Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

IMM-3296-00

Ali Abdalla Ali (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

Répertorié: Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Tremblay-Lamer-- Ottawa, 7 novembre 2000.

Citoyenneté et Immigration -- Contrôle judiciaire -- Conditions d'autorisation -- Vu qu'il n'y a pas de juge disponible pour entendre l'affaire, il est impossible de respecter l'exigence de l'art. 82.1(7) de la Loi sur l'immigration suivant laquelle l'affaire doit être entendue dans les 90 jours de la date à laquelle l'autorisation a été accordée -- L'obligation d'équité envers le demandeur l'emporte sur la difficulté de fixer une date -- L'autorisation est accordée et l'affaire doit être entendue dès que possible -- Le mot «shall» dans la version anglaise de l'art. 82.1(7) de la Loi est interprété comme ayant un caractère directif plutôt qu'impératif; la Cour ne perd donc pas compétence.

Interprétation des lois -- Art. 82.1(7) de la Loi sur l'immigration -- Vu qu'il n'y a pas de juge disponible pour entendre l'affaire, il est impossible de respecter l'exigence de l'art. 82.1(7) de la Loi suivant laquelle l'affaire doit être entendue dans un délai de 90 jours -- L'autorisation est accordée malgré tout et l'affaire doit être entendue dès que possible -- Le mot «shall» dans la version anglaise de l'art. 82.1(7) de la Loi est interprété comme ayant un caractère directif plutôt qu'impératif; la Cour ne perd donc pas compétence -- Lorsque les dispositions d'une loi se rapportent à l'exécution d'un devoir public et que, dans un cas donné, déclarer nuls et non avenus des actes accomplis par manquement à ce devoir entraînerait, pour des personnes qui n'ont aucun contrôle sur ceux chargés de ce devoir, une injustice ou des inconvénients généraux graves, et en même temps n'aiderait pas à atteindre l'objet visé par le législateur, on conclut habituellement que ces dispositions ne sont que directives: McCain Foods Ltd. c. Canada (Office national des transports); Montreal Street Railway Co. v. Normandin -- Bien qu'en l'espèce, il soit question non pas d'un manquement, mais d'une simple impossibilité, cette théorie est applicable.

lois et règlements

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 82.1(6) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), (7) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73).

jurisprudence

décisions appliquées:

McCain Foods Ltd. c. Canada (Office national des transports), [1993] 1 C.F. 583; (1992), 8 Admin. L.R. (2d) 184; 152 N.R. 166 (C.A.); Montreal Street Railway Company v. Normandin, [1917] A.C. 170 (C.P.).

FIXATION d'une date d'audition de la demande de contrôle judiciaire lorsque le délai de 90 jours prévu au paragraphe 82.1(7) de la Loi sur l'immigration ne peut être respecté parce qu'il n'y a pas de juge disponible pour entendre l'affaire. Délivrance d'une ordonnance portant que l'affaire doit être entendue promptement dès que cela s'avère possible.

ont comparu:

Micheal T. Crane pour le demandeur.

Marcel R. Larouche pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Micheal T. Crane, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]Le juge Tremblay-Lamer: Compte tenu des circonstances particulières entourant la délivrance de l'ordonnance, j'ai décidé exceptionnellement de rendre les motifs qui suivent.

[2]Le paragraphe 82.1(6) de la Loi sur l'immigration1 prévoit:

82.1 [. . .]

(6) Sous réserve du paragraphe (7), si la demande d'autorisation est accueillie, la demande de contrôle judiciaire est réputée avoir été formée et le juge de la Cour fédérale qui a accueilli la demande d'autorisation fixe la date et le lieu d'audition de la demande de contrôle judiciaire.

[3]Le paragraphe 82.1(7) dispose [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73]:

82.1 [. . .]

(7) La date fixée conformément au paragraphe (6) ne peut être postérieure de moins de trente jours, sauf convention contraire des parties, ni de plus de quatre-vingt-dix jours à la date à laquelle la demande d'autorisation a été accueillie.

[4]J'ai fait droit à la demande d'autorisation dans le présent dossier. Cependant, comme il n'y a pas de juge disponible pour entendre l'affaire, je suis incapable d'obtenir de l'administration une date qui respecte le délai de 90 jours prévu au paragraphe 82.1(7).

[5]J'ai donc deux options:

1. attendre et signer mon ordonnance lorsqu'il y aura un juge disponible pour entendre l'affaire; ou

2. signer l'ordonnance immédiatement et ne pas respecter le délai prévu au paragraphe 82.1(7).

[6]Après mûre réflexion, je suis d'avis qu'il convient de délivrer l'ordonnance maintenant. Il est très regrettable qu'elle ne puisse respecter le délai prévu au paragraphe 82.1(7), mais, à mon avis, il est dans l'intérêt de la justice de ne pas retarder la délivrance de l'ordonnance. C'est le moindre de deux maux. L'équité exige que le demandeur sache que l'autorisation a été accordée et à quel moment elle l'a été. Selon moi, ce principe l'emporte sur la difficulté de fixer une date dans le délai imparti, ce sur quoi le juge n'a aucun contrôle. Je suis convaincue que l'esprit du paragraphe 82.1(7) veut que l'affaire soit entendue promptement dès que cela s'avère possible. Nemo tenetur ad impossibilia (à l'impossible, nul n'est tenu).

[7]Le problème soulevé par cette façon de procéder tient au fait que cette dérogation à une exigence fixée par la loi me ferait apparemment perdre compétence. Toutefois, après mûre réflexion, je ne crois pas que ce soit le cas. À mon avis, dans les circonstances, le mot «shall» dans la version anglaise du paragraphe 82.1(7) ne devrait pas être interprété comme ayant un caractère impératif.

[8]Dans l'affaire McCain Foods Ltd. c. Canada (Office national des transports)2, la Cour d'appel fédérale a examiné la théorie de la distinction entre ce qui est impératif ou directif. Essentiellement, la Cour a appliqué la règle établie dans l'arrêt Montreal Street Railway Co. v. Normandin3 où il a été décidé que lorsque les dispositions d'une loi se rapportent à l'exécution d'un devoir public et que, dans un cas donné, déclarer nuls et non avenus des actes accomplis par manquement à ce devoir entraînerait, pour des personnes qui n'ont aucun contrôle sur ceux chargés de ce devoir, une injustice ou des inconvénients généraux graves, et en même temps n'aiderait pas à atteindre l'objet principal visé par le législateur, on conclut habituellement que ces dispositions ne sont que directives.

[9]Bien qu'en l'espèce, ce ne soit pas en raison d'un manquement, mais d'une simple impossibilité que l'ordonnance ne respecte pas le délai prescrit, je suis convaincue que cette théorie s'applique et que le paragraphe 82.1(7) n'est que directif.

[10]Il n'y a aucun doute que la Loi sur l'immigration impose un devoir public et que les personnes régies par cette Loi n'ont aucun contrôle sur le processus en cause et subiraient des inconvénients graves si l'ordonnance était déclarée nulle et non avenue. Par ailleurs, je constate que l'annulation de l'ordonnance ne servirait en rien l'intérêt public et n'aiderait pas à atteindre l'objectif principal visé par le législateur.

[11]Pour ces motifs, j'ai décerné l'ordonnance ci-jointe.

1 L.R.C. (1985), ch. I-2 [art. 82.1(6) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73)].

2 [1993] 1 C.F. 583 (C.A.).

3 [1917] A.C. 170 (C.P.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.