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[2012] 4 R.C.F. 99

A-149-10

2011 CAF 40

Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (appelant)

c.

Zafar Shahid (intimé)

Répertorié : Shahid c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour d’appel fédérale, juges Noël, Pelletier et Trudel, J.C.A.—Toronto, 11 janvier; Ottawa, 3 février 2011.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Interprétation de l’expression « équivalent temps plein » — Appel de la décision de la Cour fédérale autorisant un contrôle judiciaire à l’encontre de la décision d’un agent d’immigration qui a refusé la demande de résidence permanente de l’intimé dans la catégorie des travailleurs qualifiés — L’intimé n’a pas atteint le seuil minimal de 67 points, étant donné que son épouse ne s’est vu attribuer aucun point pour un diplôme — La Cour fédérale a conclu que la décision de l’agent d’immigration était déraisonnable et a certifié la question relative à l’interprétation de l’expression « équivalent temps plein » aux termes de l’art. 78(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — La Cour fédérale a-t-elle considé à tort que l’épouse de l’intimé satisfait aux exigences du Règlement en matière d’études? — D’après la définition du Règlement, l’expression « équivalent temps plein » ne vaut que pour les personnes qui font des études à temps partiel ou des études accélérées; les personnes dans cette situation qui obtiennent un diplôme sont réputées avoir étudié un nombre d’heures équivalent à celui des personnes qui obtiennent le même diplôme à la suite d’études à temps plein — La définition ne prévoit aucune autre forme d’équivalence — La Cour fédérale a méconnu la restriction de la définition — Il n’y a en l’espèce aucun écart en ce qui concerne le nombre d’heures d’études — L’équivalence indiquée par la Cour fédérale porte sur le mode d’études, plutôt que sur le temps requis pour les compléter — La définition ne fonctionne pas de cette façon — Par ailleurs, la Cour fédérale n’a pas tenu compte de définitions connexes du Règlement — Suivant l’interprétation correcte de la définition de l’expression « équivalent temps plein », l’épouse de l’intimé ne satisfait pas aux deux conditions prévues à l’art. 78(2)(d)(ii), en ce qu’elle n’a ni obtenu un diplôme au sens du Règlement, ni accumulé quatorze années d’études à temps plein ou « l’équivalent temps plein » — Il s’ensuit que la Cour fédérale a commis une erreur en intervenant à l’encontre de la décision de l’agent d’immigration — En ce qui concerne la question certifiée, la définition de l’expression « équivalent temps plein » exige que l’on tienne compte à la fois de la nature et de l’aspect quantitatif de la formation reçue par l’intéressé — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale faisant droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par l’intimé de la décision d’un agent d’immigration qui a refusé sa demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés. L’intimé a recueilli 63 points, mais le seuil minimal pour être considéré comme faisant partie de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est de 67 points. L’agent d’immigration ne lui a accordé aucun point pour le diplôme de son épouse au titre de la capacité d’adaptation. L’intimé soutient que l’agent aurait dû lui accorder quatre points de plus, ce qui lui aurait permis d’atteindre le seuil minimal de 67 points, parce que son épouse satisfaisait aux exigences du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. La Cour fédérale a conclu que le refus de l’agent d’immigration d’attribuer les 4 points était déraisonnable. Elle a certifié la question de portée générale à savoir si la définition de l’expression « équivalent temps plein » figurant au paragraphe 78(2) du Règlement appelle simplement l’appréciation des délais qui auraient été nécessaires pour qu’un étudiant inscrit à plein temps puisse compléter un programme scolaire particulier ou appelle également la prise en compte de la nature et de l’aspect quantitatif de la formation suivie par l’intéressé.

Il s’agissait d’établir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la décision de l’agent d’immigration était déraisonnable et que l’intimé avait le droit de se voir attribuer les 4 points. Il fallait également répondre à la question certifiée.

Arrêt : L’appel doit être accueilli.

La question qui se posait était la suivante : La définition de l’expression « équivalent temps plein » figurant au Règlement s’étend-elle aussi à ceux qui achèvent avec succès leurs études par eux-mêmes, au moyen de l’autoapprentissage? À première vue, la définition de l’expression « équivalent temps plein » ne vaut que pour les personnes qui font des « études à temps partiel ou des études accélérées », et prévoit simplement qu’après avoir obtenu un « diplôme », ces personnes se voient créditer le nombre d’heures d’enseignement qui auraient été nécessaires pour obtenir le même diplôme si elles avaient étudié à temps plein. En définitive, la personne qui obtient un diplôme à la suite « d’études à temps partiel ou d’études accélérées » est réputée avoir étudié un nombre d’heures équivalent à celui de la personne qui obtient le même diplôme à la suite d’études à temps plein. La définition ne prévoit aucune autre forme d’équivalence.

L’interprétation retenue par la Cour fédérale méconnaît cette restriction. Il n’y avait, en l’espèce, aucun écart entre ce qui concerne le nombre d’heures d’études, puisque l’épouse de l’intimé a pris deux ans pour obtenir un diplôme qui nécessite normalement deux ans d’études à temps plein. Il n’y avait donc pas d’équivalence d’heures à calculer. L’équivalence indiquée par la Cour fédérale porte sur le mode d’études plutôt que sur le temps requis pour les compléter. La définition ne fonctionne pas de cette façon. Par ailleurs, l’interprétation de la Cour fédérale ne tenait pas compte de la définition d’autres termes, comme « études », à l’article premier, ou « diplôme », à l’article 73. Selon la Cour fédérale, la définition de l’expression « équivalent temps plein » s’appliquerait, peu importe que ces conditions soient remplies ou non. Suivant l’interprétation correcte de la définition de l’expression « équivalent temps plein », l’épouse de l’intimé ne satisfaisait pas aux deux conditions prévues au sous-alinéa 78(2)(d)(ii) du Règlement, en ce sens qu’elle n’a ni obtenu un diplôme au sens du Règlement, ni accumulé 14 années d’études à temps plein ou « l’équivalent temps plein ». Il s’ensuit que la Cour fédérale a commis une erreur en intervenant à l’encontre de la décision de l’agent d’immigration.

En ce qui a trait à la question certifiée, la définition de l’expression « équivalent temps plein » s’applique lorsqu’il existe un écart entre le temps qu’une personne a pris pour obtenir un « diplôme » et le temps nécessaire pour obtenir le même diplôme à temps plein en ayant suivi des cours à temps plein ou effectué des études accélérées dans un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités. Il s’ensuit que la définition exige que l’on tienne compte à la fois de la nature et de l’aspect quantitatif de la formation reçue par l’intéressé.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 12(2).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 1 « études », 73 « diplôme », 75(1) (mod. par DORS /2004-167, art. 80(F)), 78(1) « équivalent temps plein », « temps plein », (2)d)(ii).

JURISPRUDENCE CITÉE

 décision appliquée :

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27.

DOCTRINE CITÉE

Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., Toronto : Oxford University Press, 2004, « paper ».

APPEL à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2010 CF 130) faisant droit à la demande de contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration qui a refusé à l’intimé sa demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Appel accueilli.

ONT COMPARU

Alexis Singer et Ada Mok pour l’appelant.

Cathryn D. Sawicki pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.

Green and Spiegel LLP, Toronto, pour l’intimé.

  Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Noël, J.C.A. : La Cour est saisie de l’appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) d’une décision par laquelle le juge O’Reilly de la Cour fédérale [2010 CF 130] (le juge de première instance) a fait droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Zafar Shahid (l’intimé) à l’encontre de la décision d’un agent d’immigration qui a refusé sa demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés.

[2]        Le paragraphe 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 prévoit qu’un étranger peut être sélectionné pour devenir résident permanent en tant que membre de la catégorie « immigration économique » en fonction de sa capacité à réussir son établissement économique au Canada. Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR) énonce les critères applicables aux immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés (paragraphe 75(1) [mod. par DORS/2004-167, art. 80(F)]) :

75. (1) […] personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

Catégorie

[3]        Pour déterminer si un travailleur qualifié réussira son établissement économique au Canada, le RIPR prévoit divers critères auxquels sont associés un nombre précis de points. Le demandeur doit recueillir un minimum de 67 points pour être considéré comme faisant partie de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

[4]        En l’espèce, l’intimé a recueilli 63 points. L’agent d’immigration ne lui a accordé aucun point pour le diplôme de son épouse au titre de la capacité d’adaptation. L’intimé soutient que l’agent aurait dû lui accorder 4 points de plus, ce qui lui aurait permis d’atteindre le seuil minimal de 67 points, parce que son épouse satisfaisait aux exigences du RIPR en ce qui concerne les études.

[5]        Le juge de première instance s’est dit d’accord avec l’intimé et a annulé la décision de l’agent d’immigration au motif que son refus d’attribuer les quatre points en question était déraisonnable.

DISPOSITIONS APPLICABLES DU RIPR

[6]        Pour pouvoir avoir droit aux 4 points en question, il fallait que l’épouse de l’intimé satisfasse aux exigences du sous-alinéa 78(2)d)(ii) du RIPR :

78. […]

Études (25 points)

(2) […]

d) […]

(ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

[7]        Le terme « diplôme » est défini comme suit à l’article 73 :

73. […]

Définitions

« diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer de tels établissements dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat.

« diplôme »

educational credential

[8]        L’article premier définit comme suit le terme « études » :

1. […]

Définitions

« études » Études dans une université ou un collège ou cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

« études »

studies

[9]        Enfin, la définition des expressions « temps plein » et « équivalent temps plein » se trouvent au paragraphe 78(1) du RIPR :

78. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

Définitions

« équivalent temps plein » Par rapport à tel nombre d’années d’études à temps plein, le nombre d’années d’études à temps partiel ou d’études accélérées qui auraient été nécessaires pour compléter des études équivalentes.

« équivalent temps plein »

full-time equivalent

« temps plein » À l’égard d’un programme d’études qui conduit à l’obtention d’un diplôme, correspond à quinze heures de cours par semaine pendant l’année scolaire, et comprend toute période de formation donnée en milieu de travail et faisant partie du programme.

« temps plein »

full-time

[10]      L’issue du présent appel dépend essentiellement du sens que l’on donne aux deux dernières définitions.

LA DÉCISION SOUS APPEL

[11]      Le juge de première instance a fait brièvement allusion au système d’éducation du Pakistan. Il a observé que les candidats au baccalauréat qui s’inscrivent comme « étudiants externes » (les candidats externes) peuvent obtenir leur diplôme sans avoir à se présenter en classe, que ce soit à temps plein ou à temps partiel (motifs, au paragraphe 8). À cet égard, il ressort de la preuve que les candidats externes [traduction] « ne sont pas obligés de se présenter en classe, d’effectuer des lectures obligatoires ou de remettre des travaux; ils n’ont qu’à se présenter à un examen pour chaque matière étudiée ». Le candidat externe qui veut se présenter à un examen doit : i) s’inscrire à une séance d’examen prévue à l’horaire; ii) remplir le formulaire approprié; et iii) acquitter les droits exigés. Une fois inscrit à l’examen, le candidat externe peut se préparer à l’examen en étudiant par lui-même ou avec l’aide d’un tuteur privé (affidavit de l’agent d’immigration, dossier d’appel, à la page 584, paragraphes 4 et 5).

[12]      Pour distinguer un « candidat externe » d’un étudiant « régulier », on peut notamment comparer leur relevé de notes respectif. Le relevé de notes de l’étudiant régulier indique entre autres le programme auquel il est inscrit, l’année où il s’est présenté aux examens, l’établissement qu’il a fréquenté et ses résultats généraux. En revanche, le relevé de notes d’un candidat externe identifie l’étudiant sans donner le nom d’un établissement ou d’un collège affilié quelconque (affidavit de l’agent d’immigration, dossier d’appel, à la page 585, paragraphes 6 et 7).

[13]      Le juge de première instance a rendu sa décision en partant du principe que l’épouse de l’intimé était une candidate externe. Il a fait observer qu’il était évident qu’elle ne satisfaisait pas à la définition de « temps plein » étant donné qu’elle n’avait pas présenté de preuve de sa présence en classe pendant 15 heures par semaine. Cependant, même si elle n’avait pas accumulé 14 années d’« études à temps plein », l’agent devait vérifier si elle satisfaisait quand même à la définition d’« équivalent temps plein ». Le juge de première instance s’est dit d’avis que l’épouse de l’intimé pouvait répondre à la définition d’« équivalent temps plein » qu’elle ait étudié par elle-même ou qu’elle se soit inscrite à un cours formel (motifs, au paragraphe 9) :

Même si elle a étudié ailleurs, ou par elle-même, que ce soit à temps partiel ou dans un programme accéléré, il me semble qu’elle pourrait satisfaire à la définition d’« équivalent temps plein » si elle prouvait que le diplôme qu’elle a obtenu nécessiterait normalement 14 ans d’études à temps plein. En l’espèce, la preuve a révélé qu’elle s’était présentée à des examens sur une période de deux ans et qu’elle avait obtenu un diplôme qui nécessite normalement deux ans d’études à temps plein. Elle a présenté une preuve pour ses 12 années d’études à temps plein précédant son diplôme universitaire.

[14]      Appliquant ce raisonnement, le juge de première instance a estimé que la décision de l’agent d’immigration était déraisonnable parce que la preuve révélait que l’épouse de l’intimé avait réussi des examens et obtenu un diplôme qui nécessite normalement deux ans d’études à temps plein (motifs, aux paragraphes 7 et 9). L’intimé avait donc droit à 4 points à ce titre. Le juge de première instance a par conséquent fait droit à la demande de contrôle judiciaire et a renvoyé l’affaire à un autre agent d’immigration en lui donnant pour instructions de la réexaminer conformément aux exigences réglementaires telles qu’il les interprétait.

[15]      Le juge de première instance a certifié la question de portée générale suivante :

[traduction] La définition de l’expression « équivalent temps plein » figurant au paragraphe 78(2) du [RIPR] appelle-t-elle simplement l’appréciation des délais qui auraient été nécessaires pour qu’un étudiant inscrit à plein temps puisse compléter un programme scolaire particulier? Ou appelle-t-elle aussi la prise en compte de la nature et de l’aspect quantitatif de la formation suivie par l’intéressé?

POSITION DES PARTIES

[16]      L’appelant soutient que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que la définition d’« équivalent temps plein » s’appliquait aux faits de la présente affaire. L’appelant affirme que, pour que cette définition s’applique, l’intimé devait présenter des éléments de preuve démontrant que son épouse avait fréquenté à temps partiel un établissement d’enseignement pendant une longue période de temps ou qu’elle avait étudié de façon plus intensive pendant une période plus courte pour achever ses études. Le libellé de la définition ne se prête à aucune autre interprétation.

[17]      Il s’ensuit que le juge de première instance ne pouvait se fonder sur cette définition pour conclure que le diplôme de l’épouse de l’intimé était pris en compte pour le calcul des 14 années d’études qu’elle devait avoir complétées pour que l’intimé puisse se voir attribuer 4 points pour ses études.

[18]      L’intimé adopte pour sa part le point de vue que le juge de première instance a correctement interprété et appliqué la notion d’« équivalent temps plein ». Suivant l’intimé, « l’autoapprentissage » et les « études à temps partiel » sont inclus dans la notion d’« équivalent temps plein » et c’est à bon droit que le juge de première instance a appliqué cette définition aux faits de l’espèce.

[19]      À titre subsidiaire, l’intimé affirme que, pour obtenir son diplôme, son épouse a effectivement suivi des cours et remis des travaux au collège Sir Syed, établissement d’enseignement affilié à l’Université de Karachi. À l’appui de son argument, l’intimé cite le relevé de notes de son épouse, qui indique clairement qu’elle s’est inscrite à un cours d’études islamiques et à un cours d’études pédagogiques avec la mention « Paper I » dans chaque cas. Suivant l’intimé, on peut raisonnablement en déduire que l’épouse de l’intimé a effectué des [traduction] « travaux pratiques » et des examens, étant donné qu’elle devait s’acquitter de diverses obligations pour pouvoir obtenir son diplôme (mémoire de l’intimé, au paragraphe 23).

ANALYSE ET DÉCISION

[20]      Abordant tout d’abord la dernière question, je constate que le juge de première instance n’a pas considéré que l’épouse de l’intimé avait suivi des cours dans un établissement d’enseignement reconnu ou qu’elle avait fait des travaux, étant donné qu’il a rendu sa décision en partant du principe qu’elle était une candidate externe. Je ne décèle aucune erreur à cet égard.

[21]      La mention du mot « paper » dans le relevé de notes de l’épouse ne signifie pas nécessairement qu’elle a effectué des travaux ou des [traduction] « travaux pratiques » comme l’intimé le prétend. Suivant le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., Toronto : Oxford University Press, 2004, le mot anglais « paper » peut également s’entendre d’une [traduction] « série de questions posées dans le cadre d’un examen ». L’avocate n’a pas réussi à expliquer pourquoi le mot « paper » que l’on trouve dans le relevé de notes devrait être interprété comme elle le propose.

[22]      De plus, lorsqu’on compare le bulletin de notes de l’épouse de l’intimé avec celui de ce dernier, qui a fréquenté le National Government College, on constate que, contrairement à son mari, elle y est qualifiée de « candidate externe » et qu’aucune mention n’est faite en ce qui concerne un établissement qu’elle aurait pu fréquenter.

[23]      L’intimé s’est également fondé sur une lettre en date du 2 janvier 2008 dans laquelle le registraire de l’Université de Karachi atteste que le diplôme obtenu par l’épouse de l’intimé en 1985 [traduction] « équivaut à un diplôme universitaire nécessitant deux années d’études et à 14 années d’études à temps plein ».

[24]      Je ne crois pas que cette lettre puisse être utile pour l’intimé puisqu’il est évident qu’elle a été formulée pour donner un avis sur la question précise à trancher en l’espèce.

[25]      La question centrale à trancher dans le présent appel porte sur l’interprétation de la définition de l’expression « équivalent temps plein ». Il s’agit d’une pure question d’interprétation des lois qui doit être tranchée selon la norme de la décision correcte. Pour établir le sens et l’effet de cette définition, la Cour doit tenir compte du fait que (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21) :

[traduction] […] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[26]      Il est acquis aux débats que la définition de l’expression « équivalent temps plein » s’applique aux personnes qui ont obtenu un diplôme à la suite « d’études à temps partiel ou d’études accélérées ». La question qui se pose est celle de savoir si la définition s’étend aussi à ceux qui achèvent avec succès leurs études par eux-mêmes en [traduction] « étudiant par eux-mêmes », pour reprendre l’expression employée par les parties, ou en se livrant à ce qu’on pourrait appeler plus justement « de l’autoapprentissage ».

[27]      Le juge de première instance a répondu à cette question par l’affirmative. Il a estimé que la définition s’appliquait indépendamment de la manière dont le diplôme était obtenu (motifs, au paragraphe 9).

[28]      À première vue, la définition de l’expression « équivalent temps plein » ne vaut que pour les personnes qui font des « études à temps partiel ou [des] études accélérées ». Cette définition prévoit simplement qu’après avoir obtenu un « diplôme » (c.-à-d. un diplôme universitaire dans le cas qui nous occupe), ces personnes se voient créditer le nombre d’heures d’enseignement qui auraient été nécessaires pour obtenir le même diplôme si elles avaient étudié à temps plein. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, on a affaire à un diplôme universitaire, le terme « études » s’entend d’« [é]tudes dans une université » (voir la définition d’« études » citée au paragraphe 8).

[29]      Ainsi, la personne qui est aux études à temps partiel et qui obtient un diplôme universitaire après deux ans d’études dans des circonstances dans lesquelles le même diplôme peut être obtenu à temps plein après un an est réputée avoir suivi « 15 heures de cours par semaine » pendant une seule année. En revanche, la personne qui fait des études accélérées et qui obtient un diplôme après un an d’études, dans des circonstances dans lesquelles le même diplôme peut être obtenu à temps plein après deux ans, est réputée avoir suivi « 15 heures de cours par semaine » pendant deux ans.

[30]      En définitive, la personne qui obtient un diplôme à la suite « d’études à temps partiel ou d’études accélérées » est réputée avoir étudié un nombre d’heures équivalent à celui de la personne qui obtient le même diplôme à la suite d’études à temps plein. Fait significatif à signaler, la définition ne prévoit aucune autre forme d’équivalence.

[31]      L’interprétation retenue par le juge de première instance méconnaît cette restriction. Il n’y a en l’espèce aucun écart en ce qui concerne le nombre d’heures d’études, puisque comme le juge l’a lui-même reconnu, l’épouse de l’intimé a pris deux ans pour obtenir un diplôme qui nécessite normalement deux ans d’études à temps plein (motifs, au paragraphe 9). Il n’y avait donc pas d’équivalence d’heures à calculer. L’équivalence indiquée par le juge de première instance porte sur le mode d’études plutôt que sur le temps requis pour les compléter. La définition ne fonctionne pas de cette façon.

[32]      Par ailleurs, l’interprétation que le juge de première instance propose ne tient pas compte de la définition du mot « études » qui, dans le cas d’un diplôme universitaire, s’entend des « [é]tudes dans une université » [non souligné dans l’original]. Elle ne tient pas compte non plus de la définition de l’expression « diplôme » à l’article 73 (voir, plus haut, au paragraphe 7), soit « [t]out diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études […] offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités » [non souligné dans l’original]. Si l’on suit le raisonnement du juge de première instance, la définition de l’expression « équivalent temps plein » s’appliquerait, peu importe que ces conditions soient remplies ou non.

[33]      Suivant l’interprétation correcte de la définition de l’expression « équivalent temps plein », l’épouse de l’intimé ne satisfaisait pas aux deux conditions prévues au sous-alinéa 78(2)d)(ii), en ce sens qu’elle n’a ni obtenu un diplôme au sens du RIPR ni accumulé 14 années d’études à temps plein ou « l’équivalent temps plein ». Il s’ensuit que l’agent d’immigration a tiré la bonne conclusion et que le juge de première instance a commis une erreur en intervenant.

[34]      Je suis par conséquent d’avis d’accueillir l’appel, d’annuler la décision du juge de première instance, de rétablir la décision de l’agent d’immigration et de répondre comme suit à la question certifiée :

La définition de l’expression « équivalent temps plein » s’applique lorsqu’il existe un écart entre le temps qu’une personne a pris pour obtenir un « diplôme » (au sens de la définition du Règlement) et le temps nécessaire pour obtenir le même diplôme à temps plein en ayant suivi des cours à temps partiel ou effectué des études accélérées dans un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités. Il s’ensuit que la définition exige que l’on tienne compte à la fois de la nature et de l’aspect quantitatif de la formation reçue par l’intéressé.

Le juge Pelletier, J.C.A. : Je suis d’accord.

La juge Trudel, J.C.A. : Je suis d’accord.

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