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IMM-1335-02

2003 CFPI 246

Olena Nikolayeva (demanderesse)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

Répertorié: Nikolayeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson--Calgary, 13 février; Ottawa, 26 février 2003.

Citoyenneté et Immigration -- Statut au Canada -- Réfugiés au sens de la Convention -- Contrôle judiciaire de la décision de l'agent de révision des revendications refusées (ARRR) selon laquelle la demanderesse ne tombe pas dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC )-- Native d'Ukraine, la demanderesse a fait l'objet de mesures d'extorsion, a été violée et a connu d'autres difficultés lorsqu'elle a tenté de mettre fin à son implication dans la contrebande de vêtements -- La police a déclaré être incapable de retracer les suspects parce qu'ils n'avaient pas d'adresse dans la région d'Odessa -- La demanderesse a obtenu un permis de résidence temporaire en Lettonie -- Même pendant qu'elle était là-bas, on la recherchait -- Elle s'est enfuie au Canada -- Une fois ici, des incidents malheureux ont néanmoins continué de frapper des membres de sa famille et son ex-mari dans son ancien pays -- La SSR a conclu que la demanderesse était généralement crédible et souffrait du syndrome de stress post-traumatique -- Les actes de persécution ne cadraient pas avec les motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention -- Les documents traitant de la violence faite aux femmes en Ukraine ne pouvaient pas à eux seuls prouver l'existence d'un risque pour la demanderesse -- La corruption qui sévit au sein de la police a été admise, mais la demanderesse n'a pas établi de lien entre cette corruption et le crime organisé -- La décision contestée ne revêtait qu'un caractère théorique parce que la catégorie DNRSRC avait été supprimée dans la loi, mais la Cour a entendu la demande parce que c'était justifié par les circonstances -- La décision porte grandement préjudice à la demanderesse car elle est inscrite à son dossier d'immigration -- La SSR a eu l'avantage d'entendre les témoignages, avantage dont n'a pas bénéficié l'ARRR -- Ce dernier a minimisé la portée des éléments de preuve, dont ceux portant sur la situation dans le pays, qui jouaient en faveur de la demanderesse -- Il a étrangement conclu que la décision de la police de ne pas poursuivre l'enquête parce que le violeur ne résidait pas dans la ville était une réaction acceptable -- Il a imposé un fardeau impossible à la demanderesse -- L'ARRR a oublié que le processus DNRSRC est un «filet de sécurité» lorsque la peur, engendrée par la persécution, n'est pas un motif pour se mettre sous la protection de la Convention -- La demande a été accueillie mais n'a pas été soumise à un autre examen parce que la catégorie DNRSRC a été abolie -- Commentaires incidents sur l'évaluation du risque avant le renvoi, l'interprétation de l'art. 113 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les conséquences de son application à la lettre.

Pratique -- Caractère théorique -- Demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent de révision des revendications refusées selon laquelle la demanderesse ne tombe pas dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC) -- La catégorie DNRSRC a été éliminée lorsque la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est entrée en vigueur -- Il s'agit de déterminer si la décision contestée a un caractère théorique -- Application de l'analyse en deux temps du juge Sopinka dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général) -- Aucun litige actuel du fait que qu'il n'est plus pertinent d'établir si la demanderesse entre ou non dans la catégorie DNRSRC -- Toutefois, selon le deuxième élément de l'analyse, les circonstances justifient l'examen de la demande nonobstant le caractère théorique -- La décision contestée porte gravement préjudice à la demanderesse parce qu'elle figure maintenant dans son dossier d'immigration.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent de révision des revendications refusées (ARRR) selon laquelle la demanderesse ne tombe pas dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC), conformément à la définition contenue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978.

Née à Odessa, en Ukraine, la demanderesse a commencé à travailler pour Aeroflot en 1974; toutefois, en 1990, elle a fondé une petite entreprise qui achetait en Roumanie, en Pologne et en Turquie des vêtements qu'elle mettait en vente sur le marché d'Odessa. En 1995, un marchand au détail lui a offert de contribuer financièrement à son entreprise à condition qu'elle accepte de vendre les articles qu'il lui fournirait. La demanderesse prendrait livraison des articles en Turquie. Après un certain temps, la demanderesse s'est mise à soupçonner qu'elle aidait à faire entrer des articles en contrebande et elle a cherché à couper ses liens avec son partenaire, mais elle a fait l'objet de mesures d'extorsion. Après qu'elle eut menacé de déclarer la situation à la police, des hommes qui travaillaient pour son partenaire se sont présentés à son domicile, ont agressé son frère et l'ont agressée sexuellement. Bien qu'elle ait déclaré son agression à la police, la demanderesse n'a pas parlé de la contrebande. La police l'a informée de son incapacité de retracer les suspects. Le kiosque de la demanderesse a été incendié. La demanderesse a vendu sa maison, s'est mariée et a déménagé dans une autre ville. Avant de quitter Odessa, le conjoint de la demanderesse a été menacé par des individus qui la recherchait. Lors de l'une de leurs visites, ils l'ont battu et ont exigé le remboursement de sommes d'argent que la demanderesse leur aurait prétendument empruntées. La demanderesse a décidé de quitter l'Ukraine, mais son mari a refusé et ils ont donc divorcé. La demanderesse a obtenu un permis de résidence temporaire en Lettonie où elle a appris que son mari était emprisonné sous de «fausses accusations» portées contre lui afin de connaître l'endroit où elle se trouvait. La goutte qui a fait déborder le vase a été la visite que son fils a reçue de personnes qui étaient à sa recherche. La demanderesse a décidé de partir au Canada. Même après son arrivée ici, le domicile de son fils sa été placé sous surveillance, son ex-mari a été contraint de déménager et son frère a été trouvé pendu dans un cimetière.

La demanderesse a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention mais, même si elle a estimé que la demanderesse était généralement crédible et souffrait du syndrome de stress post-traumatique, la SSR a conclu qu'il n'y avait aucun lien entre les actes de persécution et l'un des motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. L'ARRR a noté avoir obtenu des renseignements sur la violence faite aux femmes en Ukraine, mais a conclu que ces renseignements d'ordre général ne pouvaient pas à eux seuls prouver l'existence d'un risque pour la défenderesse. Il a même noté la documentation sur le sérieux problème que constitue la corruption qui sévit au sein de la police en Ukraine. Selon lui, la demanderesse n'a présenté aucune preuve convaincante de l'existence d'un lien entre le crime organisé et la corruption qui sévit au sein de la police.

Jugement: la demande est accueillie.

La première question qui se posait était de savoir si la décision faisant l'objet d'un examen ne revêtait qu'un caractère théorique en raison de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et de l'élimination de la catégorie DNRSRC. Le ministre était d'avis qu'il n'existait aucun litige actuel étant donné qu'il n'était plus pertinent d'établir si la demanderesse entrait ou non dans la catégorie DNRSRC. Il convient de souligner que le ministre a considéré que la demanderesse avait droit à une «évaluation des risques avant le renvoi» (ERAR), ce qui lui permettrait de démontrer qu'elle est une personne ayant besoin de protection. Même si la Cour était disposée à accepter la présentation à cet égard, la question ne s'arrêtait pas là étant donné qu'en vertu du deuxième élément de l'analyse en deux temps du caractère théorique décrite par le juge Sopinka dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), il restait à déterminer si, nonobstant le caractère théorique, les circonstances en cause justifiaient l'exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire pour entendre la demande. Selon les termes mêmes du juge Rothstein dans Ramoutar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), la décision dont on demande l'examen en est une qui porte «grandement préjudice à la demanderesse» et est maintenant inscrite à son dossier d'immigration. Elle pourrait influencer le jugement de l'agent qui entreprend un profil de projet et évaluation des risques (PPER) concernant la demanderesse.

Il est important de noter que, lorsqu'elle a examiné la demande de statut de réfugié de la demanderesse, la SSR a bénéficié d'un avantage, celui d'entendre le témoignage oral de la demanderesse et du psychologue; l'ARRR n'a pas bénéficié de cet avantage. L'ARRR a minimisé la valeur accordée à la documentation favorable à la demanderesse et a refusé de tenir compte du témoignage du psychologue dans le contexte de tous les autres éléments de preuve qui ont été présentés. De plus, il a choisi de minimiser la portée des éléments de preuve documentaire concernant la situation dans le pays. Il était étrange qu'il ait jugé comme une réaction acceptable le refus de la police d'Odessa de poursuivre l'enquête du fait que le violeur ne résidait pas dans la région d'Odessa. L'ARRR n'a accordé aucune valeur probante aux lettres du fils de la demanderesse mais n'a fourni aucune explication motivant cette décision. L'ARRR a outrepassé sa compétence en contredisant carrément les conclusions auxquelles était arrivée la SSR après avoir entendu le témoignage oral et en plaçant sur la demanderesse un fardeau de preuve excédant de beaucoup ce qu'elle était raisonnablement capable de produire. Les propos du juge Tremblay-Lamer dans Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) s'appliquaient aux faits de l'espèce: «Il se peut que la crainte du demandeur déborde la portée de la Convention et que son renvoi au Bangladesh l'expose bel et bien au risque que sa vie soit menacée». L'ARRR a oublié que le processus DNRSRC est un «filet de sécurité» dans les cas où la peur n'est pas un motif pour se mettre sous la protection de la Convention mais n'en est pas moins engendrée par la persécution. L'ARRR n'a toutefois pas manqué à l'obligation d'équité parce qu'il n'a pas fait part des conclusions de son analyse avant de la terminer et qu'il n'a pas donné l'occasion à la demanderesse d'y répondre. Par conséquent, bien que la demande de contrôle judiciaire soit reçue, la demande ne peut pas être soumise à un autre examen puisqu'il n'existe plus de dispositions légales permettant de déterminer si la demanderesse satisfait ou non aux critères de la catégorie DNRSRC. Aucune question n'a été certifiée.

En vertu de l'article 113 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'agent effectuant l'évaluation du risque avant le renvoi devra fonder sa décision uniquement sur les nouveaux renseignements obtenus après le rejet de la revendication du statut de réfugié de la demanderesse ou sur des éléments de preuve qui n'étaient pas raisonnablement accessibles au moment où la revendication du statut de réfugié a été examinée. Même si ce n'était pas le rôle de la Cour de conseiller au ministre d'ignorer cette disposition, il convient de souligner que si cette disposition est appliquée à la lettre, la demanderesse n'aura en fait reçu aucune décision utile quant à son besoin de protection lié à un retour en Ukraine.

lois et règlements

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 113a).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) «demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada» (édicté par DORS/93-44, art. 1; 97-182, art. 1).

jurisprudence

décision suivie:

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110.

décisions appliquées:

Ramoutar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 370; (1993), 65 F.T.R. 32; 21 Imm. L.R. (2d) 203 (1re inst.); Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 1 C.F. 483; (2000), 189 F.T.R. 118; 8 Imm. L.R. (3d) 49 (1re inst.); Mia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1150; [2001] A.C.F. no 1584 (1re inst.) (QL).

décision citée:

Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1150; [2001] A.C.F. no 1207 (1re inst.) (QL).

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent de révision des revendications refusées selon laquelle la demanderesse ne tombe pas dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Demande accueillie.

ont comparu:

Rishma N. Shariff pour la demanderesse.

Kerry A. Franklin pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Caron & Partners, LLP, Calgary, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Gibson:

INTRODUCTION

[1]La demanderesse demande un contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent de révision des revendications refusées (ARRR) selon laquelle elle ne tombe pas dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (catégorie DNRSRC), conformément à la définition de l'expression au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 19781. La décision qui fait l'objet d'un contrôle est datée du 1er mars 2002.

CONTEXTE

[2]La demanderesse est née à Odessa, en Ukraine, au moment où ce pays faisait partie de l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). Depuis le démantèlement de l'URSS, la demanderesse est citoyenne de l'Ukraine.

[3]La demanderesse a donné le récit de sa fuite au Canada.

[4]À partir de 1974, la demanderesse occupait un emploi avec Aeroflot. En 1990, tout en travaillant pour Aeroflot, la demanderesse a fondé sa propre petite entreprise. Elle achetait des vêtements et des chaussures en Roumanie, en Pologne et en Turquie qu'elle mettait en vente sur le marché d'Odessa dans un kiosque loué. À la fin de 1995, la demanderesse a rencontré une personne qui disait occuper un poste supérieur dans un magasin de détail d'Odessa. Cette personne offrit de contribuer financièrement à l'entreprise de la demanderesse à condition que celle-ci vende des articles que cette personne lui fournirait. On avait convenu que la demanderesse prendrait livraison des articles en Turquie et qu'elle les mettrait en vente dans son kiosque avec ses propres articles. La demanderesse a accepté cette entente. Après plusieurs voyages en Turquie, à la suite desquels elle a ramené avec ses propres achats des articles fournis par son partenaire, elle s'est mise à soupçonner qu'elle aidait en fait son partenaire à faire entrer des articles en contrebande en Ukraine.

[5]La demanderesse a alors cherché à couper ses liens avec son partenaire, mais ce dernier l'a menacée de représailles économiques. La demanderesse n'a pas déclaré sa situation à la police du fait qu'elle croyait avoir participé à un réseau d'escrocs qui pourraient l'agresser ou la tuer si elle parlait.

[6]Après avoir fait l'objet de mesures d'extorsion, la demanderesse a finalement informé son partenaire, directement ou par l'entremise de ses représentants, qu'elle déclarerait à la police qu'elle était victime d'extorsion et qu'elle le soupçonnait de faire partie d'un réseau de contrebande. Le jour suivant, deux jeunes hommes se sont présentés au domicile de la demanderesse. La demanderesse a reconnu l'un deux qui était à l'emploi de son partenaire. Ils lui ont demandé de continuer à faire affaire avec son partenaire. Elle a refusé. Ils ont alors agressé le frère de la demanderesse et abusé physiquement et sexuellement d'elle. La demanderesse s'est évanouie. Lorsqu'elle a repris conscience, les hommes avaient quitté son domicile. Elle s'est alors enfui et a trouvé refuge au domicile d'un ami aux abords d'Odessa. Elle s'est présentée à l'hôpital, où un examen médical a confirmé qu'elle avait été agressée sexuellement. Elle est demeurée un mois au domicile de son ami.

[7]La demanderesse a déclaré son agression à la police. Elle a donné une description de ses assaillants et donné le nom de l'un d'eux. Elle n'a dit mot de ses soupçons au sujet du réseau de contrebande de peur de représailles de son partenaire et de ses associés. Pendant son séjour chez son ami, son kiosque au marché d'Odessa a été incendié et toute sa marchandise a été détruite.

[8]Un mois après qu'elle a rapporté l'incident, la police l'a informée que la personne qu'elle avait identifiée comme l'un de ses assaillants n'avait pas d'adresse à Odessa ou dans la région d'Odessa. La police ne pouvait donc pas retracer ses assaillants.

[9]Pour échapper à son ancien partenaire et à ses associés, la demanderesse a vendu sa maison, marié son ami, changé son nom de famille et déménagé à Krementchoug, une autre ville d'Ukraine. Après son mariage, la demanderesse est partie pour Krementchoug en quête d'un emploi et d'une maison, alors que son conjoint est demeuré à Odessa. Le frère de la demanderesse a aussi quitté Odessa après avoir été à nouveau agressé, cette fois par des individus à la recherche de la demanderesse.

[10]À Odessa, le conjoint de la demanderesse a été menacé par des individus à la recherche de la demanderesse. Lors de leur dernière visite, ils l'ont battu et lui ont demandé de vendre sa maison pour rembourser les sommes d'argent que la demanderesse leur avait prétendument empruntées.

[11]La demanderesse a décidé alors de quitter l'Ukraine. Son conjoint a refusé et a demandé le divorce. Le divorce a été prononcé le 24 septembre 1997.

[12]La demanderesse s'est réfugiée au domicile de son fils, en Lettonie, où elle a obtenu un permis de résidence temporaire. Elle a découvert que son ex-mari était emprisonné sous ce qu'elle considérait être de «fausses accusations». On l'a informé que la véritable raison de l'emprisonnement de son ex-mari était de connaître l'endroit où elle se trouvait. Craignant à nouveau pour sa sécurité, elle a quitté le domicile de son fils et s'est réfugiée dans la résidence d'été des beaux-parents de son fils.

[13]Lors de son séjour à la résidence d'été, son fils a reçu la visite de personnes à la recherche de la demanderesse. Informée de cet incident, la demanderesse a quitté la Lettonie pour le Canada.

[14]Après son arrivée au Canada, on a informé la demanderesse que son fils avait été visité et que son domicile avait été placé sous surveillance. L'ex-mari de la demanderesse a été contraint de déménager.

[15]En décembre 1999, la demanderesse a appris que son frère avait été trouvé pendu dans un cimetière d'Odessa.

[16]La demanderesse revendique le statut de réfugié au Canada au sens de la Convention.

DÉCISION SUR LA REVENDICATION DE LA DEMANDERESSE DU STATUT DE RÉFUGIÉ

[17]La section du statut de réfugié (SSR), de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a établi que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention. Dans sa décision, la SSR déclare:

[traduction]

En matière de crédibilité, le comité est d'avis que la demanderesse est généralement crédible. Son témoignage est raisonnablement cohérent et explicite. Dans son rapport et lors de son témoignage, le Dr Marc Nesca a déclaré qu'il est d'avis que la demanderesse a vécu un incident traumatisant qui a engendré le syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Lors de son témoignage, le Dr Nesca a déclaré qu'il a interviewé la demanderesse pendant deux heures, qu'il la considère crédible et que ses symptômes sont liés à son comportement. Le comité accepte le diagnostic selon lequel elle souffre de SSPT engendré par un incident traumatisant comme le viol dont elle a été victime.

Le comité accorde aussi foi à la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle a été menacée par les individus avec qui elle faisait affaire et que les sévices qu'elle a subis constituent des actes de persécution.

Toutefois, le comité est d'avis que les actes de persécution qu'elle a subis de la part de M. Bulackh, son partenaire, et de ses «représentants», ne cadrent pas avec la définition des motifs d'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention2.

[18]En résumé, la SRR a établi que la demanderesse était crédible, que le rapport psychologique présenté en son nom, appuyé par le témoignage de l'auteur du rapport, était persuasif, et elle a admis le diagnostic de l'auteur selon lequel la demanderesse souffre de stress post-traumatique et que sa condition était probablement due à un incident traumatisant comme le viol dont elle avait été victime. La SRR a admis que la demanderesse avait été menacée par des personnes avec qui elle faisait affaire et qu'elle avait été persécutée. La SRR a établi que la demanderesse n'est pas un réfugié au sens de la Convention du fait que les actes de persécution dont elle a fait l'objet n'ont aucun lien avec un motif cité dans la Convention.

LA DÉCISION SOUS CONTRÔLE JUDICIAIRE

[19]Dans son analyse de risque/décision3, l'ARRR a noté avoir obtenu des renseignements sur la violence faite aux femmes en Ukraine. L'ARRR a conclu que ces renseignements d'ordre général ne peuvent pas à eux seuls prouver l'existence d'un risque pour la défenderesse. [Le soulignement est de nous.]

[20]L'ARRR a noté que les documents présentés montrent que la violence faite aux femmes est omniprésente en Ukraine. L'ARRR a noté que la même documentation fait état que la corruption qui sévit au sein de la police en Ukraine est un sérieux problème.

[21]L'ARRR écrit:

[traduction] Lorsque je constate l'omniprésence du crime organisé en Ukraine et de la corruption qui sévit au sein de la police dans ce pays, la demanderesse n'a présenté aucune preuve convaincante que ces deux éléments s'appliquent à son cas. [C'est nous qui soulignons.]

Je fais remarquer en passant la distinction entre cette conclusion et celle de la SRR. L'ARRR semble considérer comme convainquant le fait que la police d'Odessa n'ait pu poursuivre l'enquête sur la plainte de la demanderesse parce que le violeur ne résidait pas à Odessa.

[traduction] [. . .] Je ne peux établir de lien de causalité entre le fait que la police n'ait pu poursuivre son enquête et la corruption qui règne au sein de la police l'associant au milieu criminel en Ukraine.

[22]L'ARRR note que l'on dispose de peu de renseignements sur la protection qu'offre le gouvernement de l'Ukraine aux personnes menacées par le crime organisé. L'ARRR conclut que la demanderesse n'a pas fourni de preuves factuelles suffisantes pour prouver que cette réalité s'applique dans son cas.

[23]L'ARRR ajoute:

[traduction]

Aucune preuve indépendante n'a été présentée liant ces incidents irrévocablement, [soit les menaces contre son conjoint, les inconnus visitant le domicile de son fils en Lettonie et les renseignements d'un tiers donnés à l'ami de la demanderesse concernant l'emprisonnement de son conjoint], et dans l'ensemble, ces incidents ne constituent pas un risque objectivement identifiable pour la demanderesse.

[24]Pour ce qui est du rapport psychologique dont fait référence la SRR et les lettres du fils de la demanderesse, l'ARRR écrit:

[traduction]

J'ai tenu compte des lettres du fils de la demanderesse concernant les menaces et je ne peux leur accorder aucune valeur probante. De plus, j'ai lu le rapport psychologique du Dr Marc Nesca. J'ai noté que le comité était satisfait du diagnostic du médecin selon lequel la demanderesse souffre du syndrome de stress post-traumatique, mais ce renseignement par lui-même ne peut me convaincre que la demanderesse fera face à un risque objectivement identifiable à son retour en Ukraine. [C'est nous qui soulignons.]

[25]L'ARRR conclut:

[traduction]

Après avoir effectué une analyse approfondie des preuves et des circonstances présentées, je suis d'avis que la demanderesse n'a pu établir un lien entre sa situation et les conditions qui règnent dans son pays pour conclure que sa sécurité sera menacée si elle est renvoyée en Ukraine, conformément à la définition d'un DNRSRC. La demanderesse ne tombe pas dans la catégorie de DNRSRC.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[26]En ce qui a trait aux priorités, la première question que l'on m'a soumise était d'établir si la décision faisant l'objet d'un examen ne revêt qu'un caractère théorique en raison de l'entrée en vigueur, en juin 2002, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés4 et, de ce fait, de l'élimination de la catégorie DNRSRC.

[27]Si nous établissons que cette demande de contrôle judiciaire ne revêt pas un caractère théorique ou qu'il faille l'examiner quel qu'en soit le caractère théorique, la demanderesse a soulevé les questions suivantes: premièrement, il s'agit de déterminer si l'ARRR a erré en droit en ignorant la preuve forte et pertinente présentée et en n'expliquant pas pourquoi elle l'a été; deuxièmement, il s'agit de déterminer si l'ARRR a outrepassé sa compétence en réévaluant la revendication du statut de réfugié de la demanderesse, plutôt que d'établir si la demanderesse courait un risque objectivement identifiable si elle était renvoyée en Ukraine; troisièmement, si l'ARRR a manqué d'impartialité envers la demanderesse en ne lui fournissant pas d'exemplaire de l'évaluation du risque avant que cette évaluation ne soit émise, privant ainsi la demanderesse de la possibilité de répondre à l'évaluation du risque.

ANALYSE

a) Le caractère théorique

[28]Dans l'affaire Borowski c. Canada (Procureur général)5, le juge Sopinka, de la Cour, écrit en page 353:

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot «théorique» (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est «théorique» si elle ne répond pas au critère du «litige actuel». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient.

[29]Dans l'affaire dont je suis ici saisi, l'avocat du défendeur a fait valoir qu'en raison de l'entrée en vigueur prochaine de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et de l'élimination de la catégorie DNRSRC, aucun «litige actuel» n'existe entre la demanderesse et le défendeur en ce qui a trait à la décision faisant l'objet d'un examen, du fait que d'établir si la demanderesse entre ou non dans la catégorie DNRSRC n'est plus pertinent. L'avocat du défendeur a aussi fait valoir que ce fait est renforcé par les éléments de preuve qui m'ont été soumis selon lesquels le défendeur convient que la demanderesse a droit à une évaluation des risques avant le renvoi (ERAR), en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ce qui lui permettrait de soumettre son cas en tant que personne ayant besoin de protection. J'accueille la présentation du défendeur à ce sujet, mais la question ne s'arrête pas là. J'aborde le deuxième élément que le juge Sopinka a décrit comme une «analyse en deux temps», c'est à dire la question de connaître si oui ou non les circonstances en cause justifient par eux-mêmes la demande de contrôle judiciaire, nonobstant le caractère théorique.

[30]Dans l'affaire Ramoutar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)6, le juge Rothstein écrit en page 377:

Dans la présente affaire, une décision qui porte gravement préjudice au requérant figure maintenant dans le dossier d'immigration de ce dernier. Cette décision pourrait avoir un effet négatif sur le requérant dans toute action qu'il pourrait vouloir intenter ultérieurement sous le régime des lois d'immigration du Canada.

[31]Le juge Rothstein poursuit en page 378:

Même si l'affaire était sans objet, j'exercerais le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré pour la trancher. La relation d'opposition entre les parties subsiste. La décision qui fait l'objet d'un appel, si elle est maintenue, aura des conséquences secondaires pour le requérant. Et nous n'avons pas affaire en l'espèce à un cas où l'on pourrait considérer d'une manière raisonnable qu'une décision de la présente Cour s'immisce dans les fonctions du pouvoir législatif du gouvernement.

[32]Bien que l'on puisse questionner l'existence de la «relation d'opposition» entre la demanderesse et le défendeur dans les circonstances présentes, je suis convaincu qu'elle ne s'applique pas ici. Je suis convaincu que la décision faisant l'objet d'un examen en est une qui porte «grandement préjudice à la demanderesse» et qu'elle est maintenant inscrite au dossier d'immigration de la demanderesse. Dans la mesure où la demande demeure soustraite à l'examen, il est très possible qu'elle puisse influencer le jugement d'un agent qui entreprend d'effectuer un profil de projet et évaluation des risques (PPER) concernant la demanderesse. Si la décision ne fait pas l'objet d'un examen et que, par conséquent, elle demeure inchangée, elle pourrait avoir des «conséquences secondaires [négatives] pour la demanderesse».

[33]En fin de compte, bien que je sois convaincu que la décision faisant l'objet d'un examen revêt un caractère théorique, j'en conclus que je doive malgré tout examiner cette demande de contrôle judiciaire.

[34]J'effectuerai une brève analyse des deux premières questions en litige soulevées par la demanderesse, questions que j'examinerai ensemble.

b) Ignorer la preuve forte et pertinente sans expliquer pourquoi elle l'a été

[35]Au préalable, j'ai donné certains détails sur l'analyse effectuée par l'ARRR. Il est important de noter que la SSR, lorsqu'elle a examiné la demande de statut de réfugié de la demanderesse, a bénéficié d'un avantage, celui d'entendre le témoignage oral de la demanderesse et, semble-t-il, du psychologue qui a rédigé le rapport sur l'état psychologique de la demanderesse. Les parties n'ont pas contesté devant moi que l'ARRR n'a pas bénéficié de l'avantage d'entendre le témoignage oral de la demanderesse et du psychologue. La SSR a établi que la demanderesse était «généralement crédible» et que son témoignage était «raisonnablement cohérent et explicite». Lors de son témoignage, le psychologue a déclaré que selon lui, la demanderesse était crédible. À partir de la documentation et des témoignages dont elle disposait, la SSR a accepté le diagnostic du psychologue et les documents qu'il a présentés à l'appui. La SSR a de plus reconnu le fait que la demanderesse avait été menacée et que les torts qu'elle avait subis relevaient de la persécution. C'est un principe élémentaire de droit que les actes passés de persécution peuvent engendrer des risques de persécution, si les personnes persécutées retournent dans le milieu où elles les ont subis.

[36]En dépit de ces faits, l'ARRR a minimisé la valeur accordée à la documentation présentée par la demanderesse ou en son nom et a considéré à part le témoignage du psychologue lorsqu'il écrit:

[traduction] [. . .] mais ces renseignement par eux-mêmes ne peut me convaincre que la demanderesse fera face à un risque objectivement identifiable à son retour en Ukraine.

[37]Essentiellement, l'ARRR, quelle qu'en soit la raison, semble avoir refusé de tenir compte du témoignage du psychologue dans le contexte de tous les autres éléments de preuve qui ont été présentés.

[38]En dépit de la valeur considérable de la documentation à l'appui des conditions faites en Ukraine à des personnes se trouvant dans la même situation que la demanderesse, l'ARRR encore une fois a minimisé la portée de ces éléments de preuve. La violence envers les femmes est examinée à part. Ici encore l'ARRR note que «ces renseignements d'ordre général» ne sont pas probants «par eux-mêmes».

[39]L'ARRR semble avoir établi comme constituant une réaction acceptable le refus de la police d'Odessa de poursuivre l'enquête du fait que le violeur suspect ne résidait pas à Odessa ou dans la région d'Odessa. Essentiellement, l'ARRR a conclu qu'un violeur, pour utiliser son propre terme, pouvait éviter une enquête policière tout simplement en résidant à l'extérieur du champ de compétence de la police d'Odessa. Je trouve cette conclusion bien étrange.

[40]Bien que l'ARRR reconnaisse «que l'on dispose de peu de renseignements sur la protection qu'offre le gouvernement de l'Ukraine aux personnes menacées par le crime organisée», il n'en conclut pas moins que la demanderesse n'a pas fourni d'éléments probants factuels suffisants pour prouver que cette réalité s'applique dans son cas. L'ARRR ne mentionne pas ce qui constitue, d'après lui, des «éléments probants factuels suffisants». Dans le paragraphe suivant, l'ARRR voit d'un oeil critique le fait que la demanderesse n'a pas fourni d'«éléments de preuve indépendantes» justifiant que la demanderesse courait un risque identifiable.

[41]L'ARRR n'accorde aucune valeur probante aux lettres du fils de la demanderesse. L'ARRR ne fournit aucune explication motivant cette décision.

[42]Tenant compte des faits précités, je suis convaincu que l'ARRR a outrepassé sa compétence en contredisant carrément les conclusions auxquelles était arrivé la SSR après avoir entendu le témoignage oral de la demanderesse et qu'il a erré en plaçant sur la demanderesse un fardeau de preuve excédant de beaucoup ce qu'elle était raisonnablement capable de produire, en raison des conditions existant en Ukraine, pour établir son besoin de protection.

[43]Dans Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)7, le juge Tremblay- Lamer écrit au paragraphe 23:

En l'espèce, l'ARRR a en fait substitué sa propre opinion à celle de la section du statut de réfugié. J'estime qu'elle a analysé à nouveau la revendication du statut de réfugié plutôt que de procéder à une analyse du risque, en réévaluant la crédibilité du demandeur, et qu'elle a ainsi outrepassé sa compétence.

Bien que je sois convaincu que l'énoncé précité exemplifie les faits qui me sont présentés, il n'en demeure pas moins qu'il est applicable aux éléments de l'analyse de l'ARRR qui font l'objet du présent examen. Le juge Tremblay-Lamer poursuit son raisonnement au paragraphe 25:

Nous avons en l'espèce un exemple idéal du rôle de filet de sécurité que joue le processus d'attribution de la qualité de DNRSRC. Il se peut que la crainte du demandeur déborde la portée de la Convention et que son renvoi au Bangladesh l'expose bel et bien au risque que sa vie soit menacée.

[44]Je suis convaincu que l'énoncé précité s'applique directement aux faits de la présente affaire, il suffit de substituer Ukraine à Bangladesh. Je suis convaincu que l'ARRR a oublié que le processus DNRSRC est un «filet de sécurité», particulièrement du fait que la SSR avait établi que la peur qu'éprouvait la demanderesse n'était pas un motif pour se mettre sous la protection de la Convention, mais qu'elle n'en était pas moins engendrée par la persécution.

c) Manque d'équité

[45]L'avocat de la demanderesse s'est fondé sur Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)8 pour démontrer que l'ARRR avait manqué à l'obligation d'équité du fait de n'avoir pas fait part des conclusions de son analyse avant de la terminer et de n'avoir pas donné l'occasion à la demanderesse d'y répondre.

[46]Dans la cause Mia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)9, le juge McKeown écrit au paragraphe 11:

En toute déférence, je ne crois pas que les principes d'équité obligent un ARRR qui procède à une évaluation du risque pour savoir si le demandeur est membre de la catégorie DNRSRC à divulguer l'évaluation en question avant d'en arriver à sa décision. À mon sens, reconnaître l'existence de cette obligation équivaudrait pour ainsi dire à contraindre un décideur à communiquer les motifs de sa décision à des fins de commentaires avant de prendre sa décision finale. Dans la présente affaire, la personne qui a examiné les éléments de preuve a pris la décision. Aucune autre personne n'a participé au processus. Il ne s'agit pas d'un cas où le décideur reçoit des renseignements de personnes autres que le demandeur.

Je préfère la décision du juge McKeown dans ce cas. Je ne vois pas de motif de remettre en question la décision de l'ARRR sous prétexte d'un manquement à l'obligation d'équité envers la demanderesse.

CONCLUSION

[47]En me basant sur l'analyse des faits précités, cette demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Puisqu'il n'existe plus de disposition légale pour déterminer si la demanderesse satisfait ou non aux critères de la catégorie de DNRSRC, j'ordonne que l'on ne tienne pas compte de la décision faisant présentement l'objet d'un examen. La demande de la demanderesse ne sera pas soumise à un autre examen.

[48]Lorsqu'ils ont été informés du dénouement de cette demande de contrôle judiciaire, aucun des avocats en présence n'ont demandé la certification d'une question. Je suis convaincu qu'aucune question ne revêt une importance d'ordre général. Aucune question ne sera certifiée.

[49]Aucune ordonnance n'est rendue pour ce qui est des dépens, nonobstant le fait que l'avocat du défendeur en avait fait la demande au cas où je déciderais, comme c'est le cas, que la présente demande de contrôle judiciaire revêt un caractère théorique.

CONSIDÉRATIONS SUPPLÉMENTAIRES

[50]D'après les renseignements dont je dispose, plusieurs des anciens ARRR du Ministère du défendeur effectuent maintenant les évaluations du risque avant le renvoi, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Si mes renseignements sont exacts, je conseille au défendeur de confier l'évaluation du risque avant le renvoi, à laquelle il convient que la demanderesse a droit, à un autre agent que celui qui a émis la décision faisant présentement l'objet d'un examen.

[51]Le préambule de l'article 113 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et l'alinéa a) de cet article s'énonce comme suit:

113. Il est disposé de la demande comme il suit:

a) le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas normalement accessibles ou, s'ils l'étaient, qu'il n'était pas raisonnable, dans les circonstances, de s'attendre à ce qu'il les ait présentés au moment du rejet;

[52]Si j'interprète correctement la disposition précitée, lorsque la demanderesse reçoit l'évaluation du risque avant le renvoi à laquelle le défendeur convient qu'elle a droit, l'agent effectuant l'évaluation du risque avant le renvoi devra fonder sa décision uniquement sur les nouveaux renseignements obtenus après le rejet de la revendication du statut de réfugié de la demanderesse ou sur des éléments de preuve raisonnablement accessibles ou que l'on ne pouvait raisonnablement exiger de la demanderesse qu'elle produise au moment où sa revendication du statut de réfugié était examinée.

[53]Dans le cadre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'alinéa 113a) s'applique logiquement, puisque le comité de la section du statut de réfugié qui examine une revendication du statut de réfugié doit aussi déterminer si une personne a besoin de protection. Ce ne fut pas le cas lorsque la revendication du statut de réfugié de la présente demanderesse a été examinée. Ainsi, la SSR n'a pas tenu compte du besoin de protection de la demanderesse, alors qu'elle en avait la preuve, besoin dont l'évaluation a été déterminé par l'ARRR et dont la décision fait présentement l'objet du présent examen, décision que j'ai jugé erronée. Je suis pleinement conscient que ce n'est pas mon rôle de conseiller au défendeur d'ignorer l'alinéa 113a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, mais je ne peux m'empêcher de commenter que si ce paragraphe est appliqué à la lettre à l'évaluation du risque avant le renvoi de la demanderesse, celle-ci n'aura en fait reçu aucune décision valide et utile quant à son besoin de protection lié à un retour en Ukraine.

1 DORS/78-172 [édicté par DORS/93-44, art. 1; 97-182, art. 1].

2 Dossier du demandeur, à la page 088.

3 Dossier du demandeur, aux p. 007 à 009.

4 L.C. 2001, ch. 27.

5 [1989] 1 R.C.S. 342.

6 [1993] 3 C.F. 370 (1re inst.).

7 [2001] 1 C.F. 483 (1re inst.).

8 2001 CFPI 818; [2001] A.C.F. no 1207 (1re inst.) (QL).

9 2001 CFPI 1150; [2001] A.C. F. no 1584 (1re inst.) (QL).

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