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A-207-04

2005 CAF 121

Piran Ahmadi Poshteh (appelant)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration (intimé)

et

Canadian Foundation for Children, Youth and the Law (intervenante)

Répertorié: Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Rothstein, Noël et Malone, J.C.A.--Ottawa, 8 avril 2005.

Citoyenneté et Immigration -- Pratique en matière d'immigration -- Requête en vertu de la règle 397 des Règles des Cours fédérales pour réexamen d'un paragraphe des motifs d'un jugement de la Cour -- Pour des raisons de sécurité, la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a déclaré l'appelant, un mineur, interdit de territoire sur le fondement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), art. 34(1)f) -- La principale question soulevée dans l'appel était de déterminer si le fait qu'une personne soit mineure est une considération pertinente au regard de l'art. 34(1)f) qui porte sur l'appartenance à une organisation terroriste -- L'intimé a fait valoir que la phrase du paragraphe 63 des motifs selon laquelle l'appelant peut invoquer l'art. 34(2) de la LIPR afin de convaincre le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national est incompatible avec la décision antérieure par laquelle la Cour a statué qu'une fois la déclaration d'interdiction de territoire faite, une exemption ministérielle n'est plus possible -- La décision antérieure a été rendue sous le régime de l'art. 19(1)l) de l'ancienne Loi sur l'immigration, qui prévoyait que les personnes «qui convainquent» (en anglais «have satisfied») le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national n'appartiennent pas à une catégorie non admissible -- Dans la version anglaise, l'exception de l'art. 19(1)l) est libellée au passé, ce qui indique que l'exemption ministérielle devait être accordée avant qu'une décision sur l'admissibilité soit prise -- Étant donné que l'art. 34(2) de la LIPR emploie le présent (en français et en anglais), c.-à.-d. «qui convainc» («who satisfies»), il ne restreint pas sur le plan temporel l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre d'accorder une exemption ministérielle sous le régime de l'art. 34(2) de la LIPR -- Requête rejetée.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)l) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11).

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34(1)f), (2).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 397.

jurisprudence citée

décision examinée:

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Adam, [2001] 2 C.F. 337; (2001), 196 D.L.R. (4th) 497; 11 Imm. L.R. (3d) 296; 266 N.R. 92 (C.A.).

décisions citées:

Klockner Namasco Corp. c. Federal Hudson (Le), [1991] F.C.J. no 1073 (1re inst.) (QL); Smerchanski c. Ministre du Revenu national, [1979] 1 C.F. 801; [1977] C.T.C. 283; (1977), 77 DTC 5198; 16 N.R. 38 (C.A.); Chénier (Re) (1991), 136 N.R. 377 (C.A.F.); Twinn c. Canada (no 3) (1987), 12 F.T.R. 136 (C.F. 1re inst.); Procter & Gamble Co. c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1990), 28 C.P.R. (3d) 564 (C.F. 1re inst.).

REQUÊTE en vertu de l'article 397 des Règles des Cours fédérales pour réexamen d'un paragraphe d'un jugement rendu par notre Cour dans la présente affaire ([2005] 3 F.C.R. 487; (2005), 331 N.R. 129; 2005 CAF 85) au motif qu'il est en contradiction avec un jugement antérieur de la Cour. Requête rejetée.

observations écrites:

Avi J. Sirlin pour l'appelant.

Stephen H. Gold pour l'intimé.

avocats inscrits au dossier:

Avi J. Sirlin, Toronto, pour l'appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance sur requête en réexamen rendus par la

La Cour:

[1]Il s'agit d'une requête présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en vertu de la règle 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2], en vue d'obtenir le réexamen d'un paragraphe des motifs d'un jugement de notre Cour dans la présente affaire ([2005] 3 R.C.F. 487). Le ministre soutient qu'une phrase du paragraphe 63 des motifs est en contradiction avec un jugement antérieur de la Cour et que la question traitée dans la phrase n'a pas été débattue lors de l'appel. Selon le ministre, à moins que le paragraphe 63 ne soit modifié, clarifié ou expliqué, il portera à confusion en ce qui concerne la compétence des membres de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

[2]Dans ses observations écrites, le ministre fait valoir que la règle 397 ne prévoit pas la modification des motifs, seulement la modification des jugements. Cependant, le ministre cite quelques exemples où la Cour rend des motifs additionnels, une «annexe» ou «des explications supplémentaires» pour aborder des questions qui n'ont pas été traitées dans les motifs, pour souligner des erreurs flagrantes ou pour éviter les malentendus qui pourraient résulter des motifs initiaux: Klockner Namasco Corp. c. Federal Hudson (The), [1991] F.C.J. no 1073 (1re inst.) (QL); Smerchanski c. Ministre du Revenu national, [1979] 1 C.F. 801 (C.A.); Chénier (Re) (1991), 136 N.R. 377 (C.A.F.); Twinn c. Canada (no 3) (1987), 12 F.T.R. 136 (C.F. 1re inst.); et Procter & Gamble Co. c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1990), 28 C.P.R. (3d) 564 (C.F. 1re inst.).

[3]En l'espèce, il n'est pas nécessaire de recourir à une telle procédure parce que, après lecture des observations du ministre, je suis convaincu que la phrase qui l'inquiète n'est pas incorrecte en droit.

[4]La principale question soulevée dans l'appel était de déterminer si le fait qu'une personne soit mineure est une considération pertinente au regard de l'alinéa 34(1)f) de la Loi sur l'immigration et le statut de réfugié, L.C. 2001, ch. 27, lequel porte sur l'appartenance à une organisation terroriste. Un des arguments avancés par l'appelant, Piran Ahmadi Poshteh, voulait que conformément aux «principes de justice fondamentale» de l'article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], la «[traduction] responsabilité d'un mineur ne saurait simplement refléter celle d'un adulte, mais doit plutôt conférer un traitement spécial». Rejetant cet argument, la Cour dit au paragraphe 63 que l'alinéa 34(1)f) commande de déterminer si M. Poshteh est interdit de territoire en raison de son appartenance à une organisation terroriste et que selon la jurisprudence, une conclusion d'interdiction de territoire ne met pas en cause les droits conférés par l'article 7 de la Charte.

[5]Le paragraphe 63 continue comme suit:

Plusieurs procédures pourraient encore se dérouler avant qu'il n'arrive au stade où il sera expulsé du Canada. Par exemple, M. Poshteh peut invoquer le paragraphe 34(2) pour tenter de convaincre le ministre que sa présence au Canada n'est pas préjudiciable à l'intérêt national. Par conséquent, les principes de justice fondamentale dont parle l'article 7 de la Charte n'entrent pas en jeu dans la décision qui doit être prise en vertu de l'alinéa 34(1)f) de la Loi. [Non souligné dans l'original.]

[6]C'est la phrase soulignée qui préoccupe le ministre. Il soutient que dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Adam, [2001] 2 C.F. 337, notre Cour a décidé qu'une fois la déclaration d'interdiction de territoire faite, une exemption ministérielle n'est plus possible. Comme il y a eu une déclaration d'interdiction de territoire par la Section de l'Immigration, il plaide que la Cour a erronément laisser entendre au paragraphe 63 qu'après une déclaration d'interdiction de territoire en vertu de l'alinéa 34(1)f), M. Poshteh pouvait encore invoquer le paragraphe 34(2) afin de convaincre le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

[7]La décision Adam a été rendue sous l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée. La disposition pertinente était l'alinéa 19(1)l) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11] qui prévoyait ce qui suit:

19.(1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible:

    [. . .]

l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou contre l'humanité, au sens du paragraphe 7(3.76) du Code criminel, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. [Non souligné dans l'original.]

[8]L'argument du ministre en l'espèce était qu'une exemption ministérielle aurait dû être accordée avant qu'une décision sur l'admissibilité soit prise par un agent des visas. La Cour a accepté cet argument au paragraphe 7:

Je suis convaincu que ces arguments sont bien fondés. Selon l'interprétation que je fais des alinéas en litige, une fois qu'il est décidé que le mari de l'intimée a occupé le poste de ministre du cabinet dans le gouvernement somalien de Siad Barre, il est visé par l'alinéa 19(1.1)b) et devient donc non admissible au Canada sous le régime de l'alinéa 19(1)l), à moins que le ministre n'ait accepté de le soustraire à l'application de cet alinéa. La présence des mots «sauf si elles convainquent» dans le libellé de l'exception me laisse supposer que l'exception ministérielle doit précéder la décision de l'agent des visas. Comme le mari de l'intimée n'a pas demandé une exception ministérielle en temps opportun, il ne peut plus le faire. [Non souligné dans l'original.]

La décision de la Cour est fondée sur le temps de verbe «have satisfied» dans la version anglaise utilisé de l'alinéa 19(1)l).

[9]Le temps passé n'est pas utilisé au paragraphe 34(2). Il prévoit que:

34. [. . .]

(2) Ces faits n'emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l'étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

[10]Le paragraphe 34(2) ne comporte pas d'aspect temporel. Rien dans cette disposition n'entrave l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre quant au moment où il peut accorder une exemption ministérielle. L'arrêt Adam s'appuyant sur un temps de verbe différent dans une disposition différente, il ne constitue pas un précédent pour l'interprétation que le ministre fait du paragraphe 34(2).

[11]La requête en réexamen devrait être rejetée avec dépens.

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