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T‑2115‑04

2005 CF 1410

Jeannine Bastide, Suze Aimé, Cécile Auger, Jeanne‑ Alice Bellerose, Bernard Benoit, Danielle Bergeron, Prudence Blain, Gilles Bouchard (Succession d’Aimée Boulay), Jeannine Bourassa, Madeleine Boutet‑Bourgeois, Huguette Caron, Jean‑Paul Castonguay, Jocelyne Cutler, Joseph d’Argenzio, Lucie Daviault, Maud Dubuisson, Thérèse Dubé, Frantz Germain, Ginette Giguère, Gilles Gravel (Succession de Lucien Gravel), Jocelyne Jean‑ Charles, Jocelyne Joseph, Marcelle Lajoie‑Quessy, Nicole Landry, Claudette Larivière, Denise Laroucher, Nicole Marcotte, Georgette Mignault, Solange Pelletier, Colette Perrault, Henriette Perron‑Rhéaume, Robert Robillard, Marie‑Claude Silencieux, Jacqueline St‑Pierre (Succession de Normande St‑Pierre), Réjeanne Yip (demandeurs)

c.

Société canadienne des postes (défenderesse)

Répertorié : Bastide c. Société canadienne des postes (C.F.)

Cour fédérale, juge de Montigny—Montréal, 21 septembre; Ottawa, 14 octobre 2005.

Droits de la personne — Contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne de ne pas renvoyer les plaintes des demandeurs au Tribunal pour qu’elles soient instruites — Les demandeurs étaient des employés temporaires de la Société canadienne des postes qui ont été obligés de subir un test de dextérité manuelle pour obtenir un poste permanent — Ils ont fait valoir que le test constituait une discrimination fondée sur l’âge, contrairement aux art. 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne — La Commission a rejeté les plaintes au motif que la Société avait fait la preuve de l’existence d’une exigence professionnelle justifiée au sens de l’art. 15 de la Loi — Cette décision n’était pas déraisonnable — Bien que le test ait constitué à première vue une pratique discriminatoire, il était fondé sur une exigence professionnelle justifiée — Dans la mesure où la dextérité manuelle représente bel et bien un pré‑requis à la formation au codage, il était légitime pour l’employeur de vouloir mesurer cette aptitude avant d’investir dans la formation d’un employé — Quant à la question de savoir si l’employeur a démontré qu’il ne pouvait composer avec les demandeurs sans subir une contrainte excessive, l’évaluation individuelle peut constituer une forme d’accommodement, mais le test doit être fiable et pertinent, et mesurer les qualifications requises pour exécuter le travail considéré de façon efficace et optimale — En l’absence de test, la Société était incapable d’éviter de subir une contrainte excessive — Demande rejetée.

Relations du travail — Les demandeurs ont fait valoir que le test de dextérité manuelle administré par la Société canadienne des postes aux employés en quête d’un emploi régulier en tant que commis des postes de niveau 4 constituait une discrimination fondée sur l’âge du fait que les employés plus âgés étaient désavantagés par rapport aux employés plus jeunes — Le test évaluait les aptitudes de base des employés pour déterminer s’ils pouvaient poursuivre la formation au codage des codes postaux dans les établissements mécanisés — La Commission canadienne des droits de la personne a rejeté les plaintes au motif que l’employeur avait fait la preuve de l’existence d’une exigence professionnelle justifiée — Cette décision n’était pas déraisonnable.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne de ne pas demander au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire les plaintes des demandeurs alléguant avoir fait l’objet de discrimination.

Les demandeurs ont fait valoir que le test de dextérité manuelle qu’ils avaient dû subir pour obtenir un poste permanent à la Société canadienne des postes les désavantageait par rapport aux employés plus jeunes, contrairement aux articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le test en question était administré pour évaluer les aptitudes de base des employés temporaires (tels que les demandeurs) pour voir s’ils pouvaient poursuivre la formation au codage des codes postaux dans les établissements mécanisés. La réussite du test donnait à ces employés l’accès à un poste régulier de commis des postes de niveau 4 à temps plein ou à temps partiel, de même que l’accès à la formation au codage et, finalement, à des postes pour le pupitre de codage ou pour le système de vidéocodage. La Commission a rejeté les plaintes des demandeurs au motif que l’employeur avait fait la preuve de l’existence d’une exigence professionnelle justifiée. Les demandeurs voulaient faire annuler cette décision.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Le mandat de la Commission à ce stade des procédures était de se prononcer sur la question de savoir s’il y a suffisamment de preuve pour aller à l’étape de l’examen. Selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, une telle décision doit être revue en appliquant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Bien que le critère de la décision manifestement déraisonnable ait été appliqué à l’occasion, ces décisions ne représentent pas le courant majoritaire. La Cour d’appel fédérale a récemment réaffirmé que la norme appropriée était celle de la décision raisonnable simpliciter. En l’espèce, la décision de la Commission de refuser de référer les plaintes au Tribunal, et partant de rejeter les plaintes à la suite de ce refus, n’était pas manifestement déraisonnable.

Pour déterminer si les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne avaient été enfreints, la Commission devait d’abord se demander si le test administré par l’employeur constituait à première vue une pratique discriminatoire. La Commission a implicitement conclu que c’était le cas. Il revenait alors à la partie intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la politique ou norme discriminatoire comportait un motif justifiable.

À la deuxième étape, la Commission devait se demander si les restrictions, conditions ou préférences de l’employeur découlaient d’exigences professionnelles justifiées au sens de l’article 15 de la Loi. Elle a conclu que c’était le cas. La Société cherchait avant tout à mécaniser le traitement du courrier pour répondre au volume toujours grandissant de lettres et de paquets à traiter. Dans la mesure où la dextérité manuelle représentait un pré‑requis à la formation au codage, il était parfaitement légitime pour l’employeur de vouloir mesurer cette aptitude avant d’investir dans la formation d’un employé.

Enfin, l’employeur devait démontrer qu’il ne pouvait pas composer avec les personnes touchées par la norme sans subir une contrainte excessive. Une évaluation individuelle peut constituer une forme d’accommodement. Un tel test doit être fiable et pertinent, et mesurer les qualifications vraiment requises pour exécuter le travail considéré de façon efficace et optimale. La preuve déposée par la Société à l’effet que les résultats obtenus au test permettaient d’établir une corrélation assez étroite avec le taux de succès obtenu à la formation subséquente n’avait pas été véritablement remise en question par les demandeurs. Aussi, le test n’avantageait pas un groupe d’âge dans sa conception même ou dans sa facture. Une norme ou une exigence professionnelle qui est justifiée ne devient pas discriminatoire du seul fait qu’elle produit des résultats variables en fonction de différences personnelles. La preuve établissait qu’en l’absence de test, la Société aurait été incapable d’effectuer sa dotation en temps utile et qu’elle aurait consacré à la formation des sommes considérables.

lois et règlements cités

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6, art. 2 (mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 9), 7, 10 (mod., idem, art. 13(A)), 15 (mod., idem, art. 10, 15), 41 (mod. par L.C. 1994, ch. 26, art. 34 (F); 1995, ch. 44, art. 49), 44 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 64; 1998, ch. 9, art. 24).

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles  1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 81(1).

jurisprudence citée

décisions appliquées :

MacLean c. Marine Atlantic Inc., 2003 CF 1459; [2003] A.C.F. no 1854 (QL); Gardner c. Canada (Procureur général), 2004 CF 493; [2004] A.C.F. no 616 (QL); conf. par 2005 CAF 284; [2005] A.C.F. no 1442 (QL); Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3.

décision différenciée :

Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Nicolet (Ville), [2001] R.J.Q. 2753 (T.D.P.).

décisions examinées :

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c. Société canadienne des postes, [2000] J.Q. no 5284 (C.S.) (QL); Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879; Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247; 2003 CSC 20; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1991] 1 C.F. 113 (C.A.); Bhinder et autre c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et autres, [1985] 2 R.C.S. 561; Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie‑Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868; Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Saskatoon (Ville), [1989] 2 R.C.S. 1297.

décisions citées :

Dragage F.R.P.D. Ltée c. Bouchard, [1994] A.C.F. no 1259 (1re inst.) (QL); Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102; conf. par [1995] A.C.F. no 70 (C.A.) (QL); Bell Canada c. Canada (Commission des droits de la personne), [1991] 1 C.F. 356 (1re inst.); Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1999] A.C.F. no 835 (1re inst.) (QL); Bressette c. Conseil de la bande de Kettle and Stony Point, [1997] A.C.F. no 1130 (1re inst.) (QL); Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; 2003 CSC 19; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609; 2004 CSC 23; Gee c. M.R.N., 2002 CAF 4; [2002] A.C.F. no 12 (QL); Canada (Procureur général) c. Grover, 2004 CF 704; [2004] A.C.F. no 865 (QL); Wang c. Canada (Ministre de la Securité publique et de la Protection civile), 2005 CF 654; [2005] A.C.F. no 796 (QL); Singh c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 198; [2001] A.C.F. no 367 (QL); conf. par 2002 CAF 247; [2002] A.C.F. no 885 (QL); Chopra c. Canada (Procureur général), 2002 CFPI 787; [2002] A.C.F. no 1082 (QL); Bradley c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 370 (C.A.) (QL); Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113; [2005] A.C.F. no 543 (QL); McConnell c. Canada (Commission des droits de la personne), 2004 CF 817; [2004] A.C.F. no 1005 (QL); Murray c. Canada (Commission des droits de la personne), 2003 CAF 222; [2003] A.C.F. no 763 (QL); Elkayam c. Canada (Procureur général), 2004 CF 909; [2004] A.C.F. no 1099 (QL); conf. par 2005 CAF 101; [2005] A.C.F. no 494 (QL); Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons‑Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536.

DEMANDE de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne de ne pas demander au Tribunal des droits de la personne d’instruire les plaintes des demandeurs. Demande rejetée.

ont comparu :

Pierre Langlois pour les demandeurs.

Suzanne Thibaudeau, c.r., pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier :

Pierre Langlois, Montréal, pour les demandeurs.

Heenan Blaikie s.r.l., Montréal, pour la défende-resse.

Voici les motifs de l’ordonnance rendus en français par

[1]Le juge de Montigny : Les demandeurs à l’origine des présentes demandes de contrôle judiciaire, Jeannine Bastide (au nom de 35 co‑demandeurs) et Kenneth Doolan (au nom de 5 co‑demandeurs), étaient tous des employés temporaires de la Société canadienne des postes au moment où les faits pertinents à la résolution du litige se sont produits. Ils allèguent tous avoir fait l’objet de discrimination dans la mesure où le test de dextérité manuelle auquel ils ont été soumis pour obtenir un poste permanent les désavantageaient au détriment d’employés plus jeunes et ayant moins d’ancienneté.

[2]Après avoir examiné leurs plaintes, la Commission canadienne des droits de la personne a décidé de ne pas demander la constitution d’un tribunal des droits de la personne, malgré la recommandation en ce sens formulée par l’enquêtrice chargée du dossier. C’est de ces décisions de la Commission que les demandeurs demandent le contrôle judiciaire devant cette Cour. Les deux dossiers (T‑2115‑04 et T‑2116‑04) soulevant les mêmes questions et ayant été plaidé en même temps, les présents motifs doivent être lus conjointement avec les ordonnances rendues pour chacun de ces dossiers.*

LE CONTEXTE

[3]Il appert que depuis 1976, toutes les personnes qui désirent  obtenir  un  emploi  régulier  de  commis  des postes (niveau salarial PO4) dans un établissement mécanisé doivent avoir réussi un test de dextérité. Ce test vise à établir les aptitudes de base pour déterminer si les employés peuvent poursuivre le programme de formation destiné à leur apprendre à coder les codes postaux dans les établissements mécanisés. Le travail de codage requiert, en effet, de la dextérité et la capacité de coordonner rapidement une observation visuelle et l’action des touches d’un clavier de codage.

*Note de l’arrêtiste : L’arrêtiste en chef a décidé qu’en raison du fait que les motifs de l’ordonnance dans le dossier no T‑2116‑04 (2005 CF 1414) sont identiques à ceux, dans le dossier no T‑2115‑04, seulement ces derniers seront publiés dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

[4]À l’époque pertinente, soit du 1er février 1995 jusqu’au 31 juillet 1997, la convention collective comportait une nouvelle disposition applicable aux commis des postes selon laquelle « un poste vacant est offert aux employés et employées temporaires [. . .] qui possèdent les compétences et aptitudes de base requises pour effectuer le travail dans le groupe au sein duquel existe le poste vacant ».

[5]Le test de dextérité administré en 1995 et visé dans la présente demande de contrôle judiciaire était donc utilisé pour évaluer les aptitudes de base des employés temporaires (auparavant désignés comme « aides occasionnels ») à l’établissement de traitement des lettres (ETL) du centre‑ville. La réussite du test donnait accès à un poste régulier de commis PO4 à temps plein et à temps partiel. Elle leur donnait aussi accès à la formation au codage et, s’ils réussissaient cette formation, ils pouvaient obtenir un poste pour le pupitre de codage et pour le système de vidéocodage.

[6]Il a été mis en preuve que l’ETL du centre‑ville reçoit et traite chaque jour environ trois millions de pièces de courrier. Cet établissement est fortement mécanisé et à la fine pointe de la technologie. De multiples pièces d’équipement requièrent du codage sur un clavier d’ordinateur.

[7]Les commis des postes PO4 travaillent au secteur mécanisé, au secteur manuel, à la préparation du courrier ou à l’unité de vérification du courrier reçu. Dans le secteur mécanisé, les commis des postes PO4 sont désignés comme étant des commis CRT (codeur, ramasseur, trieur). Ils effectuent des tâches telles alimenter des machines, actionner un clavier d’ordinateur pour coder le courrier selon les caractères du code postal et vider les machines. Dans le secteur manuel, les commis PO4 font le travail que l’équipement mécanisé n’a pas réussi à effectuer. Comme au secteur mécanisé, les employés font du tri primaire et du tri final du courrier mais le font manuellement. Finalement, dans l’unité de vérification du courrier reçu, les commis PO4 vérifient le courrier de certains gros clients pour s’assurer que tout est conforme au contrat conclu entre la Société et ses clients et que les frais ont été payés.

[8]Même si tous les commis PO4 ne sont pas appelés à effectuer des opérations de codage, il est évident que la tendance à la mécanisation fait en sorte qu’une partie importante de l’effectif est appelée, ou le sera éventuellement, à effectuer des opérations qui nécessitent du codage. À titre d’exemple, de septembre 1994 à avril 1997, le pourcentage de l’effectif des commis (PO4) travaillant au secteur mécanisé augmenta de 37,1% à 51,9%. Par contre, le pourcentage des commis travaillant au secteur manuel passa, durant la même période, de 41,3% à 31,1%. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en sont arrivés l’arbitre des griefs et l’enquêtrice de la Commission.

[9]Qui plus est, il y a beaucoup de mouvements de personnel chez ces employés réguliers, et ceci pour de multiples raisons (pour faire face aux besoins, en raison de la restructuration des effectifs, de l’introduction de nouvelles technologies, etc.). Sans compter que les employés qui font du codage doivent changer de travail à intervalle régulier, comme aux quatre heures, pour varier leurs tâches, ce qui double les besoins en main‑d’œuvre qualifiée pour le codage.

[10]Dans le cadre d’une restructuration, au début de 1995, l’ETL du centre‑ville se retrouva avec plusieurs postes vacants de commis PO4. Ces postes furent d’abord offerts aux employés réguliers; les postes demeurés vacants, en l’occurrence des postes réguliers à temps partiel, furent offerts par ordre d’ancienneté aux employés temporaires qui avaient réussi le test de dextérité administré en mars 1995.

[11]Les employés temporaires qui se voyaient offrir et acceptaient un poste vacant au niveau PO4 avaient, en vertu de la convention collective, six mois pour se qualifier par le biais de la formation en codage. Cette formation exige, pour le codage à un pupitre, environ 210 heures, et pour le vidéocodage, 100 heures.

[12]Quant au test lui‑même, il fait appel à l’équipement qui est utilisé dans le cours normal des opérations. Chaque candidat(e) dispose d’un écran informatique qui reproduit le clavier : chaque touche correspond à une lettre et neuf d’entre elles comportent aussi un chiffre, de 1 à 9. Les chiffres et les lettres n’apparaissent pas sur les touches, mais seulement à la représentation qui se voit à l’écran. Le clavier utilisé lors du test est analogue à celui dont se sert un codeur au travail, sauf que lors du test, ce clavier est caché par une plaque : le candidat peut manipuler de la main droite les 20 touches du clavier, mais il ne peut voir le clavier. Ceci vise à éviter que le candidat soit distrait de l’écran. Chaque portion du test comporte 36 codes à inscrire, chaque code comportant 6 données. Pour réussir le test de dextérité, le (la) candidat(e) doit reproduire, sans erreur, au moyen du clavier à main cachée, 60 des 72 codes que lui propose l’écran.

[13]Afin de pouvoir établir si l’âge avait été un facteur de réussite ou d’échec des tests de dextérité manuelle, la Commission canadienne des droits de la personne a d’autre part retenu les services spécialisés de Statistique Canada pour obtenir une analyse statistique de l’incidence du test de dextérité selon l’âge sur les personnes à qui il est administré. L’ensemble des résultats obtenus lors de l’analyse permet de conclure qu’il existe une relation statistique significative entre l’âge et le résultat au test de dextérité ou le taux d’échec, selon le cas. En fait, il semble que le taux d’échec croît proportionnellement avec l’âge, c’est‑à‑dire de 1,2% par année.

[14]Les plaignant(e)s se sont présentés à la Commission le 20 juin 1995, soit dès qu’ils ont su que des postes réguliers seraient offerts à ceux et celles qui avaient réussi le test. Deux plaintes ont été formellement déposées à la Commission le 29 mars 1996 par Mme Jeannine Bastide; la première allègue que la Société canadienne des postes a discriminé contre les plaignants en raison de leur âge en matière d’emploi en imposant un test de dextérité qui est susceptible d’annihiler leur chance d’emploi ou d’avancement contrairement à l’article 10 [mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 13(A)] de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6 (la Loi), tandis que la deuxième est à l’effet que la Société a discriminé contre les plaignants en raison de leur âge en imposant un test de dextérité et en refusant de les employer dans des postes permanents contrairement à l’article 7 de la Loi.

[15]Subséquemment, soit le 14 décembre 2001, un deuxième groupe (représenté par M. Doolan) déposait une plainte essentiellement au même effet que les plaintes de Jeannine Bastide. La Commission a accepté de se prononcer sur cette plainte même si elle avait été déposée après l’expiration du délai d’un an prévu à l’alinéa 41(1)e) [mod. par L.C. 1994, ch. 26, art. 34(F); 1995, ch. 44, art. 49] de la Loi, au motif que l’omission de considérer leur demande était imputable à la Commission (ils avaient ajouté leurs noms à la liste des plaignants des deux autres plaintes trois jours après leur signature, mais cette nouvelle liste n’avait pas été jointe à la première liste ni transmise à la défenderesse).

[16]Le syndicat ayant déposé un grief le 12 juillet 1995 portant sur l’utilisation par la Société du test de dextérité, la Commission décida dans un premier temps de surseoir à l’examen des plaintes jusqu’à ce que soit rendue une sentence arbitrale en vertu de la convention collective. Après avoir pris connaissance de la preuve testimoniale et documentaire, l’arbitre rejeta le grief le 5 novembre 1999. Dans sa décision, l’arbitre nota que l’instauration du test de dextérité visait à identifier les personnes qui seront vraisemblablement capables d’acquérir les habilités manuelles, visuelles et mentales qui sont nécessaires au codage. Il conclut que le test de dextérité est valide ou, en d’autres termes, fiable comme indicateur de l’aptitude éventuelle à coder avec efficacité.

[17]L’arbitre nota que les données compilées par l’employeur depuis quelques années, et portant sur un échantillonnage significatif de candidats, montrent une corrélation relativement élevée entre la réussite du test et le succès, lors du programme de formation; par ailleurs, l’échec au test a été un indicateur assez juste de la difficulté éprouvée, ultérieurement, à réussir le programme de formation.

[18]Il indiqua par ailleurs que la pertinence du test doit s’apprécier non pas en fonction d’un poste en particulier, mais selon le travail à effectuer dans le groupe des commis des postes PO4. Par conséquent, il confirma que les compétences et aptitudes de base que la Société peut rechercher, en l’occurrence, sont celles requises pour effectuer le travail dans le groupe, ce qui comprend l’aptitude à acquérir les habilités nécessaires au codage.

[19]Dans une décision rendue le 22 novembre 2000 [Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c. Société canadienne des postes, [2000] J.Q. no 5284 (QL)], la Cour supérieure du Québec rejeta la demande de révision judiciaire qui avait été déposée par le syndicat. Suite à cette décision, la Commission a réactivé l’examen des plaintes. Le 22 novembre, l’enquêtrice nommée par la Commission recommande à cette dernière de statuer sur les plaintes. Puis, par lettre en date du 26 février 2002, la Commission avise les plaignants qu’elle avait décidé de statuer sur les plaintes.

[20]Le 17 novembre 2003, la même enquêtrice recommandait à la Commission de demander la constitution d’un tribunal pour instruire les plaintes. Elle en est arrivée à cette conclusion en s’appuyant sur les motifs suivants :

‑ L’enquête a permis d’établir qu’il y a une relation significative entre l’âge et le résultat au test de dextérité;

‑ La bonne foi de la mise en cause quant au lien entre la nécessité du succès au test et les exigences du travail peut être remise en question;

‑ La mise en cause n’a pas démontré qu’elle avait exploré toutes les avenues possibles d’accommodement des personnes moins habiles dans les technologies, notamment en raison de leur âge (dossier des demandeurs, pages 109 et 110).

[21]Ce rapport a été communiqué aux parties le 17 novembre 2003. Dans la lettre qui l’accompagnait, la Commission invitait chacune des parties à lui présenter ses observations sur ce rapport au plus tard le 19 décembre 2003. En outre, les parties ont été avisées qu’elles pouvaient se communiquer leurs observations.

[22]Après avoir étudié le rapport de l’enquêtrice ainsi que les observations formulées de part et d’autre sur ce rapport, la Commission communiqua sa décision aux parties dans une lettre en date du 25 octobre 2004. Elle en arriva à la conclusion que les plaintes devaient être rejetées, parce que « le mis en cause a fait la preuve de l’existence d’une exigence professionnelle justifiée au sens de l’article 15 de la Loi ». C’est cette décision que les demandeurs, représentés par Mme Jeannine Bastide et M. Kenneth Doolan, veulent faire annuler par voie de contrôle judiciaire.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[23]Les questions soulevées par la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

‑ Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission de rejeter les plaintes?

‑ La Commission a‑t‑elle erré en prenant la décision de rejeter les plaintes?

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICA-BLES

[Loi canadienne sur les droits de la personne, art. 15 (mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 10, 15), 44 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 64; 1998, ch. 9, art. 24)]

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

[. . .]

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’invidus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

[. . .]

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

b) le fait de refuser ou de cesser d’employer un individu qui n’a pas atteint l’âge minimal ou qui a atteint l’âge maximal prévu, dans l’un ou l’autre cas, pour l’emploi en question par la loi ou les règlements que peut prendre le gouverneur en conseil pour l’application du présent alinéa;

c) le fait de mettre fin à l’emploi d’une personne en appliquant la règle de l’âge de la retraite en vigueur pour ce genre d’emploi;

d) le fait que les conditions et modalités d’une caisse ou d’un régime de retraite constitués par l’employeur, l’organisation patronale ou l’organisation syndicale prévoient la dévolution ou le blocage obligatoires des cotisations à des âges déterminés ou déterminables conformément aux articles 17 et 18 de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension;

e) le fait qu’un individu soit l’objet d’une distinction fondée sur un motif illicite, si celle‑ci est reconnue comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne rendue en vertu du paragraphe 27(2);

f) le fait pour un employeur, une organisation patronale ou une organisation syndicale d’accorder à une employée un congé ou des avantages spéciaux liés à sa grossesse ou à son accouchement, ou d’accorder à ses employés un congé ou des avantages spéciaux leur permettant de prendre soin de leurs enfants;

g) le fait qu’un fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public, ou de locaux commerciaux ou de logements en prive un individu ou le défavorise lors de leur fourniture pour un motif de distinction illicite, s’il a un motif justifiable de le faire.

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer les critères d’évaluation d’une contrainte excessive.

(4) Les projets de règlement d’application du paragraphe (3) sont publiés dans la Gazette du Canada, les intéressés se voyant accorder la possibilité de présenter leurs observations à cet égard.

(5) La Commission des droits de la personne tient des consultations publiques concernant tout projet de règlement publié au titre du paragraphe (4) et fait rapport au gouverneur en conseil dans les meilleurs délais.

(6) La modification du projet de règlement n’entraîne pas une nouvelle publication.

(7) Faute par la Commission de lui remettre son rapport dans les six mois qui suivent la publication du projet de règlement, le gouverneur en conseil peut procéder à la prise du règlement.

(8) Le présent article s’applique à tout fait, qu’il ait pour résultat la discrimination directe ou la discrimination par suite d’un effet préjudiciable.

(9) Le paragraphe (2) s’applique sous réserve de l’obligation de service imposée aux membres des Forces canadiennes, c’est‑à‑dire celle d’accomplir en permanence et en toutes circonstances les fonctions auxquelles ils peuvent être tenus.

[. . .]

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

[. . .]

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(4) Après réception du rapport, la Commission :

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu’elle juge indiquée, de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

ANALYSE

[24]Avant d’examiner les questions identifiées au paragraphe précédent, il convient de se pencher sur les prétentions de la partie défenderesse à l’effet que certains paragraphes des affidavits soumis par Mme Jeannine Bastide et M. Kenneth Doolan devraient être radiés et ne sont pas admissibles en preuve dans le cadre de leur demande de contrôle judiciaire. Ces paragraphes sont identiques et se lisent comme suit :

5. Les employés qui réussissent ce test, pour la plupart, n’étaient par la suite nullement assignés à des tâches pour lesquelles ledit test aurait été pertinent, mais, au contraire, continuaient leurs tâches habituelles, lesquelles n’exigeaient pas du tout un travail requérant la dextérité prétendument vérifiée par ce test; cependant la réussite de ce test leur assurait la permanence à titre d’employés réguliers à temps partiel ou plein temps;

[. . .]

7. L’élaboration de ce prétendu test de dextérité n’avait été basée sur aucune expertise extérieure à Postes Canada et n’avait pas été négociée avec notre syndicat, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (autrefois : le Syndicat des postiers du Canada);

8. Ce fut ainsi que les demandeurs, et de nombreux autres aides occasionnels, se trouvant tous à l’époque dans la trentaine avancée et /ou âgés de plus de quarante ans, affectés de ce fait par leur âge dans leur capacité d’apprendre et de s’adapter à de nouvelles techniques dans un délai donné, et n’ayant pas bénéficié d’une formation académique dans le domaine clérical impliquant l’opération de claviers et d’informatique, se sont vus déclasser par des employés plus jeunes qui avaient réussi ce test : ces derniers, alors que leur ancienneté était de loin inférieure à celle des demandeurs, ont donc accédé avant eux à la permanence.

[25]Il est bien établi qu’en matière de contrôle judiciaire, un affidavit doit se limiter à des déclarations de faits. Il ne doit pas contenir des opinions, des avis ou de l’argumentation par l’affiant. Ce principe, qui trouve sa source dans la règle de common law relative au ouï‑dire, s’explique du fait que l’affiant doit pouvoir être contre‑interrogé. On en trouve maintenant l’expression au paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales [DORS/98‑106, art. 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2)], qui établit que « [l]es affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle ».

[26]Ce principe a été fréquemment appliqué par cette Cour pour radier des affidavits ou des parties d’affidavits qui expriment une opinion personnelle ou de la spéculation. Il en ira de même des paragraphes basés sur du ouï‑dire :

             Dragage F.R.P.D. Ltée c. Bouchard, [1994] A.C.F. no 1259 (1re inst.) (QL);

‑              Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (1re inst.), appel rejeté [1995] A.C.F. no 70 (C.A.) (QL);

             Bell Canada c. Canada (Commission des droits de la personne), [1991] 1 C.F. 356 (1re inst.);

             Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1999] A.C.F. no 835 (1re inst.) (QL);

             Bressette c. Conseil de la bande de Kettle and Stony Point, [1997] A.C.F. no 1130 (1re inst.) (QL).

[27]Bien que les paragraphes reproduits plus haut ne soient pas déterminants en l’espèce pour l’issue du litige, il n’en demeure pas moins qu’ils ne peuvent effectivement être pris en considération. Dans la mesure où ils reposent sur du ouï‑dire et ne reflètent pas des faits dont les affiants ont une connaissance personnelle, la Cour doit en faire abstraction. Qui plus est, le paragraphe 8 exprime une pure opinion ou présente une argumentation dans la mesure où il est déclaré que les demandeurs et de nombreux autres aides‑occasionnels dans la trentaine avancée ou âgés de plus de quarante ans étaient « affectés de ce fait par leur âge dans leur capacité d’apprendre et de s’adapter à de nouvelles techniques dans un délai donné, et n’ayant pas bénéficié d’une formation académique dans le domaine clérical impliquant l’opération de claviers et d’informatique, se sont vus déclasser par des employés plus jeunes qui avaient réussi ce test ». Cet énoncé s’apparente davanta-ge à une opinion d’expert qu’à un fait dont les affiants peuvent personnellement témoigner.

A) La norme de contrôle applicable

[28]Au terme du paragraphe 44(3) de la Loi, la Commission doit rejeter la plainte lorsqu’elle est convaincue que son examen n’est pas justifié compte tenu des circonstances. À ce stade des procédures, la Commission est donc appelée à déterminer s’il y a matière à passer à l’étape suivante, qui consiste à demander au Tribunal des droits de la personne d’instruire la plainte.

[29]Par conséquent, il convient de le rappeler, le mandat de la Commission n’est pas de se prononcer sur le mérite de la plainte ni d’en déterminer le bien‑fondé, mais uniquement de se prononcer sur la question de savoir s’il y a suffisamment de preuve pour aller plus loin. Comme la Cour suprême du Canada l’indiquait dans l’arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, « [l]e but n’est pas d’en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; la Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante » (page 899). C’est dire que la décision de la Commission est de nature administrative et donc discrétionnaire (voir aussi Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, à la page 891).

[30]En matière de contrôle judiciaire, l’analyse pragmatique et fonctionnelle requiert l’examen de quatre facteurs contextuels afin de choisir la norme applicable : 1) la présence ou l’absence dans la Loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel; 2) l’expertise relative du tribunal par rapport à celle de la cour de révision sur le point en litige; 3) l’objet de la Loi et de la disposition particulière en cause; et 4) la nature de la question — de droit, de fait ou mixte de droit et de fait. Cette analyse peut déboucher sur trois normes de contrôle admises, la décision manifestement déraisonnable, la décision raisonnable simpliciter et la décision correcte.

             Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, aux paragraphes 26 à 35;

             Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 24 à 27;

‑              Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux paragraphes 29 à 38;

             Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, aux paragraphes 15 à 18.

[31]En l’occurrence, la Loi ne renferme aucune clause privative et ne confère aucun droit d’appel. Ce silence de la Loi est neutre et n’implique pas une norme élevée de contrôle. En ce qui a trait à l’expertise de la Commission, il ne fait pas de doute que la Commission a une longueur d’avance lorsque la question est celle de savoir si une plainte devrait être rejetée.

[32]Le but de la Loi est énoncé à son article 2 [mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 9]. Elle a pour objet de donner effet aux droits des individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment de considérations fondées sur la race, l’origine nationale et des autres facteurs de discrimination énoncés audit article. La Loi reconnaît, par diverses dispositions, des limitations à cet objectif. Les articles 41 et 44, par exemple, imposent des limites au renvoi des plaintes devant le Tribunal. La Commission s’est vue conférer beaucoup de latitude et de discrétion dans la prise de décisions. Ainsi, la Cour d’appel fédérale [dans l’arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113, au paragraphe 38] a conclu que l’on pouvait dire, sans risque de se tromper, qu’en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission.

La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d’expressions comme « à son avis », « devrait », « normale-ment ouverts », « pourrait avantageusement être instruits », « des circonstances », « estime indiqué dans les circonstan-ces », qui ne laissent aucun doute quant à l’intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d’opinion (voir Latif c. La Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687 (C.A.), à la page 698, le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu’en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.

Voir aussi Gee c. M.R.N., 2002 CAF 4.

[33]Quant à la nature de la question, il s’agit pour la Commission de déterminer si un examen des plaintes par un tribunal serait justifié. Pour ce faire, la Commission doit appliquer une règle de droit aux faits qui lui sont soumis; c’est donc une question mixte de fait et de droit.

[34]Après avoir procédé à l’analyse de ces quatre facteurs, mon collègue le juge O’Keefe en est arrivé à la conclusion que la décision de la Commission de ne pas référer une plainte au Tribunal devait être revue en appliquant la norme de la décision raisonnable simpliciter : MacLean c. Marine Atlantic Inc., 2003 CF 1459. J’adopte son raisonnement et le fait mien. Je note au passage que cette norme de contrôle, sans faire l’unanimité, est généralement adoptée en pareilles circonstances par mes collègues et par la Cour d’appel fédérale :

‑              Canada (Procureur général) c. Grover, 2004 CF 704;

‑              Wang c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2005 CF 654;

             Gardner c. Canada (Procureur général), 2004 CF 493; conf. par 2005 CAF 284;

             Singh c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 198; conf. par 2002 CAF 247;

‑              Chopra c. Canada (Procureur général), 2002 CFPI 787;

‑              Bradley c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 370 (C.A.) (QL);

             Gee c. M.R.N.;

‑              Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113.

[35]Il est vrai, comme l’a soutenu la partie défenderesse, que le critère de la décision manifestement déraisonnable est également appliqué à l’occasion : McConnell c. Canada (Commission des droits de la personne), 2004 CF 817; Murray c. Canada (Commission des droits de la personne), 2003 CAF 222; Elkayam c. Canada (Procureur general), 2004 CAF 909, confirmé par la cour d’appel fédérale à 2005 CAF 101. Avec déférence, ces décisions ne m’apparaissent pas représenter le courant majoritaire; d’ailleurs, la décision la plus récente de la Cour d’appel fédérale sur cette question [Gardner c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 284, au paragraphe 21] réitère l’application de la norme du simplement déraisonnable comme étant la norme applicable :

Selon la jurisprudence générale de notre Cour sur la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision de rejeter une plainte en matière de droits de la personne, la norme appropriée est celle de la décision raisonnable. Voir Bradley c. Canada (Procureur général) (1999), 238 N.R. 76 (C.A.F.), au par. 9; Gee c. Canada (Ministre du revenu national) (2002), 284 N.R. 321, 2002 CAF 4, au par. 13; et Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général) (2005), 332 N.R. 60, 2005 CAF 113, au par. 6. Par conséquent, je conclus que suivant la jurisprudence de notre Cour, la norme de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de rejeter une plainte sans enquête préalable est celle de la décision raisonnable simpliciter. Le juge de première instance a donc appliqué la norme appropriée.

[36]En tout état de cause, et pour les motifs qui suivront, je suis d’avis que la Commission n’a pas erré en rejetant la plainte, peu importe que l’on adopte la norme du manifestement déraisonnable ou du simplement déraisonnable. Compte tenu de la preuve qui était devant elle et de l’état du droit en matière de discrimination dans l’emploi, j’estime que le motif fourni par la Commission pour refuser de référer la plainte à un tribunal n’était pas sans fondement et pouvait logiquement se défendre. Comme la Cour suprême l’a indiqué à plusieurs reprises, le rôle de la Cour qui procède au contrôle judiciaire d’une décision n’est pas de se demander si elle serait arrivée à la même conclusion, mais plutôt de savoir si la décision attaquée peut s’appuyer sur le raisonnement du tribunal. En d’autres termes, « il y a souvent plus d’une seule bonne réponse aux questions examinées selon la norme de la décision raisonnable [. . .] Même dans l’hypothèse où il y aurait une réponse meilleure que les autres, le rôle de la cour n’est pas de tenter de la découvrir lorsqu’elle doit décider si la décision est déraisonnable » : (Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, au paragraphe 51). Voir aussi Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 61; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, au paragraphe 41. Si tel est bien le cas, il va de soi que la décision de la Commission ne sera pas manifestement déraisonnable.

B) La décision de la Commission de rejeter la plainte était‑elle déraisonnable?

[37]Pour déterminer si les articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été enfreints, la Commission devait d’abord se demander si le test administré par la Société canadienne des postes constituait à première vue une pratique discriminatoire. À cet égard, il semble bien que la Commission ait implicitement entériné les conclusions de l’enquêtrice basées sur le rapport de Statistique Canada, lequel démontrait l’existence d’une relation statistique significative entre l’âge et le résultat au test de dextérité. En rejetant les plaintes au motif que la Société avait fait la preuve de l’existence d’une exigence professionnelle justifiée, la Commission se trouvait en effet à présupposer l’existence d’une preuve de discrimination prima facie.

[38]La procureure de la partie défenderesse a tenté de démontrer que la Société n’avait pas fait preuve de discrimination dans la mesure où les aptitudes pour l’emploi sont reliées au travail à effectuer, que chaque individu est évalué individuellement, et que le test utilisé pour cette évaluation mesure adéquatement les aptitudes de base requises. Jurisprudence à l’appui, elle a tenté de convaincre cette Cour qu’il ne saurait y avoir discrimination fondée sur l’âge lorsqu’une évaluation individuelle est prévue.

[39]Cette argumentation ne me convainc pas. Il est vrai que la discrimination sera plus évidente et plus facile à établir lorsqu’une catégorie d’âge est nommément exclue d’un bénéfice ou d’un avantage. Mais dans la très grande majorité des cas, la discrimination résultera plutôt d’une norme en apparence neutre; dans la mesure où l’application de cette norme entraîne l’exclusion disproportionnée de certaines catégories de personnes (que ce soit en fonction de l’âge, du sexe, ou d’une autre caractéristique énumérée aux articles 7 et 10 de la Loi), on conclura d’une discrimination systémique ou par suite de son effet préjudiciable : Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons‑Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536; Bhinder et autre c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et autres, [1985] 2 R.C.S. 561.

[40]Ce n’est que dans une deuxième étape, lorsqu’il convient de se demander si les restrictions, conditions ou préférences de l’employeur découlent d’exigences professionnelles justifiées au sens de l’article 15 de la Loi, que la nature du test et son individualisation seront pertinentes. Si l’employeur peut démontrer qu’une condition de travail est une exigence professionnelle justifiée, cette condition ne sera pas considérée comme un acte discriminatoire.

[41]Depuis les décisions rendues par la Cour suprême dans les arrêts Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (l’arrêt Meiorin) et Colombie‑ Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie‑Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 (l’arrêt Grismer), la distinction classique entre la discrimination directe et la discrimination indirecte a fait place à une analyse commune des plaintes relatives aux droits de la personne. Selon cette méthode, une fois qu’une preuve prima facie de discrimination a été établie, il revient à la partie intimée de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la politique ou norme discriminatoire comporte un motif justifiable. À cet effet, la partie intimée doit prouver :

i) qu’elle a adopté la norme à une fin ou dans un but qui est rationnellement lié à la fonction exécutée. À cette étape, l’analyse porte non pas sur la validité de la norme particulière en cause, mais plutôt sur la validité de son objet plus général, par exemple la nécessité d’exécuter la tâche de manière sûre et efficace. Cet examen est nécessairement plus général que lorsqu’il s’agit de déterminer s’il existe un lien rationnel entre l’exécution du travail et la norme particulière qui a été choisie. Si l’objet général est d’assurer l’exécution de la tâche de manière sûre et efficace, il ne sera pas nécessaire de consacrer beaucoup de temps à cette étape;

ii) qu’elle a adopté la norme en question en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser le but légitime lié au travail, et sans qu’elle ait eu l’intention de faire preuve de discrimination envers le demandeur. À cette étape, l’analyse passe de l’objet général de la norme à la norme elle‑même;

iii) que la norme contestée est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but poursuivi, c’est‑à‑dire l’exécution de la tâche de manière sûre et efficace. L’employeur doit démontrer qu’il ne peut composer avec le demandeur et les autres personnes touchées par la norme sans subir une contrainte excessive. Au nombre des facteurs qui peuvent être pris en considération en évaluant l’obligation d’un employeur de composer avec un employé, il y a le coût de la méthode d’accommode-ment possible, l’interchangeabilité relative des employés et des installations, de même que la perspective d’atteinte réelle aux droits d’autres employés.

[42]Dans ses représentations écrites et orales, l’avocat des demandeurs s’est concentré sur la troisième exigence du test résumé au paragraphe précédent pour soutenir que le test de dextérité ne pouvait constituer une exigence professionnelle justifiée. On a bien tenté de soutenir que le test ne visait pas à mesurer l’habilité d’une personne à remplir une tâche spécifique mais plutôt à identifier les employés qui accéderaient à la permanence. Mais c’est sans grande conviction que l’on a avancé cet argument, et à juste titre me semble‑t‑il, puisque la preuve ne permet pas de tirer cette conclusion.

[43]Il ne me semble pas faire de doute que la Société canadienne des postes cherchait avant tout à mécaniser le traitement du courrier pour répondre au volume toujours grandissant de lettres et de paquets à traiter. Or, on n’a pas remis en question que le travail de codage requiert de la dextérité et la capacité de coordonner rapidement une observation visuelle et l’action des touches d’un clavier de codage. L’objet général du test est d’évaluer les aptitudes de base des employés temporaires pour déterminer s’ils peuvent poursuivre le programme de formation destiné à leur apprendre à coder les codes postaux et faire des travaux de codage. Dans la mesure où la dextérité manuelle représente bel et bien un prérequis à la formation au codage, il était parfaitement légitime pour l’employeur de vouloir mesurer cette aptitude avant d’investir dans la formation d’un employé. L’arbitre a d’ailleurs conclu que le test de dextérité est valide, et la preuve révèle qu’il est fiable comme indicateur de l’aptitude éventuelle des candidats à coder.

[44]Il se peut bien que tous les employés PO4 ne soient pas tous appelés à faire du codage à un moment donné; mais la preuve soumise par la Société canadienne des postes et acceptée par l’arbitre est à l’effet qu’une grande majorité de ces employés sera éventuellement appelée à effectuer du codage, compte tenu de la mécanisation rapide de ce secteur d’activités et de la mobilité nécessaire du personnel affecté à ces tâches.

[45]D’autre part, rien ne permet de conclure que la Société aurait utilisé ce test en ne croyant pas sincèrement qu’il était nécessaire à la réalisation de son objet et pour des motifs discriminatoires. Je note d’ailleurs que l’avocat des demandeurs n’a pas sérieusement tenté de faire valoir que la Société ne croyait pas sincèrement en la nécessité du test.

[46]Reste la troisième exigence, en vertu de laquelle l’employeur doit démontrer qu’il ne peut composer avec les personnes touchées par la norme sans subir une contrainte excessive. À cet égard, le procureur des demandeurs a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve permettant de conclure que l’employeur était dans l’impossibilité de composer avec les employés plus âgés sans subir une contrainte excessive.

[47]Or, la Cour suprême a explicitement reconnu dans l’arrêt Meiorin que l’évaluation individuelle visant à déterminer si la personne a les aptitudes ou les compétences requises pour exécuter le travail peut constituer, en soi, une forme d’accommodement. On trouve une autre illustration de ce principe sous la plume du juge Sopinka dans l’arrêt Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Saskatoon (Ville), [1989] 2 R.C.S. 1297, aux pages 1313 et 1314 :

Quoiqu’il ne soit pas absolument nécessaire de faire subir des tests à chaque employé, il se peut que l’employeur ne parvienne pas à s’acquitter de l’obligation qui lui incombe de prouver le caractère raisonnable de l’exigence s’il ne fournit pas une réponse satisfaisante à la question de savoir pourquoi il ne lui a pas été possible de traiter individuellement les employés, notamment en administrant des tests à chacun d’eux. S’il existe une solution pratique autre que l’adoption d’une règle discriminatoire, on peut conclure que l’employeur a agi d’une manière déraisonnable en n’adoptant pas cette autre solution.

[48]Il est vrai que l’évaluation individuelle ne constitue pas toujours une forme suffisante d’accommo-dement. Encore faut‑il que l’évaluation évalue les personnes selon une norme réaliste qui reflète ses capacités réelles et son apport potentiel. En d’autres termes, le test doit être fiable et pertinent, et mesurer les qualifications vraiment requises pour exécuter le travail considéré de façon efficace et optimale. En l’occurrence, la preuve déposée par la Société à l’effet que les résultats obtenus au test permettent d’établir une corrélation assez étroite avec le taux de succès obtenu à la formation subséquente n’a pas été véritablement remise en question par les demandeurs. Et contrairement à la situation qui prévalait dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Nicolet (Ville), [2001] R.J.Q. 2735 (T.D.P.), le test lui‑même n’avantageait pas un groupe d’âge dans sa conception même ou dans sa facture.

[49]Lorsqu’il est démontré qu’une norme ou une exigence professionnelle est justifiée, elle ne devient pas discriminatoire du seul fait qu’elle produit des résultats variables en fonction de différences personnelles. À ce chapitre, il peut être utile de rappeler ce qu’écrivait le juge McIntyre dans l’arrêt Bhinder et autre c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et autres, à la page 589 :

Conclure alors que ce qui constituerait par ailleurs une exigence professionnelle normale ne peut s’appliquer à un employé, en raison des caractéristiques spéciales de cet employé, revient non pas à donner une interprétation étroite à l’al. 14a) [maintenant l’alinéa 15(1)a) de la Loi], mais tout simplement à ne tenir aucun compte de ce qu’il dit clairement. Appliquer une exigence professionnelle normale à chaque individu avec des résultats variables, selon les différences personnelles, c’est la dépouiller de sa nature d’exigence professionnelle et faire perdre tout leur sens aux dispositions claires de l’al. 14a). À mon avis, le tribunal a commis une erreur de droit quand, après avoir constaté l’existence d’une exigence professionnelle normale, il a exempté l’appelant de son application.

[50]D’autre part, la Société a fait valoir qu’en l’absence de test, le taux d’échec à la formation constituerait une contrainte excessive. En effet, la preuve présentée devant la Commission établissait qu’en l’absence de test, la Société serait incapable d’effectuer sa dotation en temps utile et consacrerait à la formation des sommes considérables.

[51]J’estime donc, sur la base de ces faits et de la preuve documentaire qui lui a été soumise, que la Commission pouvait raisonnablement conclure que la Société avait fait la preuve de l’existence d’une exigence professionnelle justifiée au sens de l’article 15 de la Loi. Non seulement l’évaluation était‑elle personnalisée et pertinente à l’objectif poursuivi, mais encore la Société a‑t‑elle mis en preuve qu’il lui serait impossible de composer avec l’absence de test sans qu’il n’en résulte pour elle une contrainte excessive.

[52]Par conséquent, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

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