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T-1180-04

2005 CF 420

Brian Murdoch (demandeur)

c.

Gendarmerie Royale du Canada (défenderesse)

et

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada (intervenant)

Répertorié: Murdoch c. Gendarmerie Royale du Canada (C.F.)

Cour fédérale, juge Noël--Edmonton, 15 mars; Ottawa, 29 mars 2005.

Protection des renseignements personnels -- Contrôle judiciaire de la décision du commissaire à la protection de la vie privée du Canada suivant laquelle le demandeur n'avait droit à aucune pénalité en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour réparer l'atteinte au droit à la vie privée dont il avait été victime de la part de la défenderesse -- La défenderesse avait communiqué à l'employeur du demandeur un dossier concernant le comportement du demandeur sur les lieux d'un incident impliquant son fils -- Le demandeur a déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée -- Le commissaire a jugé la plainte de divulgation illicite bien fondée, mais a informé le demandeur qu'il ne pouvait obtenir aucune autre réparation, étant donné qu'aucune pénalité ne pouvait être infligée en vertu de la Loi pour réparer cette atteinte -- Aux termes des art. 35(1) et (2) de la Loi, lorsqu'il conclut au bien-fondé de la plainte, le commissaire est tenu de rendre compte de ses conclusions et de ses recommandations au responsable de l'institution fédérale compétente ainsi qu'au plaignant -- Les pouvoirs du commissaire se limitent à ceux que le législateur lui a assignés, c.-à-d. des pouvoirs de recommandation (non obligatoires) -- Les pouvoirs de réparation de la Cour fédérale se limitent à ceux conférés au commissaire -- Le commissaire s'est conformé aux art. 35(1) et (2) et il n'a pas commis d'erreur en refusant d'infliger une pénalité -- La Cour fédérale ne peut accorder aucune autre réparation -- Demande rejetée.

Interprétation des lois -- Le commissaire à la protection de la vie privée a-t-il le pouvoir d'accorder de son propre chef d'autres réparations que celles qui sont précisées dans la Loi? -- Il ressort à l'évidence de la Loi que le commissaire est investi d'un pouvoir de recommandation limité -- Rien dans la Loi ne permet de penser qu'un pouvoir de recommandation comporte quelque chose de plus que le fait de donner un conseil qui n'a aucun caractère obligatoire -- La Cour ne doit pas élargir la compétence d'un organisme constitué par la loi lorsque les dispositions législatives créant cet organisme sont claires et ne prêtent à aucune interprétation -- Le législateur voulait de toute évidence que le commissaire agisse comme un protecteur du citoyen et non comme un organisme juridictionnel habilité à accorder des dommages-intérêts -- Intégrer par interprétation large une réparation d'indemnisation irait à l'encontre de la volonté du législateur.

Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a informé le demandeur qu'aucune pénalité ne pouvait être infligée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour réparer davantage l'atteinte au droit à la vie privée dont il avait été victime de la part de la défenderesse.

Le fils du demandeur avait été impliqué dans une altercation avec la police. À cause du comportement affiché par le demandeur sur les lieux de l'incident, la GRC avait envisagé la possibilité de déposer des accusations d'entrave à la justice. Aucune accusation n'a jamais été portée, mais l'incident a été signalé à l'attention de l'employeur du demandeur (le service de police d'Edmonton). Le demandeur a déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée, qui a estimé que la plainte de divulgation illicite du demandeur était bien fondée et qui a informé la défenderesse de cette conclusion. Mais, comme aucune pénalité ne pouvait être infligée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour une telle violation, le commissaire a expliqué qu'il n'était pas en mesure de corriger davantage la situation.

La question en litige était celle de savoir si le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir d'accorder de son propre chef d'autres réparations que celles qui sont précisées dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et, dans l'affirmative, si le commissaire a commis une erreur en faisant savoir au demandeur qu'il ne pouvait infliger aucune pénalité.

Jugement: la demande doit être rejetée.

Aux termes des paragraphes 35(1) et (2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dans les cas où, au terme de son enquête, il conclut au bien-fondé de la plainte, le commissaire à la protection de la vie privée doit adresser au responsable de l'institution fédérale compétente un rapport dans lequel il présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées. Il est également tenu de rendre compte au plaignant de ses conclusions et de ses recommandations (le cas échéant).

La compétence d'un organisme créé par une loi (comme le commissaire à la protection de la vie privée) se limite à celle que le législateur lui a assignée. Selon l'interprétation qu'il convient de donner de la Loi, il est clair que le législateur fédéral voulait que le commissaire à la protection de la vie privée soit investi d'un pouvoir de recommandation limité. Comme rien dans la loi ne permet de penser qu'un pouvoir de recommandation comporte quelque chose de plus que ce qu'on considère normalement comme des «recommandations»-- c'est-à-dire le fait de donner un conseil qui ne saurait équivaloir à une décision obligatoire--, la Cour ne doit pas donner une extension de sens plus large à ce pouvoir. De plus, il ressort des principes généraux d'interprétation des lois que le tribunal ne doit pas élargir la compétence d'un organisme constitué par la loi lorsque les dispositions législatives qui créent cet organisme sont claires et ne prêtent à aucune interprétation.

Les pouvoirs que possède la Cour fédérale pour corriger une situation déterminée lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire se limitent donc plus ou moins à ceux qui étaient conférés au tribunal qui a rendu la décision initiale (en l'occurrence, le commissaire à la protection de la vie privée). En l'espèce, les «pouvoirs de réparation» du commissaire se limitent à la formulation de conclusions et de recommandations qui n'ont aucun caractère obligatoire. Le législateur voulait de toute évidence que le commissaire à la protection de la vie privée agisse comme un protecteur du citoyen et non comme un organisme ayant le pouvoir de rendre des décisions juridictionnelles, ce que confirme la procédure que suit le commissaire à la protection de la vie privée lorsqu'il mène ses enquêtes. Intégrer par interprétation large une réparation irait à l'encontre de la teneur du texte de loi, car la condamnation à des dommages-intérêts relève davantage des pouvoirs des organismes juridictionnels. Cette interprétation est confirmée par le rapport publié en 1987 dans lequel le Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général constate que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne renferme aucune réparation civile. Jusqu'à maintenant, le législateur n'a pas modifié la Loi pour y insérer ce genre de réparation.

En l'espèce, les paragraphes 35(1) et (2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels ont été respectés. Le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas commis d'erreur en ne donnant pas suite à la plainte du demandeur. Il a rempli les obligations que la Loi sur la protection des renseignements personnels mettait à sa charge et le demandeur ne pouvait obtenir d'autre réparation devant la Cour fédérale.

lois et règlements cités

Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, appendice II, no 5], art. 146.

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 2, 7, 8 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 20, art. 13; L.C. 1994, ch. 35, art. 39; 2000, ch. 7, art. 26; 2004, ch. 11, art. 37), 12 (mod. par L.C. 2001, ch. 27, art. 269), 29(1)a), 33(1),(2), 34 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187, ann. V, no 6), 35, 37, 41, 48, 49, 50, 74.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 303(1).

jurisprudence citée

décision appliquée:

R. (Canada) c. R. (Î.-É.-P.), [1978] 1 C.F. 533; (1977), 83 D.L.R. (3d) 492; 33 A.P.R. 477; 20 N.R. 91 (C.A.).

décisions citées:

Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186; [2000] A.C.F. no 86 (QL) (C.A.); Thomson c. Canada (Sous-ministre de l'Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, (1992), 89 D.L.R. (4th) 218; 3 Admin. L.R. (2d) 242; 133 N.R. 345.

doctrine citée

Canada. Chambre des communes. Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général sur l'examen de la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Rapport: Une question à deux volets: Comment améliorer le droit d'accès à l'information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels. Ottawa: Imprimerie de la Reine, 1987.

Sullivan, Ruth. Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed. Toronto: Butterworths, 2002.

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision en date du 25 mai 2004 par laquelle le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a informé le demandeur qu'aucune pénalité ne pouvait être infligée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour réparer davantage l'atteinte au droit à la vie privée dont il avait été victime de la part de la défenderesse. Demande rejetée.

ont comparu:

G. Brent Gawne pour le demandeur.

Barry M. Benkendorf pour la défenderesse.

Steven J. Welchner pour l'intervenant.

avocats inscrits au dossier:

G. Brent Gawne, Edmonton, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

Welchner Law Office, Ottawa, pour l'intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par

[1]Le juge Noël: La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 25 mai 2004 par laquelle le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le commissaire à la protection de la vie privée) a informé Brian Murdoch (M. Murdoch, le demandeur) qu'aucune pénalité ne pouvait être infligée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21 (la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la Loi) pour réparer davantage l'atteinte au droit à la vie privée commise contre lui par la défenderesse, la Gendarmerie Royale du Canada (la GRC). Le demandeur sollicite les réparations suivantes:

- une ordonnance annulant la décision du commissaire à la protection de la vie privée suivant laquelle il n'existe aucune pénalité pour réparer l'atteinte au droit à la vie privée subie par le demandeur;

- un jugement déclarant que le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir implicite d'infliger une pénalité à titre de réparation;

- une ordonnance renvoyant l'affaire au commissaire à la protection de la vie privée pour qu'il rende une nouvelle décision au sujet de la réparation appropriée;

- les dépens;

- toute autre ordonnance ou réparation que la Cour pourrait juger bon d'accorder.

QUESTION EN LITIGE

[2]La question qui m'est soumise est celle de savoir si le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir, explicite ou implicite, d'accorder de son propre chef d'autres réparations que celles qui sont précisées dans la Loi sur la protection des renseignements personnels en cas de contravention à la loi en question. La réponse à cette question nous aidera à son tour à répondre à celle de savoir si le commissaire à la protection de la vie privée a commis une erreur en l'espèce en faisant savoir au demandeur qu'il ne pouvait infliger aucune pénalité.

CONCLUSION

[3]Pour les motifs ci-après exposés, la réponse à la première question est la suivante: le commissaire à la protection de la vie privée dispose uniquement du pouvoir limité de réparer la violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui est précisé aux articles 35 et 37 de la Loi. Dans ces conditions, le commissaire à la protection de la vie privée n'a donc pas commis d'erreur en refusant d'accorder une pénalité au demandeur.

GENÈSE DE L'INSTANCE ET DÉCISION À L'EXAMEN

[4]En septembre 2002, le fils de M. Murdoch a été impliqué dans une altercation avec la police, à la suite de quoi M. Murdoch a été appelé pour lui porter secours. À cause du comportement qu'a affiché M. Murdoch à son arrivée sur les lieux, la GRC a envisagé la possibilité de déposer des accusations d'entrave à la justice. Aucune accusation n'a jamais été portée contre qui que ce soit relativement à cet incident, mais la GRC a communiqué à l'employeur de M. Murdoch (le service de police d'Edmonton) le dossier du détachement de la GRC relatif à l'incident en question.

[5]En mars 2003, M. Murdoch a déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée au motif qu'en plus d'autres agissements illicites, la GRC avait violé la Loi sur la protection des renseignements personnels en divulguant des renseignements personnels le concernant à son employeur, le service de police d'Edmonton, sans son consentement et sans raison licite.

[6]Après avoir enquêté sur la plainte, le commissaire à la protection de la vie privée a estimé, dans une décision datée du 25 mai 2004, que la plainte de divulgation illicite de M. Murdoch était bien fondée. Le rapport précisait également que la GRC avait été informée de cette conclusion et qu'elle y souscrivait. Le rapport expliquait ensuite que, comme aucune pénalité ne pouvait être infligée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour une telle violation, le commissaire à la protection de la vie privée n'était pas en mesure de corriger davantage la situation:

[traduction] Notre examen du dossier que la GRC a communiqué à votre employeur confirme que ce dossier renferme des renseignements personnels à votre sujet au sens de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans ces conditions, ces renseignements ne pouvaient légitimement être divulgués qu'avec votre consentement ou en conformité avec l'une des dispositions du paragraphe 8(2) de la Loi portant sur les cas de communication permise. En l'espèce, il est évident que vous n'avez pas donné votre consentement et je suis convaincu qu'aucune des dispositions du paragraphe 8(2) de la Loi ne s'applique. Dans ces conditions, je suis d'avis que la GRC a violé vos droits à la confidentialité qui vous sont garantis par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

J'estime que cette divulgation de renseignements personnels constitue une violation sérieuse de vos droits à la protection de la vie privée et j'ai fait part de mes vues à ce sujet à des officiers de la GRC, qui abondent dans mon sens. Bien que cette conclusion n'atténue pas le préjudice qui a été causé, nous espérons toutefois que cet incident a servi à rappeler à la GRC les obligations que la Loi sur la protection des renseignements personnels met à sa charge. Malheureusement, la Loi ne prévoit pas de pénalité pour cette violation de votre droit à la vie privée, et nous sommes au regret de vous dire que notre Bureau ne peut rien faire de plus pour vous aider.

Voilà donc le résultat de l'enquête que nous avons menée pour votre compte. Sachez que la GRC a été informée du résultat de notre enquête [. . .] [Non souligné dans l'original.]

[7]Un avis de la présente demande de contrôle judiciaire a été déposé à la Cour fédérale le 18 juin 2004. Le 11 août 2004, le commissaire à la protection de la vie privée a déposé une requête en vue de faire radier ou rejeter la demande, qui a été rejetée par la protonotaire Tabib le 3 septembre 2004.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le demandeur

[8]Le demandeur soutient que le commissaire à la protection de la vie privée a commis une erreur justifiant l'intervention de la Cour en estimant qu'il n'était pas en mesure d'accorder une réparation au demandeur pour ce qu'il admettait être une violation des droits garantis au demandeur par la Loi sur la protection des renseigne-ments personnels. Le demandeur affirme que, lorsque la loi confère un droit (en l'occurrence, le droit à la vie privée) sans prévoir expressément de sanction en cas de violation de ce droit, il existe à première vue un droit implicite d'indemnisation en cas de violation de ce droit.

[9]Le demandeur explique en outre que, comme le commissaire à la protection de la vie privée est chargé de mener des enquêtes et de formuler des conclusions en réponse aux plaintes portées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la seule manière dont le commissaire à la protection de la vie privée peut s'acquitter intégralement des fonctions que la loi met à sa charge est d'exercer ses pouvoirs de manière à donner effet à un tel droit implicite. Agir autrement, selon le demandeur, revient à conférer un droit sans l'assortir d'une réparation en cas de violation, ce qui va à l'encontre de la jurisprudence. Le demandeur fait donc valoir qu'il y a lieu d'intégrer à l'article 35 de la Loi une réparation consistant à condamner à une pénalité celui qui révèle des renseignements personnels sans le consentement du principal intéressé.

Les défendeurs

[10]Le 9 mars 2005, quelques jours avant l'audience, le commissaire à la protection de la vie privée qui, avec la GRC, avait été constitué défendeur à la demande du demandeur, a déposé en vertu du paragraphe 303(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)], avec le consente-ment du demandeur, une requête visant à être mis hors de cause en qualité de défendeur et à être constitué intervenant. Il avait déjà déposé un mémoire des faits et du droit en qualité de défendeur (mémoire qui se limitait à des arguments portant sur la compétence) et il souhaitait invoquer ce mémoire en qualité d'intervenant. Cette requête a été accueillie à l'ouverture de l'audience. Je vais donc désigner en conséquence le commissaire à la protection de la vie privée dans les présents motifs ainsi que dans l'ordonnance.

[11]Le commissaire à la protection de la vie privée affirme qu'il est incontestable qu'en tant que protecteur du citoyen, soit un organisme créé par la loi, il n'est pas légalement habilité à statuer sur des plaintes ou à veiller autrement à l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels en accordant des réparations aux plaignants. Suivant le commissaire à la protection de la vie privée, accueillir la demande de contrôle judiciaire du demandeur reviendrait à le transformer en un organisme juridictionnel doté de vastes pouvoirs en matière d'application de la loi, ce qui déborderait largement le cadre des fonctions que le législateur entendait lui confier. Il ressort selon lui à l'évidence de la Loi sur la protection des renseignements personnels que le législateur fédéral voulait que le commissaire à la protection de la vie privée soit un organisme légalement habilité à faire enquête sur les plaintes portant sur de présumées violations de la Loi sur la protection des renseignements personnels et à faire part de ses conclusions et recommandations non obligatoires aux personnes concernées. On ne saurait lui imputer d'autres pouvoirs.

[12]En jugeant bien fondée la plainte de M. Murdoch et en communiquant cette conclusion tant à M. Murdoch qu'à la GRC, le commissaire à la protection de la vie privée a rempli les obligations que l'article 35 de la Loi sur la protection des renseignements personnels met à sa charge. Le commissaire à la protection de la vie privée affirme que, non seulement il n'a aucune autre obligation, mais qu'en fait il n'a aucun pouvoir en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels de rendre des décisions obligatoires ou d'accorder des réparations comme celle que réclame le demandeur.

[13]La GRC n'a pas produit de mémoire distinct, mais a plutôt indiqué son intention de s'en remettre aux observations formulées par le commissaire à la protection de la vie privée.

ANALYSE

Norme de contrôle

[14]La question qui m'est soumise porte nécessairement sur l'étendue des pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée. Ces questions de compétence sont normalement examinées en fonction de la norme de la décision correcte: Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186 (C.A.F.), à la page 188. Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

Analyse de la compétence du commissaire à la protection de la vie privée et de sa décision finale

[15]J'ai attentivement examiné les arguments du demandeur. Les paragraphes qui suivent constituent ma réponse générale à ces arguments, mais je tiens à souligner que j'ai étudié soigneusement chacun d'entre eux avant d'en arriver à mon analyse et à mes conclusions finales.

[16]La compétence du commissaire à la protection de la vie privée pour statuer sur la plainte de divulgation irrégulière de M. Murdoch est énoncée à l'alinéa 29(1)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui dispose:

29. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à la protection de la vie privée reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes:

a) déposées par des individus qui prétendent que des renseignements personnels les concernant et détenus par une institution fédérale ont été utilisés ou communiqués contrairement aux articles 7 ou 8;

[17]Aux termes des paragraphes 35(1) et (2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dans les cas où, au terme de son enquête, il conclut au bien-fondé de la plainte, le commissaire à la protection de la vie privée doit adresser au responsable de l'institution fédérale compétente un rapport dans lequel il présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées. Il est également tenu de rendre compte au plaignant de ses conclusions et de ses recommandations (le cas échéant):

35. (1) Dans les cas où il conclut au bien-fondé d'une plainte portant sur des renseignements personnels, le Commissaire à la protection de la vie privée adresse au responsable de l'institution fédérale de qui relèvent les renseignements personnels un rapport où:

a) il présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées;

b) il demande, s'il le juge à propos, au responsable de lui donner avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en oeuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite.

(2) Le Commissaire à la protection de la vie privée rend compte au plaignant des conclusions de son enquête; toutefois, dans les cas prévus à l'alinéa (1)b), le Commissaire à la protection de la vie privée ne peut faire son compte rendu qu'après l'expiration du délai imparti au responsable de l'institution fédérale.

[18]L'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels précise les cas dans lesquels une décision peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Il s'agit en règle générale de cas où la communication de renseignements personnels a été refusée. L'article 41 est ainsi libellé:

41. L'individu qui s'est vu refuser communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation. [Non souligné dans l'original.]

Selon une interprétation stricte de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Cour fédérale ne semble donc même pas avoir compétence pour contrôler une décision comme la présente, car il n'y a pas eu en l'espèce de refus de communiquer des renseignements personnels, mais bien divulgation sans autorisation. Toutefois, l'article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)], confère à la Cour fédérale une compétence plus large pour statuer sur les demandes de contrôle judiciaire des décisions des offices fédéraux. Ces pouvoirs de contrôle judiciaire ne sont toutefois pas absolus:

18.1 [. . .]

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut:

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

[19]Les pouvoirs que possède la Cour fédérale pour corriger une situation déterminée se limitent donc plus ou moins à ceux qui étaient conférés au tribunal qui a rendu la décision initiale. Comme nous l'avons déjà vu, le commissaire à la protection de la vie privée dispose de pouvoirs très limités lorsqu'il s'agit de réparer les atteintes au droit à la vie privée prévues par la Loi. Bien qu'il lui soit loisible de faire enquête sur divers types de plaintes portant sur des violations du droit à la vie privée et qu'il puisse recueillir auprès d'organismes gouverne-mentaux les renseignements personnels prévus par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les utiliser et les communiquer, ses «pouvoirs de réparation» comme tels se limitent à la formulation de conclusions et de recommandations qui n'ont aucun caractère obligatoire pour l'organisme visé. Ainsi que la défenderesse le souligne à juste titre, le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas le pouvoir, implicite ou explicite, d'agir comme arbitre habilité à rendre des décisions ayant force exécutoire pour les parties à une plainte déterminée et la Loi sur la protection des renseignements personnels ne permet pas au commissaire à la protection de la vie privée d'accorder une telle réparation.

[20]Le commissaire à la protection de la vie privée a le droit de réclamer la communication de renseignements personnels dans certains cas lorsqu'une personne affirme que son droit d'accès garanti par l'article 12 [mod. par L.C. 2001, ch. 27, art. 269] de la Loi sur la protection des renseignements personnels a été bafoué. Toutefois, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, la seule «réparation» qu'il peut accorder relativement à ce type de violation est celle que prévoit la Loi, c'est-à-dire la formulation de conclusions et de recommandations n'ayant aucun caractère obligatoire. Ce pouvoir se trouve à l'article 35 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le seul autre article de la Loi qui permet d'accorder une réparation en cas d'inobservation de la Loi est l'article 37, qui s'applique lorsque le commissaire à la protection de la vie privée estime qu'une institution fédérale a manqué à certains de ses engagements en ce qui concerne la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels. Mais, là encore, le seul pouvoir dont dispose le commissaire est celui de formuler des conclusions et des recommandations non contraignantes. Le commissaire à la protection de la vie privée ne dispose pas d'une gamme plus étendue de mesures de réparation.

[21]Il est de jurisprudence constante que la compétence d'un organisme créé par une loi (comme le commissaire à la protection de la vie privée) se limite à celle que le législateur lui a assignée. Selon l'interprétation qu'il convient de donner de la Loi, et spécialement de l'article 35, il est clair que le législateur fédéral voulait que le commissaire à la protection de la vie privée soit investi d'un pouvoir de recommandation limité et de rien de plus. Le terme «recommandation» doit être interprété dans son sens ordinaire. La Cour suprême du Canada a d'ailleurs bien précisé que, lorsque rien dans la loi ne permet de penser qu'un pouvoir de recommandation comporte quelque chose de plus que ce qu'on considère normalement comme des «recommandations»--c'est-à-dire le fait de donner un conseil qui ne saurait équivaloir à une décision obligatoire--, la Cour ne doit pas donner une extension de sens plus large à ce pouvoir: Thomson c. Canada (Sous-ministre de l'Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, aux pages 399 et 400. Je crois que c'est le cas en l'espèce. De plus, il ressort des principes généraux d'interprétation des lois que le tribunal ne doit pas élargir la compétence d'un organisme constitué par la loi lorsque les dispositions législatives qui créent cet organisme sont claires et ne prêtent à aucune interprétation: voir R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes (Toronto: Butterworths, 2002), aux pages 19 et suivantes (Sullivan).

[22]La Cour fédérale n'est pas non plus en mesure d'accorder d'autres réparations dans un cas comme le présent. Ainsi qu'il a déjà été signalé, la compétence de la Cour fédérale pour contrôler les décisions du commissaire à la protection de la vie privée se trouve à l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (pour ce qui est des cas où la communication de renseignements personnels demandée en vertu de l'article 12 a été refusée) et au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales. De plus, le pouvoir de la Cour fédérale d'accorder une réparation en pareil cas se limite essentiellement aux mesures que le commissaire à la protection de la vie privée pouvait lui-même ordonner, c'est-à-dire la communication de documents dont la divulgation a été refusée (voir les articles 48 à 50 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales). En l'espèce, il n'y a pas de renseignements de ce genre qui n'ont toujours pas été communiqués. Cette réparation ne serait donc pas appropriée.

[23]Se fondant sur l'arrêt R. (Canada) c. R. (Î.-P.-É.), [1978] 1 C.F. 533 (C.A.), aux pages 556 et 557, le demandeur fait valoir que lorsqu'un droit est prévu par la loi (comme le droit à la vie privée garanti par les articles 7 et 8 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 20, art. 13; L.C. 1994, ch. 35, art. 39; 2000, ch. 7, art. 26; 2004, ch. 11, art. 37] de la Loi sur la protection des renseignements personnels), sans être assorti d'une sanction en cas de violation, il y a, à première vue, un droit implicite à indemnisation pour toute violation de ce droit. Dans cette affaire, il est vrai que le juge en chef Jackett qui était appelé à interpréter, au nom des juges majoritaires, une des conditions d'adhésion de l'Île-du-Prince-Édouard à la Confédération qui était énoncée à l'article 146 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, appendice II, no 5] [aux pages 555 et 556], en est arrivé à la conclusion suivante:

À mon sens, le fait de conférer aux provinces ces droits statutaires, en l'absence de toute autre sanction, a eu comme conséquence de leur conférer le droit d'être indemnisées pour les dommages provenant de leur inexécution [en l'occurrence une interruption du service de traversiers entre l'Île et le continent, service que le Canada doit assurer] [. . .]

À mon avis, lorsqu'il existe un droit statutaire à l'exécution de quelque chose, mais pas de sanction expresse pour l'inexécution, il y a à première vue un droit implicite à indemnisation pour manquement à ce droit [. . .]

Pour en arriver à cette conclusion, le juge en chef Jackett a examiné la loi en question et lui a donné l'interprétation qu'il jugeait appropriée dans les circonstances.

[24]Il convient de suivre la même démarche en l'espèce. Il ressort en effet de la Loi sur la protection des renseignements personnels que le législateur voulait que le commissaire à la protection de la vie privée soit un protecteur du citoyen et non un organisme qui a le pouvoir de rendre des décisions. La procédure que suit le commissaire à la protection de la vie privée lorsqu'il mène ses enquêtes le confirme: ses enquêtes sont secrètes (paragraphe 33(1)); les parties doivent avoir la possibilité de présenter leurs observations et nul n'a le droit absolu d'être présent lorsqu'une autre personne présente des observations au commissaire, ni d'en recevoir communication ou de faire des commentaires à leur sujet (paragraphe 33(2)); les pouvoirs du commissaire pour la tenue des enquêtes ne sont pas comparables à ceux d'un organisme juridictionnel (article 34) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187, ann. V, no 6] et le seul outil de réparation dont dispose le commissaire à la protection de la vie privée est celui de tirer des conclusions au sujet de la plainte et de formuler des recommandations (paragraphe 35(1)).

[25]Le demandeur soutient qu'il est utile de tenir compte de l'objet de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour conclure que la Loi comporte une réparation implicite sous forme d'indemnité. L'article 2 est ainsi libellé:

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels relevant des institutions fédérales et de droit d'accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent.

Le demandeur interprète les expressions «a pour objet de compléter» et «is to extend» (dans la version anglaise) comme signifiant que le législateur y reconnaît la réparation implicite d'indemnisation dont dispose le commissaire à la protection de la vie privée lorsqu'il interprète l'article 35 de la Loi.

[26]Je ne suis pas de cet avis. L'article dans lequel est énoncé l'objet d'une loi vise à faciliter l'interprétation de cette loi (voir Sullivan, à la page 210). Il ne doit pas être utilisé, comme le demandeur cherche à le faire ici, pour justifier la création d'une réparation. Il ressort de la lecture de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et plus spécialement de son article 35, que le législateur voulait que les pouvoirs de réparation du commissaire à la protection de la vie privée se limitent à la formulation de conclusions au sujet d'une plainte déterminée et, au besoin, à la formulation de recommandations. Intégrer par interprétation large une réparation d'indemnisation irait à l'encontre de la teneur du texte de loi et de la solution finale conçue et précisée par le législateur. La formulation de recommandations et la condamnation à des dommages-intérêts sont deux fonctions radicalement différentes. L'acte consistant à formuler des recommandations est étroitement associé au rôle de protecteur du citoyen, tandis que la condamnation à des dommages-intérêts relève des pouvoirs des organismes juridictionnels. Le législateur voulait de toute évidence que le commissaire à la protection de la vie privée assume et exécute des fonctions appartenant à un protecteur du citoyen et non celles relevant d'un organisme ayant le pouvoir de rendre des décisions juridictionnelles. J'ai lu le rapport publié en 1987 par le Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général sur l'examen de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, intitulé Une question à deux volets: Comment améliorer le droit d'accès à l'information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels. Aux pages 50 et 51 du Rapport, les auteurs signalent qu'aucune réparation civile n'est prévue dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et ils recommandent que de telles réparations y soient insérées. Or, aucune modification en ce sens n'a encore été apportée. Il ne faut pas en conclure pour autant qu'aucune réparation civile ne puisse jamais être accordée en cas de violation du droit à la vie privée, mais plutôt que, dans l'économie actuelle de la Loi, ce type de réparation n'est pas prévu.

[27]La seule «réparation» possible que le demandeur puisse obtenir du commissaire à la protection de la vie privée est celle qui est prévue aux paragraphes 35(1) et (2), en l'occurrence que l'administrateur général de l'institution en cause et le plaignant reçoivent tous les deux un rapport dans lequel le commissaire à la protection de la vie privée présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu'il juge indiquées, ainsi que la transmission au commissaire d'un avis (là encore, s'il le juge à propos) soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en oeuvre des recommandations contenues dans ce rapport, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite. En l'espèce, la GRC et M. Murdoch ont tous les deux été avisés que les actes accomplis par la GRC violaient la Loi sur la protection des renseignements personnels. Aucune recommandation n'a été faite. La GRC n'était donc pas tenue de répondre. Le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas commis d'erreur en ne donnant pas suite à la plainte de M. Murdoch.

[28]Ceci étant dit, je constate que le commissaire à la protection de la vie privée a effectivement la capacité de formuler des observations au sujet de la situation dans son rapport annuel au Parlement ou dans un rapport spécial à celui-ci. Le commissaire à la protection de la vie privée a le pouvoir discrétionnaire exclusif de se prononcer sur l'opportunité de ce genre de mesure. Je constate également que le demandeur dispose d'autres réparations. À cet égard, il est important de mentionner que l'article 74 de la Loi sur la protection des renseignements personnels interdit uniquement les actes civils ou criminels commis contre une institution fédérale en ce qui concerne la communication illicite de renseignements personnels lorsque cette communication est faite de bonne foi. En conséquence, si M. Murdoch peut démontrer que la GRC a agi de mauvaise foi, il est possible qu'une action lui soit ouverte en common law. En fait, la Cour a été informée que le demandeur a déposé une déclaration devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta contre certains membres de la GRC, y compris l'agent qui a transmis le dossier de la GRC à son employeur, le service de police d'Edmonton.

DISPOSITIF

[29]Bien qu'on puisse comprendre que M. Murdoch cherche à obtenir une réparation plus large, idéalement sous forme d'indemnité pécuniaire, ni le commissaire à la protection de la vie privée ni la Cour fédérale, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, n'ont compétence pour lui accorder une telle réparation. M. Murdoch estime qu'il a subi beaucoup [traduction] «d'embarras, d'humilia-tions et de détresse psychologique» en raison de la divulgation non autorisée de ses renseignements personnels par la GRC (voir son avis de demande). C'est peut-être effectivement le cas et M. Murdoch dispose peut-être d'autres solutions pour obtenir une autre réparation mais, eu égard aux circonstances de l'espèce, le commissaire à la protection de la vie privée a rempli les obligations que la Loi sur la protection des renseignements personnels mettait à sa charge et le demandeur ne peut obtenir devant notre Cour d'autre réparation pour la violation de son droit à la vie privée.

DÉPENS

[30]À l'audience, le sujet des dépens a été abordé. Ni l'intervenant ni la défenderesse n'ont réclamé de dépens.

ORDONNANCE

La Cour ordonne:

- Le défendeur, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, est mis hors de cause à titre de défendeur;

- Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada est autorisé à intervenir dans la présente demande avec tous les droits normalement associés à la qualité de partie;

- La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

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