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T-1321-97                 

2004 CF 1445

Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. (demanderesses) (défenderesses reconventionnelles)

c.

Apotex Inc. (défenderesse) (demanderesse reconventionnelle)

et

Shionogi & Co. Ltd. (défenderesse reconventionnelle)

Répertorié: Eli Lilly and Co. c. Apotex (C.F.)

Cour fédérale, juge Hugessen--Ottawa, 13 et 20 octobre 2004.

Brevets -- Lien entre la Loi sur les brevets et la Loi sur la concurrence -- Les demanderesses ont intenté contre la défenderesse une poursuite en contrefaçon de huit brevets portant sur le conditionnement du céfaclor; quatre des huit brevets leur avaient été cédés par la défenderesse reconventionnelle -- La défenderesse a allégué, dans les modifications apportées à sa défense et demande reconventionnelle, que les cessions avaient constitué un accord pour limiter indûment la concurrence, contrairement à l'art. 45 de la Loi sur la concurrence, ce qui lui avait donné droit à des dommages-intérêts en vertu de l'art. 36 -- Les demanderesses ont demandé un jugement sommaire rejetant les paragraphes de la défense et demande reconventionnelle alléguant une entente anticoncurrentielle contraire à l'art. 45 de la Loi -- La défenderesse reconven-tionnelle a demandé un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle qui la visait -- Il faut faire une lecture harmonieuse de la Loi sur les brevets et de la Loi sur la concurrence -- Le sens du terme «indûment» de l'art. 45 de la Loi ne vise que les restrictions à la concurrence qui ne sont pas autorisées expressément par la Loi sur les brevets -- En l'espèce, la cession de brevets qui était autorisée par l'art. 50 de la Loi sur les brevets et qui ne visait que la cession autorisée de brevets, ne pouvait être indue -- La poursuite de la défenderesse n'était pas fondée en droit -- Requêtes accueillies.

Il s'agissait d'une nouvelle audience relativement à deux requêtes pour jugement sommaire contre Apotex. En 1997, Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. (collectivement appelées Lilly) ont intenté une poursuite en contrefaçon de huit brevets portant sur le conditionnement de l'antibiotique céfaclor contre la société Apotex Inc. (Apotex); quatre des huit brevets leur avaient été cédés par Shionogi & Co. Ltd. (Shionogi) en 1995. Apotex a modifié sa défense et demande reconventionnelle de façon à inclure Shionogi parmi les défenderesses reconventionnelles et elle a allégué que les cessions à Lilly constituaient un accord pour limiter indûment la concurrence, contrairement à l'article 45 de la Loi sur la concurrence, ce qui avait donné droit à Apotex à des dommages-intérêts en vertu de l'article 36 de la même Loi. Lilly a demandé un jugement sommaire rejetant les paragraphes de la défense et demande reconventionnelle d'Apotex qui étaient fondés sur une entente anticoncurrentielle entre Lilly et Shionogi et rejetant la demande reconventionnelle visant Shionogi. Shionogi a demandé un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle qui la visait. Le juge des requêtes s'est fondé sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans Molnlycke AB c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. et al. et il a fait droit aux deux requêtes. Cette décision a été portée en appel et la Cour d'appel fédérale a dit que, même si le juge des requêtes avait conclu, avec raison, que l'arrêt Molnlycke était d'application obligatoire, il avait surestimé la portée de l'arrêt et il n'avait pas tiré une conclusion selon laquelle l'arrêt s'appliquait aux faits en tenant compte de la preuve. Ainsi, les requêtes en jugement sommaire ont été renvoyées devant le juge des requêtes pour un nouvel examen. Le juge devait aborder les questions suivantes: 1) le paragraphe 45(1) de la Loi pouvait-il s'appliquer à une entente visant l'exercice des droits de brevets? 2) Le cas échéant, les faits de la cause permettaient-ils de démontrer que Lilly ou Shionogi avaient agi de manière contraire à l'article 45 de la Loi sur la concurrence? 3) Apotex était-elle forclose de réclamer des dommages-intérêts?

Jugement: les requêtes doivent être accueillies.

1) La Loi sur les brevets n'a pas pour effet de protéger contre la responsabilité, en vertu de la Loi sur la concurrence, tout accord susceptible de porter également sur l'exercice de droits attachés aux brevets. Toutefois, il faut faire une lecture harmonieuse des deux lois. Le sens du mot le plus important de l'article 45, c'est-à-dire le terme «indûment», ne vise que les restreintes à la concurrence qui ne sont pas autorisées expressément par la Loi sur les brevets. Il ne peut être déduit d'une preuve ne concernant que l'exercice de droits attachés aux brevets que la concurrence s'en trouve restreinte.

2) Il n'a pas été contesté que le résultat de la cession des brevets de Shionogi à Lilly avait été d'augmenter le pouvoir monopolistique de cette dernière. À l'exception de la cession, il n'y avait eu aucune autre entente alléguée ou établie par la preuve susceptible de constituer le fondement d'une infraction en vertu de l'article 45. Pour avoir gain de cause, Apotex devait prouver une conduite contraire à l'article 45, c.-à-d. qu'elle devait établir l'existence d'une entente qui visait à limiter indûment la concurrence ou qui avait pour effet de restreindre indûment la concurrence. La cession d'un brevet (un intérêt monopolistique) est une transaction expressément autorisée par le législateur à l'article 50 de la Loi sur les brevets. Puisque l'entente en litige avait été autorisée et qu'elle ne visait que la cession autorisée de brevets, ses effets ne pouvaient être indus et le nombre de brevets visés et ceux d'autres joueurs n'était pas pertinent. Cette poursuite n'était pas fondée en droit et a été rejetée par jugement sommaire.

3) Bien qu'il n'était pas nécessaire que la Cour examine la troisième question, compte tenu de ses conclusions sur les deux premières questions, elle a indiqué qu'il n'était pas approprié de donner suite, par jugement sommaire, aux moyens de défense soulevés par Lilly et Shionogi (qu'Apotex était forclose de réclamer des dommages-interêts).

lois et règlements cités

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, art. 1 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19), 36 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 1, art. 11), 45 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 30; L.C. 1991, ch. 47, art. 714).

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 50 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 20).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, tarif B, colonne III.

jurisprudence citée

décision appliquée:

Molnlycke AB c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. et al. (1991), 36 C.P.R. (3d) 493; 132 N.R. 315 (C.A.F.).

décisions examinées:

Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (2003), 28 C.P.R. (4th) 37; 2003 CF 1171; Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (2004), 240 D.L.R. (4th) 679; 32 C.P.R. (4th) 195; 323 N.R. 180; 2004 CAF 232.

REQUÊTES pour jugement sommaire rejetant les paragraphes de la défense et demande reconventionnelle de la défenderesse qui étaient fondés sur une entente anticoncurrentielle entre les demanderesses et la défenderesse reconventionnelle et rejetant la demande reconventionnelle visant la défenderesse reconvention-nelle. Requêtes accueillies.

ont comparu:

Anthony George Creber et John Norman pour les demanderesses (défenderesses reconventionnelles).

Harry B. Radomski et David Scrimger pour la défenderesse Apotex (demanderesse reconvention-nelle).

A. David Morrow et Colin B. Ingram pour la défenderesse reconventionnelle Shionogi.

avocats incrits au dossier:

Gowling Lafleur Henderson s.r.l., Ottawa, pour les demanderesses (défenderesses reconventionnelles).

Goodmans LLP, Toronto, pour la défenderesse Apotex (demanderesse reconventionnelle).

Smart & Biggar, Ottawa, pour la défenderesse reconventionnelle Shionogi.

Voici la version française des mot ifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par

Le juge Hugessen:

Contexte

[1]En 1997, Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. (collectivement appelées Lilly) ont intenté une poursuite en contrefaçon de huit brevets portant sur le conditionnement de l'antibiotique céfaclor contre la société Apotex Inc. (Apotex). Des huit brevets contrefaits par Apotex, selon Lilly, quatre lui avaient été cédés par Shionogi & Co. Ltd. (Shionogi), en 1995.

[2]Dans les modifications apportées à sa défense et demande reconventionnelle en 2001, Apotex a allégué qu'un certain comportement de Lilly contrevenait à l'article 45 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 30; L.C. 1991, ch. 47, art. 714] de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 [art.1 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19, art. 19)] (Loi sur la concurrence), ce qui donnait droit à Apotex à des dommages-intérêts en vertu de l'article 36 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 1, art. 11] de la même Loi. En 2002, Apotex a de nouveau modifié sa défense et demande reconventionnelle de façon à inclure Shionogi parmi les défenderesses reconventionnelles dans le cadre de sa demande en dommages-intérêts fondée sur la Loi sur la concurrence . Plus précisément, Apotex affirme que les cessions à Lilly constituent un accord pour limiter indûment la concurrence, contrairement à l'article 45 de la Loi sur la concurrence .

[3]En octobre 2003, j'ai été saisi de trois requêtes. Dans la première requête, Lilly demandait un jugement sommaire rejetant les paragraphes de la défense et de la demande reconventionnelle d'Apotex qui étaient fondés sur une entente anticoncurrentielle entre Lilly et Shionogi et rejetant la demande reconventionnelle visant Shionogi. Dans la deuxième requête, Shionogi demandait un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle qui la visait. La troisième requête, également présentée par Shionogi, était un appel de l'ordonnance de la protonotaire Aronovitch dans laqu elle cette dernière avait refusé de radier la demande reconventionnelle à son égard.

[4]J'ai examiné les trois requêtes simultanément. J'ai examiné le point de droit préliminaire qui était de savoir si les allégations d'Apotex concernant le comportement contraire à l'article 45 de la Loi sur la concurrence de Lilly et de Shionogi révélaient une cause d'action valable. J'ai conclu que non.

[5]En tirant cette conclusion concernant l'absence d'une cause d'action valable, je me sui s fondé sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans Molnlycke AB c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. et al. (1991), 36 C.P.R. (3d) 493 (C.A.F.) (Molnlycke). Selon moi, l'arrêt était un précédent d'application obligatoire déterminant pour l'affaire.

[6]J'ai donc accueilli la demande interjetée contre la décision de la protonotaire et j'ai fait droit aux deux requêtes en jugement sommaire [(2003), 28 C.P.R. (4th) 37 (C.F.)]. J'ai radié les paragraphes de la défense et demande reconventionnell e d'Apotex qui étaient fondés sur des allégations concernant l'existence d'une entente anticoncurrentielle entre Lilly et Shionogi et j'ai rejeté la demande reconventionnelle contre Shionogi. Apotex a interjeté appel de cette décision.

[7]Dans ses motifs relatifs à l'ordonnance, la Cour d'appel fédérale [(2004), 240 D.L.R. (4th) 679] a dit que j'avais conclu, avec raison, que l'arrêt Molnlycke était d'application obligatoire. Toutefois, la Cour d'appel était d'avis que j'avais surestimé la portée de l'arrêt Molnlycke et que je n'avais pas tiré une conclusion selon laquelle l'arrêt s'appliquait aux faits, en tenant compte de la preuve. Ainsi, sans infirmer Molnlycke , la Cour a accueilli l'appel relatif aux deux requêtes en jugeme nt sommaire et elle a ordonné que les deux requêtes soient renvoyées devant moi pour un nouvel examen.

[8]Plus précisément, la Cour d'appel a dit que je devrais, à tout le moins, examiner les questions suivantes:

1) Le paragraphe 45(1) peut-il s'appliquer à une entente visant l'exercice des droits de brevet?

2) Le cas échéant, les faits de la cause permettent-ils de démontrer que Lilly et Shionogi ont agi de manière contraire à l'article 45 de la Loi sur la concurrence?

3) Enfin, même si Apotex peut établir que l'article 45 s'applique et que Lilly ou Shionogi ont agi de manière contraire à l'article 45, je dois tout de même décider s'il y a, parmi les observations présentées par Lilly et Shionogi que je n'ai pas examinées initialement, des arguments qui empêchent Apotex d'obtenir des dommages-intérêts aux termes de l'article 36 de la Loi sur la concurrence. Ces arguments comprennent notamment la question de savoir si Apotex est forclose de réclamer des dommages-intérêts parce que:

- la cause d'action est prescrite;

- Apotex n'a subi aucun préjudice;

- Eli Lilly et Shionogi sont exemptées en vertu de l'exemption relative à la recherche et au développement.

Analyse

[9]Concernant la première question, il me semble qu'il n'est pas contesté que la Loi sur les brevets [L.R.C. (1985), ch. P-4] n'a pas pour effet de protéger contre la responsabilité, en vertu de la Loi sur la concurrence , tout accord susceptible de porter également sur l'exercice de droits attachés aux brevets. Toutefois, lorsqu'un accord ne vise que des droits de brevet et qu'il est autorisé expressément par la Loi sur les brevets , la diminution de la concurrence qui en résulte, parce qu'elle est autorisée par le législateur, n'est pas «indue» et n'est pas une infraction en vertu de l'article 45. Il faut faire une lecture harmonieuse des deux lois et cela n'est possible que si le sens du mot le plus important de l'article 45, c'est-à -dire le terme «indûment», ne vise que les restreintes à la concur rence qui ne sont pas autorisées expressément par la Loi sur les brevets .

[10]Ainsi, comme le dit clairement l'arrêt Molnlycke , les accords qui ne visent que le simple exercice de droits attachés aux brevets sont exemptés de l'application du paragraphe 45(1). La thèse principale de Molnlycke , qui a été acceptée par la Cour d'appel en l'espèce, c'est qu'il ne peut être déduit d'une preuve ne concernant que l'exercice de droits attachés aux brevets que la concurrence s'en trouve restreinte.

[11]La deuxième question est de savoir si, selon les faits en cause, il y a une preuve de l'existence d'une entente entre Lilly et Shionogi qui a pour effet de limiter indûment la concurrence. Les faits essentiels en cause ne sont pas contestés . Dans les motifs de l'ordonnance que j'ai rendue plus tôt dans la présente affaire, j'ai dit notamment [au paragraphe 14]:

Reste le fait que les brevets Shionogi cédés avaient pour objet des procédés utiles à la fabrication du céfaclor, que le brevet pou r le produit céfaclor lui-même était expiré et que Lilly était titulaire des brevets se rapportant à l'autre procédé utile à la fabrication du céfaclor.

[12]Cette conclusion est reprise dans les motifs de la Cour d'appel [au paragraphe 17]:

Dans la présente affaire, Apotex n'allègue pas que c'est uniquement la cession des droits de brevet ou l'exercice de ces droits de brevet par Lilly qui justifiait une action. Apotex affirme plutôt que la cession a eu l'effet suivant dans la présente affaire: une compagnie, Lilly, a acquis les droits de brevets qui lui permettent de contrôler tous les procédés rentables de fabrication du céfaclor alors que, avant l'entente, ces procédés étaient entre les mains de deux compagnies, soit Shionog i et Lilly.

[13]Pour éviter tout doute possible, ce que la Cour d'appel a qualifié d'allégation de la part d'Apotex, dans la citation ci-dessus, est un fait qui a été amplement établi par la preuve et qui n'est pas réellement contesté ni par Lilly ni par Shionogi.

[14]Ainsi, il n'y a aucun doute et il n'y en a jamais eu que le résultat de la cession des brevets de Shionogi à Lilly a été d'augmenter le pouvoir monopolistique de cette dernière. Alors qu'autrefois, elle ne possédait que quatre brevets de procédés utiles dans la fabrication du céfaclor, elle en possédait huit et personne d'autre n'en avait. Bref, elle avait le monopole des procédés connus de production. Elle était peut-être bien dans une position de dominatio n du marché.

[15]Toutefois, l'entente qui constitue le complot allégué par Apotex est uniquement et exclusivement la cession des brevets de Shionogi et il n'y a aucune autre entente alléguée ou établie par la preuve susceptible de constituer le fondement d'une infraction en vertu de l'article 45.

[16]Mais la cession d'un brevet est une transaction que le législateur a expressément autorisée. La partie pertinente de l'article 50 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 20] de la Loi sur les brevets prévoit:

50. (1) Tout brevet délivré pour une invention est cessible en droit, soit pour la totalité, soit pour une partie de l'intérêt, au moyen d'un acte par écrit.

[17]Il ne s'agit pas d'une simple autorisat ion officielle ni, comme le prétend Apotex, la simple confirmation du droit normal de tout propriétaire d'un bien de le vendre ou de le céder à une autre personne. Dans la disposition, le législateur s'intéresse à un brevet, un monopole. Le détenteur du mo nopole est justifié, de par la loi, de céder son monopole à une autre partie. La disposition ne serait pas nécessaire si elle n'accordait pas un droit plus large que celui de tout propriétaire de faire ce qu'il veut de son bien.

[18]L'articl e 36 de la Loi sur la concurrence, qui crée le droit d'action revendiqué par Apotex dans sa demande reconventionnelle contre tant Lilly que Shionogi prévoit notamment:

36. (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite:

a) soit d'un comportement allant à l'encontre d'une disposition de la partie VI;

b) soit du défaut d'une personne d'obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la présente loi,

peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et r ecouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n'a pas obtempéré à l'ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu'elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n'excèd e pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l'affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.

[19]Puisqu'il n'est pas question, dans la présente poursuite, que Lilly ou Shionogi n'ait pas obtempéré à une ordonnance du Tribunal ou d'un autre tribunal, et puisque la seule disposition pertinente de la partie VI est l'article 45, la demande d'Apotex doit être accueillie ou rejetée selon qu'il est établi ou non que la société a eu un comportement interdit par cet article.

[20]Pour qu'il y ait infraction en vertu de l'article 45 de la Loi sur la concurrence , il faut d'abord une entente et ensuite, il faut que l'entente vise à limiter indûment la concurrence ou qu'elle a pour effet de restreind re indûment la concurrence. Voici la disposition pertinente:

45. (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l'une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne:

a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d'emmagasinage ou de négoce d'un produit quelconque;

b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d'un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;

c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l'achat, le troc, la vente, l'entreposage, la location, le transport ou la fourniture d'un produit, ou dans le prix d'assurances sur les personnes ou les biens;

d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.

[21]Toutefois, nous l'avons vu, à l'article 50 de la Loi sur les brevets, le législateur autorise un accord («par écrit») de cession d'un intérêt monopolistique. Si on prend pour acquis que le brevet vise une invention qui est utile et commercialisable, et en l'espèce, elle l'est manifestement, l'entente a nécessairement pour conséquence une augmentation de l'emprise sur le marché du cessionnaire. Mais puisque l'entente est autorisée et qu'elle ne vise que la cession autorisée de brevets, ses effets ne peuvent être indus et le nombre de brevets visés ou ceux d'autres joueurs n'est pas pertinent.

[22]Par conséquent, ma réponse à la deuxième question c'est que même s'il y avait une entente entre Lilly et Shionogi et même si cette entente avait pour effet de limiter la concurrence, il ne s'agissait pas d'une limite indue puisqu'elle était autorisée par une loi du Parlement. Bien entendu, il est possible que l'entente soit susceptible de «contrôle» en vertu des dispositions d'une partie de la Loi sur la concurrence autre que la partie VI, mais cela ne suffirait pas pour qu'elle soit visée par l'article 45 et qu'elle forme, par voie de conséquence, le fondement de la poursuite civile intentée par Apotex en vertu de l'article 36. Cette poursuite n'est pas fondée en droit et doit être rejetée par jugement sommaire.

[23]J'ajouterais que cette conclusion qui découle des termes mêmes des lois pertinentes, est également tout à fait compatible avec le document: «Propriété intellectuelle--Lignes directrices pour l'application de la loi» publié par le Bureau de la concurrence.

[24]Cela m'amène à la troisième question. Lorsque j'ai été saisi de ces requêtes la dernière fois, je n'ai pas jugé nécessaire d'y répondre. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en arrive en l'espèce, la situation n'a pas changé. Selon moi, il ne faut pas dépenser inutilement les quelques ressources judiciaires dont nous disposons. Toutefois, par respect pour la source de la question, je vais indiquer très brièvement les raisons pour lesquelles je ne donnerai pas suite, par jugement sommaire, à l'un ou l'autre des moyens de défense soulevés par Lilly et Shionogi. L'argument selon lequel Apotex n'a subi aucun préjudice est fondé sur les admissions de cette dernière selon laquelle elle n'a subi aucun retard dans la mise en marché de sa propre version du céfaclor et que le seul préjudice qu'elle subira sera les sommes d'argent qu'elle devra verser à Lilly si cette dernière obtient gain de cause dans la présente action en contrefaçon de brevets. Il me semble qu'en droit, cette demande est étonnante, mais il n'est pas certain qu'elle ne sera pas accueillie et si Apotex avait gain de cause relativement à sa demande en vertu de l'article 36, je ne serais pas disposé à la rejeter pour ce seul motif à l'étape du jugement sommaire.

[25]Quant aux arguments tant de Lilly que de Shionogi selon lesquels la demande d'Apotex est prescrite ou que le moyen de défense fondé sur la recherche et le développement s'applique, les contradictions et l'imprécision des preuves sont suffisamment importantes pour ce qui touche la prévisibilité et la portée de l'entente de 1975 sur la recherche et le développement entre Lilly et Shionogi que ces questions ne sont pas opportunes dans le cadre d'un jugement sommaire et qu'elles ne devraient être tranchées qu'après un procès.

Conclusion

[26]En résumé, la réponse à la première question est oui et, pour la seconde, la réponse est non, et même si la troisième q uestion ne se pose pas, la réponse serait également négative.

[27]Les requêtes en jugement sommaire seront accueillies, les paragraphes pertinents de la défense et demande reconventionnelle d'Apotex contre Lilly seront radiés et la demande c ontre Shionogi sera rejetée. Les dépens seront accordés à Lilly et Shionogi et seront taxés en la manière habituelle.

ORDONNANCE

Les requêtes en jugement sommaire sont accueillies avec dépens. Les paragraphes 18 à 22 et 26 de la défense et le paragraphe 105 jusqu'à l'alinéa 112b) de la demande reconventionnelle contre Lilly sont radiés; la demande reconventionnelle contre Shionogi est rejetée avec dépens. Lilly et Shionogi ont droit aux dépens, lesquels dépens seront taxés selon la colonne III du tarif B [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106].

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