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A-407-04

2005 CAF 332

Albian Sands Energy Inc. et Jeff Stibbard (appelants/intimés en appel incident)

c.

Positive Attitude Safety System Inc., James S. Burns et Claire Burns (intimés/appelants en appel incident)

Répertorié : Positive Attitude Safety System Inc. c. Albian Sands Energy Inc. (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, Desjardins, Rothstein et Pelletier, J.C.A.--Vancouver, 14 avril; Ottawa, 17 octobre 2005.

Pratique -- Jugement sommaire -- Appel et appel incident d'une décision de la Cour fédérale accueillant partiellement une requête en jugement sommaire des appelants -- Les intimés avaient élaboré un système de sécurité industrielle (Positive Attitude Safety System ou PASS) et en concédaient des licences d'utilisation à des entreprises industrielles -- Les appelants avaient mis le PASS en oeuvre sans licence, puis avaient produit leur propre système de sécurité au travail (Albian Sands Environment and Safety System ou ASESS) -- Les intimés soutenaient que les appelants avaient fait passer leurs propres marchandises pour des documents PASS, en violation de l'art. 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce, et avaient porté atteinte à leur droit d'auteur -- Le juge des requêtes a conclu qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations invoquant l'art. 7b) et c), que les intimés détenaient un droit d'auteur valide qui avait été violé, sous réserve de la possibilité que les activités des appelants eussent été autorisées par une licence, et que les réunions quotidiennes en petit comité dans le cadre du PASS ne constituaient pas une exécution publique des documents protégés par le droit d'auteur -- La requête en jugement sommaire aurait dû être accueillie relativement aux allégations invoquant l'art. 7b) et c) -- Elle aurait dû l'être aussi à l'égard de l'allégation selon laquelle les appelants avaient porté atteinte au droit d'auteur des intimés en vendant, louant, ou mettant ou offrant en vente ou en location le PASS, étant donné que la requête des appelants avait cette allégation pour objet explicite et que le juge des requêtes avait conclu que les appelants n'avaient pas violé le droit d'auteur de cette façon -- La conclusion du juge des requêtes comme quoi le droit d'auteur avait été violé par la reproduction et la mise en circulation du PASS dépassait le cadre de la requête dont il était saisi, tout comme la question de la validité du droit d'auteur « en général » -- La Cour a annulé ces conclusions et a déféré au juge du fond la question de la violation du droit d'auteur -- La Cour n'a pas remis en cause la conclusion selon laquelle il n'y avait pas eu d'exécution publique des documents protégés par le droit d'auteur -- Appel accueilli et appel incident rejeté.

Droit d'auteur -- Violation -- Appel et appel incident de la décision d'une requête en jugement sommaire par laquelle le juge des requêtes avait conclu que les intimés détenaient un droit d'auteur valide, qui avait été violé, sous réserve de la possibilité que les activités des appelants eussent été autorisées par une licence -- Il faut établir l'absence de consentement pour prouver la violation -- Le juge des requêtes s'est donc trompé en ne déférant au juge du fond que la question de l'effet de la licence, alors qu'il ne pouvait décider la question de la violation sans aussi trancher celle dudit effet.

Marques de commerce -- Appel de la décision d'une requête en jugement sommaire par laquelle le juge des requêtes avait conclu à l'existence d'une véritable question litigieuse relativement aux allégations invoquant les art. 7b) (confusion) et 7c) (commercialisation trompeuse) de la Loi sur les marques de commerce -- La confusion découle de l'« emploi » d'une marque de commerce -- L'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises est subordonné au transfert de la propriété de celles-ci dans la pratique du commerce -- Les appelants ne pratiquaient pas le commerce relativement à l'ASESS (système écrit de sécurité au travail) -- Il ne pouvait donc y avoir eu violation de l'art. 7b) de la Loi -- L'art. 7c) de la Loi n'est d'application que s'il y a « activité commerciale » mettant en jeu des marques de commerce -- Comme il n'avait pas été avancé que les appelants eussent fourni des documents de l'ASESS à des personnes ayant demandé des documents du PASS (le système de sécurité industrielle des intimés), il n'y avait pas eu violation de l'art. 7c) de la Loi.

Il s'agissait d'un appel et d'un appel incident d'une décision de la Cour fédérale accueillant partiellement la requête en jugement sommaire formée par les appelants dans le cadre d'une action en commercialisation trompeuse et en violation de droit d'auteur intentée contre eux par les intimés.

Les intimés avaient élaboré un système de sécurité industrielle baptisé « Positive Attitude Safety System » ou « PASS » et en concédaient des licences d'utilisation à des entreprises industrielles. L'appelant Stibbard avait mis en oeuvre le PASS chez Albian Sands Energy Inc. sans y être autorisé par une licence. Albian a en fin de compte refusé de demander une licence d'utilisation du PASS, de sorte qu'a été élaboré à la place de ce dernier un système de sécurité au travail appelé « Albian Sands Environment and Safety System » ou « ASESS ». Ce système reproduisait des caractéristiques clés du PASS. PASS Inc. a intenté une action contre les appelants, soutenant qu'ils avaient fait passer leurs marchandises pour les siennes et avaient porté atteinte au droit d'auteur des intimés en vendant ou mettant en circulation les oeuvres sur lesquelles ils détenaient le droit d'auteur (c'est-à-dire les imprimés décrivant le PASS) et en les reproduisant sous le nom d'ASESS.

Les appelants ont réagi en formant une requête en jugement sommaire. Le juge des requêtes a conclu qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations invoquant les alinéas 7b) (confusion) et 7c) (commercia-lisation trompeuse) de la Loi sur les marques de commerce. Il a aussi conclu que les intimés détenaient un droit d'auteur valide sur le PASS, droit qui avait été violé, sous réserve cependant de la possibilité que les activités des appelants eussent été autorisées par une licence. Par ailleurs, le juge des requêtes a conclu que les réunions quotidiennes en petit comité que prévoit le PASS ne constituaient pas une exécution publique des documents protégés par le droit d'auteur. En fin de compte, le juge des requêtes a laissé au juge du fond le soin de trancher la question de savoir si l'ASESS était essentiellement une réplique du PASS.

Les appelants ont interjeté appel de la conclusion du juge des requêtes selon laquelle les intimés détenaient un droit d'auteur valide sur les documents PASS, droit qui aurait été violé, et de ses conclusions touchant les allégations formulées sous le régime de la Loi sur les marques de commerce. Les intimés, quant à eux, ont interjeté un appel incident de la conclusion selon laquelle il n'y aurait pas eu exécution publique des oeuvres protégées par le droit d'auteur.

Arrêt : l'appel doit être accueilli et l'appel incident doit être rejeté.

La confusion découle de l'emploi d'une marque de commerce. L'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises est subordonné au transfert de la propriété de celles-ci dans la pratique du commerce. Or, les appelants ne pratiquaient pas le commerce relativement à l'ASESS, et la question de la confusion ne pouvait aucunement se poser à l'égard du nom ASESS, considéré comme une marque de commerce. Par conséquent, il ne pouvait y avoir eu ni confusion ni contravention à l'alinéa 7b). L'absence d'activité commerciale portait aussi un coup fatal à la thèse de la commercialisation trompeuse invoquant l'alinéa 7c), puisqu'il ne peut y avoir violation de cet alinéa que dans le cadre d'une activité commerciale mettant en jeu des marques de commerce. Il n'avait pas été avancé que les appelants eussent fourni des documents ASESS à des personnes qui auraient commandé ou demandé des documents PASS. La thèse de la commercialisation trompeuse devait donc nécessairement être rejetée. On aurait dû rendre un jugement sommaire à l'égard de ces thèses (confusion et commercialisation trompeuse).

La requête en jugement sommaire des appelants avait pour objet explicite l'allégation selon laquelle ils auraient violé le droit d'auteur des intimés en vendant, louant, ou mettant ou offrant en vente ou en location le PASS des intimés. Le juge des requêtes a conclu expressément que les appelants n'avaient rien fait de tel. Les appelants avaient donc droit, sur cette question, au jugement sommaire qu'ils demandaient.

Le juge des requêtes n'était pas saisi de la question de la violation du droit d'auteur « en général ». Sa conclusion selon laquelle les appelants auraient porté atteinte au droit d'auteur des intimés en reproduisant et mettant en circulation le PASS, conclusion formulée sous réserve d'une décision touchant l'effet d'un accord de licence, dépassait donc le cadre de la requête dont il était saisi. Quoi qu'il en soit, pour établir la violation du droit d'auteur, il faut prouver l'absence de consentement. Le juge des requêtes ne pouvait conclure à une telle violation avant de constater que le titulaire du droit d'auteur n'avait pas consenti à l'activité en cause. Le juge des requêtes s'est trompé en déférant au juge du fond seulement la question de l'effet de la licence, plutôt que celle de la violation, car il n'était pas en mesure de trancher cette dernière sans décider aussi la question de l'effet de la licence. La Cour a annulé la conclusion du juge des requêtes établissant la violation du droit d'auteur et déféré au juge du fond la question de ladite violation.

La requête en jugement sommaire partiel des appelants n'avait pour objet que le rejet de l'allégation de violation du droit d'auteur par la vente, la location, ou la mise ou l'offre en vente ou en location. Le juge des requêtes a conclu qu'il n'y avait pas de faits à l'appui de cette allégation et il lui incombait donc de faire droit à la requête en jugement sommaire relativement à ladite allégation. Il n'était pas saisi de la question de la validité du droit d'auteur. La Cour a annulé la conclusion du juge des requêtes selon laquelle les intimés détenaient un droit d'auteur valide.

La Cour n'a pas remis en cause la conclusion du juge des requêtes selon laquelle il n'y avait pas eu exécution ou représentation publiques des documents protégés par le droit d'auteur.

lois et règlements cités

Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, art. 27(1) (mod. par L.C. 1997, ch. 24, art. 15).

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 4, 6(2),(3),(4),7.

APPEL et APPEL INCIDENT d'une décision de la Cour fédérale (2004 CF 1022) accueillant partiellement une requête en jugement sommaire formée par les appelants dans le cadre de l'action en commercialisation trompeuse et en violation de droit d'auteur intentée contre eux par les intimés. Appel accueilli et appel incident rejeté.

ont comparu :

Michael D. Manson et Nicholas H. Fyfe, c.r., pour les appelants.

Bruce M. Green pour les intimés.

avocats inscrits au dossier :

Smart & Biggar pour les appelants.

Oyen Wiggs Green & Mutala LLP pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Pelletier, J.C.A. :

INTRODUCTION

[1]Il s'agit d'un appel et d'un appel incident d'une décision de la Cour fédérale--publiée : 2004 CF 1022--, par laquelle a été rendu un jugement sommaire partiel dans une action en violation de droit d'auteur et en commercialisation trompeuse. Les deux parties soutiennent que la Cour a mal compris la nature des questions dont elle était saisie. Pour la commodité du lecteur, les parties seront ici désignées « appelants » ou « intimés » seulement par rapport à l'appel.

LES FAITS

[2]Les intimés, James S. et Claire Burns (les Burns) ont élaboré un système de sécurité industrielle qu'ils ont baptisé « Positive Attitude Safety System » ou « PASS ». Ils ont constitué la société intimée, Positive Attitude Safety System Inc. (PASS Inc.), et lui ont cédé la totalité de leurs droits de propriété intellectuelle sur ce système. Le système des intimés (le système PASS) consiste en un ensemble de documents écrits destinés à être utilisés par des travailleurs dans le cadre d'un programme permanent de sécurité professionnelle.

[3]Les intimés exploitent leurs droits de propriété intellectuelle en concédant des licences d'utilisation de leur système, qu'ils affirment être protégé par la législation sur le droit d'auteur et les marques de commerce. Ils ont conclu en 1996 un accord de licence avec BHP World Minerals, autorisant celle-ci à implanter leur système à la mine Cannington (BHP Cannington), en Australie. BHP Diamonds, filiale de BHP World Minerals, exploite une mine de diamants au Canada, la mine Ekati, que nous désignerons « BHP Ekati » dans le présent exposé.

[4]En juin 1997, l'appelant Jeff Stibbard (Stibbard), alors chef de l'exploitation minière à BHP Ekati, a visité la mine BHP Cannington, où il a pris connaissance du système PASS. Quelques mois plus tard, un cadre de BHP Cannington a remis un exemplaire du manuel PASS de Cannington à Stibbard. À la fin de 1997 et en 1998, Stibbard a implanté le système PASS à BHP Ekati, en reproduisant les documents PASS et en les mettant en circulation interne, sans obtenir de licence des intimés.

[5]En novembre 1998, BHP Diamonds a détaché Stibbard au projet de la rivière Muskeg, où il a mis en oeuvre le système PASS, utilisant des exemplaires de la documentation qu'il avait élaborée à BHP Ekati. En septembre 1999, BHP ayant mis fin à sa participation au projet de la rivière Muskeg, Stibbard a été engagé par Western Oil Sands Inc., membre de la coentreprise qui a poursuivi l'exploitation du gisement de Muskeg Lake sous la dénomination d'Albian Sands Energy Inc. (Albian). Albian est l'autre appelant dans la présente espèce.

[6]Après que Stibbard eut quitté BHP Ekati, son successeur, qui avait travaillé à BHP Cannington, a pris des mesures pour régulariser l'utilisation du système PASS. PASS Inc. a ainsi conclu le 3 mars 1999 avec BHP Diamonds un accord de licence applicable à la mine BHP Ekati et aux autres exploitations canadiennes de BHP Diamonds.

[7]Cependant, Albian et ses entrepreneurs ont continué d'utiliser le système PASS à l'exploitation de la rivière Muskeg en octobre et en novembre 1999 sans y être autorisés par une licence des intimés.

[8]Albian a en fin de compte refusé de demander une licence pour utiliser les documents PASS dans son exploitation, de sorte que Stibbard a élaboré avec d'autres un système de sécurité au travail qu'ils ont baptisé Albian Sands Environment and Safety System ou ASESS. Stibbard a admis qu'il avait les documents PASS sur son bureau lorsqu'il travaillait à l'élaboration de ce système. Celui-ci reproduisait des caractéristiques clés du système PASS.

[9]Un employé d'un entrepreneur de l'exploitation d'Albian, qui avait déjà travaillé à BHP Ekati et connaissait le PASS, a été initié à l'ASESS en mars 2000. Il a alors pensé que l'ASESS était en fait le PASS. Aux questions qu'il a posées à ce sujet, on a répondu que l'ASESS faisait l'objet d'une licence en bonne et due forme. Cependant, cet employé s'est plus tard mis en rapport avec Jim Burns, qui lui a dit que ce n'était pas le cas.

[10]En juin 2001, PASS Inc. a intenté la présente action contre Albian et Stibbard. PASS Inc. affirme être propriétaire des marques de commerce non déposées Positive Attitude Safety System et PASS. Elle soutient de plus que les imprimés qui décrivent son système et qui sont utilisés en liaison avec celui-ci font l'objet d'un droit d'auteur, dont elle est titulaire. PASS Inc. soutient en outre qu'Albian et Stibbard ont fait passer leurs marchandises pour les siennes, en violation des alinéas 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13. Elle affirme également qu'Albian et Stibbard ont violé son droit d'auteur en vendant ou mettant en circulation les oeuvres sur lesquelles elle détient le droit d'auteur et en les reproduisant sous le nom d'ASESS.

[11]Albian et Stibbard ont déposé une requête en jugement sommaire, par laquelle ils demandaient la réparation suivante :

[traduction]

Que la Cour rende sous le régime de l'article 216 des Règles un jugement sommaire rejetant :

a. l'allégation de commercialisation trompeuse formulée contre la société défenderesse Albian Sands Energy Inc. (Albian Sands) aux paragraphes 1 et 28 de la déclaration modifiée des demandeurs;

b. l'allégation de violation du droit d'auteur formulée par les demandeurs contre les défendeurs au motif que ceux-ci auraient vendu, loué, ou mis ou offert en vente ou en location les documents PASS ou une partie importante d'un ou plusieurs de ceux-ci, ainsi qu'il est affirmé aux paragraphes 1 et 27 de la déclaration modifiée des demandeurs;

c. l'allégation de violation du droit d'auteur formulée par les demandeurs contre les défendeurs au motif que ceux-ci auraient exécuté en public, ou fait exécuter en public par des employés d'Albian Sands, des parties importantes d'un ou plusieurs des documents PASS, ainsi qu'il est affirmé au paragraphe 1 et à l'alinéa 27d) de la déclaration modifiée des demandeurs;

d. l'allégation de violation du droit d'auteur formulée par les demandeurs relativement à l'un ou l'autre des documents suivants :

i. la formule de mesures quotidiennes ASESS,

ii. la formule de contrôle quotidien de la qualité ASESS,

iii. la formule de bilan quotidien ASESS,

iv. l'outil no 3 de santé et de sécurité au travail ASESS,

v. les tableaux de discussion en cercle ASESS,

vi. le manuel de sensibilisation générale aux risques d'Albian Sands.

[12]L'exposé des motifs du juge des requêtes porte que, en réponse à la requête en jugement sommaire des appelants, les intimés ont demandé une ordonnance rejetant celle-ci, ainsi qu'un jugement sommaire en leur faveur déclarant que les appelants avaient violé leur droit d'auteur sur le système PASS et qu'ils avaient enfreint les alinéas 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce. Le dossier d'appel ne contient pas de requête incidente en jugement sommaire des intimés, et le juge des requêtes ne déclare pas trancher une telle requête. J'en conclus que les intimés ont présenté leur demande d'ordonnance dans le contexte de la décision qu'ils sollicitaient touchant la requête des appelants.

LA DÉCISION FRAPPÉE D'APPEL

[13]Le juge des requêtes a commencé par présenter les questions en litige telles que les parties les définissaient, puis les a regroupées en une seule qu'il a énoncée comme suit : « Existe-t-il une véritable question litigieuse en ce qui concerne les prétentions et les moyens formulés par les parties dans la présente requête? »

[14]Après avoir passé en revue les dispositions législatives applicables et les prétentions des parties, le juge des requêtes a commencé son analyse par un examen de l'allégation de commercialisation trompeuse mise de l'avant sous le régime des alinéas 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce, que nous reproduisons ici :

7. Nul ne peut :

[. . .]

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

c) faire passer d'autres marchandises ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

[15]Le juge des requêtes a noté que n'étaient ni soulevée la question de savoir si « PASS » et « Positive Attitude Safety System » étaient effectivement des marques de commerce ni invoqué le fait qu'elles ne fussent pas déposées. Il a pris acte de l'aveu des appelants selon lequel ils avaient employé ces marques de commerce en octobre et en novembre 1999, à l'époque où le système PASS était utilisé sans licence dans l'exploitation d'Albian.

[16]Le juge des requêtes a conclu qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations invoquant l'article 7 de la Loi sur les marques de commerce. Il a noté le fait, reconnu par les appelants, que ces derniers avaient employé les marques de commerce PASS et Positive Attitude Safety System des intimés durant deux mois en 1999. De plus, il s'est demandé si la mise en circulation du système PASS sous le nom d'ASESS constituait une violation de l'alinéa 7b). Enfin, il a fait des remarques sur l'argument des appelants selon lequel ils ne pratiquaient pas le commerce des systèmes de sécurité.

[17]Touchant la question de la violation supposée du droit d'auteur, le juge des requêtes a d'abord fait observer que les appelants n'avaient mis en doute ni oralement ni par écrit la validité du droit d'auteur sur le système PASS. Il [au paragraphe 56], a noté qu'il était évident « que les [appelants] ont reproduit textuellement le système PASS et qu'ils l'ont distribué sous un autre nom pendant une période de deux mois à l'automne 1999 ». La preuve montrait en outre que l'intimé Stibbard avait reproduit le système PASS à la mine BHP Ekati, et l'avait mis en circulation parmi les employés et les entrepreneurs de cette mine, en 1997 et 1998. Les appelants faisaient valoir que cet emploi relevait en totalité ou en partie d'une licence concédée à BHP Diamonds par PASS Inc. Le juge a aussi fait état de l'intention des intimés de citer comme témoin au procès le cadre qui avait signé l'accord de licence au nom de BHP Diamonds, afin de réfuter l'allégation des appelants portant qu'ils détenaient des droits de licence.

[18]Le juge des requêtes a également cherché des éléments de preuve démontrant que « les défendeurs [les appelants en l'espèce] [avaient] vendu, loué ou mis ou offert en vente le système PASS ». N'en ayant pas trouvé, il a conclu que « les défendeurs n'[avaient] pas vendu, loué, exposé ou offert en vente ou en location le système PASS ou une partie importante de celui-ci » (paragraphe 60).

[19]Étant donné ses constatations relatives à la reproduction et à la mise en circulation du système PASS en octobre et en novembre 1999, le juge des requêtes a conclu qu'il y avait eu violation du droit d'auteur sur ce système, sous réserve cependant de la possibilité que les activités des appelants eussent été autorisées par une licence. Par ailleurs, il a conclu que les réunions en petit comité ou « caucus » quotidiens que prévoit le système PASS, où les travailleurs répondent à une série de questions préparées, ne constituaient pas une exécution publique des documents protégés par le droit d'auteur.

[20]Le juge des requêtes a ensuite examiné le point de savoir si le système ASESS est essentiellement une réplique du système PASS, de sorte que sa production et sa reproduction porteraient atteinte au droit d'auteur sur ce dernier. Il a conclu que le système PASS est une oeuvre originale témoignant au moins d'un degré minimal de talent, de jugement et de travail. Contraire-ment au système PASS, le système ASESS n'est pas selon lui une création indépendante. Il contient, écrit-il, des éléments « qui ne sont que des variantes des mêmes sujets abordés dans le système PASS tout en recourant à un vocabulaire et à une apparence similaires » (paragraphe 69).

[21]Le juge des requêtes a ensuite comparé diverses formules des deux systèmes et a conclu [au paragraphe 71] que le système ASESS contient « certains des éléments du système PASS ». Il a conclu en outre que le système ASESS « offre [. . .] une certaine ressemblance avec le système PASS, tant sur le plan de la quantité que sur celui de la qualité de la méthodologie » (paragraphe 71). En fin de compte, cependant, le juge des requêtes a laissé au juge du fond le soin de trancher la question de savoir si le système ASESS est essentiellement une réplique du système PASS. Il estimait que la Cour ne disposait pas de tous les éléments nécessaires, comme en témoignait l'intention des parties de citer des témoins. En outre, il a déclaré ne pas penser que les parties eussent « présenté en l'espèce toutes les règles juridiques de fond applicables à la question en litige » (paragraphe 74).

[22]Le juge des requêtes a conclu qu'il existait, relativement à la contrefaçon de marques de commerce, une véritable question litigieuse qu'il ne pouvait trancher. À propos du droit d'auteur, il a formulé les trois conclusions suivantes :

a) les intimés possédaient un droit d'auteur valide sur le système PASS;

b) il y a eu reproduction, mise en circulation et exposition préjudiciables des documents du système PASS, sous réserve du règlement de la question de la licence;

c) les appelants n'ont pas vendu, loué, ou mis ou offert en vente ou en location le système PASS.

[23]Le juge des requêtes a ensuite dressé une liste détaillée des questions à trancher selon lui par le juge du fond, dont bon nombre outrepassent le cadre des points soulevés dans la requête en jugement sommaire des appelants. En fin de compte, celle-ci a été accueillie en partie.

LES THÈSES DES PARTIES

[24]Les appelants, c'est-à-dire les requérants dans le cadre de la requête en jugement sommaire, ont interjeté appel de la conclusion du juge des requêtes selon laquelle les intimés détiendraient un droit d'auteur valide sur les documents PASS, au motif qu'il n'était pas saisi de cette question. Les appelants soutiennent également que le juge a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que toute contravention à l'alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce présuppose la substitution d'un produit à un autre et que, ne disposant d'aucun élément de preuve tendant à établir une telle substitution, il aurait dû rejeter l'allégation formulée par les intimés sous le régime de cette disposition de la Loi sur les marques de commerce. Enfin, les appelants font valoir que, s'il n'y a pas confusion découlant de l'emploi d'une marque dans la pratique normale du commerce, il n'est pas possible de conclure à la commercialisation trompeuse sous le régime de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, de sorte que le juge des requêtes aurait dû rejeter aussi cette allégation.

[25]Les intimés font valoir que la conclusion du juge des requêtes relativement à l'existence d'une véritable question litigieuse s'agissant de l'allégation de commercialisation trompeuse relève d'une appréciation discrétionnaire qui appelle un degré considérable de retenue. Ils soutiennent également que les appelants avancent un argument spécieux en posant que le juge n'était pas saisi de la question de la validité du droit d'auteur : il était saisi de la question de la violation de ce droit; or, il ne peut y avoir violation du droit d'auteur s'il n'y a pas de droit d'auteur valide.

[26]Pour ce qui concerne l'appel incident, les intimés PASS Inc. et les Burns contestent la conclusion du juge des requêtes voulant qu'il n'y ait pas eu exécution publique des oeuvres protégées par le droit d'auteur. Ils font valoir que les réunions quotidiennes en petit comité sur la sécurité constituaient une reproduction sonore des documents PASS, et donc une exécution. PASS Inc. et les Burns interjettent aussi appel incident de la conclusion du juge selon laquelle constitue une véritable question litigieuse le point de savoir si la licence concédée à BHP Diamonds s'appliquait à l'utilisation des documents PASS à l'exploitation de la rivière Muskeg en octobre et novembre 1999, puisque BHP Diamonds s'était alors déjà retirée du projet de la rivière Muskeg et que Stibbard n'était plus à son service.

[27]En réponse à l'appel incident, Albian et Stibbard soutiennent que, dans la mesure où les réunions quotidiennes en petit comité sur la sécurité comportent la discussion de certains organigrammes, les observations qui y sont formulées sont des réactions spontanées, non préparées, à ces documents, et non pas une exécution. En tout état de cause, font-ils valoir, les organigrammes constituent en quelque sorte un ensemble d'instructions; or, il ne peut y avoir de droit d'auteur sur une idée ou une série d'instructions.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[28]Pour des raisons qui apparaîtront plus loin, je préfère traiter dans l'ordre suivant les questions soulevées par les parties, plutôt que de me conformer à celui qu'elles ont adopté dans leurs mémoires :

1- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations de commercialisation trompeuse? (appel)

2- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations selon lesquelles les appelants auraient vendu, loué, ou mis ou offert en vente ou en location les documents PASS? (appel)

3- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu'il existait une véritable question litigieuse quant au point de savoir si l'utilisation par les appelants du système et des documents PASS était autorisée par une licence? (appel incident)

4- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant que les intimés détenaient un droit d'auteur valide alors qu'il n'était pas saisi de cette question? (appel)

5- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant que la réunion quotidienne sur la sécurité du système ASESS ne constituait pas une exécution publique de la réunion quotidienne sur la sécurité du système PASS? (appel incident)

ANALYSE

1- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations de commerciali-sation trompeuse?

[29]Le juge des requêtes a formulé certaines consta-tations et conclusions de fait touchant les rapports des appelants avec le système PASS. C'est ainsi qu'il a noté au paragraphe 50 de l'exposé de ses motifs que les appelants n'avaient admis avoir employé les marques de commerce de PASS Inc. qu'à l'interne. Plus loin, au paragraphe 58, il déclare qu'il n'a pu trouver aucun élément de preuve tendant à établir que les appelants auraient vendu, loué, ou offert en vente ou en location le système PASS; et il conclut au paragraphe 60 que les appelants n'ont vendu, loué, ou mis ou offert en vente ou en location ni le système PASS ni une partie importante de celui-ci.

[30]Pour établir la contravention à l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, il faut d'abord produire des éléments tendant à prouver l'existence ou la probabilité d'une confusion. La confusion, relativement aux marques de commerce, est définie au paragraphe 6(2) de la même Loi :

6. [. . .]

(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[31]La confusion découle de l'emploi d'une marque de commerce. L'« emploi » d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises est défini à l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[32]L'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises est donc subordonné au transfert de la propriété de celles-ci dans la pratique du commerce. Par conséquent, il ne peut y avoir confusion s'il n'y a pas transfert de marchandises dans la pratique du commerce. Or, les conclusions de fait du juge des requêtes touchant l'utilisation du système PASS par les appelants établissent qu'ils ne pratiquaient pas le commerce relativement à ce système. En outre, aucun élément du dossier ne donne à penser que l'emploi par les appelants du nom ASESS, considéré comme une marque de commerce, aurait créé tant soit peu de confusion avec les marques de commerce des intimés.

[33]On a donné à entendre que la similarité de contenu entre les systèmes ASESS et PASS créait de la confusion entre eux, mais la confusion, s'agissant du droit des marques de commerce, ne peut être établie qu'entre de telles marques, ou entre elles et des noms commerciaux; voir à ce sujet les paragraphes (2), (3) et (4) de l'article 6. Par conséquent, si les appelants ne pratiquaient pas le commerce du système PASS, et si la question de la confusion ne se pose pas à l'égard du nom ASESS considéré comme une marque de commerce, il ne peut y avoir eu ni confusion ni contravention à l'alinéa 7b).

[34]De même, la conclusion établissant l'absence de toute activité commerciale relativement au système PASS porte un coup fatal à la thèse de la commercialisation trompeuse invoquant l'alinéa 7c). Il ne peut y avoir violation de cet alinéa que dans le cadre d'une activité commerciale mettant en jeu des marques de commerce. Plus précisément, il doit y avoir substitution des marchandises ou des services d'un commerçant à « ceux qui sont commandés ou demandés ». Or, s'ils n'ont pas pratiqué le commerce des documents PASS, les appelants n'ont pu substituer leurs exemplaires « contrefaits » de ces documents à ceux qui étaient commandés ou demandés. Il n'a pas été avancé que les appelants auraient fourni des documents ASESS à des personnes qui auraient commandé ou demandé des documents PASS. Par conséquent, cette allégation ne peut être accueillie.

[35]Il s'ensuit que les conclusions du juge des requêtes touchant l'absence de toute activité commerciale signifiaient que les allégations fondées sur les alinéas 7b) et c) seraient nécessairement rejetées, de sorte qu'il aurait dû rendre un jugement sommaire en conséquence. J'accueillerais donc l'appel et rendrais, relativement à ces allégations, l'ordonnance que le juge des requêtes aurait dû rendre.

2- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu'il existait une véritable question litigieuse quant aux allégations selon lesquelles les appelants auraient vendu, loué, ou mis ou offert en vente ou en location les documents PASS?

[36]La requête en jugement sommaire des appelants énonçait en termes très précis la réparation demandée pour ce qui concerne le rejet de l'allégation de violation du droit d'auteur. Elle avait pour objet explicite l'allégation selon laquelle, parmi toutes les formes possibles de violation secondaire, les appelants auraient violé le droit d'auteur en vendant, louant, ou mettant ou offrant en vente ou en location le système PASS des intimés. Comme nous l'avons vu plus haut [au paragraphe 60], le juge des requêtes a conclu expressément « que les défendeurs [les appelants] [n'avaient] pas vendu, loué, exposé ou offert en vente ou en location le système PASS ou une partie importante de celui-ci ». Cette conclusion tranchait entièrement la question dont les appelants l'avaient saisi, de sorte qu'ils avaient droit, sur cette question, au jugement sommaire qu'ils demandaient.

3- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant qu'il existait une véritable question litigieuse quant au point de savoir si l'utilisation par les appelants du système et des documents PASS était autorisée par une licence?

[37]Les intimés font valoir qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant au point de savoir si l'utilisation par les appelants du système et des documents PASS était autorisée par une licence. La question de la licence découle des conclusions du juge des requêtes selon lesquelles les appelants auraient porté atteinte au droit d'auteur des intimés en reproduisant et mettant en circulation le système PASS à l'exploitation de la rivière Muskeg en octobre et novembre 1999, conclusions formulées sous réserve d'une décision touchant l'effet de l'accord de licence conclu entre PASS Inc. et BHP Diamonds. Le juge a aussi subordonné à la même réserve la décision à rendre sur la question de la violation du droit d'auteur dans d'autres circonstances.

[38]Il convient de noter une fois encore que le juge des requêtes était saisi d'une requête en jugement sommaire partiel touchant des questions très précises. Il n'était pas saisi de la question de la violation du droit d'auteur « en général ». Par conséquent, en entreprenant un tel examen, il outrepassait déjà le cadre de la requête sur laquelle il avait à statuer.

[39]Cependant, à supposer même que le juge des requêtes ait eu raison d'examiner la question, il reste que la violation du droit d'auteur se définit par l'absence de consentement du titulaire de ce droit :

27. (1) Constitue une violation du droit d'auteur l'accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte qu'en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d'accomplir. [Non souligné dans l'original.]

Par conséquent, pour établir la violation du droit d'auteur, il faut prouver l'absence de consentement. Il est donc illogique de conclure qu'il y a eu violation sous réserve de la détermination de l'effet d'une licence supposée. Il se peut qu'une partie ait fait quelque chose qui, selon la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42 [paragraphe 27(1) (mod. par L.C. 1997, ch. 24, art. 15)], n'est permis qu'au titulaire du droit d'auteur. Mais, avant que cette action puisse être définie comme une violation, le juge doit constater que le titulaire du droit d'auteur n'y a pas donné son consentement.

[40]Par conséquent, le juge des requêtes n'était pas en mesure de conclure, ainsi qu'il l'a fait, que les appelants ont violé le droit d'auteur des intimés sous réserve de la détermination de l'effet d'une licence supposée. La violation ne pouvait être établie avant qu'il ne fût répondu à la question du consentement.

[41]À considérer les choses sous cet aspect, le juge des requêtes n'a pas commis d'erreur en déférant au juge du fond la question de l'effet de la licence. S'il s'est trompé, c'est en lui déférant seulement cette question, plutôt que celle de la violation, car il n'était pas en mesure de trancher cette dernière sans décider aussi la question de l'effet de la licence. Étant donné que d'autres questions relatives à la violation restent à décider et que celle de l'effet de la licence se pose à propos de chacune d'elles (voir les paragraphes 59 et 60 de l'exposé des motifs du juge des requêtes), j'annulerais la conclusion du juge des requêtes établissant la violation du droit d'auteur et déférerais au juge du fond la question de ladite violation. Il s'ensuit que je rejetterais ce moyen de l'appel incident.

4- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant que les intimés détenaient un droit d'auteur valide alors qu'il n'était pas saisi de cette question?

[42]Les appelants soutiennent que, comme leur requête avait pour objet un jugement sommaire partiel, le juge des requêtes ne pouvait trancher que les questions soulevées dans leur avis de requête. Ils font valoir qu'ils mettaient en cause seulement les faits sur lesquels se fondait l'allégation de violation, de sorte que la question de la validité du droit d'auteur des intimés n'était pas à l'examen. Par conséquent, ils n'avaient présenté à la Cour ni leur preuve ni leurs moyens touchant cette question.

[43]Les intimés avancent quant à eux que, en mettant en cause la question de la violation du droit d'auteur, les appelants mettaient aussi en cause celle de la validité de ce droit, puisqu'il est bien évident qu'on ne peut violer qu'un droit d'auteur valide. Par conséquent, il était permis au juge des requêtes d'examiner la question de la validité, même si les appelants ne l'avaient pas explicitement soulevée dans leur avis de requête.

[44]Il importe de bien comprendre la portée restreinte de la requête en jugement sommaire partiel des appelants. Par cette requête, ils ne demandaient à la Cour que de rejeter, faute de faits à l'appui, l'allégation de violation du droit d'auteur par la vente, la location, ou la mise ou l'offre en vente ou en location. Or, le juge des requêtes a conclu qu'il n'y avait effectivement pas de faits à l'appui de cette allégation. Il lui incombait donc de faire droit à la requête en jugement sommaire relativement à cette allégation.

[45]Lorsqu'il s'est risqué à aborder la question de la validité du droit d'auteur, le juge des requêtes a mis les appelants dans une position intenable. Ils étaient les requérants, et ils n'avaient pas soulevé la question de la validité. Ils n'étaient pas venus pour soutenir l'invalidité du droit d'auteur des intimés et n'avaient donc pas prévu qu'ils devraient répondre à la thèse de sa validité. Il se peut que, dans une autre instance, un juge ait à se prononcer sur la validité du droit d'auteur pour trancher la question de la violation, mais étant donné les conclusions de fait du juge des requêtes et la réparation limitée demandée dans l'avis de requête, il n'appartenait pas à ce dernier juge de statuer sur la validité. En le faisant, il privait les appelants de la possibilité de présenter leurs moyens sur cette question.

[46]En conséquence, j'accueillerais l'appel et annulerais la conclusion du juge des requêtes selon laquelle les intimés possèdent un droit d'auteur valide.

5- Le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en concluant que la réunion quotidienne sur la sécurité du système ASESS ne constituait pas une exécution publique de la réunion quotidienne sur la sécurité du système PASS?

[47]Le juge des requêtes a statué que les réunions quotidiennes sur la sécurité ne constituaient pas une exécution ou une représentation au sens de la Loi sur le droit d'auteur et que, par conséquent, ces réunions ne pouvaient constituer une violation du droit d'auteur des intimés. Cette conclusion du juge des requêtes paraît fondée sur son interprétation selon laquelle, si les questions posées lors de ces réunions étaient « préparées », les réponses ne l'étaient pas, de sorte que la réunion, considérée dans son ensemble, était quelque chose d'autre que l'oeuvre protégée par le droit d'auteur. La jurisprudence à laquelle nous renvoie l'exposé des faits et du droit des intimés concerne l'exécution publique de conférences inédites, ce qui ne nous est d'aucun secours pour trancher cette question.

[48]Je ne vois aucune raison de mettre en cause la conclusion du juge des requêtes sur cet aspect de l'affaire. Ce motif de l'appel incident est donc rejeté.

OBSERVATIONS FINALES

[49]Pour conclure, l'appel devrait être accueilli avec dépens. Il y aurait lieu de rendre une ordonnance annulant la décision du juge de la Cour fédérale, rejetant les allégations formulées sous le régime de la Loi sur les marques de commerce aux alinéas 1d), 30c) et 30d) de la déclaration modifiée ainsi que l'allégation formulée aux sous-alinéas 1b)(ii) et (iii) et aux alinéas 27b) et d) de la déclaration modifiée, selon laquelle les appelants auraient violé le droit d'auteur des intimés en vendant, louant, ou mettant ou offrant en vente ou en location les oeuvres de ces derniers, ou encore en faisant exécuter publiquement ces oeuvres ou des parties importantes de celles-ci. Il y aurait enfin lieu de rendre une ordonnance annulant la conclusion selon laquelle les intimés posséderaient un droit d'auteur valide sur le système PASS.

[50]L'appel incident devrait être rejeté avec dépens.

La juge Desjardins, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Rothstein, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

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