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A-425-04

2005 CAF 213

La Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (appelante)

c.

Le procureur général du Canada (intimé)

Répertorié : Canada (Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada) c. Canada (Procureur général) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Décary, Létourneau et Pelletier, J.C.A.--Ottawa, 11 mai et 7 juin 2005.

GRC -- Privilège relatif aux indicateurs de police -- Appel, appel incident interjeté à l'encontre d'une décision de la Cour fédérale confirmant le refus du commissaire de la GRC de communiquer des renseignements à la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada au motif qu'ils sont assujettis au privilège relatif aux indicateurs de police -- La plainte a été déposée à la suite d'une fouille menée par la GRC et la Police provinciale de l'Ontario dans un bâtiment appartenant au plaignant -- La présidente de la Commission a demandé au commissaire de lui transmettre tous les documents pertinents sous la responsabilité de la GRC selon l'art. 45.41(2)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada -- Le recueil de documents reçu ne contenait pas tous les documents pertinents -- L'appelante a sollicité un bref de mandamus enjoignant au commissaire de se conformer à l'art. 45.41(2)b) de la Loi qui lui incombe de communiquer tout document pertinent et a demandé un jugement déclaratoire à cette fin -- La Loi ne confère pas à la présidente de la Commission le pouvoir d'avoir accès à des renseignements protégés par le privilège relatif aux indicateurs de police ni d'examiner ces renseignements -- Le privilège relatif aux indicateurs de police est une règle juridique d'ordre public qui a pour objet de promouvoir l'application et la mise en oeuvre efficaces des lois criminelles -- L'identité d'un indicateur n'est révélée que si la divulgation de ce renseignement est nécessaire à l'exécution des lois criminelles -- Élargir le terme « Couronne » de manière à inclure la présidente de la Commission et certains membres de son personnel serait porter atteinte au privilège et mettrait en péril son utilité, voire son existence -- Appel rejeté.

Pratique -- Parties -- Qualité pour agir -- Appel incident concernant la compétence et la qualité de l'appelante pour déposer une demande de contrôle judiciaire à l'égard du refus du commissaire de lui transmettre des renseignements en vertu de l'art. 45.41(2)b) de la Loi sur la GRC -- La Commission des plaintes du public contre la GRC est directement touchée par le refus de transmettre, elle doit avoir juridiquement le pouvoir de faire respecter la Loi -- Il est donc beaucoup plus nécessaire que la Commission ait qualité pour intenter une action en justice que le commissaire à la protection de la vie privée -- L'art. 45.41(2)b) de la Loi vise l'obligation qui incombe au commissaire dans le cadre d'une enquête sur une plainte et non pas les pouvoirs de la Commission pendant une audience publique -- Il n'y a rien d'inopportun à ce que la Commission tente d'obliger le commissaire à s'acquitter de l'obligation qu'il a envers la Commission, dans l'intérêt du public -- La Commission a donc compétence pour exiger l'exécution des fonctions du commissaire en vertu de l'art. 45.41(2)b) de la Loi -- Appel incident rejeté.

Justice criminelle et pénale -- Preuve -- Appel interjeté à l'encontre d'une décision de la Cour fédérale confirmant le refus du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada de communiquer des renseignements à la Commission des plaintes du public contre la GRC au motif qu'ils sont assujettis au privilège relatif aux indicateurs de police -- Durant l'examen de la plainte concernant la fouille effectuée par la GRC dans une propriété privée, la Commission demande la transmission de tous les documents pertinents placés sous la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada en vertu de l'art. 45.41(2)b) de la Loi sur la GRC -- Certains documents fournis par l'indicateur ne figuraient pas dans le recueil de documents fourni -- Examen de l'origine, la nature et la portée du privilège relatif aux indicateurs de police -- L'art. 45.41(2)b) de la Loi ne prévoit aucune dérogation au droit de la preuve en matière de privilège -- La Loi ne confère pas à la présidente de la Commission ou à la Commission le pouvoir d'avoir accès à des renseignements protégés par le privilège relatif aux indicateurs de police ni d'examiner ces renseignements -- Dans le contexte du privilège relatif aux indicateurs de police, il faut donner une définition étroite au terme « Couronne » pour ne viser que les personnes qui participent directement à l'exécution de la loi.

Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une décision de la Cour fédérale par laquelle celle-ci a conclu que les renseignements dont la communication avait été demandée au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada étaient assujettis au privilège relatif aux indicateurs de police et ne devaient donc pas être transmis à la Commission. Dans un appel incident, l'intimé prétend que l'appelante n'avait ni compétence ni qualité pour déposer, comme elle l'a fait, une demande de contrôle judiciaire à l'égard du refus du commissaire de lui transmettre les renseignements demandés.

La Commission est un organisme fédéral indépendant qui a été créé pour examiner, d'une manière impartiale, les plaintes du public au sujet de la conduite de la GRC. Dans l'affaire qui nous occupe, la plainte a été déposée à la suite d'une fouille menée par la GRC et la Police provinciale de l'Ontario (PPO) dans un bâtiment appartenant au plaignant. La Commission a demandé à la GRC de transmettre à la présidente de la Commission le rapport du commissaire ainsi que les autres documents pertinents sous la responsabilité de la GRC (alinéa 45.41(2)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (la Loi)). Le recueil de documents reçu ne contenait pas la dénonciation faite sous serment au soutien du mandat de perquisition et, en outre, certains renseignements avaient été supprimés de la copie des notes prises par le membre de la GRC le jour où avait eu lieu la perquisition.

Après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire, le commissaire a remis, à la présidente, des copies expurgées d'appendices de dénonciations revêtues et non revêtues du serment. Malgré la production de ces documents expurgés, la Commission a maintenu sa demande de contrôle judiciaire et elle a sollicité un bref de mandamus enjoignant au commissaire de se conformer à l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi qui lui incombe de communiquer tout document pertinent. La Commission demandait également un jugement déclaratoire à cette fin.

Puisque les parties avaient convenu que les faits en cause visaient un indicateur qui avait fourni des renseignements à la GRC à titre confidentiel, le juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire en raison de l'application du privilège relatif aux indicateurs de police.

Arrêt : l'appel et l'appel incident doivent être rejetés.

Lorsque le législateur a voulu qu'un privilège ne s'applique pas, non seulement il l'a dit clairement, mais il a également précisé, le cas échéant, les privilèges qui subsistent. L'alinéa 45.41(2)b) de la Loi, qu'il soit interprété littéralement ou en rapport avec son objet ou les deux, ne prévoit aucune dérogation au droit de la preuve en matière de privilège. La Loi ne confère pas à la présidente de la Commission ou à la Commission le pouvoir d'avoir accès à des renseignements protégés par le privilège relatif aux indicateurs de police ni d'examiner ces renseignements. Par voie de conséquence, le commissaire n'avait aucune obligation en vertu de la Loi de transmettre les renseignements protégés.

La présidente de la Commission n'est pas visée par la définition des mandataires de la Couronne qui peuvent et doivent avoir accès aux renseignements protégés concernant un indicateur. Dans le contexte du privilège relatif aux indicateurs de police, il faut donner une définition étroite au terme «Couronne» pour ne viser que les personnes qui participent directement à l'exécution de la loi. Malgré que la Commission et la présidente de la Commission jouent un rôle critique pour assurer l'imputabilité de la GRC, le mécanisme assurant l'imputabilité est accessoire au processus d'application de la loi dans lequel s'insère le privilège relatif aux indicateurs de police. Le privilège relatif à l'indicateur de police est une règle juridique d'ordre public qui a pour objet de promouvoir l'application et la mise en oeuvre efficaces des lois criminelles. Il faut absolument, pour atteindre cet objectif, protéger l'identité d'un indicateur, protection qui ne sera assurée que si la divulgation et la communication de son nom, ainsi que des renseignements susceptibles de révéler son nom, sont limités à ce qui est nécessaire pour l'exécution des lois criminelles. Élargir le terme «Couronne» de manière à inclure la présidente de la Commission et certains membres de son personnel serait porter atteinte au privilège et, en fin de compte, cela mettrait en péril son utilité, voire son existence.

Quant à savoir si la Commission a compétence et qualité pour agir en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, la Commission est directement touchée par la décision du commissaire de ne pas transmettre des documents pertinents à une plainte. Si elle n'a pas juridiquement le pouvoir de forcer le commissaire à respecter la Loi, le travail de la Commission est entravé au point de devenir vain. Bien que la Commission puisse tenir une audience publique en vertu de l'article 45.43 de la Loi pour obliger le commissaire à respecter l'alinéa 45.41(2)b), il s'agit d'une procédure coûteuse que ne privilégie pas le législateur ni même la Commission. L'enquête est la règle, l'audience publique, l'exception.

La décision Canada (Privacy Commissioner) v. Canada (Attorney General), dans laquelle la Cour suprême de la Colombie-Britannique a reconnu le bien-fondé de l'argument selon lequel le commissaire à la protection de la vie privée n'avait pas qualité pour introduire une action, est différente de la situation en l'espèce. Contrairement au commissaire à la protection de la vie privée, le droit de la Commission et de la présidente de la Commission d'avoir accès aux renseignements est assujetti au critère de la pertinence. Ils sont loin de jouir du type de pouvoir dont jouit le commissaire à la protection de la vie privée, c'est-à-dire pénétrer dans les locaux occupés par une institution fédérale, s'entretenir en privé avec toute personne s'y trouvant et y mener les enquêtes qu'il croit nécessaires. Il est donc beaucoup plus nécessaire que la Commission ait qualité pour intenter une action en justice.

Dans Rankin (Re), la Section de première instance de la Cour fédérale a jugé qu'il ne convenait pas que la Commission prenne l'initiative de présenter une demande fondée sur le paragraphe 38(1) de la Loi sur la preuve au Canada. Dans la décision sous appel, le juge de la Cour fédérale a dit que l'affaire Rankin était différente puisque la Cour examinait le pouvoir de la Commission d'exiger la production d'un élément de preuve conformément au paragraphe 45.45(11), dont le libellé est très différent de celui du paragraphe 45.41(2). La décision Rankin ne se rapportait qu'à l'article 45.45. Il est nullement inopportun que la Commission introduise une procédure à la seule fin d'obtenir de la GRC les documents dont elle a besoin pour s'acquitter de son obligation légale. L'alinéa 45.41(2)b) ne vise pas les pouvoirs de la Commission pendant une audience publique, mais l'obligation qui incombe au commissaire dans le cadre d'une enquête sur une plainte. Bien qu'il soit sensé qu'on refuse à une commission dont la décision est contestée de participer de façon combative au débat et de justifier sa décision, sinon elle-même, il n'y a rien d'inopportun à ce que la Commission tente d'obliger le commissaire à s'acquitter de l'obligation qu'il a envers la Commission, dans l'intérêt du public, conformément à l'intention du législateur, obligation qui est exprimée à l'alinéa 45.41(2)b). Par ailleurs, l'article 45.37 autorise la présidente de la Commission à être le plaignant à l'endroit d'un membre de la GRC, y compris le commissaire lui-même. Bien que le législateur voulût que la Commission fasse toujours preuve d'impartialité, il n'avait pas l'intention que la Commission soit toujours neutre.

Pour ces motifs, la présidente de la Commission a compétence pour exiger l'exécution des fonctions du commissaire en vertu de l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi. À titre incident, l'ordonnance interdisant l'accès rendue par la Cour de justice de l'Ontario a pour objet de limiter l'accès du public à certains documents qui se trouvent dans le dossier de la Cour. Elle ne s'applique pas aux documents de la GRC.

En conclusion, on a souligné que bien que le commissaire eût un motif valable de refuser de divulguer des renseignements susceptibles de révéler l'identité de l'indicateur, la conduite de l'intimé en l'espèce n'a rien fait pour améliorer la confiance du public en la GRC ni la confiance de la Commission à l'égard du commissaire.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 2d), 6, 7, 8.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 487.3 (édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 14; 1997, ch. 39, art. 1).

Déclaration universelle des droits de l'homme, Rés. AG 217 A (III), Doc. off. AG NU, 10 décembre 1948.

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 36, 52(1) (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 112), 53(1), 54(1), 69 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 3(F)).

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, art. 2 «membre» (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 1), 5 (mod., idem, art. 2), 6 (mod., idem, art. 3), 7 (mod., idem, art. 4; L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 1, art. 45, ann. III, no 11(F)), 24.1(3) (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 15), 45.29(1) (édicté, idem, art. 16), 45.32 (édicté, idem), 45.34 (édicté, idem), 45.35(1) (édicté, idem; L.C. 1996, ch. 15, art. 22), (3) (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16), 45.36(1) (édicté, idem), 45.37 (édicté, idem), 45.4 (édicté, idem), 45.41 (édicté, idem), 45.42 (édicté, idem), 45.43 (édicté, idem), 45.45 (édicté, idem; L.C. 1996, ch. 15, art. 23).

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38(1).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 34, 53(1), 70 (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 48(F)).

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 31, 34(1), 39.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 17(3) (mod., idem, art. 25), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch, 8, art. 27), 18.3 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28).

Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, [1976] R.T. Can. no 47.

jurisprudence

décisions appliquées :

R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281; (1997), 143 D.L.R. (4th) 38; [1997] 3 W.W.R. 457; 112 C.C.C. (3d) 385; 4 C.R. (5th) 259; 41 C.R.R. (2d) 266; 207 N.R. 145; Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60; (1983), 2 D.L.R. (4th) 193; 4 Admin. L.R. 205; 7 C.C.C. (3d) 385; 37 C.R. (3d) 289; 51 N.R. 81.

décisions différenciées :

Canada (Privacy Commissioner) v. Canada (Attorney General), [2003] 9 W.W.R. 242; (2003), 14 B.C.L.R. (4th) 359; 2003 BCSC 862; Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565.

décisions examinées :

Canada (Royal Canadian Mounted Police--RCMP) v. Saskatchewan (Commission Inquiry into the death of Leo La Chance), [1992] 6 W.W.R. 62; (1992), 100 Sask. R. 313; 75 C.C.C. (3d) 419 (C.A.); Rankin (Re), [1991] 1 C.F. 226; (1990), 38 F.T.R. 23 (C.F. 1re inst.); Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 R.C.S. 773; (2002), 214 D.L.R. (4th) 1; 289 N.R. 282; 2002 SCC 53; Canada (Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada) (Re), [1992] A.C.F. no 502 (C.A.) (QL); Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010; (1997), 153 D.L.R. (4th) 193; [1999] 10 W.W.R. 34; 66 B.C.L.R. (3d) 285; 99 B.C.A.C. 161; [1998] 1 C.N.L.R. 14; 220 N.R. 161.

décisions citées :

R. c. Scott, [1990] 3 R.C.S. 979; (1990), 61 C.C.C. (3d) 300; 2 C.R. (4th) 153; 1 C.R.R. (2d) 82; 116 N.R. 361; 43 O.A.C. 277; Solliciteur général du Canada et autre c. Commission royale d'enquête (Dossiers de santé en Ontario) et autre, [1981] 2 R.C.S. 494; (1981), 128 D.L.R. (3d) 193; 62 C.C.C. (2d) 193; 23 C.P.C. 99; 23 C.R. (3d) 338; 38 N.R. 588; Tribus Kwicksutaineuk/ Ah-kwa-mish c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2003), 227 F.T.R. 96; 2003 CFPI 30; conf. par (2003), 313 N.R. 394; 2003 CAF 484; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [2004] S.C.C.A. no 55 (QL); Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada) (Re), [1993] 2 C.F. 351; (1993), 15 C.R.R. (2d) 131; 61 F.T.R. 210 (1re inst.); conf. par [1994] 3 C.F. 562; (1994), 25 Admin. L.R. (2d) 174; 173 N.R. 290 (C.A.).

doctrine

Wigmore, John Henry. Evidence in Trials at Common Law, McNaughton Revision, Vol. 8. Boston: Little, Brown & Co., 1961.

APPEL et APPEL INCIDENT d'une décision rendue par la Cour fédérale ((2004), 255 F.T.R. 270; 2004 CF 830) par laquelle celle-ci a conclu que les renseignements dont la communication avait été demandée au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada par la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada étaient assujettis au privilège relatif aux indicateurs de police et ne devaient donc pas être transmis à la Commission. Appel et appel incident rejetés.

ont comparu :

Steven C. McDonell pour l'appelante.

Patrick D. Bendin pour l'intimé.

avocats inscrits au dossier :

Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: L'appelante, la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (la Commission), sollicite l'annulation de la décision du juge Russell de la Cour fédérale [(2004), 255 F.T.R. 270] dans laquelle le savant juge a conclu que les renseignements dont la communication avait été demandée au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (le commissaire) étaient assujettis au privilège relatif aux indicateurs de police et ne devaient donc pas être transmis à la Commission.

[2]Dans un appel incident, l'intimé demande à la Cour de déclarer que l'appelante n'avait ni compétence ni qualité pour déposer, comme elle l'a fait, une demande de contrôle judiciaire à l'égard du refus du commissaire de lui transmettre les renseignements demandés.

[3]Dans la demande de contrôle judiciaire, l'appelante sollicitait un bref de mandamus enjoignant au commissaire de se conformer aux exigences de l'alinéa 45.41(2)b) [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16] de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi), en transmettant à la présidente de la Commission tous les documents pertinents placés sous la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à l'égard de la plainte qui avait été déposée devant la Commission. L'appelante sollicitait également un jugement déclaratoire selon lequel le commissaire ne pouvait pas refuser de transmettre lesdits documents.

[4]Je vais commencer par l'appel. Les faits en l'espèce sont très importants. Il me semble donc tout à fait légitime de les décrire en détail. Toutefois, j'estime qu'il convient, en premier lieu, de reproduire quelques-unes des dispositions légales applicables qui seront mentionnées dans les présents motifs. Je dois également parler des rôles que jouent la Commission et la présidente de la Commission.

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 [art. 2 «membre» (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 1), 5 (mod., idem, art. 2), 6 (mod., idem, art. 3), 7 (mod., idem, art. 4; L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 1, art. 45, ann. III, no 11(F)), 24.1(3) (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 15), 45.29(1) (édicté, idem, art. 16), 45.32 (édicté, idem), 45.34 (édicté, idem), 45.35(1) (édicté, idem; L.C. 1996, ch. 15, art. 22), (3) (édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16), 45.37 (édicté, idem), 45.41 (édicté, idem), 45.42 (édicté, idem), 45.43 (édicté, idem), 45.45 (édicté, idem; L.C. 1996, ch. 15, art. 23)].

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[. . .]

«membre»

a) Personne nommée en qualité d'officier ou à tout autre titre en vertu de l'article 5 ou des alinéas 6(3)a) ou 7(1)a);

b) personne non congédiée ni renvoyée de la Gendarmerie dans les conditions prévues à la présente loi, à ses règlements ou aux consignes du commissaire.

[. . .]

5. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer un officier, appelé commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, qui, sous la direction du ministre, a pleine autorité sur la Gendarmerie et tout ce qui s'y rapporte.

[. . .]

6. (1) Les officiers comprennent, outre le commissaire et les titulaires des grades désignés par le gouverneur en conseil:

a) des sous-commissaires;

b) des commissaires adjoints;

c) des surintendants principaux;

d) des surintendants;

e) des inspecteurs.

(2) Le nombre maximal d'officiers de chaque grade est fixé par le Conseil du Trésor.

(3) Le gouverneur en conseil peut:

a) procéder aux nominations aux grades d'officier;

b) autoriser l'émission d'une commission sous le grand sceau à un officier lors de sa première nomination à ce grade;

c) par voie de promotion, nommer un officier à un grade supérieur;

d) par voie de rétrogradation, nommer un officier à un grade inférieur.

[. . .]

7. (1) Le commissaire peut:

a) nommer les membres qui ne sont pas officiers;

b) par voie de promotion, nommer un membre qui n'est pas officier à un grade ou échelon supérieur pour lequel il existe une vacance;

c) à la demande d'un ministère ou dans les cas où il le juge nécessaire ou dans l'intérêt public, nommer des gendarmes spéciaux, à titre surnuméraire, pour des périodes maximales de douze mois, en vue d'assurer l'ordre public;

d) désigner comme agent de la paix tout membre, gendarme spécial nommé en vertu du présent paragraphe ou préposé temporaire employé en vertu du paragraphe 10(2).

(2) Les grades et échelons des membres qui ne sont pas officiers ainsi que le nombre maximal de postes à pourvoir dans chaque grade et échelon sont fixés par le Conseil du Trésor.

(3) Le commissaire peut révoquer la nomination, à titre surnuméraire, de tout gendarme spécial faite en vertu du paragraphe (1).

(4) Le commissaire peut délivrer:

a) dans le cas d'un membre, un certificat attestant que le titulaire a cette qualité ainsi que, le cas échéant, celle d'agent de la paix;

b) dans le cas de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi et désignée agent de la paix en vertu du paragraphe (1), un certificat attestant que le titulaire a cette qualité.

(5) Tout certificat visé au paragraphe (4) et présenté comme tel est admissible en preuve et fait foi de son contenu devant tous les tribunaux et dans toutes les procédures.

[. . .]

24.1 [. . .]

(3) La commission d'enquête dispose, relativement à la question dont elle est saisie, des pouvoirs suivants:

a) assigner des témoins, les enjoindre à témoigner sous serment, oralement ou par écrit, et à produire les documents et pièces dont ils ont la responsabilité et que la commission estime nécessaires à une enquête et étude complètes;

b) recevoir des serments;

[. . .]

45.29 (1) Est constituée la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada composée d'un président, d'un vice-président, d'un représentant de chacune des provinces contractantes et d'au plus trois autres membres, nommés par décret du gouverneur en conseil.

[. . .]

45.32 (1) La Commission exerce les fonctions que lui attribue la présente loi.

(2) Le président de la Commission exerce les fonctions que lui attribue la présente loi.

[. . .]

45.34 Le président de la Commission présente au ministre, dans les trois premiers mois de chaque exercice, le rapport d'activité de la Commission pour l'exercice précédent, et y joint ses recommandations, le cas échéant. Le ministre le fait déposer devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.

45.35 (1) Tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi ou à la Loi sur le programme de protection des témoins, d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi peut, qu'il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte auprès, selon le cas:

a) de la Commission;

b) d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi;

c) de l'autorité provinciale dans la province d'origine du sujet de plainte, compétente pour recevoir des plaintes et faire enquête.

[. . .]

(3) Toutes les plaintes sont portées à l'attention du commissaire.

[. . .]

45.37 (1) Le président de la Commission peut porter plainte contre un membre ou toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi, s'il est fondé à croire qu'il faudrait enquêter sur la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi, de ce membre ou de cette personne. En pareil cas, sauf si le contexte s'y oppose, le mot «plaignant», employé ci-après dans la présente partie, s'entend en outre du président de la Commission.

(2) Le président de la Commission avise le ministre et le commissaire des plaintes qu'il porte en vertu du paragraphe (1).

(3) Dès qu'il est avisé d'une plainte conformément au paragraphe (2), le commissaire avise par écrit le membre ou l'autre personne, dont la conduite fait l'objet de la plainte, de la teneur de celle-ci, pour autant qu'il soit d'avis qu'une telle mesure ne risque pas de nuire à la conduite d'une enquête sur la question.

(4) Une plainte portée en vertu du paragraphe (1) fait l'objet d'une enquête menée par la Gendarmerie selon les règles établies en vertu de l'article 45.38.

[. . .]

45.41 (1) Le plaignant visé au paragraphe 45.35(1) qui n'est pas satisfait du règlement de sa plainte par la Gendarmerie ou de la décision rendue en vertu du paragraphe 45.36(5) à l'égard de sa plainte peut renvoyer par écrit sa plainte devant la Commission pour examen.

(2) En cas de renvoi devant la Commission conformément au paragraphe (1):

a) le président de la Commission transmet au commissaire une copie de la plainte;

b) le commissaire transmet au président de la Commission l'avis visé au paragraphe 45.36(6) ou le rapport visé à l'article 45.4 relativement à la plainte, ainsi que tout autre document pertinent placé sous la responsabilité de la Gendarmerie.

45.42 (1) Le président de la Commission examine chacune des plaintes qui sont renvoyées devant la Commission conformément au paragraphe 45.41(1) ou qui sont portées en application du paragraphe 45.37(1), à moins qu'il n'ait déjà fait enquête ou convoqué une audience pour faire enquête en vertu de l'article 45.43.

(2) Après examen de la plainte, le président de la Commission, s'il est satisfait de la décision de la Gendarmerie, établit et transmet un rapport écrit à cet effet au ministre, au commissaire, au membre ou à l'autre personne dont la conduite fait l'objet de la plainte et, dans le cas d'une plainte en vertu du paragraphe 45.35(1), au plaignant.

(3) Après examen de la plainte, le président de la Commission, s'il n'est pas satisfait de la décision de la Gendarmerie ou s'il est d'avis qu'une enquête plus approfondie est justifiée, peut:

a) soit établir et transmettre au ministre et au commissaire un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu'il estime indiquées;

b) soit demander au commissaire de tenir une enquête plus approfondie sur la plainte;

c) soit tenir une enquête plus approfondie ou convoquer une audience pour enquêter sur la plainte.

45.43 (1) Le président de la Commission peut, s'il estime dans l'intérêt public d'agir de la sorte, tenir une enquête ou convoquer une audience pour enquêter sur une plainte portant sur la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi, d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci, que la Gendarmerie ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, ou pris quelque autre mesure à cet égard en vertu de la présente partie.

[. . .]

45.45 (1) Pour l'application du présent article, le ou les membres qui tiennent l'audience sont réputés être la Commission.

(2) La Commission signifie aux parties un avis écrit de la date, de l'heure et du lieu de l'audience.

(3) Lorsqu'une partie désire comparaître devant la Commission, celle-ci siège à la date, à l'heure et à l'endroit au Canada qu'elle détermine eu égard à la situation des parties.

(4) La Commission dispose, relativement à la plainte dont elle est saisie, des pouvoirs dont jouit une commission d'enquête en vertu des alinéas 24.1(3)a), b) et c).

(5) Les parties et toute personne qui convainc la Commission qu'elle a un intérêt direct et réel dans la plainte dont celle-ci est saisie doivent avoir toute latitude de présenter des éléments de preuve à l'audience, d'y contre-interroger les témoins et d'y faire des observations, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un avocat.

(6) La Commission doit permettre aux témoins de se faire représenter à l'audience par avocat.

(7) L'officier compétent peut en outre se faire représenter ou assister à l'audience par un autre membre.

(8) Par dérogation au paragraphe (4), la Commission ne peut recevoir ou accepter:

a) sous réserve du paragraphe (9), des éléments de preuve ou autres renseignements non recevables devant un tribunal du fait qu'ils sont protégés par le droit de la preuve;

b) les réponses ou déclarations faites en réponse aux questions visées aux paragraphes 24.1(7), 35(8), 40(2), 45.1(11) ou 45.22(8);

c) les réponses ou déclarations faites à la suite des questions visées au paragraphe (9) lors de toute audience tenue en vertu du présent article pour enquêter sur une autre plainte;

d) les réponses ou déclarations faites dans le cadre d'une tentative de règlement à l'amiable en vertu de l'article 45.36.

(9) Au cours de l'audience, un témoin n'est pas dispensé de répondre aux questions portant sur la plainte dont est saisie la Commission lorsque celle-ci l'exige, au motif que sa réponse peut l'incriminer ou l'exposer à des poursuites ou à une peine.

[. . .]

(11) Les audiences sont publiques; toutefois, la Commission peut ordonner le huis clos pendant tout ou partie d'une audience si elle estime qu'au cours de celle-ci seront probablement révélés:

a) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d'activités hostiles ou subversives;

b) des renseignements risquant d'entraver la bonne exécution des lois;

c) des renseignements concernant les ressources pécuniaires ou la vie privée d'une personne dans le cas où l'intérêt ou la sécurité de cette personne l'emporte sur l'intérêt du public dans ces renseignements.

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23.

31. (1) Par dérogation à toute autre loi fédérale mais sous réserve du paragraphe (2), l'inspecteur général est autorisé à avoir accès aux informations qui se rattachent à l'exercice de ses fonctions et qui relèvent du Service; à cette fin, il est aussi autorisé à recevoir du directeur et des employés les informations, rapports et explications dont il juge avoir besoin dans cet exercice.

(2) À l'exception des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada visés par le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada, aucune des informations visées au paragraphe (1) ne peut, pour quelque motif que ce soit, être refusée à l'inspecteur général.

[. . .]

34. (1) Est constitué le comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, composé du président et de deux à quatre autres membres, tous nommés par le gouverneur en conseil parmi les membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada qui ne font partie ni du Sénat ni de la Chambre des communes. Cette nomination est précédée de consultations entre le premier ministre du Canada, le chef de l'opposition à la Chambre des communes et le chef de chacun des partis qui y disposent d'au moins douze députés.

[. . .]

39. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le comité de surveillance peut déterminer la procédure à suivre dans l'exercice de ses fonctions.

(2) Par dérogation à toute autre loi fédérale ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve, mais sous réserve du paragraphe (3), le comité de surveillance:

a) est autorisé à avoir accès aux informations qui se rattachent à l'exercice de ses fonctions et qui relèvent du Service ou de l'inspecteur général et à recevoir de l'inspecteur général, du directeur et des employés les informations, rapports et explications dont il juge avoir besoin dans cet exercice;

b) au cours des enquêtes visées à l'alinéa 38c), est autorisé à avoir accès aux informations qui se rapportent à ces enquêtes et qui relèvent de l'administrateur général concerné.

(3) À l'exception des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada visés par le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada, aucune des informations visées au paragraphe (2) ne peut, pour quelque motif que ce soit, être refusée au comité.

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21 [art. 70(1)f) (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 48(F))].

34. (1) Le Commissaire à la protection de la vie privée a, pour l'instruction des plaintes déposées en vertu de la présente loi, le pouvoir:

a) d'assigner et de contraindre des témoins à comparaître devant lui, à déposer verbalement ou par écrit sous la foi du serment et à produire les pièces qu'il juge indispensables pour instruire et examiner à fond les plaintes dont il est saisi, de la même façon et dans la même mesure qu'une cour supérieure d'archives;

b) de faire prêter serment;

c) de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant les tribunaux;

d) de pénétrer dans les locaux occupés par une institution fédérale, à condition de satisfaire aux normes de sécurité établies par l'institution pour ces locaux;

e) de s'entretenir en privé avec toute personne se trouvant dans les locaux visés à l'alinéa d) et d'y mener, dans le cadre de la compétence que lui confère la présente loi, les enquêtes qu'il estime nécessaires;

f) d'examiner ou de se faire remettre des copies ou des extraits des livres ou autres documents contenant des éléments utiles à l'enquête et trouvés dans les locaux visés à l'alinéa d).

(2) Nonobstant toute autre loi fédérale ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve, le Commissaire à la protection de la vie privée a, pour les enquêtes qu'il mène en vertu de la présente loi, accès à tous les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, qui relèvent d'une institution fédérale, à l'exception des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada auxquels s'applique le paragraphe 70(1); aucun des renseignements auxquels il a accès en vertu du présent paragraphe ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.

[. . .]

53. (1) Le gouverneur en conseil nomme le Commissaire à la protection de la vie privée par commission sous le grand sceau, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes.

[. . .]

70. (1) La présente loi ne s'applique pas aux renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, notamment aux:

a) notes destinées à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;

b) documents de travail destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil;

c) ordres du jour du Conseil ou procès-verbaux de ses délibérations ou décisions;

d) documents employés en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;

e) documents d'information à l'usage des ministres sur des questions portées ou qu'il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l'objet des communications ou discussions visées à l'alinéa d);

f) avant-projets de loi ou projets de règlement.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), «Conseil» s'entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas:

a) aux renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l'existence remonte à plus de vingt ans;

b) aux documents de travail visés à l'alinéa (1)b), dans les cas où les décisions auxquelles ils se rapportent ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 [art. 52(1) (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 112), 69(1)f) (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144, ann. VII, no 3(F))]

36. (1) Le Commissaire à l'information a, pour l'instruction des plaintes déposées en vertu de la présente loi, le pouvoir:

a) d'assigner et de contraindre des témoins à comparaître devant lui, à déposer verbalement ou par écrit sous la foi du serment et à produire les pièces qu'il juge indispensables pour instruire et examiner à fond les plaintes dont il est saisi, de la même façon et dans la même mesure qu'une cour supérieure d'archives;

b) de faire prêter serment;

c) de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant les tribunaux;

d) de pénétrer dans les locaux occupés par une institution fédérale, à condition de satisfaire aux normes de sécurité établies par l'institution pour ces locaux;

e) de s'entretenir en privé avec toute personne se trouvant dans les locaux visés à l'alinéa d) et d'y mener, dans le cadre de la compétence que lui confère la présente loi, les enquêtes qu'il estime nécessaires;

f) d'examiner ou de se faire remettre des copies ou des extraits des livres ou autres documents contenant des éléments utiles à l'enquête et trouvés dans les locaux visés à l'alinéa d).

(2) Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, le Commissaire à l'information a, pour les enquêtes qu'il mène en vertu de la présente loi, accès à tous les documents qui relèvent d'une institution fédérale et auxquels la présente loi s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.

[. . .]

52. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas où le refus de donner communication totale ou partielle du document en litige s'appuyait sur les alinéas 13(1)a) ou b) ou sur l'article 15 sont exercés devant le juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge de leur audition.

[. . .]

53. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

[. . .]

54. (1) Le gouverneur en conseil nomme le Commissaire à l'information par commission sous le grand sceau, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes.

[. . .]

69. (1) La présente loi ne s'applique pas aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, notamment aux:

a) notes destinées à soumettre des propositions ou recommandations au Conseil;

b) documents de travail destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil;

c) ordres du jour du Conseil ou procès-verbaux de ses délibérations ou décisions;

d) documents employés en vue ou faisant état de communications ou de discussions entre ministres sur des questions liées à la prise des décisions du gouvernement ou à la formulation de sa politique;

e) documents d'information à l'usage des ministres sur des questions portées ou qu'il est prévu de porter devant le Conseil, ou sur des questions qui font l'objet des communications ou discussions visées à l'alinéa d);

f) avant-projets de loi ou projets de règlement;

g) documents contenant des renseignements relatifs à la teneur des documents visés aux alinéas a) à f).

(2) Pour l'application du paragraphe (1), «Conseil» s'entend du Conseil privé de la Reine pour le Canada, du Cabinet et de leurs comités respectifs.

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas:

a) aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada dont l'existence remonte à plus de vingt ans;

b) aux documents de travail visés à l'alinéa (1)b), dans les cas où les décisions auxquelles ils se rapportent ont été rendues publiques ou, à défaut de publicité, ont été rendues quatre ans auparavant.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 17(3) (mod., idem, art. 25), 18.1(1) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 18.3(1) (édicté, idem; 2002, ch. 8, art. 28)]

17. [. . .]

(3) Elle a compétence exclusive, en première instance, pour les questions suivantes:

a) le paiement d'une somme dont le montant est à déterminer, aux termes d'une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale--ou l'ancienne Cour de l'Échiquier du Canada--ou par la Section de première instance de la Cour fédérale;

b) toute question de droit, de fait ou mixte à trancher, aux termes d'une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale--ou l'ancienne Cour de l'Échiquier du Canada--ou par la Section de première instance de la Cour fédérale.

[. . .]

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

[. . .]

18.3 (1) Les offices fédéraux peuvent, à tout stade de leurs procédures, renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure.

Les rôles de la Commission et de la présidente de la Commission

[5]Selon l'article 45.32 de la Loi, certaines fonctions sont attribuées à la Commission et d'autres sont attribuées spécifiquement à la présidente [ou le président] de la Commission. Ainsi, les plaintes sont soumises à la Commission, mais il appartient à la présidente de la Commission de les examiner. Il appartient également à la présidente de tenir une enquête ou de convoquer une audience pour enquêter sur la plainte: voir les articles 45.42 et 45.43. Toutefois, ce sont les membres de la Commission qui tiennent l'audience et qui sont alors réputés être la Commission: voir l'article 45.45. C'est la Commission qui signifie aux parties un avis de l'audience et qui jouit des pouvoirs dont jouit une commission d'enquête.

[6]Il n'est pas certain si la demande de contrôle judiciaire en l'espèce pouvait être présentée par la Commission, puisque c'est à la présidente de la Commission que le commissaire a l'obligation de transmettre les documents pertinents. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en arrive au sujet du bien-fondé de l'appel et de l'appel incident, il ne m'est pas nécessaire de trancher cette question que les parties n'ont pas soulevée.

Les faits et le dossier judiciaire

[7]La Commission (appelée Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada depuis le 1er janvier 2001) est un organisme fédéral indépendant qui a été créé pour examiner, d'une manière impartiale, les plaintes du public au sujet de la conduite de la GRC et faire enquête à leur sujet. La GRC est une force de police pour le Canada qui offre des services fédéraux de police partout au pays. La GRC a également conclu des ententes afin de fournir des services policiers dans trois territoires et huit provinces, ainsi que dans un grand nombre de municipalités et de collectivités autochtones. La Commission est un organisme qui a été constitué en vertu des parties VI et VII de la Loi et qui détient les pouvoirs que lui a attribués la Loi.

[8]La Commission a le pouvoir de recevoir des plaintes de tout membre du public concernant la conduite de la GRC dans l'exercice de ses fonctions (paragraphe 45.35(1)). La présidente de la Commission peut tenir une enquête sur ces plaintes. Elle peut également porter plainte si elle est fondée à croire qu'il y a des motifs raisonnables d'enquêter sur une conduite en particulier (paragraphe 45.37(1)).

[9]Toute plainte fait d'abord l'objet d'une enquête interne par la GRC (paragraphe 45.36(1) [édicté par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16]). Le commis-saire transmet les résultats de cette enquête au plaignant (article 45.4 [édicté, idem]). Par la suite, le plaignant qui n'est pas satisfait du règlement de sa plainte peut renvoyer sa plainte devant la Commission pour examen (paragraphe 45.41(1)). La présidente de la Commission examine la plainte en se fondant sur les documents qui lui ont été transmis par le commissaire (alinéa 45.41(2)b)).

[10]Après l'examen, la présidente de la Commission peut soit transmettre ses conclusions et recommandations au commissaire et au solliciteur général, soit demander à la GRC de tenir une enquête plus approfondie sur la plainte si elle n'est pas satisfaite de la première enquête, soit tenir une enquête plus approfondie ou convoquer une audience pour enquêter sur la plainte (paragraphe 45.42(3)). Le pouvoir de tenir une audience est souple en ce que la présidente de la Commission peut, si elle estime dans l'intérêt public d'agir de la sorte, convoquer une audience pour enquêter sur une plainte sans que la Gendarmerie ait produit un rapport sur la plainte ou qu'elle ait même entrepris de faire une enquête interne.

[11]Dans l'affaire qui nous occupe, la plainte a été déposée à la suite d'une fouille menée par une cellule d'enquête tripartite composée de la GRC, de la Police provinciale de l'Ontario (PPO) et du Service de police de Thunder Bay. La GRC et la PPO ont exécuté, dans une grange verte appartenant au plaignant, un mandat de perquisition émis par la Cour de justice de l'Ontario en vertu de l'article 487.3 [édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 14; 1997, ch. 39, art. 1] du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46]. L'autorisation d'effectuer une perquisition au domicile du plaignant a été demandée, mais la demande a été refusée. La fouille effectuée sur le terrain du plaignant n'a révélé aucune preuve d'activité criminelle.

[12]Le 17 février 2000, le plaignant a déposé une plainte au Bureau des plaintes de la PPO dans laquelle il affirmait notamment que le mandat de perquisition avait été irrégulièrement obtenu. Le 23 février 2000 ou vers cette date, le Bureau des plaintes de la PPO a renvoyé la plainte au commissaire de la GRC conformément au paragraphe 45.35(3) de la Loi.

[13]Par lettre datée du 19 juin 2000, le sous-officier compétent de la GRC, responsable de la Section des plaintes et des enquêtes internes (le sous-officier responsable), a classé la plainte en concluant que l'enquête avait révélé que les membres de la GRC qui avaient exécuté la fouille du terrain avaient agi convenablement et qu'ils étaient dûment autorisés à l'exécuter. En outre, la lettre mentionnait la discussion qui avait eu lieu entre le plaignant et l'enquêtrice chargée du dossier, le 28 mars 2000. Pendant cette rencontre, l'enquêtrice avait expliqué au plaignant que la GRC ne pouvait lui communiquer certains renseignements ayant servi à obtenir le mandat de perquisition puisque ceux-ci provenaient de sources confidentielles. Après la rencontre, l'enquêtrice a noté que le plaignant était satisfait des explications qui lui avaient été données. Le sous-officier responsable a donc décidé de classer le dossier et de ne prendre aucune autre mesure.

[14]Par lettre datée du 26 juin 2000, le plaignant a demandé à la Commission d'examiner sa plainte, en application du paragraphe 45.41(1) de la Loi. Pour amorcer le processus d'examen, dans une lettre datée du 10 juillet 2000, la Commission a demandé à la GRC de transmettre à la présidente de la Commission le rapport du commissaire (article 45.4) ainsi que les autres documents pertinents sous la responsabilité de la GRC (alinéa 45.41(2)b)).

[15]Le 29 septembre 2000 ou vers cette date, la Commission a reçu, de la GRC, un recueil des documents. La lettre qui accompagnait le recueil ne mentionnait pas que certains documents n'avaient pas été envoyés, mais il est apparu, par la suite, que le recueil ne contenait pas la dénonciation faite sous serment au soutien du mandat de perquisition. En outre, certains renseignements avaient été supprimés, avant l'envoi du recueil, de la copie des notes prises par le membre de la GRC le jour où avait eu lieu la perquisition. Il n'était pas fait mention, dans le recueil, des motifs pour lesquels les renseignements avaient été supprimés et il n'était pas indiqué qui avait supprimé ces renseignements.

[16]Le 30 octobre 2000 ou vers cette date, la présidente de la Commission a conclu qu'une enquête plus approfondie au sujet de la plainte était justifiée et elle a décidé de tenir cette enquête (alinéa 45.42(3)c)). L'appelante soutient que l'enquête qui s'en est suivie a porté essentiellement sur des aspects de la plainte autres que l'allégation selon laquelle le mandat de perquisition avait été irrégulièrement obtenu, parce que la GRC refusait toujours de transmettre soit la dénonciation faite sous serment sur laquelle le mandat était fondé, soit le texte intégral des notes prises par les membres de la GRC qui avaient participé à la perquisition.

[17]Selon l'appelante, en examinant la preuve réunie par le Bureau des plaintes de la PPO, il est apparu que l'enquêtrice de la PPO avait eu accès aux renseignements qui n'avaient pas été transmis à l'appelante et que, d'ailleurs, cette enquêtrice avait pu s'entretenir avec la source confidentielle pendant qu'elle enquêtait au sujet de la plainte.

[18]Le jour où le mandat de perquisition original a été décerné, soit le 21 décembre 1999, la GRC a obtenu de la Cour de justice de l'Ontario, en conformité avec le paragraphe 487.3(4) du Code criminel, une ordonnance interdisant l'accès à la dénonciation faite sous serment, au motif que les renseignements que renfermait ce document étaient susceptibles de révéler indirectement l'identité de l'indicateur.

[19]Conformément aux instructions de la présidente, l'avocat de la Commission a commencé à préparer une demande de modification de l'ordonnance interdisant l'accès pour que la présidente ait pleinement accès aux documents mis sous scellés. Le 4 décembre 2002, la présidente et le commissaire se sont rencontrés afin de discuter de la demande. Pendant la rencontre et dans la lettre subséquente datée du 18 décembre 2002, le commissaire a dit qu'à son avis, la présidente n'avait pas droit à la communication des documents. La présidente a donc décidé de retirer la demande de modification de l'ordonnance interdisant l'accès et la Commission a demandé le contrôle judiciaire de la décision du commissaire à la Cour fédérale.

[20]À la suite de ce changement de démarche, le 2 mai 2003 ou vers cette date, le commissaire a remis, à la présidente, une copie expurgée du projet d'appendice A d'une dénonciation non revêtue du serment qui devait servir à obtenir un mandat autorisant une perquisition au domicile du plaignant. Une version du document encore plus expurgée avait été versée au dossier relativement à la demande devant la Cour fédérale. Le 15 mai 2003 ou vers cette date, la GRC a remis à la présidente de la Commission une copie expurgée de l'appendice A de la dénonciation sous serment qui devait servir à obtenir un mandat autorisant une perquisition dans la grange verte du plaignant. La GRC avait présenté une demande ex parte en vue d'obtenir une ordonnance de modification de l'ordonnance interdisant l'accès qui s'appliquait à la dénonciation faite sous serment de manière à ce qu'une version expurgée de la dénonciation puisse être remise à la présidente. Dans une ordonnance datée du 14 mai 2003, le juge Walneck de la Cour de justice de l'Ontario a ordonné que l'enveloppe scellée soit ouverte, que son contenu soit remis à un procureur fédéral pour qu'il supprime les mentions pouvant révéler l'identité de l'indicateur, que la version expurgée soit ensuite remise à la présidente de la Commission et que l'enveloppe soit de nouveau scellée.

[21]Malgré la production de ces documents expurgés, la Commission a maintenu sa demande de contrôle judiciaire de la décision originale du commissaire de refuser la communication des documents. Tel que susmentionné, la Commission a sollicité un bref de mandamus enjoignant au commissaire de se conformer à l'obligation qui lui incombe en vertu de la loi de communiquer à la présidente tout document pertinent. La Commission demandait également un jugement déclaratoire à cette fin, probablement pour éviter toute difficulté semblable à l'avenir.

[22]En sus de revendiquer le privilège relatif aux indicateurs de police pour refuser de remettre les documents demandés, l'intimé a contesté la compétence et la qualité de l'appelante pour présenter la demande de contrôle judiciaire et il a laissé entendre qu'une telle demande était incompatible avec l'obligation d'impartia-lité qui incombait à l'appelante.

[23]Le juge a dit qu'il était préoccupé de la manière dont les renseignements protégés avaient été communiqués en l'espèce et il a reconnu qu'il était important que la Commission ait accès aux renseignements pour pouvoir jouer efficacement son rôle de surveillance, mais il a néanmoins décidé que, sur un seul fondement, la demande devrait être rejetée. Puisque les parties avaient convenu que les faits en cause visaient un indicateur qui avait fourni des renseignements à la GRC à titre confidentiel, le juge a conclu que les circonstances qui donnent lieu à l'application du privilège relatif aux indicateurs de police étaient présentes. En outre, selon lui, la Cour n'avait pas compétence pour créer une autre exception relative à l'application du privilège pour permettre à la présidente d'avoir accès aux renseignements protégés. Le juge a donc rejeté la demande de contrôle judiciaire et accordé les dépens à l'intimé.

L'origine, la nature et la portée du privilège relatif aux indicateurs de police

[24]Je me dois de décrire brièvement la nature du privilège relatif aux indicateurs de police, ainsi que son rôle et sa position en ce qui concerne l'application de la loi en matière criminelle. Je ferai quelques observations supplémentaires quand j'examinerai l'argument de l'appelante selon lequel la définition du terme «Couronne» dans le contexte en cause devrait inclure la Commission.

[25]La Cour suprême a dit que «[l]e tribunal qui analyse cette question doit, au départ, reconnaître que le privilège relatif aux indicateurs de police constitue une protection ancienne et sacrée qui joue un rôle vital en matière d'application de la loi»: voir R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281, au paragraphe 9. Tous les citoyens ont le devoir moral de contribuer à l'application de la loi. La règle du privilège relatif aux indicateurs reconnaît ce rôle et le favorise; elle encourage la participation continue des citoyens à l'application de la loi en protégeant ceux et celles qui divulguent des renseignements concernant un crime prétendu (ibid.).

[26]Le privilège a la caractéristique essentielle de garantir le caractère confidentiel de l'identité de l'indicateur. Non seulement cette garantie doit être efficace, il doit être manifeste qu'elle est efficace afin de convaincre les citoyens que leur identité ne sera révélée ni intentionnellement ni par inadvertance s'ils divulguent certains renseignements aux agents d'application de la loi, malgré les risques auxquels ce geste les expose: voir par exemple R. c. Scott, [1990] 3 R.C.S. 979, à la page 994. La garantie est plus efficace du fait de la large portée du privilège. Le privilège interdit la divulgation non seulement du nom de l'indicateur, mais aussi de tout renseignement, même anodin, susceptible de révéler implicitement l'identité de l'indicateur: Leipert, au paragraphe 18.

[27]Le privilège relatif aux indicateurs appartient à la Couronne, mais, de façon très réelle, il appartient également à l'indicateur puisque la Couronne ne peut, de son propre chef, renoncer au privilège. La Couronne doit d'abord obtenir le consentement de l'indicateur: Solliciteur général du Canada et autre c. Commission royale d'enquête (Dossiers de santé en Ontario et autre), [1981] 2 R.C.S. 494; Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60, à la page 94. Le privilège relatif aux indicateurs de police a un statut particulier. En effet, une fois qu'ils ont conclu à son existence, les tribunaux ne peuvent pas comparer l'avantage qui en découle et d'autres intérêts, quelle que soit l'importance de ces autres intérêts: Leipert, au paragraphe 12. En raison de sa nature, le privilège l'emporte sur toute autre préoccupation de politique générale et ne souffre qu'une exception: dans un contexte de droit pénal, on peut tenir compte d'autres intérêts lorsqu'il y a des motifs de croire que les renseignements visés par le privilège pourraient établir l'innocence d'un accusé. Dans ces circonstances, l'exception concernant la démonstration de l'innocence de l'accusé peut exiger une évaluation des intérêts en jeu et une évaluation de la question de savoir si certains aspects des renseignements peuvent être divulgués: Bisaillon c. Keable, à la page 93; Leipert, aux paragraphes 20 à 24. En l'absence de ces circonstances, le privilège est une règle juridique d'ordre public dont la portée ou l'application ne relève en rien du pouvoir discrétionnaire du juge: Leipert, au paragraphe 13.

Le commissaire est-il tenu de divulguer les renseignements visés par le privilège relatif aux indicateurs de police à la présidente de la Commission?

a)     en vertu de l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi

[28]L'appelante prétend que la présidente de la Commission a le droit, en vertu de l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi, de recevoir et d'examiner les documents visés par le privilège relatif aux indicateurs de police. Selon cette disposition, le commissaire «transmet» tous les documents pertinents placés sous la responsabilité de la Gendarmerie.

[29]L'avocat de l'appelante soutient qu'aux termes de la disposition, il est clair que le législateur voulait que le commissaire remette à la présidente, pour examen, tous les documents pertinents, même ceux qui contiennent des renseignements protégés, que ce soit par le secret professionnel de l'avocat, par le privilège de la Couronne ou, comme en l'espèce, par le privilège des indicateurs de police. La seule exception serait celle d'un document confidentiel du Conseil privé.

[30]Si l'avocat de l'appelante a raison sur ce point, je ne vois pas comment et pourquoi les documents confidentiels du Cabinet devraient être exclus. Soit que les termes de l'alinéa visent tous les renseignements protégés, soit qu'ils ne le font pas. La disposition elle-même ne contient aucune justification, explication ou indication que le législateur visait certains privilèges plutôt que d'autres et certainement aucune indication des privilèges inclus ou exclus de la portée de la disposition.

[31]En réalité, l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi ne prévoit aucune dérogation au droit de la preuve en matière de privilège. Lorsque le législateur a voulu qu'un privilège ne s'applique pas, non seulement il l'a dit clairement, mais il a également précisé, le cas échéant, les privilèges qui subsistent. Les paragraphes 34(2), 70(1),(2) et (3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les paragraphes 36(2), 69(1),(2) et (3) de la Loi sur l'accès à l'information, ainsi que les paragraphes 31(1),(2), 39(2) et (3) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, susmentionnés, sont des exemples convaincants du fait que le législateur connaissait bien le droit en matière de privilège et savait comment y déroger si nécessaire.

[32]Selon moi, l'alinéa 45.41(2)b), qu'il soit interprété littéralement ou en rapport avec son objet ou les deux, ne saurait valablement permettre de conclure que le législateur voulait que, dans l'exercice de ses fonctions, la présidente de la Commission ne soit pas assujettie au droit en matière de privilège.

[33]Au soutien de son argument, l'avocat de l'appelante a invoqué l'alinéa 45.45(8)a) de la Loi, une disposition qui porte sur la question des privilèges. Selon cette disposition, lors d'une audience publique, la Commission ne peut accepter des éléments de preuve ou autres renseignements qui seraient non recevables devant un tribunal du fait qu'ils sont protégés en vertu du droit de la preuve. Selon l'argument, la disposition démontre que le législateur voulait que la présidente de la Commission examine des renseignements protégés à l'étape de l'examen d'une plainte tout en protégeant ces renseignements au moment de l'audience publique à cause du plus grand risque de divulgation.

[34]Cette proposition, si elle était acceptée, entraînerait une situation curieuse où les pouvoirs de la présidente lors de l'examen initial d'une plainte seraient plus vastes que ceux de la Commission lors d'une audience publique même si, à l'audience, la Commission a tous les pouvoirs d'une commission d'enquête, notamment celui d'appeler des témoins et de les contraindre à témoigner. À mon avis, le législateur n'a certainement pas souhaité un tel résultat, et ce, pour deux raisons.

[35]Premièrement, l'argument selon lequel un privilège doit être reconnu pendant une audience publique à cause du plus grand risque de divulgation au public du renseignement protégé n'est pas fondé. L'alinéa 45.45(11)b) de la Loi autorise la Commission à ordonner le huis clos si elle estime que des renseignements «risquant d'entraver la bonne exécution des lois» seraient probablement révélés au cours de l'audience.

[36]Deuxièmement, les alinéas 45.45(8)a) et 45.41(2)b) visent deux situations différentes. L'article 45.45 énumère les pouvoirs de la Commission, ainsi que les restrictions à ces pouvoirs lors de la tenue d'une audience. Le paragraphe 45.41(2) vise les devoirs de la Commission lors de la réception d'une plainte. Selon l'alinéa 45.41(2)a), la présidente de la Commission doit transmettre au commissaire une copie de la plainte. Ensuite, le commissaire transmet à la présidente les documents pertinents (alinéa 45.41(2)b)). Une disposition (alinéa 45.45(8)a)) définit les pouvoirs de la Commission alors que l'autre (alinéa 45.41(2)b)) décrit les devoirs du responsable de la GRC dans sa réponse à la Commission.

[37]À cet égard, un bref examen de l'article 36 de la Loi sur l'accès à l'information ou de l'article 34 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est révélateur. Ces dispositions visent les pouvoirs des deux commissaires lors de l'instruction d'une plainte. C'est donc dans le contexte des pouvoirs qu'il a conférés à un organisme d'enquête plutôt que dans celui des obligations qu'il a imposées au responsable d'une institution fédérale (en l'espèce, l'obligation du responsable de la GRC) que le législateur a légiféré de façon cohérente en ce qui concerne le pouvoir d'accepter un élément de preuve auquel s'applique le droit de la preuve en matière de privilège et celui d'avoir accès à des renseignements protégés. Par exemple, en vertu de l'alinéa 34(1)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, l'organisme d'enquête peut recevoir des éléments de preuve indépendamment de leur admissibilité devant les tribunaux. Aux termes du paragraphe 34(2), il a accès à tous les renseignements protégés en vertu de la loi, à l'exception des renseignements confidentiels du Cabinet. Je ne retrouve aucune mention semblable dans les pouvoirs qui sont conférés à la Commission, et encore moins à l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi qui définit les devoirs du responsable de la GRC dans le contexte du renvoi d'une plainte devant la Commission.

[38]Je compte limiter la conclusion que je tire aux faits en cause. Selon moi, la Loi ne confère pas à la présidente de la Commission ou à la Commission le pouvoir d'avoir accès à des renseignements protégés par le privilège relatif aux indicateurs de police ni d'examiner ces renseignements. Par voie de conséquence, le commissaire n'avait aucune obligation en vertu de la Loi de transmettre les renseignements protégés.

b)     conformément à une définition élargie de la «Couronne»

[39]L'avocat de l'appelante a prétendu, et le juge a tiré une conclusion de fait dans le même sens, qu'au moins neuf personnes avaient vu les renseignements protégés demandés par la présidente de la Commission: trois membres de la GRC, un membre de la PPO, deux juges, un greffier de la cour, un avocat d'un cabinet privé qui était mandataire du procureur général et un procureur fédéral du ministère de la Justice du Canada. Non seulement le membre de la PPO a vu les documents en sa qualité d'enquêtrice sur les plaintes du Bureau des normes professionnelles, Bureau des plaintes de la PPO, elle a également interrogé l'indicateur: voir la décision au paragraphe 187 et le dossier d'appel à la page 139.

[40]L'avocat de l'appelante prétend que la présidente de la Commission joue un rôle considérable et occupe un poste important au sein de l'administration de la justice. Selon lui, la présidente est visée par la définition des mandataires de la Couronne qui peuvent et doivent avoir accès aux renseignements protégés concernant un indicateur. Il affirme que la présidente doit avoir accès aux renseignements pour exercer ses fonctions, ainsi que pour contribuer à l'amélioration de l'administration de la justice en exerçant une surveillance efficace de la conduite de la force de police. La présidente est nommée par le gouverneur en conseil, elle a en pratique les autorisations de sécurité nécessaires et elle s'est engagée, dans la présente affaire, à garantir et à protéger le caractère confidentiel des renseignements protégés; elle devrait donc faire partie du groupe des personnes qui ont accès aux renseignements parce qu'elles ont le «besoin de connaître».

[41]L'avocat de l'intimé soutient que le terme «Couronne» doit recevoir un sens et une interprétation restreints. Selon lui, le privilège relatif aux indicateurs de police a pris naissance dans le contexte de l'application du droit criminel et des poursuites pénales. Le terme «Couronne» vise les policiers et les procureurs de la Couronne qui ont des responsabilités en matière d'application et d'administration du droit pénal: voir le mémoire de l'intimé au paragraphe 71.

[42]Dans Leipert, la juge McLachlin a réaffirmé l'importance de la règle du privilège relatif aux indicateurs. Elle a écrit, au paragraphe 10:

La règle revêt une importance fondamentale pour le fonctionnement du système de justice criminelle. Comme on l'explique dans l'arrêt Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60, à la p. 105:

Le principe confère en effet à l'agent de la paix le pouvoir de promettre explicitement ou implicitement le secret à ses indicateurs, avec la garantie sanctionnée par la loi que cette promesse sera tenue même en cour, et de recueillir en contrepartie de cette promesse, des renseignements sans lesquels il lui serait extrêmement difficile d'exercer ses fonctions et de faire respecter le droit criminel.

Dans l'arrêt R. c. Scott, [1990] 3 R.C.S. 979, à la p. 994, le juge Cory souligne l'importance accrue de la règle dans les enquêtes en matière de drogues:

La valeur des indicateurs pour les enquêtes policières est depuis longtemps reconnue. Depuis que le crime existe, ou du moins depuis qu'il y a des poursuites criminelles, les indicateurs jouent un rôle important dans les enquêtes policières. Peut-être est-il vrai que certains indicateurs agissent contre rémunération ou dans leur propre intérêt. Peu importe leur mobile, les indicateurs sont dans une position précaire et jouent un rôle dangereux.

Le rôle des indicateurs dans les affaires de drogues est particulièrement important et dangereux. Ils fournissent souvent à la police le seul moyen d'obtenir des renseignements sur les opérations et le fonctionnement des réseaux de trafiquants [. . .] L'enquête repose souvent sur la confiance qui s'établit entre le policier et l'indicateur; or, cette confiance peut être fort longue à obtenir. La sécurité, voire la vie, non seulement des indicateurs mais encore des agents d'infiltration, dépendent de cette confiance. [Je souligne.]

[43]Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimé qui prétend que, dans le contexte du privilège relatif aux indicateurs de police, il faut donner une définition étroite au terme «Couronne» pour ne viser que les personnes qui participent directement à l'exécution de la loi. Cela dit, il ne faut pas conclure pour autant que je veuille diminuer ou atténuer l'importance du rôle de la Commission ou de la présidente de la Commission en matière d'administration de la justice. Les forces policières doivent rendre compte de l'exercice des pouvoirs d'intrusion que la société leur a accordés. La Commission et la présidente de la Commission jouent un rôle critique pour assurer cette imputabilité.

[44]Toutefois, le mécanisme assurant l'imputabilité, si nécessaire et utile soit-il, est accessoire au processus d'application de la loi dans lequel s'insère le privilège relatif aux indicateurs de police. Ce n'est pas, à mon avis, une justification suffisante pour élargir la portée et la définition de la «Couronne» de manière à ce qu'un plus grand nombre de personnes aient accès aux renseignements protégés. Cette opinion est étayée par la Cour suprême du Canada, aux pages 97 et 98 de l'arrêt Bisaillon c. Keable, qui a conclu comme suit, en comparant le privilège relatif aux indicateurs de police aux privilèges de la Couronne au regard du critère à quatre volets de Wigmore [Evidence in Trials at Common Law]:

Cette procédure propre à la mise en oeuvre du privilège de la Couronne se trouve sans objet dans le cas du secret relatif à l'indicateur de police. Dans ce cas en effet, la loi ne laisse au ministre et au juge après lui aucun pouvoir d'appréciation ou d'évaluation des divers aspects de l'intérêt public qui entrent en conflit puisqu'elle a déjà elle-même tranché ce conflit. Elle a déjà décidé une fois pour toute, et sous réserve d'un changement apporté à la loi, que les renseignements relatifs à l'identité des indicateurs de police forment, à cause de leur contenu, une classe de renseignements qu'il est dans l'intérêt public de garder secrets et que cet intérêt l'emporte sur la nécessité de rendre une justice plus parfaite.

Ainsi donc, la common law a soumis le secret relatif aux indicateurs de police à un régime spécifique dont les règles lui sont particulières et se distinguent de celles qui régissent le privilège de la Couronne. [Je souligne.]

[45]La Cour suprême a confirmé sa position dans l'arrêt Leipert, au paragraphe 12, et la juge McLachlin a ajouté, aux paragraphes 13 et 28:

Dans l'arrêt Bisaillon c. Keable, la Cour a résumé la question en affirmant que l'application du privilège relatif aux indicateurs de police «ne relève en rien de la discrétion du juge car c'est une règle juridique d'ordre public qui s'impose au juge» (p. 93).

[. . .]

Le privilège relatif aux indicateurs de police a une importance considérable. Une fois son existence établie, le privilège ne peut être réduit ou pondéré en fonction d'autres préoccupations relatives à l'administration de la justice. La police et les tribunaux n'ont pas le pouvoir discrétionnaire de le réduire et sont tenus de le faire respecter. [Je souligne.]

[46]La sécurité et la confidentialité sont des aspects importants du privilège relatif aux indicateurs de police. Je reconnais que je suis profondément troublé par le fait qu'un grand nombre de personnes ont eu accès aux renseignements protégés dans la présente affaire ce qui augmente le risque de divulgation et, ainsi, le risque que l'utilité du privilège disparaisse. Si les indicateurs potentiels étaient mis au courant de la manière dont les renseignements ont été communiqués dans la présente affaire, je ne pense pas qu'ils seraient nombreux à se présenter à l'avenir. En outre, l'appelante ne peut invoquer la divulgation irrégulière des renseignements en l'espèce pour appuyer sa position. Ajouter la présidente de la Commission et certains membres de son personnel à une liste déjà longue, ce serait ajouter des personnes qui ont un intérêt à avoir accès à des renseignements privilégiés dans le but de «rendre une justice plus parfaite». Toutefois, si louable soit-il, ce but ne saurait justifier l'accès à des personnes qui n'ont pas besoin de connaître ces renseignements aux fins de l'application de la loi comme cela est exigé dans le contexte du privilège relatif aux indicateurs de police: voir Bisaillon. Je suis convaincu que, si on les consultait, les indicateurs s'opposeraient fortement, pour des raisons de sécurité, à l'ajout d'une nouvelle liste de distribution de leur nom, particulièrement si ladite distribution trouvait sa justification dans l'atteinte d'un but autre que celui de l'application de la loi au sens strict de cette expression.

[47]Encore une fois, il est opportun d'invoquer l'affaire Bisaillon, dans laquelle la Cour suprême, en se penchant sur la confusion entre le privilège de la Couronne et celui de l'indicateur de police, a insisté sur le rôle primordial du privilège relatif aux indicateurs et du secret. Aux pages 95 à 97, le juge Beetz a écrit, au nom de tous les juges:

Le principe du secret relatif aux indicateurs de police s'est principalement manifesté par des règles de preuve en matière criminelle et en matière civile mais il y a lieu de croire que le principe est générateur de règles d'une autre nature, qui imposent des devoirs à l'agent de la paix. Si la loi interdit au policier de révéler l'identité de l'indicateur dans des procédures judiciaires au nom d'un intérêt public qu'elle considère supérieur à celui de l'administration de la justice par la cour, à fortiori lui fait-elle un devoir de garder la confidence en dehors de toutes procédures judiciaires, lorsque l'intérêt de la justice ne le commande pas.

[. . .]

Il est arrivé que l'on confonde la règle du secret relatif à l'identité des indicateurs de police avec le privilège de la Couronne mais, à mon avis, il s'agit d'une erreur.

L'erreur s'explique peut-être du fait que la règle du secret relatif à l'identité des indicateurs de police et le privilège de la Couronne comportent certains traits communs: dans les deux cas il y a exclusion d'une preuve pertinente au nom d'un intérêt public considéré supérieur à celui de l'administration de la justice; dans les deux cas il est impossible de renoncer au secret; enfin, dans les deux cas, il est illégal de faire la preuve secondaire de faits dont l'intérêt public interdit la divulgation. Mais ces traits communs ne doivent pas faire perdre de vue la spécificité du régime réservé par la common law au principe du secret relatif à l'identité de l'indicateur de police et qui le distingue du régime fait au privilège de la Couronne.

Dans les deux cas, c'est l'intérêt public qui dicte la nécessité du secret mais cet intérêt public, qui prime sur celui de l'administration de la justice, n'est pas le même selon qu'il s'agit du privilège de la Couronne ou du secret relatif à l'identité de l'indicateur de police. L'intérêt public qui est la raison d'être du privilège de la Couronne se trouve soit dans la sécurité de l'État soit dans le bon fonctionnement de l'administration publique. L'intérêt public qui impose le secret relatif à l'identité de l'indicateur de police est le maintien d'un service de police efficace et l'application effective des lois criminelles. [Je souligne.]

[48]Bref, en vertu du droit en vigueur, le privilège relatif à l'indicateur de police est une règle juridique d'ordre public qui a pour objet de promouvoir l'application et la mise en oeuvre efficaces des lois criminelles. Il faut absolument, pour atteindre cet objectif, protéger l'identité d'un indicateur, protection qui ne sera assurée que si la divulgation et la communication de son nom, ainsi que des renseignements susceptibles de révéler son nom, sont limités à ce qui est nécessaire pour l'exécution des lois criminelles. Élargir le terme «Couronne» de manière à inclure la présidente de la Commission et certains membres de son personnel serait porter atteinte au privilège et, en fin de compte, cela mettrait en péril son utilité, voire son existence. Si la notion était élargie de manière à inclure l'appelante à cause de son rôle de surveillance à l'égard de l'utilisation des pouvoirs de la police, rien n'empêcherait que le sens englobe ensuite d'autres commissions de plaintes contre la police, voire les commissions d'enquête ad hoc. D'ailleurs, dans Canada (Royal Canadian Mounted Police--RCMP) v. Saskatchewan (Commission Inquiry into the death of Leo La Chance), [1992] 6 W.W.R. 62, la Cour d'appel de la Saskatchewan a dû rendre une ordonnance interdisant à la commission chargée de l'enquête sur une fusillade meurtrière d'exiger la divulgation de l'identité d'un indicateur de police. En citant des extraits de l'arrêt Bisaillon, la Cour d'appel a refusé d'élargir l'exception à la règle du privilège relatif aux indicateurs de police. La position de la Cour d'appel de la Saskatchewan et celle que j'adopte en l'espèce respectent les principes énoncés par la Cour suprême selon lesquels il ne faut pas «affaiblir une règle qui doit rester ferme»: voir Bisaillon c. Keable, à la page 95.

L'appel incident: la Commission a-t-elle compétence ou qualité pour demander le contrôle judiciaire du refus du commissaire de transmettre les renseignements protégés?

[49]L'avocat de l'intimé prétend, dans l'appel incident, que la Commission n'a pas la capacité juridique ou un pouvoir conféré par une loi nécessaire pour introduire une procédure comme elle l'a fait en l'espèce. Au soutien de sa prétention, il invoque trois arguments qu'il convient d'analyser: la Commission n'a pas qualité pour agir en vertu de l'article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales (la LCF), le législateur a prévu un recours que peut invoquer la Commission à l'article 18.3 [édicté par L.C. 1990, ch, 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28] et à l'alinéa 17(3)b) de la LCF, et la Commission est un organisme constitué par une loi dont les fonctions exigent qu'elle soit impartiale et qu'elle ne semble pas s'opposer à la GRC.

L'article 18.3 et l'alinéa 17(3)b) de la LCF accordent-ils à la Commission des recours efficaces?

[50]Aux termes de l'article 18.3, susmentionné, un office fédéral, notamment la Commission, peut renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question de droit. En vertu de l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi, tel que susmentionné, le commissaire a l'obligation légale de transmettre à la présidente de la Commission tous les documents pertinents à une plainte.

[51]La pertinence est un critère juridique relatif à l'admissibilité d'un élément de preuve devant les tribunaux judiciaires et administratifs. En l'espèce, le critère permet de décider quelle est la preuve qui doit être transmise à la présidente de la Commission de manière à ce qu'elle puisse exercer ses fonctions.

[52]La définition de la pertinence et la détermination de la portée de la notion sont des questions de droit. Toutefois, c'est un principe élémentaire de droit que l'application de la définition qui en résulte à un document ou à un élément de preuve en particulier pour décider si le document ou l'élément de preuve est pertinent est une question mixte de droit et de fait. Il ne s'agit pas d'une question qui puisse être renvoyée devant la Cour fédérale. Puisque les discussions entre la présidente de la Commission et le commissaire porteront, en règle générale, sur la question de savoir si les documents demandés sont pertinents, la procédure de renvoi n'est pas un recours qui permet de trancher ces questions.

[53]En l'espèce, la demande d'accès aux renseignements protégés présentée par la Commission soulevait la question de la portée du privilège relatif aux indicateurs de police. Il s'agissait d'une question de droit qui aurait pu faire l'objet d'un renvoi, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun autre recours possible, ni que la procédure de renvoi doit l'emporter sur tout autre recours. L'article 18.3 et l'article 18.1 de la LCF coexistent. Il appartient à la Commission de choisir le recours le plus avantageux pour elle pourvu, bien entendu, que la loi n'impose pas un recours plutôt qu'un autre.

[54]L'alinéa 17(3)b) de la LCF a une portée plus large que l'article 18.3, puisqu'il vise les questions de fait de même que les questions mixtes de droit et de fait. Toutefois, la compétence de la Cour fédérale n'existe que sur le consentement écrit de la Couronne à ce que la Cour fédérale prenne une décision. Le recours est donc incertain et illusoire. Encore une fois, je ne crois pas que la possibilité, pour la Commission, d'exécuter les fonctions que la Loi lui a attribuées dépende de la bienveillance d'une autre partie.

[55]Cela m'amène à l'appréciation de la compétence et de la qualité pour agir de la Commission, en vertu de l'article 18.1 de la LCF.

La Commission a-t-elle compétence et qualité au regard de l'article 18.1 de la LCF pour présenter une demande de contrôle judiciaire?

[56]Aux termes du paragraphe 18.1(1) de la LCF, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée «par quiconque est directement touché par l'objet de la demande». En outre, les termes de la disposition sont suffisamment larges pour englober les demandeurs qui ne sont pas directement touchés si toutefois ils ont qualité pour agir dans l'intérêt public: voir l'affaire Tribus Kwicksutaineuk/Ah-kwa-mish c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2003), 227 F.T.R. 96 (C.F. 1re inst.), confirmée par (2003), 313 N.R. 394 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée le 20 mai 2004, [2004] S.C.C.A. no 55 (QL).

[57]Il n'y a aucun doute que la Commission est directement touchée par la décision du commissaire de ne pas transmettre des documents pertinents à une plainte. La Commission et la présidente de la Commission sont ainsi empêchées d'exécuter les fonctions et les tâches qui leur sont attribuées par l'article 45.32 de la Loi.

[58]Si elle n'a pas juridiquement le pouvoir de forcer le commissaire à respecter la Loi, le travail de la Commission est entravé au point de devenir vain. Je suis tout à fait d'accord avec les observations du savant juge qui soupesait l'argument présenté par l'intimé selon lequel la Commission n'avait pas le pouvoir d'introduire une instance. Aux paragraphes 163 et 164 de sa décision, il a écrit [2004 CF 830]:

Si le défendeur a raison d'affirmer cela, cela voudrait dire que, selon l'article 45.41 de la Loi sur la GRC, la Commission des plaintes n'a aucun droit de forcer le Commissaire de la GRC à lui remettre une copie de la plainte ou un document se rapportant à cette plainte. Tout comme un droit qu'il n'est pas possible de faire respecter équivaut à l'inexistence de ce droit, une obligation dont il n'est pas possible de forcer l'accomplissement équivaut à l'inexistence d'une telle obligation. Cela voudrait dire en fait que le Commissaire de la GRC disposerait d'un pouvoir discrétionnaire absolu, non seulement celui de définir quel document est pertinent et quel autre ne l'est pas, mais également celui de dire si un document doit même être communiqué selon l'article 45.41, quand bien même serait-il pertinent.

À mon avis, c'est là un argument extraordinaire à avancer pour quiconque se préoccupe de l'intégrité et de la réputation de la GRC, parce que l'effet ultime d'un tel argument est de priver la Gendarmerie d'un moyen véritable de défense à l'encontre des plaintes portées contre ses membres. Si la Commission des plaintes ne peut forcer le Commissaire de la GRC à lui remettre les documents se rapportant à une plainte, et si tout cela dépend du pouvoir discrétionnaire de la GRC, alors toute la notion de surveillance civile est gravement menacée, et ni le plaignant ni le public ne sauront jamais si une plainte a véritablement été étudiée. La Commission des plaintes devient alors un organisme enquêteur de pure forme. [Je souligne.]

[59]À l'appui de l'argument selon lequel le législateur n'avait pas eu l'intention d'accorder à la Commission la qualité pour introduire une instance, l'avocat de l'intimé a fait valoir que la Commission dispose de recours d'ordre politique, notamment qu'elle peut, en vertu de l'article 45.34 de la Loi, présenter un rapport au ministre et y inclure des recommandations qui doivent être présentées à chacune des chambres du Parlement.

[60]Avec égards, l'avocat de l'intimé présente cet argument en désespoir de cause. Presque tous les offices fédéraux sont tenus de présenter un rapport annuel de leurs activités au Parlement. Il s'agit d'une mesure qui permet au Parlement d'exercer un contrôle sur les activités, sur l'efficacité et sur les dépenses des organismes qu'il a créés. La Commission n'en est pas exemptée. L'obligation de présenter un rapport annuel ne l'a jamais emporté sur l'existence ou sur l'exercice d'un recours prévu par la loi.

[61]L'intimé soutient également que la Commission peut tenir une audience publique en vertu de l'article 45.43 de la Loi pour obliger le commissaire à respecter l'alinéa 45.41(2)b). Il convient de rappeler que la Commission dispose de tous les pouvoirs d'une commission d'enquête. Elle peut assigner des témoins, les enjoindre à témoigner sous serment et à produire les documents que la Commission «estime nécessaires à une enquête et étude complètes»: voir le paragraphe 45.45(4), ainsi que les alinéas 24.1(3)a) et b) de la Loi. La Commission pouvait demander au commissaire d'expliquer publiquement pourquoi certains documents demandés n'étaient pas, selon lui, pertinents ou pourquoi, s'ils étaient pertinents, il refusait toujours de les transmettre. Soit dit en passant, si l'alinéa 45.41(2)b) ne prévoit pas clairement qui, du commissaire ou de la Commission, décide de la pertinence d'un document, c'est la Commission qui, en conformité avec l'alinéa 24.1(3)a) de la Loi, possède ce pouvoir dans le cas d'une audience publique.

[62]La tenue d'une audience publique afin d'obliger le commissaire à exécuter une fonction prévue par la Loi est une procédure coûteuse. Ce n'est certes pas la procédure que privilégie le législateur ni même la Commission. L'enquête est la règle, l'audience publique, l'exception. Il n'y a d'audience publique que si la présidente estime dans l'intérêt public d'agir de la sorte: voir l'article 45.43 de la Loi. Je partage l'opinion et les préoccupations du juge telles qu'exprimées au paragraphe 166 de la décision visée par l'appel:

Le refus de communiquer des renseignements et documents selon ce que prévoit l'article 45.41 de la Loi ne signifie pas qu'il est judicieux ou conforme à l'intérêt public de convoquer une audience. Les audiences dont parle l'article 45.43 sont rares, et la plupart des plaintes sont étudiées selon l'article 45.41. Il semble tout à fait inopportun de dire que, si la Commission des plaintes n'est pas satisfaite des documents remis par le commissaire de la GRC en vertu de l'article 45.41, alors la Commission des plaintes ferait bien de convoquer une audience selon l'article 45.43. Tout à fait déplacée sans doute est l'idée selon laquelle le mot «transmet», dans l'article 45.41, ne veut pas vraiment dire ce qu'il dit, à telle enseigne que le moyen relativement simple et économique de disposer des plaintes, dans l'article 45.41, (et le nombre de plaintes montre à lui seul que, sauf cas véritablement exceptionnel, ce moyen sera la procédure la plus adéquate) n'est pas vraiment efficace et que le législateur ne voulait pas en réalité qu'il le soit. Je crois que, si l'argument avancé ici par le défendeur est juste, alors le public canadien aura des raisons de penser qu'il a été trompé sur le mécanisme d'enquête exposé dans la partie VII de la Loi. [Je souligne.]

[63]Il y a une autre raison, selon moi, pour laquelle il n'est pas indiqué d'avoir recours à cette procédure chaque fois que la présidente de la Commission et le commissaire ne sont pas d'accord. Cette solution détruirait presque inévitablement la relation entre les deux. D'ailleurs, le commissaire pourrait juger qu'il lui est plus difficile et contraignant de comparaître en personne devant la Commission et de répondre publiquement à ses questions que d'être représenté, comme en l'espèce, par le procureur général devant un tribunal neutre.

[64]Il me faut insister sur le fait que la position adoptée par l'intimé et qu'il défend contredit son argument selon lequel la Commission doit être impartiale et paraître impartiale et, par conséquent, qu'elle ne devrait pas avoir recours au contrôle judiciaire pour exiger que le commissaire exécute les fonctions que lui impose la Loi. Cela m'amène donc au troisième argument proposé par l'intimé qui porte sur la qualité de la Commission pour invoquer un recours légal.

La Commission est-elle tenue d'être impartiale et cette obligation l'empêche-t-elle d'avoir compétence et qualité pour introduire une instance?

[65]L'avocat de l'intimé se fonde sur deux décisions pour contester la demande de contrôle judiciaire de la Commission: Canada (Privacy Commissioner) v. Canada (Attorney General), [2003] 9 W.W.R. 242 (C.S.C.-B.), et Rankin (Re), [1991] 1 C.F. 226 (1re inst.).

[66]Dans la première affaire, le commissaire à la protection de la vie privée avait sollicité un jugement déclaratoire de la Cour suprême de la Colombie- Britannique. Le juge Metzger avait reconnu le bien- fondé de l'argument présenté par le procureur général selon lequel le commissaire à la protection de la vie privée n'avait pas qualité pour introduire une action. Il avait comparé le rôle du commissaire à la protection de la vie privée à celui d'un ombudsman comme l'avait fait la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 R.C.S. 773, aux paragraphes 38 et 39. Dans cette affaire, la Cour suprême avait dit que le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire aux langues officielles utilisaient une approche qui les distinguait d'une cour de justice. Le juge Gonthier avait dit: «Ils ont pour mission propre de résoudre les tensions d'une manière informelle. C'est, entre autres, pour répondre aux limites des recours judiciaires que l'ombudsman a été créé».

[67]Avec égards, même si ce qui a été dit dans l'affai-re relative au commissaire à la protection de la vie privée demeure pertinent en l'espèce, la situation et le statut légal de la Commission et de la présidente de la Commission sont quelque peu différents de ceux du commissaire à la protection de la vie privée.

[68]La Cour suprême a répété, dans l'arrêt Lavigne (voir le paragraphe 33), que le commissaire à la protection de la vie privée possède de vastes pouvoirs afin de mener à terme l'instruction des plaintes déposées. «Il a accès à tous les renseignements qui relèvent d'une institution fédérale, à l'exclusion des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada et aucun des renseignements auxquels il a accès ne peut lui être refusé.» Le droit du commissaire à la protection de la vie privée d'avoir accès à des renseignements n'est pas assujetti au critère de la pertinence. Par contre, le droit de la Commission et de la présidente de la Commission d'avoir accès aux renseignements est assujetti au critère de la pertinence et rien dans la Loi ne prévoit qui est appelé à trancher cette question.

[69]En outre, le commissaire à la protection de la vie privée «peut également pénétrer dans les locaux occupés par une institution fédérale, [. . .] s'entretenir en privé avec toute personne s'y trouvant et y mener, dans le cadre de la compétence conférée par la Loi sur la protection des renseignements personnels, les enquêtes qu'il croit nécessaires. Enfin, il peut examiner ou se faire remettre des copies ou des extraits des livres ou autres documents contenant des éléments utiles à l'enquête et trouvés dans les locaux occupés par une institution fédérale»: ibid.

[70]Une grande partie de la capacité d'application de la loi, sinon toute, est fondée sur ces pouvoirs. La Commission et la présidente de la Commission sont loin de jouir, à l'étape de l'enquête, de ce type de pouvoir, qui fait en sorte qu'il est beaucoup plus nécessaire d'avoir qualité pour intenter une action en justice.

[71]Dans l'affaire de la Colombie-Britannique concernant le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire demandait au tribunal de déclarer que la surveillance vidéo effectuée par la GRC à Kelowna violait les droits du plaignant et du public en vertu de l'alinéa 2d) et des articles 6, 7 et 8 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], ainsi que la Déclaration universelle des droits de l'homme [Rés. AG 217 A (III), Foc, off. AG NU, 10 décembre 1948] des Nations Unies et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques [19 décembre 1966, [1976] R.T. Can. no 47]. Le commissaire à la protection de la vie privée ne tentait pas d'obliger un fonctionnaire à s'acquitter d'une obligation précise au motif que ce manquement l'empêchait d'exécuter les fonctions fondamentales qui lui étaient imposées par le législateur dans l'intérêt du public, comme c'est le cas en l'espèce.

[72]Je crois en avoir suffisamment dit pour démontrer que l'affaire Canada (Privacy Commissioner) est différente, tant sur le plan légal que sur celui des faits, de la situation en l'espèce.

[73]La décision Rankin ne pose pas en principe que la Commission n'a pas qualité pour introduire une procédure devant la Cour fédérale. Le juge Denault avait parlé de l'opportunité de le faire puisque la Commission était tenue, en tant que tribunal quasi judiciaire, d'agir et de sembler agir impartialement: voir les paragraphes 9 et 14. Il avait dit, au paragraphe 15, qu'il ne convenait pas que la Commission prenne l'initiative de présenter une demande fondée sur le paragraphe 38(1) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5. Toutefois, il avait examiné le fond de la question puisque le plaignant, M. Rankin, avait adopté la position de la Commission. Dans des remarques incidentes, puisque la question du statut de la Commission n'était plus que théorique, notre Cour avait expressément dit qu'elle ne voulait pas qu'on conclue qu'elle rejetait la position prise par le juge Denault sur la question: voir Canada (Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (Re), [1992] A.C.F. no 502 (C.A.) (QL). J'estime qu'il faut se pencher davantage sur l'arrêt Rankin et sur ce qu'il dit au sujet de la Loi.

[74]Le juge de la Cour fédérale a dit que l'affaire Rankin était différente puisque le juge Denault examinait le pouvoir de la Commission d'exiger la production d'un élément de preuve conformément au paragraphe 45.45(11), c'est-à-dire un élément de preuve dont la divulgation risquait de porter préjudice à la défense ou à l'intérêt national ou d'entraver la bonne exécution des lois. Selon lui, le paragraphe 45.41(2) est très différent. Il a dit que la décision Rankin ne se rapportait qu'à l'article 45.45. Puis il a examiné l'objet de la Loi pour connaître l'intention du législateur. En fin de compte, il a dit qu'il était nullement inopportun que la Commission introduise une procédure à la seule fin d'obtenir de la GRC les documents dont elle avait besoin pour s'acquitter de son obligation légale. J'estime qu'il est utile, voire nécessaire, de reproduire son analyse des questions qui se trouve aux paragraphes 170 à 177 de la décision:

Une lecture du paragraphe 45.45(11) confirme la conclusion du juge Denault selon laquelle «le texte de l'article ne confère pas à la Commission le pouvoir d'exiger ce genre de preuve». Cependant, le texte du paragraphe 45.45(11) est très différent du texte du paragraphe 45.41(2), qui dit que «le président de la Commission transmet au Commissaire une copie de la plainte» et que «le Commissaire transmet au président de la Commission. . . tout autre document pertinent placé sous la responsabilité de la Gendarmerie».

Je considère les propos tenus par le juge Denault dans l'affaire Rankin comme des propos se rapportant à l'article 45.45 de la Loi. Il n'est pas question de l'article 45.41, une disposition dont le texte est très différent et qui concerne un type d'enquête lui aussi très différent.

Le défendeur fait valoir que certaines remarques incidentes qui sont faites dans l'affaire Rankin («la Commission a l'obligation d'être impartiale et de paraître impartiale en tant qu'organe quasi judiciaire», et «il est inopportun que la Commission prenne l'initiative») peuvent être sorties du contexte de l'article 45.45 et appliquées de manière générale à la Loi, et en particulier à l'alinéa 45.41(2)d), qui est l'objet de la présente demande. Je ne partage pas ce point de vue. L'affaire Rankin se rapporte uniquement à l'article 45.45 et au texte particulier de cette disposition.

Mais il faut se demander si le législateur voulait que la Commission des plaintes ait le pouvoir de se présenter devant la Cour en vertu du paragraphe 45.41(2) de la Loi pour obtenir les documents recherchés dans la présente demande, documents que le Commissaire de la GRC a refusé de lui transmettre.

Me fondant sur le jugement Rankin, je crois que la première chose que je me dois de considérer est le «texte même de l'article». Pour moi, le texte de l'article est sans équivoque. L'intention du législateur était que le Commissaire de la GRC doit «transmettre» une copie de la plainte et les autres documents pertinents placés sous la responsabilité de la Gendarmerie. Il s'agit là d'une disposition impérative, et non facultative. Évidemment, aucune disposition particulière ne dit que, si le Commissaire de la GRC refuse de transmettre les documents, alors la Commission des plaintes a le droit d'introduire une procédure judiciaire pour contraindre le Commissaire de la GRC à se conformer à l'article 45.41. Compte tenu du rôle de la Commission des plaintes dans le contexte de l'article 45.41, la question devient alors la suivante: le législateur voulait-il que ce soit la Commission des plaintes qui engage une procédure pour forcer la communication des documents en cause?

Le rôle de la Commission des plaintes selon l'article 45.41 est fort différent du rôle que lui assigne l'article 45.43, où, dans le contexte d'une audience publique, la fonction quasi judiciaire de la Commission des plaintes est mise en avant, et où, comme la loi l'indique, une approche beaucoup plus circonspecte s'impose. Mais l'article 45.41 constitue un mécanisme distinct, dans le contexte d'une diversité de cadres destinés à composer avec un plaignant insatisfait. L'article 45.41 est une procédure provisoire qui se situe entre l'enquête interne de la Gendarmerie et la procédure quasi judiciaire en règle prévue par l'article 45.43. Il ressort clairement de la Loi que le législateur entendait que la Commission des plaintes prenne l'initiative de décider si d'autres mesures s'imposent dans une plainte donnée. Le paragraphe 45.42(1) fait de l'examen de la Commission des plaintes un exercice obligatoire: «Le président de la Commission examine chacune des plaintes qui sont renvoyées devant la Commission conformément au paragraphe 45.41(1) . . .», à moins qu'il n'ait déjà fait enquête ou convoqué une audience. Ce mécanisme se distingue nettement des dispositions de la Loi qui concernent les audiences et, considérés ensemble, les articles 45.41 et 45.42 indiquent très clairement que le rôle de la Commission des plaintes dans ce processus consiste à examiner la manière dont une plainte a été étudiée par la GRC. Le rôle unique du plaignant consiste à renvoyer la plainte à la Commission des plaintes pour qu'elle puisse examiner ce que la GRC a déjà fait, et décider si un complément d'enquête est nécessaire. L'interaction est donc totalement entre la Commission des plaintes et la GRC. L'obligation imposée à la Commission des plaintes par les dispositions impératives de l'article 45.42 requiert la communication obligatoire de documents selon l'article 45.41. La Commission des plaintes ne peut s'acquitter de son obligation si le Commissaire de la GRC ne s'acquitte pas de la sienne.

Si l'on garde à l'esprit l'objet de l'article 45.42, il n'y a rien de fautif à ce que la Commission des plaintes introduise une procédure judiciaire à seule fin d'obtenir de la GRC les documents dont elle a besoin pour s'acquitter de son obligation légale. À mon avis, il n'y a rien ici d'assimilable au processus prévu par l'article 45.43 et aux circonstances de l'affaire Rankin. Conclure autrement, ce serait enlever toute signification aux articles 45.42 et 45.41, parce que la Commission des plaintes ne saurait s'acquitter de son mandat officiel si elle n'a pas le pouvoir d'obliger la GRC à lui communiquer des documents auxquels, selon l'article 45.41, elle a droit pour être en mesure de remplir ce mandat.

Si l'argument avancé par le défendeur est juste, alors le Commissaire de la GRC pourrait même refuser de transmettre selon l'alinéa 45.41(2)a) une copie de la plainte, et la Commission des plaintes n'aurait aucun moyen réel de le forcer à le faire. Je ne puis croire que le législateur mette expressément en place un mécanisme distinct d'examen (voire ordonne un tel mécanisme) et que simultanément il laisse au Commissaire de la GRC le soin de décider ce qu'il convient de communiquer à la Commission des plaintes en vertu de l'article 45.41. Une obligation impérative requiert un pouvoir correspondant de voir à ce qu'elle soit accomplie. Par conséquent, je suis d'avis que la Commission des plaintes a le pouvoir d'obtenir l'aide de la Cour aux fins d'assurer la conformité avec les articles 45.42 et 45.41 de la Loi.

[75]J'abonde dans le sens du savant juge de la Cour fédérale, à savoir que les problèmes et préoccupations visés par l'alinéa 45.41(2)b) sont différents de ceux visés au paragraphe 45.45(11). Le paragraphe 45.45(11) porte sur le pouvoir de la Commission d'ordonner le huis clos lors d'une audience au cours de laquelle il peut être présenté des renseignements susceptibles de porter préjudice à la défense du Canada ou d'entraver la bonne exécution de la loi. La disposition ne confère aucun pouvoir à la Commission d'exiger la divulgation de ces éléments de preuve. L'alinéa 45.41(2)b) vise une question différente: il ne s'agit pas des pouvoirs de la Commission pendant une audience publique, mais d'une obligation qui incombe au commissaire dans le cadre d'une enquête sur une plainte. Par conséquent, il faut éviter de faire dire à la décision Rankin ce qu'elle ne dit pas.

[76]Dans l'affaire Rankin, en examinant la question de l'opportunité que la Commission dépose, au nom du plaignant, une demande en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur la preuve au Canada pour contester l'objection à la divulgation de renseignements, le juge Denault s'est inspiré des remarques du juge Estey dans l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, à la page 709. Pour l'essentiel, le juge Estey a dit: «Cette Cour, à cet égard, a toujours voulu limiter le rôle du tribunal administratif dont la décision est contestée à la présentation d'explications sur le dossier dont il était saisi et d'observations sur la question de sa compétence, même lorsque la loi lui confère le droit de comparaître». J'estime, avec égards, que l'affaire Northwestern n'est pas très utile en l'espèce.

[77]Je ne nie pas qu'il soit sensé qu'on refuse à une Commission dont la décision est contestée de participer de façon combative au débat et de justifier sa décision, sinon elle-même. Toutefois, telle n'est pas la situation en l'espèce. La Commission ne tente ni de se justifier ni de défendre une de ses décisions. En fait, la décision attaquée est celle du commissaire de refuser de transmettre les renseignements demandés et ce dernier est représenté, comme il se doit, par le procureur général du Canada. La Commission tente plutôt d'obliger le commissaire à s'acquitter de l'obligation qu'il a envers la Commission, dans l'intérêt du public, conformément à l'intention du législateur, obligation qui est exprimée à l'alinéa 45.41(2)b). Cela ne me semble en rien inopportun.

[78]En outre, je ne suis pas certain que le juge Denault aurait insisté autant sur la nécessité, pour la Commission, d'être impartiale et de paraître impartiale dans l'exercice de ses fonctions si l'article 45.37 de la Loi avait été porté à son attention.

[79]L'article 45.37 autorise la présidente de la Commission à être le «plaignant» à l'endroit d'un membre de la GRC, y compris le commissaire lui-même. Aux termes de l'article 2, un «membre» est une personne nommée en qualité d'officier ou à tout autre titre en vertu de l'article 5 ou des alinéas 6(3)a) ou 7(1)a) de la Loi. L'article 5 est la disposition qui régit la nomination du commissaire. L'article 6 dit clairement que les officiers comprennent le commissaire, les sous-commissaires, les commissaires adjoints, les surintendants principaux, les surintendants et les inspecteurs, ainsi que les titulaires des autres grades désignés par le gouverneur en conseil.

[80]La présidente peut porter plainte si elle est fondée à croire qu'il faudrait enquêter sur la conduite d'un membre «dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi»: paragraphe 45.37(1); voir également Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada) (Re), [1993] 2 C.F. 351 (1re inst.); confirmé par [1994] 3 C.F. 562 (C.A.). Quand la présidente porte plainte, selon le paragraphe 45.37(1) et sauf si le contexte s'y oppose, le mot «plaignant» employé dans la partie VII de la Loi s'entend en outre de la présidente de la Commission.

[81]Avec égards, j'estime qu'il est évident que le législateur voulait que la Commission soit toujours juste; cependant, il n'avait pas l'intention que la Commission soit toujours neutre. Selon moi, le législateur a compris que, dans certaines circonstances, la Commission et la présidente de la Commission devaient adopter une position contradictoire afin d'exercer efficacement leurs fonctions. Selon moi, c'est ce dont il s'agit à l'article 45.37 et à l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi.

[82]Pour ces motifs, je suis convaincu que la présidente de la Commission a compétence pour exiger l'exécution des fonctions du commissaire en vertu de l'alinéa 45.41(2)b) de la Loi. Cela veut dire solliciter une décision judiciaire sur la question de savoir si un document demandé est pertinent ou non ou s'il est protégé ou non, et donc si le commissaire a l'obligation de le lui transmettre. Toutefois, dans les circonstances en cause, alors que les deux parties ont convenu que les documents demandés étaient visés par le privilège relatif aux indicateurs de police, le commissaire n'avait pas l'obligation de remettre ces documents à la présidente de la Commission, compte tenu de la nature obligatoire et légale du privilège.

L'ordonnance interdisant l'accès rendue par la Cour de justice de l'Ontario en vertu de l'article 487.3 du Code criminel autorisait-elle le commissaire à refuser de communiquer les renseignements demandés par la Commission?

[83]Cette question a été soulevée et débattue par les deux parties. Elle vise la portée de l'ordonnance interdisant l'accès. Compte tenu de la conclusion que j'ai tirée sur la question du privilège, il n'est pas nécessaire d'y répondre. Il pourrait toutefois s'avérer utile pour l'avenir d'examiner l'argument de l'intimé.

[84]L'avocat de l'intimé prétend que le commissaire était lié par l'ordonnance interdisant l'accès rendue par la Cour de justice de l'Ontario et qu'il était donc justifié de refuser de communiquer des renseignements relevant de la GRC concernant le mandat de perquisition qui auraient pu révéler l'identité de l'indicateur. Cet argument n'est pas bien fondé.

[85]L'ordonnance interdisant l'accès rendue en vertu de l'article 487.3 vise des documents en la possession de la Cour et ne s'applique pas aux documents de la GRC. L'avocat de l'appelante a raison de dire que l'ordonnance a pour objet de limiter l'accès du public à certains documents qui se trouvent dans le dossier de la Cour et qui, sans l'ordonnance, seraient accessibles. L'ordonnance ne vise pas la GRC mais les employés de la Cour. En outre, le paragraphe 487.3(3) prévoit que le paquet scellé «est gardé par le tribunal, en un lieu auquel le public n'a pas accès».

La transparence dans le contexte d'une enquête concernant une plainte

[86]Avant de conclure, je crois devoir mentionner le besoin de transparence dans le cadre d'une enquête au sujet d'une plainte. Le système mis en place par le législateur exige confiance et collaboration de la part des deux principaux intéressés, à savoir le commissaire et la présidente de la Commission. La transparence n'est pas la seule condition préalable à la création de rapports de confiance et de collaboration, mais elle est importante. Je ne saurais dire, en l'espèce, que le commissaire a fait des efforts excessifs pour être transparent.

[87]Quand la Commission lui a demandé, dans une lettre datée du 10 juillet 2000, de transmettre les documents pertinents concernant le mandat de perquisition qui avait été exécuté sur le terrain du plaignant, le commissaire a transmis quelques renseignements seulement sans indiquer que d'autres n'étaient pas transmis et sans le justifier. La réponse de la GRC était très brève. La lettre disait tout simplement, tel qu'il appert à la page 130 du dossier d'appel:

[traduction]

Monsieur,

La présente fait suite à votre lettre datée du 10 juillet 2000 suivant la demande d'examen par le CPP présentée par M. [X].

Tel qu'il a été demandé, vous trouverez annexée aux présentes une copie des documents pertinents se rapportant à la plainte déposée par M. [X]. Je vous saurais gré de me faire parvenir un accusé de réception des documents dès que possible.

Je vous prie d'agréer mes sentiments les meilleurs.

[88]Ce n'est qu'après l'examen des documents reçus que la Commission a constaté que certains renseigne-ments demandés avaient été supprimés et que d'autres étaient absents malgré leur apparente pertinence. La Commission a également eu connaissance d'un fait que ne lui avait jamais mentionné la GRC: un mandat de perquisition avait été décerné à l'endroit de la grange du plaignant, mais le mandat de perquisition demandé par la GRC relativement à la résidence du plaignant avait été refusé.

[89]Quand elle s'est renseignée davantage, la Commission a appris qu'un sergent-major de la PPO travaillant au Bureau des plaintes de la PPO avait eu accès aux renseignements qui n'avaient pas été transmis à la présidente de la Commission. Cette constatation n'a pas favorisé de bonnes relations de travail. La situation ressort clairement de l'affidavit de la présidente dans lequel elle dit, au paragraphe 25, à la page 104 du dossier d'appel:

[traduction] En termes simples, il semble que la GRC soit disposée à remettre les renseignements que je demande à sa propre enquêtrice sur les plaintes ainsi qu'à un sergent-major de la PPO, un agent de la paix qui relève de la compétence provinciale, et non à la présidente de la CPP, une personne nommée par le gouverneur en conseil qui a pour fonction de surveiller la conduite des membres de la GRC en conformité avec la partie VII de la Loi.

[90]La position du commissaire selon laquelle il était justifié de remettre les documents à un sergent-major de la PPO travaillant au Bureau des plaintes de la PPO parce qu'elle est une policière alors qu'il était également justifié de ne pas transmettre ces renseignements à la présidente de la Commission qui ne l'est pas n'a pas favorisé la confiance de la présidente à l'égard de l'institution qu'elle a le mandat de superviser.

[91]Quand elle a appris que le Bureau des plaintes de la PPO avait eu accès aux renseignements confidentiels, la présidente a cru que le commissaire lui en avait refusé l'accès à cause de l'ordonnance interdisant l'accès rendue par la Cour de justice de l'Ontario.

[92]Toutefois, après avoir rencontré le commissaire le 4 décembre 2002, soit près de trois ans après la plainte, pour discuter de sa demande d'accès aux documents sous scellés, la présidente a appris, de la bouche du commissaire, qu'elle ne recevrait pas les documents puisqu'elle n'avait pas compétence pour recevoir et examiner des documents pertinents qui contenaient des renseignements sur des sources confidentielles.

[93]C'est alors que la présidente de la Commission a retiré sa demande de modification de l'ordonnance interdisant l'accès et qu'elle a intenté un recours devant la Cour fédérale concernant l'objection du commissaire avec le résultat que nous connaissons.

[94]Au paragraphe 34 de son affidavit, la présidente de la Commission signale que la conduite du commissaire en l'espèce n'est pas un cas isolé: voir le dossier d'appel, à la page 109. Elle mentionne que, dans une autre plainte récente, une grande partie du contenu des documents pertinents qui lui avaient été transmis avait été supprimée avant qu'elle ne les reçoive et que rien n'indiquait, dans le dossier, pour quelle raison ces renseignements avaient été supprimés. Encore une fois, cette situation ne favorise pas de bonnes relations de travail fondées sur la confiance.

[95]Des extraits de la politique de la GRC concernant les plaintes du public et les documents pertinents se trouvent à la page 198 du dossier d'appel. Selon la partie J.2 de la politique, le nom des sources ou des indicateurs doit être supprimé des documents avant qu'ils ne soient transmis pour examen. La politique ne dit pas que la Commission doit être avisée du fait que des renseignements ont été supprimés et qu'elle doit transmettre les motifs pour lesquels cela a été fait. J'aurais été porté à croire qu'il s'agit d'une simple question de politesse entre deux organismes complémentaires créés pour le bien et l'intérêt du public. Dans le même ordre d'idées, la Commission, selon moi, s'attend légitimement à connaître les raisons pour lesquelles les documents ne sont pas jugés pertinents lorsque la communication de ces documents est refusée pour ce motif.

[96]Le commissaire avait un motif valable de refuser de divulguer des renseignements susceptibles de révéler l'identité de l'indicateur. Si cela avait été précisé dès le début, la situation ne se serait peut-être pas détériorée comme en l'espèce. Quelques-uns des arguments soulevés par l'intimé pour s'opposer à l'accès, par la Commission, aux renseignements demandés étaient tels qu'ils ne favorisaient pas la confiance du public en la GRC ni la confiance de la Commission à l'égard du commissaire (p. ex. la portée de l'ordonnance interdisant l'accès, l'importance du fait que la présidente n'est pas une policière, le refus de reconnaître l'existence d'une obligation publique à l'égard de la présidente de la Commission en vertu de l'alinéa 44.41(2)b), la description proposée du rôle que pourraient jouer les audiences publiques, la proposition selon laquelle le recours serait de présenter des recommandations dans le rapport annuel de la présidente). Et, au cas où il faudrait encore insister sur la promotion de bonnes relations de travail entre les deux organismes, permettez-moi de citer la Cour suprême du Canada dans un autre contexte: «Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester» (Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, au paragraphe 186).

Conclusion

[97]Pour les raisons invoquées ci-dessus, je rejetterais l'appel et l'appel incident. Les deux parties ayant eu gain de cause en partie, j'ordonnerais que chaque partie paye ses propres dépens relativement à l'appel et à l'appel incident.

Le juge Décary, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Pelletier, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

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