Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-457-02

2003 CAF 259

Victoria Sveinson (demanderesse)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié: Sveinson c. Canada (Procureur général) (C.A.)

Cour d'appel, juges Létourneau, Evans et Sharlow, J.C.A.--Ottawa, 4 et 9 juin 2003.

Assurance-emploi -- L'arbitre a renversé la décision du conseil arbitral et a décidé qu'un règlement en matière de parité salariale accordé par le TCDP devait être attribué, aux fins de l'assurance-emploi, à la rémunération pour l'année où il a été reçu et non pour les années pour lesquelles il a été versé -- Contrôle judiciaire de la part de la C.A.F. -- Demande rejetée -- L'arbitre n'a pas commis d'erreur en concluant que le règlement constituait un «rajustement de salaire» ou une «augmentation de salaire rétroactive» au sens de l'art. 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi -- Il n'est pas pertinent que le règlement ait été versé relativement à une période de paie en particulier -- Il n'est pas pertinent que le règlement ait été versé en vertu d'une ordonnance réparatrice du TCDP -- Examen du sens de «rajustement de salaire» et de «augmentation de salaire rétroactive» -- Le principe selon lequel la législation relative à l'assurance-emploi devrait être interprétée de façon large de manière à favoriser la demanderesse ne s'applique pas en l'espèce en raison de la décision de la C.A.F. dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Sveinson -- La LCDP n'exclut pas l'application de l'art. 23(1)b) au règlement en matière de parité salariale -- Le délai de prescription de trois ans de l'art. 52(1) de la Loi sur l'assurance-emploi n'est pas incompatible avec la LCDP.

Droits de la personne -- Attribution d'un règlement en matière de parité salariale accordé par le TCDP aux fins de l'assurance-emploi -- Les expressions «rajustement de salaire» et «augmentation de salaire rétroactive» sont-elles applicables à une ordonnance réparatrice du TCDP lorsqu'il a été décidé que l'employeur violait la LCDP -- En raison de la décision de la C.A.F. dans l'affaire Canada (Procureur général) v. Sveinson, il n'y a pas lieu d'accepter l'argument selon lequel la législation relative à l'assurance-emploi devrait être interprétée de façon large de manière à ce qu'elle soit compatible avec les valeurs d'égalité de la LCDP -- La LCDP n'exclut pas l'application de l'art. 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi au règlement en matière de parité salariale -- Il n'y a pas de conflit entre la LCDP et l'application de l'art. 23(1)b) au règlement -- Il est faux d'affirmer que la législation qui ne rectifie pas toutes les conséquences indirectes d'une discrimination illégale faite par un employeur est elle-même incompatible avec la LCDP -- La décision du Tribunal ne statuait pas sur les conséquences du paiement d'une somme forfaitaire sur l'assurance-emploi -- La LCDP n'empêche pas l'application du délai de prescription de l'art. 52(1) de la Loi sur l'assurance-emploi pour cause d'incompatibilité avec la LCDP.

Interprétation des lois -- Le règlement en matière de parité salariale ordonné par le Tribunal canadien des droits de la personne constituait-il un «rajustement de salaire» ou une «augmentation de salaire rétroactive» au sens de l'art. 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi -- L'argument que cela signifie la correction d'une erreur ou une entente concernant les taux de rémunération est rejeté en raison du sens ordinaire des mots et parce que cette interprétation exigerait l'ajout de mots dans la loi -- En raison de la décision de la C.A.F. dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Sveinson, il est impossible de prétendre que la législation relative à l'assurance-emploi devrait être interprétée de façon large de manière à favoriser la demanderesse et de manière à ce qu'elle soit compatible avec les valeurs d'égalité de la LCDP -- Il n'existe pas de conflit entre la LCDP et l'application de l'art. 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi au règlement en cause -- Il est impossible de prétendre que la législation qui ne rectifie pas toutes les conséquences indirectes d'une discrimination dans l'emploi est elle-même incompatible avec la LCDP.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre selon laquelle un règlement en matière de parité salariale, reçu conformément à une ordonnance du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP), devait être attribué, aux fins de l'assurance-emploi, à la rémunération de la demanderesse pour l'année où elle a reçu le règlement plutôt que pour les années pour lesquelles il a été versé. Renversant la décision du conseil arbitral, l'arbitre a confirmé la décision de la Commission de l'assurance-emploi du Canada selon laquelle le règlement en matière de parité salariale n'avait pas augmenté rétroactivement la rémunération assurable de la demanderesse pour les périodes de demande de 1994, 1995, 1996, 1998 et 1999. Par conséquent, elle n'avait pas droit à une majoration des prestations d'assurance-emploi reçues pour ces années-là.

Arrêt: la demande est rejetée.

La première question était de savoir si l'arbitre a commis une erreur en concluant que le règlement en matière d'équité salariale constituait un «rajustement de salaire» ou une «augmentation de salaire rétroactive» au sens de l'alinéa 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi qui répartit proportionnellement cette rémunération sur la période de paie au cours de laquelle elle est versée. Le conseil arbitral a conclu que le règlement était une «rétribution» au sens de l'alinéa 23(1)a) parce qu'il était versé pour une période de paie en particulier. Il ne devait pas être au courant de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Sveinson, [2002] 2 C.F. 205 (Sveinson I) dans laquelle il a été statué qu'un paiement énuméré à l'alinéa 23(1)b) était visé par cet article même s'il a été fait pour une période de paie en particulier. Le conseil a donc commis une erreur de droit et sa décision était assujettie au contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. Un argument a été formulé selon lequel les expressions «rajustement de salaire» et «augmentation de salaire rétroactive» ne s'appliquaient pas à une ordonnance réparatrice du TCDP lorsqu'il a été décidé qu'un employeur violait la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). On a laissé entendre que l'expression «rajustement de salaire» concerne un rajustement effectué à la suite d'une erreur et qu'une «augmentation de salaire rétroactive» résulte d'une entente concernant les taux de rémunération. Toutefois, ces interprétations devaient être rejetées parce que le sens ordinaire des mots était suffisamment large pour inclure les règlements en matière de parité salariale et parce que les interprétations proposées par l'avocat exigeraient l'ajout de mots dans le texte de la loi. Aucune distinction ne pouvait non plus être faite d'avec l'arrêt Sveinson I au regard des faits. Au vu des motifs du jugement de la Cour dans cette affaire, il n'y a pas lieu d'utiliser le principe d'interprétation selon lequel la législation relative à l'assurance-emploi devrait être interprétée de façon large de manière à favoriser les demandeurs et d'une manière qui soit compatible avec les valeurs d'égalité promulguées par la LCDP.

La deuxième question était de savoir si la LCDP excluait l'application de l'alinéa 23(1)b) au règlement en matière de parité salariale. On a insisté pour que la Cour conclue que le défaut d'attribuer le règlement en matière de parité salariale de la demanderesse aux périodes de paie précises auxquelles il se rapportait minait le but de la LCDP, qui est de mettre les travailleurs sous-payés dans la même situation financière que celle dans laquelle ils auraient été si le gouvernement n'avait pas violé l'article 11 de la LCDP. Cet argument ne pouvait pas être accepté parce qu'il était fondé sur la prémisse erronée qu'il existe un conflit entre la LCDP et l'application de l'alinéa 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi au règlement en cause en l'espèce. L'argument de l'avocat se résumait à prétendre que la législation qui ne rectifie pas toutes les conséquences indirectes d'une discrimination illégale faite par un employeur est elle-même incompatible avec la LCDP. Ce n'est pas ce genre d'incohérence qui fait en sorte qu'on doive rendre une législation par ailleurs valide inopérante. Dans sa décision, le Tribunal n'entendait pas statuer sur les conséquences du paiement d'une somme forfaitaire sur l'assurance-emploi.

La dernière question était de savoir si la LCDP empêchait l'application, en l'espèce, du paragraphe 52(1) de la Loi sur l'assurance-emploi, lequel permet à la Commission d'examiner de nouveau toute demande de prestations dans les trois ans qui suivent le paiement des prestations. Sur ce point, l'argument avancé était que le délai de prescription de trois ans de l'article ne devrait pas s'appliquer pour cause d'incompatibilité avec la LCDP. Cet argument devait être rejeté du fait qu'il n'existe aucun conflit entre l'article 52 et la LCDP.

lois et règlements

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 11.

Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 52.

Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332, art. 23 (mod. par DORS/97-31, art. 12; 97-310, art. 6).

jurisprudence

décision appliquée:

Canada (Procureur général) c. Sveinson, [2002] 2 C.F. 205; (2002), 281 N.R. 381 (C.A.).

décision citée:

Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559; (2002), 212 D.L.R. (4th) 1; [2002] 5 W.W.R. 1; 100 B.C.L.R. (3d) 1; 18 C.P.R. (4th) 289; 93 C.R.R. (2d) 189; 287 N.R. 248.

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision d'un arbitre (Sveinson (In re) 2002, CUB 54429) qui a renversé la décision d'un conseil arbitral et qui a décidé que le règlement en matière de parité salariale n'avait pas augmenté rétroactivement la rémunération assurable de la demanderesse pour certaines périodes de demande. Demande rejetée.

ont comparu:

David Yazbeck pour la demanderesse.

Julia Parker pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne, Ottawa, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Evans, J.C.A.: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Victoria Sveinson visant à faire annuler la décision d'un arbitre ([In re Sveinson] (2002), CUB 54429) dans laquelle il a décidé qu'un règlement en matière de parité salariale, qu'elle a reçu en septembre 2000 conformément à une ordonnance du Tribunal canadien des droits de la personne, devait être attribué, aux fins de l'assurance-emploi, à sa rémunération pour l'année où elle a reçu le règlement et non pour les années pour lesquelles il a été versé.

[2]Renversant la décision d'un conseil arbitral, datée du 25 octobre 2001, l'arbitre a confirmé la décision de la Commission de l'assurance-emploi du Canada selon laquelle le règlement en matière de parité salariale de Mme Sveinson n'avait pas augmenté rétroactivement sa rémunération assurable pour les périodes de demande de 1994, 1995, 1996, 1998 et 1999. Par conséquent, elle n'avait pas droit à une majoration des prestations d'assurance-emploi qu'elle avait reçues pour ces années-là.

Première question    Est-ce que l'arbitre a commis une erreur de droit en concluant que le règlement en matière d'équité salariale de Mme Sveinson constituait un «rajustement de salaire» ou une «augmentation de salaire rétroactive» au sens de l'alinéa 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi?

[3]Les dispositions du Règlement sur l'assurance- emploi, DORS/96-332, qui étaient en vigueur au moment où Mme Sveinson a demandé que le règlement en matière d'équité salariale augmente sa rémunération assurable pour les années en cause étaient les suivantes [article 23 (mod. par DORS/97-31, art. 12; 97-310, art. 6)]:

23. (1) Pour l'application de l'article 14 de la Loi, la rémunération assurable est répartie de la façon suivante:

a) la rétribution, y compris la paie des jours fériés, autre que la rétribution visée à l'alinéa b), qui est versée pour une période de paie ou qui n'est pas versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, est attribuée à cette période de paie;

b) la paie d'heures supplémentaires, les primes de quart de travail, les rajustements de salaire, les augmentations de salaire rétroactives, les primes, les gratifications, les crédits de congés de maladie non utilisés, les primes de rendement, l'indemnité de vie chère, l'indemnité de fin d'emploi, l'indemnité de préavis et toute autre rétribution, y compris la paie de vacances qui n'est pas versée à l'égard d'une période de paie ou qui n'est pas versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunéra-tion assurable et la perception des cotisations, sont répartis proportionnellement sur la période de paie au cours de laquelle ils sont versés. [Soulignement ajouté.]

[4]Le premier point soulevé par l'avocat de la demanderesse était que l'arbitre n'aurait pas dû intervenir quant à la conclusion du conseil arbitral selon laquelle le règlement en matière d'équité salariale était une «rétribution» au sens de l'alinéa 23(1)a) et non un «rajustement de salaire» ou une «augmentation de salaire rétroactive» au sens de l'alinéa 23(1)b). La qualification d'un paiement aux fins du Règlement constitue une question mixte de droit et de fait qui ne peut être renversée en appel par un arbitre en l'absence d'une erreur dans l'interprétation de la disposition ou d'une application déraisonnable de la disposition aux faits de la cause.

[5]Selon moi, le conseil était d'avis que le règlement en matière d'équité salariale n'était pas visé par l'alinéa 23(1)b) parce qu'il était versé pour une période de paie en particulier. Dans ses motifs, le conseil déclare:

[. . .] [l'alinéa 23](1)b) mentionne les rajustements de salaire qui ne sont pas versés à l'égard d'une période de paie. En l'occurrence, les rajustements ont été versés pour des périodes précises qui remontent à 1985. Par conséquent, le conseil estime que l'alinéa 23(1)a) devrait s'appliquer[. . .].

[6]Il appert toutefois que le conseil n'était pas au courant de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Sveinson, [2002] 2 C.F. 205 (C.A.) (Sveinson I), lequel avait été rendu seulement quelques jours avant que le conseil ne prenne sa décision. Dans l'arrêt Sveinson I, la Cour a statué qu'un paiement énuméré à l'alinéa 23(1)b) était visé par cet alinéa qu'il ait ou non été fait pour une période de paie en particulier.

[7]Par conséquent, puisque le conseil semble avoir fondé sa décision sur une interprétation du droit qui avait été écartée par l'arrêt Sveinson I, il a commis une erreur de droit qui est donc assujettie au contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. En conséquence, l'arbitre avait le droit d'examiner la décision du conseil concernant cette question afin de déterminer si elle était correcte.

[8]Le deuxième point soulevé par l'avocat de la demanderesse était que l'arbitre avait commis une erreur de droit en qualifiant le règlement en matière d'équité salariale de Mme Sveinson de «rajustement de salaire» ou d'«augmentation de salaire rétroactive». Il a soutenu que ces expressions ne s'appliquaient pas aux paiements faits en vertu d'une ordonnance réparatrice du Tribunal canadien des droits de la personne qui exige d'un employeur qu'il paie à ses employés la différence entre les salaires qui avaient été payés pour les années 1985 à 1998 et ceux payés pour ces mêmes années à des groupes de comparaison d'hommes exécutant un travail d'égale valeur, à la suite d'une conclusion selon laquelle l'employeur violait la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP).

[9]L'avocat de la demanderesse a plaidé que l'expression «rajustement de salaire» de l'alinéa 23(1)b) ne concerne qu'un rajustement du salaire d'un employé effectué à la suite d'une erreur dans le calcul du montant en raison, par exemple, d'une erreur cléricale, de fraude ou de fausse représentation et non un paiement fait par un employeur conformément à une ordonnance d'un tribunal de réparer une discrimination salariale fondée sur le sexe. De même, il a soutenu qu'une «augmentation de salaire rétroactive» résulte d'une entente entre les employeurs et les employés concernant les taux de rémunération.

[10]En raison du fait que le sens ordinaire des expressions «rajustement de salaire» et «augmentation de salaire rétroactive» est assez large pour inclure les règlements en matière de parité salariale, l'interprétation que suggère l'avocat de la demanderesse exigeraient l'ajout de mots dans la loi pour qu'ils en soient exclus. Selon moi, rien dans le texte ou l'objet de la disposition ne justifie une interprétation restrictive qui exigerait l'ajout de mots dans le texte de la loi.

[11]Le troisième point soulevé par l'avocat de la demanderesse était que le raisonnement de la Cour concernant l'interprétation à donner à l'alinéa 23(1)b) adopté dans l'arrêt Sveinson I ne s'applique pas aux faits en l'espèce, de sorte que le paiement en matière de parité salariale ne devrait pas être traité comme un «rajustement de salaire» ou une «augmentation de salaire rétroactive» et attribué conformément à l'alinéa 23(1)b), mais traité à juste titre comme une rétribution régulière conformément à l'alinéa 23(1)a).

[12]L'avocat de la demanderesse a soutenu que dans l'arrêt Sveinson I, la Cour a statué que les paiements énumérés précisément à l'alinéa 23(1)b) étaient visés par cette disposition, qu'ils se rapportent ou non à une période de paie en particulier, dans le but d'éviter que la Commission soit obligée de déterminer si l'employeur avait, en fait, effectué le paiement en rapport avec une période en particulier. Cependant, a-t-il plaidé, les talons de paie émis avec les règlements en matière de parité salariale les reliaient clairement à des années précises pour la période allant de 1985 à 1998. Par conséquent, la Commission n'aurait pas la charge administrative potentiellement onéreuse d'enquêter sur les pratiques de rémunération de l'employeur dans le but de déterminer la période de paie à laquelle se rapportait le paiement.

[13]Je ne suis pas d'accord. L'interprétation de la portée des alinéas 23(1)a) et b) faite par la Cour dans l'arrêt Sveinson I était fondée principalement sur le libellé des dispositions pertinentes. Le raisonnement se rattachant aux raisons administratives corroborait simplement la conclusion à laquelle tendait l'analyse textuelle. Il ne restreignait pas la portée de la décision qui énonçait clairement que les paiements de la nature de ceux décrits à l'alinéa 23(1)b) doivent être attribués à l'époque de la réception, sans égard au fait qu'ils se rapportent ou non à une période de paie en particulier.

[14]En fin de compte, j'ajouterais que, au vu de la clarification faite dans l'arrêt Sveinson I relativement à la portée des alinéas 23(1)a) et b), il n'y a pas lieu d'utiliser les principes d'interprétation selon lesquels la législation relative à l'assurance-emploi devrait être interprétée de façon large de manière à favoriser les demandeurs et selon lesquels la législation devrait être interprétée d'une manière qui soit compatible avec les valeurs d'égalité promulguées par la LCDP: comparez avec Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 66.

Deuxième question     Est-ce que la LCDP exclut l'application de l'alinéa 23(1)b) au règlement en matière de parité salariale?

[15]L'avocat de la demanderesse a plaidé que, même si l'argent versé à Mme Sveinson en 2000 constituait un «rajustement de salaire» qui serait normalement visé par l'alinéa 23(1)b), le fait qu'il ait été payé conformément à l'ordonnance du Tribunal de réparer la discrimination l'a exclu de l'application de cet alinéa. L'argument était le suivant.

[16]Mme Sveinson a reçu le paiement conformément à une ordonnance du Tribunal canadien des droits de la personne, qui a conclu que, elle, comme des milliers d'autres membres de la fonction publique fédérale, avait reçu une rémunération moindre que celle des hommes exécutant un travail d'égale valeur, en contravention de l'article 11 de la LCDP. L'ordonnance du Tribunal, qui a été mise en application au moyen d'une entente intervenue entre les parties, avait pour but de garantir que les plaignantes reçoivent les salaires non discriminatoires qui devaient leur être versés. Ne pas attribuer le règlement en matière de parité salariale de Mme Sveinson aux périodes de paie précises auxquelles il se rapportait minait le but de la LCDP, à savoir, de mettre ceux qui avaient été illégalement sous-payés dans la même situation financière que celle dans laquelle ils auraient été si le gouvernement n'avait pas violé l'article 11 de la LCDP. À l'appui de cet argument, l'avocat de Mme Sveinson a plaidé que, à moins qu'elle soit expressément écartée, la législation relative aux droits de la personne l'emporte sur toute autre législation qui n'est pas compatible avec elle.

[17]Malgré l'habile plaidoyer de l'avocat de la demanderesse, je ne peux pas accepter cet argument. À mon avis, il repose sur la prémisse erronée qu'il existe un conflit entre la LCDP et l'application de l'alinéa 23(1)b) du Règlement sur l'assurance-emploi au règlement en matière de parité salariale que Mme Sveinson a reçu. Il n'y a certainement pas d'incohérence entre l'article 11, lequel interdit la conduite discriminatoire de la part des employeurs, et les dispositions de la législation sur l'assurance-emploi qui traitent du calcul de la rémunération assurable. L'argument de l'avocat de la demanderesse équivaut, en effet, à prétendre que la législation qui ne rectifie pas toutes les conséquences indirectes d'une discrimination illégale faite par un employeur est elle-même incompatible avec la LCDP. À mon avis, ce n'est pas ce genre d'incohérence qui fait en sorte qu'on doive rendre une législation par ailleurs valide inopérante.

[18]De plus, bien que le Tribunal ait sans doute eu pour intention dans sa décision de redonner leur intégrité économique aux personnes qui avaient déposé une plainte en matière de parité salariale en exigeant de leur employeur, le Conseil du Trésor, qu'il comble le déficit discriminatoire dans leurs salaires, il n'entendait pas statuer sur les conséquences du paiement d'une somme forfaitaire sur l'assurance-emploi.

[19]En fin de compte, je dois souligner que l'avocat de la Commission de l'assurance-emploi a fait observer que ni le conseil arbitral ni l'arbitre n'avaient compétence pour examiner l'argument selon lequel on ne pouvait pas se servir de l'alinéa 23(1)b) pour faire échouer la demande de Mme Sveinson parce qu'il entrait en conflit avec la LCDP. Il s'agit d'une question, selon l'avocat de la Commission, qui relève de la compétence exclusive de la Commission canadienne des droits de la personne.

[20]Pour les fins de la présente demande, j'ai tranché quant au fond la question relative à la LCDP soulevée par Mme Sveinson. Néanmoins, cela ne signifie pas que j'exprime une opinion sur la question de savoir si le litige aurait dû faire l'objet d'une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, plutôt que d'un appel devant un conseil arbitral.

Troisième question     Est-ce que la Loi canadienne sur les droits de la personne empêche l'application, en l'espèce, du paragraphe 52(1) de la Loi sur l'assurance-emploi?

[21]Après avoir rejeté l'argument selon lequel les paiements en matière de parité salariale auraient dû être attribués aux périodes de paie auxquelles ils se rapportent, je n'ai absolument pas besoin d'examiner l'argument de l'avocat de la demanderesse selon lequel le fait que le règlement en matière de parité salariale découle des droits de la personne oblige la Commission à calculer à nouveau les prestations d'assurance-emploi payées il y a plus de trois ans. Toutefois, comme l'argument est lié si étroitement à la question concernant la LCDP et à l'alinéa 23(1)b) du Règlement, il paraît approprié de l'examiner brièvement à ce stade-ci.

[22]L'argument est que le délai de prescription de trois ans du paragraphe 52(1) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, ne s'applique pas parce qu'il serait incompatible avec la LCDP. Le paragraphe 52(1) prévoit ce qui suit:

52. (1) Malgré l'article 120 mais sous réserve du paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations.

[23]Comme je l'ai déjà fait remarquer, il s'agit essentiellement du même argument que celui présenté au sujet de l'alinéa 23(1)b). À mon avis, il doit également être rejeté pour le même motif qui justifie le rejet de l'argument selon lequel la LCDP empêche que le règlement en matière de parité salariale de Mme Sveinson soit visé par l'alinéa 23(1)b) du Règlement. C'est-à-dire qu'il n'existe aucun conflit entre l'article 52 et la LCDP.

[24]Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

Le juge Létourneau, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Sharlow, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.