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2004 CAF 248

A-524-03

A-540-03

Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (appelant) (intervenant)

c.

Shirley Choken, Myles Sinclair, Wilfred Marsden et Jerry Marsden (intimés) (demandeurs)

et

Bande indienne de Lake St. Martin (intimée)

et

Peace Hills Trust Company et Banque canadienne impériale de commerce et Andrew Alkier (tiers-saisis)

Répertorié: Choken c. Bande indienne de Lake St. Martin (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Décary, Létourneau et Pelletier, J.C.A.--Winnipeg, 1er juin; Ottawa, 28 juin 2004.

Couronne -- Créanciers et Débiteurs -- Appel d'une ordonnance d'un juge de la Cour fédérale que le séquestre-administrateur (administrateur) paie aux intimés la dette constatée par jugement de la bande suite à une sentence arbitrale de congédiement injuste -- La bande et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ont signé une entente globale de financement (EGF) pour offrir des programmes et services aux membres de la bande -- Les fonds prévus dans l'entente ont été versés à l'administrateur en vertu de l'entente d'administration par tierce partie (EATP), qui prévoyait que l'administrateur était chargé d'exécuter les obligations prévues dans l'EGF -- Tant par son libellé que par son objectif, l'EATP prévoit que les fonds détenus par l'administrateur conservent leur statut de fonds publics, au moins jusqu'à ce qu'ils aient été utilisés aux fins expressément prévues dans l'EATP, et en tant que tels ils échappent à toute ordonnance de saisie-arrêt, sauf disposition législative expresse à l'effet contraire -- Les fonds détenus par l'administrateur ne constituent pas une créance échue due à la bande, au sens de la règle 449 des Règles de la Cour fédérale (1998) -- Appel accueilli sans dépens.

Pratique -- Jugements et Ordonnances -- Exécution -- Saisie-arrêt -- Appel d'une ordonnance que le séquestre- administrateur (administrateur) paie aux intimés la dette constatée par jugement de la bande suite à une sentence arbitrale de congédiement injuste déposée en Cour fédérale en vertu de la règle 424 des Règles de la Cour fédérale (1998) -- L'administrateur détient les fonds versés en vertu de l'entente globale de financement aux fins des programmes et services du Ministère offerts aux membres de la bande -- Sens à donner à l'expression «créances échues ou à échoir» de la règle 449(1)a)(i) -- Les fonds publics échappent à toute ordonnance de saisie-arrêt, sauf disposition législative expresse à l'effet contraire -- Les fonds détenus par l'administrateur conservent leur statut de «fonds publics» et ils ne peuvent faire l'objet d'une saisie-arrêt -- Même si les fonds en cause ne sont pas des fonds publics, ils ne constituent pas une créance échue due à la bande car elle n'a aucun droit inconditionnel à leur paiement.

Pratique -- Frais et dépens -- Appel de l'ordonnance d'un juge de la Cour fédérale octroyant les dépens nonobstant une entente qui serait intervenue entre les avocats pour renoncer aux dépens -- Il semble que c'est par inadvertance que le juge a accordé les dépens -- Appel accueilli sans dépens.

L'appel principal visait une ordonnance d'un juge de la Cour fédérale ordonnant au tiers-saisi (Andrew Alkier, le séquestre-administrateur) de payer la dette constatée par jugement due aux intimés; l'autre appel portait sur l'octroi des dépens, nonobstant une entente qui serait intervenue entre les avocats pour renoncer aux dépens. Les intimés étaient des anciens employés de la bande indienne de Lake St. Martin. Par suite d'une décision portant qu'ils avaient été congédiés injustement, rendue par un arbitre en vertu du Code canadien du travail, la bande avait une dette constatée par jugement à leur égard en vertu de la règle 424 des Règles de la Cour fédérale (1998).

Le 1er avril 2003, la bande et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ont signé une entente globale de financement (EGF). En vertu de cette entente, des fonds devaient être versés au conseil de bande qui devait offrir des programmes et services du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aux membres de la bande. Le gouverneur en conseil étant convaincu que des manoeuvres frauduleuses mettaient en doute l'intégrité de l'élection tenue le 11 juillet 2002, le Ministère a décidé de nommer un séquestre- administrateur pour gérer les fonds. Cet administrateur, nommé en vertu de l'entente d'administration par tierce partie (EATP), était chargé d'exécuter les obligations en vertu de l'EGF.

La question principale en litige consistait à déterminer si les sommes versées par le ministre au séquestre-administrateur, et détenues par celui-ci dans un compte bancaire aux fins de la gestion des programmes et services du Ministère offerts aux membres de la bande, pouvaient faire l'objet d'une saisie-arrêt au bénéfice d'un créancier judiciaire de la bande. L'autre question en litige consistait à faire déterminer si le juge aurait dû ordonner les dépens.

Arrêt: L'appel portant le numéro de dossier A-524-03 et l'appel portant le numéro de dossier A-540-03 devraient être accueillis sans dépens.

Le juge a commis une erreur de droit en interprétant l'EGF et l'EATP, ainsi qu'en décidant que les sommes détenues dans le compte du séquestre-administrateur étaient «des créances échues ou à échoir» de la bande au sens du sous-alinéa 449(1)a)(i) des Règles de la Cour fédérale (1998). Les termes «créances échues ou à échoir», pris dans le contexte d'une procédure de saisie-arrêt, s'appliquent à une somme d'argent qui est exigible ou qui le deviendra dans l'avenir par suite d'une obligation existante et certaine et dont on peut obtenir le paiement immédiatement ou plus tard par voie d'action. Les fonds publics échappent à toute ordonnance de saisie-arrêt, sauf disposition législative expresse à l'effet contraire. En l'instance, les fonds avancés par le ministre au séquestre-administrateur et détenus par ce dernier dans son compte ont conservé leur statut de fonds publics. Ils ne pouvaient donc faire l'objet d'une saisie-arrêt. Tant par son libellé que par son objectif, l'EATP est fondée sur cette prémisse. La bande n'était pas partie à l'EATP. Les fonds étaient détenus par l'administrateur en fiducie aux fins prévues dans l'EATP et ont conservé leur statut de fonds publics, au moins jusqu'à ce qu'ils aient été utilisés par l'administrateur aux fins expressément prévues dans l'EATP. Tout excédent devait être remis au ministre. De plus, l'EATP prévoyait que l'administrateur «n'accepte aucune responsabilité pour les actions du conseil [. . .] qui se sont produites avant la date de la signature» de l'EATP. Même si l'on concluait que les fonds en cause n'étaient plus des fonds publics, ils ne constituaient pas une créance échue due à la bande, au sens de la règle 449. La documentation démontre clairement que la bande n'avait aucun droit inconditionnel aux fonds en cause. Finalement, le fait qu'un créancier de la bande puisse obtenir la saisie-arrêt du compte bancaire de l'administrateur est incompatible avec l'une des fonctions principales du séquestre-administrateur, à savoir de préparer un plan de réduction de la dette.

S'agissant de la question des dépens, il semble que c'est par inadvertance que le juge a accordé les dépens. L'appel à cet égard est donc accueilli, ce qui respecte la volonté des parties.

lois et règlements

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.

Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), 29 (mod. par L.C. 2001, ch. 4, art. 49).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 397, 424, 449.    

jurisprudence

décisions citées:

Central Capital Corp. (Re) (1996), 27 O.R. (3d) 494; 132 D.L.R. (4th) 223; 26 B.L.R. (2d) 88; 38 C.B.R. (3d) 1; 88 O.A.C. 161 (C.A.); Ross c. HVLD Systems (1997) Ltd. (1999), 170 D.L.R. (4th) 600; 172 Sask. R. 261 (C.A.); Bank of Montreal v. I.M. Krisp Foods Ltd. (1996), 140 D.L.R. (4th) 33; [1997] 1 W.W.R. 209; 148 Sask. R. 135; 6 C.P.C. (4th) 90 (C.A. Sask. ); Siegner v. Pettipas (2000), 191 Nfld. & P.E.I.R. 170 (C.S. (1re inst.) Î.-P.-E.); Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85; (1990), 71 D.L.R. (4th) 193; [1990] 5 W.W.R. 97; 67 Man. R. (2d) 81; [1990] 3 C.N.L.R. 46; 110 N.R. 241; 3 T.C.T. 5219; Air Canada c. M & L Travel Ltd., [1993] 3 R.C.S. 787; (1993), 15 O.R. (3d) 804; 108 D.L.R. (4th) 592; 50 E.T.R. 225; 159 N.R. 1; 67 O.A.C. 1.

doctrine

Black's Law Dictionary, 7th ed. St. Paul, Minn.: West Group, 1999.

Canadian Law Dictionary, 5th ed. Hauppauge, N.Y.: Barron's, 2003.

Dictionary of Canadian Law, 2nd ed. Toronto: Carswell, 1995.

Dictionnaire de droit québécois et canadien avec lexique anglais-français, 2e tirage. Montréal: Wilson & Lafleur, 1996.

Hogg, Peter W. et Patrick J. Monahan. Liability of the Crown, 3rd ed. Toronto: Carswell, 2000.

Sgayias, D. et al. The Annotated 1995 Crown Liability and Proceedings Act. Toronto: Carswell, 1994.

Stroud's Judicial Dictionary of Words and Phrases, 6th ed. London: Sweet & Maxwell, 2000.

Termes et locutions définis par les tribunaux canadiens. Toronto: Carswell, 1993 (supplément 1998).

Words and Phrases Legally Defined, 3rd ed. London: Butterworths, 1989.

APPELS d'une ordonnance d'un juge de la Cour fédérale ([2004] 1 R.C.F. 604; [2004] 1 C.N.L.R. 73; (2003), 241 F.T.R. 269) ordonnant au tiers-saisi (le séquestre-administrateur) de payer la dette constatée par jugement due par la bande aux intimés et octroyant les dépens, nonobstant une entente qui serait intervenue entre les avocats pour renoncer aux dépens. Appels accueillis.

ont comparu:

Darrin R. Davis et Marlaine Anderson-Lindsay, pour l'appelant (intervenant).

Harvey I. Pollock, c.r., et Wayne P. Forbes, pour les intimés (demandeurs).

Aucune comparution pour l'intimée Bande indienne Lake St. Martin.

Aucune comparution pour le tiers-saisi Peace Hills Trust Company.

Aucune comparution pour le tiers-saisi Banque canadienne impériale de commerce.

Harley I. Schachter, pour le tiers-saisi Andrew Alkier.

avocats inscrits au dossier:

Le sous-procureur général du Canada, pour l'appelant (intervenant).

Pollock & Company, Winnipeg, pour les intimés (demandeurs).

Taylor McCaffrey LLP, Winnipeg, pour le tiers-saisi Banque canadienne impériale de commerce.

Duboff, Edwards, Haight & Schachter, Winnipeg, pour le tiers-saisi Andrew Alkier.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Décary, J.C.A.: La question principale en litige consiste à déterminer si les sommes versées par le ministre (le ministre) du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le Ministère) à un séquestre- administrateur (l'administrateur) et détenues par celui-ci dans un compte bancaire aux fins de la gestion des programmes et services du Ministère offerts aux membres de la bande indienne de Lake St. Martin (la bande), peuvent faire l'objet d'une saisie-arrêt au bénéfice d'un créancier judiciaire de la bande. En d'autres mots, les sommes versées par le ministre et détenues par l'administrateur dans son compte bancaire constituent-elles des «créances échues ou à échoir» de la bande qui peuvent faire l'objet d'une saisie-arrêt au bénéfice d'un créancier judiciaire de la bande en vertu de la règle 449 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106]. L'autre question en litige consiste à faire déterminer si le juge de la Cour fédérale aurait dû ordonner les dépens. Le jugement contesté est publié à [2004] 1 R.C.F. 604 (C.F).

Les faits

[2]Les intimés Choken, Sinclair, Marsden et Marsden (les intimés) sont tous des anciens employés de la bande. Par suite d'une décision portant qu'ils avaient été congédiés injustement, rendue par un arbitre en vertu du Code canadien du travail [L.R.C. (1985), ch. L-2], la bande leur doit approximativement 90 000 $. Les sommes dues ayant été réclamées en vertu de la règle 424 des Règles de la Cour fédérale (1998), elles constituent une dette constatée par jugement.

[3]Le 1er avril 2003, la bande et le ministre ont signé une entente globale de financement (EGF). En vertu de cette entente, des fonds devaient être versés par le ministre au conseil de bande qui, au nom du Ministère, devait offrir des programmes et services aux membres de la bande. Je reviendrai sur l'EGF plus tard.

[4]Étant convaincu que des manoeuvres frauduleuses mettaient en doute l'intégrité de l'élection tenue le 11 juillet 2002, le gouverneur en conseil a annulé l'élection par décret en date du 1er mai 2003, C.P. 2003-604 (D.A., à la page 282).

[5]Le 7 mai 2003, le Ministère a avisé les membres de la bande qu'il [traduction] «se préparait à nommer un séquestre-administrateur pour gérer les fonds réservés au bénéfice [de la bande]». En l'absence d'un chef et d'un conseil, le séquestre-administrateur était [traduction] «chargé d'exécuter les obligations en vertu de l'entente globale de financement jusqu'à nouvel ordre». La lettre ajoute aussi que [traduction] «le Ministère n'assumera aucune responsabilité pour tout retrait non autorisé à même les comptes bancaires [de la bande]» (D.A., à la page 286).

[6]Le 12 mai 2003, M. Andrew Alkier (l'administrateur ou le tiers-saisi) a été nommé séquestre- administrateur suite à l'entente d'administration par tierce partie (EATP) conclue entre lui et le Ministère. (L'EATP est restée en vigueur après qu'on eut élu un chef et un conseil, mais il est convenu entre les parties que ce fait n'a aucun impact sur l'instance présente.) Je reviendrai sur l'EATP plus tard.

[7]Les fonds versés par le Ministère à l'administrateur ont été placés par ce dernier dans un compte ouvert à la Banque canadienne impériale de commerce (la CIBC), en sa capacité de séquestre-administrateur. La bande avait aussi un compte à la CIBC. Le compte de la bande était très peu garni et il n'est pas en cause. Par contre, à toutes les époques pertinentes en l'espèce, le solde dans le compte de l'administrateur était supérieur à la dette constatée par jugement.

[8]Le 7 août 2003, une protonotaire a notamment ordonné que «toutes les créances échues ou à échoir dont la CIBC [. . .] est redevable à Andrew C. Alkier [. . .] en qualité de tiers administrateur du débiteur judiciaire [la bande] [. . .] et en dépôt ou dues et payables par la CIBC à Andrew C. Alkier [. . .] en sa qualité de tiers administrateur du débiteur judiciaire, soient saisies- arrêtées pour le paiement de la créance de 89 897,69 $ [. . .] [due aux intimés]» (D.A., à la page 11). L'ordon-nance a été rendue ex parte et sans comparution en personne, conformément à la règle 449.

[9]Le tiers-saisi a comparu à une audience de justification tenue devant un juge de la Cour fédérale (le juge). Le 31 octobre 2003, le juge a ordonné au tiers-saisi de payer la dette constatée par jugement due aux intimés. Il a conclu que les fonds versés par le ministre à l'administrateur n'étaient pas demeurés des fonds de la Couronne, mais qu'ils étaient devenus des fonds auxquels la bande avait légalement droit au paiement sans condition, d'où le présent appel. Il a aussi octroyé les dépens, fixés à 1 500 $, nonobstant une entente qui serait intervenue entre les avocats à l'audience pour renoncer mutuellement aux dépens.

[10]En toute déférence, je suis arrivé à la conclusion que le juge a commis une erreur de droit en interprétant l'entente globale de financement et l'entente d'administration par tierce partie, ainsi qu'en décidant que les sommes détenues dans le compte du séquestre-administrateur étaient «des créances échues ou à échoir» de la bande au sens du sous-alinéa 449(1)a)(i) des Règles.

La règle pertinente

[11]Le sous-alinéa 449(1)a)(i) des Règles est rédigé comme suit:

449. (1) Sous réserve des règles 452 et 456, la Cour peut, sur requête ex parte du créancier judiciaire, ordonner:

a) que toutes les créances suivantes du débiteur judiciaire dont un tiers lui est redevable soient saisies-arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement:

(i) les créances échues ou à échoir dont est redevable un tiers se trouvant au Canada,

La politique d'administration par tierce partie

[12]Le Ministère décide de quelle façon et par quel mécanisme il offrira les programmes et services aux Indiens avec les fonds publics votés par le Parlement qui lui sont remis à cette fin. C'est le Ministère qui conçoit et met sur pied les programmes et services à fournir.

[13]Ces fonds publics sont généralement remis au conseil de bande, représentant la bande, pour le bénéfice des membres. Le Ministère et le conseil concluent une entente globale de financement. En vertu de l'EGF, les fonds sont transférés par le ministre au conseil, qui offre, au nom du Ministère, les programmes et services du Ministère destinés aux membres de la bande.

[14]Toutefois, lorsque les circonstances justifient la nomination d'un séquestre-administrateur, le Ministère offre ses programmes et services par l'entremise de cet administrateur (une société privée ou un groupement de personnes). Le rôle de cet administrateur se limite à la gestion des programmes et services offerts aux membres de la bande (affidavit de Myles Thorsteinson, D.A., aux pages 254 à 262).

[15]Le Ministère a adopté une politique (la politique) portant sur les séquestre-administrateurs (D.A., aux pages 263 à 281). Cette politique constitue la partie 5 du Guide des politiques et des procédures financières du Ministère.

[16]Bien sûr, cette politique n'est pas exécutoire en soi. Toutefois, elle se reflète dans une large mesure dans le libellé de l'EATP et de l'EGF et elle lie donc, à toutes fins pratiques, les parties aux ententes. Je note aussi qu'à l'alinéa 5.1b) de l'EATP, le ministre assume l'obligation, «à la demande de l'administrateur [de] fournir toute politique de gestion financière, toute information ou toute ligne directrice publiques produites par le ministre et qui se rapportent au financement prévu dans cette entente» (D.A., à la page 148). En conséquence, il est utile de citer certains des passages les plus pertinents de la politique:

5.0     Définitions

[. . .]

5.8     Séquestre-administrateur (administrateur): tierce partie nommée par le Ministre pour administrer, en totalité ou en partie, les fonds et les obligations du Conseil découlant d'une entente de financement.

6.0     Énoncé de politique

6.1     Le Conseil est responsable de la prestation des programmes et des services visés par l'entente de financement et il doit déployer tous les efforts raisonnables possibles pour s'acquitter de cette responsabilité.

6.2     Les conditions de l'entente de financement précisent les situations qui constituent un manquement aux obligations et les mesures correctives pouvant être prises par le Ministre. Ce dernier intervient en nommant un administrateur afin de protéger les fonds publics, d'assurer la prestation d'un (ou de l'ensemble) des services essentiels ou de respecter l'obligation de rendre compte du Ministre.

6.3     La nomination d'un administrateur est considérée comme une intervention de haut niveau et comme une situation temporaire, pendant que le Conseil règle le problème ayant causé le manquement à son entente de financement, ou qu'il négocie une telle entente [lorsqu'un administrateur est nommé parce que le Conseil n'a pas encore signé d'entente de financement]. Les contrôles exercés par l'administrateur doivent être appliqués conformément au processus établi dans la politique du Ministre sur les interventions.

6.4     Cette politique concerne la nomination d'un administrateur, ce qui constitue la plus haute forme d'intervention dans les affaires d'un Conseil. Elle est conçue de façon à assurer l'uniformité des opérations régionales et à faciliter la mise en place d'un processus continu de surveillance, pour en améliorer l'efficacité. En grande partie, ce niveau d'intervention permet de travailler de façon ordonnée avec le Conseil, par l'entremise de l'administrateur, dans le but de développer ses capacités jusqu'au point où une intervention de l'extérieur n'est plus nécessaire, ou presque. La gestion par un administrateur offre un cadre pour la prise de mesures de redressement et pour l'apport d'aide spécialisée pouvant permettre au Conseil d'améliorer ses capacités et de reprendre la prestation des programmes et services.

Le Ministre s'engage à atteindre cet objectif. Par l'entremise de l'administrateur, il travaillera avec le Conseil, la collectivité et, au besoin, avec des parties de l'extérieur comme des établissements financiers afin de favoriser le retour des responsabilités au Conseil. De plus, le Ministre respectera les principes de la transparence et de la divulgation de l'informa-tion. En travaillant ensemble dans le cadre d'une relation respectueuse, l'intervention de gestion par un administrateur devrait permettre de rétablir la stabilité au plan de la prestation des programmes et des services.

[. . .]

9.0     Gestion de l'entente de financement avec le Conseil

[. . .]

9.4     L'entente de financement ne sera pas modifiée afin d'y joindre la nomination d'un administrateur ou d'y donner effet. L'entente de gestion par un administrateur est conclue entre l'administrateur et le Ministre et il n'est pas nécessaire que le Conseil soit partie à cette entente. Le financement prévu par l'entente de financement entre le Conseil et le Ministre est alors versé à l'administrateur.

[. . .]

10.0     Gestion d'une entente de financement Canada--Premières nations

[. . .]

10.4     En raison de la nature globale du financement offert dans le cadre d'une EFCPN, on s'attend à ce que l'administrateur se charge d'administrer tous les services ainsi financés, décrits dans les annexes de l'EFCPN, tant qu'on ne met pas fin à cette entente en vertu de l'article 10.1.

[. . .]

11.2     Financement de l'administrateur

11.2.1     Les programmes et services que l'administrateur doit administrer sont offerts aux membres de la collectivité du Conseil et, à ce titre, l'entente de gestion par un administrateur sera gérée comme un paiement de transfert et financée dans le cadre du Crédit 15, Financement de subventions et contributions.

11.2.2     L'entente de gestion par un administrateur doit respecter les lignes directrices de la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor.

[. . .]

11.3     Rôles et responsabilités de l'administrateur

11.3.1     L'administrateur doit:

a)     administrer, en tout ou, selon la durée de sa nomination, en partie, les conditions de l'entente de financement;

b)     aider le Conseil à rembourser ses dettes afin qu'il puisse reprendre ses responsabilités de prestation et de gestion de programmes, y compris l'établissement et la mise en oeuvre du plan décrit en 11.4;

c)     jouer le rôle de facilitateur entre le Conseil et ses créanciers, afin de négocier des plans de remboursement.

[. . .]

11.3.3     Pendant la durée de l'entente de gestion par un administrateur, l'administrateur doit:

a)     tenir un compte dans l'établissement financier où le Conseil a obtenu ses principales activités de financement [. . .] Il doit s'agir d'un compte en fiducie au nom de l'administrateur, portant expressément la mention «en fiducie» ( «compte de financement»), dans lequel seront déposés tous les fonds fournis par le Ministre.

[. . .]

11.4     Établissement du plan

[. . .]

11.4.3     L'administrateur établira un plan de réduction de la dette comprenant au moins:

a)     une liste suffisamment ancienne des comptes débiteurs et des comptes à payer, et la liste de toutes les dettes du Conseil [. . .]

b)     un calendrier proposé de remboursement de la dette faisant état des montants exigibles, des conditions et des obligations relatives aux paiements, de la source des fonds qui seront utilisés pour réduire la dette, ainsi que des conditions de la renégociation de la dette que l'administrateur recommande [. . .] Les facteurs et les circonstances entourant la dette doivent être pris en considération pour que les créanciers soient traités de manière juste et équitable [. . .]

c)     des réunions projetées avec le Conseil et ses créanciers pour faciliter les discussions sur le remboursement et la renégociation de la dette.

[. . .]

11.5     Responsabilité liée au remboursement de la dette

11.5.1     L'administrateur doit indiquer clairement aux créanciers que ni lui ni le Ministre n'est responsable du remboursement de la dette au Conseil et que le remboursement de cette dette n'oblige pas le Ministre ou la Couronne à payer toute dette actuelle ou future du Conseil, ou à en accepter la responsabilité.

[. . .]

11.6     Programmes et services que l'administrateur administre

11.6.1     À tout le moins, l'administrateur devra administrer tous les programmes et services décrits dans l'entente de financement [. . .]

[. . .]

13.0     Responsabilités de l'administrateur envers les employés

[. . .]

13.7     L'administrateur n'est pas responsable pour les dettes du Conseil, y compris les dettes provenant de salaires non payés.

[. . .]

18.0     Résiliation d'une entente de gestion par un administrateur

[. . .]

18.2     À la résiliation de l'entente de gestion par un administrateur, l'administrateur doit:

a)     remettre au Ministre tous les fonds excédentaires liés aux programmes et le solde du compte de financement sans tarder [. . .] [D.A., aux pages 263 à 277; non souligné dans l'original.]

L'entente globale de financement

[17]Voici les extraits pertinents de ce texte:

ATTENDU que le Ministre verse des fonds pour la prestation des programmes et des services pour le bénéfice des membres représentés par le Conseil.

ATTENDU que le Conseil dépense les fonds pour la prestation des programmes et des services pour le compte des membres qu'il représente.

[. . .]

2.0     MONTANT DE L'ENTENTE

2.1     Le Ministre consent à verser la somme prévue dans la Partie D--Budgets des programmes, autorisations et plan de dépenses mensuel (bilan des liquidités-- Codification détaillée par entente) conformément aux conditions de la présente entente.

[. . .]

    PARTIE A

DÉFINITIONS

[. . .]

SÉQUESTRE-ADMINISTRATEUR

Tiers nommé par le Ministre pour administrer le financement qui serait autrement versé au Conseil, pour remplir en tout ou en partie les obligations du Conseil en vertu de la présente entente.

[. . .]

    PARTIE B

CONDITIONS GÉNÉRALES

[. . .]

2.0     MODALITÉS DE PAIEMENT

[. . .]

2.2     Paiements comptants

2.2.1     Le Ministre doit effectuer les paiements, en vertu de la politique fédérale de gestion de la trésorerie, en se basant sur les montants annuels déterminés dans la Partie D--Budgets des programmes, autorisations et plan de dépenses mensuelles. Le Conseil peut, au besoin, proposer des changements à apporter au plan de dépenses mensuelles, ces changements prendront effet dans un délai de trente (30) jours suivant la date de l'approbation mutuelle du Conseil et du Ministre.

2.2.2     Conformément à l'article 40 de la Loi sur la gestion des finances publiques, le financement des services prévus par cette entente est assujetti à l'affectation de crédits par le Parlement en ce qui concerne les programmes et services précis décrits dans cette entente.

[. . .]

2.3     Excédents et déficits

2.3.1     Pour chaque programme ou service faisant l'objet de contributions, d'après la Partie D--Budgets des programmes, autorisations et plan de dépenses mensuelles:

a)     le Conseil doit rembourser au Ministre tout excédent. Lorsque le financement provient de plusieurs sources, le Conseil doit rembourser le MAINC une part égale à la contribution que celui-ci lui a accordée pour le programme ou le service; et

[. . .]

4.0     MANQUEMENT ET MESURES DE REDRESSEMENT

[. . .]

4.3     Nonobstant la section 4.2, en cas de manquement du Conseil aux termes de la présente entente, le Ministre peut adopter l'une ou l'autre des mesures de redressement suivantes qu'il estimera raisonnablement nécessaires, compte tenu de la nature et de l'importance du manquement:

[. . .]

c)     désigner, sur avis au Conseil, un séquestre- administrateur pour celui-ci [. . .]

[. . .]

6.0     OBJET DE L'ENTENTE

6.1     La présente entente ne porte que sur le financement et la prestation de services conformément aux conditions mentionnées dans celle-ci [. . .] [D.A., aux pages 160 à 170; non souligné dans l'original.]

Parmi les programmes et services décrits dans l'EGF, aucun ne mentionne le paiement des dettes de la bande.

L'entente d'administration par tierce partie

[18]Les dispositions pertinentes sont rédigées comme suit:

ENTRE:

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

    (ci-après appelée le «Ministre»)

ET:

ANDREW C. ALKIER, CMC, qui fournit les services au nom de la PREMIÈRE NATION DE LAKE ST. MARTIN, une «bande» au sens de la Loi sur les Indiens,

    (ci-après appelé l' «Administrateur»)

ATTENDU QUE:

[. . .]

H.     Le Ministre a désigné l'Administrateur pour administrer, en totalité ou en partie, les fonds qui seraient autrement versés au Conseil et pour respecter les obligations du Conseil conformément à l'EGF [. . .]

[. . .]

2.0     PROGRAMMES ET SERVICES

2.1     L'Administrateur accepte:

a)     d'offrir, au nom du Conseil, les programmes et services prévus à la Partie D--Budgets de programmes, autorisations et plan de dépenses mensuel de l'Entente globale de financement en conformité avec les conditions de l'Entente globale de financement [. . .]

b)     d'administrer et de gérer sainement, conformé-ment aux normes applicables à un gestionnaire professionnel et prudent, tous les fonds versés par le Ministre conformément à la présente entente [. . .] et de rendre compte au Ministre de l'utilisation des fonds avancés et des résultats obtenus en matière de prestation de programmes et services aux membres du Conseil.

[. . .]

4.0     FINANCEMENT

4.1     Paiements en espèces

4.1.1     Le Ministre versera des paiements à l'Administrateur en conformité avec la Politique de gestion de la trésorerie du gouvernement fédéral, selon les montants prescrits à la Partie D--Budgets des programmes, autorisations et plan de dépenses mensuel de l'Entente globale de financement.

[. . .]

4.1.3     Le Ministre doit aviser l'Administrateur le plus tôt possible de toute dépense figurant dans les rapports de l'Administrateur qu'il considère inacceptable ou non conforme aux politiques qu'il a approuvées.

4.1.4     Le Ministre peut retenir dix pour cent (10 %) du paiement final et complet des honoraires de l'Administrateur dans le cadre de cette entente jusqu'à ce que ce dernier ait respecté, à la satisfaction du Ministre, telle que confirmée par écrit, toutes les exigences de cette entente relatives aux rapports [. . .]

4.1.5     Sous réserve de 4.1.6, et nonobstant toute disposition au contraire de l'Entente globale de financement, tout excédent, au sens de l'Entente globale de financement, ou tout autre montant que l'administrateur doit remettre au Ministre constitue une dette à rembourser [. . .]

4.1.6     Nonobstant toute disposition contraire dans l'Entente globale de financement, l'Administrateur doit déposer toute somme excédentaire, au sens de l'Entente globale de financement dans un compte productif d'intérêts jusqu'à ce que le Ministre l'instruise sur l'utilisation de ces fonds.

[. . .]

5.0     OBLIGATIONS DU MINISTRE

5.1     Le Ministre doit:

a)     transférer à l'Administrateur le financement nécessaire à la gestion des programmes et services dont il est question dans cette entente. Celui-ci détiendra ces fonds en fiducie aux fins prévues dans cette entente sous réserve de ses conditions applicables;

b)     à la demande de l'Administrateur, fournir toute politique de gestion financière, toute information ou toute ligne directrice publiques produites par le Ministre et qui se rapportent au financement prévu dans cette entente.

[. . .]

6.0     OBLIGATION DE L'ADMINISTRATEUR

6.1     Financement

6.1.1     L'Administrateur doit:

a)     accepter le financement transféré par le Ministre sous réserve des conditions de cette entente et utiliser ces fonds uniquement aux fins qui y sont expressément décrites;

b)     assurer toutes les obligations du Conseil prévues dans l'Entente globale de financement, comme si l'Administrateur l'avait signée, et respecter ces obligations conformément aux conditions qui y sont décrites, telles que modifiées par les conditions de cette entente;

c)     prendre soin de ne dépasser aucun montant du budget approuvé par le Ministre sans avoir obtenu au préalable son consentement écrit;

d)     payer tous les comptes des programmes et services à leur échéance;

e)     ne pas confondre les fonds fournis en vertu de la présente entente avec des fonds provenant du Conseil ou de toute personne, agence gouvernementale ou entité qui n'est pas partie à cette entente.

6.2     Compte de dépôt du financement

6.2.1     L'Administrateur doit établir en son nom un compte auprès d'une institution financière canadienne reconnue en précisant que ce compte, dans lequel doit être déposé tout le financement transféré par le Ministre conformément à cette entente, à l'exception des fonds excédentaires définis en 4.1.6, est détenu en fiducie.

6.3     Plan de gestion, plan de réduction de la dette et plan de redressement

6.3.1     L'Administrateur doit examiner les registres et dossiers du Conseil, informer de sa nomination comme administrateur l'établissement financier où le Conseil a obtenu ses principales facilités de crédit [. . .] et [. . .] soumettre l'approbation du Ministre:

[. . .]

b)     un plan de réduction de la dette comprenant:

(i)     une liste suffisamment ancienne des comptes à recevoir et des comptes à payer, et la liste de toutes les dettes ou tous les éléments de passif des opérations générales du Conseil [. . .]

notamment les montants, les modalités et les obligations de paiement, les modalités suivant lesquelles l'administrateur a provisoirement renégocié (sous réserve de l'autorisation du Ministre et du conseil) la dette ou propose de la renégocier, y compris un échéancier pour son remboursement, l'utilisation proposée des fonds excédentaires à cet égard et les détails relatifs aux réunions qu'il a organisées pour discuter avec le Conseil et ses créanciers; et

[. . .]

et l'administrateur doit mettre en oeuvre le budget et le plan des dépenses et s'y conformer dès que le Ministre l'a approuvé, et il doit prendre toutes les mesures raisonnables pour préparer la mise en oeuvre du plan de réduction de la dette et du plan de redressement dès qu'ils sont approuvés par le Ministre et il en assure la mise en oeuvre en totalité sur réception de l'approbation du Conseil. L'Administrateur obtiendra comme preuve de l'approbation du Conseil une résolution du Conseil de bande (RCB) signée par un nombre de conseillers équivalent au quorum [. . .]

[. . .]

6.6     Généralités

[. . .]

6.6.5     L'Administrateur assume les obligations associées au financement et à l'administration des programmes et services au profit des membres du Conseil, comme il est prévu dans cette entente. L'Administrateur n'accepte aucune responsabilité pour les actions du Conseil ou de tout employé du Conseil qui se sont produites avant la date de la signature de cette entente, qui comprennent, sans limiter la généralité de ce qui précède, les dettes actives encourues par tout employé du Conseil ou par le Conseil lui-même, ni pour les actions du Conseil qui se produiront ultérieurement et qui n'ont pas été approuvées ou autorisées par lui.

[. . .]

14.0     GÉNÉRALITÉS

[. . .]

14.4     Les parties reconnaissent que l'Administrateur n'est ni un employé ni un serviteur ou un agent du Ministre et l'Administrateur ne doit pas non plus se présenter comme tel dans une entente qu'il conclut avec une tierce partie. [D.A., aux pages 144 à 154; non souligné dans l'original.]

Analyse

[19]Les avocats et le juge ont examiné, appliqué ou distingué diverses décisions qui ne lient pas notre Cour. Aucune de ces décisions, de l'aveu même des avocats, ne porte directement sur la question en l'espèce. Je considère que cette jurisprudence n'est pas très utile, étant donné que la question qui nous est posée doit recevoir une réponse au vu des ententes pertinentes. Je m'empresse d'ajouter que ces motifs ne traitent pas du statut des fonds qui se trouveraient dans le compte d'une bande pour laquelle on n'a pas nommé de séquestre-administrateur.

-- Créances échues ou à échoir

[20]Il est raisonnable de dire que les termes «créances échues ou à échoir», pris dans le contexte d'une procédure de saisie-arrêt, s'appliquent à une somme d'argent qui est exigible ou qui le deviendra dans l'avenir par suite d'une obligation existante et certaine et dont on peut obtenir le paiement immédiatement ou plus tard par voie d'action (voir John A. Yogis, Canadian Law Dictionary, 5e éd. (Hauppauge, N.Y.: Barron's, 2003) à la page 74; Termes et locutions définis par les tribunaux canadiens (Toronto: Carswell, 1993) (suppl. 1998), à la page 217; Daphne A. Dukelow et Betsy Nuse, Dictionary of Canadian Law, 2e éd. Toronto: Carswell, 1995), à la page 301; Words and Phrases Legally Defined, 3e éd. (Londres: Butterworths, 1989) vol. 2, à la page 21; Stroud's Judicial Dictionary of Words and Phrases, 6e éd. (Londres: Sweet & Maxwell, 2000) , vol. 1, à la page 612; Black's Law Dictionary, 7e éd. (St. Paul, Minn.: West Group, 1999), à la page 410; Central Capital Corp. (Re) (1996), 27 O.R. (3d) 494 (C.A.), aux pages 531 et 532; Ross v. HVLD Systems (1997) Ltd. (1999), 170 D.L.R. (4th) 600 (C.A. Sask.); Bank of Montreal v. I.M. Krisp Foods Ltd. (1996), 140 D.L.R. (4th) 33 (C.A. Sask.); Siegner v. Pettipas (2000), 191 Nfld. & P.E.I.R. 170 (C.S. 1re inst. Î.-P.-É.)).

[21]Même si la version française de la règle 449 utilise une terminologie «positive», à savoir «créances échues ou à échoir», selon moi elle a le même sens que la version anglaise. Selon le Dictionnaire de droit québécois et canadien avec lexique anglais-français, 2e tirage (Montréal: Wilson et Lafleur, 1996), à la page 149, une «créance» est «un droit personnel en vertu duquel une personne, appelée créancier, peut exiger d'une autre, appelée débiteur, l'exécution d'une obligation, le paiement d'une dette».

[22]Par conséquent, je partage l'avis du juge de la Cour fédérale lorsqu'il déclare, au paragraphe 38 de ses motifs, que l'existence d'une créance est subordonnée au fait que le créancier a «légalement droit au paiement sans condition».

-- Les fonds en cause sont-ils des fonds publics?

[23]Il est bien établi en droit que les fonds publics échappent à toute ordonnance de saisie-arrêt, sauf disposition législative expresse à l'effet contraire (voir l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, aux pages 116 à 118, la juge Wilson.; Hogg et Monahan, Liability of the Crown, 3e éd. (Toronto: Carswell, 2000), à la page 56). On a aussi fait remarquer que l'immunité prévue par la common law a été remplacée par l'immunité prévue à l'article 29 [mod. par L.C. 2001, ch. 4, art. 49] de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif (L.R.C. (1985), ch. C-50, et modifications [art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21)]) (voir Sgayias D. et al., The Annotated 1995 Crown Liability and Proceedings Act (Toronto: Carswell, 1994), à la page 119).

[24]Cette immunité est pertinente lorsque, comme en l'espèce, la Couronne n'est pas le débiteur judiciaire, mais est peut-être un tiers ayant une dette envers le débiteur judiciaire. Si nous devons conclure que les fonds détenus par l'administrateur sont toujours des fonds publics, l'immunité de la Couronne interdirait toute saisie-arrêt de ces fonds.

[25]Tant par son libellé que par son objectif, il me semble que l'EATP est fondée sur la prémisse que les sommes versées dans le compte de l'administrateur conservent leur statut de fonds publics, au moins jusqu'à ce qu'ils aient effectivement été utilisés aux fins des programmes et services prévus dans l'EGF. Le statut des fonds qui ont été retirés du compte bancaire de l'administrateur n'est pas une question que j'ai à trancher en l'espèce et je ne ferai aucun commentaire à ce sujet.

[26]La bande n'est pas partie à l'EATP. L'administrateur administre les fonds qui seraient autrement versés au conseil en vertu de l'EGF (paragraphe H des attendus de l'EATP). Les fonds sont remis par le ministre à l'administrateur en vertu de l'EATP (alinéa 2.1b), paragraphe 4.1.1, alinéa 6.1.1a) et paragraphe 6.2.1). Les fonds sont détenus par l'administrateur «en fiducie aux fins prévues» dans l'EATP (alinéa 5.1a)) et l'administrateur ne peut établir un compte dans une banque reconnue qu'en précisant que «ce compte [. . .] est détenu en fiducie» (paragraphe 6.2.1). Tout excédent ou solde doit être remis au ministre (alinéa 11.2a)). Tout excédent ou tout autre montant que l'administrateur doit remettre au ministre constitue une «dette à rembourser» au ministre (paragraphe 4.1.5). L'administrateur doit déposer toute somme excédentaire «dans un compte productif d'intérêts jusqu'à ce que le ministre l'instruise sur l'utilisation de ces fonds» (paragraphe 4.1.6). L'administrateur peut «utiliser» ces fonds «uniquement aux fins qui [. . .] sont expressément décrites» dans l'EATP (paragraphe 6.1.1). Les comptes des programmes et services sont payables par l'administrateur uniquement «à leur échéance» (alinéa 6.1.1d)). L'administrateur «n'accepte aucune responsabilité pour les actions du conseil [. . .] qui se sont produites avant la date de la signature» de l'EATP «qui comprennent, sans limiter la généralité de ce qui précède, les dettes actives encourues [. . .] par le conseil lui-même» (paragraphe 6.6.5).

[27]Le terme «fiducie» que l'on trouve à l'alinéa 5.1a) et au paragraphe 6.2.1 de l'EATP doit être placé en contexte. L'EATP parle d'un «compte en fiducie», à savoir un compte établi par la première personne (l'administrateur) pour y détenir des fonds à l'usage de la deuxième personne (la bande). Le compte en fiducie a pour but d'éviter la confusion entre les fonds propres de l'administrateur et ceux versés par le ministre (voir l'alinéa 6.1.1e) de l'EATP). L'utilisation d'une fiducie n'est pas déterminative à l'égard du rapport entre la première personne et la seconde (voir Air Canada c. M & L Travel Ltd., [1993] 3 R.C.S. 787), mais elle tend à indiquer que le titulaire du compte ne réclame aucun intérêt personnel dans les fonds détenus. Ceci est cohérent avec le fait que les fonds conserveraient leur caractère de fonds publics, au moins jusqu'à ce qu'ils aient été utilisés par l'administrateur aux fins expressément prévues dans l'EATP (voir l'alinéa 6.1.1a)).

[28]Dans ces circonstances, les fonds avancés par le ministre à l'administrateur et détenus par ce dernier dans son compte conservent leur statut de fonds publics. Ils ne peuvent donc faire l'objet d'une saisie-arrêt.

-- La bande a-t-elle légalement droit au paiement sans condition?

[29]Même si l'on concluait que les fonds en cause ne sont plus des fonds publics, on ne pourrait conclure qu'ils constituent une créance échue due à la bande, au sens de la règle 449. La documentation démontre clairement que la bande n'a aucun droit inconditionnel aux fonds en cause. La bande n'a pas de contrat avec l'administrateur et elle n'a donc aucun droit contractuel d'exiger qu'il lui verse les fonds. C'est avec le ministre que la bande a un contrat. Le fait que les fonds doivent être dépensés au bénéfice des membres de la bande ne les transforme pas en créance.

[30]Finalement, l'idée même qu'un créancier de la bande puisse obtenir la saisie-arrêt du compte bancaire de l'administrateur est incompatible avec l'une des fonctions principales du séquestre-administrateur, à savoir de préparer un plan de réduction de la dette (paragraphe 6.3.1 de l'EATP). L'objectif même d'un plan de réduction de la dette, comme il ressort de l'alinéa 6.3.1b), est d'identifier les comptes à payer, les renégocier à la baisse et établir un échéancier de remboursement. Le fait d'autoriser un créancier à obtenir une saisie-arrêt du compte de l'administrateur et ainsi le plein paiement de sa créance en priorité rendrait illusoire et impraticable le plan de réduction de la dette et va à l'encontre du libellé de l'alinéa 11.4.3b) qui prévoit un effort pour «assurer que les créanciers soient traités de manière juste et équitable».

[31]Pour tous ces motifs, je suis arrivé à la conclusion que les fonds avancés par le ministre à l'administrateur, détenus par ce dernier dans un compte bancaire, ne peuvent faire l'objet d'une saisie-arrêt puisqu'ils ne constituent pas des «créances échues ou à échoir» de la bande aux fins de la règle 449. Par conséquent, j'accueillerais l'appel, sans dépens toutefois puisque ni l'appelant ni M. Alkier ne les ont réclamés.

[32]À l'audience, la Cour a soulevé une question de procédure. Si on y donne suite, l'instance introduite par les employés intimés serait viciée. La saisie-arrêt ordonnée par le protonotaire le 7 août 2003 visait «toutes les créances échues ou à échoir dont la CIBC [. . .] est redevable à Andrew C. Alkier [. . .] en qualité de tiers administrateur du débiteur judiciaire (la bande indienne de Lake St. Martin)» (D.A., à la page 104). Elle ne visait pas les créances qui auraient été dues ou à échoir dont M. Alkier aurait été redevable à la bande. En fait, M. Alkier n'est pas à proprement parler un tiers-saisi en l'espèce. Les avocats de toutes les parties ont demandé à la Cour de ne pas trancher l'appel sur cette question de procédure. Je suis d'accord, tout en concluant qu'il s'agit là d'un motif additionnel d'accueillir l'appel.

[33]S'agissant de la question des dépens, il semble que c'est par inadvertance que le juge de la Cour fédérale a accordé les dépens, nonobstant l'entente entre les avocats en fin d'audience pour y renoncer. L'appel à cet égard devrait donc être accueilli, ce qui respecte la volonté des parties. Je n'accorderais pas de dépens sur la question des dépens, puisqu'on aurait pu la soulever d'une façon moins formelle par voie de requête en réexamen en vertu de la règle 397.

Dispositif

[34]L'appel portant le numéro de dossier A-524-03 devrait être accueilli sans dépens, les décisions du juge de la Cour fédérale et de la protonotaire annulées, et une ordonnance délivrée portant que les fonds détenus par M. Alkier dans son compte de séquestre-administrateur à la Banque canadienne impériale de commerce ne peuvent faire l'objet d'une saisie-arrêt au bénéfice des employés intimés.

[35]L'appel portant le numéro de dossier A-540-03 devrait être accueilli sans dépens.

Le juge Létourneau, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

Le juge Pelletier, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.

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