut lire, sous la plume des juges Bastarache et LeBel, s’exprimant au nom des juges majoritaires (au paragraphe 29) :

C’est pourquoi lorsque la cour de révision se penche sur l’étendue d’un pouvoir décisionnel ou de la compétence accordée par la loi, l’analyse relative à la norme de contrôle vise à déterminer quel pouvoir le législateur a voulu donner à l’organisme en la matière.

[41]     Pour autant que la Cour suprême ait, dans l’arrêt Dunsmuir, conservé la notion de question de compétence pour désigner les dispositions d’une loi habilitante qui doivent faire l’objet d’une décision correcte de la part du décideur, elle l’a fait de façon très restreinte. Les trois raisons suivantes me portent à cette conclusion.

[42]     Premièrement, il appert clairement des motifs de l’arrêt Dunsmuir (paragraphe 59) que la Cour suprême n’avait pas l’intention de revenir à l’époque antérieure à 1979 où presque toutes les décisions de tribunaux administratifs sur des questions de droit pouvaient être qualifiées de questions de compétence (et l’étaient régulièrement) et, par suite, faire l’objet d’un contrôle judiciaire de novo en dépit de la présence de clauses privatives strictes. Elle a donc répété en l’approuvant (au paragraphe 35) la mise en garde formulée par le juge Dickson (plus tard juge en chef), dans l’arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la page 233, invitant les tribunaux judiciaires à « éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l’assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu’il existe un doute à cet égard ».

[43]     Dans la même veine, la juge Abella a indiqué dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, au paragraphe 88, que fonder sur une « question préliminaire de compétence » l’application de la norme de la décision correcte à l’interprétation de sa loi habilitante par un tribunal administratif :

[. . .] risque de détruire l’essence de la décision et de miner la caractéristique même de l’Office qui lui donne droit au plus haut degré de déférence de la part d’une cour de justice — son expertise.

[44]     Deuxièmement, la Cour a donné une idée de l’éventail restreint des questions dont il s’agissait lorsqu’elle a indiqué (au paragraphe 59) que les questions de compétence se limitent aux « véritable[s] question[s] de compétence ou de constitutionnalité » (je souligne) :

La « compétence » s’entend au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question. Autrement dit, une véritable question de compétence se pose lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question.

[45]     Malgré l’imprécision de phrases comme « faculté du tribunal administratif de connaître de la question » et « l’autorisent à trancher une question » et de phrases analogues figurant dans la jurisprudence antérieure à l’arrêt Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, j’estime que la Cour, dans l’arrêt Dunsmuir, ne voulait pas revenir à cette époque. Cela ressort de façon manifeste des passages précités, où la Cour nie explicitement une telle intention, autant que de la façon dont la Cour a tranché la question qui lui était soumise.

[46]     Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême devait déterminer si un arbitre du travail avait outrepassé sa compétence en allant au‑delà de la lettre mettant fin à l’emploi de M. Dunsmuir et en examinant s’il avait en fait été congédié pour des motifs disciplinaires. Après application des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle, la Cour a conclu (aux paragraphes 66 à 71) qu’il fallait appliquer la norme de la raisonnabilité. Elle a jugé, en dépit de l’existence d’une clause privative, que l’interprétation faite par l’arbitre des dispositions pertinentes de la loi habilitante était déraisonnable et qu’il avait en conséquence outrepassé sa compétence.

[47]     Il est significatif, selon moi, que la Cour n’ait pas dit que l’excès de compétence découlait de ce que l’arbitre n’était pas habilité à examiner ou trancher la question des « véritables raisons » du congédiement. La Cour, en effet, ayant conclu, à l’issue de l’analyse relative à la norme de contrôle, que la norme applicable était celle de la raisonnabilité, n’a pas examiné la possibilité que l’interprétation de la disposition législative en question pût soulever une « question de compétence ». De la même façon, les autres arrêts importants en matière de norme de contrôle rendus après l’arrêt Dunsmuir, à savoir les arrêts Proprio Direct et Khosa, n’examinent pas la possibilité que l’interprétation des dispositions législatives en cause soulève une « question de compétence ».

[48]     Troisièmement, le seul exemple de « véritable question de compétence ou de constitutionnalité » donné dans l’arrêt Dunsmuir est celui de l’arrêt United Taxi Drivers’ Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville), 2004 CSC 19, [2004] 1 R.C.S. 485, dans lequel la Cour devait déterminer si les pouvoirs délégués à la ville de Calgary sous le régime de la Municipal Government Act [R.S.A. 2000, ch. M-26] habilitaient cette dernière à adopter la résolution en cause. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Bastarache a indiqué, au paragraphe 5 :

Les municipalités ne possèdent pas une expertise ou compétence institutionnelle plus grande que les tribunaux pour délimiter leur compétence. L’examen d’une telle question devra toujours se faire selon la norme de la décision correcte : Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., [2000] 1 R.C.S. 342, 2000 CSC 13, par. 29. Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer s’il y a eu excès de pouvoir; une telle démarche ne s’impose que dans le cas où une municipalité exerce une fonction juridictionnelle ou une fonction de prise de décisions de principe.

[49]     Ce passage indique selon moi qu’il faut procéder à une analyse relative à la norme de contrôle lorsqu’il est allégué qu’un tribunal administratif a excédé sa compétence en interprétant erronément une disposition de sa loi habilitante. Il en est ainsi parce que le juge Bastarache n’a écarté le recours à l’« analyse pragmatique et fonctionnelle » (à présent l’analyse relative à la norme de contrôle) pour déterminer s’il y a eu excès de pouvoir que lorsque la mesure législative subordonnée est contestée, mais non lorsque c’est l’exercice d’une « fonction juridictionnelle ou [d’]une fonction de prise de décisions de principe » qui est en cause.

[50]     En conclusion, pour établir que la Commission a outrepassé sa compétence en interprétant erronément une disposition de sa loi habilitante ne soulevant pas de question de droit d’une importance capitale pour le système juridique ou ne délimitant pas ses pouvoirs par rapport à ceux d’un autre tribunal, un demandeur doit démontrer que l’interprétation était déraisonnable.

[51]     La seule réserve que j’apporterais est que le tribunal administratif doit être légalement investi du pouvoir d’interpréter et appliquer la disposition contestée de sa loi habilitante. Toutefois, les tribunaux administratifs exerçant une fonction juridictionnelle, comme la Commission, jouissent habituellement du pouvoir explicite ou implicite de statuer sur toute question de droit qui doit être tranchée pour rendre décision dans l’affaire dont ils sont saisis, y compris sur l’interprétation de leur loi habilitante : Nouvelle‑Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Laseur, 2003 CSC 54, [2003] 2 R.C.S. 504, aux paragraphes 40 et 41.

[52]     À ce stade de l’évolution du droit administratif canadien, il est trop tard, à mon avis, pour invoquer le fantôme des questions de compétences passées afin d’amener la Cour à appliquer la norme de la décision correcte à l’interprétation par un tribunal administratif d’une disposition de sa loi habilitante, sans procéder à une analyse de la norme applicable. L’application de cette norme serait illogique à mon sens lorsque le tribunal administratif dispose du pouvoir d’interpréter la disposition et de l’appliquer aux faits et que l’analyse relative à la norme de contrôle indique que le législateur voulait que le contrôle judiciaire d’une telle interprétation se fasse suivant la norme de la décision raisonnable.

ii) L’interprétation de l’article 58 donne-t-elle lieu à l’application de la norme de la décision correcte?

[53]     Compte tenu de ce qui précède, il faut d’abord établir si la Commission est légalement habilitée à interpréter l’article 58 et à l’appliquer aux faits qui lui sont présentés. En énonçant que la Commission « se prononce sur l’appartenance » (determine every question that arises) d’un fonctionnaire à une unité de négociation qu’elle a approuvée, le législateur lui a expressément conféré le pouvoir d’interpréter l’article 58 afin de statuer sur une demande fondée sur cette disposition.

[54]     Ayant conclu que la Commission a le pouvoir d’interpréter l’article 58, il me faut établir la norme de contrôle applicable à une telle interprétation. Étant donné qu’on ne m’a cité aucune jurisprudence à cet égard, je dois procéder à l’analyse relative à la norme de contrôle. Les quatre facteurs de cette analyse énumérés dans l’arrêt Dunsmuir (au paragraphe 64) indiquent tous, à mon avis, que la déférence s’impose à l’égard de la décision de la Commission.

[55]     Premièrement, l’article 51 de la LRTFP énonce une clause privative stricte. Deuxièmement, comme toute autre loi régissant les relations de travail, la LRTFP a pour objet de faciliter le règlement de différends de façon rapide, économique et relativement peu formaliste : Dunsmuir, aux paragraphes 62, 68 et 69. Troisièmement, le point en litige concerne l’interprétation d’une disposition de la LRTFP, la loi « constitutive » de la Commission et il ne soulève pas de question d’« importance capitale pour le système juridique [et] . . . étrangère au domaine d’expertise » de la Commission (Dunsmuir, au paragraphe 55). Quatrièmement, la Commission est un tribunal administratif indépendant exerçant une compétence spécialisée en relations de travail dans la fonction publique. La question de droit en cause exige de bien comprendre la nature et la portée des catégories professionnelles et leur relation avec les unités de négociation au sein du régime législatif administré par la Commission. Elle relève donc de la compétence spécialisée de la Commission en matière de relations de travail.

[56]     Donc, si la Commission est légalement habilitée à interpréter l’article 58 pour statuer sur une demande fondée sur cette disposition (la « question » dont elle est saisie) et si l’analyse relative à la norme de contrôle indique qu’il y a lieu de faire preuve de déférence à l’égard de cette interprétation, la Cour ne peut l’examiner suivant la norme de la décision correcte comme s’il s’agissait d’une question concernant « l’étendue [. . .] de la compétence accordée par la loi » [Dunsmuir, au paragraphe 29].

[57]     La question de savoir si la Commission est liée de façon absolue par une exclusion donnée d’un groupe professionnel lorsqu’elle rend la décision visée à l’article 58 n’est pas plus une « question de compétence » que ne l’était la question en litige dans l’arrêt Dunsmuir, qui portait sur la capacité d’un arbitre d’examiner les motifs d’un congédiement avec préavis ou indemnité en tenant lieu (aux paragraphes 66 à 71). Comme c’était le cas dans l’arrêt Dunsmuir, la question que devait trancher la Commission pour statuer sur la demande fondée sur l’article 58 n’était qu’une question d’interprétation de sa loi constitutive, censée, de ce fait, être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable.

iii) La norme de la raisonnabilité

[58]     L’interprétation déraisonnable de toute disposition de sa loi habilitante par un tribunal administratif peut également constituer un excès de compétence. Même la plus stricte clause privative ne sera d’aucun secours dans un tel cas. En vertu du principe de la primauté du droit, les tribunaux judiciaires sont chargés de veiller à ce que les droits individuels soient protégés contre les décisions de tribunaux administratifs qui sont dépourvues de fondement juridique rationnel.

[59]     Les demandeurs prétendent que la décision de la Commission d’attribuer les trois postes au groupe AO était déraisonnable parce qu’elle modifiait la définition de l’unité de négociation accréditée sans qu’une demande en ce sens ait été présentée sous le régime de l’article 70. Ils avancent également que la Commission s’est écartée d’un principe fondamental des relations de travail dans la fonction publique fédérale, à savoir que les unités de négociation doivent pratiquement toujours coïncider avec les groupes professionnels établis par l’employeur.

a) contenu de la norme

[60]     L’arrêt Dunsmuir a fondu en une norme unique les anciennes normes de la décision manifestement déraisonnable et de la décision raisonnable simpliciter : voir paragraphes 44 et 45. Cela ne signifie pas pour autant que les décisions des tribunaux administratifs commandant la déférence peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire plus interventionniste : Dunsmuir, au paragraphe 48. Qui plus est, la norme de la raisonnabilité, en dépit de son unicité, est une norme « qui s’adapte au contexte » dans lequel elle s’applique : Khosa, au paragraphe 59.

[61]     Ce « contexte », en l’espèce, comporte une clause privative stricte énoncée à l’article 51, l’absence de directives du législateur, à l’article 58, sur ce qui doit fonder l’inclusion dans une unité de négociation donnée, la connaissance spécialisée de la Commission en matière de relations de travail dans la fonction publique fédérale et la pertinence de cette connaissance pour la question qu’elle devait trancher.

[62]     Il ressort selon moi de ces facteurs que la Cour doit faire preuve d’« un degré élevé de déférence » (Khosa, au paragraphe 46) lorsqu’elle est appelée à déterminer si la décision de la Commission fait partie « des différentes solutions rationnelles acceptables » au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). Si elle en fait partie, la Commission n’a pas outrepassé sa compétence, et la décision ne peut être annulée en vertu de l’alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales.

[63]     Pour décider si la décision qu’elle révise satisfait à la norme de la raisonnabilité, la Cour doit s’attacher principalement aux motifs formulés par la Commission, mais elle doit également examiner le résultat. Comme la Cour suprême l’a indiqué dans l’arrêt Dunsmuir (au paragraphe 47) :

Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

b) application de la norme

[64]     On ne trouve dans le texte de l’article 58 aucune directive explicite concernant le fondement sur lequel « la Commission se prononce sur l’appartenance de tout fonctionnaire [. . .] à une unité de négociation qu’elle a définie, ou sur leur appartenance à toute autre unité ».

[65]     Par contre, lorsqu’il s’agit de la définition initiale de l’unité de négociation sous le régime de l’article 57 ou, subséquemment, de la révision de sa structure suivant l’article 70, la Commission est tenue de veiller à ce que les unités de négociation « correspond[e]nt aux groupes [. . .] professionnels établis par l’employeur », sauf si, de cette façon, « elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie » : paragraphes 57(3) et 70(2).

[66]     Pour obtenir gain de cause, les demandeurs doivent en conséquence établir que la Commission a formulé une interprétation déraisonnable de l’article 58 en n’y incluant pas la directive précitée énoncée aux paragraphes 57(3) et 70(2). Je conviens que [traduction] « “reclassification” et “révision d’une unité de négociation” puissent être en tension » : Christopher Rootham, Labour and Employment Law in the Federal Public Service (Toronto : Irwin Law, 2007), à la page 171 (Rootham). Toutefois, une décision rendue sous le régime de l’article 58 concerne d’abord et avant tout la question de l’inclusion d’un fonctionnaire ou d’une catégorie de fonctionnaires dans une unité de négociation et non la révision exhaustive du bien‑fondé de la constitution d’une unité de négociation établie pour les besoins de la négociation collective. Il n’est donc pas déraisonnable pour la Commission de considérer qu’il n’y a pas lieu d’inclure par interprétation à l’article 58 les directives figurant aux articles 57 et 70, qui doivent être suivies lorsqu’elle définit une unité de négociation ou qu’elle en révise la structure. Il est toujours loisible à l’Alliance et à l’employeur de soumettre une demande fondée sur l’article 43 pour révision de la structure d’une unité de négociation aux termes de l’article 70.

[67]     J’examinerai maintenant les motifs de la Commission pour déterminer si l’on y trouve la « justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité » propres à conférer un caractère raisonnable à la décision. Quatre points doivent être soulignés.

[68]     Premièrement, il est clair que la Commission a examiné le principe invoqué par les demandeurs, à savoir qu’un poste exclu de la définition d’un groupe professionnel ne devrait pas être inclus dans l’unité de négociation représentant ce groupe. Vu l’absence de directives explicites du législateur, la Commission a conclu [au paragraphe 11] que bien qu’il lui faille tenir compte de cette exclusion, elle n’était pas déterminante et ne pouvait en conséquence primer sur la responsabilité que lui imposait la loi de « veiller à la composition appropriée des unités de négociation et en fin d’analyse de décider de cette composition ».

[69]     Deuxièmement, la Commission a signalé qu’étaient exclus de la définition des groupes les postes dont les fonctions principales étaient comprises dans la définition d’un autre groupe. La Commission n’était pas convaincue que si les fonctions principales des trois postes relevaient du groupe AO elle devait automatiquement accorder préséance à l’exclusion explicite énoncée dans la définition de ce groupe et attribuer les postes aux unités de négociation PA ou TC, même si les définitions de ces groupes excluaient les postes dont les fonctions principales étaient comprises dans la définition d’un autre groupe. À mon avis, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission d’examiner les définitions des groupes dans leur ensemble, c’est-à-dire en considérant les éléments inclus et les éléments exclus. Comme l’a indiqué la Commission, il était impossible d’attribuer les postes à un groupe sans faire injure à un aspect ou l’autre des définitions.

[70]     Troisièmement, la Commission a alors eu recours au mode de résolution qu’elle emploie habituellement pour ce genre de différends, et elle a attribué le poste à l’unité de négociation comprenant le groupe professionnel dont les principales fonctions ressemblaient le plus à celles du poste en litige. Les demandeurs ne contestent pas la conclusion de la Commission selon laquelle les principales fonctions du groupe AO correspondaient davantage (« meilleure correspondance ») à celles des postes en litige qu’à celles des groupes PA ou TC. Ils prétendent plutôt que la Commission a outrepassé sa compétence en examinant cette question.

[71]     Quatrièmement, en mentionnant (au paragraphe 42) qu’il n’avait pas été démontré que l’inclusion des postes dans le groupe AO « n’assurerait pas une représentation satisfaisante pour les titulaires » ni que « les postes n’ont pas des intérêts en commun », la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas négligé les conséquences de ses décisions sur les relations de travail.

[72]     Je comprends que le fait de combiner différents groupes professionnels dans une seule unité de négociation puisse causer des problèmes tant à l’agent négociateur qu’à l’employeur, mais ces problèmes ne paraissent pas avoir été la principale raison de l’adoption du principe voulant que les unités de négociation de la fonction publique correspondent habituellement aux groupes professionnels. Lorsque la négociation collective a fait son entrée dans la fonction publique, on considérait inéquitable que (Rootham, à la page 157) :

[traduction] [. . .] des fonctionnaires différents, appartenant au même groupe professionnel et travaillant côte à côte (mais relevant d’unités de négociation différentes) puissent être rémunérés selon des taux de salaire différents.

De semblables écarts pourraient entraîner de graves répercussions sur le moral du personnel (Rootham, à la page 171) et compliquer la négociation.

[73]     Quoi qu’il en soit, les parties pourraient toujours, ainsi qu’il en a été fait mention, s’adresser de nouveau à la Commission pour faire réviser la structure de l’unité de négociation si l’inclusion des trois postes dans l’unité de négociation du groupe AO venait à créer de graves problèmes.

[74]     À mon avis, ni le raisonnement tenu par la Commission ni sa décision elle‑même ne démontrent qu’elle a statué de façon déraisonnable sur la demande de l’APFC fondée sur l’article 58. Les observations suivantes formulées par le juge Binnie dans l’arrêt Khosa (au paragraphe 59) me confortent dans ma position que la Cour n’a pas à intervenir en l’espèce :

Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, elle commande la déférence. Les cours de révision ne peuvent substituer la solution qu’elles jugent elles‑mêmes appropriée à celle qui a été retenue, mais doivent plutôt déterminer si celle‑ci fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable.

F.       CONCLUSIONS

[75]     Pour ces motifs, je rejetterais les demandes de contrôle judiciaire avec dépens.

    La juge Layden-Stevenson, J.C.A. : Je suis d’accord.

* * *

    Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[76]     Le juge Pelletier, J.C.A. (motifs dissidents) : J’ai lu le projet de motifs de mon collègue. Je ne puis toutefois souscrire à sa conclusion que la décision de la Commission est raisonnable. Je suis donc d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire.

[77]     Mon collègue ayant bien décrit les faits, ils ne seront pas répétés dans les présents motifs, par souci de concision.

[78]     La demande soumise à la Commission était fondée sur l’article 58 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la Loi), reproduit ci‑dessous pour plus de commodité :

    58. À la demande de l’employeur ou de l’organisation syndicale concernée, la Commission se prononce sur l’appartenance de tout fonctionnaire ou de toute catégorie de fonctionnaires à une unité de négociation qu’elle a définie, ou sur leur appartenance à toute autre unité.

[79]     Cet article présume qu’il existe des unités de négociation définies. La question afférente à une demande fondée sur l’article 58 est simplement une question d’application des définitions d’unité de négociation existantes. Cela ressort du texte même de la disposition qui exige de la Commission qu’elle « se prononce sur l’appartenance de tout fonctionnaire ou de toute catégorie de fonctionnaires à une unité de négociation qu’elle a définie » (je souligne).

[80]     Lorsqu’elle définit une unité de négociation, une tâche qui lui est assignée par l’article 57 de la Loi, la Commission doit tenir compte de divers facteurs, dont celui des groupes professionnels établis par l’employeur. Pour plus de commodité, voici le texte de l’article 57 :

    57. (1) Saisie d’une demande d’accréditation conforme à l’article 54, la Commission définit le groupe de fonctionnaires qui constitue une unité habile à négocier collectivement.

    (2) Pour décider si le groupe de fonctionnaires constitue une unité habile à négocier collectivement, la Commission tient compte de la classification des postes établis par l’employeur et des personnes qu’il emploie, notamment des groupes ou sous-groupes professionnels qu’il a établis.

    (3) La Commission est tenue de définir des unités correspondant aux groupes et sous-groupes professionnels établis par l’employeur, sauf dans le cas où elles ne constitueraient pas des unités habiles à négocier collectivement au motif qu’elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie.

    (4) L’unité de négociation définie par la Commission ne coïncide pas nécessairement avec le groupe de fonctionnaires visé par la demande d’accréditation.

[81]     Aux termes du mandat qui lui est confié à l’article 57, il incombe à la Commission de déterminer si un groupe « constitue une unité habile à négocier collectivement ». Pour cela, elle doit prendre en considération le système de classification de l’employeur, notamment les groupes et sous‑groupes professionnels, et elle doit établir des unités de négociation qui y correspondent, sauf dans les cas où elles ne permettraient pas une représentation adéquate pour les besoins de la négociation.

[82]     Pour exécuter son mandat, la Commission est autorisée à définir une unité de négociation en termes différents de ceux qui figurent à la demande d’accréditation : voir le paragraphe 57(4). Autrement dit, la Commission n’est pas obligée de répondre par oui ou par non à la demande dont elle est saisie, et elle peut constituer une unité de négociation correspondant à sa conception des relations de négociation appropriées. Cela pour dire que la mise en balance d’intérêts en concurrence — le système de classification de l’employeur d’un côté et le groupement convenant le mieux à la négociation collective de l’autre — a lieu au moment où les unités de négociation sont définies. Lorsque la définition est établie, l’unité ne peut être restructurée qu’au moyen de la demande prévue à l’article 70 de la Loi.

[83]     En l’espèce, la définition de l’unité de négociation comporte deux exclusions. Suivant la première, les « postes exclus du groupe Navigation aérienne sont ceux dont la principale raison d’être est comprise dans la définition de tout autre groupe ». Cette exclusion figure dans chaque description de groupe professionnel et, donc, je présume, dans celle de chaque unité de négociation. C’est le fondement de la méthode de la « meilleure correspondance », que la Commission a cherché à appliquer en l’espèce. Dans un contexte de classification où les descriptions sont nécessairement générales et peuvent être imprécises, cette exclusion vise à créer des catégories mutuellement exclusives. Il s’agit en fait d’une règle servant au départage dans les cas où un poste ou un groupe peut correspondre à plus d’un groupe occupationnel.

[84]     Suivant la deuxième exclusion « [s]ont aussi exclus les postes pour lesquels il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience comme pilote d’aéronef et une licence valide de pilote ». On peut présumer que cette exclusion visait à créer ou reconnaître soit une qualification professionnelle ou une communauté d’intérêts. La Commission avait le pouvoir discrétionnaire de supprimer cette exigence, figurant à la description du groupe professionnel, de la définition de l’unité de négociation si elle pensait qu’en agissant ainsi elle ferait disparaître un élément nuisible à une représentation satisfaisante. Elle ne l’a pas fait.

[85]     Les exclusions se rencontrent fréquemment dans les définitions de groupes ou sous‑groupes professionnels. La définition du groupe Services techniques, citée ici à titre d’exemple uniquement, comporte les exclusions suivantes :

Les postes exclus du groupe Services techniques sont ceux dont la principale raison d’être est comprise dans la définition d’un autre groupe ou ceux dont l’une ou plusieurs des activités suivantes sont primordiales :

1.   planification, tenue ou évaluation de levés directeurs, cartographiques ou géodésiques, et planification ou réalisation de levés légaux de biens immobiliers;

2.   planification, conception, construction ou maintenance de processus, de systèmes, de structures ou d’équipements physiques ou chimiques; et élaboration ou application de normes ou de procédures d’ingénierie;

3.   exécution de tâches manuelles, par exemple nettoyage d’équipement de laboratoire, assistance dans les tâches liées aux autopsies et effectuées dans les morgues, soin et alimentation d’animaux de laboratoire;

4.   réalisation d’activités administratives, par exemple gestion et planification des programmes, des ressources humaines ou des finances, qui n’exigent pas l’application des principes décrits dans les postes inclus; et gestion administrative des immeubles, des terrains et des installations connexes;

5.   réalisation de travaux d’expérimentation, d’enquête ou de recherche et développement en électronique;

6.   exercice de leadership pour des activités liées aux fonctions de maintenance et de réparation qui n’exigent pas les connaissances indiquées dans les postes inclus;

7.   utilisation d’appareils de duplication ou de reproduction, de machines et d’accessoires de projection cinématographique et de bancs de reproduction pour l’impression offset ou la duplication;

8.   planification, élaboration, installation et maintenance de systèmes de traitement en technologie de l’information utilisés pour la gestion, l’administration ou le soutien des programmes et activités du gouvernement;

9.   application de technologies électroniques à la conception, la construction, l’installation, l’inspection, l’entretien et la réparation d’équipements, de systèmes et d’installations électroniques ou autres; et élaboration et application de règlements et de normes régissant l’utilisation de ces équipements.

Sont également exclus les postes exigeant de l’expérience à titre de pilote et un brevet valide de pilote.

[86]     Cette longue liste indique clairement que les éléments exclus importent tout autant que les inclus dans la définition des groupes professionnels. Il est tout aussi évident que les exclusions sont formulées en termes généraux et que la Commission pourra de ce fait être appelée à les interpréter lorsqu’elle applique la définition d’une unité de négociation sous le régime de l’article 58, afin d’établir ce qui constitue l’unité de négociation appropriée. Toutefois, comme on peut le voir en l’espèce, il existe également des exclusions claires, lesquelles peuvent en outre avoir leur contrepartie dans les descriptions d’autres groupes professionnels, comme l’exclusion énoncée dans la définition du groupe Services techniques, visant les postes exigeant de l’expérience à titre de pilote et un brevet valide de pilote.

[87]     Pour récapituler, il appartient à la Commission de définir l’unité de négociation appropriée en tenant compte des groupes professionnels de l’employeur et des exigences de la négociation collective. Lorsque les unités de négociation ont été définies, il incombe à la Commission, en application de l’article 58, d’appliquer les définitions aux faits se rapportant à un poste ou à un groupe donné. Rien dans l’article 58 n’autorise la Commission à examiner de nouveau la justesse de la définition de l’unité de négociation. Cet examen ne peut se faire que sur demande, conformément à l’article 70 de la Loi.

[88]     En l’espèce, la Commission a commis une erreur de fond dans l’interprétation de son obligation légale lorsqu’elle a rejeté l’argument selon lequel l’exclusion se rapportant à une licence valide de pilote était déterminante en disant, au paragraphe 11 de ses motifs :

    Assurément, il s’agit d’une approche trop simpliste, qui empêcherait la Commission des relations de travail dans la fonction publique [. . .] de remplir l’une de ses obligations législatives, soit de veiller à la composition appropriée des unités de négociation et en fin d’analyse de décider de cette composition.

[89]     Certes, il entre dans les obligations légales de la Commission de se prononcer sur la composition appropriée des unités de négociation. Cette obligation est formulée aux articles 57 et 70 de la Loi. La Commission a aussi l’obligation, définie à l’article 58 de la Loi, de résoudre les questions d’inclusion ou d’exclusion concernant les unités de négociation qu’elle a définies. Autrement dit, elle doit appliquer la définition des unités de négociation qu’elle a établie en application de l’article 57 à un nouveau poste ou groupe ou à un poste ou groupe existant dont les caractéristiques ont changé. Elle doit nécessairement exécuter cette tâche en se fondant sur les définitions établies en vertu de l’article 57 puisque rien dans l’article 58 ne lui attribue le mandat de redéfinir les unités de négociation. En l’espèce, la Commission a considéré à tort la tâche à accomplir en application de l’article 58 comme s’il s’agissait de définir l’unité habile à négocier sous le régime de l’article 57.

[90]     L’erreur entachant le raisonnement de la Commission procède de ce qu’elle n’a pas distingué entre les critères de forme et les critères fonctionnels. La plupart du temps, les définitions de groupes professionnels reposent sur des critères fonctionnels (c.‑à‑d. les fonctions et responsabilités des membres du groupe). Il est toutefois possible d’inclure des membres dans un groupe ou de les en exclure au moyen de certains critères de forme (p. ex. la possession d’une licence valide de pilote). Il n’existe pas nécessairement de corrélation entre les caractéristiques fonctionnelles et les caractéristiques de forme.

[91]     L’exclusion d’un poste en raison de sa « principale raison d’être » nécessite de comparer les caractéristiques fonctionnelles du poste ou groupe à celles de l’unité de négociation. Parce qu’elle est étrangère aux fonctions ou à la raison d’être, une exclusion fondée sur des critères de forme ne sera jamais déterminante s’il y a une compatibilité élevée entre les deux ensembles de caractéristiques. L’exclusion reposant sur des critères de forme sera donc invariablement subordonnée à la comparaison des éléments fonctionnels.

[92]     Pour que l’exclusion fondée sur des caractéristiques formelles ait le moindre effet, elle doit être prise en compte indépendamment de toute comparaison d’ordre fonctionnel. L’analyse visant à déterminer si un poste ou un groupe entre dans la définition d’une unité de négociation doit commencer par la présence ou l’absence des critères de forme énoncés. En l’espèce, il faut se demander si l’expérience de pilotage et la possession d’une licence valide de pilote sont des éléments obligatoires de la description du poste ou du groupe et, si ce n’est pas le cas, le poste ou groupe est exclu de l’unité de négociation de la navigation aérienne. En l’espèce, ces critères ne sont pas obligatoires et, compte tenu de la définition de l’unité de négociation, les postes étaient exclus de l’unité de négociation de la navigation aérienne. Il est déraisonnable de conclure qu’ils pourraient être ramenés dans cette unité de négociation par application de critères fonctionnels agissant indépendamment de l’exclusion formelle. Autrement dit, la conclusion qu’un poste peut être inclus dans une unité de négociation dont il est expressément exclu ne fait pas partie des issues raisonnables possibles.

[93]     Par conséquent, je suis d’avis qu’il était déraisonnable d’inclure dans l’unité de négociation de la navigation aérienne des postes qui en étaient expressément exclus comme l’a fait la Commission. On ne saurait appartenir à un groupe dont on est expressément exclu. En conséquence, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision de la Commission et je renverrais l’affaire à la Commission pour qu’elle rende une nouvelle décision tenant compte des présents motifs.

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