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A-747-01

2002 CAF 386

S.T.B. Holdings Ltd. (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié: S.T.B. Holdings Ltd. c. Canada (C.A.)

Cour d'appel, juges Décary, Linden et Létourneau, J.C.A.--Vancouver, 3 octobre; Ottawa, 15 octobre 2002.

Impôt sur le revenu -- Pratique -- La Cour de l'impôt a statué que: 1) l'art. 245(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige pas que la cotisation mentionne à sa face l'art. 245 et/ou la règle générale anti-évitement (la RGAÉ); 2) l'art. 245(7) n'empêche pas le recours, à titre subsidiaire, à l'art. 245 comme argument à l'appui de la cotisation -- L'art. 245(7) prévoit que malgré les autres dispositions de la Loi, les attributs fiscaux d'une personne, par suite de l'application de l'article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation compte tenu de cet l'article -- La RGAÉ n'est pas mentionnée dans les avis de nouvelle cotisation pour 1990 et 1991 visant les pertes déduites à l'égard d'une autre société (liquidée) pour les années d'imposition antérieures -- Selon la Cour de l'impôt, «any person» englobe les tiers et le contribuable à l'égard de qui a été établie la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ -- L'emplacement de l'art. 245(7) entre des paragraphes qui s'appliquent aux tiers favorablement touchés par l'application de la RGAÉ à un contribuable ciblé indique que l'on prévoyait que l'art. 245(7) ne s'appliquerait qu'aux tiers sollicitant un allégement fiscal -- Il serait déraisonnable de conclure que le Parlement avait l'intention de modifier fondamentalement, par le truchement d'un paragraphe inséré en «sandwich», la nature de la RGAÉ et la procédure applicable aux nouvelles cotisations en cas d'allégation d'abus dans l'application de la Loi ou dans l'usage d'une disposition -- Le Parlement et non les tribunaux doivent résoudre le problème des tiers privés de leurs recours lorsqu'on invoque pour la première fois dans la réponse à l'avis d'appel la RGAÉ comme un autre argument justifiant une nouvelle cotisation.

Il s'agit d'un appel d'une décision préliminaire de la Cour canadienne de l'impôt au sujet de questions de droit. En 1996, des avis de nouvelle cotisation ont été établis à l'égard de l'appelante pour ses années d'imposition 1990 et 1991 concernant les pertes déduites pour les années d'imposition antérieures d'une société qu'elle avait acquise et qui avait été liquidée. Les avis de nouvelle cotisation ne mentionnaient pas la règle générale anti-évitement (la RGAÉ). L'intimée a invoqué la RGAÉ pour la première fois dans les renonciations signées par l'appelante en 1994, pour la deuxième fois dans l'avis de ratification de l'avis de nouvelle cotisation après réception de l'opposition de l'appelante à la nouvelle cotisation et, pour la troisième fois, dans la réponse à l'avis d'appel. Le paragraphe 245(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) prévoit que «[m]algré les autres dispositions de la présente loi, les attributs fiscaux d'une personne, par suite de l'application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation [. . .] compte tenu du présent article». L'appelante a fait valoir que les attributs fiscaux visés à l'article 245 doivent être déterminés par l'établissement d'un avis de nouvelle cotisation indiquant que: la cotisation est fondée sur la RGAÉ; le paragraphe 245(7) s'applique aux tiers visés par la RGAÉ et aux contribuables ciblés; le Parlement voulait que le paragraphe 245(7) déroge aux règles normales prévues par la loi régissant l'auto-cotisation et les arguments subsidiaires à l'appui d'une cotisation; l'invocation de la RGAÉ doit être portée à l'attention des tiers pour qu'ils puissent exercer leurs droits s'ils sont touchés; dans l'intérêt de l'équité à l'endroit des tiers et du contribuable ciblé, cette mention doit figurer dans l'avis de nouvelle cotisation envoyé au contribuable ciblé.

La Cour de l'impôt a statué que le paragraphe 245(7) de la Loi n'exige pas que l'avis de cotisation ou de nouvelle cotisation mentionne à sa face l'article 245 et/ou la RGAÉ afin que le ministre puisse invoquer l'article 245 et que le paragraphe 245(7) n'empêche pas le recours, à titre subsidiaire, à l'article 245 comme argument à l'appui de la cotisation. La Cour de l'impôt a conclu que «par suite de l'application du présent article» veut dire «par suite d'une cotisation fondée sur la RGAÉ». Autrement dit, le paragraphe 245(7) vise une situation dans laquelle il y a eu une application initiale de la RGAÉ et, par conséquent, les mots doivent viser une application ultérieure de la RGAÉ. La Cour de l'impôt a statué que les mots «compte tenu du présent article» qui figurent à la fin du paragraphe 245(7) disent tout simplement qu'un avis ultérieur de nouvelle cotisation, découlant d'une demande fondée sur le paragraphe 245(6), établi par le ministre doit invoquer la RGAÉ. Examinant le contexte, la Cour de l'impôt a statué que l'emplacement du paragraphe 245(7) indiquait qu'il devait être interprété avec les paragraphes 245(6) et (8), paragraphes qui accordent des recours aux tiers. Enfin, la Cour de l'impôt a estimé que la note technique qui accompagne le paragraphe 245(7) ainsi que les notes explicatives soutenaient le point de vue selon lequel le paragraphe 245(7) est une directive à l'intention du contribuable et non à l'intention du ministre, interdisant aux contribuables, y compris le contribuable ciblé à l'origine par la cotisation fondée sur la RGAÉ et les tiers contribuables affectés, d'établir eux-mêmes leur cotisation en se basant sur la cotisation initiale établie à l'égard de la même opération.

Arrêt: l'appel doit être rejeté.

Même si la Cour de l'impôt n'a pas expressément mentionné les mots «[m]algré les autres dispositions de la présente loi», il ressort de l'ensemble de l'interprétation du paragraphe 245(7) qu'elle a tenu compte de la clause dérogatoire et qu'elle l'a interprétée comme s'appliquant à l'aspect plus étroit des cotisations «ultérieures» établies par le ministre en vertu des paragraphes 245(6) et (8). Cela ressort aussi clairement du rejet de l'argument de l'appelante selon lequel cette clause peut être invoquée à l'endroit de toute application de la RGAÉ, y compris la cotisation initiale adressée au contribuable ciblé et fondée sur la RGAÉ.

La Cour de l'impôt a interprété le terme anglais «following» comme voulant dire «after» et a rejeté l'argument de l'appelante suivant lequel le membre de phrase «following the application» veut dire «in the application». Cette interprétation était raisonnable et prend appui sur la version française de la disposition, qui indique qu'il est survenu un événement antérieur déclencheur d'un événement ultérieur, en l'espèce une application antérieure de la RGAÉ à un contribuable qui donne lieu à la détermination ultérieure des attributs fiscaux pour un autre contribuable.

La Cour de l'impôt a donné un sens propre aux mots «avis de» et ne les a pas inutilement liés au membre de phrase «compte tenu du présent article», ce qui aurait entraîné une mauvaise interprétation de la disposition.

La Cour de l'impôt a interprété les mots «any person» du paragraphe 245(7) comme englobant non seulement le tiers touché par l'application de la RGAÉ à une opération à laquelle il était lié, mais aussi le contribuable à l'égard de qui a été établie la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ. Cela voulait dire qu'il était interdit aux tiers aussi bien qu'au contribuable à l'égard de qui a été établie la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ d'établir eux-mêmes leur propre cotisation en se basant sur la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ et établie à l'égard de la même opération. L'extension des mots «any person» au contribuable ciblé importe peu aux fins de l'auto-cotisation. Il est très peu probable qu'un contribuable qui a l'intention d'obtenir un avantage fiscal établisse lui-même sa cotisation pour refuser cet avantage pour le motif avoué qu'il a commis un abus dans l'application de la Loi ou qu'il a détourné une disposition de sa finalité. On peut douter qu'en utilisant les mots «any person» au paragraphe 245(7), le Parlement avait l'intention de viser cette situation peu probable, sinon irréaliste. L'emplacement du paragraphe 245(7) entre les paragraphes qui s'appliquent aux tiers favorablement touchés par l'application de la RGAÉ à un contribuable ciblé indique que ces mots ont le même sens que celui qui leur a été attribué au paragraphe 245(6), c.-à-d. les tiers. Les trois paragraphes créent un mécanisme de recours pour les tiers touchés par l'application de la RGAÉ à un contribuable. Le renvoi à la marche à suivre exposée au paragraphe 245(6) pour une personne mentionnée au paragraphe 245(7) tend à confirmer que l'on prévoyait que ce paragraphe ne s'appliquerait qu'aux tiers sollicitant un allégement fiscal.

Les imperfections dans l'application des dispositions accordant des recours aux tiers (les tiers sont, par exemple, privés de leurs recours lorsqu'on invoque pour la première fois dans la réponse à l'avis d'appel la RGAÉ comme un autre argument justifiant une nouvelle cotisation) ne sont pas suffisantes pour déroger à la procédure établie en matière de cotisations. Les règles régissant la RGAÉ sont destinées à s'appliquer comme dispositions de «dernier ressort, après toutes les autres dispositions de la Loi, y compris les mesures anti-évitement particulières». Selon l'appelante, les règles devraient constituer le fondement principal de la cotisation. Toutefois, en pratique, ce n'est seulement qu'après le dépôt d'une opposition à l'avis de nouvelle cotisation que le ministre est en mesure de bien établir une cotisation à l'égard de l'opération du contribuable et de déterminer s'il y a eu abus ou mauvais usage de la Loi. L'application de la RGAÉ doit être déterminée par les faits applicables à la situation en cause et ce n'est qu'à une étape avancée de la procédure que tous les faits pertinents peuvent être connus.

La solution au problème soulevé par l'appelante réside non pas dans la modification judiciaire de la nature de la RGAÉ, compromettant ainsi son application à l'égard d'un contribuable ciblé, mais dans l'élargissement législatif des obligations du ministre prévues au paragraphe 245(8), de manière à assurer que soient informés les tiers susceptibles d'être favorablement touchés par l'application de la RGAÉ à un autre contribuable.

lois et règlements

Code criminel, S.R.C. 1970, ch. C-34.

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 245(7).

Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90-688, règle 58.

jurisprudence

décision appliquée:

R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378; (1989), 58 Man. R. (2d) 63; 61 D.L.R. (4th) 725; [1989] 4 W.W.R. 385; (1989), 61 D.L.R. (4th) 725; 50 C.C.C. (3d) 566; 69 C.R. (3d) 281.

doctrine

Côté, Pierre-André. Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Éditions Thémis, 1999.

Loi de l'impôt sur le revenu et Règlement. Ministère des finances. Notes techniques, 4e éd., Scarborough, Ont.: Carswell, 1992.

Ministère des Finances. Notes explicatives sur le projet de loi concernant l'impôt sur le revenu (Projet de loi C-139), juin 1988.

Nouveau Petit Robert: dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Le), Paris: Dictionnaire Le Robert, 1993.

Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed., Toronto: Butterworths, 1994.

APPEL d'une décision de la Cour de l'impôt selon laquelle le paragraphe 245(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige pas que la cotisation mentionne à sa face l'article 245 et/ou la règle générale anti-évitement et n'empêche pas le recours, à titre subsidiaire, à l'article 245 comme argument à l'appui de la cotisation (S.T.B. Holdings Ltd. c. Canada (2002), 2002 DTC 1254 (C.C.I.)). Appel rejeté.

ont comparu:

Gordon S. Funt et Lori Anne Mathison pour l'appelante.

Robert Carvalho pour l'intimée.

avocats inscrits au dossier:

Fraser Milner Casgrain LLP, Vancouver, pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: Il s'agit d'un appel d'une décision du juge Miller, de la Cour canadienne de l'impôt, où le débat entre les parties a été suspendu, la détermination préliminaire d'une question de droit ayant été demandée en vertu de l'alinéa 58(1)a) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) [DORS/90-688]. La décision est publiée sous l'intitulé S.T.B. Holdings Ltd. c. Canada (2002), 2002 DTC 1254. La Cour a été saisie de deux questions:

a) Le paragraphe 245(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1] (Loi) exige-t-il que l'avis de cotisation ou de nouvelle cotisation mentionne à sa face l'article 245 et/ou la règle générale anti-évitement (la RGAÉ) afin que le ministre puisse invoquer l'article 245?

b) Le paragraphe 245(7) de la Loi empêche-t-il le recours, à titre subsidiaire, à l'article 245 comme argument à l'appui de la cotisation?

Le débat tourne autour de deux interprétations différentes du paragraphe 245(7) donnant lieu à des conséquences très différentes. Retenir l'interprétation de l'appelante reviendrait à dire que la procédure de nouvelle cotisation comporte des exigences spéciales en cas de recours à la RGAÉ, lesquelles exigences ne sont pas applicables lorsque la nouvelle cotisation est fondée sur toute autre disposition de la Loi. Lorsque j'utilise le terme nouvelle cotisation dans les présents motifs, j'entends couvrir également les cotisations et les cotisations supplémentaires. L'interprétation de l'intimée voudrait dire tout simplement que les tiers visés par l'application initiale de la RGAÉ ne peuvent établir leur propre cotisation fondée sur la RGAÉ.

[2]Les deux questions ayant trait à l'application de la RGAÉ sont lourdes de conséquences aussi bien en l'espèce que dans de futurs litiges. En l'espèce, cela voudrait dire que le ministre du Revenu national (le ministre) ne peut invoquer la RGAÉ pour rejeter la déduction de la somme de 12 308 649 $ effectuée par l'appelante. Dans l'avenir, cela pourrait changer la procédure et les conditions de recours à la RGAÉ, laquelle est un recours de dernier ressort en cas d'abus dans l'application de la Loi. Je m'empresse d'ajouter que la question dont nous sommes saisis doit être tranchée au regard de l'interprétation qu'il convient de donner au paragraphe 245(7) de la Loi, et non en fonction de ses conséquences, quelque défavorables qu'elles soient. Il est préférable de laisser la solution au Parlement s'il faut apporter des correctifs.

Les faits

[3]La requête présentée en vertu de la règle 58 était fondée sur l'exposé conjoint des faits suivant:

[traduction] S.T.B. Holdings Ltd. (STB) est une société constituée sous le régime des lois de la province de la Colombie-Britannique et ayant son bureau enregistré au 1500--1040, rue Georgia Ouest, à Vancouver, en Colombie-Britannique.

Au cours de son année d'imposition 1989, STB a acquis toutes les actions en circulation du capital actions de Newport Industries Ltd. (Newport), et cette dernière a été liquidée par la suite avant la fin de l'année d'imposition 1989 de STB. Avant l'acquisition de Newport par STB, Newport et STB n'étaient pas des sociétés liées.

En calculant son revenu pour les années d'imposition 1990 et 1991, STB a tenu compte des pertes autres que des pertes en capital de 9 832 810 $ et de 1 164 124 $ pour des années d'imposition antérieures subies dans des années d'imposition antérieures de Newport. Dans son année d'imposition 1990, STB a déduit, pour son année d'imposition 1991, la somme de 1 224 937 $ au titre de la réduction de la valeur de son stock et la somme de 86 778 $ au titre de la perte qui aurait été subie lors de l'aliénation du stock. Le stock était constitué de biens-fonds qui appartenaient à Newport (les biens-fonds de Newport). STB a acquis ces biens-fonds par suite de la liquidation de Newport. Les biens-fonds de Newport étaient situés dans un secteur de Calgary appelé Victoria Square et comprenaient une partie importante de deux pâtés de maisons. STB a vendu les biens-fonds de Newport en 1991 et a déclaré une perte de 86 778 $ tel qu'indiqué ci-dessus.

Le 7 juillet 1994 ou vers cette date, une renonciation selon le formulaire demandé par la partie intimée a été produite par STB pour son année d'imposition 1990. Le 2 novembre 1994 ou vers cette date, STB a déposé une renonciation selon le formulaire demandé par la partie intimée pour son année d'imposition 1991. Le 13 mai 1996, des avis de nouvelle cotisation ont été établis à l'égard de STB pour ses années d'imposition 1990 et 1991 concernant les pertes subies par Newport. Le 2 août 1996, un avis d'opposition a été déposé à l'égard des nouvelles cotisations du 13 mai 1996 pour les années d'imposition 1990 et 1991 de STB.

Le 12 novembre 1996, des avis d'annulation des renonciations ont été déposés à l'égard des années d'imposition 1990 et 1991 de STB. Le 14 avril 2000, les avis de nouvelle cotisation du 13 mai 1996 pour les années d'imposition 1990 et 1991 de STB ont été ratifiés par avis de ratification qui, entre autres, confirme le fondement de la nouvelle cotisation établie par le ministre. Le 12 juillet 2000, STB a déposé un avis d'appel contre l'avis de ratification du 14 avril 2000. Le 31 octobre 2000, la partie intimée à déposé une réponse à l'avis d'appel déposé le 12 juillet 2000 par STB.

Aucun autre avis de cotisation ou avis de nouvelle cotisation n'est pertinent quant à la question de droit posée dans la requête présentée en vertu de la règle 58. Le ministre n'a établi aucune autre cotisation ou détermination à l'égard des années d'imposition 1990 ou 1991 de STB.

Les prétentions des parties

[4]Je devrais résumer les prétentions présentées par les parties devant le juge de la Cour de l'impôt et devant nous. Pour mieux comprendre le débat entre les parties ainsi que la décision du juge, il me faut reproduire les parties pertinentes de l'article 245:

245. (1) [. . .]

«attribut fiscal» S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

[. . .]

(2) En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

(3) L'opération d'évitement s'entend:

a) soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables--l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables--l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

[. . .]

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2), dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement:

a) toute déduction dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l'impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de cette déduction ainsi que tout ou partie d'un revenu, d'une perte ou d'un autre montant peuvent être attribués à une personne;

c) la nature d'un paiement ou d'un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l'application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

(6) Dans les 180 jours suivant la mise à la poste d'un avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire, envoyé à une personne, qui tient compte du paragraphe (2) en ce qui concerne une opération, ou d'un avis concernant un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11) envoyé à une personne en ce qui concerne une opération, toute autre personne qu'une personne à laquelle un de ces avis a été envoyé a le droit de demander par écrit au ministre d'établir à son égard une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire en application du paragraphe (2) ou de déterminer un montant en application du paragraphe 152(1.11) en ce qui concerne l'opération.

(7) Malgré les autres dispositions de la présente loi, les attributs fiscaux d'une personne, par suite de l'application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire ou que par avis d'un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11), compte tenu du présent article.

(8) Sur réception d'une demande présentée par une personne conformément au paragraphe (6), le ministre doit, dès que possible, après avoir examiné la demande et malgré le paragraphe 152(4), établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ou déterminer un montant en application du paragraphe 152(1.11), en se fondant sur la demande. Toutefois, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ne peut être établie, ni un montant déterminé, en application du présent paragraphe que s'il est raisonnable de considérer qu'ils concernent l'opération visée au paragraphe (6). [Non souligné dans l'original.]

[5]Comme il paraît, la première question à trancher est beaucoup plus étroite que la deuxième. Dans la présente espèce, il est convenu que l'avis de nouvelle cotisation envoyé à l'appelante le 13 mai 1996 ne fait aucune mention de la RGAÉ. L'intimé a invoqué la RGAÉ pour la première fois dans les renonciations signées par l'appelante le 7 juillet 1994, pour la deuxième fois dans l'avis de ratification de l'avis de nouvelle cotisation après réception de l'opposition de l'appelante à la nouvelle cotisation et, pour la troisième fois, dans la réponse à l'avis d'appel. En effet, les renonciations de 1994 mentionnaient une nouvelle cotisation établie en vertu de la partie I et de la partie XVI de la Loi, cette dernière partie étant celle qui contient la RGAÉ.

[6]L'appelante affirme que le paragraphe 245(7) impose deux exigences au ministre lorsqu'il invoque la RGAÉ dans l'établissement d'une cotisation à l'égard d'un contribuable: d'une part, l'avis de nouvelle cotisation doit indiquer à sa face que la cotisation est fondée sur la RGAÉ; d'autre part, la RGAÉ doit être l'argument principal invoqué à l'appui de la cotisation. L'avocat de l'appelante appuie son argument sur le libellé de la disposition. À son avis, quatre groupes de mots sont déterminants: «Malgré les autres dispositions de la présente loi,», «par avis de . . . nouvelle cotisation», «par suite de l'application du» et «compte tenu du présent article».

[7]L'avocat fait valoir que la méthode téléologique ou l'interprétation de ces mots fondée sur l'objet visé ou à la lumière du contexte mène à une série de conclusions:

a) les attributs fiscaux de l'application de l'article 245 doivent être déterminés par l'établissement d'un avis de nouvelle cotisation indiquant que la cotisation est fondée sur la RGAÉ;

b) le paragraphe 245(7) s'applique non seulement aux tiers visés par la RGAÉ, mais également aux contribuables ciblés;

c) en édictant ce paragraphe, le Parlement avait l'intention de déroger aux règles normales prévues par la Loi régissant l'auto-cotisation et les arguments subsidiaires à l'appui d'une cotisation;

d) l'invocation de la RGAÉ doit être portée à l'attention des tiers de sorte qu'ils puissent exercer leurs droits dès lors qu'ils sont touchés;

e) dans l'intérêt de l'équité à l'endroit des tiers et du contribuable ciblé, cette mention doit figurer dans l'avis de nouvelle cotisation envoyé au contribuable ciblé.

De l'avis de l'appelante, le juge n'a pas tenu compte, ou s'est trompé en tenant compte, de ces mots au paragraphe 245(7). Je dois indiquer que l'expression «contribuable ciblé» dans le présent contexte s'entend du contribuable visé par l'application initiale de la RGAÉ.

[8]L'intimée fait valoir que ni le libellé, ni le contexte ni l'objet du paragraphe 245(7) n'appuie la prétention de l'appelante. De surcroît, la prétention de l'appelante est incompatible avec la Loi et les principes juridiques applicables aux avis de nouvelle cotisation, à l'obligation d'y indiquer les motifs et aux arguments subsidiaires à l'appui de la cotisation des contribuables. Bref, le juge n'a commis aucune erreur lorsqu'il a rejeté toutes les prétentions de l'appelante, sauf à l'égard de la portée de l'application du paragraphe 245(7). L'avocat de l'intimée fait valoir, à ce sujet, que le juge a commis une erreur lorsqu'il a statué que le paragraphe s'applique aussi bien au contribuable ciblé qu'aux tiers.

La décision du juge de la Cour de l'impôt

[9]Le juge de la Cour de l'impôt a répondu aux deux questions par la négative et a ordonné que les dépens de la demande suivent l'issue de la cause.

[10]S'agissant de la Loi et de la disposition en cause, le juge de la Cour de l'impôt a écrit [au paragraphe 2]:

[traduction] Les dispositions qui semblaient claires législateur deviennent confuses; ce qui était noir tourne au gris, voire au blanc. Les tribunaux sont très souvent appelés à éclaircir l'interprétation de la Loi, puisque la version CCH de la Loi et du règlement approche les 3000 pages. L'obscurité fait partie des règles du jeu et c'est à nous de faire la lumière. Je n'aurais aucun mal à citer de nombreux exemples où la loi rend les contribuables, les avocats, le ministère de la Justice et les tribunaux aussi perplexes les uns que les autres en raison de structures alambiquées, de triples négatifs et de la multiplication des renvois et contre-renvois. L'article en cause ne me semble pas si compliqué que cela, seulement vague, mais sa simplicité même peut justifier différentes interprétations et faire régner une certaine confusion. L'interprétation avancée par la requérante représente une tentative courageuse et solidement argumentée d'étirer à outrance le sens des mots. Or, je ne suis pas disposé à admettre un tel degré de malléabilité.

[11]Il a défini la RGAÉ comme un outil conféré au ministre pour l'établissement des cotisations, et non un outil de planification en faveur du contribuable. Ayant reconnu que le paragraphe 245(7) présentait une certaine ambiguïté, il a donc interprété la disposition de manière détaillée en examinant le sens ordinaire ou grammatical du paragraphe, son contexte et l'objet législatif visé par son édiction.

[12]S'agissant du sens ordinaire de la disposition, le juge a conclu que les mots «par suite de l'application du présent article» veulent dire «par suite d'une cotisation fondée sur la RGAÉ». Il a rejeté la prétention de l'appelante que ces mots devaient être interprétés comme s'ils voulaient dire «dans l'application». Autrement dit, le paragraphe 245(7) vise une situation dans laquelle il y a eu une application initiale de la RGAÉ et, par conséquent, les mots doivent viser une application ultérieure de la RGAÉ. Les mots «compte tenu du présent article» qui figurent à la fin du paragraphe 245(7) disent tout simplement qu'un avis ultérieur de nouvelle cotisation, découlant d'une demande fondée sur le paragraphe 245(6), établi par le ministre doit invoquer la RGAÉ. Il a rejeté l'interprétation de ces mots proposée par l'appelante selon laquelle le ministre doit mentionner expressément la RGAÉ dans l'avis de nouvelle cotisation, y compris celui qui a été envoyé au contribuable ciblé.

[13]Examinant le contexte dans lequel le paragraphe 245(7) lui-même s'insère, le juge de la Cour de l'impôt a statué que l'emplacement de ce paragraphe entre les paragraphes 245(6) et 245(8) indique que ces trois paragraphes vont ensemble. Le paragraphe 245(6) permet au contribuable affecté par une cotisation fondée sur la RGAÉ et adressée à un contribuable ciblé de demander ensuite qu'une application de la RGAÉ soit faite à sa déclaration de revenus. Le paragraphe 245(8) oblige le ministre à répondre à la demande dès que possible alors que le paragraphe 245(7) assure que le contribuable n'établira pas lui-même sa cotisation comme c'est normalement le cas sous le régime de la Loi.

[14]Enfin, le juge a trouvé des indications de l'objet ou de l'intention du Parlement dans la note technique qui accompagne le paragraphe 245(7) ainsi que dans les notes explicatives du projet de loi C-139 qui a édicté les dispositions de la RGAÉ. Essentiellement, il a conclu que ces sources soutenaient le point de vue selon lequel le paragraphe 245(7) est une directive à l'intention du contribuable et non à l'intention du ministre; elle interdit aux contribuables, y compris le contribuable ciblé à l'origine par la cotisation fondée sur la RGAÉ et les tiers contribuables affectés de ce fait, d'établir eux-mêmes leur cotisation en se basant sur la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ et établie à l'égard de la même opération. L'objet législatif des paragraphes 245(6), (7) et (8) est axé sur les rajustements en faveur des tiers. Si le Parlement avait voulu que le paragraphe 245(7) limite autant le pouvoir du ministre d'invoquer le paragraphe 245(2) comme le prétend l'appelante, il aurait expressément mentionné le paragraphe 245(2) au paragraphe 245(7), comme le fait le paragraphe 245(6), plutôt que de dire simplement «compte tenu du présent article». Il est vrai que l'économie générale de la Loi comporte une procédure en deux étapes, c'est-à-dire l'auto-cotisation suivie par une cotisation établie par le gouvernement, mais le paragraphe 245(7) déroge à cette économie générale et limite la procédure à une seule étape. À la demande du contribuable présentée en vertu du paragraphe 245(6), un avis de nouvelle cotisation doit être établi et cet avis doit être fondé sur la RGAÉ.

Analyse de la décision

[15]Le juge de la Cour de l'impôt a effectué une analyse détaillée des prétentions des parties. Le résumé que je fais de sa décision, bien que plus longue que d'habitude, ne fait pas complètement honneur à son analyse réfléchie des questions en litige. Je suis essentiellement d'accord avec l'interprétation qu'il donne du paragraphe 245(7), sauf en ce qui concerne la manière dont il l'applique au contribuable ciblé. Je reviendrai plus tard sur cette conclusion. J'examinerai maintenant certains des motifs d'appel.

L'omission du juge d'examiner les mots «malgré les autres dispositions de la présente loi»

[16]Je ne partage pas l'argument de l'appelante selon lequel le juge de la Cour de l'impôt a omis d'examiner les mots introductifs du paragraphe 245(7) «Malgré les autres dispositions de la présente loi». Il est vrai qu'il n'a pas expressément mentionné ces mots. Toutefois, il ressort de l'ensemble de son interprétation du paragraphe 245(7) qu'il a tenu compte de la clause dérogatoire qu'il a interprétée comme s'appliquant à l'aspect plus étroit des cotisations «ultérieures» établies par le ministre en vertu des paragraphes 245(6) et 245(8). Cela ressort aussi clairement de son rejet de l'argument de l'appelante selon lequel cette clause peut être invoquée à l'endroit de toute application de la RGAÉ, y compris la cotisation initiale adressée au contribuable ciblé et fondée sur la RGAÉ. Je suis convaincu que le juge a reconnu que la clause dérogatoire avait un sens et qu'il lui a donné sa bonne signification.

Interprétation erronée du membre de phrase «par suite de l'application du présent article»

[17]Slon l'interprétation retenue par le juge de la Cour de l'impôt, le terme anglais «following» veut dire «after», rejetant l'argument de l'appelante que le membre de phrase «following the application» veut dire «in the application». Je ne vois aucune erreur dans cette interprétation qui, en plus d'être raisonnable, prend appui sur la version française de la disposition «par suite de l'application». «Par suite de l'application» veut dire «en conséquence de», «à cause de» l'application: voir Le Nouveau Petit Robert: dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 1993. L'interprétation ordinaire de ces mots en français, particulièrement dans le contexte des paragraphes 245(6) et 245(8) entre lesquels s'insère le paragraphe 245(7), indique qu'il est survenu un événement antérieur déclencheur d'un événement ultérieur, dans le cas qui nous occupe, une application antérieure de la RGAÉ à un contribuable qui donne lieu à la détermination ultérieure des attributs fiscaux pour un autre contribuable.

Omission de tenir compte de l'importance des mots «avis de» et de leur donner un sens

[18]L'appelante fait valoir que le juge de la Cour de l'impôt n'a pas donné un sens propre aux mots «avis de» et qu'il les a inutilement liés au membre de phrase «compte tenu du présent article», entraînant par conséquent une mauvaise interprétation de ces composantes de la disposition.

[19]Tout comme pour la clause dérogatoire, j'estime que le juge n'a pas ignoré ces mots au paragraphe 245(7), mais leur a donné un sens qui limite toute obligation de remettre un avis à ces cas où furent émises des cotisations ultérieures fondées sur les paragraphes 245(6) et 245(8). Il n'était pas déraisonnable de se fonder sur les mots à la fin du paragraphe pour déterminer le sens à donner au mot «avis».

Le sens des mots «any person» au paragraphe 245(7)

[20]Selon l'interprétation retenue par le juge, les mots «any person» figurant au paragraphe 245(7) englobent non seulement le tiers visé par l'application de la RGAÉ à une opération à laquelle il était lié, mais également le contribuable à l'égard de qui a été établie la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ. Selon cette interprétation, il est interdit au tiers, aussi bien qu'au contribuable à l'égard de qui a été établie la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ, d'établir eux-mêmes leur propre cotisation en se basant sur la cotisation initiale fondée sur la RGAÉ et établie à l'égard de la même opération.

[21]J'estime que son extension des mots «any person» au contribuable ciblé importe peu aux fins de l'auto-cotisation. En effet, comme le juge lui-même le fait remarquer au paragraphe 25 de sa décision, [traduction] «il est difficile d'imaginer un contribuable qui organise une opération dans un but en particulier, puis qui produise sa déclaration de revenus sur le fondement que la RGAÉ est applicable afin d'obtenir des attributs différents de ceux qu'il entendait obtenir». En d'autres mots, il est très peu probable qu'un contribuable qui a l'intention d'obtenir un avantage fiscal établirait lui-même sa cotisation pour se refuser cet avantage pour le motif avoué qu'il a commis un abus dans l'application de la Loi ou qu'il a détourné une disposition de sa finalité. Je doute qu'en utilisant les mots «any person» au paragraphe 245(7), le Parlement avait l'intention de viser cette situation peu probable, sinon irréaliste.

[22]L'emplacement du paragraphe 245(7), «pris en sandwich» entre les paragraphes 245(6) et 245(8) qui s'appliquent au tiers favorablement touché par l'application de la RGAÉ à un contribuable ciblé, m'indique que ces mots ont le même sens que celui qui leur a été attribué au paragraphe 245(6). Au paragraphe 245(6) de la version anglaise, les mots «any person» sont suivis entre parenthèses par le membre de phrase «other than a person referred to in paragraph (a) or (b)». Il n'est pas contesté que cette formule au paragraphe 245(6) vise les tiers. C'est un principe d'interprétation bien connu que «à moins que le contexte ne s'y oppose clairement, un mot doit recevoir la même interprétation et avoir le même sens tout au long d'un texte législatif»: voir P.-A. Côté, Interprétation des lois (3e éd.), Éditions Thémis, 1999, à la page 420; R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd.), Toronto: Butterworths Canada Ltd., 1994, à la page 163. Cette règle est encore plus vraie lorsque les mots se retrouvent dans la même disposition. Le professeur Côté écrit, à la page 421, citant R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378:

Autre élément qui pourrait jouer: la plus ou moins grande proximité, dans le texte, entre les deux expressions qu'on présume avoir le même sens.

Fait assez intéressant, la situation dans l'affaire Zeolkowski était semblable à celle qui nous occupe: une expression identique (tout élément de preuve pertinent) avait été utilisée dans deux paragraphes adjacents qui se trouvaient dans le même article du Code criminel [S.R.C. 1970, ch. C-34]: voir la page 1387. La Cour suprême leur a donné le même sens. En l'espèce, les mots «any person» sont utilisés dans deux paragraphes adjacents, les paragraphes 245(6) et 245(7), dans la même disposition de la Loi. Ils ont le même sens.

[23]Je suis convaincu de la justesse de ma conclusion par le fait qu'au paragraphe 245(5), le Parlement, en abordant la question de la détermination des attributs fiscaux d'un contribuable ciblé, a employé une formulation différente et a utilisé les mots «a person». Ce paragraphe précède les trois paragraphes (245(6), (7) et (8)) qui se rapportent aux tiers. Comme le fait remarquer le juge de la Cour de l'impôt, les Notes explicatives sur le projet de loi concernant l'impôt sur le revenu (Projet de loi C-139), juin 1988, ne laissent aucun doute que les trois paragraphes créent un mécanisme de recours pour les tiers touchés par l'application de la RGAÉ à un contribuable:

Pour déterminer, en application du nouveau paragraphe 245(2) de la Loi, les attributs fiscaux raisonnables d'une personne de manière à supprimer l'avantage fiscal découlant d'une opération d'évitement, on peut procéder à des rajustements favorables au contribuable. Le nouveau paragraphe 245(6) instaure un mécanisme permettant à une personne de demander des rajustements de ce genre.

D'après le nouveau paragraphe 245(6), lorsque le paragraphe 245(2) proposé s'applique à une opération et que, donc, un contribuable a fait l'objet d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation ou qu'une détermination a été faite en application du paragraphe 152(1.11) proposé au titre de cette personne, une autre personne a le droit de demander que le Ministre applique le paragraphe 245(2) dans son cas, de manière à effectuer des rajustements en sa faveur au titre de la même opération.

[. . .]

Le paragraphe 245(6) ne s'applique pas à un contribuable qui a déjà fait l'objet d'une cotisation ou à l'égard duquel une détermination prévue au paragraphe 152(1.11) a été effectuée par le ministre du Revenu national en vertu de l'article 245, parce que ce contribuable est en mesure de demander les rajustements appropriés au moyen des mécanismes d'opposition et d'appel prévus par d'autres dispositions de la Loi.

Le nouveau paragraphe 245(7) de la Loi stipule qu'une personne ne peut se fonder sur le paragraphe 245(2) pour déterminer son revenu, son revenu imposable, ou son revenu imposable gagné au Canada, son impôt ou un autre montant remboursable à une personne, ou payable par celle-ci, en application de la Loi, ni aucun autre montant, en vertu de la Loi, qui entre dans le calcul des éléments précédents, si ce n'est par une demande de rajustement prévue au paragraphe 245(6). Cela empêche une personne de se prévaloir des dispositions du paragraphe 245(2) pour rajuster son revenu ou l'un des éléments susmentionnés, sans faire une demande de rajustement selon la marche à suivre exposée au paragraphe 245(6). [Non souligné dans l'original.]

Le renvoi à la marche à suivre exposée au paragraphe 245(6) pour une personne mentionnée au paragraphe 245(7) tend certainement à confirmer que l'on prévoyait que le paragraphe 245(7) ne s'appliquerait qu'aux tiers sollicitant un allégement fiscal.

Le préjudice éventuel résultant d'une interprétation du paragraphe 245(7) qui limite son champ d'application à des tiers

[24]L'appelante insiste pour dire que le fait de limiter le champ d'application du paragraphe 245(7) aux tiers a pour effet d'empêcher les tiers d'exercer leur recours lorsque la RGAÉ est invoquée comme un autre argument justifiant une nouvelle cotisation, particulièrement lorsque cela se fait pour la première fois dans la réponse à l'avis d'appel. Le paragraphe 245(6) accorde au tiers 180 jours suivant la mise à la poste de l'avis de nouvelle cotisation destiné au contribuable ciblé pour demander au ministre de rajuster sa déclaration de revenus. Étant donné qu'il n'existe aucun avis de ce genre dans ce scénario, le tiers ne saura pas que la RGAÉ a été invoquée et perdra son recours.

[25]Le juge de la Cour de l'impôt a reconnu cette imperfection dans l'application des dispositions des paragraphes 245(6), (7) et (8) accordant des recours aux tiers. Il a rejeté la solution de l'appelante qui consistait à exiger que la RGAÉ soit invoquée comme motif premier de la cotisation et que l'utilisation de la RGAÉ soit mentionnée dans l'avis de nouvelle cotisation. Comme il l'a affirmé, à juste titre, le problème demeure lorsque le tiers n'est tout simplement pas informé de l'avis envoyé au contribuable ciblé, même s'il mentionne la RGAÉ: voir sa décision au paragraphe 43. Il a conclu que l'imperfection dans les mécanismes des dispositions accordant des recours aux tiers n'était pas suffisante pour déroger à la procédure établie applicable aux cotisations: ibid., au paragraphe 47.

[26]Je partage cette conclusion du juge. La position avancée par l'appelante aurait pour effet de changer fondamentalement la nature de la RGAÉ. Les règles régissant la règle générale anti-évitement étaient destinées à s'appliquer comme dispositions de «dernier ressort, après toutes les autres dispositions de la Loi, y compris les mesures anti-évitement particulières»: voir Notes explicatives sur le projet de loi concernant l'impôt sur le revenu (Projet de loi C-139), précité, Loi de l'impôt sur le revenu et Règlements, Ministère des Finances. Notes techniques, 4e éd., 1992, Carswell, à la page 1238. Pour l'appelante, les règles devraient constituer le fondement principal de la cotisation. Toutefois, en pratique, ce n'est seulement qu'après le dépôt d'une opposition à l'avis de nouvelle cotisation que le ministre est en mesure de bien établir une cotisation à l'égard de l'opération du contribuable et de déterminer s'il y a eu abus dans l'application de la Loi. L'application de la RGAÉ doit être déterminée par les faits applicables à la situation en cause et ce n'est qu'à une étape avancée de la procédure que tous les faits pertinents peuvent être connus.

[27]En somme, je n'ai aucun doute qu'il serait déraisonnable de conclure que le Parlement, par le truchement d'un paragraphe inséré en «sandwich» dans une série de trois paragraphes, avait l'intention de modifier si fondamentalement la nature de la RGAÉ et la procédure applicable aux nouvelles cotisations en cas d'allégation d'abus dans l'application de la Loi ou dans l'usage d'une disposition. La solution au problème soulevé par l'appelante réside non pas dans la modification judiciaire de la nature de la RGAÉ, compromettant ainsi son application à un contribuable ciblé, mais dans l'élargissement législatif des obligations du ministre prévues au paragraphe 245(8), de manière à assurer que les tiers susceptibles d'être favorablement touchés par l'application de la RGAÉ à un autre contribuable en soient informés.

[28]Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.

Le juge Décary, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

Le juge Linden, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

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