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[2013] 1 R.C.F. 81

A-175-11

2011 CAF 303

Excelsior Medical Corporation (appelante)

c.

Le procureur général du Canada (intimé)

Répertorié : Excelsior Medical Corporation c. Canada (Procureur général)

Cour d’appel fédérale, juges Noël, Pelletier et Layden-Stevenson, J.C.A.—Toronto, 3 novembre 2011.

Brevets — Pratique — « Taxes périodiques » — Appel de la décision de la Cour fédérale rejetant la demande de contrôle judiciaire relative à la décision du Bureau canadien des brevets selon laquelle la demande de brevet était caduque parce que le correspondant autorisé de l’appelante avait omis de payer la taxe périodique avant l’expiration du délai de grâce — Même si la taxe périodique a été acquittée à l’intérieur du délai de grâce, elle a été payée par un agent de brevets qui n’était pas le correspondant autorisé — La demande de brevet a été rétablie par le Bureau des brevets, mais a par la suite été considérée comme caduque, après que la taxe eut été remboursée à un agent de brevets qui n’était pas un correspondant autorisé — La Cour fédérale a conclu que la demande de brevet avait été rétablie, une fois que la taxe périodique eut été acceptée par le Bureau des brevets, mais que le remboursement ultérieur de la taxe avait annulé le rétablissement — La Cour fédérale a rejeté à bon droit la demande de contrôle judiciaire, mais pour des motifs erronés — L’acceptation de la taxe périodique payée par une autre personne que le correspondant autorisé d’un demandeur, que ce soit pendant la période de rétablissement ou non, ne rétablit pas une demande de brevet — L’acceptation par le Bureau des brevets de la taxe périodique ou le remboursement de celle-ci ne crée ni n’éteint de droits — Appel rejeté.

Il s’agissait d’un appel d’une décision de la Cour fédérale rejetant une demande de contrôle judiciaire relative à la décision du Bureau canadien des brevets selon laquelle la demande de brevet no 2414481 était caduque parce que le correspondant autorisé de l’appelante avait omis de payer la taxe périodique avant l’expiration du délai de grâce. En fait, la taxe périodique avait été payée à l’intérieur du délai de grâce, mais par un agent de brevets qui n’était pas le correspondant autorisé inscrit au dossier du Bureau des brevets. Même si la taxe périodique avait été acceptée et que le rétablissement de la demande de brevet avait été communiqué au correspondant autorisé inscrit au dossier, le Bureau des brevets a avisé l’agent qui n’était pas le correspondant autorisé, à l’extérieur de la période de rétablissement, du fait que la demande de brevet n’avait pas été rétablie et était considérée comme caduque. Le correspondant non autorisé a demandé et obtenu un remboursement de la taxe, comme l’avait offert le Bureau des brevets. La demande tardive du correspondant non autorisé d’être inscrit au dossier comme agent de la demanderesse a été refusée. Lors d’un contrôle judiciaire, la Cour fédérale a conclu que l’acceptation de la taxe périodique par le Bureau des brevets au cours de la période de rétablissement avait rétabli la demande, mais que le remboursement ultérieur de la taxe au correspondant non autorisé avait annulé le rétablissement, ce qui rendait la demande de brevet caduque.

La question à trancher était celle-ci : la Cour fédérale avait-elle commis une erreur en rejetant la demande de contrôle judiciaire pour les motifs énoncés?

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

Même si la Cour fédérale avait, à bon droit, rejeté la demande de contrôle judiciaire, elle ne l’a pas fait pour les bons motifs. L’acceptation de la taxe périodique payée par une autre personne que le correspondant autorisé d’un demandeur, que ce soit pendant la période de rétablissement ou non, ne rétablit pas une demande de brevet. Contrairement à l’opinion de la Cour fédérale, l’acceptation de cette taxe par le Bureau des brevets n’a créé aucun droit et son remboursement n’a éteint aucun droit.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4.

Règles sur les brevets, DORS/96-423, art. 2 « correspondant autorisé », 6(1), 20.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

Unicrop Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 55.

décision examinée :

Sarnoff Corp. c. Canada (Procureur général), 2008 CF 712, [2009] 2 R.C.F. 3, conf. par 2009 CAF 142.

décision citée :

F. Hoffmann-La Roche AG c. Canada (Commissaire aux brevets), 2005 CAF 399.

APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2011 CF 407, [2013] 1 R.C.F. 52) rejetant une demande de contrôle judiciaire relative à la décision du Bureau canadien des brevets selon laquelle la demande de brevet de l’appelante était caduque parce que le correspondant autorisé avait omis de payer la taxe périodique avant l’expiration du délai de grâce. Appel rejeté.

ONT COMPARU

Kevin Sartorio et James Blonde pour l’appelante.

Jacqueline Dais-Visca et Abigail Browne pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Gowling Lafleur Henderson LLP, Toronto, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Pelletier, J.C.A. : Il s’agit d’un appel interjeté par Excelsior Medical Corporation (Excelsior ou la demanderesse) à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale [2011 CF 407, [2013] 1 R.C.F. 52] par laquelle le juge Hughes (le juge de première instance) a rejeté sa demande de contrôle judiciaire relative à la décision du Bureau canadien des brevets (le Bureau des brevets) selon laquelle la demande de brevet no 2414481 (la demande) était caduque parce que le correspondant autorisé d’Excelsior avait omis de payer la taxe périodique avant l’expiration du délai de grâce.

[2]        La difficulté en l’espèce réside dans le fait que la taxe périodique a en fait été payée à l’intérieur du délai de grâce, mais par Oyen Wiggs, qui n’était pas à l’époque le correspondant autorisé inscrit au dossier du Bureau des brevets. Une autre difficulté découle du fait que, après avoir accepté la taxe périodique et avoir fait part du rétablissement de la demande de brevet au correspondant autorisé inscrit au dossier, Fetherstonhaugh & Co., le Bureau des brevets a écrit à Oyen Wiggs, à l’extérieur de la période de rétablissement, pour lui faire savoir que le brevet n’avait pas été rétabli et qu’il était considéré comme étant caduc. Dans la même lettre, le Bureau des brevets offrait de rembourser, sur demande, la taxe périodique qui avait été précédemment acceptée. La demande a été faite et la taxe a été remboursée. Un an après avoir demandé le remboursement de la taxe, Oyen Wiggs a entrepris tardivement des démarches afin d’être inscrit comme agent de la demanderesse à compter de la date du paiement de la taxe. La demande a été refusée.

[3]        Une demande de contrôle judiciaire a suivi. Le juge de première instance a conclu que l’acceptation de la taxe périodique par le Bureau des brevets au cours de la période de rétablissement avait rétabli la demande, mais que le remboursement de la taxe à Oyen Wiggs avait annulé le rétablissement. Il ne restait alors qu’une demande de brevet considérée comme étant caduque. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

[4]        L’appel dont la Cour est maintenant saisie est fondé en grande partie sur la décision rendue par la Cour fédérale dans Sarnoff Corp. c. Canada (Procureur général), 2008 CF 712, [2009] 2 R.C.F. 3, confirmée par la Cour d’appel fédérale par 2009 CAF 142. Nous sommes d’avis que l’appel devrait être rejeté, mais pas pour les motifs exposés par le juge de première instance.

[5]        L’arrêt Unicrop Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 55 (Unicrop), où la Cour a statué que le Bureau des brevets ne peut communiquer qu’avec le correspondant autorisé du demandeur et qu’un correspondant autorisé n’a cette qualité que lorsque les documents requis sont déposés auprès du Bureau des brevets, règle la présente affaire. L’acceptation de la taxe périodique payée par une autre personne que le correspondant autorisé d’un demandeur, que ce soit pendant la période de rétablissement ou non, ne rétablit pas une demande de brevet. Contrairement à ce qu’a dit le juge de première instance, l’acceptation de cette taxe par le Bureau des brevets n’a créé aucun droit et son remboursement n’a éteint aucun droit. Si cette opinion du juge de première instance prévalait, des droits pourraient être créés ou éteints, indépendamment du régime législatif applicable, par suite d’erreurs administratives commises par le Bureau des brevets.

[6]        Il ne convenait pas qu’Excelsior s’appuie sur la décision rendue par la Cour fédérale dans Sarnoff. En rejetant l’appel interjeté à l’encontre de cette décision, la Cour d’appel fédérale a dit [au paragraphe 1] : « nous ne sommes pas convaincus que la conclusion de fait du juge des requêtes selon laquelle le Bureau des brevets “devait avoir en sa possession un avis de nomination de coagent” était manifestement erronée ». La Cour fédérale s’était fondée dans cette affaire sur le fait que le Bureau des brevets avait en sa possession un document nommant un coagent lorsqu’il avait accepté la taxe périodique payée par celui‑ci. Les autres remarques de la Cour ont été formulées de manière incidente et, bien qu’elles traduisent incontestablement l’opinion éclairée d’un juge expérimenté, elles ne constituent pas un exposé du droit applicable.

[7]        Excelsior prétend également que la poursuite d’une demande de brevet est différente de son maintien en état et que les deux processus sont traités ainsi dans la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4, et les Règles sur les brevets, DORS/96‑423 (les Règles). Or, lorsque la définition de « correspondant autorisé » à l’article 2 des Règles est lue conjointement avec l’article 20 et le paragraphe 6(1) des Règles, il ne fait aucun doute que le correspondant autorisé qui est nommé aux fins de la poursuite de la demande est nommé également aux fins de son maintien en état.

[8]        Enfin, il n’y a aucune raison d’invoquer la compétence en equity de la Cour fédérale en l’espèce. Il s’agit simplement d’une autre décision où les précautions les plus élémentaires n’ont pas été prises au moment où un mandat en matière de brevet a été accepté. Les résultats, bien que malheureux, n’exigent pas l’application de la doctrine de la levée de la déchéance, laquelle ne s’applique pas de toute façon aux délais prévus par la loi : voir F. Hoffmann‑La Roche AG c. Canada (Commissaire aux brevets), 2005 CAF 399.

[9]        L’appel sera rejeté avec dépens.

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