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[2013] 3 R.C.F. 325

T-1604-09

2011 CF 1322

Josette Wier (demanderesse)

c.

Le ministre de la Santé (défendeur)

Répertorié : Wier c. Canada (Santé)

Cour fédérale, juge Kelen—Vancouver, 23 et 24 août; Ottawa, 21 novembre 2011.

Santé et bien-être social — Environnement — Contrôle judiciaire de la décision du défendeur de ne pas procéder à l’« examen spécial » des risques sanitaires ou environnementaux associés à certains produits antiparasitaires, aux termes de l’art. 17 de la Loi sur les produits antiparasitaires — La demanderesse a demandé au défendeur de procéder à l’« examen spécial » du pesticide homologué glyphosate, qui contient des amines de suif polyéthoxylées (POEA) (le pesticide) — Le pesticide est pulvérisé par voie aérienne sur des forêts près du lieu de résidence de la demanderesse et celle-ci s’inquiète des risques que présente le produit pour l’environnement et la santé — L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l’Agence réglementaire), chargée d’appliquer la Loi et ses règlements, a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté suffisamment de nouvelles données montrant des risques inacceptables pour les amphibiens pour justifier un examen spécial aux termes de l’art. 17 — L’Agence a informé la demanderesse qu’une réévaluation du glyphosate en vertu de l’art. 16 de la Loi était prévue dans un avenir rapproché, ce qui donnait à penser qu’un examen spécial en vertu de l’art. 17 n’était pas nécessaire — Il s’agissait de savoir si le défendeur a commis une erreur en ne tenant compte que de nouvelles données au dossier, plutôt que d’examiner l’intégralité de la preuve se rapportant à l’existence d’un risque environnemental; en concluant qu’un examen spécial obligatoire au titre de l’art. 17 n’était pas requis si le défendeur avait l’intention de procéder à un examen périodique au titre de l’art. 16 dans un avenir rapproché; en interprétant le niveau de preuve exigé pour procéder à un examen spécial au titre de l’art. 17; en interprétant l’obligation du défendeur d’appliquer le principe de précaution; et en concluant que les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA ne présentent pas un risque inacceptable — Le défendeur était tenu d’examiner l’ensemble des données pour établir s’il existait des motifs raisonnables de conclure à l’existence d’un risque inacceptable — Le défendeur a bien compris son obligation en l’espèce — Toutefois, la décision a mentionné à plusieurs reprises la réévaluation du pesticide en vertu de l’art. 16, laissant entendre qu’il n’était donc pas nécessaire de procéder à un examen spécial en vertu de l’art. 17 — Le défendeur a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire découlant de l’art. 17 parce qu’une réévaluation des mêmes risques environnementaux au titre de l’art. 16 était prévue, et a commis une erreur en droit en interprétant mal le libellé impératif de l’art. 17 — En l’espèce, les éléments de preuve au dossier étaient contradictoires quant à savoir si le pesticide en cause présente un risque acceptable pour les amphibiens dans les terres humides éphémères — Le défendeur a commis une erreur dans son interprétation du niveau de preuve requis pour procéder, en vertu de l’art. 17 de la Loi, à un examen spécial concernant le risque environnemental possible que présente l’utilisation sylvicole du pesticide en cause pour les amphibiens dans les terres humides éphémères — D’après le principe de précaution, et compte tenu du fait que les opinions étaient partagées au sein de l’Agence réglementaire quant à savoir si le pesticide présente un risque environnemental inacceptable pour les amphibiens dans les terres humides éphémères, le défendeur devrait être obligé de procéder à un examen spécial sur la question — La décision n’était ni transparente, ni intelligible, puisqu’elle n’abordait pas expressément le risque environnemental limité dont il était question en l’espèce — La preuve se rapportant au risque n’était pas correctement documentée dans le dossier de manière à pouvoir étayer la décision — L’argument selon lequel la demanderesse ne retirera aucun bénéfice pratique du renvoi de l’affaire au défendeur a été rejeté — Si les critères relatifs à l’examen spécial prévu à l’art. 17 sont remplis, le défendeur doit procéder à cet examen, qui peut coïncider avec une réévaluation du pesticide au titre de l’art. 16 — La demanderesse a droit à une analyse convenable de la question relative au pesticide soulevée en l’espèce — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du défendeur de refuser de procéder à l’« examen spécial » des risques sanitaires ou environnementaux associés à certains produits antiparasitaires, aux termes de l’article 17 de la Loi sur les produits antiparasitaires. La demanderesse a demandé au défendeur de procéder à l’« examen spécial » du pesticide homologué glyphosate, qui contient des amines de suif polyéthoxylées (POEA) (le pesticide). Le pesticide est pulvérisé par voie aérienne sur des forêts près du lieu de résidence de la demanderesse, et celle-ci s’inquiète des risques que présente le produit pour l’environnement et la santé. Le glyphosate est un herbicide homologué en vertu de la Loi pour de nombreuses utilisations dans de nombreux types de lieux, notamment en forêt pour tuer la végétation concurrente. Les POEA sont des produits de formulation ajoutés aux pesticides à base de glyphosate pour leur permettre de s’étendre uniformément à la surface des feuilles. En vertu du paragraphe 17(1) de la Loi, le défendeur est tenu de procéder à un examen spécial s’il a des motifs raisonnables de croire que les risques sanitaires ou environnementaux ou que la valeur du pesticide sont inacceptables. De plus, aux termes du paragraphe 17(4), toute personne peut demander au défendeur de procéder à un examen spécial de l’innocuité d’un pesticide particulier.

La demanderesse a fait des demandes distinctes en vertu de trois paragraphes de l’article 17 de la Loi. Dans sa demande concernant le paragraphe 17(1), elle a soutenu que de nouvelles données importantes offrent des motifs raisonnables de croire que les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA présentent des risques inacceptables pour la santé ou l’environnement. Le seul aspect de la demande d’examen spécial sur lequel s’est ultimement appuyée la demanderesse est le risque environnemental possible que présente l’utilisation sylvicole du pesticide pour les amphibiens, dans les terres humides éphémères.

Le défendeur a délégué l’évaluation des demandes d’examen spécial à l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada (l’Agence réglementaire), composée d’experts de Santé Canada chargés d’appliquer la Loi et ses règlements. L’Agence réglementaire a mis au point un processus d’examen et de réponse aux demandes d’examen spécial qui se divise en trois étapes : évaluation des risques par des équipes de scientifiques; examen par le « Comité des opérations scientifiques » de l’Agence réglementaire; et examen et décision finale par le « Comité de gestion scientifique » de l’Agence réglementaire.

En l’espèce, l’Agence réglementaire a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté suffisamment de nouvelles données montrant des risques inacceptables pour les amphibiens pour justifier un examen spécial. L’Agence a informé la demanderesse qu’elle prévoyait réévaluer le glyphosate en vertu de l’article 16 de la Loi dans un avenir rapproché, donnant ainsi à penser qu’un examen spécial en vertu de l’article 17 n’était pas nécessaire.

Il s’agissait de savoir si le défendeur a commis une erreur en ne tenant compte que de « nouvelles données » et en n’examinant pas l’intégralité de la preuve se rapportant à l’existence d’un risque environnemental, et notamment les renseignements dont il disposait avant que la demanderesse ne présente sa demande; en concluant qu’un examen spécial obligatoire au titre de l’article 17 n’est pas requis si le défendeur a l’intention de procéder à un examen périodique au titre de l’article 16 de la Loi dans un avenir rapproché; en interprétant le niveau de preuve exigé pour procéder à un examen spécial au titre de l’article 17; en interprétant l’obligation du défendeur d’appliquer le principe de précaution; et en concluant que les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA ne présentent pas un risque inacceptable.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Le défendeur était tenu d’examiner l’ensemble des données pour établir s’il existait des motifs raisonnables de conclure à l’existence d’un risque inacceptable. La Loi ne précise pas que les données présentées aux fins de la demande d’examen spécial doivent être importantes ou nouvelles — termes qu’a utilisés la demanderesse pour justifier un examen spécial. Quoi qu’il en soit, le défendeur a bien compris son obligation. Les rapports soumis par les scientifiques indiquent qu’ils ont évalué les données fournies par la demanderesse à la lumière de leurs connaissances actuelles, ce qui incluait toutes les données en leur possession. Le défendeur n’a pas conclu que les données avaient déjà été examinées et qu’elles ne fournissaient donc aucun motif raisonnable de croire qu’il existait un risque inacceptable, mais plutôt qu’elles ne soulevaient aucune préoccupation liée à l’existence d’un tel risque.

La décision n’a pas explicitement abordé le risque allégué que présenterait le pesticide pour les amphibiens dans les terres humides éphémères sur lesquelles l’herbicide est pulvérisé par voie aérienne à des fins sylvicoles. Toutefois, dans sa lettre, l’Agence réglementaire a mentionné à plusieurs reprises la réévaluation du pesticide en vertu de l’article 16 de la Loi, laissant entendre qu’il n’était donc pas nécessaire de procéder à un examen spécial en vertu de l’article 17. Le défendeur a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire découlant de l’article 17 parce qu’une réévaluation des mêmes risques environnementaux au titre de l’article 16 était prévue; le défendeur a donc commis une erreur de droit en interprétant mal le libellé impératif de l’article 17, en vertu duquel un « examen spécial » doit avoir lieu, sans égard au fait qu’une réévaluation aux termes de l’article 16 est prévue ou en cours.

Quant au critère que le défendeur doit appliquer pour déterminer l’opportunité d’un examen spécial au titre du paragraphe 17(1) de la Loi, il a été estimé que la phrase « des motifs raisonnables de croire que la valeur du produit ou les risques sanitaires ou environnementaux qu’il présente sont inacceptables » signifie que le défendeur doit disposer d’éléments de preuve convaincants et crédibles soulevant la possibilité sérieuse que le pesticide entraîne un risque sanitaire ou environnemental inacceptable. Par ailleurs, suivant la définition du « risque acceptable » figurant au paragraphe 2(2) de la Loi, le défendeur doit être raisonnablement certain que ce pesticide ne causera aucun dommage à la santé humaine ou à l’environnement, compte tenu de ses conditions d’utilisation. Selon le dossier en l’espèce, les éléments de preuve sont contradictoires quant à savoir si le pesticide en cause présente un risque acceptable pour les amphibiens dans les terres humides éphémères touchées par la pulvérisation aérienne du produit à des fins sylvicoles. Une partie de la preuve reconnaissait qu’il y a une incertitude sur la question de savoir si le pesticide nuit aux amphibiens dans ces milieux. En conséquence, le défendeur a commis une erreur dans son interprétation du niveau de preuve requis pour procéder, en vertu de l’article 17 de la Loi, à un examen spécial sur un seul petit aspect de la demande (à savoir, le risque environnemental possible que présente l’utilisation sylvicole du pesticide pour les amphibiens dans les terres humides éphémères).

En ce qui a trait à l’interprétation qu’a faite le défendeur de son obligation d’appliquer le principe de précaution, comme le prévoit le paragraphe 20(2) de la Loi, vu que les opinions au sein de l’Agence réglementaire étaient partagées quant à savoir si le pesticide présente un risque environnemental inacceptable pour les amphibiens dans les terres humides éphémères, le principe de précaution devrait obliger le défendeur à procéder à un examen spécial sur la question.

En ce qui concerne la conclusion du défendeur selon laquelle les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA ne présentent pas un risque inacceptable, la décision du défendeur serait raisonnable si elle était fondée sur la preuve, si elle était justifiée, transparente et intelligible, et si elle appartenait aux issues acceptables. Dans la présente affaire, il y avait des données qui étayaient les deux opinions sur la question. De plus, la décision n’était ni transparente, ni intelligible, puisqu’elle n’abordait pas expressément le risque environnemental limité dont il était question en l’espèce. Il était naturel que la décision n’ait pas expressément abordé ce faible risque, étant donné que la lettre à l’appui de la demande d’examen spécial de la demanderesse le mentionnait à peine et qu’elle mettait plutôt l’accent, entre autres, sur un risque sanitaire. En même temps, comme la demande visait le contrôle de la décision en invoquant ce motif restreint, la décision du défendeur n’était ni transparente, ni intelligible en ce qui a trait à ce risque, et la preuve qui s’y rapporte n’était pas correctement documentée dans le dossier de manière à pouvoir étayer la décision.

L’argument du défendeur selon lequel la demanderesse ne retirerait qu’un bénéfice pratique infime ou nul du renvoi de l’affaire devant le défendeur puisque la réévaluation du pesticide au titre de l’article 16 était en cours a été rejeté. Si les critères relatifs à l’examen spécial prévu à l’article 17 sont remplis, le législateur enjoint au défendeur de procéder à cet examen. L’examen spécial peut coïncider avec une réévaluation du pesticide au titre de l’article 16. L’examen spécial aura une portée plus étroite que la réévaluation complète réalisée; il sera donc ciblé et possiblement plus rapide. La demanderesse avait droit à une analyse convenable qui déterminerait si le pesticide en cause présente un risque environnemental pour les amphibiens vivant dans les terres humides éphémères touchées par la pulvérisation aérienne du produit à des fins sylvicoles.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les produits antiparasitaires, L.C. 2002, ch. 28, art. 2(1) « parasite », « produit antiparasitaire »,« risque environnemental », (2), 4, 4.1, 6(1),(5),(9), 16, 17, 20(1),(2).

Loi sur les produits antiparasitaires, L.R.C. (1985), ch. P-9.

Règlement sur les produits antiparasitaires, C.R.C., ch. 1253, art. 18.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 400 (mod. par DORS/2002-417, art. 25(F); 2010-176, art. 11), tarif B, colonne III.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable dans la région de la CEE, Doc. NU A/CONF.151/PC/10 (1990).

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada, section locale 8 et al. c. Canada (Ministre de l’Agriculture) et al., [1994] A.C.F. no 1067 (C.A.) (QL).

décisions examinées :

114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100.

décision citée :

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.

DOCTRINE CITÉE

Australie. National Registration Authority for Agricultural and Veterinary Chemicals. NRA Special Review Series 96.1. « NRA Special Review of Glyphosate », juin 1996, en ligne : <http://www.apvma.gov.au/products/review/docs/glyphosate.pdf>.

Benachour, N. et G.-E. Séralini. « Glyphosate Formulations Induce Apoptosis and Necrosis in Human Umbilical, Embryonic, and Placental Cells » (2009), 22 Chem. Res. Toxicol. 97.

Colombie-Britannique. Ministry of Environment. « Literature Review of Impacts of Glyphosate Herbicide on Amphibians: What Risks can the Silvicultural Use of this Herbicide Pose for Amphibians in B.C.? » par Purnima P. Govindarajulu, Ph.D. Wildlife Report no R-28. Victoria, C.-B., 2008, en ligne : <http://stopthespraybc.com/wp-content/uploads/2011/07/Literature-Review-of-Impacts-of-Glyphosate-Herbicide1.pdf>.

  DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision du défendeur de ne pas procéder à l’« examen spécial » des risques sanitaires ou environnementaux associés à certains produits antiparasitaires, aux termes de l’article 17 de la Loi sur les produits antiparasitaires. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Jason Gratl pour la demanderesse.

Lisa Riddle et Ken Manning pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Gratl & Company, Vancouver, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge Kelen : Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 24 août 2009 par laquelle le ministre de la Santé (le ministre) a refusé de procéder à l’« examen spécial » des risques sanitaires ou environnementaux associés à certains produits antiparasitaires, aux termes de l’article 17 de la Loi sur les produits antiparasitaires, L.C. 2002, ch. 28 (la Loi).

[2]        En vertu de la Loi, toute personne peut faire une demande d’« examen spécial » des risques sanitaires ou environnementaux associés à un pesticide homologué, examen auquel le ministre « procède », sauf s’il existe une certitude raisonnable qu’aucun dommage ne découlera de l’exposition au pesticide en question.

[3]        La demanderesse, Josette Wier, n’a pas déposé d’affidavit ou assisté aux audiences. En réponse à une question de la Cour concernant son identité, son avocat a précisé que Josette Wier était une [traduction] « chercheuse spécialisée en environnement » à Smithers (C.‑B.) (une ville située dans le centre‑nord de la Colombie‑Britannique). Elle était médecin en France, mais n’est pas autorisée à pratiquer la médecine au Canada.

LES FAITS

La demande de la demanderesse fondée sur l’article 17

[4]        Dans une lettre de 29 pages datée du 5 mai 2009 et accompagnée d’un cartable regroupant des études scientifiques et médicales, la demanderesse (par l’entremise de son avocat) a demandé au ministre de procéder à l’examen spécial du pesticide homologué glyphosate qui contient des amines de suif polyéthoxylées (POEA) (le pesticide). Son avocat a informé la Cour que le pesticide est pulvérisé par voie aérienne sur des forêts près du lieu de résidence de la demanderesse, et qu’elle s’inquiète des risques que présente le produit pour l’environnement et la santé.

[5]        Le glyphosate est un herbicide homologué en vertu de la Loi pour de nombreuses utilisations dans de nombreux types de lieux, notamment en forêt pour tuer la végétation concurrente qui étoufferait les arbres de reboisement, dans des champs sur des cultures de plantes alimentaires ou de plantes à fibre, dans des jardins (fleurs et autres plantes ornementales) et sur des pelouses. Il s’agit d’un des pesticides les plus populaires sur le marché. Homologué pour la première fois en 1976, le pesticide est commercialisé sous le nom de « Roundup ». En 2009, 192 produits à base de glyphosate étaient homologués pour diverses utilisations au Canada.

[6]        Les POEA sont des produits de formulation ajoutés aux pesticides à base de glyphosate pour leur permettre de s’étendre uniformément à la surface cireuse des feuilles. En septembre 2009, 137 herbicides à base de glyphosate contenant des POEA étaient homologués au Canada, dont les deux plus courants sont le « Vision » (produit de Monsanto utilisé par l’industrie forestière) et le « Vantage » (produit de DowAgro également utilisé en foresterie).

La demande fondée sur le paragraphe 17(1)

[7]        La demanderesse a fait des demandes distinctes en vertu de trois paragraphes de l’article 17 de la Loi. Dans sa demande concernant le paragraphe 17(1), elle soutient que de nouvelles données importantes offrent des motifs raisonnables de croire que les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA présentent des risques inacceptables pour la santé ou l’environnement. Elle relève en particulier les éléments de preuve suivants qui, selon elle, justifient que le ministre procède à l’examen spécial en vertu du paragraphe 17(1) de la Loi :

a) Trois études (datées de 2009, de 2007 et de 2005) ont montré que des concentrations de glyphosate bien inférieures à celles utilisées en agriculture présentent des risques pour les cellules embryonnaires et placentaires humaines : N. Benachour et G.-E. Séralini, « Glyphosate Formulations Induce Apoptosis and Necrosis in Human Umbilical, Embryonic, and Placental Cells » (2009), 22 Chem. Res. Toxicol. 97; Benachour, N. et al. « Time and Dose‑Dependent Effects of Roundup on Human Embryonic and Placental Cells » (2007), 53 Arch. Environ. Contam. Toxicol. 126; Richard, S. et al., « Differential Effects of Glyphosate and Roundup on Human Placental Cells and Aromatase » (2005), 113 Environ. Health Perspect. 716.

b) La demanderesse a également cité deux études (datées de 2001 et de 2003) qui, selon elle, corroborent l’observation que l’exposition des humains et des animaux au glyphosate accroissent les risques de fausse couche.

c) Deux études de cas (datées de 2001 et de 2002) sur des hommes qui avaient des lymphomes non hodgkinien ont relié cette maladie à leur exposition à des pesticides : Hardell L. et al., « Exposure to Pesticides as a Risk Factor for Non‑Hodgkin’s Lymphoma and Hairy Cell Leukemia: Pooled Analysis of Two Swedish Case‑Control Studies » (2002), 43 Leuk. Lymphoma 1043; Roos A. J. De et al. « Integrative Assessment of Multiple Pesticides as Risk Factors for Non‑Hodgkin’s Lymphoma Among Men » (2003), 60 Occup. Environ. Med E11.

d) Une étude de 2008 commandée par le ministère de l’Environnement de la Colombie‑Britannique concluait que les POEA ont des effets toxiques sur les amphibiens (comme les grenouilles), que des « lacunes dans les connaissances » empêchent toute « évaluation efficace et réaliste » des impacts du glyphosate sur les amphibiens et qu’aucune évaluation de l’efficacité du recours à des agents de surface moins toxiques que les POEA n’a été faite : B.C. Ministry of the Environment, « Literature Review of Impacts of Glyphosate Herbicide on Amphibians: What Risks Can Silvicultural Use of this Herbicide Pose for Amphibians in B.C.? » [par Purnima P. Govindarajulu, Ph.D., Wildlife Report no. R-28, Victoria, C.-B.] (la synthèse documentaire de la C.‑B.).

e) La demanderesse soutient que les amphibiens sont des espèces indicatrices sensibles et elle cite deux études de 1999, deux études de 2001 et deux études de 2002 pour appuyer l’hypothèse voulant que les pesticides et l’agent de surface POEA en particulier ont contribué aux déclins des populations d’amphibiens.

f) Une étude publiée le 15 février 2005 a montré que des pesticides à base de glyphosate nuisent au processus d’éclosion des embryons d’oursins : Marc, J. et al. « A Glyphosate‑Based Pesticide Impinges on Transcription » (2005), 203 Toxicol. Appl. Pharmacol 1.

[8]        La demanderesse a précisé que les éléments de preuve provenant des études étaient « nouveaux » car postérieurs à l’homologation des herbicides « Vision » et « Vantage ». Elle ajoute que les risques sanitaires ou environnementaux révélés dans les études précitées étaient inconnus ou n’ont pas été examinés lorsque ces produits ont été homologués pour utilisation au Canada.

[9]        La demanderesse a déclaré que les éléments de preuve issus des études étaient « importants », parce qu’ils reposaient sur des données scientifiques, publiées et révisées par les pairs attestant que les pesticides comportaient des risques pour la santé humaine et l’environnement au Canada, qui n’ont pas été examinés au moment de l’homologation.

[10]      Dans sa demande, la demanderesse a soutenu que les éléments de preuve mettent en doute la validité scientifique des évaluations qui ont mené à l’homologation des herbicides à base de glyphosate contenant du POEA.

[11]      Au cours de l’audience devant la Cour, l’avocat de la demanderesse a concédé que les éléments de preuve ne démontrent pas que le pesticide présente un risque pour la santé humaine ou animale. L’avocat de la demanderesse a donc retiré cette partie de la demande, ainsi que 11 des 12 études présentées à l’appui. Le seul élément de preuve documentaire sur lequel s’est appuyée la demanderesse durant l’audience était le document « d » susmentionné, soit la synthèse documentaire de la C.‑B. sur l’impact de l’utilisation sylvicole du pesticide sur les amphibiens. Par conséquent, la portée de la demande initiale au titre du paragraphe 17(1) a été substantiellement réduite.

La demande fondée sur le paragraphe 17(2)

[12]      Dans sa demande d’examen spécial, la demanderesse a soutenu qu’il y avait lieu d’effectuer un examen spécial en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi, lequel oblige le ministre à procéder à l’examen spécial d’un produit antiparasitaire homologué si un pays membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) interdit toute utilisation du principe actif du produit.

[13]      La demanderesse a indiqué que l’Australie, pays membre de l’OCDE, avait interdit l’utilisation d’herbicides à base de glyphosate contenant des agents de surface POEA dans les milieux aquatiques en raison de leur toxicité inacceptable pour les amphibiens. Elle a présenté à l’appui un document australien intitulé National Registration Authority for Agricultural and Veterinary Chemicals. NRA Special Review Series 96.1 (NRA Special Review of Glyphosate) daté de juin 1996.

[14]      À l’audience, l’avocat de la demanderesse a retiré cette demande fondée sur le paragraphe 17(2) car sa cliente avait mal jaugé à l’origine la situation qui existe en Australie.

La demande fondée sur le paragraphe 17(3)

[15]      Enfin, la demanderesse a soutenu qu’il y avait lieu d’effectuer un examen spécial en vertu du paragraphe 17(3) de la Loi, lequel oblige le ministre à procéder à un examen spécial lorsqu’un ministère ou organisme public fédéral ou provincial lui fournit des renseignements qui lui donnent des motifs raisonnables de croire que le produit présente des risques sanitaires ou environnementaux inacceptables. La demanderesse a cité la synthèse documentaire de la C.‑B. pour appuyer cette demande en indiquant que le ministre n’avait pas tenu compte du sommaire des impacts du glyphosate sur les amphibiens contenu dans la synthèse. La Cour fait remarquer que la province de la C.‑B. a sa propre législation qui lui permet d’interdire des pesticides, mais qu’elle n’a pas interdit le pesticide en cause.

[16]      À l’audience, l’avocat de la demanderesse a également retiré la demande fondée sur le paragraphe 17(3).

Le principe de précaution

[17]      Dans sa demande, la demanderesse s’est référée au « principe de précaution », que la Cour suprême du Canada a ainsi défini au paragraphe 31 de l’arrêt 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241, en citant le paragraphe 7 de la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable dans la région de la CEE [Doc. NU A/CONF. 151/PC/10] (1990) :

Un développement durable implique des politiques fondées sur le principe de précaution. Les mesures adoptées doivent anticiper, prévenir et combattre les causes de la détérioration de l’environnement. Lorsque des dommages graves ou irréversibles risquent d’être infligés, l’absence d’une totale certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour ajourner l’adoption de mesures destinées à prévenir la détérioration de l’environnement.

[18]      Le principe de précaution a depuis été enchâssé dans le paragraphe 20(2) de la Loi, qui prévoit :

20. […]

(2) En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures rentables visant à prévenir toute conséquence néfaste pour la santé ou la dégradation de l’environnement.

Principe de prudence

[19]      La demanderesse a soutenu que la protection de l’environnement constitue une valeur fondamentale de la société canadienne et que le principe de précaution oblige le ministre à examiner les « nouvelles données » concernant la toxicité du pesticide pour les amphibiens dans les milieux humides éphémères.

[20]      La demanderesse a soutenu que les études incluses dans sa demande démontrent que la réglementation actuelle régissant les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA n’est pas fondée sur le principe de précaution. Elle a affirmé qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les risques sanitaires ou environnementaux liés aux herbicides à base de glyphosate contenant des POEA sont inacceptables.

La synthèse documentaire de la C.‑B.

[21]      La synthèse documentaire de la C.‑B. sur les impacts de l’utilisation sylvicole du pesticide sur les amphibiens constitue le seul élément de preuve sur lequel s’est appuyée la demanderesse durant l’audience. Il s’agit d’un rapport daté de juin 2008 du ministère de l’Environnement de la Colombie‑Britannique qui fait la synthèse de plus de 100 études scientifiques. Son auteur conclut que le pesticide en cause a un effet toxique sur les amphibiens. Les restrictions imposées sur l’utilisation sylvicole du pesticide comprennent l’interdiction de son utilisation dans une zone tampon qui protège les milieux sensibles autour des plans d’eau. Or, dans le résumé du rapport, l’auteur écrit ce qui suit [à la page ii] :

[traduction] En C.‑B., ces exigences, qui visent à protéger les organismes aquatiques contre les impacts des herbicides à base de glyphosate, s’appliquent aux terres humides et cours d’eau de taille grande ou moyenne. La plupart des plans d’eau et de nombreuses zones riveraines sont ainsi protégés, mais le glyphosate peut être pulvérisé sur des ruisseaux asséchés et sur certains types d’étangs temporaires isolés qui constituent des milieux fréquemment utilisés par les amphibiens.

À la page 10 du rapport, l’auteur affirme que l’application du pesticide sur des terres humides pourrait éliminer certains aliments dont se nourrissent les têtards. Dans le sommaire à la page 31 du rapport, l’auteur conclut que le pesticide a un effet néfaste sur les têtards et les embryons tardifs d’anoures. Dans la section sur les lacunes dans les connaissances, à la page 32 du rapport, l’auteur écrit ce qui suit :

[traduction] Il existe suffisamment d’études pour donner à penser que l’utilisation d’herbicides à base de glyphosate peut présenter un risque pour les amphibiens et qu’elle doit être réévaluée […] Toutefois, très peu de recherches ont été effectuées pour évaluer l’impact sur les amphibiens de l’utilisation sylvicole d’herbicides à base de glyphosate en C.‑B.

Et plus loin, à la page 33 :

[traduction] Il est essentiel de mener d’autres recherches pour déterminer l’impact de l’utilisation du glyphosate sur les populations d’amphibiens qui utilisent ces milieux [c.‑à‑d. les terres humides éphémères].

Analyse des risques effectuée par l’Agence réglementaire en réponse à la demande de la demanderesse

[22]      Le ministre a délégué l’évaluation des demandes d’examen spécial à l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada (l’Agence réglementaire [ou l’ARLA]), composée d’experts de Santé Canada chargés d’appliquer la Loi et ses règlements. L’Agence réglementaire a mis au point un processus d’examen et de réponse aux demandes d’examen spécial. Il se divise essentiellement en trois étapes :

a) évaluation des risques par des équipes de scientifiques;

b) examen par le « Comité des opérations scientifiques » de l’Agence réglementaire;

c) examen et décision finale par le « Comité de gestion scientifique » de l’Agence réglementaire.

Première étape de l’analyse de la demande par l’Agence réglementaire

[23]      Après avoir reçu la demande d’examen spécial de la demanderesse, l’Agence réglementaire a chargé trois équipes de scientifiques de l’examiner :

a) la Direction de l’évaluation environnementale;

b) la Direction de l’évaluation sanitaire;

c) la Section de l’évaluation des propriétés chimiques de la Direction de la conformité, des services de laboratoire et des opérations régionales.

[24]      Les scientifiques devaient répondre aux quatre questions suivantes :

1. Les données fournies constituent‑elles des motifs raisonnables de croire que les risques environnementaux/sanitaires que présentent les produits sont inacceptables (justifiant un examen spécial en vertu du paragraphe 17(1) de la LPA) ou peuvent‑ils être gérés par une réévaluation normale?

2. Les données fournies sont‑elles crédibles (scientifiquement valides)?

3. S’agit‑il de nouvelles études ou avaient‑elles déjà été examinées par l’ARLA?

4. Les risques semblent‑ils être liés au glyphosate seulement, à la POEA seulement ou à la combinaison des deux?

[25]      Chacun des trois groupes a formulé ses conclusions dans des notes de service séparées. Aucun d’entre eux n’a conclu que le risque posé par les produits sous examen justifiait de procéder à un examen spécial.

[26]      La Direction de l’évaluation environnementale a examiné les deux documents concernant la toxicité du glyphosate pour les amphibiens (le rapport australien et la synthèse documentaire de la C.‑B.). Elle a présenté ses conclusions dans une note de service datée du 10 juillet 2009 et intitulée « EAD’s evaluation of the application for a special review of glyphosate herbicides containing polyethoxylated tallow amines (POEA) », dans lequel elle répond comme suit aux questions 1 et 3 :

[traduction

Question 1 : Les données fournies constituent‑elles des motifs raisonnables de croire que les risques environnementaux que présentent les produits sont inacceptables (justifiant un examen spécial en vertu du paragraphe 17(1) de la LPA) ou peuvent‑ils être gérés par une réévaluation normale?

•   Les études citées dans les deux documents de synthèse indiquent que les préparations à base de glyphosate sont toxiques pour les amphibiens et d’autres organismes aquatiques. L’ARLA était au courant de ces données.

•   Toutefois, il y a une controverse quant aux effets des applications de préparations à base de glyphosate sur les amphibiens dans les terres humides éphémères.

•   L’absence d’étude de terrain empêche toute évaluation efficace et réaliste du risque que présente l’utilisation de préparations à base de glyphosate pour les amphibiens.

•   Afin de lever cette incertitude, une étude de deux ans est menée (demandes d’autorisation de recherche 2009‑0879 et 2009‑0593) pour combler les lacunes suivantes dans les connaissances :

○   données sur les concentrations de glyphosate dans les petites terres humides après utilisation du pesticide en milieu forestier ou agricole;

○   effets des préparations à base de glyphosate sur les amphibiens dans de petites terres humides représentatives de celles présentes en milieu agricole ou forestier.

•   Le glyphosate devrait être réévalué au début du prochain cycle de réévaluation. L’ARLA tiendra alors compte des résultats de cette étude de deux ans.

[…]

Question 3 : S’agit‑il de nouvelles études ou avaient‑elles déjà été examinées par l’ARLA?

•   L’ARLA était au courant des données présentées dans les deux documents de synthèse.

•   La synthèse documentaire du ministère de l’Environnement de la Colombie‑Britannique cite des études publiées de 1974 à 2006 sur les effets de préparations à base de glyphosate sur les amphibiens. L’ARLA a commenté cette synthèse documentaire avant sa publication en 2008, notamment dans une conférence téléphonique. L’ARLA n’a cependant pas directement examiné la plupart des études citées dans le document.

•   Le rapport australien (1996) cite des études publiées de 1974 à 1995 sur la toxicité du glyphosate ou d’agents de surface sur diverses espèces d’organismes aquatiques. En 1991, l’ARLA s’est appuyée sur plusieurs de ces études pour évaluer l’utilisation prérécolte du glyphosate. [Les caractères gras figurent dans le document original.]

[27]      La note de service de la Direction de l’évaluation environnementale n’offre pas de conclusion explicite concernant l’acceptabilité du risque que présentent les produits à base de glyphosate. En réponse à la question 1, la Direction de l’évaluation environnementale a indiqué que les études confirment que les préparations à base de glyphosate sont toxiques pour les amphibiens et d’autres organismes aquatiques, mais qu’il y a de l’incertitude concernant leurs effets en conditions réelles plutôt qu’en conditions expérimentales.

[28]      Le déposant du défendeur dans la présente demande de contrôle judiciaire, Peter Delorme (Ph.D.), est le directeur de l’Évaluation des produits au sein de la Direction de l’évaluation environnementale de l’ARLA. Il a affirmé que la note de service, qui était destinée à une circulation interne à l’ARLA pour les discussions préalables à la prise de la décision, concluait en fait que les risques n’étaient pas inacceptables. D’abord, comme l’indiquait la note de service, la Direction de l’évaluation environnementale avait conclu que les risques avaient déjà été abordés. En particulier, l’étude R91‑01 susmentionnée était un document de discussion rédigé par l’ARLA en 1991. Selon ce document, les produits à base de glyphosate contenant des POEA sont toxiques pour les organismes aquatiques, mais il proposait des mesures pour atténuer les risques. La note de service indiquait aussi que Santé Canada avait participé à des discussions concernant la synthèse documentaire de la C.‑B. avant sa publication, et que le ministère avait consulté bon nombre des études examinées dans la synthèse australienne.

[29]      Deuxièmement, M. Delorme s’est dit d’avis que la note de service démontrait que la Direction n’avait pas jugé le risque inacceptable, en raison de la nature des évaluations.

[30]      Dans son affidavit, M. Delorme a déclaré que de récentes études de terrain effectuées par le Service canadien des forêts (Ressources naturelles Canada) montraient que le pesticide en cause n’a pas d’effets néfastes importants sur les amphibiens dans les conditions réelles d’utilisation (voir le paragraphe 67 de l’affidavit). Il a ajouté qu’il y aura d’autres études de terrain concernant les effets environnementaux du pesticide sur les amphibiens, dont les résultats devraient être disponibles d’ici un an ou deux. Au moment de son contre‑interrogatoire, les résultats préliminaires de ces études étaient connus. Toutefois, ces données n’étaient pas disponibles au moment où la décision contestée a été prise, et la demanderesse s’est opposée à leur dépôt en preuve. La Cour n’a donc pas tenu compte de ces nouvelles données dont ne disposait pas le décideur.

Deuxième étape de l’analyse de la demande par l’Agence réglementaire

[31]      Le « Comité des opérations scientifiques » a entamé la deuxième étape de l’examen de la demande de la demanderesse. Il est composé de cadres supérieurs issus de chaque direction. Le Comité des opérations scientifiques reçoit une note de breffage préparée par le personnel scientifique de Santé Canada et distribuée avant la rencontre. Le personnel scientifique y a également participé pour répondre aux questions techniques susceptibles d’être soulevées.

[32]      Une note de breffage du Comité des opérations scientifiques datée du 15 juillet 2009 indiquait ce qui suit sous la rubrique « Environmental Risk Assessment » :

[traduction] 

E. ÉVALUATION DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL (d’après les deux publications fournies)

•     La toxicité des préparations à base de glyphosate pour les organismes aquatiques, y compris les amphibiens, est reconnue. La plupart des études toxicologiques indiquent que cette toxicité est surtout attribuable à l’agent de surface POEA.

•     Il y a une controverse concernant les effets des préparations à base de glyphosate sur les amphibiens dans les petites terres humides éphémères. Cette incertitude empêche actuellement toute évaluation efficace et réaliste du risque que présente l’utilisation de ces produits pour les amphibiens.

•     Une étude de deux ans est en cours pour combler les lacunes suivantes dans les connaissances :

a.   données de terrain sur les concentrations de glyphosate dans les petites terres humides après utilisation du pesticide en milieu forestier ou agricole;

b.   effets des préparations à base de glyphosate sur les amphibiens dans de petites terres humides représentatives de celles présentes en milieu agricole ou forestier. [Les caractères gras figurent dans le document original.]

Troisième étape de l’analyse de la demande par l’Agence réglementaire

[33]      Après sa réunion, le Comité des opérations scientifiques formule des recommandations qu’il adresse ensuite au « Comité de gestion scientifique », présidé par le chef de l’homologation et composé de l’ensemble des directeurs généraux de l’Agence réglementaire de Santé Canada. Les recommandations du Comité des opérations scientifiques lui sont transmises dans une note de breffage qui, à l’instar de celle qui a été préparée à son intention, est rédigée par le personnel scientifique.

[34]      Dans ce cas, la note de breffage du Comité de gestion scientifique datée du 30 juillet 2009 recommandait de ne pas procéder à l’examen spécial, mais d’élargir la portée de la réévaluation prévue du glyphosate pour y inclure l’évaluation des risques liés aux combinaisons POEA et glyphosate :

[traduction] 

B.   Considérations

•   Il existe des incertitudes concernant les effets des préparations à base de glyphosate sur les amphibiens dans les petites terres humides éphémères. En 2009, un groupe de chercheurs universitaires ont entrepris, en collaboration avec des chercheurs d’Environnement Canada, une étude de terrain qui pourrait lever ces incertitudes. Les résultats finaux de l’étude ne seront disponibles qu’en 2011 ou plus tard […]

C.   Recommandations

•   Le Comité des opérations scientifiques a recommandé de procéder à la réévaluation prévue du glyphosate en y incluant l’évaluation des risques liés aux combinaisons POEA et glyphosate plutôt que de déclencher l’examen spécial (option 1 de la note de breffage du Comité des opérations scientifiques) [Les caractères gras figurent dans le document original.]

[35]      Le Comité de gestion scientifique peut, dans les cas appropriés, recommander d’autres investigations. En l’espèce, le Comité a décidé qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un examen spécial, mais que l’évaluation des risques associés aux POEA serait comprise dans la réévaluation prévue. Sa décision, datée du 30 juillet 2009, est reprise dans le procès‑verbal de la réunion comme suit :

[traduction] Le Comité de gestion scientifique convient de ne pas procéder à l’examen spécial et d’inclure l’évaluation liée aux combinaisons POEA et glyphosate dans la réévaluation prévue du glyphosate.

Une ébauche de lettre de l’Agence réglementaire en réponse à la demande d’examen spécial de la demanderesse

[36]      Les éléments de preuve présentés à la Cour montrent qu’une ébauche de lettre a été rédigée en réponse à la demande de la demanderesse. À l’origine, la lettre contenait deux paragraphes qui ont été supprimés par la suite. Le premier de ces paragraphes reconnaissait la controverse quant aux effets du pesticide sur les amphibiens dans les petites terres humides éphémères. Voici le libellé de ces deux paragraphes dans l’ébauche de la lettre :

[traduction] Il y a une controverse quant aux effets des préparations à base de glyphosate sur les amphibiens dans les petites terres humides éphémères après application de ces préparations.

Cette incertitude empêche actuellement toute évaluation efficace et réaliste du risque que présente l’utilisation des préparations à base de glyphosate pour les amphibiens.

[37]      Les deux paragraphes ont été supprimés par M. Delorme. Les raisons de cette suppression sont apparentes dans le commentaire exprimé par un autre membre de la Direction de l’évaluation environnementale, Janine Glacier, concernant l’ébauche de lettre :

[traduction] Les études de terrain effectuées par le Service canadien de la faune dans des conditions opérationnelles (réalistes) offrent les meilleures données pour aborder la préoccupation concernant les amphibiens. Je ne crois pas que l’incertitude « empêche toute évaluation efficace et réaliste ». Au contraire, il existe beaucoup de données qui permettent une évaluation efficace et réaliste.

La décision sous examen

[38]      Dans une lettre datée du 24 août 2009, l’Agence réglementaire rejetait la demande d’examen spécial de la demanderesse. Elle expliquait le processus d’évaluation auquel ces demandes sont soumises — à savoir qu’une équipe de scientifiques se prononcent sur l’opportunité d’un examen spécial suivant leur appréciation de la valeur des éléments de preuve scientifiques présentés dans la demande, puis établissent si ces éléments modifient l’évaluation des risques déjà effectuée ou les mesures d’atténuation du risque, ou si d’autres mécanismes, tels que la réévaluation, sont mieux adaptés pour répondre aux risques identifiés.

[39]      La lettre énumérait les éléments de preuve soumis par la demanderesse : six documents se rapportant aux risques sanitaires, deux documents ayant trait aux risques environnementaux, deux décisions judiciaires, une annexe du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, et un article de presse portant sur les résultats d’une étude mentionnée dans les documents précités.

[40]      Au sujet des préoccupations pour la santé, l’ARLA déclare que la conclusion générale à tirer des éléments de preuve présentés est que les produits à base de glyphosate contenant des POEA sont plus toxiques que ceux n’en contenant pas. Dans la lettre, l’ARLA relève que toutes les études présentées par la demanderesse étaient des essais in vitro sur des cultures cellulaires. Or, ailleurs dans la lettre, l’ARLA affirme qu’elle considérait que les études in vivo, réalisées dans des conditions plus réalistes, indiquent mieux les risques :

[traduction] Bien que l’évaluation globale d’un produit tienne compte des données d’études in vitro, les études in vivo d’exposition par diverses voies (orale, cutanée ou respiratoire) sont plus représentatives du risque. Les évaluations de l’ARLA, comme celles effectuées sur les produits à base de glyphosate contenant des POEA s’appuient principalement sur des études in vivo.

[41]      Plus loin dans la lettre, l’ARLA affirme que les données présentées dans l’étude intitulée « An exploratory analysis of the effect of pesticide exposure on the risk of spontaneous abortion in an Ontario farm population » n’étaient pas convaincantes, en raison de la nature même de l’étude, qui comprenait des données d’exposition autodéclarées non validées et qui ne tenait pas compte de facteurs confondants potentiellement importants, comme l’âge maternel.

[42]      Comme mentionné plus haut, la demanderesse ne conteste pas cette appréciation du risque sanitaire devant la Cour.

[43]      Quant aux risques environnementaux dont s’inquiète la demanderesse, l’ARLA a reconnu le danger pour les organismes aquatiques :

[traduction] Pour répondre aux préoccupations environnementales (documents 1 et 8), l’ARLA reconnaît que les préparations à base de glyphosate sont toxiques pour les organismes aquatiques et que cette toxicité est au moins partiellement attribuable à l’agent de surface POEA.

[44]      L’ARLA a cependant déclaré qu’aucune utilisation homologuée du glyphosate n’en autorise l’application directe aux eaux de surface. Plus loin, l’agence conclut que les mesures existantes protègent efficacement les amphibiens :

[traduction] D’après les données de toxicité actuellement disponibles, les mesures d’atténuation inscrites sur les étiquettes pour limiter la dérive des produits appliqués sur des cultures vers des écosystèmes aquatiques devraient protéger les amphibiens dans les petites terres humides éphémères. Les étiquettes pour les utilisations en foresterie exigent des zones tampons de taille suffisante pour la protection des espèces aquatiques.

Les études présentées ne comportent pas suffisamment de nouvelles données montrant des risques inacceptables pour justifier l’examen spécial des effets environnementaux. La prochaine réévaluation du glyphosate tiendra compte des amphibiens et de l’agent de surface POEA.

[45]      L’ARLA a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté suffisamment de nouvelles données montrant des risques inacceptables pour les amphibiens pour justifier un examen spécial. Si la lettre de l’ARLA mentionne les mesures d’atténuation existantes pour les utilisations du pesticide en foresterie, elle n’a pas abordé la préoccupation soulevée dans la synthèse documentaire de la C.‑B. concernant le risque pour les amphibiens dans les terres humides éphémères lorsque le produit est pulvérisé par voie aérienne dans des zones de coupes à blanc, qui ne sont pas visées par les mesures d’atténuation existantes.

[46]      L’ARLA a affirmé que la prochaine réévaluation du glyphosate tiendrait compte des amphibiens et de l’agent de surface POEA.

[47]      Quant à la demande faite en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi, l’ARLA a constaté que l’Australie n’interdit pas toutes les utilisations du glyphosate, mais qu’elle restreint l’application directe du pesticide sur les eaux de surface. L’ARLA a répété que l’application directe à une eau de surface n’est pas autorisée au Canada. Quant aux arguments de la demanderesse relativement au paragraphe 17(3), l’ARLA a affirmé que la synthèse documentaire publiée par le gouvernement de la C.‑B. ne justifie pas un examen spécial, et ce, pour les mêmes raisons que celles invoquées concernant le paragraphe 17(1). La demanderesse n’a pas contesté ces deux aspects de la décision.

[48]      Quant au principe de précaution, l’Agence réglementaire a affirmé qu’il éclairait l’ensemble du processus d’homologation des produits sous le régime de la Loi :

[traduction] L’ARLA vous assure que la démarche que la LPA lui impose pour ses activités de réglementation est intrinsèquement précautionneuse. C’est le cas pour l’homologation de tous les produits, y compris les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA. La Loi impose à l’industrie l’obligation de réaliser de nombreux essais scientifiques qui permettent à l’ARLA de faire une évaluation exhaustive d’un pesticide et d’en déterminer l’acceptabilité. Les évaluateurs de l’ARLA font des hypothèses prudentes pour évaluer les risques sanitaires et environnementaux et pour prescrire des mesures de protection comme conditions de l’homologation. Ainsi, l’ARLA n’homologue l’utilisation ou la vente d’un pesticide au Canada que si le processus rigoureux d’évaluation scientifique indique avec une certitude raisonnable que l’utilisation du produit selon les instructions sur l’étiquette ne nuira pas à la santé humaine, aux générations futures ou à l’environnement.

La norme très stricte de « risque acceptable » imposée par la Loi dans le cadre d’un système réglementaire d’approbation préalable à la mise en marché est conçue pour que les produits antiparasitaires ne soient associés à aucune menace de dommage du type de celles qu’évoque la Déclaration de Rio. Cependant, l’article 20 de la Loi prévoit que cette approche préventive particulière peut s’appliquer de manière provisoire, dans le cadre d’une réévaluation ou d’un examen spécial, si leur opportunité est établie en attendant la fin du processus. Une fois la réévaluation ou l’examen spécial complété, l’homologation sera modifiée ou révoquée, selon le cas, conformément au paragraphe 21(2), s’il est établi que le produit ne satisfait plus à la norme de risque et de valeur acceptables.

[49]      L’ARLA a jugé que les mesures d’atténuation des risques existantes pour les pesticides en cause sont adéquates jusqu’à ce qu’on envisage la réévaluation des produits contenant du glyphosate. L’ARLA a estimé que les données présentées par la demanderesse ne constituaient pas des motifs raisonnables de considérer les risques sanitaires ou environnementaux comme inacceptables.

[50]      L’ARLA a informé la demanderesse qu’elle prévoyait réévaluer le glyphosate dans un avenir rapproché, de concert avec l’Environmental Protection Agency des États‑Unis. L’agence américaine a publié son plan de travail initial pour ce projet le 22 juillet 2009 en reconnaissant qu’elle y collaborerait avec l’ARLA. L’ARLA a informé la demanderesse que le processus de réévaluation comprendrait une demande de données publique et qu’elle pourrait alors présenter de nouveau ses données.

[51]      La décision mentionnait plusieurs fois la réévaluation prévue à l’article 16, donnant ainsi à penser qu’un examen spécial en vertu de l’article 17 n’était pas nécessaire. La décision contient ce qui suit :

À la page 1 : [traduction] « Si les préoccupations concernant les risques sont reconnues, l’ARLA se demande également si d’autres mécanismes, comme la réévaluation, conviendraient davantage qu’un examen spécial pour les dissiper. »

À la page 2 : [traduction] « Les études présentées ne comportent pas suffisamment de nouvelles données montrant des risques inacceptables pour justifier l’examen spécial des effets environnementaux. La prochaine réévaluation du glyphosate tiendra compte des amphibiens et de l’agent de surface POEA. »

À la page 4 : [traduction] « L’ARLA a déterminé que les mesures d’atténuation des risques actuellement en place pour le glyphosate (y compris l’interdiction d’appliquer directement le produit sur des eaux de surface et des mesures visant à réduire au minimum l’exposition d’organismes non visés à la dérive de pulvérisation du produit) sont adéquates jusqu’à ce qu’on réévalue les produits contenant du glyphosate. »

À la page 4 : [traduction] « Après avoir évalué votre demande, l’ARLA a déterminé que les données que vous avez présentées ne satisfont pas aux critères justifiant un examen spécial. Toutefois, l’ARLA abordera les préoccupations concernant les possibles risques environnementaux associés aux POEA dans le cadre de la réévaluation de tous les produits à base de glyphosate. Cette réévaluation élargie nécessitera peut‑être plus de travail, mais elle permettra de plus complètement aborder toutes les préoccupations. »

À la page 4 : [traduction] « L’ARLA prévoit annoncer officiellement la réévaluation du glyphosate durant l’année en cours, et cette réévaluation portera une attention particulière aux produits à base de glyphosate contenant des POEA. »

À la page 4 : [traduction] « Une demande publique de données concernant certains aspects constituera une des premières étapes de la réévaluation. Nous apprécions l’intérêt que vous portez à la réglementation des pesticides et vous encourageons à présenter tout autre renseignement sur le glyphosate à ce moment‑là. »

LÉGISLATION

[52]      Les objectifs du ministre en ce qui a trait à l’application de la Loi sur les produits antiparasitaires, L.C. 2002, ch. 28, sont énoncés à l’article 4 :

(1) Pour l’application de la présente loi, le ministre a comme objectif premier de prévenir les risques inacceptables pour les personnes et l’environnement que présente l’utilisation des produits antiparasitaires.

(2) À cet égard, le ministre doit :

a) promouvoir le développement durable, soit un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs;

b) tenter de réduire au minimum les risques sanitaires et environnementaux que présentent les produits antiparasitaires et d’encourager le développement et la mise en œuvre de stratégies de lutte antiparasitaire durables et innovatrices — en facilitant l’accès à des produits antiparasitaires à risque réduit — et d’autres mesures indiquées;

c) sensibiliser le public aux produits antiparasitaires en l’informant, en favorisant son accès aux renseignements pertinents et en encourageant sa participation au processus de prise de décision;

d) veiller à ce que seuls les produits antiparasitaires dont la valeur a été déterminée comme acceptable soient approuvés pour utilisation au Canada.

Objectifs connexes

 Il est entendu que la protection et la considération que la présente loi accorde aux enfants s’étendent aux générations futures.

[53]      Le paragraphe 2(1) de la Loi définit ainsi « parasite » et « risque environnemental » :

2. […]

Définitions

« parasite » Animal, plante ou autre organisme qui est, directement ou non, nuisible, nocif ou gênant, ainsi que toute fonction organique ou condition nuisible, nocive ou gênante d’un animal, d’une plante ou d’un autre organisme.

[…]

« parasite »
pest

« risque environnemental » Risque de dommage à l’environnement, notamment à sa diversité biologique, résultant de l’exposition au produit antiparasitaire ou de l’utilisation de celui‑ci, compte tenu des conditions d’homologation proposées ou fixées.

« risque environnemen-tal »
environmental risk

[54]      Le paragraphe 2(1) définit aussi l’expression « produit antiparasitaire » :

2. […]

Définitions

« produit antiparasitaire »

a) Produit, substance ou organisme — notamment ceux résultant de la biotechnologie — constitué d’un principe actif ainsi que de formulants et de contaminants et fabriqué, présenté, distribué ou utilisé comme moyen de lutte direct ou indirect contre les parasites par destruction, attraction ou répulsion, ou encore par atténuation ou prévention de leurs effets nuisibles, nocifs ou gênants;

b) tout principe actif servant à la fabrication de ces éléments;

c) toute chose désignée comme tel par règlement.

« produit antiparasi-taire »
pest control product

[55]      Un « risque acceptable » est ainsi défini au paragraphe 2(2) :

2. […]

(2) Pour l’application de la présente loi, les risques sanitaires ou environnementaux d’un produit antiparasitaire sont acceptables s’il existe une certitude raisonnable qu’aucun dommage à la santé humaine, aux générations futures ou à l’environnement ne résultera de l’exposition au produit ou de l’utilisation de celui‑ci, compte tenu des conditions d’homologation proposées ou fixées.

Risques acceptables

[56]      Le paragraphe 6(1) de la Loi interdit l’emploi de produits antiparasitaires non homologués :

6. (1) Sauf dans les cas autorisés par les paragraphes 21(5) et 41(1), les articles 53 à 59 et les règlements, il est interdit de fabriquer, de posséder, de manipuler, de stocker, de transporter, d’importer, de distribuer ou d’utiliser un produit antiparasitaire non homologué en vertu de la présente loi.

Produits non homologués

[57]      Le paragraphe 6(5) interdit le mauvais usage de produits antiparasitaires :

6. […]

(5) Il est interdit de manipuler, de stocker, de transporter ou d’utiliser un produit antiparasitaire, ou d’en disposer, d’une manière non conforme :

a) soit aux règlements;

b) soit, si le produit est homologué, aux instructions de l’étiquette figurant dans le Registre, sous réserve des règlements.

Utilisation non conforme

[58]      Les peines sanctionnant les infractions susmentionnées sont énoncées au paragraphe 6(9) :

6. […]

(9) Quiconque contrevient à toute disposition du présent article commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité :

a) par procédure sommaire, une amende maximale de 200 000 $ et un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines;

b) par mise en accusation, une amende maximale de 500 000 $ et un emprisonnement maximal de trois ans, ou l’une de ces peines.

Infraction et peine

[59]      Aux termes du paragraphe 16(1), le ministre jouit du pouvoir discrétionnaire de procéder à une réévaluation au titre de la Loi, sous réserve des exigences énoncées au paragraphe 16(2) :

16. (1) Le ministre peut procéder à la réévaluation d’un produit antiparasitaire homologué s’il estime que, depuis son homologation, il y a eu un changement en ce qui touche les renseignements exigés ou la procédure à suivre pour l’évaluation de la valeur des produits de même catégorie ou de même nature ou des risques sanitaires ou environnementaux qu’ils présentent.

Réévaluation

(2) Sans que soit limitée la portée générale du paragraphe (1) :

a) lorsqu’une décision sur l’homologation d’un produit antiparasitaire, du même type que celle visée aux alinéas 28(1)a) ou b), est prise le 1er avril 1995 ou après cette date, le ministre procède à une réévaluation du produit au plus tard un an après la période de quinze ans écoulée depuis la plus récente décision de ce type;

b) lorsque la plus récente décision sur l’homologation d’un produit antiparasitaire, du même type que celle visée aux alinéas 28(1)a) ou b), a été prise avant le 1er avril 1995, le ministre procède à une réévaluation du produit au plus tard le 1er avril 2005 ou, si cette date est postérieure, la date qui suit d’un an la période de quinze ans écoulée depuis la décision.

Réévaluation exigée

[60]      L’exigence que le ministre procède à un examen spécial dans certaines circonstances est prévue à l’article 17 de la Loi :

 (1) Le ministre procède à l’examen spécial de l’homologation du produit antiparasitaire lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire que la valeur du produit ou les risques sanitaires ou environnementaux qu’il présente sont inacceptables.

(2) Sans que soit limitée la portée générale du paragraphe (1), lorsqu’un pays membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques interdit l’utilisation d’un principe actif pour des raisons sanitaires ou environnementales, le ministre procède à l’examen spécial des produits antiparasitaires homologués contenant ce principe actif.

Examen spécial — interdiction de l’OCDE

(3) Sans que soit limitée la portée générale du paragraphe (1), le ministre procède à l’examen spécial de l’homologation du produit antiparasitaire lorsqu’un ministère ou organisme public fédéral ou provincial lui fournit les renseignements relatifs aux risques sanitaires ou environnementaux ou à la valeur du produit visé et, à la suite de l’étude de ces renseignements, le ministre a des motifs raisonnables de croire que la valeur du produit ou les risques sanitaires ou environnementaux qu’il présente sont inacceptables.

Examen spécial — renseignements des ministères ou provinces

(4) Toute personne peut faire une demande d’examen spécial au ministre, en la forme et de la façon qu’il précise.

Demande

(5) Dans un délai raisonnable suivant la réception de la demande, le ministre décide s’il procède ou non à l’examen et communique à son auteur sa décision en la motivant par écrit.

Demande de renseignements

QUESTIONS EN LITIGE

[61]      La demanderesse soulève les questions suivantes dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire :

1.   Le ministre a‑t‑il commis une erreur en ne tenant compte que de « nouvelles données », et en n’examinant pas l’intégralité de la preuve se rapportant à l’existence d’un risque environnemental, et notamment les renseignements dont il disposait avant que la demanderesse ne présente sa demande?

2.   Le ministre a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’un examen spécial obligatoire au titre de l’article 17 n’est pas requis s’il a l’intention de procéder à un examen périodique au titre de l’article 16 dans un avenir rapproché?

3.   L’interprétation qu’a faite le ministre du niveau de preuve exigé pour procéder à un examen spécial au titre de l’article 17 était‑elle erronée?

4.   L’interprétation qu’a faite le ministre de son obligation d’appliquer le principe de précaution était‑elle erronée?

5.   Était‑il déraisonnable pour le ministre de conclure que les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA ne présentent pas un risque inacceptable?

[62]      Le défendeur soulève une sixième question : y a‑t‑il lieu d’octroyer une réparation? Bien qu’une requête antérieure en radiation de la demande pour cause de caractère théorique ait été rejetée, le défendeur fait valoir que la demanderesse n’a pas droit à une réparation, car cette mesure n’aurait que peu ou pas de bénéfice pratique pour elle et qu’il est dans l’intérêt public de la lui refuser. La raison en est qu’une réévaluation au titre de l’article 16 de la Loi a été entamée en novembre 2009. Le défendeur soutient donc que de réexaminer sa décision et d’ordonner un examen spécial aux termes de l’article 17 reviendrait à répéter le processus déjà lancé en vertu de l’article 16.

NORME DE CONTRÔLE

[63]      Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada déclare au paragraphe 62 que la première étape de l’analyse touchant la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » : voir également Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, le juge Binnie, au paragraphe 53.

[64]      La présente demande de contrôle vise une décision prise par le ministre au titre de l’article 17 de la Loi. D’après cette disposition, le ministre est tenu de procéder à un examen spécial s’il a des motifs raisonnables de croire que les risques sanitaires ou environnementaux associés à un produit sont inacceptables.

[65]      Aucune des parties n’a présenté à la Cour de décision traitant de la norme de contrôle d’une décision du ministre rendue au titre de cette disposition de la Loi. Le défendeur s’est toutefois appuyé sur un arrêt de 1994 de la Cour d’appel fédérale, Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada, section locale 8 et al. c. Canada (Ministre de l’Agriculture) et al., [1994] A.C.F. no 1067 (QL), portant sur le contrôle d’une décision du ministre d’homologuer un produit au titre de l’ancienne loi [L.R.C. (1985), ch. P-9]. Ce jugement est utile, car il y est question de l’étendue du pouvoir discrétionnaire que la Loi confère au ministre.

[66]      Dans l’arrêt Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada, la Cour d’appel était saisie d’un appel d’une décision de la Cour fédérale de décerner un bref de certiorari portant annulation de la décision par laquelle le ministre avait homologué un pesticide comme produit contrôlé. La législation pertinente était comparable à celle qui s’applique en l’espèce. En vertu de l’article 18 de l’ancien Règlement sur les produits antiparasitaires [C.R.C. ch.1253, le ministre avait le pouvoir discrétionnaire de refuser d’homologuer un produit s’il estimait manquer de renseignements pour procéder à son évaluation, ou que son emploi entraînait un risque inacceptable de dommages pour la santé publique. La Cour d’appel a déclaré ce qui suit concernant la norme que les tribunaux devaient appliquer pour contrôler la décision du ministre dans ces circonstances (notes omises) [au paragraphe 25] :

        Il découle de l’article 18 que, lorsque les renseignements nécessaires ont été fournis au ministre, une cour de justice n’a pas compétence pour mettre en doute le caractère suffisant de ces renseignements. Le juge de première instance a donc commis une erreur lorsqu’il s’est mis à analyser le manque de profondeur de l’évaluation et de la recherche faites par M. Ralph [M. C.D. Ralph, gestionnaire des produits de la Division de la gestion des produits de la Direction des pesticides du ministère de l’Agriculture et délégué du ministre] puisqu’il ressortait clairement de l’affidavit que M. Ralph avait examiné la nature et la qualité des renseignements qu’il avait obtenus. Le juge de première instance a sans aucun doute dépassé la mesure lorsqu’il a conclu que « [m]ême si le ministre avait examiné la question qu’il convenait d’examiner et conclu par la suite que les renseignements fournis dans le cadre de la demande d’enregistrement du Busan 30WB étaient suffisants pour en permettre l’évaluation, il a quand même excédé sa compétence lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour permettre l’enregistrement de ce produit antiparasitaire puisque cette conclusion était manifestement erronée. » Dans l’affaire Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, le juge McIntyre, qui s’exprimait au nom de la Cour suprême du Canada, a bien précisé que :

[…] C’est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s’ingérer dans l’exercice qu’un organisme désigné par la loi fait d’un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé.

[67]      La jurisprudence subséquente a entériné ce raisonnement. Ainsi, la Cour évaluera l’interprétation par le ministre des normes juridiques auxquelles il est assujetti selon la norme de la décision correcte, mais s’il est établi qu’il a correctement interprété ses obligations, l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il a usé pour s’en acquitter sera examiné selon la norme de la raisonnabilité : voir aussi Dunsmuir, précité, aux paragraphes 47, 49, 50 et 53.

[68]      Les questions 1 et 5 soulevées par la demanderesse contestent l’appréciation qu’a faite le ministre de la preuve et son application au droit. Ces questions relèvent de la norme de la raisonnabilité.

[69]      Les autres questions concernent l’interprétation par le ministre des exigences de la Loi. Celles‑ci ne regardent pas l’expertise spécialisée du ministre et aucune clause privative ne donne à penser que son interprétation de la Loi mérite une plus grande déférence. À ce titre, ces questions doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : voir Dunsmuir, au paragraphe 55.

ANALYSE

Cadre législatif de la Loi sur les produits antiparasitaires

[70]      Les objectifs de la Loi sont énoncés à l’article 4. Le paragraphe 4(1) prévoit que, pour l’application de la Loi, le ministre a comme objectif « premier » de « prévenir les risques inacceptables pour les personnes et l’environnement que présente l’utilisation des produits antiparasitaires ».

[71]      Les entreprises qui souhaitent vendre un produit antiparasitaire au Canada doivent soumettre une demande d’homologation à l’Agence réglementaire, laquelle est composée d’experts que le ministre a chargés d’appliquer la Loi et les règlements. L’Agence réglementaire s’en remet à un processus détaillé d’examen et d’analyse avant de rendre une décision sur l’homologation d’un pesticide.

[72]      L’homologation d’un pesticide en vertu de la Loi couvre un certain nombre de détails, notamment les conditions liées à la fabrication, l’emploi, la composition, l’étiquetage du produit ainsi que la période de validité de l’homologation. Les produits sont homologués à des fins précises; s’ils souhaitent en élargir la portée, les titulaires doivent présenter une nouvelle demande à l’Agence réglementaire et soumettre toutes les données additionnelles requises.

[73]      Une fois accordée, l’homologation du pesticide est maintenue sous réserve d’évaluations additionnelles dont le ministre peut prendre l’initiative. Celles‑ci ont lieu dans deux cas. Premièrement, lorsque les « réévaluations » au titre de la Loi sont entreprises périodiquement (par exemple, tous les 15 ans) en vertu de l’article 16, ou encore si le ministre estime que les procédures d’évaluation ou les renseignements exigés pour l’homologation du pesticide ont changé depuis que le produit a été approuvé.

[74]      Deuxièmement, le ministre procédera à un « examen spécial » au titre de l’article 17 de la Loi lorsqu’il « a des motifs raisonnables de croire que la valeur du produit ou les risques sanitaires ou environnementaux qu’il présente sont inacceptables »; lorsqu’« un pays membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques interdit l’utilisation d’un principe actif pour des raisons sanitaires ou environnementales »; ou lorsqu’une agence gouvernementale fédérale ou provinciale attire l’attention du ministre sur des renseignements dont celui‑ci croit qu’ils offrent des motifs raisonnables de conclure que les risques pour la santé ou l’environnement sont inacceptables.

[75]      En vertu du paragraphe 17(4) de la Loi, toute personne peut demander au ministre de procéder à un examen spécial de l’innocuité d’un pesticide particulier. Ceci permet à toute personne au Canada préoccupée par l’innocuité d’un pesticide de soumettre la question à l’examen des experts scientifiques.

[76]      Aux termes du paragraphe 17(1), le ministre est tenu de procéder à un examen s’il a des motifs raisonnables de croire que les risques sanitaires ou environnementaux ou que la valeur du pesticide sont inacceptables. Conformément à l’article 4 de la Loi, l’objectif premier du ministre est de prévenir les risques inacceptables pour les personnes et l’environnement que présente l’utilisation des produits antiparasitaires.

[77]      Pour établir si un produit pose un risque inacceptable au sens de l’article 17, l’Agence réglementaire engage le processus que nous avons décrit plus haut au paragraphe 22.

L’analyse par la Cour de la demande d’examen spécial en l’espèce

[78]      La demande d’examen spécial des herbicides à base de glyphosate contenant des POEA a été présentée dans une lettre de 29 pages datée du 25 mai 2009 et accompagnée d’un cartable regroupant les études citées dans la lettre. Les motifs invoqués pour demander un examen spécial sont les [traduction] « importantes nouvelles données ci‑jointes qui établissent des motifs raisonnables de croire que les risques sanitaires ou environnementaux » associés au pesticide en cause sont inacceptables.

[79]      Dans sa lettre, la demanderesse a fait référence à plusieurs études médicales qui, selon elle, donnent des motifs raisonnables de croire que les pesticides présentent des risques sanitaires inacceptables [traduction] « parce qu’ils nuisent à la reproduction et au développement chez les êtres humains, qu’ils perturbent le système endocrinien et qu’ils peuvent causer le cancer ». À l’instruction de la demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a abandonné l’invocation de ces « risques sanitaires » comme motifs d’examen. Par conséquent, la demanderesse n’a pas contesté la décision du défendeur portant qu’il n’y avait pas de données justifiant la tenue d’un examen spécial des effets sanitaires du pesticide en cause.

[80]      Un autre motif invoqué pour tenir un examen spécial était les « nouvelles données indiquant une toxicité pour les amphibiens », en particulier pour l’utilisation sylvicole du pesticide. La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire reconnaissait la toxicité du pesticide pour les organismes aquatiques, y compris les amphibiens. Ces données étaient connues du défendeur, et c’est pour cette raison qu’il existe des mesures d’atténuation des risques, à savoir les étiquettes restreignant l’utilisation du pesticide, notamment par les prescriptions suivantes :

[traduction]

1.   « éviter toute application directe sur un plan d’eau »;

2.   « éviter que la dérive du produit pulvérisé n’atteigne un plan d’eau ou tout autre zone non ciblée »;

3.   « respecter les zones tampons indiquées »;

4.   « éviter les risques de dérive durant l’application aérienne sur des sites sylvicoles en s’assurant de maintenir des zones tampons appropriées ».

[81]      La demanderesse n’a pas contesté cette partie de la décision, à savoir que d’éviter l’application sur des plans d’eau atténue la toxicité du produit pour les amphibiens. Par conséquent, les principales raisons présentées dans la lettre de 29 pages (et les études qui y étaient jointes) pour justifier la nécessité d’un examen spécial n’ont pas été maintenues durant l’audience devant la Cour. Durant l’audience, la demanderesse s’est plutôt appuyée sur un aspect précis abordé dans une des études présentées avec la demande. La demanderesse a fait référence à cet aspect à deux endroits dans sa lettre de 29 pages.

[82]      Le seul aspect de la demande d’examen spécial sur lequel s’est appuyée la demanderesse durant l’audience est abordé à deux endroits dans sa lettre de 29 pages : il s’agit du risque environnemental possible que présente l’utilisation sylvicole du pesticide pour les amphibiens dans les terres humides éphémères. Par conséquent, la demande d’examen spécial de la demanderesse ne repose plus que sur la synthèse documentaire de la C.‑B., dont le résumé comprend la phrase suivante [à la page iii] :

[traduction] Il manque de données sur les niveaux de contamination au glyphosate dans les petites terres humides éphémères, où vivent des amphibiens, et qui peuvent être exposées directement aux herbicides pulvérisés selon les directives d’utilisation actuelles.

[83]      Les terres humides éphémères touchées se trouvent dans des zones coupées à blanc qui ont été reboisées. Selon la synthèse documentaire de la C.‑B. [à la page ii] :

[traduction] Les herbicides à base de glyphosate sont appliqués une fois durant le cycle sylvicole (de 50 à 80 ans), surtout à l’été et au début de l’automne (de juillet à septembre), mais on répète les applications s’il faut combattre davantage la végétation concurrente.

Ainsi, l’auteur du rapport de la C.‑B. s’inquiétait du manque de données sur les concentrations du pesticide dans ces terres humides éphémères qui abritent des grenouilles et des salamandres. Il a conclu son rapport en indiquant qu’il fallait combler ces lacunes dans les connaissances.

[84]      Lors de l’audience, l’avocat de la demanderesse a donc pratiquement retiré la demande de 29 pages pour se concentrer uniquement sur le risque environnemental allégué pour les amphibiens dans les petites terres humides éphémères en milieu forestier.

Question 1 : Le ministre a‑t‑il commis une erreur en ne tenant compte que de « nouvelles données », et en n’examinant pas l’intégralité de la preuve se rapportant à l’existence d’un risque environnemental, et notamment les renseignements dont il disposait avant que la demanderesse ne présente sa demande?

[85]      La demanderesse soutient que le ministre avait l’obligation de tenir compte de tous les renseignements qu’il avait obtenus depuis sa dernière évaluation des produits à base de glyphosate contenant de la POEA au sujet des risques que peuvent présenter ces produits. La demanderesse plaide que le ministre, par sa formulation d’une des quatre questions « S’agit‑il de nouvelles études ou avaient‑elles déjà été examinées par l’ARLA? », n’a pas tenu compte des études qui avaient déjà été examinées par l’ARLA après l’homologation du produit et qui n’avaient donc pas été incluses dans l’analyse des risques.

[86]      La demanderesse fait valoir que même si les scientifiques de l’Agence réglementaire étaient au fait des publications récentes, le ministre était tenu d’envisager formellement ces éléments de preuve comme fondements possibles d’un examen spécial. Elle soutient en particulier que le fait que l’Agence réglementaire a été consultée au sujet de la synthèse documentaire de la C.‑B. et qu’elle en a discuté n’était pas une raison de ne pas évaluer les risques dont ce rapport faisait état.

[87]      Le défendeur affirme que l’Agence réglementaire a examiné l’ensemble des renseignements dont elle disposait, y compris ceux qui ne figuraient pas parmi les documents joints à la demande de la demanderesse. Il soutient également que les termes choisis par le ministre découlaient en partie du fait que la demanderesse qualifiait elle‑même ses données de « nouvelles » parce qu’elles étaient postérieures à l’homologation des produits.

[88]      La Cour convient avec la demanderesse que le ministre était tenu d’examiner l’ensemble des données pour établir s’il existait des motifs raisonnables de conclure à l’existence d’un risque inacceptable. La Loi ne précise pas que les données présentées aux fins de la demande d’examen spécial doivent être importantes ou nouvelles — termes qu’a utilisés la demanderesse pour justifier un examen spécial.

[89]      Cependant, la Cour convient avec le défendeur que le ministre a bien compris son obligation. Les rapports soumis par les scientifiques indiquent qu’ils ont évalué les données fournies par la demanderesse à la lumière de leurs connaissances actuelles, ce qui incluait toutes les données en leur possession. Le ministre n’a pas conclu que les données avaient déjà été examinées et qu’elles ne fournissaient donc aucun motif raisonnable de croire qu’il existait un risque inacceptable, mais plutôt qu’elles ne soulevaient aucune préoccupation liée à l’existence d’un tel risque. C’est‑à‑dire que le ministre s’est d’abord soucié, à juste titre, de savoir si les nouvelles données changeaient quelque chose à l’analyse effectuée au moment de l’homologation des pesticides.

Question : Le ministre a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’un examen spécial obligatoire au titre de l’article 17 n’est pas requis s’il a l’intention de procéder à un examen périodique au titre de l’article 16 dans un avenir rapproché?

[90]      La demanderesse soutient qu’il ne revient pas au ministre de décider qu’un examen spécial n’était pas nécessaire parce qu’une réévaluation est prévue. Elle ajoute que le pouvoir discrétionnaire du ministre sous le régime de l’article 17 se limite à la question de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il existe un risque inacceptable. S’il conclut que tel est le cas, le ministre « procède » à un examen spécial. La demanderesse fait valoir que le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire de substituer une réévaluation future à un examen spécial en pareilles circonstances.

[91]      Le défendeur soutient que le ministre n’a pas refusé la demande de la demanderesse parce qu’une réévaluation était prévue, mais plutôt parce qu’il estimait qu’il n’existait pas de motif raisonnable de croire que les produits posaient un risque environnemental inacceptable. Cette décision était fondée sur une évaluation de l’ensemble des données et des conclusions des scientifiques de l’Agence réglementaire. Le défendeur fait remarquer que les facteurs déterminants dans la décision du ministre étaient les suivants :

1.   L’ARLA était au courant de la toxicité des préparations commerciales à base de glyphosate contenant des POEA et avait prescrit des mesures d’atténuation pour donner suite aux préoccupations concernant les atteintes aux espèces aquatiques en milieu agricole, particulièrement en interdisant l’application directe du produit aux eaux de surface. Les renseignements présentés par la demanderesse n’ont pas modifié l’évaluation de l’ARLA à cet égard.

2.   En particulier, l’ARLA a jugé que les études présentées par la demanderesse pour tenter de faire modifier l’évaluation des risques n’étaient pas convaincantes parce qu’elles avaient été effectuées en laboratoire plutôt que dans des conditions réalistes. Des études de terrain n’ont mis en évidence aucun effet néfaste dans des conditions d’utilisation réelle du produit.

3.   Des mesures d’atténuation étaient déjà en place afin de protéger les organismes, comme les amphibiens, qui sont particulièrement sensibles à l’application de préparations commerciales à base de glyphosate.

[92]      La décision n’a pas explicitement abordé le risque allégué que présenterait le pesticide pour les amphibiens dans les terres humides éphémères sur lesquelles l’herbicide est pulvérisé par voie aérienne à des fins sylvicoles. Toutefois, dans sa lettre, l’ARLA a mentionné six fois la réévaluation du pesticide en vertu de l’article 16 de la Loi, laissant entendre qu’il n’était donc pas nécessaire de procéder à un examen spécial en vertu de l’article 17 :

[traduction]

1.   […] il existe d’autres mécanismes, comme la réévaluation, qui conviendraient mieux qu’un examen spécial aux préoccupations concernant les risques.

2.   La prochaine réévaluation du glyphosate tiendra compte des amphibiens et de l’agent de surface POEA.

3.   […] les mesures d’atténuation […] sont appropriées jusqu’à ce qu’on procède à la réévaluation.

4.   L’ARLA abordera les préoccupations […] dans le cadre de la réévaluation […] elle [la réévaluation] permettra d’aborder plus complètement toutes les préoccupations.

5.   […] la réévaluation du glyphosate sera officiellement annoncée au cours de l’année et elle portera une attention particulière aux produits à base de glyphosate contenant des POEA.

6.   […] une demande publique de données concernant certains aspects […] nous vous encourageons à présenter tout autre renseignement sur le glyphosate à ce moment‑là.

De ces six références dans la décision, la Cour ne peut qu’inférer que le défendeur a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire découlant de l’article 17 parce qu’une réévaluation des mêmes risques environnementaux au titre de l’article 16 était prévue. La Cour conclut que le ministre a commis une erreur de droit en interprétant mal le libellé impératif de l’article 17, en vertu duquel un « examen spécial » doit avoir lieu sans égard au fait qu’une réévaluation aux termes de l’article 16 est prévue ou en cours.

Question : L’interprétation par le ministre du niveau de preuve exigé pour procéder à un examen spécial au titre de l’article 17 était‑elle erronée?

[93]      La demanderesse soutient que le ministre a appliqué un mauvais critère pour décider de l’opportunité d’un examen spécial. Elle fait valoir que le ministre lui a demandé d’établir l’existence d’un risque inacceptable, plutôt que des [traduction] « motifs raisonnables de croire qu’il pourrait exister un risque pour l’environnement ». 

[94]      Le défendeur soutient que les quatre questions examinées par l’Agence réglementaire dérivent des Critères pour décider s’il y a lieu de procéder à un examen spécial  qu’elle a élaborés en 2007. Suivant ces critères, il n’est pas nécessaire de procéder à un examen spécial si : le principe actif fait l’objet d’une réévaluation; la préoccupation se rapporte à un risque imminent, de telle sorte qu’une mesure réglementaire immédiate sera adoptée en lieu et place; la préoccupation peut être réglée plus rapidement par le biais d’autres mécanismes existants; l’Agence réglementaire a effectué une évaluation qui a trait à cette préoccupation; les renseignements ne changent rien à l’évaluation actuelle des risques.

[95]      Le défendeur fait valoir que ces critères sont conformes à la Loi, puisqu’ils sont spécifiquement conçus pour servir l’objectif législatif de protection des Canadiens. Il ajoute que cet objectif est rempli lorsque l’Agence réglementaire dispose d’un certain nombre de réponses possibles à des risques potentiels. Dans certains cas, quand le risque est imminent par exemple, une mesure réglementaire immédiate servira mieux les objectifs de la Loi qu’un examen spécial. Dans d’autres cas, par exemple lorsqu’une réévaluation est en cours, l’examen spécial s’avérera superflu et ne fera que détourner des ressources qui pourraient être affectées à de fins plus utiles.

[96]      Enfin, le défendeur soutient que le ministre peut, en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi, révoquer ou modifier immédiatement l’homologation d’un produit dans le cours d’une réévaluation ou d’un examen spécial, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une telle mesure s’impose pour protéger la santé ou la sécurité humaines, ou l’environnement.

[97]      Quant au critère que le ministre doit appliquer pour déterminer l’opportunité d’un examen spécial au titre du paragraphe 17(1) de la Loi, la Cour estime que la phrase « des motifs raisonnables de croire que la valeur du produit ou les risques sanitaires ou environnementaux qu’il présente sont inacceptables » signifie que le ministre doit disposer d’éléments de preuve convaincants et crédibles soulevant la possibilité sérieuse que le pesticide entraîne un risque sanitaire ou environnemental inacceptable. Par ailleurs, suivant la définition du « risque acceptable » figurant au paragraphe 2(2) de la Loi, le ministre doit être raisonnablement certain que ce pesticide ne causera aucun dommage à la santé humaine ou à l’environnement, compte tenu de ses conditions d’utilisation. La Cour suprême du Canada a ainsi expliqué l’expression « motifs raisonnables » au paragraphe 114 de l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100 :

      La première question que soulève l’al. 19(1)j) de la Loi sur l’immigration est celle de la norme de preuve correspondant à l’existence de « motifs raisonnables [de penser] » qu’une personne a commis un crime contre l’humanité. La CAF a déjà statué, à juste titre selon nous, que cette norme exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile : Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.), p. 445; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), par. 60. La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi : Sabour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1615 (1re inst.) (C.F. 1re instance).

[98]      Selon le dossier de la Cour sur lequel est fondée la décision attaquée, les éléments de preuve sont contradictoires quant à savoir si le pesticide en cause présente un risque acceptable pour les amphibiens dans les terres humides éphémères touchées par la pulvérisation aérienne du produit à des fins sylvicoles. Les notes de breffage à l’intention du Comité des opérations scientifiques et du Comité de gestion scientifique et l’ébauche de la lettre à la demanderesse reconnaissent toutes qu’il y a une incertitude sur la question de savoir si le pesticide nuit aux amphibiens dans ces milieux. L’ARLA reconnaît que le pesticide est toxique pour les amphibiens dans les plans d’eau, raison pour laquelle elle interdit la pulvérisation du pesticide sur des plans d’eau ou à proximité. Par contre, M. Delorme et un responsable de la Direction du risque environnemental étaient d’avis que les études de terrain menées par le Service canadien des forêts montrent que le pesticide ne présente pas de risque environnemental pour les amphibiens dans les terres humides éphémères. Toutefois, aucune référence à ces études de terrain, ni autre preuve documentaire, ne figurait au dossier présenté au décideur dans ce cas. Par conséquent, la Cour juge que le ministre a commis une erreur dans son interprétation du niveau de preuve requis pour procéder, en vertu de l’article 17 de la Loi, à un examen spécial sur un seul petit aspect de la demande.

[99]      La décision du ministre de procéder à une réévaluation des produits à base de glyphosate en vertu de l’article 16 de la Loi témoigne de sa préoccupation pour la tenue à jour des homologations. L’article 16 permet au ministre de procéder à la réévaluation d’un produit lorsqu’il estime qu’il y a eu, depuis l’homologation du produit, un changement dans les procédures d’évaluation ou les renseignements exigés. Ainsi, la réévaluation permet au ministre de tenir les homologations à jour. Le fait que le ministre a choisi de procéder à une réévaluation n’indique donc pas qu’il croyait qu’il y avait des motifs raisonnables de juger inacceptables les risques associés aux produits à base de glyphosate.

Question : L’interprétation par le ministre de son obligation d’appliquer le principe de précaution était‑elle erronée?

Le paragraphe 20(2) de la Loi prévoit qu’« [e]n cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures rentables visant à prévenir toute conséquence néfaste pour la santé ou la dégradation de l’environnement ». La demanderesse soutient que cette disposition doit s’appliquer aux décisions prises par le ministre au titre de l’article 17 de la Loi.

Comme les opinions au sein de l’ARLA sont partagées quant à savoir si le pesticide présente un risque environnemental inacceptable pour les amphibiens dans les terres humides éphémères, le principe de précaution devrait obliger le ministre à procéder à un examen spécial sur la question.

Question 5 : Était‑il déraisonnable pour le ministre de conclure que les herbicides à base de glyphosate contenant des POEA ne présentent pas de risque inacceptable?

[102]   La demanderesse fait valoir que les conclusions de la synthèse documentaire de la C.‑B., le rapport des scientifiques mêmes de la Direction de l’évaluation environnementale de l’Agence réglementaire et la propre déclaration de risque du ministre dans sa décision, prouvent que celle‑ci est déraisonnable.

[103]   Dans l’arrêt Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada, précité, la Cour d’appel a précisé le degré de déférence qu’il fallait accorder aux évaluations des risques effectuées par le ministre au titre de la Loi. La Cour s’est exprimée ainsi dans un passage cité plus haut [au paragraphe 65 des presents motifs]:

Il découle de l’article 18 que, lorsque les renseignements nécessaires ont été fournis au ministre, une cour de justice n’a pas compétence pour mettre en doute le caractère suffisant de ces renseignements.

[104]   Comme nous l’avons déjà indiqué, la décision du ministre sera raisonnable si elle est fondée sur la preuve, si elle est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues acceptables.

[105]   Dans la présente affaire, il y avait des données qui étayaient les deux opinions sur la question. Les études de terrain du Service canadien des forêts montrant que le pesticide ne présente pas de risque environnemental pour les amphibiens dans les terres humides éphémères, études sur lesquelles s’appuyait M. Delorme, ne cadraient pas avec les notes de breffage rédigées par des scientifiques de l’ARLA, ni avec la synthèse documentaire de la C.‑B., ni avec le fait que le ministre a reconnu la nécessité de réévaluer le risque environnemental que présente le pesticide pour les amphibiens dans les terres humides éphémères.

[106]   De plus, la décision n’est ni transparente ni intelligible puisqu’elle n’aborde pas expressément le risque environnemental limité dont il est question en l’espèce. La Cour reconnaît que la lettre de 29 pages à l’appui de la demande d’examen spécial mentionne à peine ce faible risque et qu’elle met plutôt l’accent, entre autres, sur un risque sanitaire. Il est donc naturel que la décision n’ait pas expressément abordé cet élément. En même temps, comme la présente demande vise le contrôle de la décision en invoquant ce motif restreint, la Cour doit concéder que la décision n’est ni transparente ni intelligible en ce qui a trait à ce risque. Il aurait été préférable que la lettre évoque les études de terrain effectuées par le Service canadien des forêts et qu’elle traite spécifiquement du risque. Par conséquent, la Cour convient avec la demanderesse que la décision du ministre n’est ni transparente ni intelligible eu égard au risque limité dont il est question devant la Cour, et que la preuve qui s’y rapporte n’est pas correctement documentée dans le dossier de manière à pouvoir étayer la décision.

Question 6 : La Cour devrait‑elle octroyer une réparation?

Le défendeur soutient que même si la Cour reconnaît que le ministre a commis une erreur, elle devrait refuser de lui renvoyer l’affaire, car la demanderesse n’en retirera qu’un bénéfice pratique infime ou nul, puisque l’évaluation du pesticide au titre de l’article 16 est en cours. La Cour n’est pas de cet avis. Si les critères relatifs à l’examen spécial prévu à l’article 17 sont remplis, le législateur enjoint au ministre de procéder à cet examen. Celui‑ci peut coïncider avec une réévaluation du pesticide au titre de l’article 16. L’examen spécial aura une portée plus étroite que la réévaluation complète menée en collaboration avec les États‑Unis. Pour cette raison, l’examen spécial sera ciblé et possiblement plus rapide. La demanderesse a droit à une analyse convenable qui déterminerait si le pesticide en cause présente un risque environnemental pour les amphibiens vivant dans les terres humides éphémères touchées par la pulvérisation aérienne du produit à des fins sylvicoles. La preuve à laquelle nous faisions allusion reposera éventuellement sur les nouveaux éléments issus des études de terrain de deux ans, à peine complétées, sur la base desquels le ministre pourra rendre une décision transparente et intelligible au titre de l’article 17 de la Loi.

CONCLUSION

[108]   Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie avec dépens et l’affaire renvoyée au ministre pour nouvel examen.

DÉPENS

[109]   La demanderesse est une partie à un litige d’intérêt public qui s’inquiète du risque environnemental et sanitaire que présente le pesticide homologué à base de glyphosate contenant de la POEA et qui demande au ministre de la Santé de procéder à un examen spécial. Bien qu’il soit fait droit à la demande de contrôle judiciaire, la Cour note que la plupart des motifs sur lesquels la demanderesse s’est fondée pour solliciter l’examen spécial ont été abandonnés à l’instruction de la demande. Il n’en reste pas moins que celle‑ci soulevait des questions complexes et importantes. Pour ces motifs, la Cour exercera son pouvoir discrétionnaire prévu à la règle 400 [mod. par DORS/2002-417, art. 25(F); 2010-176, art. 11] des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] en ce qui a trait au montant et à la répartition des dépens, en tenant compte des facteurs énoncés au paragraphe 400(3). Les dépens adjugés à la demanderesse seront calculés selon la colonne III du tarif B, dans le milieu de la fourchette des valeurs unitaires autorisée au titre de cette colonne.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens.

2. La décision du ministre de la Santé, datée du 24 août 2009, de ne pas procéder à un « examen spécial » est annulée, et l’affaire est renvoyée au ministre pour nouvel examen conformément aux présents motifs de jugement.

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