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T‑1238‑04

2006 CF 28

Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) (demanderesse)

c.

Cano Tech Inc. (défenderesse)

Répertorié  : Société canadienne de perception de la copie privée c. Cano Tech Inc. (C.F.)

Cour fédérale, juge Mactavish—Toronto, 6 décembre 2005; Ottawa, 13 janvier 2006.

Droit d’auteur — Demande en vue d’obtenir le paiement de redevances dues par la défenderesse au titre des tarifs pour la copie privée (Tarifs) fixés conformément à la Loi sur le droit d’auteur — Les redevances sont imposées aux fabricants et aux importateurs de supports audio vierges vendus au Canada — Une exemption est possible pour ceux qui n’utilisent pas ces supports pour copier de la musique moyennant la conclusion d’une entente « à taux zéro » avec la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) — La défenderesse devait conclure une telle entente mais elle ne l’a pas fait — La SCPCP était disposée à renoncer aux redevances sur les supports vierges que la défenderesse disait avoir vendus à des consommateurs exemptés du paiement des redevances, sous réserve d’une vérification de ses dossiers — La vérification a soulevé des préoccupations importantes au sujet de la véracité des rapports fournis par la défenderesse à la SCPCP — Les négociations ont pris fin et la SCPCP a présenté la demande en cause en l’espèceLes dispositions des Tarifs relatives à la confidentialité n’ont pas été violées — Ces dispositions n’empêchent pas la SCPCP d’agir sur la foi des renseignements reçus — La SCPCP n’a pas fait preuve de mauvaise foi — La vérification était directement liée au défaut de payer et n’était pas invasive — Les dispositions des Tarifs relatives à la vérification n’excèdent pas les pouvoirs conférés par la Loi, la vérification constituant une modalité reliée aux redevances prescrite par la Commission conformément aux dispositions de l’art. 83(8)a)(ii) de la Loi — Demande accueillie.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Fouilles, perquisitions ou saisies abusives — La défenderesse fabrique, achète et vend des supports audio vierges — Une vérification a été effectuée pour vérifier l’exactitude des renseignements fournis à la SCPCP concernant les ventes de supports audio vierges qui auraient été exempts de redevances — Aucun mandat n’était nécessaire pour effectuer la vérification, l’attente en matière de vie privée étant atténuée dans le cadre d’un régime de réglementation — Les tarifs pour la copie privée prescrivant des conditions raisonnables à l’exercice du pouvoir de vérification, les vérifications ne constituaient pas une perquisition ou une saisie abusive — Le dépôt devant la Cour de la documentation saisie dans le cadre de la vérification ne viole pas l’art. 8 de la Charte, ces renseignements étant pertinents et n’ayant pas un caractère particulièrement sensible.

Il s’agissait d’une demande présentée par la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) en vue d’obtenir le paiement de redevances que lui devait la défenderesse Cano Tech Inc. Ces redevances, fixées chaque année par homologation d’un tarif pour la copie privée (les Tarifs) par la Commission du droit d’auteur du Canada (la Commission), conformément à la Partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur, sont imposées aux fabricants et aux importateurs de supports audio vierges vendus au Canada. La SCPCP est l’organisme désigné par la Commission pour percevoir les redevances et les répartir entre les sociétés de gestion admissibles, qui en font la redistribution aux titulaires de droits. Les fabricants et importateurs qui vendent des supports audio vierges à des groupes particuliers d’acheteurs ne s’en servant pas pour copier de la musique peuvent être exemptés du paiement des redevances. Pour bénéficier de ventes exonérées de redevances, il faut conclure une entente (dite entente à taux zéro) avec la SCPCP. En l’espèce, la défenderesse, qui fabrique, achète et vend des supports audio vierges n’a pas conclu d’entente avec la SCPCP. Après avoir été avisée par la SCPCP, la défenderesse a admis avoir vendu des cassettes audio vierges, mais n’a pas signalé avoir vendu d’autre forme de supports audio vierges. La SCPCP a entamé des discussions avec la défenderesse en vue d’arriver à un règlement. La SCPCP était disposée à renoncer aux redevances sur les supports vierges que la défenderesse disait avoir vendus à des consommateurs exemptés du paiement des redevances, à la condition qu’une vérification de ses dossiers soit effectuée en vue de contrôler la véracité des renseignements fournis à la SCPCP. La défenderesse a accepté cette offre et la vérification a commencé. La firme effectuant la vérification a découvert des renseignements indiquant, entre autres, que la défenderesse faisait également le commerce des disques audionumériques enregistrables (CD‑R) vierges, contrairement à ce qu’elle avait indiqué. Par suite des constatations de la firme de vérification, qui soulevaient des préoccupations importantes au sujet de l’exactitude des rapports fournis à la SCPCP par la défenderesse et de son manque de collaboration ultérieur (la firme n’a pas pu terminer la vérification), les négociations ont pris fin et la SCPCP a présenté la demande en cause en l’espèce.

Jugement : la demande doit être accuellie.

Aucun élément de preuve n’a permis d’établir qu’un des clients de la défenderesse ait jamais consenti à l’utilisation de l’information obtenue de celle‑ci. Les Tarifs contiennent certes des dispositions sur la confidentialité à l’égard des documents obtenus des fabricants ou des importateurs, mais elles n’empêchent pas la SCPCP d’agir sur la foi de ces renseignements. En l’espèce, la SCPCP n’a communiqué aucun renseignement reçu de la cliente quand elle a écrit à la défenderesse. La SCPCP a dit seulement qu’elle avait appris que la défenderesse importait et vendait des supports audio vierges. Il n’a pas été fait un usage irrégulier de ce renseignement. Il n’y a pas eu non plus mauvaise foi de la part de la SCPCP. Son offre de renoncer aux redevances exigibles et de permettre à la défenderesse de conclure rétroactivement une entente à taux zéro était la preuve d’une tentative de bonne foi de régler l’affaire. En ce qui concerne la vérification exigée par la SCPCP, elle était directement liée au manquement allégué de la défenderesse de verser les redevances applicables et elle n’était donc pas invasive.

Les dispositions des Tarifs relatives à la vérification n’excèdent pas les pouvoirs conférés par la Loi. Le sous‑alinéa 83(8)a)(ii) de la Loi habilite la Commission à établir les modalités afférentes aux redevances qu’elle estime appropriées. L’imposition du droit de l’organisme de perception de vérifier les renseignements fournis par les fabricants ou les importateurs de supports audio vierges, par la voie d’une vérification, constitue une modalité reliée aux redevances prescrite par la Commission conformément aux dispositions du sous‑alinéa 83(8)a)(ii) de la Loi. Ce pouvoir de vérification pouvait aussi être implicite. Dès lors que la Commission agit dans le cadre de son pouvoir de fixer une redevance, il s’ensuit qu’elle doit avoir l’autorité de prescrire la façon dont les sommes dues doivent être établies ou vérifiées.

Les dispositions des Tarifs relatives à la vérification ne violent pas l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il n’était pas nécessaire d’obtenir un mandat pour effectuer la vérification. S’agissant d’entreprises réglementées, telle l’entreprise de la défenderesse, l’attente raisonnable en matière de vie privée est atténuée par l’obligation de satisfaire au type d’inspections administratives qui sont partie intégrante des régimes de réglementation. En l’espèce, les Tarifs prescrivent des conditions raisonnables à l’exercice du pouvoir de vérification conféré à la SCPCP et, dans la mesure où elles sont correctement effectuées, ces vérifications ne constituent pas une perquisition ou une saisie abusive aux termes de l’article 8 de la Charte. Le dépôt devant la Cour de la documentation obtenue de la défenderesse et publiquement accessible ne viole pas non plus l’article 8 de la Charte. Les seuls documents déposés devant la Cour étaient ceux qui concernaient la demande de la SCPCP. Il s’agissait de registres commerciaux produits dans le cours d’une activité réglementée, et les renseignements qu’ils contenaient n’avaient pas un caractère particulièrement sensible.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 8.

Loi  de  l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

Loi du droit d’auteur, S.R.C. 1927, ch. 32.

Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C‑42, art. 34(4)c)(i) (mod. par L.C. 1997, ch. 24, art. 20), 82(1)b) (édicté, idem, art. 50), 83(8)a) (édicté, idem), d) (édicté, idem), 88(1) (édicté, idem), (2) (édicté, idem), (4) (édicté, idem).

jurisprudence citée

décision appliquée :

Maple Leaf Broadcasting v. C.A.P.A.C., [1954] R.C.S. 624.

décisions différenciées :

Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; Gernhart c. Canada, [2000] 2 C.F. 292 (C.A.).

décision examinée :

Société canadienne de perception de la copie privée c. Canadian Storage Media Alliance, [2005] 2 R.C.F. 655; 2005 CAF 424; autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2005] S.C.C.A. no 74 (QL).

décision citée :

R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.

doctrine citée

Hogg, Peter W. Constitutional law of Canada, loose‑leaf ed. Toronto : Carswell, 1992.

Tarif pour la copie privée, 2003‑2004, Gazette du Canada, Partie I, Suppl., vol. 136, no 10, 9 mars 2002.

DEMANDE présentée par la Société canadienne de perception de la copie privée en vue d’obtenir le recouvrement de redevances dues par la défenderesse sur l’importation et la vente de supports audio vierges, au titre des tarifs pour la copie privée fixées conformément à la Loi sur le droit d’auteur. Demande accueillie.

ont comparu  :

David R. Collier pour la demanderesse.

Orie H. Niedzviecki pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier  :

Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal, pour la demanderesse.

Ellyn‑Barristers, Toronto, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1]La juge Mactavish: La Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) fait la présente demande en vertu des dispositions du sous‑alinéa 34(4)c)(i) [mod. par L.C. 1997, ch. 24, art. 20] et du paragraphe 88(1) [édicté, idem, art. 50] de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C‑42, pour obtenir le paiement de 79 791,47 $ plus les intérêts, somme que lui devrait la défenderesse Cano Tech Inc. en vertu des tarifs pour la copie privée [les Tarifs]*. La somme faisant l’objet de la demande vise l’importation et la vente de supports audio vierges par Cano Tech entre 2000 et 2003.

[2]Cano Tech fait valoir qu’elle ne devrait pas être obligée de payer les redevances réclamées par la SCPCP du fait que la vente de ces articles n’aurait normalement pas été assujettie à la redevance. Selon Cano Tech, c’est par simple inadvertance qu’elle n’a pas rempli les documents nécessaires à l’intention de  la  SCPCP  pour que les ventes visées soient exonérées de redevances. De plus, dit Cano Tech, le comportement de la SCPCP dans sa vérification de Cano Tech, de même que dans la présente instance, est tel que la SCPCP ne devrait être autorisée à recouvrer aucune redevance impayée de Cano Tech.

 * Note de l’arrêtiste : Consulter la Gazette  du Canada, Partie I pour une liste complète des tarifs dont il est question.

[3]Cano Tech soutient également qu’au demeurant, les dispositions sur la vérification des tarifs pour la copie privée excèdent les pouvoirs conférés par la Loi sur le droit d’auteur et vont à l’encontre de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

Les Tarifs pour la copie privée

[4]Avant le 19 mars 1998, la copie non autorisée d’œuvres musicales, de prestations d’œuvres musicales et d’enregistrements sonores d’œuvres musicales (désignés collectivement sous l’expression « musique enregistrée »), pour un usage privé, constituait une violation du droit d’auteur.

[5]En raison de la difficulté de faire respecter ces droits, le Parlement a adopté la partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur [L.C. 1997, ch. 24, art. 50], qui prévoit que la reproduction de la musique enregistrée pour un usage privé ne constitue plus une violation du droit d’auteur.

[6]Simultanément, la Loi a été modifiée pour créer un régime destiné à fournir aux titulaires de droits une rémunération équitable par l’imposition d’un tarif ou d’une redevance aux fabricants et aux importateurs de supports audio vierges vendus au Canada. Comme la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans l’arrêt Société canadienne de perception de la copie privée c. Canadian Storage Media Alliance, [2005] 2 R.C.F. 655, autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée [2005] S.C.C.A. no 74 (QL), la redevance a été instituée pour venir en aide aux créateurs et aux entreprises culturelles, en créant un équilibre entre les droits des créateurs et ceux des utilisateurs (au paragraphe 51).

[7]Le tarif de la redevance est fixé chaque année par homologation d’un tarif pour la copie privée par la Commission du droit d’auteur du Canada, conformément à la partie VIII de la Loi. Depuis décembre 1999, la Commission a homologué quatre tarifs déterminant les supports audio vierges qui sont assujettis à des redevances, les montants des redevances ainsi que les modalités et conditions applicables au paiement des redevances.

[8]La SCPCP est une société sans capital‑actions et sans but lucratif, dont les membres sont les sociétés de gestion qui exercent le droit à rémunération sur la copie à usage privé pour le compte des titulaires de droits. La SCPCP a été désignée par la Commission du droit d’auteur du Canada comme l’organisme de perception, conformément à l’alinéa 83(8)d) [édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 50] de la Loi.

[9]Les redevances perçues par la SCPCP sont ensuite réparties entre les sociétés de gestion admissibles, qui en font la redistribution aux titulaires de droits.

[10]Selon les dispositions de la Loi sur le droit d’auteur et des tarifs pour la copie privée, les fabricants et les importateurs de supports audio vierges sont tenus de suivre les activités de vente et d’en faire rapport à la SCPCP. Ils doivent également tenir des registres à partir desquels la SCPCP peut rapidement établir, par une vérification, les sommes à payer. Les Tarifs emportent également obligation pour les fabricants et les importateurs de payer des intérêts sur les sommes en souffrance dues à la SCPCP.

Le programme du taux zéro

[11]En raison des objections soulevées par certaines entreprises et certains établissements, la SCPCP a créé un programme en vertu duquel elle peut convenir volon-tairement de supprimer la perception des redevances de certains fabricants et importateurs autorisés qui vendent des supports audio vierges à des groupes particuliers d’acheteurs, notamment les tribunaux, les organismes d’application de la loi, les établissements religieux et les établissements d’enseignement, qui ne se servent pas des supports pour copier de la musique. Ce programme s’appelle le « programme du taux zéro ».

[12]Pour être en mesure de bénéficier de ventes exonérées de redevances, les acheteurs et les entreprises admissibles qui leur vendent des supports audio vierges doivent passer des « ententes à taux zéro » avec la SCPCP. Seuls les distributeurs qui ont conclu des ententes à taux zéro avec la SCPCP sont autorisés à effectuer des ventes exonérées de redevances en vertu du programme du taux zéro.

[13]Les ententes à taux zéro prescrivent un certain nombre d’obligations aux distributeurs de supports audio vierges, notamment l’obligation de suivre les détails de chaque vente exemptée de redevance et de faire rapport de ces ventes à la SCPCP conformément à l’échéancier figurant au tarif applicable. Ces rapports sont soumis à la vérification de la SCPCP dans le cadre du processus de vérification.

Les faits à l’origine de la demande

[14]Cano Tech Inc. est une petite société ontarienne dont le président est Rajabali Khoja. L’activité principale de Cano Tech est la distribution d’accessoires destinés aux cassettes vidéo et audio, comme des étuis, des étiquettes et des enveloppes. Mais elle fabrique aussi des cassettes vidéo et audio, qui sont en général de très courte durée et préenregistrées. En outre, l’entreprise achète et vend des supports audio vierges.

[15]Il est établi que Cano Tech n’a jamais passé d’entente à taux zéro avec la SCPCP et que la SCPCP n’a jamais renoncé à son droit de percevoir des redevances de Cano Tech sur ses ventes de supports audio vierges.

[16]Cano Tech a attiré l’attention de la SCPCP par la voie d’un rapport déposé par l’un des clients canadiens de Cano Tech, société qui sera désignée dans la présente décision comme « VVW ». Ce rapport indiquait que VVW avait acheté des supports audio vierges de Cano Tech.

[17]VVW est inscrite au programme du taux zéro de la SCPCP.

[18]Le 13 mai 2003, la SCPCP a envoyé à Cano Tech une lettre l’avisant qu’elle avait eu connaissance du fait que, en tant que fabricant ou importateur de supports audio vierges, Cano Tech n’avait pas fait rapport de son activité de vente et n’avait pas versé les redevances prévues aux Tarifs. La lettre demandait en outre à Cano Tech de présenter tous les rapports et paiements en souffrance, rétroactivement au mois de décembre 1999, moment de prise d’effet du premier tarif.

[19]Par une lettre datée du 28 mai 2003, Cano Tech a répondu à la SCPCP. Elle lui a fourni un rapport de ses  ventes  pour la période visée et joint un chèque de 2 928,29 $,  montant des redevances dues à l’égard de 10 732 cassettes audio vierges vendues par Cano Tech au cours de cette période. Cano Tech concédait que ces activités de ventes tombaient dans le champ d’applica-tion des Tarifs.

[20]Cano Tech indiquait également à la SCPCP qu’elle s’efforçait de ne pas vendre de matériel à des clients assujettis aux Tarifs. La société reconnaissait avoir vendu quelque 285 968 cassettes audio vierges supplémentaires d’une durée de 60 ou 90 minutes au cours de la période faisant l’objet de l’examen, mais elle prétendait que ces ventes avaient été faites à des clients exonérés du paiement des redevances.

[21]Cano Tech n’a pas signalé avoir vendu d’autre forme de supports audio vierges à ce moment.

[22]La SCPCP a répondu à Cano Tech par une lettre en date du 9 juin 2003, faisant observer que Cano Tech n’était pas autorisée à aliéner des supports audio vierges à un taux zéro, n’ayant pas d’abord obtenu l’autorisation de la SCPCP. La SCPCP a noté également que cela entraînait que 285 968 cassettes audio vierges, que Cano Tech avait indiqué avoir vendues à taux zéro, étaient en réalité assujetties à la redevance. Étaient jointes une facture de 79 781,47 $, représentant les redevances impayées, ainsi qu’une facture supplémentaire de 285,39 $ pour les intérêts sur le paiement déjà fait.

[23]M. Khoja a confirmé en contre‑interrogatoire qu’il connaissait le régime des redevances depuis au moins 2000, mais il a également déclaré qu’il croyait que comme il fournissait des supports audio vierges à des acheteurs bénéficiant du taux zéro, l’entreprise n’avait pas à se soucier de la redevance.

[24]M. Khoja affirme que ce n’est qu’au moment où Cano Tech a reçu la lettre de la SCPCP de mai 2003 qu’il a appris l’obligation de Cano Tech de faire rapport à la SCPCP et de tenir des registres à son intention. S’il avait su que Cano Tech était tenue de passer une entente à taux zéro avec la SCPCP, M. Khoja dit que sa société l’aurait fait, puisque c’était une chose relativement facile à faire.

[25]Il ressort aussi clairement du témoignage de M. Khoja que, malgré le fait qu’il connaissait le régime des redevances, il ne s’est jamais informé ou n’a jamais pris aucune mesure de diligence pour s’assurer que son entreprise s’acquitte de ses obligations en vertu des Tarifs.

Les discussions de règlement

[26]Au départ, la SCPCP était disposée à en arriver à un règlement avec Cano Tech sur la base du paiement par Cano Tech de la somme de 285,39 $, qui représentait les intérêts échus sur le paiement de 2 928,29 $ déjà fait par la société. À l’époque, la SCPCP était disposée à radier le paiement de 79 781,47 $ des redevances en souffrance touchant la vente des 285 968 autres cassettes audio vierges et à procéder avec effet rétroactif à l’inscription de Cano Tech à titre de vendeur à taux zéro. Cette offre a été présentée, sous réserve toutefois de la réalisation d’une vérification des dossiers de Cano Tech visant à contrôler la véracité des renseignements fournis à la SCPCP par M. Khoja.

[27]Dans une lettre en date du 22 janvier 2004, la SCPCP a confirmé que Cano Tech consentait à régler l’affaire sur la base de cette proposition. Cano Tech a été informée que le cabinet Gottschalk Forensic Accounting and Valuations Inc. avait été engagé par la SCPCP pour effectuer la vérification. La lettre avisait aussi M. Khoja que les dossiers à mettre à la disposition des vérificateurs étaient notamment les documents relatifs aux ventes et aux achats, les registres des stocks (avec l’accès matériel à ces stocks), la liste des emplacements, les dossiers bancaires, les grands livres généraux, les états financiers et tous les registres, états et pièces comptables tenus par la société.

[28]La lettre du 22 janvier 2004 mentionnait que la vérification prendrait de un à deux jours et proposait diverses dates. Il a par la suite été convenu entre la SCPCP et M. Khoja que la vérification commencerait le 9 février 2004.

[29]La lettre d’instructions de la SCPCP au cabinet Gottschalk demandait notamment aux vérificateurs de vérifier que les seuls supports audio vierges fabriqués et vendus par Cano Tech étaient les cassettes audio d’une durée de 60 ou 90 minutes mentionnées dans les rapports de Cano Tech du 9 juin 2003.

[30]M. Khoja témoigne au contraire que le seul objet de la vérification était de vérifier la véracité des chiffres des ventes de cassettes audio fournis à la SCPCP au nom de Cano Tech.

[31]Je n’accepte pas le témoignage de M. Khoja sur ce point. La lettre de la SCPCP du 22 janvier 2004 précise clairement que le vérificateur entendait examiner un large éventail des registres de Cano Tech. Rien dans la lettre ne limite les documents demandés aux documents relatifs à la fabrication, à l’importation ou à la vente des cassettes audio. De plus, il va de soi que pour vérifier si toutes les opérations potentiellement assujetties à des redevances avaient été déclarées, la SCPCP devait vérifier que Cano Tech n’importait ou ne fabriquait pas d’autre type de support audio vierge faisant l’objet de redevances. En réalité, sans ces renseignements, il aurait été impossible de vérifier la véracité des rapports fournis par Cano Tech.

La vérification des registres de Cano Tech

[32]Le 9 février 2004, M. Gottschalk, président de Gottschalk Forensic Accounting and Valuations Inc., s’est présenté dans les locaux de Cano Tech à Mississauga pour commencer la vérification des registres de Cano Tech. M. Khoja était présent et a d’abord aidé M. Gottschalk en répondant aux questions de ce dernier et en faisant des copies de certains documents, comme le demandait M. Gottschalk.

[33]M. Gottschalk avait aussi apporté un appareil photo dans les locaux de Cano Tech. Toutefois, rien dans  la  preuve  n’établit  que  cet appareil ait été utilisé.

[34]Selon M. Gottschalk, alors qu’au départ M. Khoja s’était montré très coopératif, son attitude s’est modifiée lorsque M. Gottschalk a commencé à découvrir des renseignements indiquant que Cano Tech faisait le commerce des disques audionumériques enregistrables (CD‑R) vierges. Non seulement ces CD‑R n’avaient pas été déclarés à la SCPCP, mais aux dires de M. Gottschalk, M. Khoja lui avait expressément dit plus tôt ce jour‑là que Cano Tech ne faisait pas le commerce des CD‑R.

[35]Selon M. Gottschalk, quand il a commencé à découvrir des éléments indiquant que Cano Tech se livrait au commerce des CD‑R, M. Khoja a dit [traduction] « Vous m’avez eu! Vous savez ce que vous faites. » M. Khoja ne nie pas avoir fait cette déclaration.

[36]M. Khoja avait d’abord dit à M. Gottschalk que la société achetait de faibles quantités de CD‑R de détaillants locaux, mais il n’a été en mesure de produire aucun reçu l’attestant. De plus, au fur et à mesure de son enquête, M. Gottschalk a découvert que Cano Tech achetait en réalité de grandes quantités de CD‑R auprès d’une société canadienne à dénomination numérique, encore que la source réelle de ces achats demeure relativement obscure.

[37]M. Khoja ne dément pas avoir dit à M. Gottschalk que Cano Tech ne faisait pas le commerce des CD‑R. Toutefois, sa position est que la SCPCP n’était autorisée à vérifier ses registres que dans la mesure où ils concernaient la fabrication et la vente de cassettes audio. Selon M. Khoja, le vérificateur de la SCPCP n’avait pas le droit de lui poser des questions sur d’autres types de supports audio vierges.

[38]M. Khoja dit que c’est seulement au moment où il a réalisé que M. Gottschalk allait au‑delà de ce qu’il dit avoir été la portée de la vérification convenue qu’il est devenu contrarié et qu’il a retiré son consentement au processus.

[39]Comme je l’ai noté précédemment, je n’accepte pas le témoignage de M. Khoja sur ce point et je conclus que M. Khoja avait initialement consenti à la vérification de toutes les ventes de Cano Tech, de manière à pouvoir contrôler que toutes les ventes assujetties aux redevances avaient été déclarées à la SCPCP.

[40]M. Gottschalk dit que lorsqu’il s’est rendu compte que Cano Tech faisait aussi le commerce des CD‑R, il a demandé à M. Khoja de lui fournir un consentement écrit autorisant la SCPCP à communiquer avec le fournisseur de Cano Tech pour vérifier les renseignements relatifs aux achats de Cano Tech. M. Khoja a refusé de fournir ce consentement, ce qu’il était d’ailleurs parfaitement en droit de faire.

[41]M. Gottschalk dit également qu’il a demandé à M. Khoja de produire des éléments de preuve attestant que les CD‑R achetés par Cano Tech étaient achetés au Canada, et de ce fait exonérés de la redevance. Selon M. Gottschalk, c’est à ce moment que M. Khoja a cessé de coopérer.

[42]À la fin de la journée, M. Gottschalk a informé M. Khoja qu’il n’avait pas terminé sa vérification et qu’il devrait revenir le lendemain. M. Khoja a avisé M. Gottschalk que cela ne lui convenait pas et on semble avoir convenu que M. Gottschalk reviendrait chez Cano Tech à une date naturellement acceptable.

[43]Le 1er mars 2004, la SCPCP a écrit à M. Khoja, lui indiquant que la vérification de M. Gottschalk avait soulevé des préoccupations importantes, en particulier à l’égard de l’achat et de la vente de CD‑R par Cano Tech. La SCPCP exprimait aussi des inquiétudes au sujet de la vente alléguée de supports VHS d’une durée de 74 et de 80 minutes par Cano Tech, l’enquête de la SCPCP ayant révélé de manière évidente qu’on ne produisait pas de bandes VHS de cette durée.

[44]Les bandes vidéo ne sont pas assujetties aux redevances aux termes des Tarifs pour la copie privée.

[45]La SCPCP a également avisé Cano Tech qu’elle recevrait bientôt une lettre de M. Gottschalk identifiant les documents supplémentaires dont il avait besoin pour parachever sa vérification. Cano Tech a aussi été informée que la SCPCP ne serait pas en mesure de régler l’affaire de manière définitive avant que les questions en suspens soient réglées.

[46]Le 3 mars 2004, M. Gottschalk a écrit à M. Khoja, lui demandant de lui fournir divers documents touchant l’achat et la vente de CD‑R par Cano Tech ainsi que des renseignements sur la vente de supports VHS de 74 et 80 minutes, et de confirmer qu’il s’agissait des durées européennes normalisées pour les supports VHS, comme l’avait prétendu M. Khoja. Il demandait aussi à Cano Tech de fournir des détails sur les paiements faits par la société à la société de change Cambridge Mercantile. M. Gottschalk a informé M. Khoja qu’il devait terminer sa vérification pour le 19 mars 2004. Par conséquent, M. Gottschalk demandait que les documents soient produits au plus tard le 12 mars 2004.

[47]Cano Tech n’a jamais produit les documents demandés par M. Gottschalk. Au lieu de le faire, M. Khoja a écrit à la SCPCP le 10 mars 2004 pour se plaindre que M. Gottschalk avait pris, sans son consentement, des copies de registres commerciaux confidentiels appartenant à Cano Tech.

[48]M. Khoja reconnaît qu’il a lui‑même fait les copies des documents visés à la demande de M. Gottschalk, mais il dit n’avoir jamais consenti à ce que les documents soient sortis des locaux de Cano Tech.

[49]Étant donné que M. Gottschalk avait les documents originaux sous les yeux quand il a demandé d’en faire des copies, pourquoi donc aurait‑il voulu des copies de ces documents sinon pour les garder dans ses dossiers? Dans les circonstances, je conclus que la prétention de M. Khoja selon laquelle il n’a pas consenti à la sortie des documents manque de franchise.

[50]De plus, M. Khoja a affirmé dans sa lettre que la vérification constituait une perquisition illégale et une faute professionnelle de la part de M. Gottschalk. Selon M. Khoja, M. Gottschalk lui a dit que l’objet de la vérification était de trouver la source des supports d’enregistrement vierges de Cano Tech pour qu’il puisse obtenir de la SCPCP d’autres contrats de vérification de ces sociétés, ce qui garantirait à son cabinet un flux régulier de clientèle.

[51]M. Gottschalk nie avec véhémence avoir jamais dit une telle chose. J’estime hautement invraisemblable qu’un professionnel comme M. Gottschalk communique à un parfait étranger que l’objet principal de sa vérification pour un client était d’obtenir d’autres affaires pour son entreprise. Sur ce point, je privilégie donc le témoignage de M. Gottschalk sur celui de M. Khoja et je conclus que M. Gottschalk n’a jamais fait cette déclaration.

[52]En fait, cette déclaration et d’autres affirmations de M. Khoja, dont il a été établi qu’un certain nombre étaient fausses, m’amènent à conclure que sur les points où le témoignage de M. Khoja contredit celui de M. Gottschalk, je privilégie le témoignage de M. Gottschalk.

[53]M. Khoja a conclu sa lettre du 10 mars en déclarant que Cano Tech ne fabriquait pas ou n’importait pas de CD‑R, mais les achetait de fournisseurs locaux en vue de la revente. M. Khoja a reconnu que Cano Tech fabriquait des cassettes VHS de durée spéciale.

[54]En contre‑interrogatoire, M. Khoja a déclaré qu’il n’avait pas fourni les documents demandés dans la lettre du 3 mars de M. Gottschalk parce qu’il n’avait pas le sentiment que le vérificateur avait le droit d’apporter des copies des documents hors des locaux de Cano Tech, pour des raisons de confidentialité. Comme je l’ai noté précédemment, je conclus que l’acte de copier les documents à l’intention de M. Gottschalk établit clairement que M. Khoja avait implicitement consenti à ce qu’il reste en possession des documents.

[55]M. Khoja a également déclaré qu’il craignait que la SCPCP échange des renseignements obtenus de Cano Tech avec des tiers. Cano Tech a décrit depuis la vérification comme une « recherche à l’aveuglette » destinée à recueillir des éléments de preuve utilisables contre des tiers. À ce sujet, Cano Tech signale une lettre écrite par la SCPCP à l’un des fournisseurs de Cano Tech, quatre jours seulement après la vérification, avisant le fournisseur que la SCPCP avait appris que l’entreprise importait et vendait des supports audio vierges. La lettre exigeait que l’entreprise fournisse tous les rapports en retard et paiements en souffrance à la SCPCP.

[56]Je rejette l’argument de Cano Tech selon lequel la vérification de la SCPCP était une recherche à l’aveuglette. Comme elle l’a reconnu dans ses propres rapports, Cano Tech a fabriqué et vendu pendant des années des supports audio vierges visés par les redevances, sans déclarer ces ventes à la SCPCP et sans payer les redevances nécessaires. Au surplus, Cano Tech n’a reconnu l’existence de ces ventes qu’au moment où la SCPCP lui a expressément demandé de le faire.

[57]Sachant que Cano Tech ne s’était pas acquittée de ses obligations au titre des Tarifs pour la copie privée, la SCPCP était néanmoins disposée à régler avec Cano Tech, sous réserve d’avoir la conviction que Cano Tech avait déclaré de manière exhaustive et honnête ses ventes assujetties aux redevances. Je suis persuadée que tel était l’objet de la vérification et qu’elle ne pouvait aucunement être considérée comme une recherche à l’aveuglette.

Le rapport de vérification

[58]M. Gottschalk a présenté son rapport le 19 avril 2004, sans avoir reçu aucun des documents demandés à Cano Tech. Dans son rapport, il indiquait qu’un grand nombre des documents usuels qu’il lui fallait pour vérifier la véracité des rapports présentés par Cano Tech n’avaient pas été mis à sa disposition rapidement au cours de sa visite dans les locaux de la société le 9 février 2004, notamment le journal des paiements.

[59]Bien qu’il n’ait pas été en mesure d’achever la vérification, les renseignements qu’il a pu obtenir de Cano Tech ont fait naître chez M. Gottschalk de graves doutes au sujet de la véracité des rapports que la société avait fournis à la SCPCP. Comme je l’ai déjà mention-né, M. Gottschalk a expliqué en contre‑interrogatoire que M. Khoja avait d’abord prétendu que Cano Tech ne faisait pas du tout le commerce des CD‑R, mais qu’une fois qu’il avait commencé à produire des éléments de preuve établissant l’existence d’opérations sur des CD‑R, M. Khoja avait modifié sa version des faits, déclarant que Cano Tech se livrait effectivement au commerce des CD‑R, mais en faible volume.

[60]Comme M. Gottschalk l’a noté, les factures trouvées dans les locaux de Cano Tech portaient sur des centaines de milliers de CD‑R, ce qui peut difficilement être considéré comme un faible volume, surtout pour une société de cette taille.

[61]Le rapport de M. Gottschalk indiquait plus loin que, même si les CD‑R semblaient avoir été achetés auprès d’une société à dénomination numérique au Canada, il craignait qu’ils aient été en fait expédiés à Cano Tech directement des États‑Unis. De plus, dans un cas au moins, le paiement des CD‑R a été fait à Cambridge Mercantile aux États‑Unis plutôt qu’à la société à dénomination numérique canadienne. Ce fait soulevait des questions sur l’identité véritable de l’importateur des CD‑R.

[62]M. Gottschalk a noté ensuite que M. Khoja avait donné des renseignements contradictoires sur les types de bandes VHS dont Cano Tech s’occupait. En outre, M. Gottschalk a fait observer que dans un cas, un bon de commande faisait mention de bandes VHS alors que le connaissement relatif à la même opération, semblait‑il, mentionnait des CD‑R. Par conséquent, on pouvait craindre que des importations de CD‑R visées par des redevances aient été dissimulées sous forme d’importations de VHS en franchise de redevances.

[63]Cano Tech continue de nier qu’elle ait jamais importé de CD‑R vierges au Canada ou contrefait des importations de CD‑R en bandes vidéo exonérées de redevances. Toutefois, elle n’a produit aucun registre commercial attestant ces déclarations et le contre‑ interrogatoire de M. Khoja sur son affidavit soulève de graves questions sur la véracité de sa prétention.

[64]Devant l’incapacité de mener à terme la vérification de Cano Tech, les négociations sur un règlement entre la SCPCP et Cano Tech ont pris fin et la SCPCP a présenté la présente demande pour faire respecter ses droits en vertu des Tarifs pour la copie privée.

Les questions soulevées

[65]Cano Tech soulève diverses questions dans sa réponse à la demande de la SCPCP. Dans son mémoire des faits et du droit, elle a fait valoir que les Tarifs pour la copie privée étaient inconstitutionnels car ils constituaient une taxe illicite. Cependant, par suite de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Société canadienne de perception de la copie privée c. Canadian Storage Media Alliance, cet argument est maintenant abandonné.

[66]Les questions soulevées par Cano Tech qui restent à régler sont donc les suivantes :

1. La SCPCP a‑t‑elle le droit de recouvrer de Cano Tech les redevances impayées de 79 791,47 $, plus les intérêts?

2. Les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée excèdent‑elles les pouvoirs conférés par la Loi sur le droit d’auteur?

3. Les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée violent‑elles l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés?

4. La SCPCP a‑t‑elle porté atteinte aux droits de Cano Tech en vertu de l’article 8 de la Charte en versant des documents pris chez Cano Tech au dossier de la Cour, où ils deviennent accessibles au public?

La SCPCP a‑t‑elle le droit de se faire rembourser par Cano Tech les redevances impayées?

[67]Cano Tech dit que la SCPCP a commencé à s’intéresser à elle par suite de renseignements obtenus de VVW, l’un de clients de Cano Tech. Cano Tech fait référence à l’article 10 des divers Tarifs, qui prévoit que la SCPCP doit respecter la confidentialité de tous les documents qu’elle obtient des fabricants ou des importateurs, à moins que ces derniers ne consentent par écrit à ce que les renseignements soient traités d’une autre manière.

[68]Aucun élément de preuve n’établit devant la Cour que VVW ait jamais consenti à l’utilisation de l’information obtenue d’elle dans la présente instance.

[69]Cano Tech soutient que l’enquête de la SCPCP était donc fondée sur un usage irrégulier des renseignements obtenus de VVW. Par conséquent, dit‑elle, la présente demande devrait être rejetée. À titre subsidiaire et au minimum, tous les éléments de preuve obtenus de VVW, et par la suite de Cano Tech, devraient être radiés du dossier.

[70]Je ne partage pas cette opinion.

[71]En l’espèce, les renseignements obtenus de VVW portent que cette société avait acheté des supports audio vierges de Cano Tech. Suivant l’article 10 du Tarif pertinent, ces renseignements sont confidentiels. Par conséquent, la SCPCP n’aurait pas le droit de communiquer à d’autres personnes d’où proviennent les supports audio vierges achetés par VVW.

[72]Cela dit, je n’interprète pas les dispositions sur la confidentialité des Tarifs pour la copie privée comme empêchant la SCPCP d’agir sur la foi de renseignements qu’elle reçoit de sociétés qui font leur déclaration.

[73]En l’espèce, la SCPCP n’a communiqué aucun renseignement reçu de VVW quand elle a écrit à Cano Tech. Elle a dit seulement qu’elle avait appris que Cano Tech importait et vendait des supports audio vierges.

[74]Par conséquent, je ne suis pas persuadée qu’il y a eu un comportement irrégulier de la SCPCP à cet égard qui justifierait soit le rejet sommaire de la demande, soit l’exclusion des éléments de preuve obtenus de Cano Tech.

[75]Cano Tech soutient plus loin que la SCPCP a agi de mauvaise foi quand elle a insisté sur le paiement de redevances qui auraient autrement été exonérées en vertu du programme de taux zéro, du fait que Cano Tech, par inadvertance, n’avait pas déposé les documents nécessaires.

[76]Selon Cano Tech, la SCPCP a continué d’agir de mauvaise foi en retirant son offre de règlement à moins que Cano Tech ne consente à la poursuite d’une vérification invasive qui avait peu à voir avec son omission alléguée de verser les redevances pertinentes. Dans ces circonstances, dit Cano Tech, la SCPCP devrait être empêchée d’exiger le paiement en rapport avec tout article qui ne ferait pas l’objet d’une redevance en vertu du programme du taux zéro.

[77]Sur ce point, Cano Tech s’appuie sur le paragraphe 88(2) [édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 50] de la Loi sur le droit d’auteur, qui prévoit :

88. [. . .]

(2) En cas de non‑paiement des redevances prévues par la présente partie, le tribunal compétent peut condamner le défaillant à payer à l’organisme de perception jusqu’au quintuple du montant de ces redevances et ce dernier les répartit conformément à l’article 84.

[. . .]

(4) Lorsqu’il rend une décision relativement au paragraphe (2), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

a) la bonne ou mauvaise foi du défaillant;

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci;

c) la nécessité de créer un effet dissuasif en ce qui touche le non‑paiement des redevances. [Non souligné dans l’original.]

[78]Je n’accepte pas l’argument de Cano Tech sur ce point. Je ne suis saisie d’aucun élément de preuve qui établisse quelque mauvaise foi de la part de la SCPCP. Ayant négligé ou omis de passer une entente à taux zéro avec la SCPCP, Cano Tech était tenue de verser des redevances sur les supports audio vierges qu’elle fabriquait ou importait. Le fait que Cano Tech n’était pas au courant de ses obligations à cet égard, comme elle l’allègue, ne constitue pas une défense.

[79]Il me semble que loin d’être de mauvaise foi, l’offre de la SCPCP de renoncer aux redevances exigibles et de permettre à Cano Tech de passer une entente à taux zéro avec effet rétroactif constitue la preuve d’une tentative de bonne foi de régler l’affaire. Dans les circonstances, l’imposition d’une condition de règlement permettant à la SCPCP de vérifier la véracité des renseignements fournis par Cano Tech me semble tout à fait équitable et raisonnable, comme en témoigne l’acceptation initiale de cette condition par Cano Tech.

[80]En vérité, s’il y a eu mauvaise foi en l’espèce, c’est de la part de Cano Tech.

[81]Vu sous son jour le plus favorable, le propre témoignage de M. Khoja indique un manque de diligence flagrant de sa part pour déterminer la nature des obligations de sa société aux termes des Tarifs pour la copie privée. Cela dit, les éléments de preuve dont je suis saisie jettent un doute important sur la véracité de la prétention de M. Khoja selon laquelle il ne connaissait pas les obligations de sa société en cette matière.

[82]M. Khoja a admis avoir été au courant du programme des redevances depuis des années. L’enquête de M. Gottschalk a mis au jour des éléments de preuve incitant fortement à penser que des opérations assujetties à des redevances étaient dissimulées dans les registres de Cano Tech en opérations exonérées de redevances. Cela indique donc plutôt la connaissance de l’obligation de verser des redevances sur les opérations visées et l’intention d’éviter le paiement.

[83]En réalité, selon le témoignage non contredit de M. Gottschalk, au moment où il a révélé des éléments de preuve établissant que Cano Tech faisait effectivement le commerce des CD‑R, M. Khoja a dit : [traduction] «Vous m’avez eu! »

[84]Je ne suis pas non plus d’accord avec Cano Tech pour dire qu’il s’agissait d’une vérification invasive ayant peu à voir avec le manquement allégué de verser les redevances applicables. L’objet de la vérification était de contrôler que Cano Tech avait exhaustivement et correctement déclaré toutes les opérations faisant l’objet de redevances au sujet de l’importation et de la vente de supports audio vierges. Cela était directement lié à son manquement allégué de payer les redevances applicables.

[85]Par conséquent, sous réserve des autres argu-ments avancés par Cano Tech, je suis persuadée que la SCPCP a le droit de recouvrer de l’entreprise les redevances impayées de 79 791,47 $, plus les intérêts.

Les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée excèdent‑elles les pouvoirs conférés par la Loi sur le droit d’auteur?

[86]Cano Tech soutient également que les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée excèdent les pouvoirs conférés par la Loi sur le droit d’auteur et que, par conséquent, tous les éléments de preuve obtenus par la SCPCP du fait de la vérification doivent être déclarés inadmissibles et radiés du dossier.

[87]À ce sujet, Cano Tech souligne que la Loi sur le droit d’auteur ne contient aucune disposition qui conférerait un pouvoir de vérification relatif à la redevance sur la copie privée. Les dispositions sur la vérification figurent seulement dans les Tarifs.

[88]Par exemple, le Tarif de 2003 [Tarif pour la copie privée, 2003-2004, Gazette du Canada, Partie I, Suppl. vol. 136, no 10, 9 mars 2002] prévoit :

9. (1) Le fabricant ou importateur tient et conserve pendant une période de six ans les registres permettant à la SCPCP de déterminer facilement les montants exigibles et les renseignements qui doivent être fournis en vertu du présent tarif.

(2) La SCPCP peut vérifier ces registres à tout moment durant les heures régulières de bureau et moyennant un préavis raisonnable.

[89]Si je comprends bien son argument, Cano Tech dit que la vérification du 9 février 2004, qui visait à obtenir un accès inconditionnel à l’ensemble de ses registres et de ses stocks, est allée au‑delà de la vérification des registres et largement excédé les dispositions habilitantes de la Loi sur le droit d’auteur. Selon Cano Tech, la prétendue vérification était en fait une perquisition à grande échelle des locaux de Cano Tech.

[90]En outre, dit Cano Tech, en photocopiant et en prenant de nombreux documents, sans son consente-ment, la SCPCP a illégalement saisi ses biens.

[91]Par conséquent, Cano Tech affirme que les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée excèdent les pouvoirs conférés à la SCPCP par la Loi sur le droit d’auteur et devraient être radiées. Cano Tech fait aussi valoir que tous les éléments de preuve issus de la vérification devraient être déclarés inadmissibles et radiés du dossier.

[92]Je n’accepte pas ces arguments.

[93]Pour établir si les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée excèdent les pouvoirs conférés par la Loi sur le droit d’auteur, il faut commencer par examiner les dispositions pertinentes de la loi habilitante.

[94]L’alinéa 82(1)b) [édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 50] de la Loi sur le droit d’auteur prescrit à tout fabricant ou importateur de supports audio vierges d’établir des états de compte et de les communiquer à l’organisme de perception, en l’occurrence la SCPCP.

[95]La Loi sur le droit d’auteur confère aussi certains pouvoirs à la Commission du droit d’auteur du Canada à l’égard de l’établissement des Tarifs pour la copie privée. À cet égard, le sous‑alinéa 83(8)a)(ii) [édicté, idem] habilite la Commission à établir les modalités afférentes aux redevances qu’elle estime appropriées.

[96]L’imposition du droit de l’organisme de perception de vérifier les renseignements fournis par les fabricants ou les importateurs de supports audio vierges, par la voie d’une vérification, constitue une modalité reliée aux redevances prescrite par la Commission conformément aux dispositions du sous‑alinéa 83(8)a)(ii) de la Loi sur le droit d’auteur. Par conséquent, cette disposition sur la vérification n’excède pas les pouvoirs attribués par la Loi.

[97]À vrai dire, étant donné que le régime de redevances est fondé sur l’auto‑cotisation et l’auto‑ déclaration des renseignements nécessaires au calcul des redevances selon le Tarif, l’efficacité du régime commande qu’il y a ait certains moyens de vérifier l’exactitude et l’exhaustivité des renseignements communiqués.

[98]Il faut noter que même en l’absence des dispositions spécifiques du sous‑alinéa 83(8)a)(ii) de la Loi sur le droit d’auteur, il existe un pouvoir implicite de vérifier les rapports fournis dans le cadre du régime tarifaire.

[99]À ce sujet, il convient de renvoyer à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Maple Leaf Broadcasting Ltd. v. C.A.P.A.C., [1954] R.C.S. 624. Dans cet arrêt, la Cour a noté que même si la Loi du droit d’auteur [S.R.C. 1927, ch. 32], dans sa version de l’époque, ne conférait pas expressément un pouvoir de vérification à la Commission du droit d’auteur, dès que la Commission agit en fonction de son pouvoir de fixer une redevance (ce qui est sans conteste le cas en l’espèce), il s’ensuit qu’elle doit avoir l’autorité de prescrire la façon dont les sommes dues doivent être établies ou vérifiées.

[100]Par conséquent, je suis persuadée que les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée n’excèdent pas les pouvoirs conférés par la Loi sur le droit d’auteur.

[101]En me fondant sur le récit des événements du 9 février 2004 fait par M. Gottschalk, je suis également convaincue qu’il n’a pas outrepassé la vérification des registres de Cano Tech reliés à l’importation ou à la fabrication et à la vente de supports audio vierges.

[102]Pour les motifs exposés précédemment, je suis aussi persuadée qu’il n’y a pas eu de saisie des documents de Cano Tech et que les photocopies des documents qui ont été apportées hors des locaux de l’entreprise l’ont été à la connaissance et avec le consentement implicite de M. Khoja.

Les dispositions sur la vérification des Tarifs pour la copie privée violent‑elles l’article 8 de la Charte?

[103]Cano Tech soutient que la vérification de ses registres par la SCPCP était essentiellement une perquisition sans mandat. Se fondant sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, Cano Tech dit que cette perquisition sans mandat sera considérée comme abusive. Selon Cano Tech, il devrait incomber à la SCPCP d’établir qu’il n’était pas faisable ou nécessaire d’obtenir une autorisation judiciaire préalable pour cette perquisition.

[104]Par conséquent, dit Cano Tech, cette perquisition viole l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que « [c]hacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives ».

[105]Il faut noter que l’affaire Southam concernait une procédure quasi criminelle alors que la présente affaire concerne un régime réglementaire ou administratif, qui ne peut entraîner l’imposition de sanctions pénales. L’affaire Southam se distingue donc de l’espèce sur le plan des faits.

[106]Dans un contexte criminel ou quasi criminel, un mandat est exigé avant la perquisition ou la saisie pour assurer la protection de l’attente raisonnable de la personne en matière de vie privée. Il n’y a pas d’attente raisonnable en matière de vie privée dans le contexte d’un régime réglementaire : R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, aux paragraphes 27 et 31.

[107]Comme le note Peter Hogg, s’agissant des entreprises réglementées, l’attente en matière de vie privée est atténuée par l’obligation de satisfaire au type d’inspections administratives qui sont partie intégrante des régimes de réglementation. En d’autres termes, l’attente en matière de vie privée d’un propriétaire doit s’adapter aux prescriptions du régime : Constitutional Law of Canada, édition à feuilles mobiles (Toronto : Carswell), aux pages 45‑31 et 45‑32.

[108]En l’espèce, les Tarifs pour la copie privée prescrivent des conditions raisonnables à l’exercice du pouvoir de vérification conféré à la SCPCP. Ils prévoient que les vérifications s’effectuent sur préavis raisonnable et dans les heures de bureau normales. Dans ces circonstances, je suis persuadée que dans la mesure où elles sont correctement effectuées, les vérifications de la SCPCP ne constituent pas une perquisition et une saisie aux termes de l’article 8 de la Charte.

[109]De plus, pour les motifs déjà énoncés, j’ai la conviction qu’en l’espèce Cano Tech a consenti à la vérification de ses registres le 9 février 2004 et qu’en outre M. Khoja a consenti de manière implicite au retrait par M. Gottschalk des copies des documents visés. Par conséquent, les faits de l’espèce indiquent que Cano Tech n’a pas fait l’objet d’une perquisition et que M. Gottschalk n’a pas procédé à une saisie.

La SCPCP a‑t‑elle porté atteinte aux droits de Cano Tech en vertu de l’article 8 de la Charte en versant des documents pris chez Cano Tech au dossier de la Cour, où ils deviennent accessibles au public?

[110]Cano Tech soutient que ses droits en vertu de l’article 8 de la Charte ont également été violés lorsque des documents confidentiels pris chez la société ont été déposés devant la Cour, où ils deviennent accessibles au public. À l’appui de sa prétention selon laquelle il a été porté atteinte aux droits que lui confère l’article 8, Cano Tech renvoie à l’arrêt de la présente Cour Gernhart c. Canada, [2000] 2 C.F. 292 (C.A.).

[111]L’affaire Gernhart avait trait à une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1] qui prévoyait que lorsqu’un contribuable interjette appel d’une cotisation, le ministre du Revenu national doit transférer des copies de tous les documents fiscaux de la partie appelante à la Cour de l’impôt. La Cour a conclu que, dans ces circonstances, la disposition visée autorisait une saisie abusive. Pour arriver à cette conclusion, la Cour a considéré qu’exiger le dépôt de tous les documents en Cour, sans égard au fait qu’ils soient ou ne soient pas utilisés au procès, entraînait une atteinte potentiellement énorme aux intérêts légitimes du contribuable au respect de sa vie privée, alors que cette exigence ne servait en contrepartie aucun intérêt gouvernemental.

[112]À mon avis, l’affaire Gernhart se distingue facilement de l’espèce à plusieurs égards.

[113]Dans Gernhart, le ministre a concédé que le dépôt de tous les documents obtenus du contribuable devant la Cour, où ils devenaient accessibles au public, que le ministre ait ou non l’intention de s’en servir, ne servait aucun objectif utile. Au contraire, en l’espèce, les seuls documents déposés devant la Cour sont ceux qui concernent la demande de la SCPCP.

[114]De plus, la capacité de la SCPCP de faire respecter ses droits serait affaiblie de manière importante si elle se trouvait empêchée de déposer devant la Cour la documentation obtenue d’un fabricant ou d’un importateur de supports audio vierges pour établir que la société visée manque aux obligations que lui imposent les dispositions du tarif applicable.

[115]En outre, alors que les dossiers visés dans Gernhart concernaient des renseignements relatifs à l’impôt sur le revenu d’un particulier, soient des renseignements personnels manifestement très sensibles, il s’agit en l’espèce de registres commerciaux produits dans le cours d’une activité réglementée, soit la fabrication ou l’importation de supports audio vierges. Comme on l’a noté antérieurement, l’exercice d’une activité commerciale dans un domaine d’activité réglementé entraîne une atténuation de l’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Sur ce seul aspect, l’arrêt Gernhart se distingue facilement de l’espèce.

[116]En réalité, le fait que les renseignements commerciaux ici visés n’ont pas un caractère particulièrement sensible est confirmé dans mon esprit par le fait que jamais, semble‑t‑il, au cours de l’instance, Cano Tech n’a pris de mesure en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité pour assurer la protection des renseignements visés.

[117]Dans les circonstances, Cano Tech ne m’a pas persuadée que le dépôt devant la Cour des documents obtenus de Cano Tech porte atteinte aux droits que lui confère l’article 8 de la Charte.

Conclusion

[118]Pour ces motifs, la demande de la SCPCP est accueillie.

Les dépens

[119]Cano Tech fait valoir que même si la demande est accueillie, la SCPCP ne devrait pas se voir adjuger les dépens, compte tenu de son comportement gravement répréhensible dans l’affaire. J’ai déjà conclu que la SCPCP avait agi de bonne foi dans la présente affaire. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je suis persuadée que la SCPCP a droit aux dépens de la présente demande.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.            Cano Tech doit verser à la SCPCP les redevances exigibles, soit la somme de 79 781,47 $;

2.            La SCPCP est autorisée à poursuivre sa vérification de Cano Tech, sous réserve d’un préavis écrit de cinq jours. Cano Tech est tenue de prendre toutes les mesures raisonnables pour faciliter la vérification et de fournir les documents, registres ou renseigne-ments permettant à la SCPCP de déterminer les montants exigibles et les renseignements prescrits par les dispositions des Tarifs pour la copie privée;

3.            Dans le cas où la vérification établit que les sommes dues à la SCPCP ont été sous‑estimées par Cano Tech ou que Cano Tech n’a pas déclaré certaines redevances qui devaient être versées, Cano Tech est tenue, dans un délai de 30 jours suivant la demande de paiement, de verser à la SCPCP toute redevance supplémentaire à laquelle celle‑ci a droit;

4.            Conformément aux dispositions des Tarifs pour le copie privée, Cano Tech est tenue, dans un délai de 30 jours suivant la demande de paiement, de payer à la SCPCP les frais raisonnables de la vérification, dans le cas où cette vérification établit que les sommes qui lui sont dues ont été sous‑estimées par Cano Tech de plus de 20 % dans l’une ou l’autre des périodes comptables de janvier‑février 2000 et de mars‑avril 2000, ou de plus de 10 % dans toute autre période comptable;

5.            Cano Tech doit payer à la SCPCP tous les intérêts échus sur toutes les sommes exigibles par la SCPCP, conformément au Tarif applicable;

6.            Cano Tech doit désormais se conformer aux prescriptions de rapport et de déclaration exposées dans le Tarif applicable, tant qu’elle demeure un fabricant ou un importateur assujetti aux dispositions de la Partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur et des Tarifs pour la copie privée homologués en vertu de la Loi;

7.            La SCPCP a droit aux dépens de la présente demande.

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