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Référence :

Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile),

2009 CAF 81, [2010] 2 R.C.F. 311

A-165-08

Sergio Adrian Baron et Maria Fernanda Riquelme (appelants)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (intimé)

Répertorié : Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Desjardins, Nadon et Blais, J.C.A.—Toronto, 1er décembre 2008; Ottawa, 13 mars 2009.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Renvoi de réfugiés — Appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire du refus d’une agente d’exécution de reporter le renvoi des appelants du Canada au motif qu’elle était théorique — Les appelants sollicitaient un report jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (la demande CH) — La Cour fédérale a certifié une question relative au caractère théorique de la demande de report — Le juge Nadon, J.C.A. (la juge Desjardins, J.C.A., souscrivant à ses motifs) : Comme il existait toujours un litige actuel entre les parties, la demande de contrôle judiciaire en l’espèce n’était pas théorique — La réponse à la question du caractère théorique dépendait de la qualification donnée au litige entre les parties — Le litige en l’espèce visait la question de savoir si les appelants devaient être renvoyés avant que ne soit tranchée leur demande CH — Comme la demande CH était encore en instance, une décision sur la demande de contrôle judiciaire pouvait avoir un effet pratique — L’affaire n’était pas devenue théorique du seul fait que la date prévue pour le renvoi des appelants était passée — S’agissant de la décision de l’agente d’exécution de ne pas reporter le renvoi, la simple existence d’une demande CH n’empêchait pas l’exécution d’une mesure de renvoi valide — L’agente d’exécution a tenu compte de tous les faits pertinents, notamment l’intérêt supérieur des enfants — Elle n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle dans son examen de la preuve — Appel rejeté — Le juge Blais, J.C.A. (motifs concourants quant au résultat) : La décision prise par l’agente d’exécution entrait parfaitement dans le cadre restreint de son pouvoir discrétionnaire et était bien motivée — La question en l’espèce était de savoir si c’était à bon droit que l’agente d’exécution avait refusé de reporter le renvoi des appelants en janvier 2007, et non de savoir si c’était à bon droit qu’elle avait estimé que le renvoi n’aurait jamais lieu avant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande CH — La Cour fédérale avait raison de décrire le différend comme portant sur la question de savoir si les appelants auraient dû être contraints à quitter le pays à la date prévue de leur renvoi — L’agent d’exécution n’est censé faire rien d’autre que d’exécuter la mesure de renvoi; il n’est pas censé reporter le renvoi à une date indéterminée — Les demandes CH ne sont pas censées faire obstacle aux mesures de renvoi valides — Comme la date du renvoi était passée, il était sans intérêt de savoir si le refus de l’agente d’exécution de reporter la date du renvoi était raisonnable.

Il s’agissait d’un appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire introduite par les appelants à la suite du refus d’une agente d’exécution de reporter leur renvoi du Canada jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande fondée sur des considérations humanitaires (la demande CH) qu’ils avaient présentée. La Cour fédérale a rejeté la demande au motif qu’elle était théorique. Les appelants étaient des demandeurs d’asile déboutés qui ont par la suite présenté une demande CH en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi). Leur renvoi du Canada avait initialement été prévu en janvier 2007. Ils ont réclamé le report de leur renvoi jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande CH, mais l’agente d’exécution a refusé. Les appelants ont ensuite demandé le contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agente d’exécution et il a été sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur demande de contrôle judiciaire.

Dans le cadre du contrôle judiciaire, la Cour a conclu que la décision qui pourrait être rendue sur le fond de la demande ne résoudrait pas le litige opposant les parties même s’il existait encore un débat contradictoire entre elles. La Cour fédérale a donc refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher la demande de contrôle judiciaire, mais elle a certifié la question suivante : lorsqu’un demandeur qui a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contestant un refus de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur une demande pendante de droit d’établissement et lorsqu’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accordé, une question devient-elle théorique du seul fait que la date prévue du renvoi est passée même si la décision demeure pendante à la date où la Cour étudie la demande de contrôle judiciaire?

Les questions à trancher étaient donc celles de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en rejetant la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était théorique et en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur l’affaire et, le cas échéant, si l’agente d’exécution a commis une erreur en refusant de reporter le renvoi des appelants du Canada en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande CH en instance.

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

Selon le juge Nadon, J.C.A. (la juge Desjardins, J.C.A., souscrivant à ses motifs) : Il existait toujours un litige actuel entre les parties et, en conséquence, la demande de contrôle judiciaire des appelants n’était pas théorique. La réponse à la question du caractère théorique dépendait de la qualification donnée au litige qui existait entre les parties. Le litige entre les parties en l’espèce visait la question de savoir si les appelants devaient être renvoyés avant que ne soit tranchée leur demande CH. Puisque le fait que les appelants invoquaient pour réclamer le report ne s’était pas produit, on ne pouvait prétendre qu’il n’y avait pas de litige actuel entre les parties et qu’une décision sur la demande de contrôle judiciaire n’aurait aucun effet pratique. Compte tenu des conséquences que pourrait avoir une décision sur le fond de la demande de contrôle judiciaire des appelants, on ne pouvait dire que les parties se trouveraient dans la même situation que si la Cour fédérale avait rejeté la demande pour cause de caractère théorique. Par conséquent, l’affaire n’était pas devenue théorique du seul fait que la date prévue pour le renvoi était passée.

Selon l’article 48 de la Loi, le pouvoir discrétionnaire dont dispose un agent d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité. La simple existence d’une demande CH n’empêchait pas l’exécution d’une mesure de renvoi valide. À moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle. Il ressortait de la décision de l’agente d’exécution qu’elle a tenu compte de tous les faits pertinents, notamment l’intérêt supérieur des enfants. L’agente d’exécution n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle dans son examen et analyse de la preuve et il n’était pas loisible à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve. Sa décision était donc raisonnable et devait être confirmée.

Selon le juge Blais, J.C.A. (motifs concourants quant au résultat) : La décision prise par l’agente d’exécution entrait parfaitement dans le cadre restreint de son pouvoir discrétionnaire et était bien motivée. S’agissant de la question certifiée relative au caractère théorique, même si les appelants invoquaient au soutien de leur demande de report l’intérêt supérieur de leurs enfants et le prononcé d’une décision au sujet de leur demande CH, la question en l’espèce était de savoir si c’était à bon droit que l’agente d’exécution avait refusé de reporter le renvoi des appelants en janvier 2007, et non de savoir si c’était à bon droit que l’agente d’exécution avait estimé que le renvoi n’aurait jamais lieu avant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande. Il était sans intérêt de savoir si c’était à bon droit ou non que l’agente d’exécution avait refusé de reporter le renvoi en janvier 2007, étant donné que la date prévue pour le renvoi était passée et que la question était donc devenue théorique. La Cour fédérale avait raison de décrire le différend comme portant sur la question de savoir si les appelants auraient dû être contraints à quitter le pays à la date prévue de leur renvoi.

L’agent d’exécution n’est censé faire rien d’autre que d’exécuter la mesure de renvoi. Bien que les agents d’exécution aient le pouvoir discrétionnaire de fixer de nouvelles dates de renvoi, ils ne sont pas censés reporter le renvoi à une date indéterminée. Les demandes CH ne sont pas censées faire obstacle aux mesures de renvoi valides. Même si la demande CH des appelants était toujours en instance et n’était vraisemblablement pas imminente, cela n’empêchait toujours pas leur renvoi.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 11(1) (mod. par L.C. 2008, ch. 28, art. 116), 25 (mod., idem, art. 117), 48.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. no 3.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Amsterdam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 244; Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. n936 (1re inst.) (QL); Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 C.F. 682.

décision examinée :

Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358.

décisions citées :

Higgins c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 377; Solmaz c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 607; Maruthalingam c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 823; Vu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1109; Madani c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 1168; Adams c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), IMM-4121-06, la juge Snider, ordonnance en date du 21 novembre 2007 (C.F.); Kovacs c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 1247; Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 341; Islami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 364; Leung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-3712-07, le juge Gibson, ordonnance en date du 17 avril 2007 (C.F.); Palka c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 342; Lewis c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 719; Gumbura c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 833; Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd. [1987] 1 R.C.S. 110; Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1988 CanLII 1423 (C.A.F.); RJR — MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 127 (C.A.); Langner c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 469 (C.A.) (QL).

APPEL d’une décision (2008 CF 341) par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire introduite par les appelants à la suite du refus d’une agente d’exécution de reporter leur renvoi du Canada jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande fondée sur des considérations humanitaires qu’ils avaient présentée. Appel rejeté.

ONT COMPARU

D. Clifford Luyt pour les appelants.

Amina Riaz, Maria Burgos et J. Manuel Mendelzon pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

D. Clifford Luyt, Toronto, pour les appelants.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1] Le juge Nadon, J.C.A. : Il s’agit de l’appel d’une décision de la Cour fédérale, 2008 CF 341, en date du 13 mars 2008, aux termes de laquelle la juge Dawson a rejeté la demande de contrôle judiciaire des appelants au motif qu’elle était théorique. Ayant tiré cette conclusion, la juge a certifié la question suivante :

Lorsqu’un demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contestant un refus de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur une demande pendante de droit d’établissement [[…], et lorsqu’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accordé de telle sorte que l’intéressé n’est pas renvoyé du Canada], le fait que la demande de droit d’établissement demeure pendante à la date où la Cour étudie la demande de contrôle judiciaire laisse-t-il subsister un « litige actuel » entre les parties, ou l’affaire est-elle rendue théorique du seul fait que la date prévue du renvoi est passée?

[2] Comme l’indique la question certifiée, les appelants ont présenté une demande en vue d’être autorisés à introduire une demande de contrôle judiciaire à la suite du refus d’une agente d’exécution de reporter l’exécution de la mesure de renvoi du Canada dont ils faisaient l’objet jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande fondée sur des considérations humanitaires (la demande CH) qu’ils ont présentée en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[3] Le présent appel soulève deux questions. La première vise le caractère théorique de la question certifiée. La seconde, que nous ne devons aborder que si nous concluons que la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique, a trait au caractère raisonnable de la décision de l’agente d’exécution de refuser de reporter l’exécution de la mesure de renvoi des appelants du Canada.

[4] Je passe maintenant aux faits pertinents pour trancher l’appel.

LES FAITS

[5] Les appelants sont citoyens de l’Argentine. Ils sont entrés au Canada en avril 2000 avec le statut de visiteurs. En novembre 2000, peu après l’expiration de leur visa de visiteur, ils ont demandé l’asile. Leurs demandes d’asile ont été rejetées le 30 mai 2002 par la section du statut de réfugié [maintennt la Section de la protection des réfugiés] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. De ce fait, les mesures d’interdiction de séjour conditionnelles qui avaient été prononcées contre eux lorsqu’ils avaient demandé l’asile sont devenues des mesures de renvoi exécutoires. Le 16 octobre 2002, la Cour fédérale a rejeté leur demande visant à obtenir l’autorisation d’introduire une demande de contrôle judiciaire.

[6] Le 30 novembre 2004, l’avocat des appelants a présenté une demande de renseignements au sujet de la demande CH qui, à ses dires, avait été présentée au nom des appelants en mars 2003. Le Centre de traitement des demandes de Vegreville y a répondu en informant l’avocat qu’il ne disposait d’aucun document indiquant qu’une demande CH avait été déposée au nom des appelants.

[7] En janvier 2006, des mandats ont été lancés contre les appelants en raison de leur défaut de se présenter à l’entrevue préalable au renvoi. Les mandats ont été exécutés contre eux en mars et en juillet 2006, et ils ont alors de nouveau été informés qu’il n’y avait aucun document indiquant qu’une demande CH avait été déposée en leur nom.

[8] Le 5 septembre 2006, les appelants ont déposé une demande CH qui leur a été retournée pour cause d’insuffisance de fonds. La demande a de nouveau été soumise le 8 décembre 2006, cette fois avec les fonds suffisants. Au cours de cette période, les appelants ont également déposé une demande d’examen des risques avant renvoi, qui a été refusée. Par conséquent, les appelants ont reçu l’ordre de se présenter pour leur renvoi du Canada le 18 janvier 2007.

[9] Comme les appelants avaient acheté des billets d’avion pour eux-mêmes et leurs enfants pour leur retour en Argentine le 15 février 2007, leur renvoi a été reporté à cette date pour leur donner un peu plus de temps pour procéder aux préparatifs nécessaires en vue de leur départ du Canada. Je tiens ici à signaler que les appelants ont deux enfants nés au Canada, Yan Sebastian (sept ans) et Zoe (quatre ans), respectivement âgés de cinq et deux ans au moment de la décision de l’agente d’exécution.

[10] Malgré ce qui précède, le 26 janvier 2007, les appelants ont de nouveau réclamé le report de leur renvoi jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande CH. Le 29 janvier 2007, l’agente d’exécution a refusé de reporter leur renvoi.

[11] En raison de ce refus, les appelants ont demandé à la Cour fédérale d’être autorisés à introduire une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agente d’exécution. Le 9 février 2007, le juge O’Keefe a sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre les demandeurs tant qu’une décision ne serait pas rendue au sujet de leur demande de contrôle judiciaire et, le 19 octobre 2007, la Cour fédérale les a autorisés à introduire une demande de contrôle judiciaire.

[12] La demande de contrôle judiciaire des appelants a été instruite le 17 janvier 2008 par la juge Dawson, qui l’a rejetée le 13 mars 2008. J’examinerai maintenant cette décision.

DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[13] La juge Dawson a conclu que la demande de contrôle judiciaire des appelants était théorique. À son avis, toute décision qui pourrait être rendue sur le fond de la demande ne résoudrait pas le litige opposant les parties. On trouve l’essentiel du raisonnement de la juge aux paragraphes 33 à 38 de ses motifs, que je reproduis :

Les demandeurs font l’objet d’une mesure de renvoi valide et ont reçu l’ordre de se présenter pour le renvoi le 18 janvier 2007, pour prendre le vol no 92 d’Air Canada. Avant d’émettre la convocation, l’ASFC a d’abord dû prendre certaines mesures pour le voyage, notamment veiller à la validité des documents de voyage, choisir un itinéraire et des billets d’avion ainsi qu’aviser le transporteur aérien qu’il aura à transporter un ressortissant étranger du Canada.

Le sursis accordé par la Cour a pour effet de rendre ces mesures inopérantes dès que la date prévue du renvoi passe et que les demandeurs demeurent au Canada. Que la Cour décide maintenant que la décision de l’agent[e] d’exécution était raisonnable ou non, les demandeurs ont reçu le sursis que l’agent[e] d’exécution leur a refusé. La question de savoir si l’agent[e] d’exécution aurait dû reporter l’exécution de la mesure de renvoi est maintenant abstraite.

Pour les motifs qui suivent, je ne vois pas en quoi les droits des parties seront touchés concrètement si la présente affaire est tranchée sur le fond. Si l’affaire est jugée et rejetée, le sursis prendra fin, l’ASFC prendra de nouvelles dispositions pour l’exécution de la mesure de renvoi et les demandeurs solliciteront de nouveau un report. Le résultat sera le même si la demande est accueillie pour le même motif que dans la décision Samaroo, précitée. La validité de la mesure de renvoi n’est pas touchée, les demandeurs font encore l’objet d’une mesure de renvoi.

Dans l’un ou l’autre cas, les parties n’obtiendront que l’avis de la Cour sur le bien‑fondé du renvoi, avis formé à partir de faits périmés. Toutefois, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi s’appuie en grande partie sur des faits. Il n’y a aucune façon de savoir si, depuis que la décision en cause a été rendue, des faits pertinents se sont produits relativement à des risques, à une grossesse, à une naissance, à une maladie, etc. En outre, la jurisprudence de la Cour veut que le temps écoulé avant que la demande pour motifs d’ordre humanitaire soit tranchée constitue un facteur pertinent dans le cadre de demandes de sursis. En l’espèce, la demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs est demeurée pendante durant 12 mois de plus. Une décision fondée sur des faits périmés sera de peu d’utilité aux parties si d’autres dispositions sont prises pour exécuter la mesure de renvoi.

Même si la demande était accueillie, renvoyée à un autre agent pour nouvel examen et que des renseignements récents au sujet des circonstances des demandeurs étaient obtenus, les parties se retrouveraient dans la même position que si la Cour avait rejeté la demande, que ce soit sur le fond ou parce que la question est théorique, et de nouvelles dispositions pour l’exécution de la mesure de renvoi seraient prises.

Par conséquent, toute décision sur le fond de la présente demande ne résoudra pas le litige entre les parties. La demande est par conséquent théorique et, en outre, il ne serait d’aucune utilité de trancher la demande sur le fond. [Non souligné dans l’original.]

[14] La juge Dawson a ensuite examiné l’argument de l’intimé suivant lequel le litige entre les parties était en fait la question de savoir si les appelants devraient être renvoyés avant l’examen de leur demande CH. Selon la juge Dawson, cette description du litige était erronée. Elle a expliqué dans les termes suivants son opinion aux paragraphes 44 et 45 :

L’agent a l’obligation de faire exécuter la mesure de renvoi « dès que les circonstances le permettent ». Également, le paragraphe 48(2) de la Loi ordonne à la personne visée par la mesure de renvoi exécutoire de quitter immédiatement le territoire du Canada. À l’approche de la date de renvoi, l’agent se voit présenter une série de faits qui, selon l’intéressé, justifient à ce moment que soit reporté le renvoi. L’agent décide ensuite si les faits sont de nature à rendre irréalisable l’exécution de la mesure de renvoi, dessaisissant ainsi le demandeur de son obligation de quitter le pays immédiatement. Par exemple, il peut être demandé à l’agent de reporter l’exécution de la mesure de renvoi parce qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est en instance depuis 18 mois au moment du renvoi. Il n’est pas demandé à l’agent d’examiner si l’exécution de la mesure de renvoi aurait été reportée si la demande avait plutôt été en instance depuis 30 mois, et il n’a pas à le faire.

Pour cette raison, j’estime que la nature du litige est mieux cernée en posant la question de savoir si un demandeur doit être renvoyé, et est tenu de partir, à la date prévue de son renvoi. [Non souligné dans l’original.]

[15] La juge Dawson a par ailleurs refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher la demande de contrôle judiciaire. Même si elle était d’avis qu’il existait encore un débat contradictoire entre les parties, une décision sur le fond n’aurait, selon elle, aucun effet ou utilité pratique quant aux droits des parties.

[16] Je tiens à signaler que la décision de la juge Dawson s’inscrit dans la foulée d’une série de décisions récentes dans lesquelles la Cour fédérale a jugé théorique toute demande de contrôle judiciaire visant la décision d’un agent d’exécution de refuser de reporter le renvoi d’une personne du Canada (voir Higgins c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 377; Solmaz c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 607; Maruthalingam c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 823; Vu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1109; Madani c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 1168; Adams c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 21 novembre 2007 (dossier IMM-4121-06) (C.F.); Kovacs c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 1247; Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 341; Islami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 364; Leung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 17 avril 2008 (dossier IMM-3712-07) (C.F.); Palka c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 342; Lewis c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 719; Gumbura c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 833).

OBSERVATIONS DES PARTIES

[17] Selon les appelants, la juge a erronément décrit la nature du litige entre les parties comme étant [au paragraphe 45] « la question de savoir si un demandeur doit être renvoyé, et est tenu de partir, à la date prévue de son renvoi ». Les appelants prétendent plutôt qu’ils avaient demandé que leur renvoi du Canada soit reporté [traduction] « jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande CH en instance ». Le litige entre les parties ne portait donc pas simplement sur la question de savoir si le renvoi des appelants devait avoir lieu ou non à la date prévue, mais sur celle de savoir si l’exécution de cette mesure de renvoi devait être suspendue tant que leur demande CH ne serait pas tranchée. Les appelants soutiennent que ce litige était toujours actuel au moment de l’instruction de la demande de contrôle judiciaire et qu’il subsiste toujours puisqu’aucune décision n’a encore été rendue au sujet de leur demande CH.

[18] À titre subsidiaire, les appelants soutiennent que la juge a commis une erreur en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire, même si la demande de contrôle judiciaire était théorique. Selon eux, il était erroné de sa part de conclure qu’il n’y aurait aucun effet pratique sur les droits des parties si elle statuait sur l’affaire.

[19] En ce qui concerne la décision visée par la demande de contrôle judiciaire, les appelants font valoir que notre Cour devrait conclure que l’agente d’exécution a commis une erreur en refusant de reporter leur renvoi jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet de la demande CH qu’ils ont présentée. Ils soutiennent qu’une très longue période de temps s’est écoulée depuis leur première tentative de présenter une demande CH et que l’intérêt supérieur de leurs enfants canadiens milite en faveur d’un report.

[20] À l’instar des appelants, l’intimé affirme que la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique. Il fait valoir qu’on peut décrire correctement le litige entre les parties comme étant la question de savoir si les appelants doivent être renvoyés avant que ne survienne un fait précis, en l’occurrence l’examen de leur demande CH en instance. Ce n’est donc pas le fait que la date prévue pour le renvoi soit passée qui rend la demande théorique, mais la survenance de ce fait. L’intimé se dissocie de la conclusion de la juge suivant laquelle il ne serait d’aucune utilité pour les parties de trancher la demande sur le fond. Il soutient au contraire qu’une décision sur le bien‑fondé de la décision de l’agente d’exécution permettrait aux parties d’obtenir une véritable réparation. Il fait en outre valoir que la conclusion sur le caractère théorique aboutit à une solution inéquitable, étant donné que toutes les requêtes en sursis qui se soldent par un report du renvoi auront pour effet de sceller le sort de toute demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et de transformer essentiellement les requêtes en sursis en demandes de contrôle judiciaire avec peu de préavis et, dans bien des cas, sur le fondement d’un dossier incomplet. Selon l’intimé, les tribunaux ne pouvaient vouloir que l’application du critère à trois volets ait un tel effet (voir les arrêts Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1988 CanLII 1423 (C.A.F.); RJR — MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311).

[21] Pour ce qui est du fond de la demande, l’intimé fait valoir que l’agente d’exécution n’a pas commis d’erreur en refusant de reporter le renvoi jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet de la demande CH présentée par les appelants. Il ajoute que, compte tenu de l’article 48 de la Loi, le ministre avait l’obligation d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettaient.

[22] L’intimé soutient enfin que l’agente d’exécution a tenu compte de la situation des appelants dans son ensemble, y compris l’intérêt supérieur de leurs enfants.

QUESTIONS À TRANCHER

[23] Les questions à trancher dans le présent appel sont les suivantes :

1. La juge de première instance a-t-elle commis une erreur de droit en rejetant la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était théorique et en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur l’affaire?

2. Si la réponse à la première question est affirmative, l’agente d’exécution a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en refusant de reporter le renvoi des appelants du Canada en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande CH en instance?

ANALYSE

A. Norme de contrôle

[24] Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle appropriée en ce qui concerne la question du caractère théorique est celle de la décision correcte. Je partage leur avis (voir Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

[25] Pour ce qui est de la décision de l’agente d’exécution de refuser de reporter le renvoi des appelants du Canada, je ne vois pas comment on pourrait contester que la norme applicable est celle de la décision raisonnable (voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

B. La juge de première instance a-t-elle commis une erreur de droit en rejetant la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était théorique et en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur l’affaire?

[26] Les appelants et l’intimé s’entendent pour dire que la juge a commis une erreur de droit en rejetant la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était théorique. Ils font valoir qu’il existe toujours un litige actuel entre eux et que ce n’est pas le fait que la date prévue pour le renvoi, à savoir le 15 février 2007, soit passée qui rend la demande théorique. À leur avis, bien qu’ils le formulent en des termes légèrement différents, c’est le prononcé d’une décision sur la demande CH des appelants qui rendrait le contrôle judiciaire théorique.

[27] Je suis arrivé à la conclusion qu’il existe toujours un litige actuel entre les parties et qu’en conséquence, la demande de contrôle judiciaire des appelants n’est pas théorique.

[28] D’entrée de jeu, il importe de bien préciser ce que les appelants cherchaient à obtenir lorsqu’ils ont demandé le report de leur renvoi du Canada prévu pour le 15 février 2007. Comme l’agente d’exécution l’explique dans sa décision, la demande des appelants était fondée sur le fait qu’ils avaient une demande CH en instance (que les appelants affirment avoir tenté de déposer en mars 2003) et qu’il était dans l’intérêt supérieur de leurs enfants nés au Canada que le renvoi soit reporté jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande CH. En d’autres termes, les appelants ne demandaient pas simplement de ne pas être renvoyés le 15 février 2007, mais bien que leur renvoi n’ait lieu qu’une fois qu’une décision aurait été rendue au sujet de leur demande CH.

[29] Je suis tout à fait d’accord avec les parties pour dire que la réponse à la question du caractère théorique dépend de la qualification donnée au litige qui existe entre elles. À cet égard, les parties reconnaissent implicitement que si la juge a correctement cerné le litige, soit « la question de savoir si un demandeur doit être renvoyé, et est tenu de partir, à la date prévue de son renvoi » (paragraphe 45 de ses motifs), la demande de contrôle judiciaire est théorique. Elles soutiennent toutefois que le litige entre les parties visait en fait la question de savoir si les appelants doivent être renvoyés avant que ne soit tranchée leur demande CH. Au paragraphe 33 de son mémoire des faits et du droit, l’intimé formule comme suit sa thèse :

[traduction] Toutefois, la façon correcte de décrire le litige est qu’il s’agit de décider si le demandeur doit être renvoyé avant que ne se produise un fait déterminé, comme la décision tranchant la demande CH en instance. Ce n’est donc pas le fait que la date prévue pour le renvoi soit passée qui rend la demande de contrôle judiciaire théorique, mais la survenance du fait en question. Répondre à la question de savoir si le renvoi peut être concrètement exécuté avant que ne se produise le fait en question s’accorde parfaitement avec la mission que l’article 48 de la LIPR confie à l’agent d’exécution, soit d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent. Voilà la description du litige que la juge de première instance aurait dû retenir. Elle a commis une erreur en ne l’adoptant pas.

[30] Comme la demande CH des appelants n’avait pas encore été jugée au moment de l’audience qui s’est déroulée devant la juge de première instance (et je n’ai pas connaissance qu’elle l’ait été depuis que la juge Dawson a rendu sa décision), les parties sont d’avis qu’il existe toujours un litige entre elles, de sorte que le débat n’est pas théorique.

[31] À mon avis, les parties ont correctement décrit la nature du litige qui existe entre elles. Leur position trouve appui dans les motifs du juge suppléant Strayer dans la décision Amsterdam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 244, dans laquelle il a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’exécution avait refusé de reporter l’exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre le demandeur. Malgré le fait qu’il était d’avis que, vu l’ensemble des faits dont il disposait, la demande de contrôle judiciaire était théorique, le juge Strayer a néanmoins exercé son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur le fond de la demande.

[32] Dans la décision Amsterdam, précitée, le renvoi du demandeur du Canada était prévu pour le 6 juin 2007. Le 31 mai de la même année, le demandeur a demandé un report de l’exécution de la mesure de renvoi afin de pouvoir assister à une audience du tribunal de la famille prévue pour le 31 juillet 2007 et pour pouvoir rencontrer un spécialiste avec lequel il avait un rendez-vous le 27 septembre 2007. Malgré ces renseignements, l’agent d’exécution a informé le demandeur, le 4 juin 2007, qu’il ne convenait pas de reporter son renvoi du Canada.

[33] Le 5 juin 2007, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire et demandé un sursis de la mesure de renvoi, qu’il a obtenu. L’autorisation d’introduire une demande de contrôle judiciaire lui a par la suite été accordée et le juge Strayer a statué sur le fond de l’affaire le 12 février 2008.

[34] Comme je l’ai déjà mentionné, le juge Strayer estimait que la demande était théorique. Au paragraphe 11 de ses motifs, il a écrit ce qui suit :

Je suis convaincu que le contrôle judiciaire de la décision que l’agent d’exécution a prise de refuser de reporter le renvoi est théorique; la Cour a en effet accordé un sursis, permettant ainsi au demandeur de rester au Canada pour se rendre à deux rendez‑vous, qui ont depuis longtemps eu lieu, les mêmes rendez-vous pour lesquels la demande de reporter le renvoi avait été refusée dans le cadre de la décision faisant l’objet du présent contrôle. Les preuves soumises à la Cour visaient à démontrer qu’il était nécessaire que le demandeur demeure à Toronto afin d’assister à une conférence préparatoire du Tribunal de la famille de la Cour supérieure de l’Ontario prévue pour le 31 juillet 2007 et afin de se présenter à un rendez‑vous avec un spécialiste qui, au jour où l’audition de la demande de sursis s’est tenue, avait été fixé au 27 septembre 2007. [Non souligné dans l’original.]

[35] Ainsi que je l’ai également déjà précisé, malgré son opinion au sujet du caractère théorique, le juge Strayer a néanmoins décidé de juger l’affaire sur le fond. Après avoir conclu que la décision de l’agent d’exécution n’était pas déraisonnable, il a examiné la requête présentée par le demandeur en vue de faire certifier une question fort semblable à celle qui a été certifiée en l’espèce. Cette question était ainsi libellée [au paragraphe 14] :

Lorsqu’un demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision de ne pas différer l’exécution d’une mesure de renvoi dont il ou elle fait l’objet, le fait que son renvoi soit par la suite empêché en raison d’une ordonnance de sursis délivrée par la présente Cour rend-il théorique la demande de contrôle judiciaire qui porte sur ce renvoi?

[36] Le juge Strayer s’est dit d’avis qu’il n’y avait pas lieu de certifier cette question. Pour justifier cette conclusion, il a donné les explications suivantes, au paragraphe 15 de ses motifs :

Néanmoins, je ne suis pas disposé à certifier une telle question. Premièrement, si je le faisais et qu’on portait ma décision en appel, une réponse à cette question ne saurait être déterminant en l’espèce parce que j’ai décidé que la demande de contrôle judiciaire devait aussi être rejetée au fond, indépendamment du fait qu’elle est théorique. Deuxièmement, à mon humble avis, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question grave exigeant une réponse. Comme le donnent à penser les affaires susmentionnées, il semble exister un large consensus au sein de la Cour sur le fait qu’on doit répondre à une telle question par l’affirmative. Je vois mal comment il pourrait en être autrement si la plainte qui fait l’objet du contrôle judiciaire consiste à dire que l’agent d’exécution n’a pas reporté le renvoi de façon à permettre à l’intéressé de régler une question qui, selon le demandeur, justifiait le report, et qu’en raison d’un sursis accordé par la Cour la question a été réglée entre-temps. En de telles circonstances, un contrôle judiciaire ne peut avoir aucun effet concret. [Non souligné dans l’original.]

[37] Si j’ai bien compris les motifs du juge Strayer, c’est la survenance des faits au sujet desquels le demandeur réclamait le report de son renvoi, en l’occurrence l’audience du Tribunal de la famille et son rendez-vous chez le médecin, qui rendait la demande de contrôle judiciaire théorique. Dans ces conditions, comme l’affirme le juge Strayer dans l’extrait précité, « un contrôle judiciaire ne peut avoir aucun effet concret ». À la lumière des faits dont disposait le juge, je ne puis qu’abonder dans le même sens que lui. Il est toutefois évident que le juge Strayer n’a pas conclu que la demande dont il était saisi était théorique du simple fait que la date prévue pour le renvoi était passée, ce qui est la position adoptée par la juge de première instance.

[38] Ainsi donc, puisque le fait que les appelants invoquent pour réclamer le report ne s’est pas produit, je ne vois pas comment on pourrait prétendre qu’il n’y a pas de litige actuel entre les parties et qu’une décision sur la demande de contrôle judiciaire n’aurait aucun effet pratique. Bien que la date choisie pour procéder au renvoi des appelants, qui a été fixée avant que le juge O’Keefe ne prononce le sursis, ne soit plus valide, ce fait n’a pas, à mon avis, pour effet de rendre théoriques les questions soulevées par la demande de contrôle judiciaire. Le litige concret ou véritable qui existe entre les parties, c’est-à-dire l’exécution de la mesure de renvoi avant que ne soit tranchée la demande CH des appelants, existe toujours.

[39] Je vais examiner brièvement les conséquences que pourrait avoir une décision sur le fond de la demande de contrôle judiciaire des appelants. Avant que cette décision soit rendue, les appelants ne pourraient pas être renvoyés en raison du sursis accordé par le juge O’Keefe. Toutefois, des conséquences différentes suivraient selon la décision rendue.

[40] Si notre Cour devait trancher la demande de contrôle judiciaire en faveur des appelants, l’affaire serait renvoyée à un agent d’exécution pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte des motifs de la Cour. L’agent d’exécution appelé à rendre cette nouvelle décision pourrait alors faire droit à la demande de report du renvoi jusqu’à ce que la demande CH soit tranchée. Par suite d’une telle décision, les appelants ne seraient pas renvoyés tant qu’une décision défavorable, le cas échéant, n’aurait pas été rendue au sujet de leur demande CH. L’agent d’exécution pourrait cependant refuser à nouveau de reporter le renvoi et les appelants pourraient alors contester cette décision en présentant une nouvelle demande de contrôle judiciaire.

[41] Si la Cour devait rejeter la demande de contrôle judiciaire sur le fond, l’ordonnance de sursis ne serait plus exécutoire et il faudrait alors vraisemblablement fixer une nouvelle date de renvoi. Bien qu’il soit vrai que les appelants pourraient de nouveau demander un report à l’agent d’exécution, il faudrait, à mon avis, qu’ils invoquent de nouveaux faits, à défaut de quoi le scénario probable serait que l’agent d’exécution rejetterait leur demande de report. Il se peut aussi qu’à défaut de faits nouveaux, les appelants ne réclameraient pas de report et quitteraient le Canada.

[42] Je tiens à ajouter que dans l’hypothèse où, à défaut de nouveaux faits importants, les appelants solliciteraient un report qui se solderait par un refus de l’agent d’exécution et où, dans ces conditions, les appelants chercheraient à obtenir l’autorisation d’introduire une demande de contrôle judiciaire et à obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi, il serait certainement loisible à la Cour fédérale d’adopter le point de vue que les instances introduites par les appelants constituent un abus de procédure et de traiter ces instances en conséquence.

[43] J’estime donc que, si notre Cour devait statuer sur le fond de la demande de contrôle judiciaire, on ne peut dire que les parties se trouveraient dans la même situation que si la Cour avait rejeté la demande pour cause de caractère théorique. J’ajouterais aussi que la question ne devient pas nécessairement théorique parce qu’une décision sur le fond ne tranchera pas complètement le débat qui oppose les parties.

[44] Une observation finale sur la question. Dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, aux paragraphes 29 à 42, la Cour suprême a énuméré trois facteurs dont le tribunal doit tenir compte pour se prononcer sur l’opportunité d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur le fond d’une action ou d’une demande de contrôle judiciaire qu’il considère théorique : 1) l’existence d’un débat contradictoire entre les parties; 2)  le souci d’économie des ressources judiciaires; 3) la nécessité pour les tribunaux de ne pas empiéter sur les fonctions législatives.

[45] En l’espèce, il est acquis aux débats qu’il existe toujours un débat contradictoire entre les parties en ce qui concerne l’exécution de la mesure de renvoi avant que ne soit tranchée la demande CH. En ce qui concerne l’économie des ressources judiciaires, une décision de notre Cour sur la question de savoir si la demande CH en instance et l’intérêt des enfants nés au Canada justifient, dans ce contexte précis, un report du renvoi servira certainement de guide pour les parties dans les affaires à venir ainsi que pour les parties au présent appel. Qui plus est, ces affaires ont un caractère récurrent, du fait que le rejet d’une demande de contrôle judiciaire pour cause de caractère théorique entraîne le renvoi de l’affaire à un agent d’exécution pour qu’il fixe une nouvelle date pour le renvoi, ce qui déclenchera probablement une nouvelle demande de report du renvoi et, éventuellement, une nouvelle demande de sursis du renvoi. Finalement, une décision sur le fond de la demande ne constituera de toute évidence pas un empiétement sur le domaine législatif.

[46] Compte tenu des facteurs énumérés par la Cour suprême dans l’arrêt Borowski, précité, si j’avais été d’avis que la demande est théorique, je n’aurais eu aucune hésitation à décider que notre Cour devrait statuer sur le fond de la demande.

[47] Je passe maintenant à la seconde question.

C. L’agente d’exécution a-t-elle commis une erreur en refusant de reporter le renvoi des appelants du Canada en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande CH en instance?

[48] Lorsqu’on examine le pouvoir discrétionnaire que l’article 48 de la Loi confère à l’agent d’exécution en matière de report de renvoi, il importe de garder à l’esprit le libellé de cette disposition :

48. (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent. [Non souligné dans l’original.]

Ainsi, lorsqu’une mesure de renvoi est exécutoire, toute personne qui en fait l’objet doit quitter le pays et l’agent d’exécution est tenu d’appliquer la mesure « dès que les circonstances le permettent ».

[49] Il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité. J’ai exprimé cet avis dans la décision Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (1re inst.) (QL), au paragraphe 12 :

À mon avis, le pouvoir discrétionnaire que l’agent chargé du renvoi peut exercer est fort restreint et, de toute façon, il porte uniquement sur le moment où une mesure de renvoi doit être exécutée. En décidant du moment où il est « raisonnablement possible » d’exécuter une mesure de renvoi, l’agent chargé du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n’ont pas encore été réglées à cause de l’arriéré auquel le système fait face. Ainsi, en l’espèce, le renvoi de la demanderesse, qui devait avoir lieu le 10 mai 2000, a pour des raisons de santé été reporté au 31 mai 2000. En outre, à mon avis, l’agent chargé du renvoi avait le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi tant que l’enfant de la demanderesse, qui était âgée de huit ans, n’avait pas terminé son année scolaire. [Notes en bas de page omises.]

[50] J’ai également exprimé l’avis que la simple existence d’une demande CH n’empêchait pas l’exécution d’une mesure de renvoi valide. Au sujet de la présence d’enfants nés au Canada, j’ai adopté le point de vue que l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi. 

[51] À la suite de ma décision dans l’affaire Simoes, précitée, mon collègue le juge Pelletier, alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale, a eu l’occasion, dans la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 C.F. 682, dans le contexte d’une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, d’aborder la question du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’exécution de reporter le renvoi. Après avoir examiné attentivement et à fond les dispositions législatives applicables et la jurisprudence s’y rapportant, le juge Pelletier a circonscrit la portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution en matière de report de renvoi. Dans des motifs que je ne puis améliorer, il a expliqué ce qui suit :

– Il existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents.

La loi oblige le ministre à exécuter la mesure de renvoi valide et, par conséquent, toute ligne de conduite en matière de report doit respecter cet impératif de la Loi. Vu l’obligation qui est imposée par l’article 48, on devrait accorder une grande importance à l’existence d’une autre réparation, comme le droit de retour, puisqu’il s’agit d’une réparation autre que celle qui consiste à ne pas respecter une obligation imposée par la Loi. Dans les affaires où le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays.

Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

– Il est possible de remédier aux affaires où les difficultés causées à la famille sont le seul préjudice subi par le demandeur en réadmettant celui‑ci au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était en instance.

Je souscris entièrement à l’exposé du droit du juge Pelletier.

[52] Ayant ces principes à l’esprit, je passe maintenant à la décision de l’agente d’exécution.

[53] Il ressort de la décision de l’agente d’exécution qu’elle a tenu compte de tous les faits pertinents portés à sa connaissance. Elle a d’abord examiné le fait que les appelants avaient une demande CH en instance. Elle a fait observer à juste titre que le dépôt d’une telle demande, à une étape aussi tardive de la procédure de renvoi, ne constituait pas en soi un empêchement au renvoi. Elle a fait remarquer que les appelants avaient été informés en 2004 qu’aucune demande CH n’avait été déposée par eux, contrairement à ce qu’ils semblaient croire, et qu’ils avaient attendu jusqu’en 2006 pour présenter leur demande. L’agente d’exécution s’est par conséquent dite d’avis qu’un report de renvoi pour ce motif n’était pas justifié.

[54] L’agente d’exécution s’est ensuite penchée sur la question de l’intérêt supérieur des enfants. Elle a estimé que, si les enfants quittaient le Canada avec leurs parents, [traduction] « toute perturbation émotive dont les enfants pourraient souffrir par suite de leur renvoi du Canada ne serait probablement que temporaire ». Elle a également noté que les enfants étaient jeunes et qu’ils pourraient facilement s’adapter à un nouvel environnement. Elle a par ailleurs signalé qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté pour démontrer que les enfants ne pouvaient s’inscrire dans une école où ils pourraient apprendre l’anglais comme langue première ou comme langue seconde. Finalement, elle a expliqué que, comme ils pourraient compter sur la présence de leur père et de leur mère en Argentine et que les parents des appelants vivaient aussi dans ce pays, les enfants bénéficieraient d’un soutien affectif adéquat et d’un encadrement déjà existant dans leur nouveau pays.

[55] L’agente d’exécution a conclu sa décision en précisant dans les termes les plus nets que, s’il y avait eu un véritable empêchement au renvoi ou si une décision avait été sur le point d’être rendue au sujet de la demande CH, elle aurait accordé le report.

[56] À l’appui de leur prétention que l’agente d’exécution a commis des erreurs susceptibles de contrôle, les appelants font valoir ce qui suit.

[57] Concernant l’intérêt supérieur des enfants, ils affirment que l’agente aurait dû reporter leur renvoi en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande CH pour respecter les obligations du Canada aux termes de la Convention relative aux droits de l’enfant [20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. no 3]. À mon avis, cet argument est sans fondement. L’agente d’exécution a tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants et a conclu qu’il n’existait aucun obstacle sérieux sur le plan pratique au renvoi de leurs parents en Argentine. Le fait que les appelants avaient l’intention d’amener leurs enfants avec eux en Argentine et que les enfants ne seraient peut-être pas en mesure de revenir tant que leurs parents n’auraient pas régularisé leur statut au Canada ou tant qu’ils n’auraient pas atteint l’âge adulte ne constitue pas, à mon avis, un empêchement au renvoi de leurs parents. La jurisprudence de la Cour indique clairement que les immigrants illégaux ne peuvent se soustraire à l’exécution d’une mesure de renvoi valide simplement parce qu’ils sont les parents d’enfants nés au Canada (voir Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 C.F. 358, au paragraphe 12; voir aussi, en ce qui concerne le droit international : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 127 (C.A.); et Langner c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 469 (C.A.) (QL)). Je pourrais ajouter qu’en l’espèce, l’agente est allée plus loin que ce qui était nécessaire dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants. Comme je l’ai dit dans la décision Simoes, précitée, l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi. J’estime que les motifs exposés par le juge Pelletier dans la décision Wang, précitée, vont dans le même sens.

[58] Pour ce qui est de leur demande CH en instance, les appelants affirment que l’agente d’exécution a commis une erreur en ne tenant pas compte des circonstances spéciales entourant leur demande. Ils affirment qu’il ne s’agit pas de savoir s’ils ont soumis une demande en 2003 ou en 2004, mais bien de se demander s’ils avaient tenté, par le truchement de leur ancien avocat, de soumettre une nouvelle demande en mars 2003, ajoutant que, pour des raisons qu’ils ignorent, le bureau de Vegreville n’a jamais reçu leur demande. Ils affirment également que ce n’est qu’en 2006 qu’ils se sont rendu compte que leur demande de mars 2003 n’était jamais parvenue à destination. Les appelants soulignent par ailleurs qu’il y a eu un nouveau délai lorsqu’une seconde demande leur a été retournée en septembre 2006 pour cause d’insuffisance de fonds et qu’ils ont présenté de nouveau cette demande au début de décembre 2006. C’est pour ces motifs, font valoir les appelants, que leurs avocats réclament le traitement accéléré de leur demande CH en raison du délai de presque quatre ans qui s’est écoulé sans faute de leur part.

[59] Ainsi, suivant les appelants, l’agente d’exécution ne s’est pas posé la bonne question lorsqu’elle a concentré son attention sur la question de savoir si la demande CH « initiale » avait été soumise en 2003 ou en 2004, et sur le fait que la seconde demande des appelants avait été déposée tardivement.

[60] À mon avis, ces arguments ne peuvent être retenus. Premièrement, on ne m’a pas convaincu que l’agente d’exécution a commis une erreur susceptible de contrôle dans son examen et analyse de la preuve. Ce que les appelants nous demandent en fait, c’est d’apprécier à nouveau la preuve pour tirer une conclusion différente. À mon avis, il ne nous est pas loisible de le faire. Deuxièmement, à la lumière des principes énoncés dans les décisions Simoes, précitée, et Wang, précitée, je ne vois pas sur quoi pourrait se fonder notre Cour pour modifier la décision de l’agente d’exécution.

[61] Je conclus donc que la décision de l’agente d’exécution de refuser de reporter le renvoi des appelants du Canada était raisonnable et que sa décision doit être confirmée.

[62] Voilà qui suffit pour trancher l’appel. Toutefois, avant de conclure, j’estime devoir formuler quelques observations complémentaires.

[63] Il importe de signaler que, pour conclure qu’un report n’était pas justifié compte tenu des faits portés à sa connaissance, l’agente d’exécution a insisté sur le fait que les appelants ne s’étaient pas présentés à leur entrevue préalable au renvoi du 21 janvier 2006. L’agente d’exécution a également signalé qu’il avait fallu lancer des mandats contre les appelants et que ces mandats avaient été exécutés en mars et en juillet 2006. Elle aurait également pu souligner le fait que, pour reporter leur renvoi prévu pour le 18 janvier 2007, les appelants s’étaient engagés à quitter le pays avec leurs enfants le 15 février 2007, et qu’ils n’avaient pas respecté cet engagement. L’agente d’exécution aurait également pu considérer pertinent le fait que les mesures d’interdiction de séjour conditionnelles qui avaient été prononcées contre eux au moment du dépôt de leur demande d’asile étaient devenues des mesures de renvoi exécutoires le 30 mai 2002.

[64] Des faits de ce genre, c’est-à-dire des situations dans lesquelles des individus font défaut de se conformer aux conditions de la Loi ou agissent de manière à en empêcher l’application, devraient toujours figurer en tête de liste des facteurs pertinents dont peut tenir compte l’agent d’exécution. À cet égard, il vaut la peine de citer les propos que notre Cour a tenus au paragraphe 19 de l’arrêt Legault, précité. Même si, dans l’affaire Legault, précitée, le débat tournait autour de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans le contexte d’une demande CH, les propos du juge Décary s’appliquent parfaitement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à l’agent d’exécution :

Bref, la Loi sur l’immigration et la politique canadienne en matière d’immigration sont fondées sur la prémisse que quiconque vient au Canada avec l’intention de s’y établir doit être de bonne foi et respecter à la lettre les exigences de fond et de forme qui sont prescrites. Quiconque entre illégalement au Canada contribue à fausser le plan et la politique d’immigration et se donne une priorité sur tous ceux qui, eux, respectent les exigences. Le ministre, qui est responsable de l’application de la politique et de la Loi, est très certainement autorisé à refuser la dispense que demande une personne qui a établi l’existence de raisons d’ordre humanitaire, s’il est d’avis, par exemple, que les circonstances de l’entrée ou du séjour au Canada de cette personne la discréditent ou créent un précédent susceptible d’encourager l’entrée illégale au Canada. En ce sens, il est loisible au ministre de prendre en considération le fait que les raisons d’ordre humanitaire dont une personne se réclame soient le fruit de ses propres agissements. [Non souligné dans l’original.]

[65] Ainsi, si les agissements de la personne qui réclame le report de son renvoi la discréditent ou créent un précédent susceptible d’inciter d’autres personnes à agir de la même manière, il est parfaitement loisible à l’agent d’exécution d’en tenir compte pour décider s’il y a lieu d’accorder le report demandé. Ni les agents d’exécution ni d’ailleurs les tribunaux ne devraient encourager ou récompenser ceux qui n’ont pas une attitude irréprochable.

[66] Une dernière observation. Dans son analyse des conséquences indésirables que serait susceptible d’entraîner la conclusion qu’une demande comme celle dont nous sommes saisis dans le présent appel devient théorique dès que la date prévue pour le renvoi est passée, la juge Dawson a formulé plusieurs remarques très pertinentes, dont la suivante, que l’on trouve au paragraphe 65 de ses motifs :

En outre, les risques d’abus seront grandement réduits si la Cour fait preuve de constance dans l’examen des requêtes en sursis et, quand le sursis est accordé, si l’ASFC prend en considération les questions importantes relevées par la Cour, avant de prendre de nouvelles dispositions pour l’exécution de la mesure de renvoi. Il ne faut pas oublier que, pour accorder le sursis, la Cour doit avoir relevé au moins une question faisant en sorte qu’il est vraisemblable que la demande principale soit accueillie. Il ne suffit pas que la Cour conclue simplement que la question n’est pas frivole ou vexatoire. Voir la décision Wang, précitée. [Non souligné dans l’original.]

Ces observations me ramènent aux motifs du juge Pelletier dans la décision Wang, précitée, dans laquelle il a rejeté la requête en sursis du renvoi parce que le demandeur ne l’avait pas convaincu que la demande sous-jacente soulevait une question sérieuse. Cette conclusion découlait de son avis que, pour se prononcer sur le volet de la « question sérieuse » du critère à trois volets énoncé dans l’arrêt Manitoba, précité (que notre Cour a adopté pour statuer sur les requêtes en sursis au renvoi dans l’arrêt Toth, précité), le juge « doit aller plus loin que l’application du critère de la « question sérieuse » et examiner de près le fond de la demande sous-jacente » (au paragraphe 10 de ses motifs). En d’autres termes, le juge doit examiner attentivement la question soulevée dans la demande sous-jacente.

[67] Bien que je souscrive entièrement à l’approche proposée par mon collègue au sujet du volet de la « question sérieuse » du critère à trois volets dans le contexte d’une requête en sursis d’une mesure de renvoi, j’ajouterais ce qui suit. Pour décider s’il existe une question sérieuse justifiant le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, le juge saisi de la requête devrait premièrement être bien conscient du fait que le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi de la personne visée par une mesure de renvoi exécutoire est limité, ainsi qu’il a été expliqué dans la décision Simoes, précitée, et, plus particulièrement, dans la décision Wang, précitée. Deuxièmement, le juge devrait également tenir compte du fait que la norme de contrôle de la décision de l’agent d’exécution est celle de la raisonnabilité. Ainsi, pour obtenir gain de cause dans la demande de contrôle judiciaire par laquelle il conteste cette décision, le demandeur doit être en mesure de faire valoir des arguments assez solides, ce qui, à mon avis, n’était de toute évidence pas le cas pour les appelants en l’espèce.

[68] Si le juge O’Keefe avait tenu compte de la portée restreinte du pouvoir discrétionnaire de l’agente d’exécution et de la norme de contrôle applicable, il n’aurait pas conclu que la demande de contrôle judiciaire soulevait une question sérieuse à trancher et il n’aurait donc pas accordé le sursis.

[69] Il est par ailleurs évident, à mon avis, que rien ne lui permettait de conclure que les appelants subiraient un préjudice irréparable si l’exécution de la mesure de renvoi n’était pas suspendue. Ainsi que notre Cour et la Cour fédérale l’ont constamment répété, les difficultés et perturbations causées à la vie familiale sont une des conséquences regrettables entraînées par les mesures de renvoi, mais elles ne constituent manifestement pas un préjudice irréparable. Pour paraphraser le juge Pelletier (voir le paragraphe 48 de ses motifs dans la décision Wang, précitée), les difficultés causées à la famille sont la malheureuse conséquence d’une mesure de renvoi, mais on peut y remédier par une réadmission si la demande CH est accueillie. De plus, le fait que les enfants des appelants pourraient avoir à poursuivre leurs études en espagnol, à la suite du renvoi de leurs parents en Argentine, ne constitue de toute évidence pas un préjudice irréparable.

[70] Je suis donc d’avis de rejeter l’appel et de répondre comme suit à la question certifiée :

Comme la demande de droit établissement sous-jacente n’a toujours pas été tranchée à la date de l’examen de la demande de contrôle judiciaire par la Cour, il subsiste un « litige actuel » entre les parties, de sorte que l’affaire n’est pas devenue théorique du seul fait que la date prévue pour le renvoi est passée.

La juge Desjardins, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[71] Le juge Blais, J.C.A. : J’ai lu les motifs de mon collègue le juge Nadon et je dois en toute déférence me dissocier d’une partie de ses conclusions.

[72] Je vais m’en remettre aux faits exposés par la juge de la Cour fédérale, la juge Dawson, et par mon collègue plutôt que de les reproduire ici.

[73] Je souscris à l’analyse que mon collègue a faite du refus de l’agente d’exécution de reporter le renvoi des appelants. La décision prise par l’agente d’exécution entrait parfaitement dans le cadre restreint de son pouvoir discrétionnaire, était bien motivée et respectait entièrement les paramètres définis par la jurisprudence de notre Cour et de la Cour de première instance.

[74] En ce qui concerne les affirmations catégoriques du juge Nadon au sujet de l’octroi d’un sursis au motif que la demande de contrôle judiciaire en instance visant le refus de l’agente d’exécution constitue une question sérieuse, j’abonde tout à fait dans le sens de mon collègue et de la juge Dawson. On constate depuis quelque temps chez les demandeurs d’asile une fâcheuse tendance à réclamer des reports, à présenter des demandes de contrôle judiciaire et à demander la suspension de l’exécution des mesures de renvoi dont ils font l’objet, le tout de manière abusive. Les juges saisis de requêtes en sursis peuvent freiner cette tendance en vérifiant comme il se doit l’existence d’une question sérieuse à trancher pour déterminer si la demande de contrôle judiciaire comporte au moins une question qui a des chances de succès. Il s’avère qu’en l’espèce, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente à la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi a peu de chances d’être accueillie compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont disposait l’agente d’exécution et des nombreux éléments cités à l’appui de sa décision. La décision d’accorder un sursis aux appelants les a amenés à demeurer deux ans de plus au Canada, permettant ainsi à leurs enfants de mieux s’intégrer et rendant plus difficile leur adaptation dans le cas où les appelants et leurs enfants devraient retourner en Argentine.

[75] Je dois, en toute déférence, me dissocier de la conclusion tirée par mon collègue au sujet de la question certifiée visant le caractère théorique.

[76] Les parties soutiennent — et mon collègue est d’accord avec elles — que pour pouvoir cerner le litige au cœur de la demande de contrôle judiciaire, il faut déterminer si les appelants devraient être renvoyés avant qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande CH.

[77] Même si les appelants invoquent au soutien de leur demande de report l’intérêt supérieur de leurs enfants et le prononcé d’une décision au sujet de leur demande CH, la question en l’espèce est de savoir si c’est à bon droit que l’agente d’exécution a refusé de reporter le renvoi des appelants en janvier 2007, et non de savoir si c’est à bon droit que l’agente d’exécution a estimé que le renvoi n’aurait jamais lieu avant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande CH, ainsi qu’il ressort de l’extrait suivant des notes qu’elle a versées au dossier :

[traduction] En conclusion, la soussignée se rend compte qu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire limité en matière de report de renvois. Elle accéderait à cette demande s’il y avait un empêchement au renvoi ou si la décision concernant la demande CH était imminente. Ce n’est toutefois pas le cas.

[78] Il est sans intérêt de savoir si c’est à bon droit ou non que l’agente d’exécution a refusé de reporter le renvoi en janvier 2007, étant donné que la date prévue pour le renvoi est passée. Qui plus est, la situation a peut-être évolué au point où les conclusions tirées par l’agente d’exécution risquent de ne plus s’appliquer aux faits actuels. À mon avis, la juge Dawson a eu raison de décrire le différend comme portant sur la question de savoir si les appelants auraient dû être contraints à quitter le pays à la date prévue de leur renvoi. De plus, comme l’octroi du sursis a permis aux appelants d’obtenir le report que l’agente d’exécution leur avait refusé, le contrôle de la décision de l’agente d’exécution ne changera rien aux conséquences factuelles.

[79] Les parties affirment que le litige porte sur la question de savoir si les appelants devraient être renvoyés avant qu’une décision ne soit rendue au sujet de leur demande CH. Ce n’était cependant pas la question qui était soumise à l’agente d’exécution. En fait, la conclusion de l’agente d’exécution au sujet du fait qu’une décision sur la demande CH n’était pas imminente démontre bien que sa décision reposait sur des considérations temporelles.

[80] Aux termes du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), « [l]’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent ». Je suis d’accord avec mon collègue pour dire qu’il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire de l’agent d’exécution est limité. Il n’en demeure pas moins qu’en fin de compte, l’agent d’exécution n’est censé faire rien d’autre que d’exécuter la mesure de renvoi. Bien que les agents d’exécution aient le pouvoir discrétionnaire de fixer de nouvelles dates de renvoi, ils ne sont pas censés reporter le renvoi à une date indéterminée. Vu les faits dont nous disposons, la date de la décision relative à la demande CH était inconnue et il était peu probable qu’elle fût imminente, de sorte que l’on demandait en fait à l’agente d’exécution de reporter le renvoi à une date indéterminée. Or, elle n’avait tout simplement pas le pouvoir de reporter le renvoi à une date indéterminée (non souligné dans l’original).

[81] Au fil des ans, les fonctions des agents d’exécution n’ont pas changé et pourtant, le nombre de motifs invoqués par les demandeurs pour obtenir des reports ont connu une hausse spectaculaire. J’estime que les demandes présentées ne peuvent modifier la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent chargé de l’exécution des mesures de renvoi. Le rôle de cet agent ne consiste pas à évaluer l’intérêt supérieur des enfants ou les chances de succès d’une demande. Il devrait demeurer limité et un report ne devrait être envisagé que dans des circonstances très limitées.

[82] La loi n’a pas, à ma connaissance, accordé de nouveaux recours aux demandeurs d’asile qui désirent que leur situation fasse l’objet d’une nouvelle évaluation. Les demandeurs d’asile peuvent déjà présenter une demande d’asile, demander un examen des risques avant renvoi (ERAR) et présenter une demande CH, en plus d’avoir la possibilité de demander le contrôle judiciaire de ces décisions et le sursis de la mesure de renvoi.

[83] Dans le cas qui nous occupe, il semble que les demandeurs d’asile veulent ouvrir un recours additionnel en demandant à l’agente d’exécution de réexaminer des éléments d’information qui ont déjà été analysés par des tribunaux administratifs et qui ont fait l’objet d’un contrôle judiciaire. L’agent d’exécution qui accéderait à une telle demande de réexamen rendrait en quelque sorte une ordonnance quasi-judiciaire sans avoir eu l’avantage d’entendre l’avocat de la partie adverse. Le temps est venu de mettre fin à ces abus.

[84] Pour illustrer davantage les raisons pour lesquelles la question soumise à la juge Dawson était théorique, considérons la situation hypothétique suivante : si le juge O’Keefe n’avait pas accordé le sursis et que les appelants avaient été renvoyés en Argentine, la juge Dawson aurait quand même statué sur la demande de contrôle judiciaire. Constatant que les appelants avaient déjà été renvoyés à la date prévue de leur renvoi, la juge Dawson aurait probablement considéré que la question était théorique, puisque la décision serait caduque, étant donné que la date pertinente serait déjà passée. Mais, si au lieu de conclure que la question était théorique, la juge Dawson avait estimé que l’agente d’exécution avait commis une erreur en ne reportant pas la date de renvoi, quel résultat aurait-on obtenu? Les appelants seraient-ils autorisés à rentrer au Canada seulement pour qu’une seconde date de renvoi soit fixée en vue de leur renvoi? Réclameraient-ils un autre report d’un autre agent d’exécution? On aboutit à une situation absurde.

[85] La conséquence la plus probable est que les appelants devraient attendre en Argentine que leur demande CH soit tranchée et, dans le cas d’une décision favorable, ils seraient réadmis au Canada.

[86] Aux termes du paragraphe 11(1) [mod. par L.C. 2008, ch. 28, art. 116] de la LIPR, l’étranger qui souhaite obtenir le statut de résident permanent doit demander un visa, avant d’entrer au Canada. La LIPR précise bien que les demandes CH ne sont censées être que des exceptions à cette règle. Les demandes CH permettent d’examiner une demande du Canada lorsque le ministre estime que des raisons d’ordre humanitaire justifient cette exception [article 25 (mod., idem, art. 117)] :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

(2) Le statut ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

[87] Les demandes CH ne sont pas censées faire obstacle aux mesures de renvoi valides. Lorsque l’ERAR révèle que le demandeur ne serait exposé à aucun risque s’il retournait dans son pays d’origine, on s’attend à ce que le demandeur présente ses demandes de résidence permanente ultérieures de son pays d’origine.

[88] Dans le cas des appelants, la demande CH est toujours en instance, ce qui, à mon avis, n’empêche toujours pas leur renvoi. Ni eux ni leurs enfants nés au Canada ne subiront de préjudice irréparable à cause de leur renvoi. Si une nouvelle date de renvoi est fixée, les appelants réclameront probablement un report à l’agent d’exécution. Je crois que mon collègue fait preuve d’optimisme en laissant entendre qu’il faudrait alléguer de nouveaux faits pour pouvoir justifier une telle demande. Les appelants répètent les mêmes arguments depuis qu’ils ont commencé leurs échanges avec les autorités canadiennes de l’immigration et les probabilités qu’ils continuent d’invoquer ces arguments ou des variantes de ceux-ci qui soient compatibles avec l’écoulement du temps sont élevées.

[89] Je suis par conséquent d’avis de rejeter le présent appel avec dépens et de répondre comme suit à la question certifiée :

Comme la date du renvoi est passée, il est sans intérêt de savoir si le refus de l’agente d’exécution de reporter la date du renvoi en janvier 2007 était raisonnable et la question est par conséquent devenue théorique.

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