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T‑640‑03

2005 CF 1320

Ontario Harness Horse Association (demanderesse)

c.

Agence canadienne du pari mutuel et Sudbury Downs Holdings, division de MacRanald Enterprises Incorporated (défenderesses)

Répertorié : Ontario Harness Horse Assn. c. Canada (Agence du pari mutuel) (C.F.)

Cour fédérale, juge Heneghan—Toronto, 29 mars; Ottawa, 27 septembre 2005.

Interprétation des lois — L’art. 90(1)d) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel (ACPM) a autorisé Sudbury Downs Holdings (Sudbury Downs) à tenir un pari inter‑ hippodromes avec différents hippodromes hôtes en Ontario et dans d’autres provinces, conformément à l’art. 90(1)d) — Compte tenu des principes pertinents d’interprétation des lois, soit l’examen des mots, du contexte, de l’esprit et de l’objet de la loi ou du règlement en question ainsi que des considérations de politique du gouverneur en conseil, l’association qui demande l’approbation relative à la tenue d’un pari inter‑hippodromes doit présenter l’entente de licence temporaire (comportant les détails relatifs au calendrier et à la répartition des revenus) qu’elle a conclue avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour elle — L’exigence est la même, que l’association des courses présente sa demande à titre d’hippodrome hôte ou d’hippodrome satellite — Sudbury Downs a rempli la condition en remettant à l’ACPM une copie de l’entente de licence temporaire qu’elle avait signée avec la Northern Horsemen’s Association — L’art. 90(1)c) exige que les associations de courses (l’hippodrome hôte et l’hippodrome satellite) aient conclu une entente entre elles au sujet de la tenue d’un pari inter‑hippodromes — L’entente doit avoir été conclue entre les associations et non entre les membres de celles‑ci — Le texte des dispositions législatives habilitantes (art. 204(8) et (9) du Code criminel) confirme l’intention du Parlement d’assurer au moyen du Règlement une surveillance efficace et rentable du pari mutuel afin de protéger les parieurs contre les pratiques frauduleuses et de contribuer de ce fait à maintenir la viabilité de l’industrie des courses hippiques — Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation concernant les modifications apportées à l’art. 90(1)d) du Règlement énonce les exigences relatives à la conclusion d’ententes entre les associations de courses et leurs hommes de cheval à contrat lorsqu’elles font une demande de permis de pari mutuel — L’ACPM a interprété correctement les exigences de l’art. 90(1)d) du Règlement.

Justice criminelle et pénale — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel (ACPM) a autorisé Sudbury Downs Holdings (Sudbury Downs) à tenir un pari inter‑ hippodromes avec différents hippodromes hôtes en Ontario et dans d’autres provinces, conformément à l’art. 90(1)d) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel — Le Règlement a été pris en application de l’art. 204(8) du Code criminel — Le pari mutuel est une forme de pari dans le cadre duquel les personnes qui misent sur des chevaux gagnants se partagent le montant total parié par le public, déduction faite d’un pourcentage versé aux exploitants d’hippodromes — Selon l’art. 2 du Règlement, le pari inter‑hippodromes s’entend du pari mutuel tenu à un ou plusieurs hippodromes satellites sur une course disputée à un hippodrome hôte, dans le cadre duquel les mises faites à chacun des hippodromes satellites sont réunies avec les mises de l’hippodrome hôte — Sudbury Downs est une association de courses visée par l’art. 204(11) du Code criminel — L’ACPM est chargée de l’administration du pari mutuel sur les chevaux au Canada conformément au Règlement — L’art. 204(1)c)(ii) prévoit une exemption à l’interdiction du pari dans le cas des paris faits par l’intermédiaire d’un système de pari mutuel, pourvu que les règlements soient respectés — L’ACPM a interprété et appliqué correctement l’art. 90(1)d) du Règlement.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Norme de contrôle judiciaire — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel (ACPM) a autorisé Sudbury Downs Holdings  (Sudbury Downs) à tenir un pari inter‑hippodromes avec différents hippodromes hôtes en Ontario et dans d’autres provinces, conformément à l’art. 90(1)d) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel — La question de savoir si l’ACPM a bien interprété les exigences de l’art. 90(1)d) du Règlement est une question de droit —  La norme de contrôle applicable est la norme de la décision correcte — L’application par l’ACPM de l’art. 90(1)d) à la demande d’autorisation de Sudbury Downs à l’égard de la tenue d’un pari inter‑hippodromes soulève des questions mixtes de faits et de droit — La norme de contrôle est la décision raison-nable simpliciter — L’ACPM n’a pas commis d’erreur en omettant de tenir compte du fait que les ententes de licence temporaire qui ont été négociées entre l’Ontario Harness Horse Association (OHHA) et les hippodromes hôtes comportaient des dispositions donnant à penser que celle‑ci devait approuver la tenue d’un pari inter‑hippodromes avant qu’un hippodrome hôte puisse participer — Le respect d’une condition préalable à une entente de licence temporaire est une question que l’OHHA doit régler avec chacune des associations de courses avec lesquelles elle a signé une entente — Il s’agit d’un différend de nature contractuelle qui dépasse la portée du contrôle judiciaire et qui ne concerne pas l’ACPM ou le public  —  L’ACPM n’a pas commis d’erreur en approuvant la demande de Sudbury Downs en ce qui concerne la tenue d’un pari inter‑hippodromes; la décision n’était pas déraisonnable.

Pratique — Parties — Qualité pour agir — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel (ACPM) a autorisé Sudbury Downs Holdings (Sudbury Downs)  à tenir un pari inter‑hippodromes avec différents hippodromes hôtes en Ontario et dans d’autres provinces, conformément à l’art. 90(1)d) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel — La demanderesse n’avait pas la qualité voulue pour contester la décision de l’ACPM — L’art. 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande — Cette disposition est suffisamment large pour permettre de reconnaître à la partie demanderesse la qualité pour agir, même si elle n’est pas « directement touchée », lorsque le critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public est établi — Sudbury Downs, la Northern Horsemen’s Association et les associations de courses avec lesquelles Sudbury Downs a l’intention de tenir un pari inter‑hippodromes sont touchées par la décision de l’ACPM — Il n’y avait aucun élément de preuve montrant que la demanderesse ou les professionnels du cheval qu’elle représente étaient directement touchés par la décision de l’ACPM — La demanderesse n’avait pas non plus qualité pour agir dans l’intérêt public parce qu’elle ne satisfaisait pas au critère tripartite applicable — Aucune question sérieuse n’a été soulevée — La demanderesse demandait à la Cour de donner effet à des obligations contractuelles qui n’avait aucun lien avec la décision de l’ACPM — La demanderesse n’avait pas non plus d’intérêt véritable dans l’affaire, car il n’a pas été prouvé que la décision de l’ACPM lui a causé ou lui causera un préjudice — La demanderesse cherchait plutôt à exclure les associations de courses qui ne l’utilisaient pas comme représentant exclusif des professionnels du cheval sous contrat avec elle — Enfin, il existait une autre manière raisonnable et efficace de porter devant la Cour la décision de l’ACPM qui était en litige, c’est‑à‑dire par l’entremise d’une partie visée par la demande d’approbation.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision qui a été communiquée à la demanderesse et par laquelle le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel (ACPM) a autorisé Sudbury Downs à tenir un pari inter‑hippodromes avec différents hippodromes hôtes en Ontario et dans d’autres provinces entre le 26 mars et le 31 décembre 2003, conformément à l’alinéa 90(1)d) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel, pris en application du paragraphe 204(8) du Code criminel. Le pari mutuel est une forme de pari dans le cadre duquel les personnes qui misent sur des chevaux gagnants se partagent le montant total parié par le public, déduction faite d’un pourcentage versé aux exploitants d’hippodromes. Le « pari inter‑hippodromes » est défini à l’article 2 du Règlement sur la surveillance du pari mutuel comme un pari‑mutuel tenu à des hippodromes satellites sur une course disputée à un hippodrome hôte, dans le cadre duquel les mises faites à l’hippodrome hôte et aux hippodromes satellites sont réunies. L’Ontario Harness Horse Association (OHHA) est une association bénévole qui représente environ cinq mille professionnels du cheval de l’Ontario. Elle négocie les accords avec les associations de courses au sujet, notamment, de la répartition des recettes découlant du pari inter‑hippodromes. Sudbury Downs Holdings possède et exploite un hippodrome dans le Grand Sudbury. Elle est une association de courses (plutôt qu’une association des professionnels du cheval) visée au paragraphe 204(11) du Code criminel. L’ACPM est chargée de l’administration du pari mutuel sur les chevaux au Canada conformément au Règlement.

Le Règlement oblige les propriétaires d’hippodromes à demander des permis, autorisations et approbations (les licences) afin de tenir différents types de paris. Lorsqu’il demande une licence l’autorisant à tenir un pari inter‑hippodromes, l’hippodrome doit fournir la preuve d’une entente qu’il a conclue avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour lui pour la période de la licence proposée. L’entente (entente de licence temporaire) doit couvrir le calendrier des courses (le calendrier) et la répartition des revenus (la répartition) tirés des paris proposés. Depuis que le Règlement est entré en vigueur en 1991, ce sont les associations des professionnels du cheval qui ont négocié et signé les ententes de licence temporaire pour le compte desdits professionnels. L’expression professionnels du cheval est définie à l’article 2 du Règlement.

En 1998, un certain nombre de professionnels du cheval du nord de l’Ontario ont formé la Northern Horsemen’s Association (la NHA), qui a conclu avec Sudbury Downs une entente de licence temporaire faisant état du calendrier et de la répartition des revenus et a continué à le faire pendant les années suivantes. Entre‑temps, l’OHHA a négocié des ententes de licence temporaire avec plusieurs associations de courses de l’Ontario pour l’année 2003. Ces ententes prévoyaient notamment que les associations de courses désignées, à l’exception d’une, ne participeraient à aucune forme de pari inter‑hippodromes sans l’approbation de l’OHHA. L’OHHA n’a pas approuvé la tenue d’un pari inter‑hippodromes à Sudbury Downs. En novembre 2002, Sudbury Downs a demandé à l’ACPM l’autorisation de tenir un pari inter‑hippodromes pour l’année 2003. Compte tenu de l’entente de licence temporaire conclue avec la NHA, l’ACPM a approuvé la demande de Sudbury pour la période allant du 26 mars 2003 au 31 décembre 2003 et a avisé l’OHHA de sa décision.

Le litige concernait la détermination de la norme de contrôle applicable aux décisions de l’ACPM et les questions de savoir si l’alinéa 90(1)d) du Règlement exige qu’avant que la tenue d’un pari inter‑hippodromes soit approuvée, l’hippodrome satellite et l’hippodrome hôte aient tous deux conclu des ententes de licence temporaire avec les professionnels du cheval sous contrat avec eux relativement au calendrier et à la répartition des revenus tirés du pari proposé, si l’ACPM avait commis une erreur en autorisant Sudbury Downs à tenir un pari inter‑hippodromes conformément à l’alinéa 90(1)d) du Règlement et si l’OHHA avait la qualité voulue pour déposer la demande.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Quant à la norme de contrôle, la question de savoir si l’ACPM avait bien interprété les exigences de l’alinéa 90(1)d) du Règlement était une question de droit. Compte tenu de la méthode de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle applicable était la norme de la décision correcte. La question de savoir si l’ACPM a bien appliqué l’alinéa 90(1)d) était une question mixte de faits et de droit susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable simpliciter.

Compte tenu des principes pertinents d’interprétation législative, notamment l’examen des mots, du contexte, de l’esprit et de l’objet de la loi ou du règlement en question ainsi que des considérations de politique du gouverneur en conseil, l’alinéa 90(1)d) du Règlement exige que l’association qui demande l’approbation relative à la tenue d’un pari inter‑hippodromes présente l’entente de licence temporaire qu’elle a conclue avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour elle, laquelle entente comporte les détails relatifs au calendrier et à la répartition des revenus. Cette exigence semble être la même, que l’association des courses présente sa demande à titre d’hippodrome hôte ou d’hippodrome satellite. De plus, selon l’alinéa 90(1)c), une entente doit avoir été conclue entre les associations de courses, c’est‑à‑dire l’hippodrome hôte et l’hippodrome satellite, au sujet de la tenue d’un pari inter‑hippodromes. L’alinéa 90(1)c) n’exige pas qu’il y ait une entente entre les professionnels du cheval d’une association de courses et l’association de courses avec laquelle la première compte tenir un pari inter‑ hippodromes, ni que les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour l’hippodrome hôte consentent à la tenue d’un pari inter‑hippodromes avec un hippodrome satellite proposé. L’entente est conclue entre les associations et non entre les membres de celles‑ci. Le texte des dispositions législatives habilitantes, soit les paragraphes 204(8) et (9) du Code criminel, confirme l’intention du Parlement d’assurer au moyen du Règlement une surveillance efficace et rentable du pari mutuel afin de protéger les parieurs contre les pratiques frauduleuses et de contribuer de ce fait à maintenir la viabilité de l’industrie des courses hippiques. Enfin, Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation concernant les modifications apportées à l’alinéa 90(1)d) du Règlement énonce que les exigences portent sur la conclusion d’ententes entre les associations de courses et leurs hommes de cheval à contrat lorsqu’elles font une demande de permis de pari mutuel. L’ACPM a interprété correctement les exigences de l’alinéa 90(1)d) du Règlement.

L’ACPM n’a pas commis d’erreur en accordant à Sudbury Downs l’approbation demandée en ce qui concerne la tenue d’un pari inter‑hippodromes et sa décision n’était pas déraisonnable. Sudbury Downs s’était conformée aux exigences législatives en fournissant une copie d’une entente de licence temporaire conclue avec la NHA, laquelle entente comportait des clauses concernant le calendrier des courses et la répartition des revenus. De plus, elle avait remis des copies des ententes qu’elle avait conclues avec les hippodromes hôtes avec lesquels elle avait l’intention de tenir un pari inter‑hippodromes. L’approbation que l’ACPM a donnée à ce stade‑ci était simplement une autorisation quant à la tenue d’un pari inter‑hippodromes. L’ACPM n’a pas commis d’erreur en omettant de tenir compte du fait que les ententes de licence temporaire qui avaient été négociées entre l’OHHA et les hippodromes hôtes comportaient des dispositions donnant à penser que celle‑ci devait approuver la tenue d’un pari inter‑hippodromes avant qu’un hippodrome hôte puisse participer. Le respect d’une condition préalable à une entente de licence temporaire est une question que l’OHHA doit régler avec chacune des associations de courses avec lesquelles elle a signé une entente. Il s’agit d’un différend de nature contractuelle qui dépasse la portée du contrôle judiciaire et qui, par conséquent, ne concernait pas l’ACPM ou le public.

La demanderesse n’avait pas la qualité voulue pour contester la décision de l’ACPM. Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande. Cette disposition est suffisamment large pour permettre de reconnaître à la partie demanderesse la qualité pour agir, même si elle n’est pas « directement touchée », lorsque le critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public est établi. Les parties touchées par la décision de l’ACPM étaient Sudbury Downs, la NHA et les associations de courses avec lesquelles Sudbury Downs avait l’intention de tenir un pari inter‑hippodromes. Il n’y avait aucun lien contractuel existant entre la demanderesse et Sudbury Downs et, par conséquent, aucun élément de preuve montrant que la demanderesse ou les professionnels du cheval qu’elle représente étaient directement touchés par la décision de l’ACPM. La demanderesse n’avait pas non plus qualité pour agir dans l’intérêt public, puisqu’elle n’avait pas satisfait au critère tripartite applicable à cet égard. Elle n’a soulevé aucune question sérieuse à trancher. Il n’y avait aucun lien entre la décision de l’ACPM et les obligations contractuelles découlant des ententes de licence temporaire que la demanderesse avait conclues avec les associations de courses et qu’elle cherchait à faire valoir auprès de la Cour. De plus, la demanderesse n’avait pas un intérêt véritable dans l’affaire, car il n’a pas été prouvé que l’approbation que l’ACPM a donnée à Sudbury Downs quant à la tenue d’un pari inter‑hippodromes lui a causé ou lui causera un préjudice. La demanderesse cherchait plutôt à exclure les associations de courses qui ne l’utilisent pas comme représentant exclusif des professionnels du cheval sous contrat avec elle. Enfin, il existait une autre « manière raisonnable et efficace » de porter devant la Cour la décision de l’ACPM qui était en litige, c’est‑à‑dire par l’entremise d’une partie visée par la demande d’approbation, y compris la NHA, Sudbury Downs ou l’un des hippodromes hôtes avec lesquels celle‑ci a signé une entente en vue de la tenue d’un pari inter‑hippodromes.

lois et règlements cités

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 201, 202, 204 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 47, art. 1; L.C. 1989, ch. 2, art. 1; 1994, ch. 38, art. 14, 25).

Loi de 2000 sur la Commission des courses de chevaux, L.O. 2000, ch. 20.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Règlement sur la surveillance du pari mutuel, DORS/91‑365, art. 2 « pari inter‑hippodromes » (mod. par DORS/95‑262, art. 1), « professionnel du cheval », 85(4)f) (mod. par DORS/92‑628, art. 2), 90(1) (mod., idem, art. 3; 95‑262, art. 5).

jurisprudence citée

décision appliquée :

Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236.

décisions examinées :

Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; (2003), CSC 19; Tribus Kwicksutaineuk/Ah‑kwa‑mish c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2003 CFPI 30; [2003] A.C.F. no 98 (QL); Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.).

décisions citées :

Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] 1 R.C.S. 727; 2004 CSC 28.

doctrine citée

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 2000.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel a autorisé Sudbury Downs à tenir un pari inter‑hippodromes entre le 26 mars et le 31 décembre 2003, conformément à l’alinéa 90(1)d) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel. Demande rejetée.

ont comparu :

John B. Laskin pour la demanderesse.

Douglas J. Los pour la défenderesse Sudbury Downs Holdings, division de MacRanald Enterpri-ses Incorporated.

Suzanne M. Duncan pour la défenderesse l’Agence canadienne du pari mutuel.

avocats inscrits au dossier :

Torys LLP, Toronto, pour la demanderesse.

Weaver, Simmons LLP, Sudbury, pour la défenderesse Sudbury Downs Holdings, division de MacRanald Enterprises Incorporated.

Le sous‑procureur général du Canada pour la défenderesse l’Agence canadienne du pari mutuel.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

La juge Heneghan:

INTRODUCTION

[1]L’Ontario Harness Horse Association (l’OHHA) sollicite le contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)], sous sa version modifiée, de la décision que le directeur exécutif de l’Agence canadienne du pari mutuel (ACPM) a prise vers le 26 mars 2003, et communiquée à l’OHHA dans une lettre du 4 avril 2003. Dans sa décision, l’ACPM a autorisé Sudbury Downs à tenir un pari inter‑ hippodromes avec différents hippodromes hôtes en Ontario et dans d’autres provinces entre le 26 mars et le 31 décembre 2003, conformément à l’alinéa 90(1)d) [mod. par DORS/92-628, art. 3; 95-262, art. 5] du Règlement sur la surveillance du pari mutuel, DORS/91‑365 (le Règlement), pris en application du paragraphe 204(8) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 47, art. 1; L.C. 1989, ch. 2, art. 1; 1994, ch. 38, art. 25] du Code criminel du Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑46, et ses modifications (le Code criminel).

LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

i)              Les parties

[2]L’OHHA est une association bénévole qui représente environ cinq mille professionnels du cheval (hommes et femmes) de l’Ontario, y compris des propriétaires, entraîneurs, conducteurs et palefreniers membres de l’industrie des courses de chevaux. Elle a été créée en 1961 et est accréditée par la Commission des courses de l’Ontario, l’organisme de cette province qui est responsable de la gestion et de la direction de l’industrie des courses de chevaux, y compris l’octroi général de licences aux hippodromes, conformément à la Loi de 2000 sur la Commission des courses de chevaux, L.O. 2000, ch. 20.

[3]La gestion des courses de chevaux relève de la compétence provinciale, mais les mises et paris sont du ressort fédéral. Le pari mutuel est une forme de pari dans le cadre duquel les personnes qui misent sur des chevaux gagnants se partagent le montant total parié par le public, déduction faite d’un pourcentage versé aux exploitants d’hippodromes. Le « pari inter‑ hippodromes »  [mod. par DORS/95-262, art. 1] est défini comme suit à l’article 2 du Règlement :

2. [. . .]

« pari inter‑hippodromes » Pari mutuel tenu à un ou plusieurs hippodromes satellites ou à un ou plusieurs endroits à l’étranger sur une course disputée à un hippodrome hôte, dans le cadre duquel les mises de chaque poule à chacun des hippodromes satellites ou des endroits sont réunies avec les mises de la poule correspondante de l’hippodrome hôte, pour former une poule commune à partir de laquelle le rapport est calculé et versé.

[4]L’OHHA négocie les accords avec les associations de course au sujet, notamment, de la répartition des recettes découlant du pari inter‑hippodromes.

[5]Sudbury Downs Holdings est une division de MacRanald Enterprises Incorporated. Elle possède et exploite l’hippodrome Sudbury Downs, situé dans la ville du Grand Sudbury, dans le nord de l’Ontario. Cet hippodrome est exploité depuis 1974 pour la présentation de courses de chevaux sous harnais et peut être considéré comme une « association » de course visée par le paragraphe 204(11) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 47, art. 1] du Code criminel. Il convient de distinguer ce type d’association des entités appelées « associations des professionnels du cheval », qui sont essentiellement des associations professionnelles auxquelles les membres adhèrent de leur plein gré.

[6]L’ACPM est un organisme de service spécial autorisé en vertu de l’article 204 du Code criminel. Elle agit à titre d’organisme de réglementation nationale et est chargée de l’administration du pari mutuel sur les chevaux au Canada conformément au Règlement. M. Thane Bell, directeur exécutif adjoint de l’ACPM, a fourni dans la présente demande de contrôle judiciaire un affidavit dans lequel il a décrit l’objet du Règlement comme suit :

[traduction] Le Règlement vise la surveillance et la conduite du pari mutuel aux hippodromes ainsi que l’interdiction, la restriction et la réglementation de la possession de drogues et de matériel utilisé pour administrer des drogues aux hippodromes. Le Règlement a pour but d’assurer une surveillance réelle et efficace du pari mutuel afin de protéger les parieurs des pratiques frauduleuses et de favoriser de ce fait le maintien d’une industrie des courses de chevaux viable.

[7]L’ACPM n’exerce aucun pouvoir de réglementation sur les courses de chevaux; il s’agit d’une question du ressort provincial. Le rôle de l’ACPM concerne les paris et touche les courses dans la mesure nécessaire pour assurer un processus décisionnel équitable de sa part.

[8]Le pari est interdit par les articles 201 et 202 du Code criminel. Toutefois, le sous‑alinéa 204(1)c)(ii) prévoit une exemption au titre des paris faits par l’intermédiaire d’un système de pari mutuel, pourvu que les règlements soient respectés. L’alinéa 204(8)e) autorise le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimen-taire à régir la tenue de paris mutuels.

[9]Le Règlement oblige les propriétaires d’hippodromes, comme Sudbury Downs, à demander des permis, autorisations et approbations (les licences) afin de tenir différents types de paris. L’alinéa 90(1)d) du Règlement est ainsi libellé :

90. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), l’association qui entend tenir un pari inter‑hippodromes ou un pari séparé à son hippodrome, en tant qu’hippodrome hôte ou hippodrome satellite, est tenue :

[. . .]

d) à la date de la demande d’autorisation visée à l’alinéa b), d’avoir conclu, avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour elle et pour une période égale à celle du pari inter‑hippodromes ou du pari séparé proposé, une entente régissant le calendrier des courses sur lesquelles sera tenu le pari inter‑hippodromes ou le pari séparé et la répartition des revenus tirés de ces paris et de fournir la preuve de cette entente.

[10]Lorsqu’il demande une licence l’autorisant à tenir un pari inter‑hippodromes, l’hippodrome comme Sudbury Downs doit fournir la preuve d’une entente qu’il a conclue avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour lui pour la période de la licence proposée. Selon l’affidavit que M. Bell a déposé pour le compte de l’ACPM, l’entente doit démontrer simplement que les professionnels du cheval et l’hippodrome se sont entendus sur le calendrier des courses (le calendrier) et sur la répartition des revenus (la répartition) tirés des paris proposés. Cette entente sera appelée l’entente de licence temporaire.

[11]En pratique, en Ontario, la Commission des courses de l’Ontario fixe le calendrier. Cependant, depuis que le Règlement est entré en vigueur en 1991, ce sont les associations des professionnels du cheval qui ont négocié et signé les ententes de licence temporaire pour le compte desdits professionnels. L’expression « professionnels du cheval travaillant sous contrat » n’est pas définie, mais l’expression « professionnel du cheval » est définie comme suit à l’article 2 du Règlement :

2. [. . .]

« professionnel du cheval » Communément appelé homme de cheval, le professionnel du cheval s’entend de toute personne ou de tout groupement ou organisme qui a un intérêt dans le partage des bourses provenant de la retenue de l’association et l’établissement du calendrier des courses de l’association. La présente définition ne comprend pas le fonctionnaire désigné et les employés de l’association.

[12]La pratique de l’ACPM consistait à délivrer des licences valables pour une année civile; c’est pourquoi les ententes de licence temporaire étaient habituellement négociées et signées à la fin de l’automne. Pendant environ 24 ans avant l’année 1998, l’OHHA a conclu une série d’ententes de licence temporaire avec Sudbury Downs au sujet des conditions dans lesquelles se tiendraient les courses à cet hippodrome et de la façon dont les revenus seraient répartis. Cependant, en 1998, l’OHHA et Sudbury Downs n’ont pu en arriver à une entente et un certain nombre de professionnels du cheval du nord de l’Ontario ont formé la Northern Horsemen’s Association (la NHA).

[13]Le 24 juillet 1998, la NHA a conclu avec Sudbury Downs une entente de licence temporaire faisant état du calendrier et de la répartition des revenus et a continué à le faire pendant les années suivantes. L’ACPM a reconnu et continue à reconnaître les ententes ainsi intervenues entre Sudbury Downs et la NHA comme des accords qui sont conformes aux critères de la réglementation, parce qu’elles ont été signées par les professionnels du cheval et ont pour effet de fixer le calendrier et la répartition des revenus, comme l’exige l’alinéa 90(1)d) du Règlement.

[14]L’OHHA a négocié des ententes de licence temporaire concernant le calendrier et la répartition des revenus tirés du pari inter‑hippodromes proposé avec plusieurs associations de course de l’Ontario pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003. Ces associations comprennent Clinton Raceway Inc., Flamboro Downs Holdings Limited, Georgian Downs Limited, Hanover Raceway, Hiawatha Horse Park Inc., Kawartha Downs Limited, Kawartha Downs Raceway, Quinte Exhibition & Raceway (Belleville Raceway), Rideau Carleton Raceway Holdings Limited, Western Fair Association, Windsor Raceway Inc., Winrac Development Inc. (Dresden), Winrac Development Inc. (Woodstock), Woodbine Entertainment Group et Woolwich Agricultural Society.

[15]Sauf dans le cas de l’entente conclue avec Woodbine Entertainment Group, les ententes de licence temporaire prévoyaient que les associations de course désignées ne participeraient à aucune forme de pari inter‑hippodromes sans l’approbation de l’OHHA. L’entente conclue avec Woodbine Entertainment Group renferme une clause précise au sujet du pari inter‑hippodromes à Sudbury Downs.

[16]L’OHHA n’a pas approuvé la tenue d’un pari inter‑hippodromes à Sudbury Downs et aux autres hippodromes susmentionnés.

[17]Vers le 11 novembre 2002, Sudbury Downs a demandé à l’ACPM l’autorisation de tenir un pari inter‑hippodromes pour l’année 2003. Le 3 décembre 2002, l’ACPM a fait savoir à Sudbury Downs qu’elle ne pourrait approuver la demande de celle‑ci avant de recevoir d’elle une preuve d’une entente conclue avec ses professionnels du cheval conformément aux alinéas 85(4)f) [mod. par DORS/92-628, art. 2] et 90(1)d) du Règlement.

[18]Vers le 25 mars 2003, Sudbury Downs a fourni à l’ACPM une preuve de l’entente de licence temporaire qu’elle avait négociée avec la NHA à peu près à la même date. Cette entente comportait des clauses au sujet du calendrier et de la répartition des revenus. L’ACPM a également reçu des copies des ententes que Sudbury Downs a conclues avec les hippodromes hôtes avec lesquels elle entendait tenir un pari inter‑hippodromes.

[19]Dans une lettre datée du 26 mars 2003, l’OHHA a avisé l’ACPM que, conformément à ses ententes de licence temporaire, elle n’avait pas approuvé la tenue d’un pari inter‑hippodromes à Sudbury Downs et que, par conséquent, les accords intervenus entre l’OHHA et les associations de course ne s’appliquaient pas. L’OHHA a également informé l’ACPM que les exigences prévues au Règlement quant à la tenue d’un pari inter‑hippodromes n’avaient pas été respectées, parce que les professionnels du cheval sous contrat à chacune des associations de course ne s’étaient pas entendus avec Sudbury Downs au sujet du calendrier et de la répartition des revenus se rapportant au pari inter‑hippodromes pour l’année 2003.

[20]Vers le 26 mars 2003, l’ACPM a autorisé Sudbury Downs à tenir un pari inter‑hippodromes, un pari séparé, un pari séparé sur course à l’étranger et un pari inter‑hippodromes sur course à l’étranger avec différents hippodromes hôtes de l’ensemble de l’Ontario et d’ailleurs pour la période allant du 26 mars 2003 au 31 décembre 2003. Les hippodromes hôtes avec lesquels Sudbury Downs comptait tenir un pari inter‑ hippodromes avaient tous reçu les mêmes approbations à cet égard de l’ACPM. Après avoir reçu l’approbation de l’ACPM, Sudbury Downs a conclu des accords de paris visant des mises communes avec les hippodromes hôtes, qui ont accepté de transmettre par satellite le signal audiovisuel de certaines courses à Sudbury Downs afin de permettre la tenue d’un pari inter‑ hippodromes sur ces courses. Dans une lettre datée du 4 avril 2003, l’ACPM a avisé l’OHHA de sa décision d’approuver la tenue d’un pari inter‑hippodromes à Sudbury Downs.

QUESTIONS EN LITIGE

[21]La présente demande de contrôle judiciaire soulève quatre questions à trancher. Premièrement, l’OHHA a‑t‑elle la qualité voulue pour déposer la présente demande? Deuxièmement, quelle est la norme de contrôle applicable aux décisions de l’ACPM? Troisièmement, l’alinéa 90(1)d) du Règlement exige‑t‑il qu’avant que la tenue d’un pari inter‑hippodromes soit approuvée, l’hippodrome satellite et l’hippodrome hôte aient tous deux conclu des ententes de licence temporaire avec les professionnels du cheval sous contrat avec eux relativement au calendrier et à la répartition des revenus tirés du pari proposé? Quatrièmement, l’ACPM a‑t‑elle commis une erreur en autorisant Sudbury Downs à tenir un pari inter‑hippodromes conformément à l’alinéa 90(1)d) du Règlement?

COMMENTAIRES ET DÉCISION

i)              La norme de contrôle

[22]La demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable est la décision correcte, compte tenu des facteurs que la Cour suprême du Canada a énoncés dans Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226. Les facteurs à prendre en compte, d’une manière pragmatique et fonctionnelle, sont les suivants : le mécanisme d’appel ou de contrôle et l’existence d’une clause privative; l’expertise relative du tribunal; l’objet de la loi ou du règlement et, enfin, la nature de la question.

[23]De l’avis de la demanderesse, la question à trancher en l’espèce est principalement une question de droit, soit l’interprétation du Règlement et, en conséquence, il convient de faire preuve de moins de retenue à l’endroit de la décision de l’ACPM en raison de l’expertise relative de celle‑ci et de la nature de la question à trancher. L’importance de ces facteurs milite en faveur de l’application de la norme de retenue la moins élevée, soit la décision correcte.

[24]Pour sa part, l’ACPM fait valoir que la norme de contrôle appropriée est celle qui s’applique aux simples décisions discrétionnaires, c’est‑à‑dire la norme énoncée dans Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2. De l’avis de l’ACPM, la décision de délivrer l’approbation respectait toutes les exigences du Règlement et, par conséquent, le pouvoir discrétionnaire a été exercé en bonne et due forme pour une fin légitime, sans que des facteurs externes aient été pris en compte.

[25]Subsidiairement, l’ACPM fait valoir que, lors de l’analyse pragmatique et fonctionnelle décrite dans l’arrêt Dr Q une norme de contrôle intermédiaire devrait s’appliquer, soit la décision raisonnable simpliciter plutôt que la décision correcte.

[26]Sudbury Downs convient avec l’ACPM que la décision contestée est une décision assez discrétionnaire en vertu du Règlement. En conséquence, elle est susceptible de révision pour des motifs restreints, conformément aux arrêts Maple Lodge Farms Ltd. et Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231.

[27]À mon avis, la norme de contrôle applicable dépend de la question examinée. J’estime que la décision visée par la présente demande comporte deux aspects distincts à examiner : d’abord, la question de savoir si l’ACPM a bien interprété les exigences de l’alinéa 90(1)d) du Règlement et, en second lieu, la question de savoir si la décision sous examen est défendable, si nous supposons que l’interprétation était correcte.

[28]La première question, qui est de savoir si l’ACPM a bien interprété les exigences du Règlement, est une question d’interprétation législative et, de ce fait, une question de droit. La norme de contrôle applicable à cette question est la norme de la décision correcte. Après avoir appliqué la méthode de l’analyse pragmatique et fonctionnelle et les quatre facteurs contextuels qui la sous‑tendent, c’est‑à‑dire la présence ou l’absence d’une clause privative ou d’un droit d’appel prévu par la loi, l’expertise du tribunal par rapport à celle de la cour appelée à réviser la décision, l’objet de l’ensemble du texte législatif et de la disposition particulière en litige et, enfin, la nature de la question à trancher, j’en arrive aux conclusions suivantes.

[29]D’abord, le Règlement ne comporte aucune clause privative et ne prévoit aucun droit d’appel. En deuxième lieu, il n’est pas permis de dire que le direc-teur exécutif, en qualité de représentant du ministre, a une plus grande expertise que la Cour en matière d’interprétation législative. Cependant, l’expertise qu’il possède en matière d’administration, de gestion et de contrôle du pari mutuel ainsi que de politiques connexes mérite une grande retenue. En troisième lieu, l’objet du Règlement et de la disposition en cause consiste à accorder au directeur exécutif un pouvoir restreint en matière de réglementation des systèmes de pari mutuel relatifs aux courses de chevaux, lequel pouvoir se limite à assurer l’équité et à protéger les parieurs contre les pratiques frauduleuses. Par conséquent, le pouvoir conféré au directeur exécutif ne s’étend pas, en soi, à l’interprétation du mandat d’origine législative du ministre, qui est une question de droit. Enfin, la question à trancher est une question de nature juridique. Par conséquent, j’en arrive à la conclusion que la norme de contrôle applicable à la question est la décision correcte.

[30]En ce qui concerne l’examen de la décision de l’ACPM, ma conclusion est différente. Je ne suis pas convaincue que cette décision est une décision discrétionnaire, comme le soutiennent les défenderesses. Elle semble plutôt être une question mixte de faits et de droit, c’est‑à‑dire l’application des exigences législatives à la demande que Sudbury Downs a présentée en vue d’obtenir l’autorisation de tenir un pari inter‑ hippodromes. À mon sens, l’analyse de la norme de contrôle nécessite une plus grande retenue dans ce cas‑ci.

[31]L’expertise de l’ACPM concerne la réglemen-tation, notamment l’administration du pari mutuel sur les courses de chevaux conformément au Règlement. De plus, l’application de l’alinéa 90(1)d) du Règlement aux faits décrits dans la demande d’autorisation de Sudbury Downs à l’égard de la tenue d’un pari inter‑hippodromes soulève des questions mixtes de faits et de droit. Ces deux facteurs militent en faveur d’une plus grande retenue. En conséquence, la norme de retenue applicable à cette question est la décision raisonnable simpliciter.

ii)             L’interprétation de l’alinéa 90(1)d) du Règlement

[32]Les parties conviennent que la méthode d’interprétation législative qui prévaut est celle que préconise Driedger, selon laquelle [traduction] « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983), à la page 87. La Cour suprême du Canada a privilégié cette méthode d’interprétation législative dans de nombreux arrêts; voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 et Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] 1 R.C.S. 727.

[33]Lorsqu’elle interprète une disposition législative, la Cour doit se poser plusieurs questions. Elle doit d’abord examiner les mots en se demandant s’ils ont un sens clair et ordinaire ou s’il y a une ambiguïté ou un manque de clarté. En deuxième lieu, elle doit examiner le contexte de la loi ou du règlement, y compris l’historique de la disposition, l’esprit de la loi en question et son objet. Elle doit aussi tenir compte des considérations de politique du Parlement ou, lorsqu’il s’agit d’un règlement, du gouverneur en conseil.

[34]L’alinéa 90(1)d) du Règlement est ainsi libellé :

90. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), l’association qui entend tenir un pari inter‑hippodromes ou un pari séparé à son hippodrome, en tant qu’hippodrome hôte ou hippodrome satellite, est tenue :

[. . .]

d) à la date de la demande d’autorisation visée à l’alinéa b), d’avoir conclu, avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour elle et pour une période égale à celle du pari inter‑hippodromes ou du pari séparé proposé, une entente régissant le calendrier des courses sur lesquelles sera tenu le pari inter‑hippodromes ou le pari séparé et la répartition des revenus tirés de ces paris et de fournir la preuve de cette entente.

[35]Lorsque j’applique les principes pertinents d’interprétation des lois à cette disposition, je suis d’avis que l’association qui demande l’approbation relative à la tenue d’un pari inter‑hippodromes doit présenter l’entente de licence temporaire qu’elle a conclue avec les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour elle, laquelle entente comporte les détails relatifs au calendrier et à la répartition des revenus. Cette exigence semble être la même, que l’association des courses présente sa demande à titre d’hippodrome hôte ou d’hippodrome satellite.

[36]L’alinéa 90(1)c) [mod. par DORS/95-262, art. 5] exige également ce qui suit :

90. (1) [. . .]

(c) de fournir la preuve qu’elle a signé une entente avec une autre association pour la tenue d’un pari inter‑ hippodromes ou d’un pari séparé entre les hippodromes des deux associations, chacun servant d’hippodrome hôte ou d’hippodrome satellite, en indiquant :

(i) les dates et les courses en cause,

(ii) les types de pari qu’elle entend offrir,

(iii) les prélèvements prescrits à effectuer sur chaque poule que chaque association entend offrir,

(iv) la méthode de calcul que les associations entendent utiliser pour chacune des poules qui sont réunies;

[37]Selon cette disposition, une entente doit avoir été conclue entre les associations de courses, c’est‑à‑dire l’hippodrome hôte et l’hippodrome satellite, au sujet de la tenue d’un pari inter‑hippodromes. L’article 90(1)c) n’exige nullement qu’il y ait une entente entre les professionnels du cheval d’une association de courses et l’association de courses avec laquelle la première compte tenir un pari inter‑hippodromes, c’est‑à‑dire qu’il n’est pas obligatoire que les professionnels du cheval travaillant sous contrat pour l’hippodrome hôte consentent à la tenue d’un pari inter‑hippodromes avec un hippodrome satellite proposé. L’entente est conclue entre les associations et non entre les membres de celles‑ci.

[38]En ce qui concerne l’objet du Règlement, le paragraphe 204(9) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 47, art. 1; L.C. 1994, ch. 38, art. 25] du Code criminel prévoit ce qui suit :

204. [. . .]

(9) Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire peut prendre des règlements concernant_ :

a) la surveillance et la conduite de systèmes de pari mutuel en rapport avec les réunions de courses et la fixation des dates et des lieux où une association peut tenir de telles réunions;

b) le mode de calcul du montant payable pour chaque dollar parié;

c) la tenue de réunions de courses quant à la surveillance et la conduite de systèmes de pari mutuel, y compris les photos d’arrivée, le contrôle magnétoscopique et les analyses de liquides organiques prélevés sur des chevaux inscrits à une course lors de ces réunions et, dans le cas d’un cheval qui meurt pendant une course à laquelle il participe ou immédiatement avant ou après celle‑ci, l’analyse de tissus prélevés sur le cadavre;

d) l’interdiction, la restriction ou la réglementation_ :

(i) de la possession de drogues ou de médicaments ou de matériel utilisé pour administrer des drogues ou des médicaments aux hippodromes ou près de ceux‑ci,

(ii) de l’administration de drogues ou de médicaments à des chevaux qui participent à des courses lors d’une réunion de courses au cours de laquelle est utilisé un système de pari mutuel;

e) la fourniture, l’équipement et l’entretien de locaux, services ou autres installations pour la surveillance et la conduite convenables de systèmes de pari mutuel en rapport avec des réunions de courses par des associations tenant ces réunions ou par d’autres associations.

[39]Le texte des dispositions législatives habilitantes, soit les paragraphes 204(8) et (9) du Code criminel, confirme l’intention du Parlement d’assurer au moyen du Règlement une surveillance efficace et rentable du pari mutuel afin de protéger les parieurs contre les pratiques frauduleuses et de contribuer de ce fait à maintenir la viabilité de l’industrie des courses hippiques.

[40]Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) concernant les modifications apportées à l’alinéa 90(1)d) du Règlement en 1992 est joint en annexe « B » à l’affidavit que John Walzak a signé pour le compte de la demanderesse. Le Règlement modifié est décrit comme suit dans le REIR :

Les dispositions de ces exigences portent sur la conclusion d’ententes entre les associations de courses et leurs hommes de cheval à contrat lorsqu’elles font une demande de permis de pari mutuel [. . .]

Cette modification stipulait que toute association de courses était tenue de prouver qu’elle a conclu une entente avec ses hommes de cheval à contrat avant que la Division des hippodromes n’approuve le projet de pari en salle, inter‑hippodromes ou séparé. L’entente visait la planification des courses et la répartition des revenus tirés de ces types de pari.

iii)            L’ACPM a‑t‑elle commis une erreur en accordant une approbation à Sudbury Downs?

[41]Étant donné que j’ai conclu que l’ACPM a interprété correctement les exigences de l’alinéa 90(1)d) du Règlement, la prochaine question qui se pose est de savoir si elle a commis une erreur en accordant à Sudbury Downs l’approbation demandée.

[42]Il appert du dossier certifié que Sudbury Downs a fourni une copie d’une entente de licence temporaire conclue avec la NHA le 25 mars 2003, laquelle entente comporte des clauses concernant le calendrier des courses et la répartition des revenus. De plus, Sudbury Downs a remis des copies des ententes qu’elle avait conclues avec les hippodromes hôtes avec lesquels elle avait l’intention de tenir un pari inter‑hippodromes. Selon la preuve de la demanderesse, l’OHHA avait négocié des ententes de licence temporaire au sujet du calendrier des courses et de la répartition des revenus tirés du pari inter‑hippodromes proposé avec un certain nombre d’associations de courses de l’Ontario pour la saison de courses 2003.

[43]Cependant, la demanderesse a fait valoir que l’ACPM a commis une erreur en omettant de tenir compte de certains éléments de preuve qui, à son avis, sont pertinents, notamment le fait que les ententes de licence temporaire qui ont été négociées entre l’OHHA et les hippodromes hôtes comportaient des dispositions donnant à penser que celle‑ci devait approuver la tenue d’un pari inter‑hippodromes avant qu’un hippodrome hôte puisse participer. Cependant, même si cette preuve n’a pas été prise en compte, cela ne signifie pas que la décision finale qui a été rendue n’était pas raisonnable.

[44]Le respect d’une condition préalable à une entente de licence temporaire est une question que l’OHHA doit régler avec chacune des associations de courses avec lesquelles elle a signé une entente. Il s’agit d’un différend de nature contractuelle qui dépasse la portée du contrôle judiciaire et qui, par conséquent, ne concerne pas l’ACPM ou le public.

[45]À mon avis, l’approbation que l’ACPM a donnée à l’égard de la demande de Sudbury Downs en ce qui concerne la tenue d’un pari inter‑hippodromes est essentiellement un permis préliminaire. La condition évidente qui doit être remplie est la conclusion d’une entente entre l’hippodrome satellite, en l’occurrence, Sudbury Downs, et les hippodromes hôtes avec lesquels celui‑ci désire tenir le pari en question. C’est là une question que les hippodromes doivent régler entre eux. Il ne revient pas à l’ACPM de chercher à savoir si un hippodrome hôte donné respecte ou non ses obligations contractuelles envers ses professionnels du cheval lorsqu’il négocie une entente avec un hippodrome satellite en vue de la tenue d’un pari inter‑hippodromes. Je souligne que Sudbury Downs avait négocié des ententes avec d’autres hippodromes hôtes qui n’étaient pas affiliés avec l’OHHA. Refuser à Sudbury Downs un permis en raison d’un différend contractuel auquel elle n’est pas partie équivaudrait à nier la capacité qu’elle a de tenir un pari inter‑hippodromes avec d’autres hippodromes hôtes qui n’ont rien à voir avec le présent litige.

[46]Comme je l’ai mentionné plus haut, j’en suis arrivée à la conclusion que la norme de contrôle applicable à la décision de l’ACPM est la décision raisonnable simpliciter, étant donné que cette décision nécessitait l’examen par cet organisme d’une question mixte de faits et de droit. Lorsque j’applique cette norme, je ne suis pas convaincue que la décision de l’ACPM d’approuver la demande de Sudbury Downs en ce qui concerne la tenue d’un pari inter‑hippodromes n’est pas raisonnable.

iv)           La question de la qualité pour agir

[47]Enfin, il convient d’examiner la question de la qualité pour agir. La demanderesse a‑t‑elle la qualité voulue pour contester la décision de l’ACPM?

[48]Une partie demanderesse dispose de deux moyens pour prouver qu’elle a la qualité voulue pour présenter sa demande de contrôle judiciaire. Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales est ainsi libellé :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

[49]Cette disposition est suffisamment large pour permettre de reconnaître à la partie demanderesse la qualité pour agir, même si elle n’est pas directement touchée, lorsque le critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public est établi; voir Tribus Kwicksutaineuk/Ah‑kwa‑mish c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2003 CFPI 30.

[50]Étant donné que la demanderesse en l’espèce n’est pas le procureur général du Canada, la question est de savoir si elle peut être décrite comme « quiconque est directement touché » par l’approbation par l’ACPM de la tenue d’un pari inter‑hippodromes à Sudbury Downs. Dans la négative, peut‑elle prouver qu’elle a la qualité pour agir dans l’intérêt public?

[51]Même si la demanderesse affirme dans son avis de demande qu’elle représente ses membres dans le cadre des négociations concernant les bourses, les conditions des courses et toutes les questions touchant l’ensemble de l’industrie des courses de chevaux, c’est‑à‑dire les négociations avec les hippodromes, Standardbred Canada, la Commission des courses de l’Ontario ainsi que les gouvernements provinciaux et fédéral et leurs organismes, elle n’est pas le seul et unique représentant des professionnels du cheval. Elle ne possède aucun droit acquis l’autorisant à représenter tous les professionnels du cheval en Ontario, sans égard aux exigences réglementaires applicables.

[52]La décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire concernait une demande de la défenderesse Sudbury Downs en vue d’obtenir l’autorisation de tenir un pari inter‑hippodromes conformément à l’alinéa 90(1)d) du Règlement. Comme le montre l’entente de licence temporaire présentée à l’ACPM, les professionnels du cheval travaillant sous contrat avec Sudbury Downs étaient des professionnels du cheval représentés exclusivement par la NHA et non par la demanderesse. En conséquence, les parties touchées par la décision de l’ACPM comprendraient Sudbury Downs, la NHA et les associations de courses avec lesquelles Sudbury Downs a l’intention de tenir un pari inter‑hippodromes.

[53]Il n’y a donc aucun élément de preuve montrant l’existence d’un lien contractuel entre la demanderesse et Sudbury Downs. À mon avis, la demanderesse n’est concernée qu’indirectement par la décision de l’ACPM, laquelle crée simplement une situation qui pourrait, tôt ou tard, toucher la demanderesse. Au mieux, celle‑ci a un intérêt possible à l’égard du pari inter‑hippodromes qui aura lieu par suite de l’approbation donnée par l’ACPM quant à la tenue d’un pari inter‑hippodromes par Sudbury Downs avec des hippodromes hôtes, dont quelques‑uns ont négocié des ententes de licence temporaire avec ladite demanderesse.

[54]Cela étant dit, je suis d’avis que la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’elle‑même ou les professionnels du cheval qu’elle représente sont directement touchés par la décision d’accorder une licence à Sudbury Downs en vue de la tenue d’un pari inter‑hippodromes. L’analyse doit donc porter maintenant sur la question de savoir si la demanderesse a prouvé qu’elle possède la qualité pour agir dans l’intérêt public afin de présenter la demande dont je suis actuellement saisie.

[55]Dans Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, la Cour suprême du Canada a énoncé un critère tripartite concernant la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public. Selon ce critère, le demandeur doit prouver qu’une question sérieuse a été soulevée, qu’il a un intérêt véritable dans l’affaire et qu’il n’y a aucune autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour.

[56]Pour établir la gravité de la question soulevée, le demandeur qui agit dans l’intérêt public n’a pas à prouver que la présumée illégalité d’une décision ou d’un acte administratif lui a causé ou causera un préjudice, comme la Cour l’a souligné dans Kwicksutaineuk, mais celle‑ci doit tenir compte de la force générale de la demande aux fins de cette décision. Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.), la Cour a formulé les remarques suivantes au sujet de l’existence d’une question sérieuse au paragraphe 38 :

Selon un principe juridique qui semble maintenant établi, le caractère sérieux des questions que pose un demandeur agissant dans l’intérêt public comprend tant l’importance des questions soulevées que la probabilité que la demande soit accueillie. Étant donné la nature discrétionnaire de la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public et le souci de veiller à ce que les ressources publiques limitées ne soient pas dissipées et que d’autres parties n’aient pas à supporter des délais supplémentaires, il semblerait qu’il convienne de prendre en compte le bien‑fondé de la demande. [Citations omises.]

[57]Je ne suis pas convaincue que la présente demande soulève une question sérieuse à trancher. Tel qu’il est mentionné ci‑dessus, il semble qu’en réalité, la demanderesse demande à la Cour de donner effet à des obligations contractuelles qui la lient aux associations de courses avec lesquelles elle avait négocié des ententes de licence temporaire. La demanderesse soutient que ces ententes comportent une condition préalable selon laquelle avant de tenir un pari inter‑hippodromes avec un hippodrome satellite, l’hippodrome hôte doit d’abord avoir obtenu son consentement. Cependant, je ne vois pas le lien entre cette condition préalable et l’approbation que l’ACPM a donnée à Sudbury Downs en ce qui concerne la tenue d’un pari inter‑hippodromes.

[58]À mon avis, l’approbation que l’ACPM a donnée à ce stade‑ci est simplement une autorisation quant à la tenue d’un pari inter‑hippodromes. Selon une des conditions de cette approbation, un calendrier mensuel doit être remis à l’ACPM. De plus, une copie des ententes conclues entre les différents hippodromes satellites et l’hippodrome hôte doit avoir été versée au dossier avant le début du pari. En réalité, la demanderesse semble contester les ententes conclues entre Sudbury Downs et les différents hippodromes hôtes avec lesquels celle‑ci a négocié une entente de licence temporaire. Cette question ne relève pas du mandat dont l’ACPM est investie en vertu du Règlement.

[59]Dans la même veine, il faut répondre par la négative à la deuxième question, soit celle de savoir si la demanderesse a un intérêt véritable dans l’affaire. Il est indéniable que la demanderesse est touchée par l’approbation donnée à Sudbury Downs en vue de la tenue d’un pari inter‑hippodromes dans la mesure où quelques‑uns des hippodromes hôtes avec lesquels elle a une entente offriront des possibilités de pari inter‑ hippodromes à Sudbury Downs. Cependant, cela étant dit, il est possible de soutenir que l’effet pour la demanderesse est indirect plutôt que direct, et je suis convaincue que tel est le cas.

[60]La demanderesse semble appliquer son propre programme pour chercher à exclure les associations de courses qui ne l’utilisent pas comme représentant exclusif des professionnels du cheval sous contrat avec elle. Il n’a nullement été prouvé que l’approbation que l’ACPM a donnée à Sudbury Downs pour la tenue d’un pari inter‑hippodromes a causé ou causera un préjudice à la demanderesse. Effectivement, l’ACPM a donné à entendre que, du moins à court terme, la tenue d’un pari inter‑hippodromes générerait des recettes supplémen-taires à Sudbury Downs pour l’hippodrome et pour les professionnels du cheval ainsi que pour les hippodromes hôtes et pour les professionnels du cheval poursuivant des activités à ces hippodromes. M. Walzak, le témoin de la demanderesse, a admis ce fait en contre‑ interrogatoire :

[traduction]

Q.           Je vous demande de relire le paragraphe 12 de la page 3 de votre deuxième affidavit. Dites‑vous à cet endroit que vous admettez qu’à court terme, du moins, la tenue d’un pari inter‑hippodromes donnerait lieu à une hausse de revenus à Sudbury Downs pour l’hippodrome et pour les professionnels du cheval de cet hippodrome et ceux des hippodromes hôtes?

R.           C’est—c’est possible.

[61]Enfin, je suis d’avis qu’il existe une autre manière raisonnable et efficace de porter devant la Cour la décision de l’ACPM qui est en litige, c’est‑à‑dire par l’entremise d’une partie visée par la demande d’approbation, y compris la NHA, Sudbury Downs ou l’un des hippodromes hôtes avec lesquels celle‑ci a signé une entente en vue de la tenue d’un pari inter‑hippodromes. De plus, un professionnel du cheval qui n’est pas représenté par la NHA, mais qui a un intérêt à l’égard de la répartition des revenus et du calendrier des courses à Sudbury Downs, pourrait contester la décision de l’ACPM qui fait l’objet de la présente demande. La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’elle représentait ce professionnel du cheval.

[62]En bout de ligne, j’en arrive à la conclusion que la demanderesse n’a pas la qualité voulue pour déposer la présente demande de contrôle judiciaire. Cependant, en tout état de cause, comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai conclu à l’absence de raison justifiant l’intervention judiciaire à l’égard de la décision que l’ACPM a prise en l’espèce.

[63]La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

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