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Référence :

Charkaoui (Re),

2009 CF 1030, [2010] 4 R.C.F. 448

DES-4-08

DES-4-08

2009 CF 1030

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

Répertorié : Charkaoui (Re)

Cour fédérale, juge Tremblay-Lamer—Montréal, 24 septembre; Ottawa, 30 septembre et 14 octobre 2009.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Certificat de sécurité — Demande de statuer dès maintenant, conformément à l’art. 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, sur le caractère raisonnable du certificat attestant qu’Adil Charkaoui est interdit de territoire pour raison de sécurité — Après le dépôt du certificat, les ministres ont retiré certains renseignements et éléments de preuve à l’appui du certificat — Pendant l’audience, la Cour a conclu que la divulgation de certains éléments de preuve ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui — Des ordonnances exigeant leur divulgation ont été rendues — Étant en désaccord avec les conclusions de la Cour, les ministres ont retiré certains éléments de preuve — Les ministres ont déclaré que le reliquat de preuve n’était pas suffisant pour qu’ils puissent s’acquitter du fardeau de démontrer que le certificat était raisonnable — Les ministres ont refusé de révoquer le certificat et ils ont demandé à la Cour de certifier deux questions pour la Cour d’appel fédérale — Le certificat déposé sans preuve à l’appui serait ultra vires des ministres, illégal et nul — Depuis l’admission des ministres que le reliquat de preuve n’était plus suffisant pour justifier le certificat, celui-ci était nul et ultra vires des ministres — Le pouvoir des ministres de retirer le certificat non justifié par la preuve n’est pas discrétionnaire — Le certificat a été déclaré nul — Demande rejetée — La Cour a refusé de certifier les questions proposées par les ministres.

Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration — Demande de statuer dès maintenant, conformément à l’art. 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, sur le caractère raisonnable du certificat attestant qu’Adil Charkaoui est interdit de territoire pour raison de sécurité — Après le dépôt du certificat, les ministres ont retiré une partie importante de la preuve à l’appui du certificat et ont admis que le reliquat de preuve n’était plus suffisant pour justifier le certificat — Toutefois, les ministres ont refusé de révoquer le certificat, demandant la certification de deux questions d’importance générale par la Cour d’appel fédérale — La véritable question proposée par les ministres portait sur la légitimité d’une pondération judiciaire de la sécurité nationale et de l’équité procédurale dans le cadre de la divulgation de la preuve à l’appui d’un certificat de sécurité — Cependant, la Cour ne s’est jamais livrée à un tel exercice de pondération — Par conséquent, la question ne pouvant être déterminante pour l’issue de l’éventuel appel, la Cour ne pouvait la certifier — Les questions proposées par les ministres étaient inextricablement liées aux faits du dossier et ne rencontraient pas le seuil établi pour la certification d’une question.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Recours — Demande de statuer dès maintenant, conformément à l’art. 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, sur le caractère raisonnable du certificat attestant qu’Adil Charkaoui est interdit de territoire pour raison de sécurité — La requête de M. Charkaoui en réparation en vertu de l’art. 24 de la Charte était une procédure distincte de celle de l’évaluation du caractère raisonnable du certificat de sécurité — Le certificat ayant été déclaré nul, la compétence de la Cour était épuisée — L’art. 24 de la Charte n’a pas pour effet d’élargir la compétence de la Cour fédérale ou d’aucun autre tribunal — M. Charkaoui avait le droit de s’adresser à la Cour fédérale pour obtenir réparation, mais il n’avait pas le droit à ce que le même juge statue sur cette demande.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et sécurité — Demande de statuer dès maintenant, conformément à l’art. 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), sur le caractère raisonnable du certificat attestant qu’Adil Charkaoui est interdit de territoire pour raison de sécurité — Bien que la LIPR ne mentionne pas expressément la possibilité de retirer un certificat de sécurité, l’interpréter comme ne le permettant pas serait contraire à l’art. 7 de la Charte et aux principes de justice fondamentale parce qu’une telle interprétation voudrait dire qu’un individu pourrait demeurer assujetti à un certificat de sécurité sans que les ministres ne croient que ces restrictions soient justifiées.

Il s’agissait d’une demande de la part du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de statuer dès maintenant, conformément à l’article 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), sur le caractère raisonnable du certificat, émis en février 2008, attestant qu’Adil Charkaoui, un résident permanent, est interdit de territoire pour raison de sécurité. La demande datée du 31 juillet 2009 fait suite au retrait par les ministres de certains renseignements et éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, à leur avis, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

Le certificat a été déposé en vertu de l’article 77 de la LIPR et des renseignements et d’autres éléments de preuve ont été déposés à l’appui du certificat. Pendant l’audience à huis clos, la Cour a conclu que la divulgation de certains éléments de preuve ne porterait pas atteinte à la sécurité du Canada ou à la sécurité d’autrui, et a rendu nombre d’ordonnances exigeant leur divulgation. Étant en désaccord avec les conclusions de la Cour, les ministres ont retiré certains éléments de preuve conformément à l’alinéa 83(1)j) de la LIPR et ont déclaré que les éléments de preuve restant au dossier n’étaient pas suffisants pour qu’ils puissent s’acquitter du fardeau de démontrer que le certificat était raisonnable. Néanmoins, ils n’étaient pas disposés à révoquer le certificat et ils ont demandé à la Cour de certifier deux questions pour la Cour d’appel fédérale. Ces questions traitaient des critères à être appliqués par un juge dans le cadre de son examen de la question de savoir si la divulgation des renseignements et des autres éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Entre-temps, M. Charkaoui demandait l’annulation du certificat de sécurité et il s’opposait à la certification des questions proposées.

Il s’agissait de savoir si le certificat de sécurité était valide et raisonnable, si les questions proposées par les ministres devaient être certifiées, et si M. Charkaoui pouvait demander une réparation en vertu de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés en l’espèce.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Les ministres ne peuvent pas, légalement, déposer un certificat sans déposer la preuve le justifiant. Une telle action ne serait pas autorisée par la LIPR (paragraphe 77(2)), qui exige le dépôt du certificat et de la preuve le justifiant. Le certificat déposé sans preuve à l’appui serait ultra vires des ministres, illégal et nul. En l’espèce, les ministres avaient déposé la preuve justifiant, selon eux, le certificat contre M. Charkaoui. Toutefois, ils ont par la suite choisi de retirer une partie importante de cette preuve. Selon la LIPR, une fois la preuve retirée par les ministres et remise à ceux-ci, on ne saurait plus dire qu’elle demeure « déposée ». Depuis l’admission des ministres que le reliquat de preuve n’était plus suffisant pour justifier le certificat, celui-ci était nul et ultra vires des ministres parce que le pouvoir exécutif ne peut s’exercer qu’aux conditions et dans les limites prévues par la LIPR. Le pouvoir des ministres de retirer le certificat non justifié par la preuve n’est pas discrétionnaire; il découle plutôt directement du texte de la LIPR elle-même. Bien que la LIPR ne mentionne pas expressément la possibilité de retirer un certificat de sécurité, l’interpréter comme ne le permettant pas serait contraire à l’article 7 de la Charte parce qu’une telle interprétation voudrait dire qu’un individu pourrait demeurer assujetti à un certificat de sécurité, et aux restrictions sur sa liberté l’accompagnant, sans que les ministres ne croient que ces restrictions soient justifiées. Cela serait contraire aux principes de justice fondamentale et à toute logique.

La réparation la plus appropriée en l’espèce était la déclaration de nullité du certificat en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales. L’exigence quant à l’existence d’un fondement factuel pour faire une déclaration a été remplie parce que la situation factuelle entourant le certificat de sécurité émis contre M. Charkaoui était claire. Le certificat est devenu ultra vires des ministres et nul le 31 juillet 2009 lorsqu’ils ont admis l’insuffisance du reliquat de preuve au dossier pour justifier l’existence du certificat. Même si la Cour n’avait pas déclaré le certificat nul, elle aurait néanmoins conclu que le certificat n’était pas raisonnable en raison de l’insuffisance de la preuve à son appui.

Les ministres demandaient à la Cour fédérale de certifier des questions graves d’importance générale conformément à l’article 79 de la LIPR. L’économie de la section 9 de la LIPR donne à penser que le législateur voulait que la procédure de contrôle de caractère raisonnable des certificats de sécurité soit la plus brève possible. Suivant l’article 79, la décision portant sur le caractère raisonnable d’un certificat de sécurité n’est susceptible d’appel devant la Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce cette question. Pour pouvoir certifier une question comme étant « grave et de portée générale », le juge doit conclure que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale et qu’elle est aussi déterminante quant à l’issue de l’appel. Pour être de portée générale, une question doit normalement porter sur le droit et non sur les faits.

La véritable question proposée par les ministres portait sur la légitimité d’une pondération judiciaire de la sécurité nationale et de l’équité procédurale dans le cadre de la divulgation de la preuve à l’appui d’un certificat de sécurité. Cette question n’était pas liée au présent litige, puisque la Cour ne s’est jamais livrée à un tel exercice. Elle ne saurait donc être déterminante pour l’issue de l’éventuel appel, et la Cour ne pouvait la certifier. En fait, les ministres cherchaient plutôt à contester certaines ordonnances de divulgation rendues par la Cour dans le but ultime de réinsérer des éléments de preuve à l’appui du certificat sans avoir à la divulguer conformément aux ordonnances rendues par la Cour. Les questions proposées par les ministres étaient inextricablement liées aux faits du présent dossier et ne rencontraient pas le seuil établi pour la certification d’une question.

La requête de M. Charkaoui en réparation en vertu de l’article 24 de la Charte était une procédure distincte de celle de l’évaluation du caractère raisonnable du certificat de sécurité. Le certificat ayant été déclaré nul, la compétence de la Cour était épuisée. Le paragraphe 24(1) de la Charte n’a pas pour effet d’élargir la compétence de la Cour fédérale ou d’aucun autre tribunal. Il vise à s’assurer qu’il y aura toujours un tribunal compétent pour octroyer une réparation pour une violation de la Charte. Bien que M. Charkaoui ait le droit de s’adresser à la Cour fédérale pour obtenir réparation, il n’avait pas le droit à ce que le même juge qui a examiné le certificat statue sur cette demande.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, n44], art. 7, 24.

Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, art. 40(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 37).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18(1)a) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 74d), 77 (mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4), 78 (mod., idem), 79 (mod., idem), 83(1)a) (mod., idem), d) (mod., idem), e) (mod., idem), j) (mod., idem), 85.1(2)a) (édicté, idem), b) (édicté, idem).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions suivies :

Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (C.A.) (QL); Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129.

décision appliquée :

Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326.

décisions examinées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Dyson v. Attorney-General, [1912] 1 Ch. 158 (C.A.); Pieters c. Canada (Procureur général), 2004 CF 27; Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2 R.C.S. 53; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Baldizon-Ortegaray c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 92-T-1933, le juge Noël, ordonnance en date du 7 mai 1993 (C.F. 1re inst.); Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3; Harkat (Re), 2005 CF 393; Almrei (Re), 2009 CF 322; Charkaoui (Re), 2004 CAF 421, [2005] 2 R.C.F. 299; Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863.

décision citée :

Charkaoui (Re), 2009 CF 342, [2010] 3 R.C.F. 67.

DOCTRINE CITÉE

Débats de la Chambre des communes, no 044 (5 février 2008), à la page 2598 (Dave MacKenzie).

Jones, David Phillip et Anne S. de Villars. Principles of Administrative Law, 5e éd. Toronto : Carswell, 2009.

Vocabulaire juridique, 8e éd. mise à jour. Publié sous la direction de Gérard Cornu : Association Henri Capitant. Paris : Quadrige/PUF, 2007.

    DEMANDE de statuer dès maintenant, conformément à l’article 78 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, sur le caractère raisonnable du certificat attestant qu’Adil Charkaoui est interdit de territoire pour raison de sécurité. Demande rejetée.

ONT COMPARU À L’AUDIENCE PUBLIQUE

Johanne Doyon et Lucie Joncas pour Adil Charkaoui.

Nancie Couture, Daniel Latulippe, Gretchen A. Timmins et René LeBlanc pour les ministres.

Denis Couture et François Dadour à titre d’avocats spéciaux.

Aucune comparution pour l’intervenant.

ONT COMPARU À L’AUDIENCE À HUIS CLOS

Nancie Couture, Nadine Piché et René LeBlanc pour les ministres.

Denis Couture et François Dadour à titre d’avocats spéciaux.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Doyon & Associés et Desrosiers, Joncas, Massicotte, Montréal, pour Adil Charkaoui.

Le sous-procureur général du Canada pour les ministres.

Denis Couture, Ashton (Ontario) et François Dadour, Montréal, à titre d’avocats spéciaux.

Filteau, Belleau, Montréal, pour l’intervenant.

    Voici les motifs du jugement et le jugement rendus en français par

    La juge Tremblay-Lamer :

INTRODUCTION

[1]     Il s’agit d’une demande de la part du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (les ministres) datée du 31 juillet 2009 de statuer dès maintenant, conformément à l’article 78 [mod. par L.C. 2008, ch. 3, art. 4] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la LIPR) sur le caractère raisonnable du certificat, émis le 22 février 2008, attestant qu’Adil Charkaoui (l’intéressé), un résident permanent, est interdit de territoire pour raison de sécurité (le certificat).

[2]     Cette demande fait suite au retrait par les ministres de certains renseignements et éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon ces derniers, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Les ministres précisent cependant que le retrait de ces renseignements ne saurait signifier qu’ils n’y prêtent plus foi.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

[3]     La Cour ne relate que les faits pertinents à l’issue de ce litige.

[4]     Le 22 février 2008, les ministres ont déposé le certificat en vertu de l’article 77 [mod., idem] de la LIPR. Conformément au paragraphe 77(2) de la LIPR, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a également déposé à l’appui du certificat des renseignements et d’autres éléments de preuve, dont ils souhaitaient garder confidentielle une part considérable, affirmant que la divulgation de ces renseignements porterait atteinte à la sécurité du Canada ou à la sécurité d’autrui.

[5]     Le 3 septembre 2008, lors d’une audience publique, les ministres ont reconnu être liés par une obligation de divulgation de la preuve à l’appui du certificat à l’intéressé, modulée par les exigences de la sécurité publique, conformément à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui II). Je discuterai l’étendue et l’impact de cette obligation aux paragraphes 75 à 80, ci-dessous.

[6]     Lors de cette audience, la Cour a réitéré à maintes reprises le devoir conféré au juge désigné par le législateur de garantir la confidentialité des renseignements si leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale (transcription du 3 septembre 2008, pages 12, 14, 16, 27, 28, 30, 33, 35, 71, 72, 79 et 82).

[7]     Le 12 septembre 2008, les procureurs représentant les ministres dans les cinq dossiers impliquant des certificats de sécurité informaient la Cour, par une lettre non-classifiée, qu’ils avaient demandé au SCRS [Service canadien du renseignement de sécurité] d’examiner minutieusement les renseignements et autres éléments de preuve dans chacun des cinq dossiers afin de déterminer si des notes opérationnelles originales avaient été conservées, conformément à la décision de la Cour suprême dans Charkaoui II.

[8]     Cet examen avait permis d’établir que certaines notes opérationnelles originales avaient été conservées. Les ministres tenaient à préciser qu’aucune de celles-ci ne concernait les entrevues menées par le SCRS avec l’intéressé.

[9]     Les procureurs des ministres spécifiaient que ces notes originales seraient transmises à la Cour et aux avocats spéciaux, et que ces derniers seraient appelés à examiner tous les renseignements et autres éléments de preuve qui n’étaient pas divulgués à l’intéressé pour des motifs reliés à la sécurité nationale ou celle d’autrui, incluant les notes opérationnelles originales.

[10]     Également le 12 septembre 2008, en réponse à une ordonnance de cette Cour, le Directeur adjoint au renseignement du SCRS écrivait qu’au meilleur de sa connaissance, le SCRS avait divulgué à l’intéressé tous les renseignements et autres éléments de preuve pertinents pouvant être divulgués à l’intéressé sans porter préjudice à la sécurité nationale ou celle d’autrui.

[11]     L’intéressé a alors demandé de pouvoir contre-interroger un représentant du SCRS concernant la suffisance de la communication de la preuve publique.

[12]     Le 19 septembre 2009 cette Cour, rappelant l’obligation du juge de garantir la confidentialité des renseignements, refusait cette demande. La Cour était d’avis qu’elle devait examiner la preuve à huis clos, avec l’assistance des avocats spéciaux, avant de déterminer si tout autre renseignement additionnel allait être divulgué.

[13]     Les audiences à huis clos ont eu lieu en avril et mai 2009. Au cours de celles-ci, les avocats spéciaux se sont acquittés de la responsabilité que leur impose l’alinéa 85.1(2)a) [édicté, idem] de la LIPR de « contester : a) les affirmations du ministre voulant que la divulgation de renseignements ou autres éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui ».

[14]     Ayant entendu les arguments des avocats spéciaux et ceux des ministres, la Cour a conclu que la divulgation de certains éléments de preuve ne porterait pas atteinte à la sécurité du Canada ou à la sécurité d’autrui, et a rendu nombre d’ordonnances exigeant leur divulgation.

[15]     Étant en désaccord avec les conclusions de la Cour, les ministres ont décidé de retirer ces éléments de preuve plutôt que de les divulguer conformément aux ordonnances de la Cour. La faculté de retirer des éléments de preuve est accordée aux ministres par l’alinéa 83(1)j) [mod., idem] de la LIPR, qui dispose que le juge examinant le caractère raisonnable d’un certificat de sécurité « ne peut fonder sa décision sur les renseignements et autres éléments de preuve que lui fournit le ministre [. . .] si le ministre les retire ».

[16]     Le 31 juillet 2009, les ministres ont indiqué être d’avis que les éléments de preuve restant au dossier n’étaient pas suffisants pour qu’ils puissent s’acquitter de leur fardeau de démontrer que le certificat est raisonnable. Les ministres ont également demandé à la Cour de statuer sur le caractère raisonnable du certificat.

[17]     Le 5 août 2009, la Cour a demandé aux parties de faire connaître leur position sur, entre autres, les deux questions suivantes :

1. Vu l’admission des ministres que la preuve est insuffisante pour rencontrer leur fardeau de preuve imposé par la LIPR, est-il opportun pour la Cour de se prononcer sur le caractère raisonnable du certificat ou celui-ci ne devrait-il pas être révoqué d’office sans autre formalité par les ministres?

2. Si la Cour devait se prononcer sur le caractère raisonnable du certificat et l’annuler, devrait-elle certifier des questions pour la Cour d’appel fédérale, et si oui, lesquelles?

[18]     Le 4 septembre 2009, les ministres ont soumis à la Cour des représentations écrites supplémentaires, tant publiques que secrètes, en réponse à ces questions. Dans ces représentations, les ministres réitéraient qu’ils n’étaient pas disposés à révoquer le certificat et demandaient à la Cour de certifier deux questions pour la Cour d’appel fédérale, conformément à l’article 79 [mod., idem] de la LIPR.

[19]     Le 17 septembre 2009, l’intéressé a présenté ses représentations écrites supplémentaires en réponse aux questions de la Cour, demandant l’annulation du certificat et s’opposant à la certification des questions proposées par les ministres.

[20]     Les avocats spéciaux ont également présenté des représentations écrites supplémentaires, publiques et secrètes, le 22 septembre 2009.

[21]     Une audition publique a été tenue à Montréal le 24 septembre 2009, au cours de laquelle la Cour a entendu les ministres et l’intéressé. À la demande des ministres, une audition à huis clos a également été tenue à Ottawa le 30 septembre 2009, au cours de laquelle la Cour a entendu les ministres et les avocats spéciaux.

Les questions en litige 

[22]     Les questions que la Cour doit à présent trancher sont :

A. Le certificat est-il valide et raisonnable?

B. Les questions proposées par les ministres doivent-elles être certifiées?

A.   Le certificat est-il valide et raisonnable?

[23]     Le paragraphe 77(2) de la LIPR dispose que lorsque les ministres déposent un certificat de sécurité contre une personne, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile doit « dépose[r] en même temps [. . .] les renseignements et autres éléments de preuve justifiant ce dernier ».

[24]     Les ministres ne pourraient pas, légalement, déposer un certificat sans déposer la preuve le justifiant. Une telle action ne serait pas autorisée par la LIPR qui exige le dépôt du certificat et de la preuve le justifiant. Ainsi, le certificat déposé sans preuve à l’appui serait ultra vires des ministres, illégal, et nul. Évidemment, telle n’était pas la situation dans la présente affaire : les ministres avaient déposé la preuve justifiant, selon eux, le certificat contre M. Charkaoui. Toutefois, comme la LIPR le leur permet, ils ont choisi de retirer une partie importante de cette preuve.

[25]     Les ministres admettent que suite à ce retrait de renseignements, la preuve n’est plus suffisante pour appuyer le certificat. Il s’ensuit que l’existence de ce certificat ne rencontre plus les critères posés par le Parlement. Il importe peu, bien que les ministres insistent sur ce point, que la preuve à l’appui du certificat existe physiquement et que les ministres aimeraient la « réinsérer » au dossier sans toutefois la divulguer. L’alinéa 83(1)j) de la LIPR dispose que le juge désigné « ne peut fonder sa décision sur les renseignements et autres éléments de preuve que lui fournit le ministre et les remet à celui-ci [. . .] si le ministre les retire ».

[26]     Pour plus de précision sur ce point, il est peut-être utile de citer le dictionnaire du Vocabulaire juridique, 8e éd. mise à jour Gérard Cornu, Association Henri Capitant qui définit le « retrait » d’un « acte administratif » comme la « [d]isparition d’un tel acte par la volonté postérieure de son auteur, et qui, selon le cas, vaut seulement pour l’avenir ou produit un effet rétroactif » (mon soulignement).

[27]     Ainsi, une fois la preuve retirée par les ministres et remise à ceux-ci, on ne saurait plus dire qu’elle demeure « déposée », ce qui est pourtant une exigence de la LIPR.

[28]     En conséquence, depuis l’admission des ministres que le reliquat de preuve n’est plus suffisant pour justifier le certificat, celui-ci est, dès lors, ultra vires des ministres. Il est nul.

[29]     En effet, le pouvoir exécutif ne peut s’exercer qu’aux conditions et dans les limites prévues par la LIPR. Comme le rappelle la Cour suprême aux paragraphes 28 et 29 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 :

Tout pouvoir décisionnel est légalement circonscrit par la loi habilitante, la common law, le droit civil ou la Constitution [. . .]

    Les décideurs administratifs exercent leurs pouvoirs dans le cadre de régimes législatifs qui sont eux-mêmes délimités. Ils ne peuvent exercer de pouvoirs qui ne leur sont pas expressément conférés. S’ils agissent sans autorisation légale, ils portent atteinte au principe de la primauté du droit.

[30]     Les ministres ne cachent pas les motifs pour lesquels ils ne retirent pas le certificat. Il s’agit de forcer la Cour à se prononcer sur le caractère raisonnable du certificat, ce qui leur permet de demander la certification de certaines questions pour la Cour d’appel fédérale afin d’obtenir un jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’espoir de pouvoir réinsérer des renseignements clés à l’appui du certificat sans avoir à les divulguer à l’intéressé. Pour leur part, les procureurs de l’intéressé demandent dans les circonstances de prononcer l’annulation du certificat, le retrait de la preuve ayant pour effet d’en retirer le fondement légal et d’en miner la validité.

La réparation appropriée

[31]     L’interdiction pour l’exécutif d’agir sauf en vertu de la loi a comme corollaire un droit de chaque personne de n’être l’objet d’aucune action du pouvoir exécutif non-autorisée par la loi. La question qui se pose dans la présente affaire est donc celle de la réparation appropriée face à l’inaction des ministres, qui n’ont pas révoqué le certificat contre M. Charkaoui alors que ce certificat est, depuis le retrait de la preuve le justifiant, ultra vires, car incompatible avec l’article 77 de la LIPR.

[32]     Selon les ministres, la seule voie ouverte à cette Cour en vertu de la LIPR, c’est une décision sur le caractère raisonnable du certificat. En effet, celle-ci dispose que :

78. Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et l’annule s’il ne peut conclure qu’il est raisonnable.

Décision

Les ministres insistent sur le caractère obligatoire de cette disposition (indiqué notamment par l’emploi de l’impératif « shall » dans son texte anglais).

[33]     Bien que cet argument semble persuasif à première vue, il ignore le fait que, si le certificat est devenu une nullité par l’effet du retrait de la preuve le justifiant, il n’y a simplement plus de certificat sur la raisonnabilité duquel cette Cour pourrait se prononcer.

[34]     À mon avis, le pouvoir des ministres de retirer le certificat non-justifié par la preuve n’est pas discrétionnaire. Au contraire, il découle directement du texte de la LIPR elle-même. Les ministres contestent l’existence même de ce pouvoir. Pourtant, il serait absurde que les ministres ne puissent pas retirer un certificat si, par exemple, suite à un changement de circonstances (comme la réception de nouveaux renseignements disculpant la personne visée par le certificat), ils sont d’avis que la personne visée ne représente plus un danger pour la sécurité nationale.

[35]     Bien que la LIPR ne mentionne pas expressément la possibilité de retirer un certificat de sécurité, l’interpréter comme ne le permettant pas serait, à mon avis, contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]. En effet, une telle interprétation voudrait dire qu’un individu pourrait demeurer assujetti à un certificat de sécurité, et aux restrictions sur sa liberté l’accompagnant, sans que les ministres ne croient que ces restrictions soient justifiées. Cela serait contraire aux principes de justice fondamentale et à toute logique.

[36]     Que doit faire la Cour face à l’inaction des ministres suite à leur retrait de la preuve appuyant le certificat?

[37]     En vertu de l’alinéa 18(1)a) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)], « la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour [. . .] rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral ».

[38]     La déclaration est reconnue, depuis un siècle, comme [traduction] « le moyen le plus pratique mis à la disposition de l’intéressé pour faire contrôler le caractère justifiable de mesures prises par des agents permanents de l’État » (Dyson v. Attorney-General, [1912] 1 Ch. 158 (C.A.), à la page 168). En effet, [traduction] « vu la souplesse du jugement déclaratoire, peu de restrictions limitent l’accès à ce recours » (David Philip Jones et Anne S. de Villars, Principles of Administrative Law, 5e éd. Toronto : Carswell, 2009, à la page 758). La limite peut-être la plus importante est qu’« il doit y avoir un fondement sur lequel la demande s’appuie et non seulement une sorte de désir abstrait d’obtenir une clarification [. . .] En l’absence d’un fondement factuel qui est de la compétence de notre Cour, les réparations n’ont pas de sens », Pieters c. Canada (Procureur général), 2004 CF 27, au paragraphe 17. En d’autres mots, la déclaration doit servir une fin pratique reliée à une situation factuelle précise.

[39]     Cette exigence est remplie dans le présent litige. La situation factuelle entourant le certificat de sécurité émis contre M. Charkaoui est claire, puisque les ministres reconnaissent avoir retiré une preuve essentielle pour justifier l’existence du certificat. En conséquence, la déclaration de nullité est, à mon avis, la réparation la plus appropriée.

[40]     À quel moment le certificat est-il devenu une nullité?

[41]     L’intéressé soutient que le retrait de la preuve révèle la mauvaise foi des ministres qui n’auraient jamais eu l’intention de la divulguer, alors qu’ils auraient dû savoir qu’ils seraient obligés de le faire. Selon l’intéressé, dans les circonstances, le dépôt initial du certificat était abusif et la Cour devait émettre une déclaration à cet effet.

[42]     Toutefois, la Cour ne saurait accepter cette allégation de l’intéressé, qui est grave et que les ministres devraient avoir l’opportunité de contredire, en l’absence d’un débat complet sur la preuve la confirmant ou l’infirmant.

[43]     En conclusion, depuis l’admission par les ministres, survenue le 31 juillet 2009, de l’insuffisance du reliquat de preuve au dossier pour justifier l’existence du certificat, celui-ci est ultra vires des ministres et nul.

[44]     Cependant, il est évident que si la Cour ne déclarait pas le certificat nul car ultra vires des ministres, elle en viendrait à la conclusion que le certificat n’est pas raisonnable à cause de l’insuffisance de la preuve à son appui.

[45]     Par ailleurs, les questions dont les ministres demandent la certification ne dépendent pas de la forme précise du jugement de la Cour sur la validité ou la raisonnabilité du certificat. Il est donc du devoir de la Cour de statuer sur la demande de certification.

B.   Les questions proposées par les ministres doivent-elles être certifiées?

Introduction : le droit d’appel et ses limites

[46]     Un justiciable qui perd sa cause n’a pas un droit absolu de se pourvoir devant une cour d’appel. En effet, comme l’a rappelé la Cour suprême dans l’arrêt Kourtessis c. M.R.N., [1993] 2 R.C.S. 53 (Kourtessis), aux pages 69 et 70 :

    Les appels ne sont qu’une création de la loi écrite; voir l’arrêt R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764, à la p. 1773 [. . .] De nos jours toutefois, on a parfois tendance à oublier ce principe fondamental. Les appels devant les cours d’appel et la Cour suprême du Canada sont devenus si courants que l’on s’attend généralement à ce qu’il existe un moyen quelconque d’en appeler de la décision d’un tribunal de première instance. Toutefois, il demeure qu’il n’existe pas de droit d’appel sur une question sauf si le législateur compétent l’a prévu.

[47]     Comme l’explique la Cour suprême dans sa décision bien connue Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, la réduction du nombre et de la durée des appels (ainsi que de leur coût) est un des objectifs de politique publique dont les tribunaux doivent tenir compte. Cependant, le législateur, lorsqu’il détermine la façon appropriée de circonscrire le droit d’appel dans le cadre d’un régime législatif, peut viser ces mêmes objectifs.

[48]     Tout porte à croire qu’en limitant le droit d’appel dans le cadre des procédures en vertu de la section 9 de la LIPR, le Parlement poursuivait ces objectifs. D’ailleurs, l’économie de la section 9 de la LIPR suggère que le Parlement a voulu que la procédure de contrôle du caractère raisonnable des certificats de sécurité soit la plus brève possible. Ainsi, l’alinéa 83(1)a) [mod., idem] de la LIPR dispose que dans le cadre de cette procédure « le juge procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive ». Conformément à ce désir de célérité, le Parlement a également décidé, à l’article 79 de la LIPR, que « [l]a décision [portant sur le caractère raisonnable d’un certificat de sécurité] n’est susceptible d’appel devant la Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci; toutefois, les décisions interlocutoires ne sont pas susceptibles d’appel ».

[49]     Dans le présent dossier, les ministres demandent à la Cour de certifier des questions graves d’importance générale conformément à l’article 79 de la LIPR. Les questions proposées sont ainsi formulées :

A. Quels sont les critères à être appliqués par un juge désigné lors de sa considération de la question posée par l’alinéa 83(1)d) [mod., idem] de la LIPR, à savoir si, selon lui, une divulgation des renseignements et autres éléments de preuve fournis par les ministres porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui? Plus spécifiquement :

i. Comment le juge désigné peut-il régler la tension inhérente entre son devoir de garantir la confidentialité des renseignements et autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui aux termes de l’alinéa 83(1)d) de la LIPR, et son devoir de veiller tout au long de l’instance à ce que soit fourni à l’intéressé un résumé de la preuve qui lui permet d’être suffisamment informé de la thèse des ministres à l’égard de l’instance en cause aux termes de l’alinéa 83(1)e) [mod., idem] de la LIPR?

ii. Lorsqu’un juge désigné considère comment la tension inhérente décrite au sous-paragraphe i. ci-dessus peut être réglée afin de protéger les droits de l’intéressé, quel poids doit-il donner au fait que la procédure établie par la section 9 de la LIPR prévoit, à l’alinéa 85.1(2)b) [édicté, idem], que l’avocat spécial nommé par le juge a la responsabilité de contester la pertinence, la fiabilité, la suffisance et le poids de la preuve non divulguée à la personne visée par le certificat?

1.    Les critères à appliquer à la question de la certification

[50]     Bien qu’il n’ait pas encore fait l’objet d’une étude approfondie dans le cadre d’une instance impliquant un certificat de sécurité, le test de la « question grave de portée générale » a été expliqué par la jurisprudence dans le cadre de nombreuses instances appliquant d’autres dispositions de la LIPR. En effet, l’alinéa 74d) de celle-ci dispose qu’un « jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci ».

[51]     L’identité des termes employés dans cette disposition et dans l’article 79 de la LIPR n’est guère accidentelle. Ainsi, lors du débat sur le projet de loi C-3, M. Dave MacKenzie, secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique, a déclaré que la limitation du droit d’appel imposée par le nouvel article 79 de la LIPR « est conforme aux règles habituelles permettant de faire appel des autres décisions prises en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés » (Débats de la Chambre des communes, no 044 (5 février 2008), à la page 2598). La jurisprudence expliquant ces « règles habituelles » est donc applicable à une instance concernant un certificat de sécurité. Du reste, les parties semblent s’entendre sur les critères applicables à la certification de questions pour la Cour d’appel.

[52]     L’arrêt de principe définissant la notion de « question grave de portée générale » est celui de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (QL) (Liyanagamage). La Cour d’appel y a expliqué (au paragraphe 4) que, pour pouvoir certifier une question comme étant « grave et de portée générale », le juge doit conclure :

[. . .] que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [. . .] et qu’elle est aussi déterminante quant à l’issue de l’appel. Le processus de certification [. . .] ne doit pas être assimilé au processus de renvoi prévu à l’article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale ni être utilisé comme un moyen d’obtenir, de la Cour d’appel, des jugements déclaratoires a l’égard de questions subtiles qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée.

[53]     Récemment, la Cour d’appel fédérale a eu l’occasion de réexpliquer ce critère dans l’arrêt Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129. La Cour a, tout d’abord, rappelé qu’il n’y aura qu’exceptionnellement plus d’une question grave de portée générale qui pourra être déterminante quant à l’issue d’un appel (paragraphe 28). Elle a, ensuite, souligné que « une question grave de portée générale découle des questions en litige dans l’affaire et non des motifs du juge» (paragraphe 29). La Cour d’appel fédérale a, de plus, rappelé l’importance de l’exigence que la question dont on propose la certification soit déterminante quant à l’issue de l’appel (paragraphes 32, 35, 37 et 40). Elle a également infirmé la certification d’une question dont la réponse était évidente (paragraphe 42). La Cour d’appel fédérale a conclu, au paragraphe 43, en rappelant qu’il est faux « que toutes les questions qui peuvent être soulevées en appel peuvent être certifiées parce que l’on peut examiner tous les points soulevés dans l’appel dès lors qu’une question a été certifiée ». Si la question certifiée par le juge ne rencontre pas les critères posés par le Parlement, « la condition préalable à l’existence d’un droit d’appel n’est pas remplie ».

[54]     Par ailleurs, pour être « de portée générale » et « transcender les intérêts des parties au litige », une question doit normalement porter sur le droit et non sur les faits. Comme l’a remarqué le juge Marc Noël, alors juge à la Cour fédérale, Section de première instance [à la page 6], « [i]l est peu probable qu’une question dont la réponse dépend des faits puisse dépasser les intérêts des parties immédiates et, en conséquence, une telle question aura rarement une portée générale » (Baldizon-Ortegaray c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 92-T-1933, le juge Noël, ordonnance en date du 7 mai 1993).

2.    Position des parties

La position des ministres

[55]     Les ministres soutiennent que les questions dont ils proposent la certification en vertu de l’article 79 de la LIPR rencontrent les critères pour la certification d’une question « grave et de portée générale » élaborés par la jurisprudence et notamment l’arrêt Liyanagamage, précité.

[56]     Selon les ministres, ces questions permettent de soulever des enjeux qui pourraient se poser dans toutes les instances concernant les certificats de sécurité et sont donc de portée générale. De plus, il s’agirait d’un premier appel portant sur la procédure d’examen des certificats de sécurité depuis la modification de celle-ci par le Parlement en 2008. Les ministres réitèrent leur désaccord avec les ordonnances de divulgation rendues par la Cour dans le présent dossier et soutiennent qu’il est opportun de s’adresser à la Cour d’appel fédérale pour obtenir une clarification sur les facteurs que le juge doit prendre en compte avant de rendre de telles ordonnances.

La position de l’intéressé

[57]     L’intéressé s’oppose à la certification de questions proposées par les ministres, soutenant qu’il s’agit de questions de fait, qui ne sauraient être considérées comme étant « d’importance générale », et ne passent donc pas le test de l’arrêt Liyanagamage, précité. L’intéressé s’appuie à cet égard sur l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 85, où la Cour suprême s’était déclarée d’avis « que la conclusion qu’il existe ou non un “danger pour la sécurité du Canada” repose en grande partie sur les faits ».

[58]     De plus, l’intéressé soutient que les critères applicables à la divulgation de renseignements dont les ministres réclament la confidentialité ont déjà été fixés par la jurisprudence, y compris celle de la Cour suprême. Il n’y aurait donc point de nécessité d’obtenir des explications additionnelles de la Cour d’appel.

La position des avocats spéciaux

[59]     Les avocats spéciaux soutiennent que la principale interrogation soulevée par les ministres porte sur les critères applicables à la divulgation de renseignements. Or, ces critères ont déjà fait l’objet d’une analyse approfondie par la juge Dawson dans la décision Harkat (Re), 2005 CF 393. C’est sur cette analyse que s’est appuyée la Cour dans le présent dossier. Les ministres eux-mêmes s’y réfèrent et l’acceptent implicitement.

[60]     Toutefois, selon les avocats spéciaux, ce qui motive les ministres à s’adresser à la Cour d’appel fédérale, ce n’est pas un besoin d’éclaircissement quant aux critères applicables à la divulgation de renseignements, mais plutôt leur désaccord avec les ordonnances de divulgation rendues par la Cour dans le présent dossier. Les avocats spéciaux soutiennent que cet objectif ne justifie pas la certification de questions pour la Cour d’appel fédérale, et ce, pour deux raisons.

[61]     D’une part, ce que les ministres reprochent à la Cour, selon les avocats spéciaux, c’est d’avoir erré en procédant à un « balancing » entre les droits procéduraux de l’intéressé et les exigences de la sécurité nationale. En d’autres mots, la Cour aurait judiciairement pondéré la sécurité nationale et l’équité procédurale et, à l’occasion de cette pondération, aurait permis que des renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale soient divulgués en faisant prévaloir l’équité procédurale sur celle-ci.

[62]     Toutefois, d’après les avocats spéciaux, la Cour n’a, en réalité, en aucun moment procédé à un tel « balancing »; plutôt que de faire primer une de ces valeurs sur l’autre, elle les a réconciliées. Les exemples invoqués par les ministres dans leurs prétentions écrites confidentielles démontrent que la méthode appliquée au processus de divulgation tenu à huis clos a consisté à neutraliser l’information préjudiciable à la sécurité nationale (ou à celle d’autrui) en résumant cette information de façon à retirer du résumé remis à l’intéressé tout renseignement dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale.

[63]     Cette méthode « des résumés neutres » permet de respecter simultanément tous les paramètres que le législateur a prévus au sein de la LIPR. Elle permet au juge désigné de garantir la confidentialité des renseignements sensibles et aussi de veiller à ce que l’intéressé soit suffisamment informé tout au long de l’instance. Elle permet également aux avocats spéciaux de remplir leur responsabilité, qui découle de l’alinéa 85.1(2)a) de la LIPR, de contester les allégations de confidentialité de l’information.

[64]     Cette façon de procéder est compatible avec le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui II, précité, relativement à la divulgation, ainsi qu’avec les critères descriptifs de la sécurité nationale énoncés par Mme la juge Dawson dans l’affaire Harkat, précitée.

[65]     D’autre part, les avocats spéciaux soutiennent que, dans la mesure où ce que les ministres reprochent à la Cour, est le contenu de certaines ordonnances de divulgation rendues par la Cour, leur contestation soulève des questions mixtes de fait et de droit. Or, de telles questions ne sont pas « de portée générale » et ne peuvent pas être certifiées. Un litige qui porterait uniquement sur la teneur des résumés ne rencontrerait pas le seuil requis d’une question de portée générale.

3.    Les questions proposées par les ministres

[66]     Les questions proposées par les ministres sont, à première vue, des questions théoriques qui pourraient se poser dans d’autres instances régies par la section 9 de la LIPR. En effet, les ministres semblent souhaiter que la Cour d’appel fédérale précise les critères qu’un juge désigné doit appliquer en considérant les demandes de divulgation de la preuve dans le cadre d’une telle instance, y compris notamment l’importance du rôle des avocats spéciaux.

[67]     Cependant, cette première impression est trompeuse. Un examen du contexte dans lequel ces questions sont formulées permet de comprendre que les ministres ne cherchent pas véritablement à obtenir, en les formulant, une explication du droit applicable à une demande de divulgation dans le cadre d’une instance désignée.

[68]     Contrairement à ce que les questions proposées laissent entendre, les ministres ne soutiennent pas que la Cour ait appliqué de mauvais critères à la demande de divulgation dans le présent dossier. En effet, les ministres s’appuient sur la « codification » des critères par la juge Dawson dans l’affaire Harkat, précitée, au paragraphe 89. Or, comme le soulignent les avocats spéciaux, c’est sur cette même « codification » que la Cour s’est appuyée dans le présent dossier, tant dans le jugement portant sur la norme de sécurité nationale (Charkaoui (Re), 2009 CF 342, [2010] 3 R.C.F. 67) qu’en rendant les ordonnances de divulgation attaquées par les ministres dans leurs prétentions confidentielles.

[69]     Il apparaît donc, à la lecture de l’ensemble des prétentions des ministres, que ce ne sont pas les critères applicables aux demandes de divulgation, mais l’application de ces critères par la Cour que les ministres souhaitent contester.

[70]     Ce que les ministres reprochent essentiellement à la Cour, c’est d’avoir effectué un « balancing » entre la sécurité nationale et l’équité procédurale. Pour les ministres, ce « balancing » ne doit pas avoir lieu, puisque la sécurité nationale doit primer sur l’équité procédurale. La question, de savoir si la Cour est en droit de pondérer les exigences de sécurité nationale et d’équité procédurale, a été soulevée dans le dossier Almrei (Almrei (Re), 2009 CF 322, aux paragraphes 54 à 59). Mon collègue, le juge Mosley, a conclu qu’en l’absence de fondement factuel, la question était prématurée. Par contre, je note qu’il a, par la suite, ordonné la divulgation de résumés des interceptions et un aperçu des rapports de surveillance pertinents à son dossier.

[71]     Une question sur ce sujet aurait pu être certifiée sous forme de question générale si un tel exercice avait eu lieu dans ce dossier. Or, comme l’ont démontré les avocats spéciaux, en reprenant les exemples donnés par les ministres dans leur contexte, la Cour a constamment refusé de se soumettre à un tel exercice de pondération.

[72]     Il est utile, à ce stade, d’expliquer la méthodologie que la Cour a suivie avant de rendre les ordonnances de divulgation avec lesquelles les ministres sont en désaccord.

Méthodologie suivie par la Cour pour la divulgation

[73]     Il faut, d’abord, préciser le cadre législatif et jurisprudentiel dans lequel la Cour a opéré.

[74]     Premièrement, il faut rappeler que le législateur a expressément confié à l’avocat spécial, à l’alinéa 85.1(2)a) de la LIPR, le rôle de « contester a) les affirmations du ministre voulant que la divulgation de renseignements ou autres éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui ». Les avocats spéciaux ont donc joué un rôle actif dans le processus de divulgation.

[75]     De plus, il faut également noter que la LIPR confère un rôle important au juge désigné, qui est chargé, en vertu de l’alinéa 83(1)d) de celle-ci, « de garantir la confidentialité des renseignements et autres éléments de preuve que lui fournit le ministre et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui » (je souligne). Ainsi, le juge désigné doit, à chaque fois que la question se pose, déterminer si la divulgation d’un renseignement porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[76]     Bien que leur expertise soit prise en considération dans cette délicate mission, le juge ne doit aucune déférence aux affirmations du SCRS ou des ministres à ce sujet, pas plus qu’à celles des avocats spéciaux. La décision appartient au juge désigné seul. C’est ainsi que l’a voulu le législateur.

[77]     Deuxièmement, la Cour suprême a apporté nombre d’éclaircissements sur la démarche que doit suivre un juge désigné appelé à trancher sur des demandes de divulgation de renseignements et d’autres éléments de preuve.

[78]     En effet, comme je l’indiquais précédemment, la Cour suprême s’est penchée sur le processus de divulgation dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable d’un certificat de sécurité dans l’arrêt Charkaoui II, précité. Tout d’abord, la Cour suprême y a souligné, au paragraphe 56, que l’obligation d’équité procédurale adaptée à ce contexte comprend la « communication à la personne visée, selon des modalités et dans des limites qui respectent les intérêts légitimes de la sécurité publique » (je souligne) de la preuve à l’appui du certificat.

[79]     La Cour a de plus précisé, au paragraphe 62, que pour respecter ces limites, « le juge désigné, qui aura à sa disposition l’ensemble des renseignements, écartera l’information susceptible de menacer la sécurité nationale et résumera le reste de la preuve, dont il aura pu vérifier l’exactitude et la fiabilité, à l’intention de la personne visée ».

[80]     En d’autres mots, le rôle du juge consiste à « filtrer la preuve qu’il aura vérifiée et déterminer les limites de l’accès auquel l’individu visé aura droit à toutes les étapes de la procédure » (paragraphe 63).

[81]     Je rappelle qu’en septembre 2008, les ministres ont reconnu l’existence de leur obligation de divulgation de la preuve à l’appui du certificat et que le directeur adjoint du SCRS a écrit à la Cour que toute la preuve qui pouvait être communiquée à l’intéressé sans porter atteinte à la sécurité nationale l’avait été.

[82]     Ayant à l’esprit le cadre législatif et jurisprudentiel que je viens d’exposer, la Cour a alors ordonné la tenue d’audience à huis clos avant de permettre la divulgation de tout autre élément de preuve. En effet, conformément à l’alinéa 83(1)d) de la LIPR, le maintien de la confidentialité de renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui, a toujours été au cœur des préoccupations de la Cour comme en témoignent les nombreuses ordonnances, directives et communications émises par la Cour dans le cadre de cette instance. (Les documents les plus pertinents sont joints à l’annexe A.)

[83]     Les audiences à huis clos devaient permettre à la Cour, assistée des avocats spéciaux et des avocats des ministres, de réaliser cet objectif en procédant à un exercice de filtrage et de production de résumés de la preuve neutralisée.

[84]     Pour faciliter cet exercice, les avocats spéciaux ont préparé des propositions de divulgation, reprenant les thèmes développés par la juge Dawson dans l’affaire Harkat, précitée : agences canadiennes et étrangères, sources humaines, interceptions et techniques d’enquête. Ces propositions ont été présentées aux ministres qui pouvaient consentir ou non à la divulgation telle que proposée par les avocats spéciaux.

[85]     Des audiences à huis clos ont suivi sur les éléments de preuve à la divulgation desquels les ministres ne consentaient pas. Appliquant l’alinéa 83(1)d) de la LIPR, cité ci-haut, la Cour a décidé, dans le cas de chaque renseignement, si sa divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou celle d’autrui. Lorsque la Cour était d’avis qu’elle le ferait, elle a refusé la divulgation de ce renseignement, peu importe son importance potentielle pour l’intéressé. Ce faisant, la Cour a rejeté la proposition des avocats spéciaux, selon laquelle elle devait pondérer les intérêts en jeu et ordonner la divulgation, malgré le risque pour la sécurité nationale, des renseignements importants pour la défense de l’intéressé.

[86]     Au cours de ces audiences à huis clos, suite à un consentement des ministres à la divulgation du contenu des interceptions, la Cour a tenu à s’assurer de la conformité à l’original des résumés qui avaient été fournis par les ministres.

[87]     La Cour a émis certaines ordonnances verbales visant à atteindre cet objectif. À la même occasion, la Cour a également exigé que les ministres informent l’intéressé de la préservation ou non de la preuve originale, conformément au paragraphe 42 de la décision Charkaoui II, précitée, où il est spécifié que « [l]a préservation et l’accessibilité de cette information prennent une importance particulière dans une situation où la personne visée par le certificat et ses avocats n’auront accès qu’à des résumés ou à des versions tronquées de renseignements ». De l’avis de la Cour, il s’agissait là de la suite logique à donner à la lettre du 12 septembre 2008 dans laquelle les ministres reconnaissaient que certaines notes avaient été conservées.

[88]     Toutefois, tel que reconnu par le procureur des ministres à l’audience publique du 24 septembre 2009, c’est en réponse à ces ordonnances de la Cour que les ministres ont retiré toutes les interceptions de la preuve à l’appui du certificat.

[89]     Suite au retrait de cette preuve, cruciale pour la thèse des ministres, le processus de divulgation était fatalement entravé. En effet, il était devenu difficile de fournir à l’intéressé un résumé fidèle de la preuve (vu les champs réduits de sources d’information qui empêchaient de neutraliser l’information), sans pour autant divulguer de renseignements pouvant porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui.

[90]     C’est ce point de rupture qui a conduit la Cour à émettre la directive du 9 juillet 2009 demandant aux parties et aux avocats spéciaux de soumettre des prétentions écrites sur l’incidence du retrait de certains renseignements déposés à l’appui du certificat.

Conclusion sur la certification d’une question pour la Cour d’appel fédérale

[91]     Ainsi, la véritable question proposée par les ministres portant sur la légitimité d’une pondération judiciaire de la sécurité nationale et de l’équité procédurale dans le cadre de la divulgation de la preuve à l’appui d’un certificat de sécurité n’est pas liée au présent litige, puisque la Cour ne s’est jamais livrée à un tel exercice. Elle ne saurait donc être déterminante pour l’issue de l’éventuel appel, et la Cour ne peut la certifier.

[92]     En fait, les ministres cherchent plutôt à contester certaines ordonnances de divulgation rendues par la Cour. D’ailleurs, ils affirment eux-mêmes que leur but ultime est de « réinsérer » des éléments de preuve à l’appui du certificat — mais, il faut bien le croire, sans avoir à la divulguer conformément aux ordonnances rendues par la Cour. Il s’agit en somme, comme le soulignent les avocats spéciaux, d’une évaluation à la pièce de résumés individuels auxquels les ministres s’objectent. Or, cette contestation porte sur les faits du présent dossier. Elle ne transcende pas les intérêts des parties au litige et n’est pas de portée générale. Elle ne soulève aucune question rencontrant les critères de l’article 79 de la LIPR.

[93]     La Cour est donc tenue, par la LIPR et la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, de refuser de certifier la question proposée par les ministres.

4.    Réserve de droits

[94]     L’intéressé demande à cette Cour de « réserver ses droits » afin qu’elle statue, suite à l’annulation du certificat, sur un recours visant à faire reconnaître la violation de ses droits constitutionnels dans le cadre des procédures dont il a fait l’objet et à obtenir une réparation en vertu de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[95]     L’intéressé s’appuie sur l’article 24 de la Charte, qui dispose que « [t]oute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. »

[96]     L’intéressé soutient que cette Cour, comme juge désignée assignée à ce dossier, est le tribunal compétent, notamment parce que son recours est intimement lié aux faits du présent dossier, dont la Cour a connaissance.

[97]     L’intéressé s’appuie sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans Charkaoui (Re), 2004 CAF 421, [2005] 2 R.C.F. 299 (Charkaoui I) où la Cour d’appel fédérale avait statué qu’un juge désigné chargé d’examiner le caractère raisonnable d’un certificat de sécurité est compétent pour trancher des questions constitutionnelles présentées par voie de requête.

[98]     Les ministres rejettent les prétentions de l’intéressé et soutiennent qu’une fois le certificat déclaré nul ou déraisonnable, la compétence du juge désigné est épuisée. Si l’intéressé veut demander une réparation en vertu de l’article 24 de la Charte, il devrait le faire dans le cadre d’une autre procédure.

[99]     Je suis d’accord avec la position des ministres. La requête de l’intéressé en réparation en vertu de l’article 24 de la Charte est une procédure distincte de celle de l’évaluation du caractère raisonnable du certificat de sécurité; l’arrêt Charkaoui I, précité, de la Cour d’appel fédérale sur lequel s’appuie l’intéressé n’est pas applicable en l’espèce, et cette Cour n’est pas nécessairement « le tribunal compétent » au sens de la Charte.

[100]      La Cour d’appel fédérale avait conclu, au paragraphe 57 de ses motifs dans Charkaoui I, que « c’est aller à l’encontre de la justice que de forcer des justiciables à entreprendre des procédures parallèles découlant d’une seule décision, a fortiori lorsque ces procédures parallèles seraient introduites devant la même Cour ».

[101]      Cependant, ce raisonnement n’est pas applicable en l’espèce. Comme l’avait noté la Cour d’appel fédérale au paragraphe 58 dans l’arrêt Charkaoui I, « l’appelant, lorsqu’il conteste sa détention, ne fait que se défendre en plaidant que des dispositions de la LIPR sont inconstitutionnelles. Cette défense, en toute logique, devrait pouvoir être plaidée par requête dans le cadre de la procédure originale, sans qu’il soit nécessaire d’instituer une procédure parallèle ni d’ouvrir un nouveau dossier ». Il serait, en effet, absurde et contraire à la primauté du droit et de la constitution d’empêcher une personne de se défendre en invoquant l’inconstitutionnalité d’une loi sur laquelle est basée une procédure dont elle fait l’objet dans le cadre même de cette procédure. Or, en l’espèce, le recours de l’intéressé n’est pas une procédure « parallèle » à l’examen du certificat. Au contraire, comme il le reconnaît lui-même, il s’agit d’une procédure subséquente à l’annulation de celui-ci.

[102]      Le certificat ayant été déclaré nul, la juridiction de cette Cour est épuisée. Il ne peut plus être question de « mini-procès à l’intérieur d’un procès » (je souligne) comme dans l’arrêt Charkaoui I (paragraphe 59).

[103]      Quant à l’argument de l’intéressé basé sur la notion de « tribunal compétent » au sens du paragraphe 24(1) de la Charte, il ne peut être retenu, parce que l’octroi de réparation en vertu de cette disposition « doit s’insérer dans le système actuel de la procédure judiciaire canadienne » (Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863, à la page 953). Le paragraphe 24(1) de la Charte n’a pas pour effet d’élargir la compétence de cette Cour ou d’aucun autre tribunal. Il vise simplement à s’assurer qu’il y aura toujours un tribunal compétent pour octroyer une réparation pour une violation de la Charte. Si l’intéressé va de l’avant avec sa demande de réparation et en démontre le bien-fondé, la Cour fédérale pourra être un tel tribunal.

[104]      Cependant, il n’appartient pas à une partie, lorsqu’elle s’adresse à la Cour fédérale, de choisir le juge qui se prononcera sur sa demande, à moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse d’une demande « parallèle » à un dossier déjà devant la Cour, telle une demande reconventionnelle. L’intéressé a le droit de s’adresser à la Cour fédérale mais n’a pas un droit à ce que le même juge qui a examiné le certificat statue sur cette demande. L’assignation des dossiers est une prérogative qui relève du juge en chef.

CONCLUSION

[105]      Ayant consacré beaucoup de temps et d’efforts à ce dossier, la Cour comprend et partage la frustration de ceux qui auraient préféré qu’il se termine par un jugement au mérite basé sur une évaluation de l’ensemble de la preuve à l’appui du certificat. Cependant, la LIPR confère aux ministres la faculté de retirer cette preuve, et la Cour, tout comme les ministres, l’intéressé et le public, doit vivre avec les conséquences de l’usage que les ministres font de cette faculté.

[106]      La Cour est également consciente, comme la Cour suprême l’était déjà dans l’arrêt Kourtessis, précité [à la page 69], « que l’on s’attend généralement à ce qu’il existe un moyen quelconque d’en appeler de la décision d’un tribunal de première instance », et que cette attente est encore plus forte lorsque la décision qu’on cherche à porter en appel est importante aux yeux du public.

[107]      Il n’en reste pas moins que le devoir de la Cour est d’appliquer les lois adoptées par le Parlement. Le Parlement a adopté, dans la LIPR, des limites précises et restrictives sur le droit d’appel. Ces limites diffèrent, par exemple, des critères applicables à une demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême prévus au paragraphe 40(1) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 37] de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, lesquels tiennent surtout compte de l’importance nationale et de la nouveauté des questions que l’appel permettrait de soulever. Dans le cas de la section 9 de la LIPR, si la question dont on demande la certification n’est pas « grave [et] de portée générale », la Cour est tenue de rejeter la demande.

[108]      La Cour convient que si elle s’était livrée à un exercice de pondération judiciaire où l’équité procédurale aurait primé sur la sécurité nationale, la question de savoir si elle était en droit de le faire serait une question de droit qui aurait franchi le seuil requis pour la certification d’une question de portée générale.

[109]      Cependant, la Cour ne l’a pas fait. En réalité, le désaccord qui existe entre les ministres et la Cour ne relève que de l’adjudication au cas par cas d’éléments de preuve dont la divulgation, selon la Cour, ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale. Le Parlement a expressément confié au juge désigné la responsabilité de déterminer quels renseignements doivent demeurer confidentiels. Les ministres ne reprochent pas à la Cour d’avoir dépassé ce mandat, mais d’avoir commis des erreurs de fait dans son exercice.

[110]      Il est compréhensible qu’un désaccord sur l’adjudication d’un élément de preuve crée chez les ministres la croyance que la Cour a fait primer les droits de l’individu au détriment des exigences de la sécurité nationale. Toutefois, cette croyance n’est pas fondée.

[111]      À cet égard, il est pertinent de rappeler à quel point la notion de sécurité nationale est une question de perspective. Il peut exister des zones grises où une mésentente est possible. L’exemple des efforts que la Cour a demandé aux ministres d’entreprendre pour contacter les agences étrangères en vue d’obtenir leur consentement à la divulgation de la preuve le démontre clairement, puisque la position des ministres sur les conséquences d’une telle démarche pour la sécurité nationale a changé d’une semaine à l’autre.

[112]      Bref, la Cour réitère que les questions proposées par les ministres sont inextricablement liées au fait du présent dossier. Une mésentente sur l’adjudication de certaines ordonnances interlocutoires avec lesquelles les ministres ne sont pas d’accord ne rencontre pas le seuil établi pour la certification d’une question.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1. Le certificat émis le 22 février 2008 et attestant qu’Adil Charkaoui est interdit de territoire pour raison de sécurité est déclaré nul.

2. Il n’y a aucune question à certifier pour la Cour d’appel fédérale.

Text Box: Federal Court Cour fédéraleANNEXE A

Date : 20080903

Dossier : DES-4-08

Montréal (Québec), le 3 septembre 2008

En présence de Madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat en

vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration

et la protection des réfugiés (LIPR);

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt

de ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT la modification

des conditions de remise en liberté de l’intéressé;

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil Charkaoui.

ORDONNANCE

    VU la requête préliminaire de M. Charkaoui (l’intéressé) pour la communication « de partie à partie » des renseignements et autres éléments de preuve se rapportant au certificat déposé à son endroit en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, telle que modifiée;

    CONSIDÉRANT les prétentions écrites des parties suite à l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38 (Charkaoui 2008);

    CONSIDÉRANT l’audience publique qui a été tenue le 3 septembre 2008;

    CONSIDÉRANT qu’à cette audience les parties ont reconnu le principe établi par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Charkaoui 2008 que l’équité procédurale inclut une obligation de communication à la personne visée « selon des modalités et dans des limites qui respectent les intérêts légitimes de la sécurité publique »;

CONSIDÉRANT dans ce contexte que la Cour suprême a énoncé qu’une forme de divulgation de l’ensemble de la preuve plus complète que les simples résumés fournis aux ministres et au juge désigné s’impose pour protéger les droits fondamentaux de la personne visée;

    CONSIDÉRANT que le procureur des ministres, Me Joyal, a affirmé que la preuve publique qui ne comporte aucun élément dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui a été complètement divulguée à l’intéressé et qu’il n’existe pas d’autre élément de preuve supplémentaire qui pourrait lui être divulgué;

    CONSIDÉRANT qu’il a de plus affirmé qu’une lettre à cet effet serait déposée dans quelques jours;

    CONSIDÉRANT enfin que Me Joyal ne s’est pas opposé à ce que la Cour accorde une ordonnance à l’effet que toute la preuve publique qu’il est possible de divulguer sans porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui soit divulguée « de partie à partie » mais a plutôt indiqué qu’une telle ordonnance est redondante;

    CONSIDÉRANT que la Cour est d’avis qu’une telle ordonnance est dans l’intérêt de la justice;

    LA COUR ORDONNE QUE:

    La requête est accueillie. Les ministres doivent divulguer « de partie à partie » toute preuve ou renseignement pertinent favorable ou défavorable à la thèse des ministres qu’ils peuvent divulguer sans porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité d’autrui ou confirmer que cette obligation a été rencontrée, et ce, dans les dix jours de la présente ordonnance.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Text Box: Federal Court Cour fédérale                                                                                                                                                          Juge

Date : 20080919

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2008

EN PRÉSENCE DE : Mme le juge Tremblay-Lamer

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat établi

conformément au paragraphe 77(1)

de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

ET le dépôt d’un certificat à la Cour fédérale

conformément au paragraphe 77(1) de la LIPR

ET la nomination d’un avocat spécial conformément

à l’alinéa 83(1)b) de la LIPR;

ET Adil CHARKAOUI

ORDONNANCE

    VU l’ordonnance de la Cour datée du 3 septembre 2008 par laquelle les ministres devaient divulguer « de partie à partie » toute preuve ou renseignement pertinent favorable ou défavorable à la thèse des ministres qu’ils peuvent divulguer sans porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité d’autrui ou confirmer que cette obligation a été rencontrée;

    CONSIDÉRANT la réponse des ministres transmise par les deux lettres et annexes datées du 11 et 12 septembre 2008;

    CONSIDÉRANT que l’alinéa 83(1)a) de la LIPR prévoit que l’instruction de la présente instance doit procéder, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;

    CONSIDÉRANT après lecture des lettres des procureures de l’intéressé et de l’avocat spécial du 8 et 12 septembre 2008 ainsi que la lettre des ministres datée du 18 septembre 2008, la Cour est d’avis que la demande formulée par les procureures de l’intéressé d’interroger un représentant du S.C.R.S. concernant la suffisance de la preuve publique (telle la protection des sources humaines), met en jeu des renseignements ou des éléments de preuve don’t la divulgation pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ou celle d’autrui au sens de l’alinéa 83(1)c) de la LIPR;

    CONSIDÉRANT l’obligation du juge désigné de garantir la confidentialité de tels renseignements (83(1)d) de la LIPR);

    La Cour refuse la demande des procureures de l’intéressé d’interroger à ce stade un représentant du S.C.R.S. concernant la suffisance de la communication de la preuve publique; cet exercise devra se faire à huis-clos par le juge désigné appuyé des avocats spéciaux; la Cour veillera tout au long de l’instance à ce que soit fourni à l’intéressé un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui (83(1)e));

    CONSIDÉRANT toutefois que les avocats spéciaux n’ont pu rencontrer l’échéancier fixé par la Cour pour consulter la preuve classifiée à compter du 8 septembre 2008, la Cour accepte que l’échéancier fixé pour les audiences à huis-clos soit modifié en conséquence;

    LA COUR ORDONNE :

1) Les avocats spéciaux disposeront jusqu’au 24 octobre 2008 pour l’examen de la preuve classifiée et pour se préparer pour les audiences à huis-clos;

2) Les audiences à huis-clos commenceront le 27 octobre 2008 pour se poursuivre la semaine du 3 novembre 2008. Il sera décidé à ce moment si une troisième semaine est nécessaire.

3) Pour l’instant, l’échéancier déjà fixé par la Cour le 20 juin 2008 ne sera pas modifié pour les étapes subséquentes.

« Tremblay-Lamer J. »

                                                                                                                                                                Juge

Text Box: Federal Court Cour fédérale   

Date : 20081028

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2008

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat

en vertu du paragraphe 77(1)

    de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

    DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de

ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Adil Charkaoui

ORDONNANCE

    APRÈS avoir tenu compte de l’incidence de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38 (l’arrêt Charkaoui no 2) sur les obligations qu’ont les ministres de divulguer au juge désigné, aux fins de l’instance ex parte et à huis clos, des informations et des renseignements liés à monsieur Adil Charkaoui, lesquels comprennent notamment des brouillons, des diagrammes, des enregistrements et des photographies en la possession du Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS);

APRÈS avoir examiné le témoignage de deux employés du SCRS (qui ont été interrogés et contre-interrogés), lesquels ont décrit l’étendue de la divulgation nécessaire pour se conformer à l’arrêt Charkaoui no 2. Cette description de l’étendue de la divulgation constituera le contenu de ce que les ministres et le SCRS devront divulguer par suite de la présente ordonnance mais ne limitera pas des requêtes ultérieures au cas par cas présentées par les avocats spéciaux au cours des audiences à huis clos à venir;

APRÈS avoir examiné les observations des avocats des ministres ainsi que celles des avocats spéciaux sur ce point;

APRÈS avoir été informé par l’un des témoins du SCRS qu’une période de six mois serait nécessaire pour recueillir et transmettre ces renseignements dans le but de se conformer à l’arrêt Charkaoui no 2;

VU la demande aux ministres et au SCRS de donner suite à leurs obligations de divulgation découlant de l’arrêt Charkaoui no 2 de la façon la plus expéditive possible;

LA COUR ORDONNE que :

- Les ministres et le SCRS déposent à la section des instances désignées de la Cour toutes les informations et tous les renseignements liés à monsieur Adil Charkaoui, lesquels comprennent notamment des brouillons, des diagrammes, des enregistrements et des photographies en la possession du SCRS.

- Les ministres devront rendre compte des progrès à la Cour lors d’une audience à huis clos à être tenue dans les six (6) semaines de la présente ordonnance.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Text Box: Federal Court Cour fédérale                                                                                                                                                          Juge

Date : 20081205

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2008

En présence de Madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat en vertu du paragraphe 77 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à Cour fédérale en vertu du paragraphe 77 (1) de la LIPR;

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil Charkaoui;

ET LE BARREAU DU QUÉBEC; intervenant.

Communication de la Cour à M. Adil Charkaoui et à ses procureures au dossier

Avant l’émission de cette communication, les procureurs des ministres et les avocats spéciaux ont été consultés.

Tel que prévu à sa Directive du 26 novembre 2008, la Cour a tenue une audience à huis clos le 3 décembre 2008 pour entendre un témoin faire le point sur la situation quant aux obligations de divulgation des ministres conformément à l’arrêt Charkaoui c Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration et Solliciteur général du Canada, 2008 CSC 38 (ci-après , « Charkaoui II ».

Ce témoin a expliqué que le processus mis en place au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) conformément à son témoignage du 27 octobre dernier avait permis d’identifier quelques milliers de documents (bien que le chiffre exact sera confirmé en janvier 2009, le témoin a parlé d’une fourchette pouvant aller de 2,500 documents à près de 3,500 documents) qui font l’objet d’une révision préalable à la première étape de la divulgation conformément à Charkaoui II.

Ce témoin a précisé que la deuxième étape de la divulgation selon Charkaoui II consisterait à informer la Cour et les avocats spéciaux à savoir s’il existe des originaux des quelques milliers de documents identifiés.

Cette deuxième étape doit se faire simultanément au processus de révision, de validation et d’analyse des documents identifiés et se terminera au début du mois d’avril 2009.

L’échéancier prévu pour la première étape de divulgation est le 28 janvier 2009.

Conformément à la communication de la cour émise le 26 novembre dernier et à leurs responsabilités prévues au paragraphe 85.1 (2) de la LIPR, les avocats spéciaux ont déposé leurs propositions contestant les affirmations du ministre voulant que la divulgation de certains renseignements ou autres éléments de preuve (en lien avec les paragraphes du rapport de renseignement de sécurité classifié mais aussi des rapports du SCRS qui appuient, d’après les ministres, ces mêmes paragraphes) porterait atteinte à la sécurité nationale.

Les procureurs des ministres devront faire connaître leur position sur la proposition le ou avant le 28 janvier 2009.

En même temps qu’ils déposaient leur proposition, les avocats spéciaux ont également fait valoir que leur mandat législatif de contester les allégations de secret était continu et pourrait s’exercer à nouveau dans le futur soit dû à une plus grande maîtrise du dossier qui ne fait que s’accroître au fil du temps ce qui, de plus, n’est que compatible avec la divulgation additionnelle selon Charkaoui II.

Les avocats spéciaux ont aussi tenus à spécifier - relativement à la mise en œuvre de cette divulgation - qu’ils étaient au fait des plaidoiries écrites à venir et des débats quant à l’interprétation finale à donner à l’expression « de partie à partie » mise de l’avant par les procureures de l’intéressé .

Les avocats spéciaux ont demandé à la Cour que des questions de droit puissent être débattues par les parties préalablement aux audiences à huis clos à être tenues éventuellement sur leur proposition de divulgation.

Ils ont formulés ces questions de droit sous forme interrogative :

- Quels sont le contenu et la validité de la norme de la sécurité nationale prévue par la loi?

- Sur qui repose le fardeau (de présentation ou de persuasion) de prouver que la divulgation porte ou ne porte pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui?

- Quelle est la norme de preuve associée à ce fardeau?

À la lumière des arguments des avocats spéciaux, la Cour a acquiescé à ce que les questions de droit qu’ils ont soulevées soient débattues tant par eux que par les parties préalablement aux audiences à huis clos à être éventuellement tenues sur la contestation des avocats spéciaux. Ces questions devront être jointes à l’autre question de droit (« divulgation de partie à partie ») pour laquelle les procureures de l’intéressé doivent soumettre leurs prétentions écrites le 9 janvier 2009 et les procureurs des ministres le 16 janvier 2009.

Au moment où la Cour s’apprêtait à émettre la présente communication, les avocats spéciaux soulevaient la nouvelle question suivante avec quatre sous-questions associées :

- la divulgation à venir est-elle opposable à l’intéressé?

a) En vertu de l’article 77(2) de la LIPR, les ministres sont-ils liés par les allégations du Rapport de renseigement de sécurité, les renseignements et les autres éléments d’information ou de preuve du Service qui le substantifient, et qui ont été déposés à la Cour en même temps que le certificat?

b) En ce sens, bien que l’enquête du Service puisse être continue (Charkaoui II, para. 73), la divulgation additionnelle qui n’allègue aucun fait postérieur au Rapport de renseignement de sécurité découlant d’une enquête continue du Service est-elle opposable à l’intéressé?

c) La Cour doit-elle, le cas échéant, personnellement vérifier chacun des documents qui seront divulgués, question que semble s’être posée madame la juge Dawson à l’occasion d’une directive publique datée du 23 octobre 2008 dans l’affaire Jaballah?

d) Si la divulgation à venir était opposable à l’intéressé, celui-ci aurait-il droit à un redressement en vertu de la Charte, afin d’éviter que la réparation lui ayant été accordée par la Cour suprême dans Charkaoui II ne soit ainsi retournée contre lui?

Les avocats spéciaux sont d’avis qu’il est essentiel que l’intéressé connaisse son « péril juridique » et ils ont soumis que ces questions ont un impact direct sur l’usage que la Cour, les avocats spéciaux et les parties feront prochainement de cette divulgation additionnelle. En ce sens, ils étaient d’avis que ces quelques questions sont d’une importance fondamentale pour l’intéressé.

Après avoir été informé de la position des procureurs des ministres sur le sujet, la Cour accepte que les parties débattent de ces questions de droit préalablement à la première phase de divulgation additionnelle, afin que chacun soit au fait des règles de droit qui seront appliquées à ce « nouveau » matériel.

Puisque les parties sont déjà saisies de diverses questions de droit, la Cour suggère que cette dernière question et sous-questions soient également incluses dans les prétentions écrites dues par les parties pour les 9 et 16 janvier 2009 puis débattues publiquement la semaine du 19 janvier 2009.

Text Box: Federal Court Cour fédérale« Danièle Tremblay-Lamer »

                                                                                                                                                          Juge

Date : 20081210

Dossier : DES-4-08

Montréal (Québec), le 10 décembre 2008

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat

en vertu du paragraphe 77(1)

de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de

ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

ORDONNANCE

    Après la tenue d’une audience à huis clos ex parte de l’intéressé et de ses procureures au cours de laquelle le témoin Jean-Paul a été entendu et après avoir entendu les plaidoiries des procureurs des ministres et des avocats spéciaux, la Cour est satisfaite que la divulgation de l’identité du témoin par son nom porterait atteinte, selon elle, à sa propre sécurité (par. 83(1)d) de la LIPR). Par conséquent, la Cour procédera en audience publique en commençant par le témoignage du témoin Jean-Paul.

    Puisqu’il s’agit d’une question mixte de faits et de droit, laquelle est étroitement liée à la preuve confidentielle, la Cour a déterminé qu’il n’était pas possible dans ce cas particulier de débattre de cette question publiquement.

« Danièle Tremblay-Lamer »

                                                                                                                                                            Juge

Text Box: Federal Court Cour fédérale   

Date : 20090123

Dossier : DES-4-08

Montréal (Québec), le 23 janvier 2009

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat

en vertu du paragraphe 77(1)

de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de

ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

COMMUNICATION À M. ADIL CHARKAOUI ET À SES PROCUREURES AU DOSSIER

En réponse à la question posée par Maître Doyon lors de l’audience publique du 22 janvier 2009 – à savoir s’il y a une preuve faite, non seulement « à charge » par les procureurs des ministres, mais aussi « à décharge » par les avocats spéciaux – la Cour tient à répondre, qu’à ce stade, il n’y a pas encore de preuve « à décharge ».

La Cour tient également à apporter le complément d’information suivant :

Certains documents ont pu être déposés par les avocats spéciaux lors des audiences tenues hors la présence de M. Charkaoui et de ses procureures au soutien de leur rôle de défendre les intérêts de M. Charkaoui conformément à l’article 85.2 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés lors de toute audience tenue à huis clos et en l’absence de M. Charkaoui et de ses procureures ainsi qu’à une audience tenue ex parte en l’absence des procureurs des Ministres le 12 janvier 2009;

Dans la mesure où la divulgation de tel(s) document(s) ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, il(s) sera (seront) divulgué(s) dans le cadre de la divulgation à venir;

De plus, lorsque la preuve des Ministres sera complétée (Phase II), la loi permet à l’avocat spécial d’exercer avec l’autorisation du juge tout pouvoir nécessaire à la défense des intérêts de la personne intéressée. Les avocats spéciaux pourraient demander à la Cour l’autorisation de présenter une preuve « à décharge », conformément à l’alinéa 85.2c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Text Box: Federal Court Cour fédérale                                                                                                                                                          Juge

Date : 20090227

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 27 février 2009

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat

en vertu du paragraphe 77(1)

de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de

ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

 Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

COMMUNICATION À M. ADIL CHARKAOUI

ET À SES PROCUREURES AU DOSSIER

    Le 18 février 2009, le greffe de la cour a reçu la copie de la divulgation visée par l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38 (Charkaoui II). Le support informatique remis comprendrait environ 3000 documents.

    La Cour tient à informer l’intéressé et ses procureures du fait qu’il appert de la lettre des ministres jointe à cette divulgation que la copie remise aux avocats spéciaux a été caviardée alors que la version offerte à la Cour mets simplement en relief les passages caviardés dans la version des avocats spéciaux en permettant de quand même lire ces passages.

    Les raisons invoquées par les ministres au soutien du caviardage de la copie remise aux avocats spéciaux sont :

         a)  enquêtes, en cours ou non, qui ne concernent pas l’intéressé;

         b)  identification de sources humaines;

         c)  identification d’employés du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS);

         d)  questions/sujets/individus/groupes d’intérêts d’agences étrangères qui ne concernent pas l’intéressé;

         e)  secret professionnel de l’avocat; et

         f)   caractère confidentiel des documents du Cabinet.

    La Cour joint à la présente communication une lettre émise par les avocats spéciaux le 25 février 2009. Vous constaterez au deuxième point saillant de la page 2 de cette lettre que les avocats spéciaux entendent faire des demandes de dé-caviardage à leur bénéfice et l’adjudication de telles demandes à huis-clos en cas de refus des ministres.

    La Cour tenait à porter ces informations à la connaissance de l’intéressé et de ses procureures pour que ces dernières puissent, elles aussi, faire valoir leur argumentaire juridique sur les règles applicables pour l’adjudication des demandes à venir, à huis-clos, de la part des avocats spéciaux quant aux documents visés par la divulgation de Charkaoui II dans la mesure du possible lors des débats publics sur les questions de droit à être tenues les 10 et 11 mars prochain..

    La Cour a également émis une directive écrite aux ministres le 24 février 2009 demandant si ces derniers sont prêts à consentir à la divulgation du contenu de toute interception de communication au cours de laquelle l’intéressé a participé ainsi que de tout rapport de filature le concernant. Une approche similaire a été consentie dans d’autres dossiers.

    Enfin, après avoir considéré la première proposition de divulgation des avocats spéciaux ainsi que la réponse des ministres et afin de pouvoir se prononcer sur la divulgation possible vers l’intéressé, la Cour a également émis une ordonnance aux ministres de procéder immédiatement à l’obtention des approbations qui semblent être requises en ce qui concerne l’information en provenance des agences domestiques impliquées et une agence étrangère pour laquelle ceux-ci se sont dits prêts à divulguer sous réserve de l’approbation de l’agence étrangère en question.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Text Box: Federal Court Cour fédérale                                                                                                                                                          Juge

Date : 20090318

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2009

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat

en vertu du paragraphe 77(1)

de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de

ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

 Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

ORDONNANCE

    Après avoir considéré la première proposition de divulgation des avocats spéciaux ainsi que la réponse des Ministres, la Cour émet l’ordonnance suivante :

1)     LA COUR ORDONNE aux Ministres de donner suite immédiatement à leur proposition à chaque fois où ils se sont dits prêts à émettre une déclaration ou un énoncé général, un résumé et/ou de divulguer de l’information, le tout tel qu’ils l’ont proposé dans leur réponse à la première proposition des avocats spéciaux. La Cour tient à noter que la déclaration, l’énoncé, ou le résumé se devra de refléter l’information telle qu’elle appert au Rapport de Renseignement de Sécurité. Tout changement ne se justifiera que pour des considérations de sécurité nationale ou de sécurité d’autrui.

« Danièle Tremblay-Lamer »

                                                                                                                                                          Juge

Text Box: Federal Court Cour fédérale   

Date : 20090616

Dossier : DES-4-08

Ottawa, Ontario, le 16 juin 2009

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un

certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi

sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt

de ce certificat à la Cour fédérale en

vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil

Charkaoui;

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

COMMUNICATION À M. ADIL CHARKAOUI ET À SES PROCUREURES AU DOSSIER

La cour vous transmet, par la présente, un résumé de l’audience tenue à huis clos le 11 juin 2009. Au cours de celle-ci, les ministres ont fait entendre un témoin pour expliquer leur changement de position eu égard au refus de retourner aux agences étrangères pour demander une levée de la réserve.

Après avoir entendu ce témoin, la cour est d’avis qu’une partie importante de son témoignage ne contient aucun élément comportant un risque pour la sécurité nationale; ce qui a permis un résumé assez détaillé du témoignage, tout en écartant les éléments confidentiels.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Text Box: Federal Court Cour fédérale                                                                                                                                                          Juge

Date : 20090618

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2009

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat

en vertu du paragraphe 77(1)

de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de

ce certificat à la Cour fédérale

en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

Adil Charkaoui

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

COMMUNICATION À M. ADIL CHARKAOUI ET À SES PROCUREURES AU DOSSIER

La Cour, étant d’avis qu’il n’y a aucun élément de sécurité nationale, vous remet copie de la correspondance émise récemment.

Par la même occasion, la Cour vous informe que les audiences à huis clos concernant les propositions de divulgation incluant le matériel Charkaoui II ayant un lien avec la règle des tiers, se tiendront les 7 et 8 juillet 2009.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Text Box: Federal Court Cour fédérale                                                                                                                                                          Juge

   

Date : 20090720

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2009

En présence de madame le juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un

certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi

sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt

de ce certificat à la Cour fédérale en

vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil

Charkaoui;

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

DIRECTIVE

    Dans une lettre très secrète datée du 8 juillet 2009, les ministres informaient la Cour qu’ils retiraient d’autres renseignements et éléments de preuve du rapport de renseignements de sécurité concernant monsieur Adil Charkaoui (DES-4-08) en sus du retrait des interceptions. Pour se faire, les ministres invoquent un préjudice à la sécurité nationale et plus particulièrement une atteinte au programme des sources humaines. Ce retrait fait suite à des ordonnances de divulgation publique de certains éléments de preuve rendues les 25, 26 et 27 mai 2009, ainsi que le 1er juin 2009.

    La Cour refuse de modifier le contenu de ces ordonnances puisqu’elle a tranché après de longs débats à huis clos portant sur la divulgation des renseignements au soutien du certificat. La Cour est satisfaite que l’information dont il est question a été neutralisée et ne représente pas d’élément portant atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui.

    Avant de permettre la divulgation du nouveau résumé à M. Charkaoui et à ses procureures, la Cour demande aux ministres de confirmer au plus tard le 22 juillet à midi que le retrait de nouveaux éléments de preuve n’affecte pas le résumé proposé.

« Danièle Tremblay-Lamer »

                                                                                                                                                          Juge

Text Box: Federal Court Cour fédérale

Date : 20090805

Dossier : DES-4-08

Ottawa (Ontario), le 5 août 2009

En présence de Mme le juge Tremblay-Lamer

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un

certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi

sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt

de ce certificat à la Cour fédérale en

vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Adil

Charkaoui;

ET LE BARREAU DU QUÉBEC, intervenant

DIRECTIVE

La Cour tient d’abord à dissiper toute confusion en précisant que les ordonnances de divulgation que cette cour a émises oralement en avril et mai 2009 s’inscrivaient dans le contexte de l’ensemble des propositions de divulgation des avocats spéciaux et, par conséquent, n’étaient pas limitées aux renseignements ou autre élément de preuve provenant des interceptions.

Qu’il suffise, à titre d’exemple, de rappeler toute l’analyse demandée par la Cour sur les conséquences juridiques du refus initial des ministres de solliciter la levée de la règle des tiers.

La Cour a tranché chaque proposition de divulgation lorsqu’une mésentente subsistait entre les affirmations des ministres voulant que la divulgation des renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui et celles des avocats spéciaux affirmant le contraire. Ces ordonnances ont entraîné le retrait de certains renseignements, les ministres étant toujours d’avis, contrairement à l’opinion de la Cour, que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d’autrui. Tout ce qui pouvait être communiqué lors de ces audiences a déjà fait l’objet de communications.

En deuxième lieu, la Cour veut rappeler que suite aux représentations écrites des parties et des avocats spéciaux, des audiences publiques et à huis clos seront fixées en septembre, soit au retour des vacances estivales. (Voir la directive de la cour en date du 9 juillet 2009.)

Cependant, compte tenu des prétentions écrites des ministres, à l’effet que leur preuve ne rencontre pas le fardeau requis pour démontrer que le certificat émis contre l’intéressé est raisonnable et de leur demande à la Cour de statuer sur cette question (ainsi que sur la certification de certaines questions pour la Cour d’appel) et ;

Compte tenu de la demande de l’intéressé de libération sans condition : les audiences publiques (et possiblement à huis clos) devront porter sur tous ces éléments, plus particulièrement :

        3.   La conclusion des ministres constitue-t-elle un changement de circonstances au sens de l’article 82.1 de la LIPR entraînant la levée de conditions de détention de l’intéressé sans autre délai ?

        4.   Vu l’admission des ministres que la preuve est insuffisante pour rencontrer leur fardeau de preuve imposé par la LIPR, est-il opportun pour la Cour de se prononcer sur le caractère raisonnable du certificat ou celui-ci ne devrait-il pas être révoqué d’office sans autre formalité par les ministres ? (Mr Justice Mitting High Court of Justice Queen’s Bench Division Administrative Court In The Matter of the Prevention of Terrorism Act 2005 in Secretary of State for Home Department v. AN, [2009] EWHC 1966 (Admin), London, WC2A 2LL 31 juillet 2009, http://www.bailii.org/ew/cases/EWHC/Admin/ 2009/1966.html).

        5.   Si la Cour devait se prononcer sur le caractère raisonnable du certificat et l’annuler, devrait-elle certifier des questions pour la Cour d’appel, et si oui, lesquelles ?

Lorsque la Cour connaîtra la disponibilité de procureurs pour les audiences publiques (et possiblement à huis clos), elle fixera un échéancier pour le dépôt de prétentions écrites supplémentaires requises pour répondre à ces questions.

« Danièle Tremblay-Lamer »

                                                                                                                                                          Juge

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