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A-176-01

2002 CAF 407

John Mitchell, Anita Mitchell, Leonard Stewin et J.A. Fraser Implement Co. Ltd. (appelants)

c.

Sa Majesté la Reine représentée par le ministre du Revenu national et le Procureur général du Canada (intimée)

Répertorié: Mitchell c. Canada (Procureur général) (C.A.)

Cour d'appel, juges Desjardins, Sexton et Sharlow, J.C.A.--Edmonton, 24 septembre; Ottawa, 24 octobre 2002.

Impôt sur le revenu -- Nouvelles cotisations -- Appel du rejet d'une demande de contrôle judiciaire visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenu de 1984 des appelants ainsi qu'un jugement déclaratoire portant que les appelants avaient déposé les renonciations nécessaires -- Un copropriétaire avait déposé un avis d'opposition par suite du traitement, à titre de revenu, des intérêts de pénalisation qui lui avaient été attribués lors de l'expropriation -- Le ministre avait convenu que si le cas type aboutissait à un résultat en faveur du contribuable, les déclarations de revenu des autres copropriétaires feraient l'objet de nouvelles cotisations -- L'avocat des appelants a confirmé l'entente par une lettre dans laquelle il disait que les appelants n'avaient pas d'objection à toute nouvelle cotisation, qu'elle soit faite avant ou après le délai prescrit -- Aucune renonciation n'a été déposée au nom des appelants -- Le cas type a abouti à un résultat favorable au copropriétaire, mais le ministère de la Justice a nié l'existence de l'entente -- Revenu Canada a par la suite reconnu l'entente, mais en disant que de nouvelles cotisations pouvaient être établies uniquement si les formulaires de renonciation étaient remplis dans le délai prescrit -- Appel accueilli -- Le juge de première instance a commis une erreur de droit en cherchant à établir trois différents types de renonciations, en introduisant la notion de renonciation par interprétation et en omettant de mettre l'accent sur la question de savoir si une renonciation valable avait été déposée -- L'intention des parties, la suffisance des renseignements contenus dans une lettre adressée au ministre, la pratique de Revenu Canada d'accepter les documents en tant que renonciations, même s'ils n'étaient pas établis selon le formulaire prescrit, l'absence de préjudice causé à Revenu Canada ont été pris en considération -- La lettre constituait une renonciation valable.

Il s'agissait d'un appel de la décision par laquelle la Section de première instance avait rejeté une demande de contrôle judiciaire visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenu de 1984 des appelants conformément au cas type comme il avait antérieurement été convenu ainsi qu'un jugement déclaratoire portant que les appelants avaient déposé des renonciations en vertu du sous-alinéa 152(4)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Les appelants et les autres copropriétaires s'étaient vu attribuer des intérêts de pénalisation lors de l'expropriation de leur terre. Ils ont déclaré les intérêts dans leurs déclarations de revenu de 1984. En recevant un avis de cotisation l'informant que les intérêts de pénalisation étaient imposés à titre de revenu, l'un des copropriétaires a retenu les services d'un avocat et a déposé un avis d'opposition. Le délai de dépôt d'un avis d'opposition avait expiré avant que les autres propriétaires eussent retenu les services du même avocat, mais ils auraient pu demander une prorogation du délai dans lequel ils pouvaient déposer un avis d'opposition. Lors d'une réunion entre l'avocat des appelants et des représentants de Revenu Canada, il a été convenu qu'étant donné que des questions identiques se posaient dans chaque cas, les poursuites engagées par un copropriétaire serviraient de cas type et que si ce copropriétaire avait gain de cause, les déclarations de revenu des appelants feraient l'objet de nouvelles cotisations. L'avocat des appelants a réitéré l'entente par une lettre dans laquelle il disait que les contribuables appelants n'avaient pas d'objection à toute nouvelle cotisation, qu'elle soit faite avant ou après le délai prescrit. Aucune renonciation n'a été déposée au nom des appelants. Le cas type a abouti à un résultat favorable. Le ministère de la Justice a nié que Revenu Canada eût convenu d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenu conformément au cas type et a fait savoir que, de toute façon, puisque les renonciations n'avaient pas été fournies, le délai prévu aux fins du dépôt des oppositions était expiré. Revenu Canada a par la suite reconnu qu'il y avait eu une entente, mais uniquement à condition que les formulaires de renonciation aient été remplis dans le délai prescrit. Le juge de première instance a statué que le ministre n'était pas autorisé à établir de nouvelles cotisations à l'égard de déclarations de revenu prescrites à moins qu'une renonciation n'ait été déposée en temps opportun, et que Revenu Canada n'était pas tenu de considérer comme une renonciation les lettres envoyées par l'avocat des appelants, même si elles contenaient «presque toute l'information requise pour constituer une renonciation».

Arrêt: l'appel doit être accueilli.

Le juge de première instance a commis une erreur de droit en cherchant à établir trois différents types de renonciations. La Loi fait uniquement mention d'«une renonciation selon le formulaire prescrit». En introduisant la notion de renonciation par interprétation et en omettant de mettre l'accent sur la question de savoir si une renonciation valable avait été déposée, le juge de première instance a tenu compte de questions étrangères qui ont donné lieu à une erreur de droit.

Selon la pratique à Revenu Canada, les documents autres que le formulaire prescrit sont acceptés en tant que renonciations valables s'ils contiennent les renseignements nécessaires. Il ressortait clairement de la lettre de l'avocat des appelants que son intention était de renoncer au délai de prescription, de façon qu'une nouvelle cotisation puisse être établie, «qu'elle soit faite avant ou après la délai prescrit dans la loi». Le juge de première instance a commis une erreur en omettant de tenir expressément compte de ce paragraphe lorsqu'il s'est demandé si une renonciation avait été fournie. La lettre contenait tous les renseignements exigés par la Loi de l'impôt sur le revenu pour constituer une renonciation valable. La jurisprudence montre que Revenu Canada était prêt, lorsque la chose lui était avantageuse, à se fonder sur des renonciations qui ne contenaient pas les éléments ou renseignements nécessaires. En l'espèce, même si les lettres étaient fondamentalement suffisantes, Revenu Canada a refusé d'accepter les renonciations. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures. Revenu Canada est obligé de considérer tout document comme une renonciation, à condition qu'il contienne les renseignements nécessaires.

Enfin, Revenu Canada n'a pas démontré que les actions des appelants lui avaient causé un préjudice. Il avait été avisé de tous les faits pertinents nécessaires lorsqu'il avait convenu d'établir de nouvelles cotisations compte tenu du cas type.

lois et règlements

Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 56(4), 152(4)a)(ii) (mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 59).

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 32.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tarif B, colonne V.

jurisprudence

décisions appliquées:

Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. (2002), 211 D.L.R. (4th) 696; 17 C.P.R. (4th) 478; 288 N.R. 201 (C.A.F.); Witkin c. Canada, 2002 DTC 7044 (C.A.F.); Solberg (S.J.) c. Canada, [1992] 2 C.T.C. 208; (1992), 92 DTC 6448; 56 F.T.R. 311 (C.F. 1re inst.).

distinction faite d'avec:

Canadian Marconi Co. c. Canada, [1992] 1 C.F. 655; (1991), 85 D.L.R. (4th) 670; [1991] 2 C.T.C. 352; 91 DTC 5626; 137 N.R. 15 (C.A.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1992] 2 R.C.S. vi.

décisions examinées:

Gestion B. Dufresne Ltée c. Canada, [1998] 4 C.T.C. 2551; (1998), 98 DTC 2078 (C.C.I.); Placements T.S. Inc. c. Canada, [1994] 1 C.T.C. 2464; (1993), 94 DTC 1302 (C.C.I.).

décisions citées:

Housen c. Nikolaisen (2002), 211 D.L.R. (4th) 577; [2002] 7 W.W.R. 1; 10 C.C.L.T. (3d) 157; 30 M.P.L.R. (3d) 1; 286 N.R. 1; 219 Sask. R. 1 (C.S.C.); Bellingham c. Canada, [1996] 1 C.F. 613; (1995), 130 D.L.R. (4th) 585; [1996] 1 C.T.C. 186; 96 DTC 6075; 190 N.R. 204 (C.A.).

APPEL du rejet d'une demande de contrôle judiciaire ([2001] 2 C.T.C. 301; 2001 DTC 5290; (2001), 203 F.T.R. 304 (C.F. 1re inst.)) visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenu de 1984 des appelants ainsi qu'un jugement déclaratoire portant que les appelants ont déposé les renonciations nécessaires. Appel accueilli.

ont comparu:

Roderick A. McLennan, c.r. pour les appelants.

J. Edward Fulcher pour l'intimée.

avocats inscrits au dossier:

McLennan Ross LLP, Edmonton, pour les appelants.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Sexton, J.C.A.:

INTRODUCTION

[1]Il s'agit en l'espèce de savoir si Revenu Canada, qui avait convenu que les appelants feraient l'objet de nouvelles cotisations conformément au résultat d'un cas type fondé sur exactement les mêmes faits, peut éviter de respecter l'engagement qui avait été pris à ce sujet. Revenu Canada affirme que les appelants n'ont pas déposé de renonciations dans la forme précise prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63], et ce, même si avant l'expiration du délai prévu aux fins de l'établissement de nouvelles cotisations, leur avocat lui avait donné par lettre tous les renseignements qui doivent être fournis dans une renonciation prescrite par la Loi.

LES FAITS

[2]Les appelants possédaient en Alberta une terre qui a été expropriée en 1981. Ils possédaient cette terre en commun avec deux autres personnes, dont Brenda Bellingham.

[3]Les appelants et les autres copropriétaires se sont vu attribuer des intérêts de pénalisation lors de l'expropriation de cette terre; ils ont déclaré les montants reçus dans leurs déclarations de revenu relatives à l'année d'imposition 1984.

[4]En recevant un avis de cotisation l'informant que les intérêts de pénalisation étaient imposés à titre de revenu, Brenda Bellingham, qui était l'un des copropriétaires, a retenu les services de M. Nichols, fiscaliste chevronné. Conformément aux instructions que sa cliente lui avait données, M. Nichols a déposé en temps opportun un avis d'opposition fondé sur le fait que les intérêts de pénalisation ne constituaient pas un revenu.

[5]Les appelants ont eux aussi fait l'objet de cotisations et ils ont également retenu les services de M. Nichols.

[6]Lorsque le mandat de représentation en justice a été confié à M. Nichols au mois de janvier 1986, le délai de 90 jours dans lequel les appelants pouvaient déposer un avis d'opposition était clairement expiré, mais les appelants auraient pu demander à la Cour de l'impôt de leur accorder une prorogation de délai.

[7]M. Nichols a organisé une réunion avec deux représentants de Revenu Canada, à Edmonton, à savoir MM. Wiesener et Bigelow. La réunion a eu lieu le 6 février 1986.

[8]Lors de cette réunion, il a été convenu qu'étant donné que des questions identiques se posaient dans chaque cas, les poursuites judiciaires engagées par Brenda Bellingham serviraient de cas type pour les autres propriétaires en vue de permettre de déterminer si les intérêts de pénalisation constituaient un revenu non imposable. Il a en outre été convenu que, si Brenda Bellingham avait gain de cause, les déclarations de revenu de 1984 des appelants feraient l'objet de nouvelles cotisations.

[9]M. Nichols a témoigné qu'il avait en outre été convenu qu'en attendant la conclusion du cas type, les dossiers des autres appelants, à Revenu Canada, seraient tenus [traduction] «en suspens sous réserve du droit de bénéficier du même traitement que celui qui était accordé dans l'affaire Bellingham et sans qu'il soit nécessaire de prendre d'autres mesures ou d'avoir d'autres documents».

[10]Aucune preuve n'a été présentée à l'encontre de la preuve fournie par M. Nichols. M. Wiesener ne se souvenait absolument pas de la réunion et n'avait conservé aucune note écrite à ce sujet, et Revenu Canada n'a pas cité M. Bigelow comme témoin.

[11]Par une lettre en date du 24 février 1986, M. Nichols a écrit à Revenu Canada au sujet de l'entente qui avait été conclue le 6 février 1986; il disait ce qui suit:

.

[traduction] Nous voulons confirmer l'entente faisant que ces contribuables feront l'objet d'une nouvelle cotisation afin qu'ils reçoivent le même traitement que les autres, dans l'éventualité où il est déterminé que les «intérêts de pénalisation» ne sont pas imposables. [. . .]

Comme ces questions ont tendance à prendre beaucoup de temps, nous vous saurions gré de nous envoyer les formulaires de renonciation que nous pourrions remplir et livrer comme nous en avons discuté.

[12]Revenu Canada n'a pas jugé bon de répondre à cette lettre.

[13]Par une lettre en date du 17 novembre 1986, M. Nichols a envoyé au ministère de la Justice, pour le compte des appelants, la lettre suivante:

[traduction] Il s'agit d'un cas d'espèce pour un petit groupe de contribuables que l'expropriation touche de la même façon. Nous nous sommes entendus avec le ministre pour que ces autres contribuables fassent l'objet de cotisations conformément au résultat final de cet appel.

[14]Aucune réponse n'a été envoyée à la suite de cette lettre.

[15]Le 4 mai 1987, M. Nichols a écrit au bureau de district d'impôt de Revenu Canada, à Edmonton, en faisant encore une fois savoir qu'il agissait pour le compte des appelants; il réitérait ce qui suit:

[traduction] Nous avons convenu avec le Ministère (par l'entremise de MM. William Wiesener et Bruce Bigelow) que le résultat du cas d'espèce ou du cas type Bellingham s'appliquerait aux autres contribuables intéressés en ce qui concerne la question en cause.

Prière de confirmer qu'il n'y a rien d'autre à faire en ce moment suite à notre entente. Ma préoccupation est liée au fait qu'il s'agit ici d'une transaction de 1984 et que nous devons donc savoir si vous avez besoin de renonciations signées par les autres contribuables au cas où la période prescrite dans la loi pour une nouvelle cotisation serait expirée lorsque l'appel Bellingham au sujet de la question des «intérêts de pénalisation» est réglé en faveur des contribuables.

Au nom de chacun des contribuables, nous confirmons qu'ils n'ont pas d'objection à toute nouvelle cotisation, qu'elle soit faite avant ou après le délai prescrit dans la loi, afin de permettre qu'on puisse déclarer que les «intérêts de pénalisation» ne sont pas imposables. Si cela ne suffit pas, vous pouvez peut-être me faire savoir si oui ou non il y a lieu de produire des renonciations.

[16]Revenu Canada n'a pas répondu à cette lettre par écrit. Toutefois, une certaine Mme Mateyko, de Revenu Canada, a par la suite communiqué par téléphone avec le bureau de M. Nichols; elle a parlé à une adjointe juridique et lui a fait savoir que des renonciations seraient probablement nécessaires. Aucune renonciation n'a été déposée au nom des quatre appelants, mais une renonciation a été déposée pour le compte d'un cinquième contribuable. Mme Mateyko a de nouveau téléphoné au bureau de M. Nichols le 18 août 1987, mais elle n'a pas parlé de ce dossier à qui que ce soit et personne, à Revenu Canada, n'a de nouveau communiqué avec M. Nichols au sujet du dépôt de renonciations en temps opportun.

[17]Brenda Bellingham a finalement eu gain de cause après avoir interjeté appel devant la présente Cour, qui a conclu que les intérêts de pénalisation constituaient un gain fortuit plutôt qu'un revenu.

[18]Lorsqu'il a communiqué avec Revenu Canada pour lui demander d'honorer l'entente qui avait été conclue au sujet de l'établissement de nouvelles cotisations conformément au cas type, M. Nichols s'est vu opposer un refus. Par une lettre en date du 12 avril 1998, le ministère de la Justice a nié que Revenu Canada eût convenu d'appliquer aux autres contribuables la décision rendue dans l'affaire Bellingham et a en outre fait savoir que, de toute façon, puisque les renonciations n'avaient pas été fournies, le délai prévu aux fins du dépôt des oppositions était expiré. Aucune explication n'a été donnée depuis lors au sujet de la raison pour laquelle Revenu Canada niait l'existence de l'entente fort claire qui avait été conclue.

[19]De fait, après que les appelants eurent retenu les services d'autres avocats et que des observations eurent été faites au ministre du Revenu national pour le compte de ces derniers, et plus d'un an après le refus opposé à M. Nichols, Revenu Canada a changé d'idée. Il a finalement reconnu qu'il avait été convenu que les appelants feraient l'objet de nouvelles cotisations conformément au cas type, mais uniquement à condition que les formulaires de renonciation prescrits aient été remplis et soumis à Revenu Canada conformément aux politiques et procédures ministérielles et dans le délai prescrit.

LA DÉCISION D'INSTANCE INFÉRIEURE

[20]Les appelants ont présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance [[2001] 2 C.T.C. 301] en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard de leurs déclarations de revenu de 1984 conformément au cas type ainsi qu'un jugement déclaratoire portant qu'ils avaient déposé des renonciations valables en vertu du sous-alinéa 152(4)a)(ii) [mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 59] de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le juge de première instance a conclu [au paragraphe 28] que «[p]ersonne ne conteste le fait que Revenu Canada a convenu de délivrer une nouvelle cotisation aux demandeurs qui serait conforme au résultat du cas type et que les demandeurs pour leur part ont convenu qu'ils ne feraient pas appel de cette nouvelle cotisation». Toutefois, il a conclu qu'il n'y avait pas eu entente à la réunion du 6 février quant à la question de savoir s'il y avait lieu de produire des renonciations, et ce, même si la preuve fournie par M. Nichols au sujet de l'entente n'avait pas été contredite.

[21]Le juge de première instance s'est ensuite demandé si les appelants avaient fourni une renonciation valable. Ce faisant, il devait examiner les dispositions du sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit ce qui suit:

152. [. . .]

(4) Le Ministre peut, à une date quelconque, fixer des impôts, intérêts ou pénalités en vertu de la présente Partie, ou donner avis par écrit, à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition, qu'aucun impôt n'est payable pour l'année d'imposition, et peut,

a) à une date quelconque, si le contribuable ou la personne produisant la déclaration

[. . .]

(ii) a adressé au Ministre une renonciation, en la forme prescrite, dans un délai de 3 ans à compter du jour de l'expédition par la poste d'un avis de première cotisation ou d'une notification portant qu'aucun impôt n'est payable pour une année d'imposition,

[. . .]

procéder à de nouvelles cotisations ou en établir de supplémentaires, ou fixer des impôts, intérêts ou pénalités en vertu de la présente Partie, selon que les circonstances l'exigent, sauf qu'une nouvelle cotisation, une cotisation supplémentaire ou une cotisation peuvent être établies en vertu de l'alinéa b) plus de 3 ans après la date visée au sous-alinéa a)(ii) seulement si cette mesure peut être raisonnablement considérée comme se rapportant à la cotisation ou à la nouvelle cotisation visée à cet alinéa.

[22]En examinant la question de la renonciation, le juge de première instance a exprimé l'avis selon lequel les renonciations pouvaient revêtir trois formes différentes: premièrement, une renonciation selon le formulaire prévu par la loi; deuxièmement, une renonciation implicite; troisièmement, une renonciation par interprétation. Voici ce qu'il a dit, aux paragraphes 38 et 39:

Selon moi, les lettres correspondent plus à une renonciation par interprétation qu'à une renonciation implicite. Elles ne respectent pas le formulaire prescrit et elles n'avaient pas pour objectif de servir de renonciation. Prises comme un tout, elles contiennent toutefois presque tous les renseignements nécessaires qu'on doit inscrire sur le formulaire prescrit.

Le défendeur admet qu'il n'insiste pas toujours sur une renonciation dans la forme prescrite et il a déclaré qu'il pouvait aussi accepter comme valables des formulaires comportant des modifications ou des documents autres que le formulaire prescrit, à condition qu'ils contiennent les renseignements nécessaires et qu'ils soient envoyés à Revenu Canada pour servir de renonciations. Toutefois, Revenu Canada n'est pas disposé à accepter comme renonciations des documents qui ne respectent pas la forme prescrite et qui n'ont pas été produits dans l'intention qu'ils servent à cette fin. Pour l'essentiel, si je reprends ce qu'on m'a dit dans mes propres termes, le défendeur peut accepter des renonciations implicites mais il n'acceptera pas de renonciations par interprétation.

[23]La Cour a ensuite statué que le ministre n'était pas autorisé à établir de nouvelles cotisations à l'égard de déclarations de revenu prescrites à moins qu'une renonciation n'ait été déposée en temps opportun, et que Revenu Canada n'était pas tenu de considérer comme une renonciation les lettres envoyées par M. Nichols, même si elles contenaient «presque toute l'information requise pour constituer une renonciation». La demande a donc été rejetée.

ANALYSE

[24]À mon avis, le juge de première instance a commis une erreur en cherchant à établir trois types différents de renonciations--les renonciations selon le formulaire prescrit par la Loi de l'impôt sur le revenu, les renonciations implicites et les renonciations par interprétation. La loi fait uniquement mention d'une «renonciation, selon le formulaire prescrit».

[25]Il s'agit donc uniquement de déterminer si les appelants ont fourni une renonciation efficace.

[26]En introduisant la notion de renonciation par interprétation et en omettant de mettre l'accent sur la question de savoir si la lettre du 4 mai 1987 renfermait une renonciation valable, le juge de première instance a tenu compte de questions étrangères qui ont donné lieu à une erreur de droit. La Cour d'appel peut donc réexaminer les faits et tirer ses propres conclusions à partir de ces faits.

[27]Dans l'arrêt Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd. (2002), 211 D.L.R. (4th) 696 (C.A.F.), M. le juge Rothstein a suivi l'arrêt Housen c. Nikolaisen (2002), 211 D.L.R. (4th) 577 (C.S.C.), et a examiné, aux paragraphes 47 à 53, la norme de contrôle applicable aux erreurs mixtes de droit et de fait. Lorsqu'il est possible de dégager la question de droit de la question de fait dans le cas d'une question mixte de droit et de fait et de conclure qu'une erreur de droit a été commise, la norme de contrôle sera celle de la décision correcte. Une erreur touchant une question mixte de fait et de droit peut donc constituer une pure erreur de droit assujettie à la norme de la décision correcte. La formulation erronée du critère juridique approprié par le juge de première instance donne lieu à l'application de la norme de la décision correcte aux conclusions de fait qu'a tirées le juge de première instance: l'erreur a entaché ou vicié les conclusions factuelles tirées par le tribunal d'instance inférieure. Il n'est pas nécessaire de faire preuve d'une aussi grande retenue à l'égard d'une conclusion de fait viciée.

[28]De même, dans l'arrêt Witkin c. Canada, 2002 DTC 7044 (C.A.F.), le juge Rothstein, J.C.A., a suivi les remarques qui avaient été faites dans l'arrêt Housen au sujet de la norme de contrôle. Dans l'affaire Witkin, un appel avait été interjeté contre les nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national; cet arrêt est donc directement pertinent. Au paragraphe 10, le juge Rothstein a dit que la conclusion relative à la question de savoir si les faits correspondent à un critère juridique est une conclusion mixte de fait et de droit. Lorsqu'une erreur de droit se dégage d'une conclusion mixte de fait et de droit, la Cour d'appel doit arriver à sa propre conclusion au sujet de l'application du critère juridique pertinent.

[29]En l'espèce, la décision que le juge de première instance a rendue au sujet de la question de savoir s'il avait été établi qu'une renonciation avait été fournie constituait une question mixte de droit et de fait. En cherchant à définir les trois types de renonciations, le juge a formulé d'une façon erronée le critère juridique qui s'applique à la renonciation. Une erreur de droit claire peut donc se dégager de la question mixte de fait et de droit, et la Cour peut arriver à ses propres conclusions de fait au sujet de la question de savoir s'il a été établi d'une façon suffisante qu'il y avait eu renonciation.

[30]Devant le juge de première instance et devant la présente Cour, l'intimée a concédé qu'elle accepte en tant que renonciations valables les formulaires prescrits comportant des modifications et les documents autres que le formulaire prescrit, s'ils contiennent les renseignements nécessaires. Il semble qu'au moment pertinent, la chose ait été permise en raison de l'article 32 de la Loi d'interprétation [L.R.C. (1985), ch. I-21].

[31]L'article 32 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, est ainsi libellé:

32. L'emploi de formulaires, modèles ou imprimés se présentant différemment de la présentation prescrite n'a pas pour effet de les invalider, à condition que les différences ne portent pas sur le fond ni ne visent à induire en erreur.

[32]Dans son analyse des renonciations par interprétation et des renonciations implicites, le juge de première instance a conclu que les lettres n'avaient pas pour objectif de servir de renonciation, et ce, même si elles contenaient presque tous les renseignements nécessaires qu'on doit inscrire sur le formulaire prescrit. L'erreur que le juge de première instance a commise en s'attachant à définir différents types de renonciations et en se demandant si, prises comme un tout, les lettres «avaient pour objectif» de servir de renonciation l'a amené à ne pas accorder d'importance à cet égard au paragraphe ci-après énoncé figurant dans la lettre du 4 mai 1987 que M. Nichols a envoyée à Revenu Canada:

[traduction] Au nom de chacun des contribuables, nous confirmons qu'ils n'ont pas d'objection à toute nouvelle cotisation, qu'elle soit faite avant ou après le délai prescrit dans la loi, afin de permettre qu'on puisse déclarer que les «intérêts de pénalisation» ne sont pas imposables. Si cela ne suffit pas, vous pouvez peut-être me faire savoir si oui ou non il y a lieu de produire des renonciations.

Plus précisément, le juge de première instance ne s'est pas demandé si ce paragraphe en soi constituait une renonciation.

[33]Il ressort clairement de la lecture de ce paragraphe que M. Nichols voulait que cette déclaration constitue une renonciation. La dernière phrase indique simplement que M. Nichols était prêt, sur demande, à signer une renonciation, selon le formulaire prescrit par la loi. Or, cela ne change rien au fait que la phrase précédente montre clairement que M. Nichols avait l'intention de renoncer au délai de prescription, de façon qu'une nouvelle cotisation puisse être établie [traduction] «qu'elle soit faite avant ou après le délai prescrit dans la loi». Le juge de première instance n'a pas accordé d'importance à ce paragraphe particulier en concluant qu'«elles [les lettres] n'avaient pas pour objectif de servir de renonciation». À mon avis, le juge de première instance a commis une erreur en omettant de tenir expressément compte de ce paragraphe lorsqu'elle s'est demandé si une renonciation avait été fournie. L'existence de cette intention était tout à fait claire et il est également clair que ce paragraphe contient tous les renseignements exigés par la Loi de l'impôt sur le revenu pour constituer une renonciation valable. L'intimée concède que cette lettre renfermait tous les renseignements exigés pour une renonciation «selon le formulaire prescrit».

[34]Revenu Canada a en outre concédé que par le passé il avait l'habitude d'accepter en tant que renonciations valables les formulaires prescrits comportant des modifications et les documents autres que le formulaire prescrit. En outre, il est clair que Revenu Canada a pris la position selon laquelle une renonciation valable peut être déposée même si elle contient peut-être des renseignements cruciaux erronés. À cet égard, je mentionnerai les décisions suivantes.

[35]Premièrement, dans la décision Gestion B. Dufresne Ltée c. Canada, [1998] 4 C.T.C. 2551 (C.C.I.), qui se rapportait au traitement d'un dividende réputé à titre de gain en capital, Dufresne Ltée avait déposé une renonciation à l'égard du délai normal d'établissement d'une nouvelle cotisation, mais avait indiqué la mauvaise année. En effet, elle avait mentionné l'année d'imposition 1990 au lieu de l'année d'imposition 1991, qui était l'année pertinente. Dufresne Ltée avait donc soutenu que la renonciation n'était pas valide. La Cour a statué que la demanderesse n'avait pas présenté d'éléments de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle la renonciation n'était pas destinée à s'appliquer à l'année d'imposition 1991, étant donné qu'elle avait été signée en 1994 et ne pouvait pas s'appliquer à l'année 1990 parce que le délai de prescription était déjà expiré. La Cour estimait donc qu'il s'agissait d'une erreur d'inattention. Même si la renonciation contenait des renseignements inexacts, le ministre était donc prêt à soutenir qu'elle était valable. Or, dans le cas qui nous occupe, tous les renseignements corrects nécessaires étaient inclus dans les lettres, mais le ministre a néanmoins refusé d'accepter les lettres en tant que renonciations valables.

[36]Deuxièmement, la décision Placements T.S. Inc. c. Canada, [1994] 1 C.T.C. 2464 (C.C.I.), se rapportait aux règles d'attribution prévues au paragraphe 56(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, telles qu'elles s'appliquaient à l'achat de biens. L'appelante avait signé une renonciation; or, il y avait incohérence entre le contenu de la renonciation et la question soulevée en appel. La renonciation visait le terrain et la cotisation portée en appel visait la bâtisse. La renonciation renfermait donc une erreur de fond. Toutefois, la Cour a statué que la cotisation n'avait pas pris le contribuable par surprise et que la nouvelle cotisation se rapportait raisonnablement à la question pour laquelle la renonciation avait été remise.

[37]Troisièmement, dans la décision Solberg (S.J.) c. Canada, [1992] 2 C.T.C. 208 (C.F. 1re inst.), le contribuable avait signé une renonciation à l'égard du délai de quatre ans applicable à l'établissement d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1979 conformément au sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais il s'était par la suite opposé à la nouvelle cotisation parce que la renonciation s'appliquait uniquement à l'impôt prévu à la partie III de la Loi, alors que la nouvelle cotisation concernait la partie I. Dans la décision Solberg, la Section de première instance de la Cour fédérale a statué que la mention de la partie III, dans la renonciation, avait été insérée par erreur, mais qu'il s'agissait uniquement d'une erreur de forme qui n'influait pas sur le fond de la renonciation. L'approche qu'il convient d'adopter à l'égard de l'interprétation de la renonciation consiste à chercher à déterminer l'intention des parties telle qu'elle est exprimée dans ce document ainsi que par les circonstances pertinentes pour lesquelles il existe des éléments de preuve. La Cour a conclu que la renonciation n'était pas nulle par suite de l'erreur parce que les circonstances de l'affaire et le texte de la renonciation dans son ensemble montraient que les deux parties savaient quelle était la question en litige. L'approche adoptée par la Cour dans la décision Solberg devrait s'appliquer dans le cas qui nous occupe.

[38]Dans chacune des trois décisions susmentionnées, Revenu Canada a donc cherché à soutenir que les renonciations étaient valables, même si les renseignements y figurant étaient erronés. Dans chaque cas, les renonciations ont néanmoins été jugées valables. Toutefois, ces cas montrent que Revenu Canada était prêt, lorsque la chose lui était avantageuse, à se fonder sur des renonciations qui ne contenaient pas les éléments ou renseignements nécessaires. En l'espèce, les éléments nécessaires se trouvaient dans les renonciations contestées--en fait, le ministre a admis que les lettres renfermaient tout ce qui est fondamentalement nécessaire pour constituer une renonciation conformément au sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Or, même si les lettres étaient fondamentalement suffisantes, Revenu Canada a refusé de les accepter. Or, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures.

[39]Le juge de première instance [au paragraphe 40] a également commis une erreur en concluant que Revenu Canada n'était pas tenu de considérer les lettres comme des renonciations, celles-ci ayant été envoyées avant que Mme Mateyko demande des renonciations:

Selon moi, cette approche est raisonnable. Comme Revenu Canada avait informé M. Nichols qu'il devait produire les renonciations et que, par ailleurs, il n'a reçu aucune renonciation ou documents devant en tenir lieu à titre de renonciations implicites, je ne crois pas qu'il était tenu d'accepter comme renonciations des documents envoyés avant que Mme Mateyko demande les renonciations et qui n'ont été décrits comme tels qu'après que le délai pour présenter des renonciations eut été expiré.

[40]Il me semble que Revenu Canada est obligé de considérer tout document comme une renonciation, à condition qu'il contienne les renseignements nécessaires. Revenu Canada n'a pas le choix lorsqu'il s'agit d'accepter ou de refuser une renonciation. Une renonciation est un privilège reconnu au contribuable et, si elle est envoyée, Revenu Canada ne peut pas omettre d'en tenir compte.

[41]La Couronne a soutenu avec véhémence que la décision Canadian Marconi Co. c. Canada, [1992] 1 C.F. 655 (C.A.), autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée, [1992] 2 R.C.S. vi, régit l'affaire ici en cause. Toutefois, il est facile de faire une distinction à l'égard de l'affaire Marconi. En effet, le contribuable avait allégué que les intérêts touchés sur des valeurs à court terme constituaient un revenu tiré d'une entreprise exploitée activement et qu'ils étaient admissibles au taux d'imposition privilégié applicable aux bénéfices de fabrication et de transformation au Canada. Le ministre estimait que les intérêts constituaient un revenu tiré d'un bien. Pour les années d'imposition 1973 à 1976, le contribuable avait finalement eu gain de cause dans l'appel interjeté devant la Cour suprême du Canada en 1989, mais pendant les années où l'affaire était en appel, le contribuable n'avait pas déposé, à l'égard de la même question, d'avis d'opposition pour les années d'imposition 1977 à 1981. Le ministre a affirmé que ces années étaient prescrites et qu'étant donné que le contribuable n'avait pas déposé de renonciations pendant la période pertinente, il n'était pas autorisé à établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations produites par le contribuable pour ces années même si ce dernier avait eu gain de cause en ce qui concerne le traitement du revenu pour les années antérieures. En appel devant la présente Cour, le ministre a eu gain de cause lorsqu'il s'est agi d'établir que, lorsque le contribuable n'a pas signé une renonciation en temps opportun, il n'est pas autorisé à établir de nouvelles cotisations à l'égard des déclarations de revenu prescrites.

[42]Dans l'affaire Marconi, le contribuable n'avait pas déposé d'avis d'opposition et n'avait pas déposé de renonciations dans le délai imparti de quatre ans. En l'espèce, les appelants n'ont pas non plus déposé d'avis d'opposition, mais ils ont déposé des lettres indiquant leur intention de permettre l'établissement de nouvelles cotisations et de renoncer au délai de prescription. De plus, dans l'affaire Marconi, contrairement au cas qui nous occupe, Revenu Canada n'avait pas convenu d'établir une nouvelle cotisation. En l'espèce, il a été convenu d'établir une nouvelle cotisation une fois réglé le cas type et des lettres confirmant cette intention de renoncer au délai de prescription ont été envoyées. La décision Marconi n'aide donc pas réellement la Couronne dans son argumentation.

[43]Enfin, la Couronne n'a pas réussi à démontrer que les actions des appelants lui avaient causé un préjudice. Revenu Canada a été avisé dès le début de tous les faits pertinents nécessaires lorsqu'il a convenu d'établir de nouvelles cotisations compte tenu du cas type. Les lettres de M. Nichols contiennent tous les renseignements auxquels Revenu Canada avait droit au moyen d'une renonciation. En invoquant cette formalité, la Couronne cherche simplement à éviter les conditions d'une entente qu'elle admet maintenant avoir conclue.

[44]Les appelants ont en outre soutenu que, puisque Revenu Canada s'était engagé à établir de nouvelles cotisations conformément au résultat du cas type et puisqu'ils avaient également convenu de l'établissement de pareilles nouvelles cotisations, l'entente reconnaissait implicitement qu'il y avait eu renonciation.

[45]Les parties savaient qu'il était fort possible, et de fait probable, que la question à débattre prenne considérablement de temps et puisse même être portée en appel. À cet égard, je mentionnerai la lettre du 17 novembre 1986 que M. Nichols a envoyée au ministère de la Justice et dans laquelle il est dit ce qui suit:

[traduction] Nous joignons une copie de la décision Fisher, qui confirme la position du Ministère sur la question des intérêts de pénalisation. Cette décision n'a pas été portée en appel. À notre avis, elle est erronée. Vous pouvez donc constater que nous saisirons probablement la Cour d'appel fédérale de la présente affaire, de façon à éclaircir la question (ou de façon à nous éclairer).

[46]Il me semble fort discutable que l'existence d'une renonciation eût implicitement été reconnue dans l'entente. Il est difficile de croire que Revenu Canada se soit engagé à établir de nouvelles cotisations uniquement si le cas type était mené à bonne fin dans le délai prescrit. La seule conclusion raisonnable est que l'entente en soi rendait inutile le dépôt d'une renonciation formelle.

[47]Toutefois, puisque j'ai déjà conclu que la lettre de M. Nichols renfermait de fait une renonciation, il n'est pas nécessaire de tirer une conclusion sur ce point.

[48]L'appel sera donc rejeté, les dépens en appel et en première instance étant adjugés à l'extrémité supérieure de la colonne V du tarif B [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106].

[49]Le jugement de première instance devrait être infirmé et il devrait être ordonné au ministre d'établir de nouvelles cotisations à l'égard des appelants conformément à la décision rendue dans l'affaire Bellingham c. Canada [[1996] 1 C.F. 613 (C.A.)].

Le juge Desjardins, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Sharlow, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

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