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[2013] 3 R.C.F. 51

A-287-10

2011 CAF 267

Daishowa-Marubeni International Ltd. (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Daishowa-Marubeni International Ltd. c. Canada

Cour d’appel fédérale, juges Nadon, Layden-Stevenson et Mainville, J.C.A.—Vancouver, 3 mai; Ottawa, 23 septembre 2011.

* Note de l’arrêtiste : Cette décision a été infirmée en appel (2013 CSC 29). Les motifs de jugement, prononcés le 23 mai 2013, seront publiés dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Produit de disposition — Avoirs forestiers — Appel et appel incident interjetés à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) faisant partiellement droit aux appels que l’appelante avait formés contre les nouveaux avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national pour les années d’imposition 1999 et 2000 — Les acquéreurs des exploitations de scierie de l’appelante devaient assumer les obligations de l’appelante relatives à la sylviculture — Lorsqu’elle a fait sa déclaration de revenus, l’appelante n’a inclus dans son produit de disposition aucun montant lié aux obligations relatives à la sylviculture prises en charge par les acquéreurs — La C.C.I. a estimé que la prise en charge par les acquéreurs des obligations relatives au reboisement de l’appelante représentait une contrepartie à inclure dans le produit de disposition de l’appelante, aux termes de l’art. 13(21) de la Loi de l’impôt sur le revenu — La C.C.I. a réduit les obligations à court et à long termes relatives aux reboisement — L’appelante a soutenu que la C.C.I. a commis une erreur en incluant la prise en charge des obligations relatives à la sylviculture et qu’elle-même avait droit à une déduction compensatoire — L’intimée a affirmé qu’il n’était pas loisible à la C.C.I. de parvenir à d’autres montants que ceux sur lesquels les parties s’étaient entendues — Il s’agissait de déterminer s’il fallait évaluer les obligations relatives au reboisement comme des produits de vente aux termes de l’art. 13(21), et la façon de le faire — La C.C.I. n’a pas commis d’erreur en concluant que la prise en charge par les acquéreurs de l’obligation relative à la sylviculture constituait une contrepartie à inclure dans le produit de disposition de l’appelante — Cependant, il n’était pas loisible à la C.C.I. de réduire le montant de l’obligation à long terme — La C.C.I. a commis une erreur en concluant que les obligations à court et à long termes relatives au reboisement correspondaient à une estimation — Le contrat conclu avec les acquéreurs faisait état de l’estimation, ou de la valeur globale des obligations relatives aux reboisement — Toutes les références subséquentes à ces obligations donnent fortement à penser que les montants représentaient des valeurs réelles — Il n’y a rien dans le contrat lui-même qui fasse douter que les parties ont convenu d’attribuer une valeur précise à l’obligation de reboisement — La C.C.I. a ignoré le libellé clair du contrat — L’enjeu ne concernait pas la valeur subjective du bien pour les parties, mais il revenait à savoir si les parties s’étaient entendues sur un certain montant comme contrepartie pour ce bien — La situation en l’espèce était comparable à celle de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Teleglobe Inc. c. Canada — Quantifier la valeur réelle de l’avantage que l’appelante a tiré était malavisé — C’est le prix convenu par les parties qui doit leur être opposé; le ministre a eu raison d’ajouter le montant approprié au revenu de l’appelante — L’art. 11(1)b) de la Loi interdit la déduction des dépenses liées à l’obligation de reboisement — Il n’y a aucune raison en l’espèce d’allouer le produit de disposition à la survaleur — Les motifs énoncés par la C.C.I. étaient inadéquats — L’appel concernant l’année d’imposition 1999 est rejeté, et l’appel incident est accueilli; l’appel concernant l’année d’imposition 2000 est accueilli, et l’appel incident est rejeté — Le juge Mainville, J.C.A. (dissident) : La C.C.I. a commis une erreur en présumant que la prise en charge des obligations relatives au reboisement constituait une contrepartie séparée et distincte pour la vente des tenures — Les obligations relatives au reboisement font partie intégrante des tenures et ne devraient pas se rajouter au produit de disposition — En l’espèce, on a accordé un poids excessif à la question de la valeur des obligations — La question de savoir si les parties se sont entendues ou non sur la valeur des obligations a peu de rapport avec celle de savoir si elles font partie du produit de disposition.

Il s’agissait d’un appel et d’un appel incident à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) qui faisait partiellement droit aux appels que l’appelante avait formés contre les nouveaux avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national pour les années d’imposition 1999 et 2000.

L’appelante exploitait des usines de pâte à papier en Alberta. Aux termes de droits de coupe, l’appelante était tenue de soumettre annuellement des plans de reboisement à la province et de reboiser toutes les terres qu’elle avait exploitées (l’obligation relative à la sylviculture). La vente des deux divisions de l’appelante, en 1999, puis en 2000, à deux acquéreurs, comportait la disposition d’un permis de coupe de bois, un « avoir forestier » au sens du paragraphe 13(21) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et prévoyait la prise en charge par les acquéreurs de l’obligation relative à la sylviculture. Lorsqu’elle a déclaré son revenu pour les années d’imposition pertinentes, l’appelante n’a inclus aucun montant lié aux obligations relatives à la sylviculture prises en charge par les acquéreurs dans son produit de disposition. La C.C.I. a fait remarquer que les faits entourant la vente des deux divisions étaient indiscernables. La C.C.I. a estimé que la prise en charge par les acquéreurs des obligations relatives au reboisement de l’appelante représentait une contrepartie susceptible d’être incluse à juste titre dans le produit de disposition de cette dernière aux termes du paragraphe 13(21). Même si l’entente était fondée sur une estimation vérifiée fixant la valeur de l’obligation relative à la sylviculture, la CCI a conclu que les parties n’avaient pas convenu que le montant en question représentait la valeur réelle de l’obligation, ni celle de l’avantage échu à l’appelante du fait de la prise en charge de son obligation, ni celle de la contrepartie réellement proposée par les acquéreurs. Par conséquent, la C.C.I. a réduit de 80 p. 100 l’obligation à court et à long termes relativement au reboisement incluse dans le produit de disposition de l’appelante.

L’appelante a soutenu que la C.C.I. a commis une erreur en incluant la prise en charge des obligations relatives à la sylviculture dans le produit de disposition. Subsidiairement, l’appelante a fait valoir qu’elle avait droit à une déduction compensatoire correspondant au montant inclus dans le produit de disposition. Dans son appel incident, l’intimée a affirmé que la C.C.I. a commis une erreur en ne tenant pas compte des montants attribués par les parties aux obligations relatives à la sylviculture en application de leurs contrats respectifs, et qu’il ne lui était pas loisible de parvenir à d’autres montants que ceux sur lesquels les parties s’étaient entendues.

La question principale était de savoir s’il faut évaluer les obligations relatives au reboisement comme des produits de vente aux termes du paragraphe 13(21) de la Loi et, le cas échéant, comment le faire.

Arrêt (le juge Mainville, J.C.A., dissident) : l’appel relatif à l’année d’imposition 1999 doit être rejeté, et l’appel incident, accueilli; l’appel relatif à l’année d’imposition 2000 doit être accueilli, et l’appel incident, rejeté.

La C.C.I. n’a pas commis d’erreur en concluant que la prise en charge par les acquéreurs de l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture constituait une contrepartie à inclure dans le produit de disposition de l’appelante. Cependant, il n’était pas loisible à la C.C.I. de réduire le montant de l’obligation à long terme prise en charge par les acquéreurs. La C.C.I. a eu tort de conclure que les obligations à court et à long termes relatives au reboisement correspondaient à une estimation et non à une valeur entendue. L’article 3.2.1 du contrat entre l’appelante et les acquéreurs prévoit une valeur globale des obligations à court et à long termes relatives au reboisement, qui est qualifiée de « montant estimatif ». Même si le contrat qualifie bel et bien initialement l’évaluation d’« estimation », celle-ci se rapporte à la valeur des obligations relatives au reboisement. Toutes les références subséquentes à ces obligations donnent fortement à penser que les montants ne représentent pas simplement des estimations, mais des valeurs réelles. Le terme « valeur » est d’ailleurs expressément employé en rapport avec les obligations relatives au reboisement mentionnées dans le contrat. Il n’y a donc rien, dans le contrat lui-même, qui fasse douter que les parties ont convenu d’attribuer une valeur précise à l’obligation de reboisement. La C.C.I. a donné à l’expression « montant estimatif » figurant à l’article 3.2.1 une signification l’amenant à ignorer le libellé clair de la clause complète. La C.C.I. a établi une distinction entre le fait de convenir de la valeur réelle de la prise en charge de la responsabilité et celui d’accepter un montant pour sa contrepartie. Aux fins de l’impôt cependant, l’enjeu ne concerne pas la valeur subjective du bien pour les parties, ou encore les rendements ou les coûts qui finiront par en découler, mais revient à savoir si les parties se sont entendues sur un certain montant comme contrepartie pour ce bien. La situation en l’espèce semble comparable à la prise en charge des éléments de passif et à la procédure de rajustement correspondante prise en compte par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Teleglobe Inc. c. Canada. La tentative de la C.C.I. de quantifier la valeur réelle de l’avantage que l’appelante a tiré de la prise en charge par les acquéreurs était malavisée. En fait, la C.C.I. n’a pas établi si les parties s’étaient entendues sur un prix pour la prise en charge de l’obligation de reboisement de l’appelante. Par conséquent, aux fins de l’impôt, c’est donc le prix convenu par les parties qui doit leur être opposé. Le ministre a donc ajouté le montant approprié au revenu de l’appelante pour l’année d’imposition en question.

La libération de l’obligation à long terme relative au reboisement associée à la tenure dont l’appelante était précédemment propriétaire représente un avantage durable pour celle-ci. La dépense liée à l’obligation de reboisement est imputable au capital et, à ce titre, ne peut être déduite du revenu de l’appelante par application de l’alinéa 11(1)b) de la Loi. Aucune disposition de la Loi ne permet à l’appelante de déduire de son revenu des dépenses imputables à la tenure. En d’autres termes, la vente de ses divisions se rapportait à un bien en immobilisation, et l’appelante ne peut dissocier une composante particulière de bien en immobilisation, c’est-à-dire la tenure, pour la redéfinir en dépense à court terme.

Il n’y a aucune raison d’allouer une partie du produit de disposition à la survaleur, à moins que la partie de la vente qui n’a pas été déclarée soit, à proprement parler, définie comme de la survaleur en tant que telle.

Enfin, l’omission de la part de la C.C.I. d’aborder ou d’analyser les questions touchant la vente de l’une des divisions de l’appelante rend ses motifs impropres à servir à un examen valable en appel.

En ce qui concerne l’année d’imposition 1999, l’appel a été rejeté, l’appel incident a été accueilli, et la décision de la C.C.I. a été annulée. Pour ce qui est de l’année d’imposition 2000, l’appel a été accueilli, l’appel incident a été rejeté, la décision de la C.C.I. a été annulée, et l’affaire lui a été renvoyée pour qu’elle statue à nouveau sur les questions en litige.

Le juge Mainville, J.C.A. (dissident) : La C.C.I. a commis une erreur en présumant que la prise en charge des obligations relatives au reboisement par les acquéreurs constituait une contrepartie séparée et distincte pour la vente des tenures, dont la valeur devait se rajouter au produit de disposition. Les obligations relatives au reboisement font partie intégrante des tenures et ne devraient pas se rajouter au produit de disposition de l’appelante. On a accordé un poids excessif à la question de la valeur des obligations. Les obligations relatives au reboisement forment une partie intégrante des tenures, elles en diminuent la valeur, et donc ne doivent pas être incluses séparément dans le produit de disposition lors de la vente des tenures; ou alors, elles sont distinctes des tenures et leur valeur doit être incluse dans le produit de disposition au moment de la prise en charge par l’acquéreur. La question de savoir si les parties se sont entendues ou non sur la valeur des obligations a peu de rapport avec celle de savoir si elles font partie du « produit de disposition ». Par conséquent, les deux ventes aux acquéreurs ne pouvaient pas être traitées différemment, car cela impliquait que les différences de traitement des valeurs des obligations respectives de reboisement dans les ententes de vente pouvaient avoir un impact sur le produit de disposition résultant des deux transactions, aux fins de l’impôt.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Forests Act, R.S.A. 2000, ch. F-22.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 11(1)b) (mod. par L.C. 1996, ch. 21, art. 3), 13(1),(21) « avoir forestier », « fraction non amortie du coût en capital » (mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 6), « produit de disposition » (mod. par L.C. 2001, ch. 17, art. 196(A)), 18(1)b),e),(9) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 8; 1995, ch. 3, art. 6; 1996, ch. 21, art. 5; 2001, ch. 17, art. 9), 20(1)a), 39(1)a)(iv), 248(1) « montant ».

Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, ann. II, catégorie 33.

Timber Management Regulations, Alta. Reg. 60/73, s. 163.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3; Teleglobe Inc. c. Canada, 2002 CAF 408; British Columbia Electric Railway Company Limited v. The Minister of National Revenue, [1958] R.C.S. 133, (1958), 12 D.L.R. (2d) 369, [1958] C.T.C. 21; Première nation de Brokenhead c. Canada, 2011 CAF 148.

décisions examinées :

B & W Diesel v. Kingsway Transports Ltd., 1997 CanLII 823, 33 O.R. (3d) 355, 35 C.C.L.T. (2d) 30, 27 M.V.R. (3d) 19 (C.A.); Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622; Singleton c. Canada, 2001 CSC 61, [2001] 2 R.C.S. 1046; Entreprises Ludco Ltée c. Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 R.C.S. 1082; Canada c. McLarty, 2008 CSC 26, [2008] 2 R.C.S. 79; Société canadienne de métaux Reynolds c. Canada, [1996] A.C.F. no 593 (C.A.) (QL); Northwood Pulp and Timber Ltd. c. Canada, 1998 CanLII 8602 (C.A.F.).

décisions citées :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Canada c. Calgary (Ville), 2010 CAF 127, autorisation de pourvoi à la C.S.C. accordée [2010] C.S.C.R. no 277 (QL), conf. par 2012 CSC 20, [2012] 1 R.C.S. 689; General Motors du Canada Ltée c. Canada, 2008 CAF 142; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Mahy, 2004 CAF 340; Canada c. Nunn, 2006 CAF 403; Kettle River Sawmills Ltd. c. Canada, [1993] A.C.F. no 1190 (C.A.) (QL); Currie v. Misa (1875), L.R. 10 Ex. Ch. 153, conf. par (1875-76), L.R. 1 App. Cas. 554; Krauss c. Canada, 2009 CCI 597; Telus Communications (Edmonton) Inc. c. Canada, 2009 CAF 49; Loyens c. Canada, 2003 CCI 214; R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

DOCTRINE CITÉE

Agence du revenu du Canada. Bulletin d'interprétation IT-481 (Consolidé), « Avoirs forestiers et concessions forestières » (13 janvier 2004).

Fridman, G. H. L. The Law of Contract in Canada, 4e éd. Toronto : Carswell, 2006.

Gamble, Ian J. Taxation of Canadian Mining, feuilles mobiles. Toronto : Carswell, 2004.

Krishna, Vern. The Fundamentals of Canadian Income Tax, 9e éd. Toronto : Thomson Carswell, 2006.

appel et APPEL INCIDENT interjetés à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2010 CCI 317) qui faisait partiellement droit aux appels que l’appelante avait formés contre les nouveaux avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national pour les années d’imposition 1999 et 2000. L’appel concernant l’année d’imposition 1999 est rejeté, et l’appel incident est accueilli; l’appel concernant l’année d’imposition 2000 est accueilli, et l’appel incident est rejeté, le juge Mainville, J.C.A., étant dissident.

 ONT COMPARU

John Saunders pour l’appelante.

David Jacyk et Matthew Turnell pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Wilson & Partners LLP, Vancouver, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Nadon, J.C.A. : Nous sommes saisis d’un appel et d’un appel incident formés contre le jugement daté du 11 juin 2010, 2010 CCI 317, par lequel le juge Campbell J. Miller (le juge) de la Cour canadienne de l’impôt a partiellement fait droit aux appels que l’appelante avait formés contre les nouveaux avis de cotisations établis par le ministre du Revenu national (le ministre) pour les années d’imposition 1999 et 2000.

[2]        Plus précisément, le juge a conclu que le ministre avait eu raison d’inclure, dans le calcul du produit de disposition des deux exploitations de scierie de l’appelante, dont le transfert des tenures faisait partie, les obligations de l’appelante relatives à la sylviculture prises en charge par les acquéreurs dans le cadre de la vente de ces exploitations. D’autre part, le juge a conclu que les montants de 11 000 000 $ et de 2 996 380 $ établis par le ministre étaient erronés.

[3]        Ainsi, selon le juge, les montants qui auraient dû être inclus dans le produit de disposition de l’appelante aux termes du paragraphe 13(21) [mod. par L.C. 2001, ch. 17, art. 196(A)] de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), représentaient les obligations à court et à long termes relatives au reboisement, moins 80 p. 100. On peut lire ce qui suit dans le jugement :

1.  à l’égard de la vente en faveur de Tolko [la division High Level], un montant égal à l’obligation à court terme relative à la sylviculture de 2 057 498 $ plus 20 p. 100 de l’obligation à long terme relative à la sylviculture de 9 238 727 $, soit un montant de 3 905 244 $ en tout;

2.  à l’égard de la vente en faveur de Seehta [la division Brewster], un montant égal à l’obligation à court terme relative à la sylviculture de 558 615 $ plus 20 p. 100 de l’obligation à long terme relative à la sylviculture de 2 407 693 $, soit un montant de 1 040 153 $ en tout.

[4]        L’appelante et l’intimée contestent toutes les deux la décision du juge. Dans son appel, l’appelante fait valoir que le juge a commis une erreur en incluant la prise en charge des obligations relatives à la sylviculture (ou au reboisement) dans le produit de disposition. Subsidiairement, elle soutient qu’elle avait droit à une déduction compensatoire correspondant au montant inclus dans le produit de disposition. Dans son appel incident, l’intimée affirme que le juge a commis une erreur en ne tenant pas compte des montants attribués par les parties aux obligations relatives à la sylviculture en application de leurs contrats respectifs, et qu’il ne lui était pas loisible de parvenir à d’autres montants que ceux sur lesquels les parties s’étaient entendues.

Les faits

[5]        Durant les années 1990, l’appelante exploitait deux usines de pâte à papier à Peace River (Alberta) et à Quesnel (Colombie-Britannique), à partir desquelles elle approvisionnait en pâte ses deux actionnaires, Daishowa Paper Manufacturing Co. Ltd. et Marubeni Corp.

[6]        Deux des filiales de l’appelante, à savoir High Level Forest Products Ltd., située à High Level (Alberta), et Brewster Construction Ltd., située près de Red Earth (Alberta), se chargeaient de la récolte des grumes et de la fabrication du bois d’œuvre et d’autres produits.

[7]        Le 1er janvier 1999, l’appelante a fusionné avec ses filiales, qui sont dès lors devenues des divisions : la division High Level (High Level) et la division du bois d’œuvre Brewster (Brewster). L’exploitation des pâtes de Peace River (Peace River) est devenue la troisième division de l’appelante. L’appelante et la province d’Alberta ont conclu une entente d’aménagement forestier pour High Level et Peace River, et l’appelante s’est vu accorder un quota de coupe de bois pour Brewster. L’entente d’aménagement forestier et le quota de coupe de bois (collectivement désignés comme les droits de coupe) comprenaient un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada aux fins de la définition d’« avoir forestier » du paragraphe 13(21) de la Loi.

[8]        L’appelante était tenue, aux termes des droits de coupe, de soumettre annuellement des plans de reboisement à la province d’Alberta et de reboiser toutes les terres qu’elle avait exploitées (l’obligation relative à la sylviculture ou les obligations relatives au reboisement).

[9]        Durant toutes les périodes pertinentes pour le présent appel, la législation albertaine et les politiques réglementaires adoptées conformément à celle‑ci prévoyaient que l’obligation d’une entreprise relative à la sylviculture n’était remplie que lorsqu’un peuplement forestier reboisé suffisant passait le point de croissance libre. En règle générale, cela prenait entre 8 et 14 ans à partir de la date de la coupe.

[10]     En 1999, l’appelante avait décidé de vendre à la fois High Level et Brewster. Elle a d’abord vendu, en 1999, High Level à Tolko Industries Ltd. (Tolko). Aux termes de la vente, l’entente d’aménagement forestier conclue par l’appelante, de même que divers quotas, licences et permis de coupe de bois, étaient cédés à Tolko. La disposition d’un permis de coupe de bois, un « avoir forestier » au sens du paragraphe 13(21) de la Loi, était incluse dans la transaction.

[11]     La vente de High Level s’est effectuée par un processus de soumission dont la date d’échéance était le 23 septembre 1999; cinq différentes offres ont été reçues. Après les avoir examinées, l’appelante a conclu que celle de 180 000 000 $ de Tolko plus un montant égal à la valeur estimative du fonds de roulement net visé par l’achat, moins le montant estimatif des obligations à long terme relatives au reboisement, était la plus favorable. Dès le 24 septembre 1999, l’appelante décidait de négocier les conditions finales de la vente aussi rapidement que possible pour pallier le risque que Tolko ne réduise ou ne retire son offre.

[12]     Même si elle était disposée à accepter l’obligation à long terme relative au reboisement, Tolko souhaitait que l’obligation finale rajustée relative à la sylviculture soit vérifiée et quantifiée; elle a donc proposé une formule tarifaire fixant un prix brut dont serait déduit le montant quantifié de l’obligation à long terme relative à la sylviculture.

[13]     Le 6 octobre 1999, l’appelante et Tolko ont signé leur entente (l’entente ou le contrat), dont la date de clôture a été fixée au 1er novembre 1999. L’appelante a accepté, aux termes de l’entente, d’effectuer et de produire un état des obligations relatives au reboisement pour confirmer la quantification de l’obligation relative à la sylviculture que Tolko prendrait en charge. L’entente prévoyait notamment : i) un prix d’achat de 169 000 000 $ pour certains actifs, plus (ou moins); ii) un fonds de roulement net estimé à 16 628 400 $ plus (ou moins) toute différence entre les calculs préliminaires et finaux; iii) la prise en charge par Tolko de 11 000 000 $ pour l’obligation estimative relative à la sylviculture plus (ou moins) toute différence entre l’estimation préliminaire et l’estimation finale de l’obligation prise en charge relative à la sylviculture.

[14]     Le 1er novembre 1999, Tolko a versé à l’appelante un paiement en liquide de 185 628 400 $.

[15]     D’après les renseignements fournis par l’appelante, l’état des obligations relatives au reboisement qu’elle avait accepté de produire a été effectué par PricewaterhouseCooper LLP, Canada. (les comptables) le 19 novembre 1999. Si l’on se fie à ce document, l’obligation relative à la sylviculture a été quantifiée à 296 225 $ de plus que l’estimation initiale de 11 000 000 $. L’appelante a donc versé à Tolko le montant de 296 225 $ plus les intérêts par traite bancaire.

[16]     Par conséquent, en date du 31 octobre 1999, l’obligation relative à la sylviculture de 11 226 225 $ a été classifiée par l’appelante comme une obligation à long terme de 9 238 727 $ — montant qui ne serait pas dépensé dans les 12 mois suivant le 31 octobre 1999 — et une obligation à court terme de 2 057 398 $ — montant qui serait dépensé dans les 12 mois suivant le 31 octobre 1999. Sur les 11 226 225 $ représentant l’obligation relative à la sylviculture, une somme ne dépassant pas 400 000 $ aurait été dépensée au cours de l’année d’imposition 1999 de l’appelante.

[17]     Entre les années 2000 et 2008, Tolko a dépensé pas moins de 4 733 184,50 $ à l’égard de l’obligation relative à la sylviculture qu’elle a prise en charge lors de l’achat de High Level.

[18]     Les parties reconnaissent que si Tolko n’avait pas pris en charge l’obligation relative à la sylviculture de l’appelante, le montant en espèces ou toute autre contrepartie versée à cette dernière aurait été plus important.

[19]     J’aborderai à présent les faits se rapportant à la vente de Brewster. En 2000, l’appelante a vendu Brewster à Seehta Forest Products (Seehta). La transaction incluait la disposition d’un permis de coupe de bois, un « avoir forestier » au sens du paragraphe 13(21) de la Loi. L’entente avec Seehta a été signée le 11 août 2000, et la date de clôture a été fixée au 24 novembre de la même année. Avant la vente de Brewster, l’appelante a commandé une évaluation indépendante à Marchés mondiaux CIBC Inc. L’exercice, complété le 30 juin 1999, a fourni deux estimations à l’appelante. La première établissait un montant [traduction] « de seulement 10 250 000 $ » fondé sur [traduction] « une prise en charge limitée » par l’acheteur. La seconde, basée sur une [traduction] « prise en charge illimitée » par l’acheteur, arrêtait un chiffre [traduction] « atteignant pas moins de 35 406 000 $ ».

[20]     Le prix d’achat de Brewster était de 6 100 000 $ en liquide pour certains actifs (plus ou moins) toute différence entre l’estimation préliminaire et l’estimation finale du fonds de roulement net visé par l’achat de 4 919 000 $ (plus ou moins). Les conditions de la vente de Brewster à Seehta comprenaient également la prise en charge de l’obligation relative à la sylviculture. À cet égard, l’estimation comptable des obligations relatives au reboisement de l’appelante, qui figurait dans ses états financiers provisoires du 31 octobre 2000, s’élevait à 2 996 380 $. Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000, l’appelante a indiqué que son obligation relative à la sylviculture en ce qui concerne Brewster était de 2 996 380 $ : elle l’a classifiée, en date du 31 décembre 1999, comme une obligation à long terme de 1 837 995 $ — montant qui ne serait pas dépensé dans les 12 mois suivant le 31 décembre 1999 — et une obligation à court terme de 558 615 $ — montant qui serait dépensé dans les 12 mois suivant le 31 décembre 1999.

[21]     La plus grande partie de l’obligation relative à la sylviculture prise en charge par Seehta en date du 24 novembre 2000, c’est‑à‑dire la date de disposition de Brewster, représentait une obligation à long terme et non à court terme. Pour finir, seul un fragment négligeable de cette obligation à court terme aurait pu être dépensé aux fins de sylviculture durant l’année d’imposition 2000 de l’appelante.

[22]     Il convient de compléter ce tour d’horizon par quelques faits utiles.

[23]     Les parties aux ventes de High Level et de Brewster n’ont alloué aucun montant au titre de la survaleur. Même si l’appelante aurait pu vendre ses deux divisions sans permis de coupe de bois, ceux‑ci sont considérés dans l’industrie comme essentiels à la vente. Il est également pertinent de noter que la province d’Alberta a consenti à ce que les permis de coupe de bois soient cédés à Tolko et à Seehta. La province d’Alberta a estimé qu’en vertu de la Forests Act, R.S.A. 2000, ch. F‑22, et du Timber Management Regulations, Alta. Reg. 60/73, le cessionnaire qui consent à la cession d’un permis de coupe de bois, comme en l’espèce, prend en charge l’obligation relative au reboisement se rattachant à la tenure, en conséquence de quoi le cédant en est libéré.

[24]     Lorsqu’elle a déclaré son revenu pour les années d’imposition 1999 et 2000, l’appelante n’a inclus aucun montant lié aux obligations relatives à la sylviculture prises en charge par les acquéreurs dans son produit de disposition.

[25]     Le ministre a établi de nouveaux avis de cotisation à l’intention de l’appelante pour les deux ventes, en incluant, dans le calcul du produit de disposition d’« avoirs forestiers », les montants suivants correspondant à l’obligation estimative relative à la sylviculture : 11 000 000 $ pour High Level et 2 966 301 $ pour Brewster.

La décision de la Cour de l’impôt

[26]     Outre quelques remarques succinctes voulant que les faits entourant la vente de Brewster soient indiscernables de ceux qui se rapportent à la vente de High Level, les motifs du juge portent exclusivement sur la vente de High Level à Tolko.

[27]     En faisant partiellement droit à l’appel de l’appelante, le juge a estimé que la prise en charge par Tolko des obligations relatives au reboisement de l’appelante représentait une contrepartie susceptible d’être incluse à juste titre dans le produit de disposition de cette dernière aux termes du paragraphe 13(21) de la Loi (paragraphes 24 à 27 des motifs du juge). En concluant ainsi, le juge a indiqué que l’appelante avait reconnu qu’elle aurait reçu une contrepartie additionnelle si Tolko n’avait pas pris en charge son obligation relative à la sylviculture dans le cadre de la vente. Le juge a aussi fait remarquer que la législation provinciale applicable obligeait effectivement tous les acheteurs de tenures en Alberta à prendre en charge les obligations afférentes relatives au reboisement.

[28]     Le juge a analysé ensuite l’allégation de l’appelante selon laquelle la valeur du prétendu avantage était si incertaine qu’elle ne pouvait être incluse dans son produit de disposition aux fins de l’impôt. Plus précisément, il a conclu que même si l’entente était fondée sur une estimation vérifiée fixant la valeur de l’obligation relative à la sylviculture à 11 000 000 $, les parties n’avaient en fait pas convenu que l’appelante recevrait une contrepartie additionnelle pour les 11 000 000 $ se rapportant à la prise en charge par Tolko de l’obligation relative à la sylviculture.

[29]     Compte tenu des réalités de l’industrie du bois d’œuvre, le juge a estimé que l’obligation relative au reboisement naissait dès l’abattage d’un peuplement d’arbres, mais que les coûts afférents ne pouvaient être connus qu’une fois les dépenses de reboisement réellement engagées. Même s’il n’a pas accepté que les autorités avaient soustrait la prise en charge de l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture du régime fiscal, le juge a conclu que seule une portion de l’obligation estimative serait imposable. Il a à cet égard indiqué qu’une grande incertitude entourait l’estimation de la valeur de l’obligation relative au reboisement étant donné qu’elle s’étendait sur un grand nombre d’années, que l’appelante avait peu de contrôle sur les facteurs qui pourraient en confirmer le montant, que celui‑ci ne donnerait droit à une déduction qu’une fois établi avec certitude, c’est‑à‑dire une fois la dépense engagée, et que l’inclusion de la somme totale avait des conséquences fiscales importantes (paragraphe 39 des motifs du juge).

[30]     Il est évident que le juge a compris que Tolko avait réussi à négocier une déduction de 11 000 000 $ du prix d’achat initialement proposé, du fait de la prise en charge de l’obligation relative à la sylviculture de l’appelante. Cependant, à son avis, il n’a pas été convenu par les parties que ce montant représentait la valeur réelle de l’obligation, celle de l’avantage échu à l’appelante du fait de la prise en charge de son obligation, ou encore celle de la contrepartie réellement proposée par Tolko. Le juge a plutôt conclu, dans les circonstances, que pour régler la question, il fallait inclure dans le produit de dispositions de l’appelante un montant égal à l’obligation relative au reboisement à court terme de 2 057 498 $, et un montant équivalant à l’obligation à long terme relative au reboisement moins 80 p. 100, de manière à tenir compte des six facteurs énoncés au paragraphe 40 de ses motifs.

[31]     Le juge s’est penché ensuite sur l’argument de l’appelante selon lequel elle pouvait prétendre — s’il estimait que le montant, quel qu’il soit, constituait un produit de disposition — à une déduction compensatoire en raison des actifs (la tenure) consentis à Tolko pour la prise en charge de l’obligation relative au reboisement. Le juge a trouvé cet argument sans fondement parce que, selon lui, la transaction se rapportait à la vente d’immobilisations et que la prise en charge de l’obligation relative au reboisement « faisait tout simplement partie de cette opération en capital » (paragraphe 44 des motifs du juge).

[32]     Le juge a par ailleurs estimé que le paragraphe 18(9) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 8; 1995, ch. 3, art. 6; 1996, ch. 21, art. 5; 2001, ch. 17, art. 9] de la Loi ne s’appliquait pas à la transaction. Au paragraphe 49 de ses motifs, il a traité comme suit cette question :

L’intimée soutient que cela [le paragraphe 18(9) de la Loi] empêche expressément la déduction de tout montant que Daishowa a versé à Tolko étant donné que ce montant se rapportait à des services à rendre après la fin de l’année d’imposition. L’appelante affirme par contre que cette approche tient compte de ce à quoi se rapportait le paiement reçu par Tolko, et non plus exactement, selon l’appelante, de ce à quoi se rapportait le paiement effectué par Daishowa : le paiement a été effectué en faveur de Tolko pour qu’elle prenne en charge l’obligation de rendre des services. Il s’agit d’une distinction plutôt subtile, mais cela montre selon moi qu’il ne s’agit tout simplement pas d’une situation dans laquelle une dépense a été payée d’avance. Aucun paiement n’a été effectué par Daishowa pour des services à lui rendre : telle n’était pas la nature du paiement, même si je considérais le transfert des tenures comme un paiement. Bref, le paragraphe 18(9) est un faux‑fuyant.

[33]     Finalement, au paragraphe 52 de ses motifs, le juge a indiqué qu’il ne voyait « en ce qui concerne la situation factuelle qui existe dans le cas de Seehta, aucune différence [lui] permettant d’arriver à une conclusion différente ». Il a donc rendu le jugement que j’ai reproduit plus haut au paragraphe 3.

Les questions en litige

[34]     Un certain nombre de questions doivent être examinées pour statuer sur l’appel et l’appel incident :

1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

2. Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que les obligations relatives à la sylviculture prises en charge par les acquéreurs devaient être incluses dans le produit de disposition de l’appelante pour les années d’imposition 1999 et 2000? Dans la négative, les parties aux contrats de vente de High Level et de Brewster ont‑elles convenu d’attribuer une valeur aux obligations relatives au reboisement prises en charge par les acquéreurs et, le cas échéant, quelles en sont les conséquences?

3. Le juge de première instance a‑t‑il eu raison de conclure que seuls 20 p. 100 de l’obligation à long terme relative au reboisement devaient être inclus dans le revenu de l’appelante à titre de produit de la vente durant les années d’imposition pertinentes?

4. L’appelante pouvait‑elle prétendre à une déduction sur son revenu ou inclure le montant payé à titre de dépense en capital étant donné qu’elle a fait les acquéreurs prendre en charge l’obligation relative au reboisement dans son prix de base rajusté?

5. Le juge a‑t‑il commis une erreur en allouant les 11 000 000 $ à l’égard de l’obligation relative à la sylviculture à l’avoir forestier plutôt qu’à la survaleur?

6. Les motifs énoncés par le juge étaient‑ils adéquats?

7. Les plaidoiries de l’intimée étaient‑elles suffisantes pour justifier les conclusions du juge?

Dispositions législatives pertinentes

[35]     Il est utile, avant d’aborder les questions soulevées dans l’appel et l’appel incident, de reproduire un certain nombre de dispositions de la Loi, pertinentes pour les trancher :

13. (1) Tout contribuable doit inclure, dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition, l’excédent éventuel à la fin de l’année du total des sommes représentées par les éléments E à J de la formule figurant à la définition de « fraction non amortie du coût en capital » au paragraphe (21) sur le total des sommes représentées par les éléments A à D de cette formule, concernant ses biens amortissables d’une catégorie prescrite.

[…]

Récupération de l’amortissement

(21) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

[…]

Définitions

« avoir forestier »

a) Droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada (appelé « droit initial » à la présente définition) si :

(i) d’une part, le contribuable a acquis ce droit initial (mais non de la manière visée à l’alinéa b)) après le 6 mai 1974,

              (ii) d’autre part, au moment de l’acquisition du droit initial :

(A) soit il est raisonnable de considérer que le contribuable a acquis, directement ou indirectement, le droit à la prolongation ou au renouvellement de ce droit initial ou le droit d’acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer,

(B) soit dans le cours ordinaire des choses, le contribuable peut raisonnablement s’attendre de pouvoir obtenir la prolongation ou le renouvellement de ce droit initial ou de pouvoir acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer;

b) droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada dont le contribuable est propriétaire s’il est raisonnable de considérer ce droit ou ce permis :

(i) soit comme une prolongation ou un renouvellement d’un droit initial ou comme l’une de plusieurs prolongations ou l’un de plusieurs renouvellements d’un tel droit du contribuable,

(ii) soit comme ayant été acquis en remplacement d’un droit initial du contribuable ou en remplacement d’un renouvellement ou d’une prolongation de celui‑ci ou lors de l’un de plusieurs remplacements d’un tel droit, ou d’un renouvellement ou d’une prolongation d’un tel droit.

[…]

« avoir forestier »

timber resource property

« fraction non amortie du coût en capital » S’agissant de la fraction non amortie du coût en capital existant à un moment donné pour un contribuable, relativement à des biens amortissables d’une catégorie prescrite, le montant calculé selon la formule suivante :

(A + B + C + D + D.1) – (E + E.1 + F + G + H + I + J + K)

où :

A représente le total des sommes dont chacune est le coût en capital que le contribuable a supporté pour chaque bien amortissable de cette catégorie acquis avant ce moment;

[…]

G le total des sommes dont chacune est, pour une disposition, avant ce moment, d’un avoir forestier de cette catégorie dont le contribuable est propriétaire, le produit de disposition de cet avoir moins les dépenses engagées ou effectuées en vue de la disposition;

[…]

« fraction non amortie du coût en capital »

undepreciated capital cost

« produit de disposition » Le produit de disposition de biens comprend :

a) le prix de vente de biens qui ont été vendus;

[…]

« produit de disposition »

proceeds of disposition

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

[…]

Exceptions d’ordre général

b) une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie;

[…]

Dépense ou perte en capital

e) un montant au titre d’une provision, d’une éventualité ou d’un fonds d’amortissement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie;

[…]

Provision, etc.

20. (1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien

a) la partie du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant au titre de ce coût ainsi supporté que le règlement autorise;

[…]

Coût en capital des biens

39. (1) Pour l’application de la présente loi :

a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous‑section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien », à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant, à l’exception :

[…]

(iv) d’un avoir forestier;

[…]

Sens de gain en capital et de perte en capital

248. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi,

[…]

Définitions

« montant » Argent, droit ou chose exprimés sous forme d’un montant d’argent, ou valeur du droit ou de la chose exprimée en argent […]

« montant »

amount

Analyse

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

[36]     Comme les questions dont nous sommes saisis découlent d’un appel et d’un appel incident formés contre une décision de la Cour de l’impôt, les questions de droit doivent être contrôlées suivant la norme de la décision correcte, tandis que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit ne peuvent être révisées que si le juge a commis une erreur manifeste et dominante, à moins que la question mixte de fait et de droit ne contienne une question de droit isolable (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235), qui appelle alors la norme de la décision correcte.

[37]     À mon avis, la principale question dont nous sommes saisis est de savoir s’il faut évaluer les obligations relatives au reboisement comme des « produits de vente » aux termes du paragraphe 13(21) de la Loi, et, le cas échéant, comment le faire. Pour résoudre cette question, il faut procéder à une interprétation de la loi et des contrats. Il s’agit donc d’une question de droit devant être contrôlée suivant la norme de la décision correcte.

[38]     L’intimée fait valoir que la norme de contrôle pertinente pour savoir si les parties se sont entendues sur la valeur à attribuer aux obligations relatives à la sylviculture est celle de la décision correcte. L’appelante soutient quant à elle que la question de savoir si les parties ont convenu du fait que la juste valeur marchande des obligations prises en charge correspondait aux estimations comptables est une conclusion de fait appelant une certaine retenue. Elle renvoie ensuite aux motifs du juge, notamment à sa conclusion contenue au paragraphe 30 : « Aucune disposition du contrat de vente ne constitue une entente entre les parties selon laquelle Daishowa recevait une contrepartie additionnelle de 11 000 000 $ par suite de la prise en charge par Tolko de l’obligation relative au reboisement », et soutient qu’il s’agit là d’une conclusion de fait à l’égard de laquelle il faut faire preuve de retenue.

[39]     Je ne puis souscrire à cet argument. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le juge a considéré, à mon avis avec raison, que cet aspect de l’affaire soulevait une question d’interprétation contractuelle. Celle‑ci est manifestement soumise à la norme de la décision correcte (voir : Canada c. Calgary (Ville), 2010 CAF 127, 2010 G.S.T.C. 78, au paragraphe 54; autorisation d’appel à la C.S.C. accordée, [2010] 3 R.C.S. v [décision maintenant rendue, disponible à 2012 CSC 20, [2012] 1 R.C.S. 689]; et General Motors du Canada Ltée c. Canada, 2008 CAF 142, au paragraphe 31). Autrement dit, la détermination de ce que les parties ont convenu sur la base des termes clairs de leur contrat est sans conteste une question contrôlable selon la norme de la décision correcte.

[40]     Le caractère adéquat des motifs du juge est une question d’équité procédurale et de justice naturelle, et doit donc aussi être contrôlé suivant la norme de la décision correcte. La Cour n’interviendra que si les motifs du juge ne font pas apparaître entre la preuve et la décision un lien logique suffisant pour permettre un véritable appel (voir : R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3 (R.E.M.), aux paragraphes 53 et 57). Même si l’arrêt R.E.M. concernait une affaire de droit criminel, notre Cour a conclu, sur la base des principes qui y sont énoncés, que les motifs de la Cour de l’impôt étaient inadéquats (voir : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Mahy, 2004 CAF 340, aux paragraphes 13 à 16).

[41]     Les autres questions dont nous sommes saisis se rapportent à l’application de principes juridiques aux faits particuliers de l’affaire, et doivent donc être contrôlées suivant la norme de l’erreur manifeste et dominante. Par conséquent, la question de savoir si la contrepartie reçue sous forme d’une prise en charge de l’obligation relative à la sylviculture de l’appelante était éventuelle ou incertaine, si elle a été reçue à titre de revenu ou de capital et si elle a légitimement été allouée à la survaleur, doivent toutes être contrôlées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante. Finalement, comme les plaidoiries visent à [traduction] « établir les questions appelées à être tranchées et à signaler à chaque partie quels arguments elle doit repousser » (B & W Diesel v. Kingsway Transports Ltd., 1997 CanLII 823, 33 O.R. (3d) 355 (C.A.), au paragraphe 10), la question de savoir si les plaidoiries sont ici suffisantes pour justifier les conclusions du juge relève de l’équité procédurale ou de la justice naturelle et doit donc être contrôlée suivant la norme de la décision correcte (voir : Canada c. Nunn, 2006 CAF 403, aux paragraphes 21 à 26).

2.         Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que les obligations relatives à la sylviculture prises en charge par Tolko devaient être incluses dans le produit de disposition de l’appelante pour les années d’imposition 1999 et 2000?

[42]     Comme je l’ai indiqué précédemment, les motifs du juge traitent exclusivement de la vente de High Level à Tolko. L’analyse suivante concerne donc ses conclusions à l’égard de cette transaction. J’examinerai séparément les questions touchant la vente de Brewster puisqu’elles soulèvent des enjeux d’une autre nature.

[43]     Avant de me pencher sur la première question, quelques remarques préliminaires s’imposent sur le contexte législatif auquel sont assujettis le produit de disposition de la vente de High Level et le transfert de la tenure. Le paragraphe 13(21) de la Loi définit un « avoir forestier » comme un « [d]roit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada ». La tenure incluse dans la vente de High Level constitue donc un avoir forestier au sens du paragraphe 13(21), et un bien en immobilisation amortissable relevant de la catégorie 33 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu [C.R.C., ch. 945] (le Règlement).

[44]     Normalement, si le produit de disposition d’un bien en immobilisation amortissable est supérieur à son coût en capital, il en résulte un gain en capital (voir le Bulletin d’interprétation IT‑481 (Consolidé) « Avoirs forestiers et concessions forestières »). Cependant, en vertu du sous‑alinéa 39(1)a)(iv) de la Loi, les avoirs forestiers ne peuvent donner lieu à un gain en capital. Par conséquent, aux termes du paragraphe 13(1) et de la définition de la « fraction non amortie du coût en capital » du paragraphe 13(21) [mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 6] (variable G), l’excédent du produit de disposition d’un avoir forestier sur son coût en capital est inclus dans le revenu du vendeur (voir : Kettle River Sawmills Ltd. c. Canada, [1993] A.C.F. no 1190 (C.A.) (QL), au paragraphe 4).

[45]     J’aborderai à présent la question de savoir si le juge a commis une erreur en concluant que la prise en charge par Tolko de l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture constituait une contrepartie et qu’elle devait à ce titre être incluse dans le produit de disposition de cette dernière. Cette question ne suscite pas de réel différend entre les parties puisqu’en principe, la prise en charge d’une obligation par l’acheteur peut s’avérer une contrepartie susceptible d’être incluse dans le produit de disposition. Cependant, la valeur, si tant est qu’il y en ait une, de l’obligation prise en charge par Tolko est vivement débattue.

[46]     À mon avis, le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que la prise en charge par Tolko de l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture constituait une contrepartie à inclure dans le produit de disposition de l’appelante. Le juge aborde cette question aux paragraphes 24 à 27 de ses motifs, en commençant par souligner que l’appelante avait reconnu que « [traduction] [s]i Tolko n’avait pas pris en charge l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture, le montant versé en espèces ou toute autre contrepartie qu’elle aurait versée à l’appelante aurait augmenté » (voir : exposé des faits admis, paragraphe 28, dossier d’appel, vol. 2, page 168). Ce qui l’amène à noter au paragraphe 24 de ses motifs :

Compte tenu de ce fait reconnu et admis, il est difficile de conclure que la prise en charge de l’obligation ne fait pas partie de la contrepartie à verser, selon le marché, et ce, bien que Daishowa se soit efforcée de faire supprimer cet élément du marché de la définition du prix d’achat, dans l’entente finale.

[47]     Le juge, au paragraphe 25, mentionne ensuite le paragraphe 13(21) de la Loi, qui définit le « produit de disposition » comme incluant le prix de vente d’un bien. Après avoir fait remarquer que le « prix est communément défini comme incluant la contrepartie » et adopté la définition du terme « contrepartie » proposée par M. Fridman, savant auteur de l’ouvrage The Law of Contract in Canada, 4e éd. (Toronto : Carswell, 2006), à la page 83, à savoir [traduction] « un droit, un intérêt, un profit ou un avantage pour une partie, soit une abstention, un désavantage, une perte ou une responsabilité pour l’autre partie » (cette définition a été énoncée par la Haute Cour de justice de l’Angleterre dans l’arrêt Currie v. Misa (1875), L.R. 10 Ex. Ch. 153, conf. par (1875-76), 1 App. Cas. 554), le juge a estimé que la prise en charge d’une obligation et la promesse d’indemnisation constituaient clairement une contrepartie. À cet égard, il avait à l’esprit l’article 3 du contrat de vente qui prévoyait notamment que Tolko serait responsable de l’obligation relative au reboisement et que l’appelante serait dégagée de cette responsabilité.

[48]     Le juge fait ensuite remarquer aux paragraphes 26 et 27 de ses motifs :

Quelle est la nature de l’obligation, dont la libération donne lieu à un certain avantage pour Daishowa? Il ne s’agit pas d’une obligation qui, comme je le pensais initialement, est nécessairement transmise avec les tenures. Il ressort clairement d’un examen minutieux de la législation de l’Alberta et des faits sur lesquels les parties se sont entendues que la province n’approuvera pas un transfert de tenures, à moins que l’acquéreur ne prenne en charge l’obligation relative au reboisement. Cela est tout à fait différent de toute idée selon laquelle l’obligation, simplement par application des lois de l’Alberta, va de pair avec le bien; en d’autres termes, le titulaire des tenures est légalement responsable de l’obligation relative au reboisement. La situation, en Alberta, est plutôt la suivante : la province contraint effectivement l’acquéreur à prendre en charge l’obligation relative au reboisement : si l’acquéreur ne prend pas cette obligation en charge, il ne peut pas y avoir transfert des tenures. Si un tiers, le gouvernement de l’Alberta, exige la prise en charge d’une obligation, cela a‑t‑il pour effet de faire de la prise en charge de cette obligation autre chose qu’une contrepartie? Non, cela ne change rien à la nature de la prise en charge de l’obligation à titre de contrepartie, mais cela peut influer sur la valeur de cette prise en charge.

Le fait que l’entente finale entre les parties excluait expressément la prise en charge de l’obligation du prix d’achat a‑t‑il comme effet juridique d’exclure cette prise en charge de la contrepartie versée pour les tenures et, par conséquent, du produit de disposition? En outre, le fait que, dans cette entente, les parties ont réparti entre les actifs uniquement le montant versé en espèces a‑t‑il également comme effet juridique d’exclure la prise en charge de l’obligation de la contrepartie? Je réponds à ces deux questions par la négative. En effet, en répondant par l’affirmative, on accorde plus d’importance à la forme qu’à la substance dans l’interprétation des contrats; or, cette approche ne saurait tenir.

[49]     Je n’ai rien à redire au raisonnement du juge. Ainsi qu’il l’a clairement expliqué, le prix de vente d’un bien se définit couramment comme incluant une contrepartie offerte par un acheteur à un vendeur, par exemple sous forme d’espèces, de biens et (ou) d’une prise en charge de responsabilités : voir Krauss c. Canada, 2009 CCI 597, au paragraphe 30; Telus Communications (Edmonton) Inc. c. Canada, 2009 CAF 49, au paragraphe 28; Loyens c. Canada, 2003 CCI 214, aux paragraphes 31 et 33.

[50]     J’ajouterais, puisque c’est pertinent, que les autres soumissions présentées pour l’achat de High Level incluaient expressément la prise en charge de l’obligation relative au reboisement comme une portion distincte de la contrepartie. Au moment de l’achat de High Level en 1990, l’appelante avait procédé justement de la même façon (voir : dossier d’appel, vol. 5, pages 715 et 716, article 8 : [traduction] « Prise en charge des obligations et des responsabilités » du contrat entre Canadian Forest Products Ltd. et Daishowa Canada Ltd. daté du 23 février 1990). En outre, comme l’a noté le juge dans ses motifs, l’appelante a reconnu que si Tolko n’avait pas accepté de prendre en charge son obligation relative à la sylviculture, le montant en espèces versé ou d’autres contreparties auraient été plus importants.

[51]     Par conséquent, il m’est aisé de conclure que le juge n’a pas commis d’erreur en estimant que la prise en charge par Tolko de l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture constituait une contrepartie devant être incluse dans le produit de disposition de cette dernière. Cependant, la valeur de cette contrepartie est une question plus délicate, et je me propose à présent de l’aborder.

3.         L’appelante et Tolko ont‑elles convenu d’attribuer une valeur à l’obligation relative au reboisement prise en charge par Tolko et, si oui, quelles en sont les conséquences?

[52]     Le juge a commencé son analyse en relevant l’argument de l’appelante suivant lequel la valeur de l’avantage découlant de la prise en charge par Tolko de son obligation relative à la sylviculture est [au paragraphe 28] « si incertaine qu’elle n’est pas déterminable » et que, de ce fait, elle est nulle. Il a examiné ensuite le contrat signé par les parties en s’attardant particulièrement sur l’article 3.2.1. D’après lui, cette clause montre que l’offre d’achat de High Level par Tolko reposait sur une estimation de l’obligation de reboisement seulement. Au paragraphe 30 de ses motifs, le juge déclare que « [e]n réalité, le calcul relatif à l’obligation en matière de reboisement n’était qu’une estimation, une estimation vérifiée, mais il ne s’agissait néanmoins que d’une estimation », ajoutant qu’il n’avait rien trouvé dans le contrat pour confirmer l’existence d’une entente en vertu de laquelle l’appelante recevrait une contrepartie de l’ordre de 11 000 000 $ du fait de la prise en charge par Tolko de l’obligation relative à la sylviculture. À son avis [au paragraphe 30], « l’estimation de 11 000 000 $ était un facteur dans la détermination du prix que Tolko était prête à payer en espèces, mais il ne s’agissait pas d’une valeur convenue aux fins de la détermination de sa valeur en tant que contrepartie. »

[53]     Ayant conclu que les parties ne s’étaient pas entendues pour attribuer une valeur à l’obligation de reboisement prise en charge par Tolko, le juge a donc conclu, au paragraphe 40 de ses motifs que « [l]e fait que Tolko a négocié une réduction du prix d’achat ne m’amène pas à conclure que l’avantage pour Daishowa de la prise en charge de l’obligation par Tolko doit correspondre au même montant ».

[54]     Le juge a donc entrepris d’attribuer une valeur à la prise en charge de l’obligation par Tolko et, pour ce faire, a tenu compte d’un certain nombre de facteurs comme la valeur estimative à laquelle les comptables étaient parvenus, l’incertitude entourant l’estimation de l’obligation et le fait que l’appelante s’en servait pour établir le prix en espèces de la vente de la scierie.

[55]     Comme je l’ai déjà indiqué, le juge a par conséquent réduit l’obligation à long terme prise en charge par Tolko de 80 p. 100.

[56]     Si l’on interprète bien le contrat, les parties ont convenu d’attribuer une valeur à la prise en charge par Tolko de l’obligation de l’appelante relative à la sylviculture : il n’était donc pas loisible au juge d’en réduire le montant comme il l’a fait.

[57]     J’examinerai maintenant le contrat en commençant par reproduire les clauses pertinentes :

[traduction]

ARTICLE 3

PRISE EN CHARGE DES OBLIGATIONS ET DES RESPONSABILITÉS

3.1 Obligations prises en charge. À la date de prise d’effet, l’acquéreur assumera les obligations prises en charge, à l’exception toutefois des obligations expressément exclues. L’acquéreur indemnisera DMI à l’égard de quelque réclamation, demande, action, cause d’action, perte, préjudice, coût ou dépense, quels qu’ils soient, y compris les frais juridiques, auxquels DMI sera exposée, en raison de l’omission de l’acquéreur de s’acquitter des obligations prises en charge, à compter de la date de prise d’effet, et DMI indemnisera l’acquéreur à l’égard de quelque réclamation, demande, action, cause d’action, perte, préjudice, coût ou dépense, quels qu’ils soient, y compris les frais juridiques, auxquels l’acquéreur sera exposé en raison de l’omission de DMI de s’acquitter des obligations exclues.

3.2 Responsabilités relatives au reboisement

3.2.1 Préparation de l’état des obligations relatives au reboisement. DMI estime de bonne foi que la valeur globale des obligations à court et à long termes relatives au reboisement s’élèveront à 11 millions de dollars à la date de prise d’effet (le « montant estimatif »). Immédiatement après la clôture, DMI préparera l’état des obligations relatives au reboisement indiquant les obligations à court et à long termes relatives au reboisement associées à la division à la date de prise d’effet et fera en sorte que cet état soit vérifié sans délai par les comptables. DMI s’assurera que deux copies de l’état des obligations relatives au reboisement soient transmises à l’acquéreur aussitôt que possible et au plus tard 60 jours après la date de clôture, accompagnées d’un avis écrit des comptables sous la forme de l’avis figurant à l’annexe S. DMI offrira aux représentants de l’acquéreur la collaboration et les feuilles de travail de vérification justificatives dont il pourrait raisonnablement avoir besoin pour revoir l’état des obligations relatives au reboisement. Dans les 10 jours ouvrables suivant la transmission de cet état, l’acquéreur fera savoir à DMI par écrit s’il est d’accord avec le montant des obligations à court et à long termes en matière de reboisement; si tel n’est pas le cas, il précisera les questions litigieuses et le dossier sera renvoyé aux comptables qui recalculeront, s’ils le jugent nécessaire, lesdites obligations. Les coûts inhérents à la vérification entreprise par les comptables sont de la responsabilité de DMI, tandis que ceux qui découlent de tout nouveau calcul seront répartis entre DMI et l’acquéreur, conformément à l’évaluation des comptables, et à leur discrétion, en fonction du caractère équitable du nouveau calcul fondé sur la détermination initiale vérifiée des responsabilités à court et à long termes relatives au reboisement. Si l’une des parties refuse de se plier aux décisions des comptables, l’une ou l’autre peut alors soumettre directement l’affaire à l’arbitrage conformément à l’alinéa 11.3 d).

3.2.2 Rajustements apportés aux obligations relatives au reboisement. Le troisième jour ouvrable suivant la réception par DMI de l’avis d’approbation de l’état des obligations relatives au reboisement signifié par l’acquéreur, ou la détermination finale des obligations relatives au reboisement par les comptables ou par arbitrage, selon le cas, conformément à l’article 3.2.1 :

a)  DMI versera à l’acquéreur par traite bancaire le montant, le cas échéant, par lequel la détermination finale des obligations relatives au reboisement excède le montant estimatif, ainsi que les intérêts sur l’excédent, calculés à compter de la date de clôture jusqu’à la date du paiement, à un taux correspondant au taux préférentiel; ou

b) l’acquéreur versera à DMI par traite bancaire le montant, le cas échéant, par lequel la détermination finale des obligations relatives au reboisement est inférieure au montant estimatif, ainsi que les intérêts sur la différence, calculés à compter de la date de la clôture jusqu’à la date du paiement, à un taux correspondant au taux préférentiel.

3.3 Pas de prise en charge par l’acquéreur. Sauf mention expresse à l’article 3.1 de la présente entente, l’acquéreur n’assumera aucune des obligations ou responsabilités de DMI ou n’en sera pas garante.

[58]     À mon avis, le juge a eu tort de conclure que les 11 000 000 $ d’obligations à court et à long termes relatives au reboisement correspondaient à une estimation et non à une valeur entendue. L’essence de son raisonnement sur ce point est contenue au paragraphe 30 de ses motifs :

Cette disposition [la partie de la clause 3.2.1 qui prévoit que « l’acquéreur fera savoir à DMI [Daishowa] par écrit s’il est d’accord avec le montant des obligations à court et à long termes en matière de reboisement »] est importante parce qu’elle montre que l’offre de Tolko était fondée sur une estimation de l’obligation relative au reboisement et que, si l’état des obligations relatives au reboisement préparé par le vérificateur indiquait autre chose, un paiement serait effectué par une partie ou l’autre. Cette disposition n’était pas énoncée dans le contexte de l’estimation de la valeur de la prise en charge de l’obligation aux fins de la détermination du produit de disposition de Daishowa, mais aux fins de la fixation d’un prix d’achat exact en espèces. En réalité, le calcul relatif à l’obligation en matière de reboisement n’était qu’une estimation, une estimation vérifiée, mais il ne s’agissait néanmoins que d’une estimation. Aucune disposition du contrat de vente ne constitue une entente entre les parties selon laquelle Daishowa recevait une contrepartie additionnelle de 11 000 000 $ par suite de la prise en charge par Tolko de l’obligation relative au reboisement. Lorsque les parties se sont entendues sur des valeurs, par exemple lorsqu’il s’est agi de déterminer le fonds de roulement net visé par l’achat, elles l’ont expressément indiqué, par exemple en employant le mot [traduction] « valeur ». À coup sûr, l’estimation de 11 000 000 $ était un facteur dans la détermination du prix que Tolko était prête à payer en espèces, mais il ne s’agissait pas d’une valeur convenue aux fins de la détermination de sa valeur en tant que contrepartie.

[59]     Je ne puis souscrire au raisonnement du juge.

[60]     Les clauses cruciales du contrat entre l’appelante et Tolko sont les articles 3.2.1 et 3.2.2. L’article 3.2.1 stipule que l’appelante a estimé à 11 000 000 $ la valeur globale des obligations à court et à long termes relatives au reboisement. Ce chiffre est qualifié de [traduction] « montant estimatif ». La clause prévoit ensuite que l’appelante préparera après la clôture du contrat un état des obligations relatives au reboisement [traduction] « indiquant les obligations à court et à long termes relatives au reboisement associées à la division à la date de prise d’effet et fera en sorte que cet état soit vérifié sans délai par les comptables ». Dix jours après l’avoir reçu, Tolko fera savoir par écrit à l’appelante [traduction] « [si elle] est d’accord avec le montant des obligations à court et à long termes en matière de reboisement; si tel n’est pas le cas, [elle] précisera les questions litigieuses et le dossier sera renvoyé aux comptables qui recalculeront, s’ils le jugent nécessaire, lesdites obligations ». Finalement, l’article 3.2.1 prévoit que l’affaire peut être soumise à un arbitrage, conformément à l’alinéa 11.3d) du contrat, si l’une des parties refuse de se plier à la décision des comptables.

[61]     Quant à l’article 3.2.2 du contrat, il stipule qu’après confirmation par Tolko à l’appelante de son [traduction] « approbation de l’état des obligations relatives au reboisement […], ou la détermination finale des obligations relatives au reboisement par les comptables ou par arbitrage », l’appelante ou Tolko, selon le cas, versera à l’autre par traite bancaire le montant, le cas échéant, par lequel la détermination finale des obligations relatives au reboisement [traduction] « excède le montant estimatif, ainsi que les intérêts sur l’excédent » ou [traduction] « est inférieure au montant estimatif, ainsi que les intérêts sur la différence ».

[62]     En l’occurrence, comme je l’ai déjà indiqué, les comptables ont évalué les obligations relatives au reboisement à 11 226 225 $, ce qui excède le montant estimatif de 296 225 $. L’appelante a donc versé à Tolko la somme de 296 225 $ plus 4 297,32 $ en intérêts, conformément aux conditions sur lesquelles elles s’étaient entendues.

[63]     Bien que l’article 3.2.1 du contrat qualifie bel et bien initialement l’évaluation d’[traduction] « estimation », celle‑ci se rapporte à la valeur des obligations relatives au reboisement. Toutes les références subséquentes à ces obligations donnent fortement à penser que les montants ne représentent pas simplement des estimations, mais des valeurs réelles. Le terme « valeur » est d’ailleurs expressément employé en rapport avec les obligations relatives au reboisement mentionnées à l’article 3.2.1. À mon avis, il n’y a donc rien dans le contrat lui‑même qui fasse douter que les parties ont convenu d’attribuer une valeur précise à l’obligation de reboisement. La quantification précise à laquelle sont parvenus les comptables appuie fortement l’argument voulant que cette obligation soit en elle‑même une forme valable de contrepartie. Le paiement d’intérêts sur l’excédent de 296 225 $ démontre que le rajustement faisait tout autant partie du contrat, même s’il a eu lieu après la date de clôture.

[64]     Il me semble que le véritable objectif de l’article 3.2.1 était de déterminer la [traduction] « valeur globale des obligations à court et à long termes relatives au reboisement » et de s’assurer que la portion de la contrepartie en espèces correspondait à la prise en charge de la tranche relative aux responsabilités. La simple et unique raison pour laquelle les 11 000 000 $ ont d’abord été considérés comme un « montant estimatif » a trait au fait que la valeur convenue devait être raffinée et établie en fonction de l’état des obligations relatives au reboisement produit par les comptables, qui affectait à son tour l’obligation juridique touchant le paiement en espèces.

[65]     À mon humble avis, le juge semble avoir donné à l’expression [traduction] « montant estimatif » figurant à l’article 3.2.1 une signification l’amenant à ignorer le libellé clair de la clause complète.

[66]     Au paragraphe 40 de ses motifs, au point IV, le juge a écrit que « […] Daishowa et Tolko s’étaient entendues sur le montant estimatif aux fins de la détermination du prix d’achat en espèces, mais qu’elles n’avaient pas convenu que ce montant représentait la valeur de la prise en charge de l’obligation à titre de contrepartie ». Je ne peux souscrire à cette proposition. Le juge semble avoir établi une distinction entre le fait de convenir de la valeur réelle de la prise en charge de la responsabilité et celui d’accepter un montant pour sa contrepartie. L’essentiel de son analyse des six facteurs contextuels sous‑jacents, énoncés au paragraphe 40 de ses motifs, met d’ailleurs l’accent sur la détermination de la juste valeur des obligations de l’appelante relatives à la sylviculture. Aux fins de l’impôt cependant, l’enjeu ne concerne pas la valeur subjective du bien pour les parties, ou encore les rendements ou les coûts qui finiront par en découler, mais revient à savoir si les parties se sont entendues sur un certain montant comme contrepartie pour ce bien.

[67]     Dans l’arrêt Teleglobe Inc. c. Canada, 2002 CAF 408 (Teleglobe), l’affaire dont la Cour était saisie concernait la privatisation de Teleglobe Canada par le gouvernement du Canada. Plus exactement, cette privatisation a été réalisée par la vente d’actifs de Teleglobe Canada à Teleglobe Canada Inc. en échange de la prise en charge de certains éléments de passif, d’un billet à ordre et de l’émission d’actions ordinaires et spéciales. Les actions ordinaires avec droit de vote ont été vendues selon un processus de soumission à Memotec Data Inc. pour 488 300 000 $.

[68]     La principale question dont la Cour était saisie portait sur la détermination du prix d’achat réel des actifs de Teleglobe Canada. L’appelante, Teleglobe Canada Inc., faisait valoir que l’ensemble des actifs de Teleglobe Canada lui avait coûté 660 000 000 $, tandis que le ministre soutenait que le prix se situait aux alentours de 530 000 000 $. Le litige sur le prix d’achat découlait de la différence dans la manière dont les parties ont calculé ce que les actions émises à titre de paiement partiel des actifs de Teleglobe Canada avaient coûté à l’appelante. Pour parvenir à une conclusion, la Cour devait tenir compte d’une clause de prise en charge d’éléments de passif et d’une procédure correspondante de rajustement des prix similaires à celles auxquelles nous avons affaire en l’espèce.

[69]     Concluant que le prix de 530 000 000 $ auquel était parvenu le ministre était le bon, le juge Pelletier, qui s’exprimait au nom de la Cour, a indiqué au paragraphe 27 :

À mon avis, il ressort clairement de la convention proprement dite que les parties avaient convenu d’un prix d’achat pour les actions. Les dispositions de l’article 3.02 de la convention d’achat prévoyaient un cadre de calcul de ce prix. Les deux éléments du calcul consistent en les éléments de passif pris en charge et en l’excédent des éléments d’actif sur les éléments de passif monétaires pris en charge. Le montant que les parties considéraient comme l’excédent des éléments d’actif sur les éléments de passif monétaires pris en charge est celui qui figure à l’article 4.04 de la convention, la clause de rajustement. Il y est prévu que si le calcul de l’excédent des éléments d’actif sur les éléments de passif monétaires pris en charge fondé sur les états financiers à la date de clôture diffère de plus de 2 p. 100 du montant de 378 021 000 $, le prix d’achat des actions sera rajusté. Comme l’excédent des éléments d’actif sur les éléments de passif monétaires pris en charge était composé du billet à ordre, des actions spéciales et des actions ordinaires, la valeur des deux catégories d’actions est la différence entre 378 021 000 $ et le montant du billet à ordre, ou approximativement 234 000 000 $.

[70]     Le juge Pelletier a ensuite renvoyé aux arrêts Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622; Singleton c. Canada, 2001 CSC 61, [2001] 2 R.C.S. 1046, et Entreprises Ludco Ltée c. Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 R.C.S. 1082, dans lesquels la Cour suprême a estimé qu’en l’absence de facteurs qui permettraient de contester la transaction, comme un trompe-l’œil ou des dispositions contraires de la loi, les rapports juridiques établis par les contribuables devaient être respectés (Teleglobe, aux paragraphes 28 à 31). Le juge Pelletier a poursuivi en déclarant que les parties, c’est-à-dire le gouvernement du Canada et Memotec, avaient « déterminé les valeurs en question. Le fait que ces valeurs puissent avoir été établies en considération de contreparties autres que la valeur marchande des éléments d’actif signifie simplement que la valeur marchande ne constituait pas la mesure de la valeur des éléments d’actif pour les parties » (Teleglobe, au paragraphe 30), ajoutant que « [e]n l’absence de facteurs qui rendraient la transaction inattaquable, la convention des parties détermine le coût, pour la société, de l’émission d’actions en échange de biens » (Teleglobe, au paragraphe 31).

[71]     Même si la Cour, dans l’arrêt Teleglobe, n’avait pas à déterminer le total du produit de disposition, le juge Pelletier a néanmoins estimé que la prise en charge des éléments de passif et la formule pour rajuster le prix d’achat final reflétaient l’entente des parties ayant trait à la contrepartie de l’achat des actifs de Teleglobe Canada (Teleglobe, aux paragraphes 1, 9, 10 et 25).

[72]     Pour résumer, les clauses du contrat dont nous parlons ici sont sans équivoque. Les parties ont convenu, comme condition de la vente de High Level, d’accepter 11 000 000 $ à titre de contrepartie pour la prise en charge de l’obligation de reboisement de l’appelante, sous réserve de la procédure de rajustement précisée. Cela me semble comparable à la prise en charge des éléments de passif et à la procédure de rajustement correspondante dont il était question dans l’arrêt Teleglobe.

[73]     En l’espèce, Tolko a négocié, dans le cadre de l’achat des droits de coupe de l’appelante, les conditions dans lesquelles elle prendrait en charge les obligations de cette dernière relatives à la sylviculture. Le contrat précisait que l’appelante avait estimé de bonne foi la valeur globale de cette responsabilité à 11 000 000 $, et que les parties s’étaient entendues pour se verser mutuellement la différence entre la valeur préliminaire et le montant final déterminé par les comptables, que le montant de cette différence ait été convenu par les parties ou établi à l’issue d’un arbitrage. Le juge a donc commis une erreur en estimant que le contrat ne précisait pas le prix convenu par les parties pour la prise en charge de l’obligation de reboisement de l’appelante. La tentative du juge de quantifier la valeur réelle de l’avantage que l’appelante a tiré de la prise en charge par Tolko de sa responsabilité était mal avisée. En fait, il n’a pas établi si les parties s’étaient entendues sur un prix pour la prise en charge de l’obligation de reboisement de l’appelante.

[74]     À mon avis, l’appelante et Tolko se sont entendues sur un prix de 11 000 000 $ pour l’obligation en question et c’est ce prix qui devrait leur être opposé aux fins de l’impôt.

[75]     Les arguments avancés par l’appelante à l’encontre de cette conclusion ne sont pas convaincants. Elle soutient que le ministre s’est fourvoyé puisque la valeur des estimations comptables de l’obligation relative au reboisement n’est pas actualisée. Le juge a souscrit à cette position, affirmant que l’estimation n’avait pas été réduite de manière à refléter la valeur actuelle (voir le paragraphe 40 des motifs du juge).

[76]     Je ne puis accepter l’argument de l’appelante. Comme j’ai conclu que la preuve confirmait que les parties s’étaient entendues sur une valeur précise, la question de la valeur actualisée disparaît. Le montant convenu de 11 000 000 $ était actualisé, puisque c’est précisément de cette valeur qu’on s’est servi pour réduire la somme finale que Tolko devait verser à l’appelante.

[77]     L’appelante fait aussi valoir que le mécanisme de rajustement prévu à l’article 3.2.2 du contrat devait permettre de compenser la différence entre les estimations initiale et finale. De son point de vue, l’existence d’un tel mécanisme n’a pas en soi pour effet de rendre la valeur initiale ou finale définitive, par opposition à une estimation incertaine. Bien que ce raisonnement soit juste, il ne change rien au fait que le chiffre de 11 000 000 $ représente une valeur et non une estimation. Les parties ont considéré ce montant comme une valeur réelle et actualisée, et elles s’en sont servi pour réduire le montant de la contrepartie que Tolko devait verser à l’appelante. Même si j’admettais que les parties ont considéré et défini le montant comme une estimation (ce qui n’est pas le cas), elles ont tout de même traité les 11 000 000 $ comme une valeur réelle en rajustant le prix d’achat de manière à en tenir compte. Il aurait d’ailleurs été étrange de voir les parties rajuster le prix d’achat final en se basant sur une estimation à laquelle elles n’attribuaient aucune valeur.

[78]     À l’appui de l’argument voulant que les 11 000 000 $ correspondant à l’obligation relative à la sylviculture ne doivent pas être inclus dans le produit de disposition, l’appelante a fait valoir que cette responsabilité était incertaine ou éventuelle et donc non imposable. Eu égard à ma conclusion selon laquelle Tolko et l’appelante s’étaient entendues sur un prix précis pour la prise en charge de l’obligation relative à la sylviculture, cette observation est sans fondement. Cependant, les remarques qui suivent sur ce point seront, je l’espère, d’une certaine utilité.

[79]     Les obligations sont absolues ou éventuelles. La Cour suprême a défini une dette éventuelle comme « une obligation dont l’existence dépend d’un événement qui peut se produire ou ne pas se produire » (voir : Canada c. McLarty, 2008 CSC 26, [2008] 2 R.C.S. 79, au paragraphe 17). Si elle n’est pas éventuelle, une obligation est absolue. Cependant, dans les décisions où le paragraphe 13(21) de la Loi est interprété, les tribunaux ne se sont pas demandés si l’obligation prise en charge par l’acquéreur était éventuelle ou absolue; en fait, la nature de cette obligation est sans pertinence. Les tribunaux semblent plutôt ne s’intéresser qu’à la valeur attribuée par les parties, si tant est qu’il y en ait une, par rapport à l’obligation prise en charge par l’acquéreur. Si les parties n’attribuent aucune valeur à une obligation future, il n’y aura donc rien à rajouter au produit de disposition du vendeur aux fins de l’impôt.

[80]     Par exemple, dans les contrats de vente de High Level et de Brewster, les acquéreurs ont pris en charge toute responsabilité délictuelle future pouvant découler de leur exploitation des scieries de l’appelante. Évidemment, si un travailleur avait été blessé par suite d’une négligence grossière dans l’une des deux scieries après leur vente par l’appelante, les acquéreurs auraient été tenus de verser des dommages‑intérêts délictuels. Malgré l’existence de cette responsabilité délictuelle future, les parties n’ont pas attribué de valeur à sa prise en charge par les acheteurs : le ministre a donc eu raison de n’ajouter aucun revenu au produit de disposition de l’appelante pour la prise en charge de cette responsabilité. Inversement, si les parties à une entente attribuent une valeur à une responsabilité future, le ministre peut alors ajouter ce montant au produit de disposition du vendeur — que l’obligation prise en charge par l’acquéreur soit éventuelle ou absolue.

[81]     Dans le cas présent, même si les coûts futurs de reboisement échus à Tolko sont probablement incertains ou éventuels, il n’en est rien de la contrepartie versée pour la prise en charge de cette responsabilité. Il existe d’ailleurs une différence fondamentale entre autoriser un contribuable à déduire une dépense qui n’a pas encore été engagée, et le dispenser de signaler le produit de la disposition d’immobilisations obtenu par le paiement d’un montant fixe pour la prise en charge permanente de l’obligation qui lui revient.

[82]     Le paragraphe 13(21) met donc l’accent sur la question de savoir si le vendeur a reçu un montant, c’est‑à‑dire une contrepartie, pour la prise en charge d’une obligation. Que celle‑ci soit éventuelle ou absolue est sans pertinence pour cette analyse.

[83]     Cette approche suppose une distorsion minimale des marchés puisqu’une valeur est attribuée à une obligation future dans des conditions de concurrence normales et par le biais de négociations entre un acheteur et un vendeur dont les intérêts sont ici divergents. L’acheteur souhaite faire l’acquisition en payant le moins possible, et il marchandera donc pour gonfler autant qu’il peut le montant attribué aux obligations futures. Le vendeur, de son côté, veut gagner le maximum, et il marchandera donc pour réduire le montant attribué aux obligations futures. En théorie, le montant auquel les parties parviendront devrait donc représenter la juste valeur marchande de la prise en charge par l’acquéreur de l’obligation future du vendeur.

[84]     Par conséquent, j’estime que le juge a commis une erreur en concluant que les parties ne s’étaient pas entendues pour attribuer une valeur à l’obligation relative à la sylviculture prise en charge par Tolko. Aux fins de l’impôt, c’est donc le prix convenu par les parties qui doit leur être opposé. Le ministre a donc eu raison d’ajouter les 11 000 000 $ au revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1999.

4.         Le juge a-t-il eu raison de conclure que seuls 20 p. 100 de l’obligation à long terme relative au reboisement devaient être inclus dans le revenu de l’appelante à titre de produit de la vente durant les années d’imposition pertinentes?

[85]     Comme j’ai conclu que les parties s’étaient entendues pour attribuer une valeur à l’obligation de reboisement prise en charge par Tolko, il n’est pas nécessaire que j’aborde cette question, sinon pour dire que le juge a commis une erreur en n’incluant que 20 p. 100 de l’obligation à long terme relative au reboisement dans le revenu de l’appelante à titre de produit de la vente pour l’année d’imposition 1999. Quoi qu’il en soit, les parties ont convenu que la conclusion du juge ne s’appuyait sur aucun fondement probatoire.

5.         L’appelante pouvait‑elle prétendre à une déduction sur son revenu ou pouvait‑elle inclure le montant payé à titre de dépense en capital étant donné qu’elle a fait Tolko prendre en charge l’obligation relative au reboisement dans son prix de base rajusté?

[86]     L’appelante soutient que si les montants de l’obligation relative au reboisement sont inclus dans ses produits de vente, elle devrait être autorisée à déduire un montant compensatoire égal de son revenu puisqu’elle a dans les faits payé Tolko pour qu’elle prenne en charge la responsabilité moyennant un prix de vente plus bas (mémoire des faits et du droit de l’appelante relatif à l’appel, paragraphe 51). J’estime que cet argument doit être rejeté.

[87]     Encore une fois, le juge a donné tort à l’appelante sur ce point puisqu’à son avis, la transaction visait la vente d’immobilisations, et la prise en charge de l’obligation relative au reboisement « faisait tout simplement partie de cette opération en capital » (paragraphe 44 des motifs du juge). Je ne vois aucune raison de ne pas souscrire au raisonnement du juge.

[88]     L’alinéa 18(1)b) de la Loi interdit de manière générale la déduction de dépenses en capital sur le revenu d’entreprise (voir : Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 9e éd. (Toronto : Thomson Carswell, 2006), aux pages 322 et 323). Dans l’arrêt British Columbia Electric Railway Company Limited v. The Minister of National Revenue, [1958] R.C.S. 133, la Cour suprême a écrit, à la page 138, que pour déterminer si une dépense se rapporte à un revenu ou à un bien en capital il fallait savoir si cette dépense a été faite [traduction] « dans le but d’apporter un avantage pour le bénéfice durable » d’un contribuable. Dans l’arrêt Société canadienne de métaux Reynolds c. Canada, [1996] A.C.F. no 593 (C.A.) (QL), notre Cour a adopté ce critère. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Décary a fait observer ce qui suit au paragraphe 3 de ses motifs :

Quant à la question de la capitalisation, nous n’avons pas dû citer l’avocat de Reynolds. Il y a peu de choses à ajouter aux motifs complets du juge Joyal. La distinction entre les dépenses d’exploitation et les dépenses en immobilisations découle de l’importance qu’il y a à rapprocher de façon exacte les revenus et les dépenses sur une période comptable déterminée. Essentiellement, les dépenses qui sont censées conférer un avantage durable à l’entreprise sont des dépenses en immobilisations. Sans recourir à une revue de la vaste jurisprudence qui existe en la matière, nous emprunterons au passage souvent cité du Vicomte Cave, C.L., dans l’affaire British Insulated & Helsby Cables v. Atherton [1926] A.C. 205 (C.L.), aux pages 213 et 214 :

[traduction] […] Mais quand on fait des dépenses non seulement une fois pour toutes, mais encore dans le but d’apporter un élément d’actif ou un avantage pour le bénéfice durable d’un commerce, je pense qu’il y a de très bonnes raisons (en l’absence de circonstances particulières conduisant à une conclusion contraire) de traiter une telle dépense comme si elle était à juste titre imputable non pas au revenu, mais au capital. [Non souligné dans l’original.]

[89]     En l’espèce, j’estime, comme le juge, qu’il s’agit d’un avantage durable pour l’appelante que d’être libérée de l’obligation à long terme relative au reboisement associée à la tenure dont elle était précédemment propriétaire (paragraphe 45 des motifs du juge). Par ailleurs, le Department of Sustainable Resource Development de l’Alberta a clairement indiqué qu’en vertu de l’article 163 du Timber Management Regulations, précité, les tenures ne peuvent être cédées que si le cessionnaire prend également en charge l’obligation de reboisement qui y est associée (motifs du juge, paragraphe 3). La tenure, soit un terrain sur lequel se trouve une forêt, est un bien en immobilisation. L’obligation de reboisement se transmet en vertu de la loi avec la propriété de la tenure elle‑même. Elle constitue donc également un bien en immobilisation.

[90]     Dès lors, l’argument de l’appelante selon lequel elle aurait dû bénéficier d’une déduction sur le revenu pour avoir transféré l’obligation de reboisement à Tolko ne peut être retenu puisque la dépense liée à cette obligation est imputable au capital et, à ce titre, ne peut être déduite de son revenu par application de l’alinéa 11(1)b) [mod. par L.C. 1996, ch. 21, art. 3] de la Loi.

[91]     Comme le soutient l’intimée, [traduction] « [l]a déduction de l’obligation prise en charge irait à l’encontre de l’alinéa 18(1)a) de la Loi, qui exige qu’une dépense soit engagée pour tirer ou produire un revenu d’une entreprise ou d’un bien » (mémoire des faits et du droit de l’intimée, paragraphe 60). En effet, comme l’a à bon droit conclu le juge, la dépense n’aurait pas pu être engagée par l’appelante après la vente à Tolko puisque le reboisement relève à présent de la responsabilité de cette dernière.

[92]     J’ajouterais à cela que la province d’Alberta ne poursuit pas les cédants de tenures pour recouvrer les coûts de reboisement. Même si elle le pouvait, comme le laisse entendre l’appelante, Tolko l’a indemnisée à l’égard de l’obligation de reboisement qu’elle a prise en charge aux termes du contrat. Ainsi, l’appelante n’a pas engagé ni n’engagera jamais de dépenses en rapport avec l’obligation relative à la sylviculture prise en charge par Tolko.

[93]     Pour conclure sur ce point, l’approche de l’appelante découle d’une erreur d’interprétation du problème. L’inclusion du produit de disposition d’un bien en immobilisation ne donne lieu à aucune déduction compensatoire équivalant à une dépense. L’appelante a amalgamé un gain provenant de la disposition d’un bien en immobilisation avec la déduction d’une dépense imputable à un revenu d’entreprise. Même si le gain provenant de la disposition de la tenure constituait un revenu, la vente de l’exploitation de la scierie attachée à la tenure demeure le produit de la disposition d’un bien en immobilisation. Je ne puis trouver aucune disposition de la Loi qui permette à l’appelante de déduire de son revenu des dépenses imputables à la tenure. En d’autres termes, la vente de High Level se rapportait à un bien en immobilisation et l’appelante ne peut dissocier une composante particulière de ce bien en immobilisation, c’est‑à‑dire la tenure, pour la redéfinir en dépense à court terme. Le juge, pour qui l’argument de l’appelante était sans fondement, a réglé la question comme suit au paragraphe 45 :

Je suis d’accord avec l’appelante lorsqu’elle affirme que, pour être déductibles, les paiements n’ont pas à être effectués en espèces. Telle n’est pas la question. Le paiement doit avoir le caractère de revenu ou de dépense, plutôt que d’avoir le caractère de capital. Même si l’on considère le transfert des tenures par Daishowa comme un paiement effectué pour que Tolko prenne en charge les coûts futurs de reboisement, le paiement ressemble davantage à un avantage durable qu’à une dépense à court terme se rattachant au reboisement lui‑même. Comme l’Alberta l’a clairement indiqué, les tenures ne pourraient pas être transférées sans que l’acquéreur prenne en charge l’obligation relative au reboisement. Cela fait partie intégrante des tenures : la personne qui possède les tenures est responsable de leur reboisement. Selon moi, il n’est pas sensé, sur le plan commercial, de considérer l’opération comme un paiement des coûts de reboisement au moyen du transfert des tenures. Il s’agit d’une approche irréaliste sens dessus dessous.

[94]     Ces explications suffisent à régler la question. Cependant, l’appelante fait valoir un certain nombre d’autres arguments, que j’examinerai brièvement.

[95]     Tout d’abord, elle soutient que l’obligation de reboisement doit être traitée comme un revenu, parce que, si elle avait demandé à un sous‑traitant de se charger du reboisement, la dépense aurait été considérée comme une déduction sur le revenu conformément au raisonnement de notre Cour dans l’arrêt Northwood Pulp & Timber Ltd. c. Canada, 1998 CanLII 8602. Dans cette décision, la Cour avait estimé que les dépenses liées au reboisement pouvaient être déduites du revenu, mais seulement dans l’année où elles avaient été engagées. L’argument de l’appelante peut donc se formuler ainsi : si ces dépenses peuvent être déduites du revenu dans d’autres situations, elles devraient l’être aussi dans le cas d’espèce.

[96]     Je ne puis souscrire à cet argument. Le traitement fiscal d’une transaction dans un cas donné n’implique pas nécessairement un traitement identique dans d’autres cas. Les revenus et les capitaux sont imposés suivant les règles fixées par la Loi et le traitement d’une transaction particulière peut varier selon les circonstances factuelles particulières et la manière dont la Loi est interprétée au regard de celles‑ci. Les contribuables sont imposés en fonction de ce qu’ils ont fait, et non de ce qu’ils auraient pu faire. Comme l’appelante n’a pas payé de sous‑traitant pour reboiser la terre sur laquelle elle avait abattu des arbres, le traitement fiscal qu’aurait appelé cette situation est sans pertinence eu égard à l’issue du présent appel. En fait, l’appelante a plutôt payé l’acquéreur pour qu’il prenne en charge son obligation de reboisement, comme l’exige la législation albertaine. Comme nous le notions plus haut, cette dépense est globalement imputable au capital.

[97]     L’appelante avance en outre que, contrairement à la Colombie‑Britannique, les cédants de tenure ne sont pas juridiquement libérés de leurs obligations relatives au reboisement en Alberta : cette province a simplement adopté une pratique administrative à cet effet. Dès lors, pour l’appelante, la possibilité que l’Alberta tente de lui opposer son obligation de reboisement subsiste. J’en déduis que l’appelante soutient que l’éventualité que cette obligation lui soit opposée à l’avenir par l’Alberta signifie que le paiement fait à Tolko pour la prise en charge de l’obligation de reboisement relève davantage d’une dépense de revenu.

[98]     Encore une fois, je ne puis souscrire à cet argument. Comme l’indique l’intimée, l’appelante a été indemnisée par Tolko à l’égard des coûts de reboisement. Par conséquent, même s’il est possible que l’appelante soit poursuivie par l’Alberta au sujet des coûts de reboisement qu’elle a cédés à Tolko, cela reste très improbable. Je ne pense pas que le fait que la législation albertaine ne libère pas l’appelante de son obligation de reboisement transforme la nature de sa dépense de capital en revenu.

[99]     L’appelante soutient également qu’elle ne devrait pas être imposée différemment que si elle avait payé Tolko à part pour la libérer de son obligation de reboisement. Je ne puis être de cet avis. Comme nous l’avons noté précédemment, la seule question dont la Cour est saisie concerne ce que les parties ont fait, et non ce qu’elles auraient pu faire. De toutes les manières, cette transaction serait elle aussi probablement considérée comme se rapportant à un capital, dans la mesure où elle fournirait à l’appelante l’avantage durable de ne plus avoir à assumer l’obligation de reboisement qui se rattache à sa tenure. En outre, une telle transaction est purement hypothétique puisque la législation albertaine exige que le propriétaire de la tenure et le titulaire de l’obligation de reboisement qui y est rattachée soient la même personne.

[100]   Je ne vois donc aucune raison de contester la conclusion du juge selon laquelle la prise en charge par Tolko de l’obligation de reboisement de l’appelante doit être traitée comme une dépense en immobilisation; par conséquent, celle‑ci ne peut pas être déduite du revenu de l’appelante.

6.         Le juge a‑t‑il commis une erreur en allouant les 11 000 000 $ se rapportant à l’obligation relative à la sylviculture à l’avoir forestier plutôt qu’à la survaleur?

[101]   L’appelante soutient que s’ils doivent être inclus dans son produit de disposition pour l’année d’imposition 1999, les montants additionnels devraient être alloués à la « survaleur » plutôt qu’au transfert de l’avoir forestier à Tolko.

[102]   Le juge a alloué l’entièreté du produit de disposition se rapportant à l’obligation relative à la sylviculture à l’avoir forestier, sans rien allouer à la survaleur. Cette approche me semble tout à fait compréhensible, puisque les parties ont reconnu que ni l’appelante ni Tolko n’ont attribué de valeur à la survaleur dans la vente de High Level et le transfert de la tenure.

[103]   L’intimée fait valoir que les parties ne peuvent réallouer la contrepartie dans une transaction [traduction] « lorsque cela les arrange aux fins de l’impôt » (paragraphe 49 du mémoire des faits et du droit de l’intimée). Je suis d’accord. La contrepartie qui consiste à prendre en charge l’obligation relative à la sylviculture ne peut être allouée à autre chose qu’à la tenure à laquelle elle est inextricablement liée, étant donné que l’obligation de reboisement fait partie intégrante du transfert de la tenure aux termes de l’entente d’aménagement forestier (voir : dossier d’appel, vol. IV, page 460, paragraphes 23 à 27); cette entente n’aurait manifestement pas été arrêtée sans l’obligation relative à la sylviculture afférente (voir le dossier d’appel, vol. II, page 197, ainsi que l’exposé conjoint des faits supplémentaire, paragraphes 3 et 4), et les entreprises forestières ne peuvent obtenir de permis de coupe du bois d’œuvre sans prendre en charge une obligation en matière de sylviculture pour le reboisement.

[104]   Dans leur contrat, l’appelante et Tolko n’ont alloué qu’une partie des produits en liquidités à la tenure et aucune à la prise en charge de l’obligation, car elles ne voulaient pas la définir séparément (voir : dossier d’appel, vol. V, à la page 734). Même si le contrat de l’appelante avec Tolko attribuait des montants précis à ses droits de coupe, aucun montant n’a été alloué à la survaleur [traduction] « puisqu’elles [les parties] ne pensaient pas être tenues de le faire » (voir : mémoire des faits et du droit de l’appelante, au paragraphe 64).

[105]   Je ne vois aucune raison d’allouer une partie du produit de disposition à la survaleur, à moins que la partie de la vente qui n’a pas été déclarée soit, à proprement parler, définie comme de la survaleur en tant que telle. L’appelante ne m’a pas convaincu que la conclusion implicite du juge selon laquelle les parties non déclarées du produit de disposition devaient être attribuées aux droits de coupe, et non à la survaleur, relève d’une erreur manifeste et dominante. Au paragraphe 45 de ses motifs, le juge a indiqué que l’obligation relative au reboisement faisait « partie intégrante des tenures » et donc qu’il était impossible de transférer les droits de coupe sans que Tolko ne prenne en charge l’obligation.

[106]   Par conséquent, il m’est aisé de conclure que la prise en charge de l’obligation par Tolko devrait être allouée aux droits de coupe puisqu’elle fait partie intégrante du transfert de la tenure.

7.         Les motifs énoncés par le juge étaient‑ils adéquats?

[107]   L’appelante soutient que les motifs du juge sont inadéquats. S’appuyant sur les arrêts de la Cour suprême R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869; et R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3 [précité], elle fait valoir que les motifs du juge sont déficients à deux égards. Tout d’abord, elle estime qu’ils sont insuffisants pour établir si les obligations futures relatives au reboisement étaient trop incertaines pour être incluses dans son produit de disposition, et que le juge [traduction] « a sommairement écarté ces décisions [jurisprudence existante sur la question] au motif qu’elles étaient trop générales pour trouver application, sans justifier cette conclusion ». L’appelante soutient par ailleurs que les motifs du juge sont inadéquats en ce qui a trait à l’évaluation des obligations relatives au reboisement. D’après elle, même si le juge a énuméré des facteurs qualitatifs, [traduction] « il n’existe aucun lien logique entre ceux‑ci et l’évaluation quantitative qu’il a effectuée » (mémoire des faits et du droit de l’appelante relatif à l’appel, au paragraphe 67), ajoutant que l’insuffisance de ses motifs se démontrait encore par son défaut d’expliquer pourquoi, en l’absence de preuves touchant l’évaluation, il s’était cru autorisé à évaluer les obligations.

[108]   Bien que l’intimée n’ait pas invoqué le caractère adéquat des motifs du juge comme fondement distinct de son appel incident, elle fait observer que la Cour de l’impôt [traduction] « semble avoir simplement appliqué ses conclusions concernant la vente de High Level à la vente de la division Brewster (mémoire des faits et du droit de l’intimée, au paragraphe 99). L’intimée soutient également que la réduction opérée par le juge était arbitraire et non corroborée par la preuve (mémoire des faits et du droit de l’intimée, paragraphe 100).

[109]   J’ai conclu que les parties au contrat de vente de High Level s’étaient entendues pour attribuer une valeur à l’obligation de reboisement. Bien que ma conclusion diffère de celle du juge, ses motifs me paraissent suffisants pour nous permettre de nous acquitter de notre rôle de tribunal d’appel. Je ne vois rien qui m’autorise à conclure que les motifs du juge sont inadéquats à l’égard des questions déterminantes pour les présents appel et appel incident, dans la mesure où ils se rapportent à la vente de High Level. Il convient toutefois de s’interroger sur le caractère adéquat des motifs du juge en ce qui a trait à la vente de Brewster à Seehta. C’est la question que j’examinerai maintenant.

[110]   Le juge a estimé que la vente de Brewster à Seehta devait être traitée de la même manière que celle de High Level à Tolko (motifs du juge, paragraphe 52). L’entente à laquelle sont parvenues l’appelante et Seehta est plus précise que le contrat avec Tolko pour ce qui est du traitement de l’obligation de reboisement de l’acquéreur. L’alinéa 3.1b) de ladite entente prévoit que [traduction] « [à] la date de prise d’effet, l’acquéreur prendra en charge les obligations et dettes suivantes de DMI [l’appelante] : […] b) bien que les obligations relatives au reboisement n’aient pas été portées au crédit de l’acquéreur dans la détermination du fonds de roulement net visé par l’achat, les obligations à court et à long termes relatives au reboisement de la division [sont prises en charge par l’acquéreur] ».

[111]   L’intimée soutient que le contrôleur de l’appelante, un comptable agréé, a reconnu à l’interrogatoire préalable que la valeur de l’obligation de reboisement prise en charge par Seehta était de 2 996 380 $ (mémoire de l’intimée, paragraphe 93), et rappelle que cette admission n’a pas été retirée (mémoire de l’intimée, paragraphe 94).

[112]   L’intimée avance en outre que la note de service de l’appelante même fait état d’un prix d’achat de 7 000 000 $, qui correspond aux 10 000 000 $ en actifs évalués par la banque, moins les obligations à court et à long termes relatives au reboisement (dossier d’appel, vol. 5, à la page 682). Elle ajoute que l’appelante a défini ce montant comme la valeur de son obligation de reboisement relativement à Brewster (dossier d’appel, vol. 2, à la page 170). L’intimée affirme aussi que le 20 août 1999, la CIBC — qui a évalué les actifs de l’appelante — a informé un autre soumissionnaire que les obligations relatives au reboisement s’élevaient alors à 2 900 000 $ (dossier d’appel, vol. 5, à la page 683).

[113]   L’appelante fait valoir trois arguments en réponse. Premièrement, elle soutient que le contrat avec Seehta précise clairement à l’alinéa 3.1b) que la prise en charge de l’obligation de reboisement ne serait pas créditée à l’acquéreur (mémoire de l’appelante relatif à l’appel incident, paragraphe 31). Deuxièmement, elle affirme que le montant de 2 900 000 $ que l’intimée a attribué à l’obligation de reboisement n’apparaît nulle part dans le contrat signé le 11 août 2000 avec Seehta, ni dans les états financiers qui y sont joints (mémoire de l’appelante relatif à l’appel incident, paragraphe 32), et que ce chiffre provient des documents de travail de l’appelante pour la période se terminant le 31 décembre 2000. L’appelante affirme ainsi que ces 2 900 000 $ ne pouvaient pas représenter la valeur correcte puisque celle‑ci n’était pas établie au moment de la signature du contrat. Troisièmement, l’appelante soutient que l’admission par son contrôleur que la valeur de l’obligation relative au reboisement s’élevait à 2 900 000 $ était une opinion inadmissible en preuve (mémoire des faits et du droit de l’appelante relatif à l’appel incident, paragraphe 61).

[114]   Malheureusement, nous ne pouvons bénéficier des motifs du juge à cet égard. Il n’a formulé aucune conclusion factuelle sur ces questions, et s’est contenté d’affirmer qu’il ne voyait, « en ce qui concerne la situation factuelle qui existe dans le cas de Seehta, aucune différence [lui] permettant d’arriver à une conclusion différente » (motifs du juge, paragraphe 52).

[115]   Bien que l’ampleur des motifs qu’on attend d’un juge dépende évidemment des circonstances de chaque affaire, je suis d’avis que les motifs du juge sont inadéquats en l’espèce. Dans l’arrêt Première nation de Brokenhead c. Canada, 2011 CAF 148, j’ai été appelé à décider si les motifs de la Cour fédérale étaient suffisants pour permettre un examen valable en appel. J’ai écrit ce qui suit aux paragraphes 31, 32, 33 et 50 :

En tirant cette conclusion, je n’oublie pas que « [s]eule une raison sérieuse peut justifier une réparation aussi sérieuse qu’un nouveau procès », R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, au paragraphe 22 [Sheppard], et que les motifs du juge font 23 pages. Toutefois, comme la Cour d’appel l’a statué, « [l]e caractère suffisant des motifs ne se mesure pas par la quantité » : Ralph c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 256, 410 N.R. 175, au paragraphe 18.

Récemment, dans l’arrêt R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3 [R.E.M.], la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question de la suffisance des motifs et a déclaré, au paragraphe 55, que les motifs devaient être examinés dans leur contexte global, avec la preuve versée au dossier et les observations des avocats. La Cour suprême a aussi déclaré que les motifs sont particulièrement importants dans des circonstances — comme celles de l’espèce — où la cour se trouve en présence d’une question de droit épineuse et d’éléments de preuve contradictoires : ibid. En définitive, les motifs doivent être intelligibles, « en faisant ressortir un lien logique entre, d’une part, la preuve et le droit et, d’autre part, le verdict » : aux paragraphes 35 et 41.

L’objectif de ce critère minimal est de permettre un examen valable en appel. Au paragraphe 11 de l’arrêt R.E.M., exprimant la décision unanime de la Cour suprême, la juge en chef explique pourquoi des motifs suffisants sont nécessaires pour permettre un examen efficace en appel :

[11] […]

3.  […] Un énoncé clair des conclusions de fait facilite la correction des erreurs et permet aux tribunaux d’appel de discerner les inférences tirées, tout en les empêchant de tirer des conclusions de fait [traduction] « fondées sur une terne transcription de la preuve, avec le risque accru d’erreurs de fait que cela comporte » : M. Taggart, « Should Canadian Judges be legally required to give reasoned decisions in civil cases » (1983), 33 U.T.L.J. 1, p. 7. De même, la révision en appel d’une erreur de droit sera grandement facilitée si le juge du procès a exposé son interprétation des principes de droit sur lesquels repose l’issue de la cause. En outre, les parties et leurs avocats se fondent sur les motifs pour décider s’il y a lieu d’interjeter appel et, dans l’affirmative, quels moyens invoquer.

[…]

Je conclus donc que les motifs du juge sont insuffisants. Le juge ne tente pas de démêler les difficiles questions juridiques et les éléments de preuve contradictoires dont il disposait ni de résoudre ces problèmes. Au paragraphe 55 de ses motifs dans l’arrêt R.E.M., la juge en chef établit ce que les cours d’appel doivent se demander lorsqu’il leur faut déterminer si les motifs d’un juge sont suffisants :

[55] La cour d’appel doit se demander, en faisant preuve de retenue, si les motifs considérés avec la preuve versée au dossier, les observations des avocats et les questions en litige au procès font ressortir le fondement du verdict. Elle doit examiner les motifs dans leur contexte global. Elle doit déterminer si, de ce point de vue, le juge du procès semble avoir saisi l’essentiel des questions fondamentales en litige au procès. Si les éléments de preuve sont embrouillés ou contradictoires, la cour d’appel doit se demander si le juge du procès a manifestement relevé et résolu les contradictions. En présence d’une question de droit épineuse ou de droit nouveau, elle doit se demander si le juge du procès a relevé et résolu cette question.

[116]   Compte tenu de ces principes, je suis convaincu que les motifs du juge, en ce qui a trait à la vente de Brewster, sont inadéquats. Il n’a pas abordé les différences factuelles entre la vente de High Level et celle de Brewster et ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si l’entente entre l’appelante et Seehta était formulée en des termes non équivoques, ni sur ce qu’il était possible ou non d’inférer de la preuve additionnelle présentée par les parties.

[117]   De plus, au moins trois des six facteurs contextuels énoncés par le juge au paragraphe 40 de ses motifs concernaient étroitement la vente de High Level, mais n’avaient que peu de pertinence à l’égard de celle de Brewster (motifs du juge, paragraphe 40, points (II) (les estimations comptables), (III) (l’effet de la formule de rajustement du prix) et (IV) (la nature de l’entente de l’appelante et de Tolko quant à l’obligation estimative relative à la sylviculture)). À mon avis, l’omission de la part du juge d’aborder ou d’analyser les questions touchant la vente de Brewster rend ses motifs impropres à servir à un examen valable en appel.

[118]   Bien qu’il soit toujours loisible à notre Cour de rendre la décision à laquelle le juge aurait dû parvenir, je ne pense pas que cette démarche soit indiquée en l’occurrence étant donné l’absence de conclusions factuelles pertinentes ou d’analyses approfondies sur les questions cruciales dont il était saisi qui nous auraient permis de définir les bons enjeux relativement à la vente de Brewster. Comme dans l’arrêt Première nation de Brokenhead, notre seul choix serait de nous lancer dans une mission de recherche des faits et de formuler ensuite des conclusions de droit reposant sur ces faits; sauf circonstances spéciales, ce n’est pas là notre rôle. Les motifs du juge n’autorisent pas un examen valable en appel des questions découlant de la vente de Brewster à Seehta.

8.         Les plaidoiries de l’intimée étaient‑elles suffisantes pour justifier les conclusions du juge?

[119]   L’appelante soutient que l’intimée n’a pas plaidé, dans sa réponse à l’avis d’appel, que les parties au contrat de vente de High Level avaient convenu du fait que les estimations comptables de l’obligation relative à la sylviculture représentaient sa valeur. D’après l’appelante, l’intimée a plutôt plaidé que [traduction] « l’appelante et l’acquéreur ont présumé que la valeur de l’obligation relative à la sylviculture de la division High Level était de 11 000 000 $ » et que [traduction] « la valeur de l’obligation relative à la sylviculture de la division du bois d’œuvre Brewster était de 2 966 380 $ » (réponse de l’intimée à l’avis d’appel de la Cour de l’impôt, aux alinéas 17g) et j); mémoire des faits et du droit de l’appelante relatif à l’appel incident, paragraphe 16).

[120]   Néanmoins, pour les motifs exposés ci‑après, je suis convaincu que les plaidoiries présentées au juge soulevaient correctement les questions nécessaires pour qu’il statue sur l’affaire, quoique l’intimée n’ait pas explicitement fait valoir qu’il existait une entente sur la valeur de l’obligation relative à la sylviculture.

[121]   L’appelante soutient qu’[traduction] « [i]l ne fait aucun doute que si les arguments de la Couronne reposent essentiellement sur l’idée que les parties à une transaction ont convenu de quelque chose, la Couronne est tenue de plaider qu’il existe une entente » (mémoire des faits et du droit de l’appelante relatif à l’appel incident, paragraphe 27). À mon avis, l’argument de l’appelante ne tient pas compte du fait que la thèse de l’intimée consiste fondamentalement à dire que les montants qui, selon ce que les parties présumaient, correspondaient à la valeur de l’obligation relative à la sylviculture ont correctement été inclus dans les nouveaux avis de cotisation du ministre à titre de produit de disposition non déclaré (réponse de l’intimée à la Cour de l’impôt, paragraphe 21). L’intimée a également avancé que le produit de disposition devait inclure la juste valeur marchande des obligations prises en charge (réponse de l’intimée à la Cour de l’impôt, paragraphe 20), bien qu’elle ne l’ait pas directement quantifiée. Cette prétention n’est pas incompatible avec les autres observations présentées par l’intimée dans sa réponse à la Cour de l’impôt, à savoir : que l’entente se rapportant à la vente de High Level comprenait [traduction] « une estimation finale de l’obligation relative à la sylviculture aux fins de la vente » (réponse de l’intimée, paragraphe 6), que la contrepartie reçue pour la vente de High Level comprenait [traduction] « la prise en charge d’obligations relatives à la sylviculture estimées à 11 000 000 $ » (alinéa 17h)), et que la juste valeur marchande de l’obligation était incluse dans la contrepartie afférente à la vente (réponse de l’intimée, alinéa 17g)).

[122]   Plus important encore, l’avis d’appel qu’elle a produit devant la Cour de l’impôt prouve formellement que l’appelante a bien compris que la position du ministre était qu’elle devait [traduction] « inclure dans [ses] produits des montants égaux aux estimations comptables des obligations relatives à la sylviculture étant donné [qu’elle] s’était mise d’accord avec les acquéreurs sur celles‑ci; par conséquent, [elle] a reçu une contrepartie équivalente à ces estimations en laissant les acquéreurs prendre en charge les obligations » (avis d’appel de l’appelante à la Cour de l’impôt, paragraphe 20).

[123]   Ces plaidoiries soulèvent donc la question de savoir si les parties se sont entendues sur le prix de l’obligation relative à la sylviculture, si elles ont convenu de montants estimatifs destinés à d’autres fins, si ces montants reflétaient la juste valeur marchande de l’obligation et, plus généralement, si l’appelante a failli en ne les déclarant pas à titre de produit de disposition. Le juge pouvait donc légitimement examiner ces questions, comme notre Cour peut statuer sur celles‑ci en appel.

Dispositif

[124]   Pour ces motifs, je rendrais le jugement suivant. En ce qui concerne l’année d’imposition 1999 de l’appelante (la disposition de High Level), je rejetterais l’appel, je ferais droit à l’appel incident et j’annulerais la décision du juge. Quant à la décision qui aurait dû être rendue, je rejetterais l’appel de l’appelante contre le nouvel avis de cotisation du ministre pour l’année d’imposition 1999. Pour ce qui est de l’année d’imposition 2000 de l’appelante (la disposition de Brewster), je ferais droit à l’appel, je rejetterais l’appel incident, j’annulerais la décision du juge et je lui renverrais l’affaire pour qu’il statue à nouveau sur les questions en litige à la lumière des présents motifs. Finalement, comme l’intimée a eu davantage gain de cause, je lui adjugerais 50 p. 100 de ses dépens devant notre Cour et la cour d’instance inférieure.

La juge Layden‑Stevenson, J.C.A. : Je suis d’accord.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[125]   Le juge Mainville, J.C.A. (dissident) : Les tenures forestières sont une forme d’avoir forestier soumis à un traitement hybride aux fins de l’impôt. Aux termes du paragraphe 13(21) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), un « avoir forestier » est considéré comme un bien en immobilisation aux fins de déduction pour amortissement, mais en cas de vente, tous les produits sont imposés à titre de revenu. Comme l’a noté la Couronne dans son mémoire, les tenures sont, en ce sens, une anomalie. Le sous‑alinéa 39(1)a)(iv) de la Loi prévoit expressément qu’aucun gain en capital ne peut être imputé à un avoir forestier. Par conséquent, compte tenu du paragraphe 13(1) et de la définition de la « fraction non amortie du coût en capital » contenue au paragraphe 13(21), le produit de disposition qui excède le coût en capital de l’avoir forestier est inclus dans le revenu du vendeur.

[126]   En vertu du cadre réglementaire auquel les tenures sont assujetties en Alberta, et pour améliorer leur pérennité, des travaux de sylviculture doivent être effectués au fil du temps sur les tenures jusqu’à ce qu’un peuplement forestier reboisé suffisant passe le point de croissance libre. Cela peut prendre quelques années, mais comme l’a noté mon collègue le juge Nadon au paragraphe 9 de ses motifs, il faut 8 à 14 ans en général. Ces travaux de sylviculture sont désignés par le juge de la Cour de l’impôt comme des « obligations relatives au reboisement »; bien que cette expression soit imparfaite en ce sens qu’elle ne reflète pas la nature véritable des travaux en question, je l’adopterai néanmoins dans ces motifs par souci de cohérence.

[127]   La Cour est tenue en l’espèce d’interpréter l’expression « produit de disposition », qui figure au paragraphe 13(21) de la Loi, dans le contexte des transactions dont il est ici question. Plus précisément, nous devons décider si la valeur des obligations relatives au reboisement dans le contexte de la vente des tenures doit être traitée séparément des tenures elles‑mêmes et donc visée par l’expression « produit de disposition », compte tenu du régime complet de la Loi relatif aux opérations d’exploitation forestière, aux avoirs forestiers et aux entreprises d’exploitation forestière.

[128]   À mon avis, le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur dans la présente affaire en présumant que la prise en charge des obligations relatives au reboisement par les acquéreurs dans ces ventes constituait une contrepartie séparée et distincte pour la vente des tenures, dont la valeur devait nécessairement se rajouter au produit de disposition. J’estime plutôt que les obligations relatives au reboisement font partie intégrante des tenures; même si elles ont une incidence sur leur valeur, elles ne forment pas une contrepartie distincte des transactions de vente touchant les tenures et ne devraient donc pas se rajouter au produit de disposition du vendeur découlant de ces ventes.

[129]   L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10. Lorsque les dispositions de la Loi se prêtent à diverses interprétations, c’est le sens qui s’harmonise le mieux avec le régime de la Loi qui doit être privilégié. L’interprétation de l’expression « produit de disposition » retenue par le juge de la Cour de l’impôt et confirmée par mon collègue le juge Nadon conduit à un « manque de symétrie dans la façon dont la prise en charge de l’obligation relative au reboisement est traitée aux fins fiscales », comme le notait judicieusement le juge de la Cour de l’impôt au paragraphe 47 de ses motifs. À défaut d’une contrainte légale à l’effet contraire, je privilégie une interprétation qui favorise la symétrie et l’équité assurée par un régime d’imposition harmonieux à une interprétation qui ne prône aucune de ces valeurs.

[130]   Dans le cas présent, la bonne approche consiste à reconnaître que les obligations relatives au reboisement dont il est question diminuent la valeur des avoirs forestiers auxquels elles sont inextricablement liées, et donc que le vendeur a reçu en l’espèce pour ces avoirs un prix de vente plus faible que celui qu’il aurait pu autrement obtenir. Sur ce seul motif, je ferais droit à l’appel et rejetterais l’appel incident.

[131]   Le contexte de la présente instance et les faits essentiels sont décrits en détail dans les motifs du juge Nadon; il est inutile de les rappeler. Je soulignerai simplement certains faits saillants.

[132]   Dans ses motifs, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que le consentement des autorités compétentes de la province d’Alberta était nécessaire pour effectuer une cession de tenures forestières dans cette province. Il a également conclu que ce consentement n’était obtenu que dans la mesure où le cessionnaire ou l’acquéreur prenne à sa charge les obligations relatives au reboisement associées aux tenures. De plus, les autorités albertaines considèrent qu’en transférant les tenures, le cédant ou le vendeur n’est plus lié par les obligations relatives au reboisement. Fort de ces conclusions, le juge de la Cour de l’impôt affirme ensuite, au paragraphe 22 de ses motifs, que la question fondamentale dont il est saisi est de savoir si l’engagement des acquéreurs d’engager des dépenses dans le futur pour satisfaire aux exigences de la province d’Alberta en matière de reboisement des tenures constituait une « contrepartie » à leur achat des tenures de Daishowa, de sorte que la valeur de ces engagements soit devenue imposable pour le vendeur Daishowa. Il répond ainsi à cette question au paragraphe 26 de ses motifs :

Quelle est la nature de l’obligation, dont la libération donne lieu à un certain avantage pour Daishowa? Il ne s’agit pas d’une obligation qui, comme je le pensais initialement, est nécessairement transmise avec les tenures. Il ressort clairement d’un examen minutieux de la législation de l’Alberta et des faits sur lesquels les parties se sont entendues que la province n’approuvera pas un transfert de tenures, à moins que l’acquéreur ne prenne en charge l’obligation relative au reboisement. Cela est tout à fait différent de toute idée selon laquelle l’obligation, simplement par application des lois de l’Alberta, va de pair avec le bien; en d’autres termes, le titulaire des tenures est légalement responsable de l’obligation relative au reboisement. La situation, en Alberta, est plutôt la suivante : la province contraint effectivement l’acquéreur à prendre en charge l’obligation relative au reboisement : si l’acquéreur ne prend pas cette obligation en charge, il ne peut pas y avoir transfert des tenures. Si un tiers, le gouvernement de l’Alberta, exige la prise en charge d’une obligation, cela a‑t‑il pour effet de faire de la prise en charge de cette obligation autre chose qu’une contrepartie? Non, cela ne change rien à la nature de la prise en charge de l’obligation à titre de contrepartie, mais cela peut influer sur la valeur de cette prise en charge.

[133]   Comme je l’ai déjà indiqué, le juge de la Cour de l’impôt a reconnu que son approche conduisait à un « manque de symétrie dans la façon dont la prise en charge de l’obligation relative au reboisement est traitée aux fins fiscales » étant donné que « la valeur de la prise en charge de cette obligation d’engager ces frais est imputable au revenu à titre de produit d’un seul coup, sans qu’il soit reconnu que celui qui obtient ce revenu n’a aucune possibilité future de déduire pareilles dépenses » : motifs de la Cour de l’impôt, au paragraphe 47. Le juge de la Cour de l’impôt a donc proposé une méthode de réduction pour atténuer les conséquences fiscales malvenues résultant de cette asymétrie; il a ainsi appliqué une réduction de 80 p. 100 aux obligations à long terme relatives au reboisement incluses dans le « produit de disposition » de Daishowa découlant de la vente.

[134]   Je conviens avec mon collègue le juge Nadon que le juge de la Cour de l’impôt ne pouvait pas proposer une méthode de réduction pour pallier les conséquences fiscales regrettables résultant de ses conclusions, bien qu’il ne s’agisse pas, à mon avis, de la question fondamentale soulevée par la présente instance.

[135]   Cependant, et en respectueux désaccord avec mon collègue le juge Nadon, je suis également d’avis que le juge de la Cour de l’impôt a erré en répondant à la question fondamentale dont il était saisi; à mon sens, si l’on interprète correctement ces transactions de vente et les obligations relatives au reboisement dont il est question, le vendeur (Daishowa) ne devrait s’exposer à aucune conséquence fiscale du fait de la prise en charge obligatoire par les acquéreurs des obligations relatives au reboisement qui forment une partie intégrante des tenures vendues.

[136]   Comme l’a conclu le juge de la Cour de l’impôt, le vendeur et les acquéreurs n’avaient d’autre choix que de transférer les obligations relatives au reboisement rattachées aux tenures lors de la cession ou de la vente de ces tenures. D’ailleurs, comme les autorités albertaines ne consentent pas à ce que les tenures soient transférées sans que les obligations afférentes le soient aussi, Daishowa ne pouvait conserver les obligations, effectuer les travaux de reforestation de la manière qu’elle jugeait adéquate et réclamer les déductions fiscales en résultant. Elle devait plutôt transférer les obligations aux acquéreurs pour conclure les transactions de vente. C’est sur cet aspect que le juge de la Cour de l’impôt a insisté au paragraphe 45 de ses motifs : « Comme l’Alberta l’a clairement indiqué, les tenures ne pourraient pas être transférées sans que l’acquéreur prenne en charge l’obligation relative au reboisement. Cela fait partie intégrante des tenures : la personne qui possède les tenures est responsable de leur reboisement. » À mon avis, la question de savoir si les obligations relatives au reboisement passent automatiquement du vendeur aux acquéreurs des tenures par application de la législation ou à la suite des conditions liées au consentement obligatoire des autorités albertaines est sans conséquence; dans un cas comme dans l’autre, les obligations relatives au reboisement sont inextricablement liées aux tenures dont elles forment une partie intégrante.

[137]   Dans ce contexte, il n’est ni raisonnable ni correct de conclure que la nécessaire prise en charge par les acquéreurs des obligations relatives aux travaux de reboisement futurs constituait une « vente » ou une « disposition » d’« obligations » donnant lieu à un « produit de disposition » aux mains de Daishowa aux termes du paragraphe 13(21) de la Loi. Le cadre auquel les obligations relatives au reboisement sont assujetties en Alberta fait plutôt en sorte que ces obligations suivent les tenures; par conséquent, quiconque détient des tenures à un moment ou à un autre doit prendre en charge l’ensemble des obligations relatives au reboisement qui y sont associées. Les obligations relatives au reboisement et les tenures sont donc inextricablement liées; les obligations relatives au reboisement diminuent donc la valeur des tenures sous‑jacentes en proportion des coûts estimatifs associés aux travaux futurs de reboisement que nécessiteront les tenures : voir par analogie Ian J. Gamble, Taxation of Canadian Mining, feuilles mobiles. Toronto : Carswell, 2004, aux pages 6‑10 à 6‑13, à la section « 6.6 Assumption of future reclamation on sale ».

[138]   Bien que les obligations relatives au reboisement soient prises en compte dans l’établissement du prix de vente des tenures, leur « valeur » ne doit pas être traitée séparément de celle des tenures elles‑mêmes puisqu’elles en font partie. Par conséquent, cette « valeur » ne constitue pas une partie distincte du « produit de disposition » résultant de la vente des tenures. Un exemple simple permet d’illustrer ce raisonnement. Tous les autres facteurs économiques étant égaux, si une tenure peut générer 10 000 000 $ sur 10 ans (à raison de 1 000 000 $ par année) et qu’elle nécessite 2 000 000 $ de travaux de reboisement durant cette période (à raison de 200 000 $ par année), en vertu du cadre réglementaire applicable, la valeur de la tenure pour son détenteur est de 8 000 000 $ sur 10 ans. Si le titulaire n’effectue pas les travaux de reboisement durant la première année et qu’il extrait 1 000 000 $ de la tenure, la valeur de celle‑ci est alors de 7 000 000 $ (10 000 000 $, moins le 1 000 000 $ extrait, moins 2 millions de dollars pour les futurs travaux de reboisement). D’autre part, si le détenteur de la tenure effectue 500 000 $ de travaux de reboisement durant la première année, la valeur de la tenure passe à 7 500 000 $, car l’« obligation » relative au reboisement affectant la valeur aurait diminué de 1 500 000 $.

[139]   Cet exemple est loin d’être parfait et ne tient pas compte du moment choisi et d’autres considérations, mais il illustre néanmoins les mécanismes du marché à l’œuvre. L’idée importante est que la valeur des tenures qui est à la base du secteur de l’exploitation forestière fluctue conformément à l’ampleur de l’estimation des futurs travaux de reboisement requis, lesquels sont inextricablement liés aux tenures et à l’étendue des travaux véritablement effectués au moment de la vente.

[140]   J’utiliserais l’analogie de la vente d’un immeuble nécessitant, pour le rendre conforme aux normes du code du bâtiment, des réparations et des améliorations, comme l’installation de nouvelles voies d’accès public pour les personnes handicapées ou de nouveaux systèmes de sécurité‑incendie, qui doivent être effectuées en totalité dans un nombre précis d’années en vertu d’un cadre réglementaire obligatoire. Si le bâtiment est vendu avant que le vendeur n’ait achevé les réparations et les améliorations requises, sa valeur est moindre que si le vendeur avait pu les compléter à temps. Pourtant, les « obligations » que représente le coût de ces réparations et améliorations et que prend en charge l’acquéreur entreraient en ligne de compte dans le prix de vente, mais ne seraient pas considérées comme des produits de la vente aux fins de l’impôt. Dans un tel contexte, le vendeur ne recevrait aucun « produit de disposition » au sens du paragraphe 13(21) de la Loi de l’impôt sur le revenu du fait de la prise en charge des « obligations » par l’acquéreur lors de la vente. Je ne vois ici aucune différence fondamentale avec les travaux futurs de reboisement associés aux tenures.

[141]   À mon avis, on a accordé dans la présente instance un poids excessif à la question de la valeur des obligations. La position de la Couronne et les motifs du juge de la Cour de l’impôt reposent sur la présomption sous‑jacente que, comme les parties se sont entendues sur la valeur des obligations relatives au reboisement prises en charge pour calculer le prix final de vente, cette valeur constitue une « contrepartie » à inclure dans le « produit de disposition ». La Couronne reconnaît toutefois que si la valeur n’avait pas été évaluée ou n’était pas évaluable, elle n’aurait peut‑être pas constitué une contrepartie à inclure dans le « produit de disposition ».

[142]   Donc, suivant l’approche de la Couronne, si les parties à une transaction de vente de tenure ne définissent pas la valeur des obligations relatives au reboisement, celles‑ci pourraient ne pas être incluses dans le produit de disposition et échapper ainsi à l’imposition aux mains du vendeur, alors que si les mêmes parties procèdent avec transparence et définissent clairement la valeur de ces obligations, celles‑ci seraient incluses dans le produit imposable du vendeur découlant de la transaction. Cette approche me paraît très problématique.

[143]   Les obligations relatives au reboisement forment une partie intégrante des tenures, elles en diminuent la valeur, et donc ne doivent pas être incluses séparément dans le produit de disposition lors de la vente des tenures; ou alors, elles sont distinctes des tenures et leur valeur doit être incluse dans le produit de disposition au moment de la prise en charge par l’acquéreur. La question de savoir si les parties se sont entendues ou non sur la valeur des obligations a peu de rapport avec celle de savoir si elles font partie du « produit de disposition ». Par conséquent je suis, en toute déférence, en désaccord avec mon collègue le juge Nadon, qui estime que la vente de la division Brewster à Seehta Forest Products Ltd. pouvait être traitée différemment de celle de la division High Level à Tolko Industries Ltd., car cela implique que les différences de traitement des valeurs des obligations respectives de reboisement dans les ententes de vente et la documentation afférente pouvaient, d’une manière ou d’une autre, avoir un impact sur le « produit de disposition » résultant des deux transactions aux fins de l’impôt.

[144]   Par conséquent, j’accueillerais l’appel avec dépens, je rejetterais l’appel incident avec dépens et, quant au jugement qui aurait dû être rendu, j’accueillerais l’appel de l’appelante formé contre la nouvelle cotisation du ministre pour les années d’imposition 1999 et 2000, et je renverrais l’affaire au ministre pour qu’il la réexamine et établisse de nouveaux avis de cotisation conformément aux présents motifs.

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