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[2000] 4 C.F. 37

A-25-99

Sa Majesté la Reine et le ministre du Revenu national (appelants)

c.

George William Harris, pour son propre compte et pour le compte d’une catégorie de demandeurs composée des particuliers et autres personnes qui sont tenus de produire des déclarations conformément à l’article 150 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, dans sa forme modifiée, à l’exception des personnes visées au paragraphe 2 de la présente demande (intimé)

Répertorié : Harris c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges Létourneau, Robertson et Sexton, J.C.A.—Ottawa, 9 mars et 2 juin 2000.

Impôt sur le revenu — Un contribuable a exercé un recours collectif alléguant que le MRN avait agi illégalement en accordant un traitement préférentiel à un contribuable dans une décision anticipée — Le MRN a demandé la radiation de l’action pour absence de cause d’action car personne n’est recevable à contester le traitement fiscal accordé à un autre contribuable — L’opinion que le MRN avait rendue publique contredisait les décisions non publiques — Le vérificateur général a sévèrement critiqué la conduite du MRN dans un rapport — L’action vise le prononcé d’un jugement déclaratoire portant que le MRN est tenu de prendre toutes les mesures possibles en vertu de la Loi pour percevoir tout impôt exigible — L’intimé demandait beaucoup plus qu’une simple interprétation de la LIR — Il a allégué la mauvaise foi dans l’administration — Contrairement aux IRC du Royaume-Uni, Revenu Canada n’a pas un pouvoir discrétionnaire étendu de conclure des ententes avec les contribuables — Il doit observer la LIR de manière absolue — Il n’est pas évident et manifeste que l’action est vouée à l’échec — Ni que le MRN n’a pas d’obligation fiduciaire envers les contribuables — L’allégation relative au traitement préférentiel accordé à certains contribuables met en cause la question des limites de pouvoirs légaux — La qualité pour agir dans l’intérêt public est reconnue car il n’existe pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour — Les questions relatives à la confidentialité sont laissées à l’appréciation du juge chargé de la gestion de l’instance ou du juge de première instance.

Pratique — Actes de procédure — Requête en radiation — Appel d’une décision de la C.F. 1re inst., infirmant la décision du protonotaire d’accueillir la requête en radiation de déclaration — Le contribuable allègue que le MRN a agi illégalement en accordant un traitement préférentiel à certains contribuables dans des décisions anticipées — Le MRN demande la radiation de la déclaration parce qu’elle ne révèle aucune cause d’action — Le critère applicable à la requête en radiation consiste à se demander s’il est évident et manifeste que l’action est vouée à l’échec — La déclaration s’appuyait sur un rapport du vérificateur général — Le contribuable demande le prononcé d’un jugement déclaratoire portant que le MRN est tenu de prendre toutes les mesures possibles en vertu de la Loi pour percevoir tout impôt exigible — Il ne s’agit pas d’une simple question d’interprétation administrative — Il n’est pas évident et manifeste que le MRN n’a pas d’obligation fiduciaire envers les contribuables — Il n’est pas évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action.

Pratique — Parties — Qualité pour agir — Le contribuable avait-il qualité pour agir dans l’intérêt public en alléguant la mauvaise administration de la LIR par le MRN? — La question met en cause les limites des pouvoirs légaux — La Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public lorsque d’importantes questions d’intérêt général sont soulevées — Examen de la jurisprudence en matière de qualité pour agir dans l’intérêt public — La déclaration soulève une question contentieuse — Les questions soulevées par le contribuable sont sérieuses — Celui-ci a un intérêt véritable dans les questions soulevées — Il n’existe pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour — Le contribuable ne cherche pas simplement à obtenir l’interprétation d’une disposition particulière de la Loi — La Cour lui reconnaît la qualité pour agir dans l’intérêt public.

Il s’agit de l’appel formé à l’encontre de la décision de la Section de première instance accueillant l’appel interjeté contre la décision du protonotaire-chef adjoint de radier la déclaration pour absence de cause d’action et de qualité pour agir. Revenu Canada permet aux contribuables de demander des décisions anticipées lorsqu’ils désirent savoir comment des dispositions particulières de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliqueront à des opérations projetées. En 1985 et en 1991, Revenu Canada a rendu des décisions qui n’ont pas été rendues publiques, lesquelles tenaient implicitement pour acquis que des résidents canadiens pouvaient détenir des biens canadiens imposables et que le transfert de ces biens hors du Canada ne créerait pas une présomption de disposition et une obligation fiscale en découlant. Par contre, Revenu Canada a rendu publique, en 1985, une opinion qui contredisait carrément ces conclusions. Réagissant à la décision de 1991, le vérificateur général a sévèrement critiqué, dans un rapport, la décision elle-même, le secret dont elle semblait entourée et l’absence de documents concernant le processus décisionnel suivi. L’intimé, qui est un contribuable, a déposé une déclaration alléguant que Revenu Canada avait agi illégalement ou pour un motif inavoué en accordant un traitement préférentiel à un contribuable dans sa décision anticipée de 1991. Revenu Canada a présenté une requête en radiation en faisant valoir que la déclaration ne révélait aucune cause d’action puisque personne n’est recevable à contester le traitement fiscal d’un autre contribuable et que l’intimé n’avait pas qualité pour agir dans l’intérêt public. Deux questions ont été soulevées en appel : 1) la déclaration révèle-t-elle une cause d’action raisonnable découlant des allégations de l’intimé? 2) l’intimé avait-il qualité pour demander, dans l’intérêt public, un jugement déclaratoire en alléguant la mauvaise administration de la Loi de l’impôt sur le revenu par Revenu Canada?

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

1) Le critère applicable en matière de requête en radiation consiste à se demander s’il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable. La déclaration de l’intimé s’inspire largement des faits et conclusions exposés dans le rapport du vérificateur général déposé en mai 1996. Il a conclu à un jugement déclarant que le ministre est tenu de prendre toutes les mesures possibles en vertu de la Loi pour percevoir tout impôt qui est à juste titre exigible. Ses allégations de mauvaise administration et de motif inavoué ressemblent à l’obligation des fonctionnaires de s’acquitter avec « bonne foi » des charges que la loi leur impose. Le procureur général a quant à lui soutenu que nul n’est recevable à contester le traitement fiscal accordé à un autre contribuable, car seul le contribuable touché peut contester une mesure fiscale. Contrairement aux Inland Revenue Commissioners britanniques, Revenu Canada ne jouit pas d’une grande latitude dans l’exercice de ses pouvoirs. Le ministre du Revenu national et ses employés sont tenus de suivre la Loi de l’impôt sur le revenu d’une manière absolue tout comme les contribuables sont obligés d’y obéir telle qu’elle est. Le ministre doit rendre ses décisions en se fondant uniquement sur des considérations tirées de la Loi elle-même. Il ne peut accorder un traitement préférentiel à un contribuable pour un motif inavoué ni conclure une entente secrète. Les allégations contenues dans la déclaration, étayées en grande partie par le rapport du vérificateur général, font sortir la demande de l’intimé du champ des questions de simple interprétation administrative. La jurisprudence invoquée par le procureur général n’établit pas qu’il est évident et manifeste que la déclaration de l’intimé ne révèle aucune cause d’action. Si l’on considère que les faits essentiels exposés dans la déclaration ne sont pas des « allégations fondées sur des suppositions et des conjectures », mais qu’elles reposent sur le rapport du vérificateur général, il n’est pas évident et manifeste que l’action de l’intimé soit vouée à l’échec. De la même façon, il n’est pas non plus évident et manifeste que le ministre n’assume pas d’obligation fiduciaire envers les contribuables.

2) La Cour suprême du Canada a établi les conditions auxquelles un demandeur est recevable à contester la constitutionnalité d’un texte de loi dans l’intérêt public, savoir que la question de la validité de la loi se pose sérieusement, que le demandeur ait un intérêt véritable et qu’il n’y ait pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. La Cour a également statué qu’il convenait d’étendre l’application de ces principes hors du champ des contestations fondées sur la Constitution pour assurer le respect des limites de l’autorité administrative. L’intimé allègue que Revenu Canada a accordé un traitement préférentiel à certains contribuables, ce qui met en cause la question du respect des limites des pouvoirs légaux. Un tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire de reconnaître à quelqu’un la qualité pour agir dans l’intérêt public lorsque d’importantes questions d’intérêt général sont soulevées. Si Revenu Canada conclut un compromis ou une entente secrète ou accorde un traitement préférentiel à certains contribuables sans y être autorisé par la loi, il est possible de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public à qui conteste les avantages fiscaux accordés. La déclaration de l’intimé soulève une question contentieuse mettant en cause une contravention possible à la Loi, qu’un tribunal peut examiner à la lumière de l’obligation du ministre d’obéir « de façon absolue » à la Loi. Les questions soulevées par l’intimé sont sérieuses; il affirme que Revenu Canada a agi pour un motif inavoué dans le but de favoriser des contribuables particuliers. De plus, en sa qualité de contribuable et de membre d’un organisme veillant à la bonne administration du régime fiscal, l’intimé a un intérêt véritable dans les questions qu’il soulève. Enfin, il n’y a pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la justice. Pour tous ces motifs, il convient de reconnaître à l’intimé la qualité pour agir dans l’intérêt public. Il faut signaler que l’intimé ne voulait pas simplement obtenir l’avis juridique de la Cour sur l’interprétation d’une disposition législative. En outre, un simple changement de position de bonne foi quant à l’interprétation d’une loi n’aurait pas constitué en soi une cause d’action suffisante et n’aurait pas permis de reconnaître à l’intimé la qualité pour agir dans l’intérêt public.

Le procureur général a dit craindre que, si la Cour permettait que la présente action se poursuive, il s’ensuivrait une atteinte à la confidentialité, ce qui contreviendrait à l’article 241 de la Loi. Toutefois, cette protection ne s’applique pas aux procédures judiciaires ayant trait à l’application ou à l’exécution de la Loi. Quoi qu’il en soit, ces craintes doivent être laissées à l’appréciation du juge chargé de la gestion de l’instance ou du juge de première instance. Les Règles de la Cour fédérale (1998) permettent de régler les questions de confidentialité.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.) ch. 1, art. 107(5) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 43), 241 (mod. idem, art. 137), 245(2).

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 48(1) (mod. par S.C. 1973-74, ch. 14, art. 9; 1979, ch. 5, art. 13; 1984, ch. 1, art. 18; ch. 45, art. 13).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 419.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 29(2), 151, 152(2)b), 177.

Tarif des douanes, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 41.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; (1990), 74 D.L.R. (4th) 321; [1990] 6 W.W.R. 385; 49 B.C.L.R. (2d) 273; 4 C.C.L.T. (2d) 1; 43 C.P.C. (2d) 105; 117 N.R. 321; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Nova Ban-Corp Ltd. c. Tottrup, [1990] 1 C.F 288; [1989] 2 C.T.C. 304; (1989), 32 F.T.R. 34; 89 DTC 5489 (T.D.); Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121; (1959), 16 D.L.R. (2d) 689; Ludmer c. Canada, [1995] 2 C.F. 3 [1996] 3 C.T.C. 74; (1994), 95 DTC 5035 (Fr.); 95 DTC 5311 (Ang.); 182 N.R. 125 (C.A.); demande d’autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1995] 4 S.C.R. vii; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; (1986), 33 D.L.R. (4th) 321; [1987] 1 W.W.R. 603; 23 Admin. L.R. 197; 17 C.P.C. (2d) 289; 71 N.R. 338; Greater Victoria Concerned Citizens Assn. v. Provincial Capital Commission (1990), 46 Admin. L.R. 74 (C.S.C.-B.); Union of Nor. Wkrs. v. N.W.T. (Min. of Safety & Pub. Services), [1991] N.W.T.R. 103; (1991), 49 Admin. L.R. 280 (C.S.); Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1998), 13 Admin. L.R. (3d) 280 (T.D.).

DISTINCTION FAITE D’AVEC :

Inland Revenue Comrs v National Federation of Self-Employed and Small Businesses Ltd, [1981] 2 All ER 93 (H.L.); La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée c. Le ministre du Revenu national (No 1), [1976] 2 C.F. 500 (1976), 67 D.L.R. (3d) 505; [1976] C.T.C. 339; 10 N.R. 153 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236; (1992), 88 D.L.R. (4th) 193; 2 Admin. L.R. (2d) 229; 5 C.P.C. (3d) 20; 8 C.R.R. (2d) 145; 16 Imm. L.R. (2d) 161; 132 N.R. 241; Longley v. Minister of National Revenue (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 238; 6 C.P.C. (3d) 230; 26 W.A.C. 22 (C.A.); Galway c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600 [1974] C.T.C. 454; (1974), 74 DTC 6355; 2 N.R. 317 (C.A.); Cohen (N) c La Reine, [1980] CTC 318; (1980), 80 DTC 6250 (C.A.F.); Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1; Bromley London BC v Greater London Council, [1982] 1 All ER 129 (H.L.); Roberts v. Hopwood, [1925] A.C. 578 (H.L.); Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; (1981), 130 D.L.R. (3d) 588; [1982] 1 W.W.R. 97; 12 Sask. R. 420; 64 C.C.C. (2d) 97; 24 C.P.C. 62; 24 C.R. (3d) 352; 39 N.R. 331; Distribution Canada Inc. c. M.R.N., [1993] 2 C.F. 26 (1993), 99 D.L.R. (4th) 440; 10 Admin. L.R. (2d) 44; 149 N.R. 152 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Web Offset Publications Ltd. v. Vickery (1999), 43 O.R. (3d) 802; 123 O.A.C. 235 (C.A.); Harris, G.W. c. La Reine et al. (1997), 98 DTC 6072 (C.F. 1re inst.); Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294; [1948] O.W.N. 17 (C.A.); Longley v. M.N.R. (1999), 176 D.L.R. (4th) 445; [1999] 11 W.W.R. 502; 66 B.C.L.R. (3d) 133; 99 DTC 5549 (C.S.C.-B.); Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574; (1989), 69 O.R. (2d) 287; 61 D.L.R. (4th) 14; 26 C.P.R. (3d) 97; Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; (1974), 43 D.L.R. (3d) 1; 1 N.R. 225; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; (1975), 12 N.S.R. (2d) 85; 55 D.L.R. (3d) 632; 32 C.R.N.S. 376; 5 N.R. 43.

DOCTRINE

Canada. Bureau du vérificateur général. Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes. Avant-propos et Points saillants, chapitre 1 « Autres observations et vérification ». Ottawa : Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada, mai 1996.

Canada. Parlement. Chambre des communes. Comité permanent des finances. Biens canadiens imposables : troisième rapport du Comité permanent des finances. Ottawa : Chambre des communes, 1996.

Revenu Canada. Circulaire d’information 70-6R2. Ottawa : Revenu Canada, 28 septembre 1990.

APPEL d’une décision de la Section de première instance ([1999] 2 C.F. 392 (1998), 99 DTC 5018; 161 F.T.R. 288) accueillant l’appel interjeté à l’encontre de la décision du protonotaire-chef adjoint de radier la déclaration pour absence de cause raisonnable d’action et pour absence de qualité pour agir. Appel rejeté.

ONT COMPARU :

Larry R. Olsen et Sandra E. Phillips pour les appelants.

Arne Peltz et Neil Brooks pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le sous-procureur général du Canada pour les appelants.

Public Interest Law Centre, Winnipeg, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Sexton, J.C.A. :

INTRODUCTION

[1]        M. Harris a déposé une déclaration alléguant que le ministre du Revenu national a agi illégalement, irrégulièrement ou pour un motif inavoué en accordant un traitement préférentiel à un contribuable dans une décision anticipée rendue en 1991. Le ministre du Revenu national a demandé, par requête, la radiation de la déclaration au motif qu’elle ne révélait aucune cause d’action puisqu’un contribuable n’est pas recevable à contester le traitement fiscal accordé à un autre contribuable et que M. Harris n’avait pas qualité pour agir dans l’intérêt public.

[2]        Le présent appel soulève les questions suivantes :

LES QUESTIONS EN LITIGE

1. La déclaration, où il est allégué que le ministre du Revenu national a agi illégalement, irrégulièrement ou pour un motif inavoué—savoir, il a fait preuve de favoritisme et accordé un traitement préférentiel par entente secrète—en donnant de la Loi de l’impôt sur le revenu une interprétation favorable à une fiducie particulière, révèle-t-elle une cause d’action raisonnable?

2. M. Harris a-t-il qualité pour demander, dans l’intérêt public, un jugement déclaratoire en alléguant la mauvaise administration de la Loi de l’impôt sur le revenu par le ministre?

CONTEXTE

La nature des décisions anticipées de Revenu Canada

[3]        Revenu Canada permet aux contribuables de demander des décisions anticipées (les décisions) dans lesquelles le Ministère explique comment il appliquera des dispositions données de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la Loi) à des opérations qu’ils se proposent de réaliser[2]. Généralement, Revenu Canada se considère lié par ces décisions, de sorte que les contribuables peuvent se prévaloir de certaines conséquences fiscales lorsque les opérations se réalisent conformément aux décisions[3]. Un contribuable peut également choisir de renoncer à une opération projetée si Revenu Canada entend rendre une décision défavorable[4].

La décision anticipée de 1985

[4]        En 1984, un cabinet comptable a soumis à Revenu Canada, sur les instances d’un de ses clients, une demande de décision anticipée[5] dans laquelle, expliquant qu’une fiducie ne résidant pas au Canada avait l’intention d’échanger des actions de corporation privée contre des actions de corporation publique, il priait Revenu Canada de déterminer si la fiducie, advenant que change son lieu de résidence, serait réputée avoir disposé des actions au sens du paragraphe 48(1) de la Loi (dans sa version de l’époque) [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par S.C. 1973-74, ch. 14, art. 9; 1979, ch. 5, art. 13; 1984, ch. 1, art. 18; ch. 45, art. 13)] et avoir ainsi contracté une dette fiscale immédiate pour gains en capital accumulés relativement aux biens de la fiducie ou bien si elle échapperait à la présomption de disposition parce que les biens appartenaient à la catégorie des « bien[s] canadien[s] imposable[s]».

[5]        Au mois de janvier 1985, la Division des décisions ne concernant pas les corporations a rendu une décision anticipée favorable à la fiducie. Cette décision n’a pas été rendue publique[6].

L’opinion de 1985

[6]        Une semaine après avoir rendu cette décision, Revenu Canada a reçu, d’un contribuable différent, une demande d’opinion posant essentiellement la question que la fiducie avait formulée auparavant. La même division de Revenu Canada a exprimé, quelque cinq mois plus tard, une opinion qui « contredisait carrément »[7] la décision anticipée qu’elle avait rendue plus tôt. L’opinion a été rendue publique.

La décision anticipée de 1991

[7]        En 1991, un cabinet d’avocats qui représentait une fiducie ayant des liens avec les parties ayant reçu la décision anticipée favorable de 1985 a demandé une décision analogue à Revenu Canada. Ce cabinet d’avocats avait en sa possession une copie de la décision de 1985, même si celle-ci n’avait pas été rendue publique[8].

[8]        Le cabinet d’avocats a expliqué qu’une fiducie, appelée la « fiducie familiale », avait obtenu des actions d’une corporation publique en échange d’actions d’une corporation privée et qu’il se proposait de modifier le lieu de résidence d’une fiducie nouvellement créée, appelée la « fiducie de protection d’actifs », du Canada aux États-Unis, et de transférer les actions de corporation publique détenues par la fiducie familiale à la fiducie de protection d’actifs.

[9]        Cette opération posait un problème pour Revenu Canada. Si le Ministère concluait que les actions de corporation publique détenues par la fiducie familiale résidant au Canada constituaient un bien canadien imposable, ladite fiducie pourrait les céder à la fiducie de protection d’actifs non résidente sans activer la présomption voulant qu’elle en ait disposé à leur juste valeur marchande en vertu du paragraphe 107(5) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 43] de la Loi[9]. Autrement dit, la fiducie familiale n’assumerait pas d’obligation fiscale immédiate en attribuant simplement les actions à la fiducie de protection d’actifs.

[10]      Dans sa décision anticipée, Revenu Canada a conclu que l’attribution d’actions à la fiducie de protection d’actifs par la fiducie familiale ne ferait pas naître la présomption de disposition prévue au paragraphe 107(5). Par conséquent, cette décision aurait permis à la fiducie de protection d’actifs, non résidente, de disposer immédiatement des actions de corporation publique, tout en en soustrayant le produit à l’impôt sur le revenu.

[11]      La décision anticipée assujettie à une renonciation valide pour dix ans, aux termes de laquelle Revenu Canada pouvait fixer une nouvelle cotisation à la fiducie familiale [traduction] « relativement au paragraphe 107(5)». Il est à supposer que Revenu Canada pouvait s’autoriser de la renonciation pour revenir sur sa conclusion voulant que les résidents canadiens puissent détenir des biens canadiens imposables. La renonciation pourrait permettre à Revenu Canada de conclure qu’il y avait eu disposition réputée entraînant la naissance d’une obligation fiscale lors du transfert d’actions de corporation publique par la fiducie familiale à la fiducie de protection d’actifs.

[12]      En résumé, donc, les décisions non publiques de 1985 et de 1991 présumaient implicitement que les résidents canadiens pouvaient détenir un bien canadien imposable et que le transfert dudit bien hors du Canada ne serait pas considéré comme une disposition et n’engendrerait donc pas d’obligation fiscale. Par ailleurs, l’opinion publique communiquée par Revenu Canada en 1985 contredisait carrément ces conclusions.

Le rapport du vérificateur général

[13]      Réagissant à la décision anticipée de 1991, le vérificateur général a préparé un rapport critiquant en termes sévères la décision elle-même, le secret dont elle semblait entourée et l’absence de documents concernant le processus y ayant mené. Le vérificateur général a ajouté que, parce que les contribuables ayant obtenu la décision anticipée de 1991 avaient été mis en confiance par celle de 1985—laquelle n’était pas accessible au public en général—, ils pouvaient avoir bénéficié d’avantages dont les autres contribuables n’avaient pu se prévaloir.

La déclaration de George Harris

[14]      George Harris est un contribuable appartenant à un organisme ne jouissant pas de la personnalité morale, connu sous le nom de « CHO!CES—A Coalition for Social Justice ». Dans sa déclaration, M. Harris décrit l’organisme comme un groupe qui [traduction] « s’occupe d’un large éventail de questions d’intérêt public »[10], notamment [traduction] « des questions fiscales et budgétaires intéressant tous les paliers gouvernementaux »[11].

[15]      Par suite du dépôt du rapport du vérificateur général, CHO!CES a demandé au procureur général du Canada de déférer les décisions anticipées [traduction] « au tribunal compétent pour qu’il statue sur le bien-fondé des décisions anticipées du ministre »[12]. Le procureur général n’a pas répondu à la lettre de l’organisme.

[16]      M. Harris s’est alors lui-même porté demandeur. Il a déposé une déclaration, reprenant essentiellement un grand nombre des critiques formulées par le vérificateur général au sujet de la décision anticipée de 1991. M. Harris a notamment prié la Cour de rendre un jugement déclaratoire [traduction] « portant que le ministre est tenu de prendre toutes les mesures possibles en vertu de la Loi pour percevoir tout impôt qui est à juste titre exigible par suite de l’opération mentionnée dans la décision anticipée de 1991, notamment le recours à la renonciation donnée par la fiducie familiale »[13].

La requête en radiation du procureur général du Canada

[17]      Le procureur général a demandé, par requête fondée sur l’ancienne Règle 419 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663], la radiation de la déclaration dans son entier, invoquant comme motifs principaux que celle-ci ne révélait aucune cause d’action raisonnable et que M. Harris n’avait pas la qualité voulue pour intenter son action.

LES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS INFÉRIEURES

La décision du protonotaire

[18]      Le protonotaire-chef adjoint Giles a accueilli la requête en radiation. Faisant observer que « [d]ans notre système fiscal, un tiers n’est jamais autorisé à contester une cotisation»[14], il a conclu qu’il convenait de radier la déclaration de M. Harris parce qu’elle ne révélait aucune cause raisonnable d’action. Le protonotaire a subsidiairement conclu que M. Harris n’avait pas qualité pour intenter l’action.

Appel à la Section de première instance de la Cour fédérale

[19]      M. Harris a porté la décision du protonotaire-chef adjoint Giles en appel devant la Section de première instance de la Cour fédérale, [[1999] 2 C.F. 392, qui a accueilli l’appel. Le procureur général a, à ce stade de l’instance, maintenu sa position selon laquelle la déclaration devait être radiée en totalité.

[20]      Le juge Muldoon a appliqué le critère en trois volets élaboré par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[15] pour en venir à la conclusion que M. Harris avait qualité pour intenter son action car il satisfaisait au critère pour les raisons suivantes :

1. La question soulevée par M. Harris savoir « la question de l’invalidité [des actes de favoritisme visés] se pose […] sérieusement »[16]. Le juge Muldoon a déclaré que « [C]e qu’il importe de décider, le cas échéant, dans le cadre de l’action est de savoir si l’on est en présence : 1) de favoritisme ou de négligence dans l’administration de la perception des impôts; 2) d’une érosion massive de l’assiette fiscale nationale»[17]. Il a ajouté : « Il est clair que, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une question d’une gravité extrême »[18].

2. M. Harris a démontré un « intérêt véritable »[19]. Le juge Muldoon, signalant que M. Harris était un contribuable préoccupé, membre de Cho!ce, un groupe qui, selon lui, se souciait d’« équité fiscale »[20], a posé la question suivante « Que demander de plus de la part du demandeur pour que celui-ci soit considéré comme satisfaisant au deuxième critère?»[21].

3. Il n’y avait pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. Le juge Muldoon a conclu que « les seules personnes directement touchées ont reçu un imposant avantage du fait des actes administratifs du Ministère que le demandeur a contestés »[22] et qu’on ne pouvait s’attendre à ce que « [l]e procureur général, qui est membre du gouvernement»[23] attaque la décision anticipée de 1991.

[21]      Le procureur général interjette appel devant notre Cour de la décision du juge Muldoon.

ANALYSE

1.         La déclaration révèle-t-elle une cause d’action raisonnable?

Le critère applicable en matière de requête en radiation

[22]      C’est dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc.[24] que la Cour suprême du Canada a énoncé le critère applicable en matière de requête en radiation :

[…] dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action raisonnable? Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d’un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action. Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental […] que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a)[25].

[23]      De la même façon, la Cour avait statué à la majorité dans Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres[26] :

Le droit donc paraît clair. Les faits articulés doivent être considérés comme démontrés. Alors, la question est de savoir s’ils révèlent une cause raisonnable d’action, c.-à-d. une cause d’action « qui a quelques chances de succès » (Drummond-Jackson v. British Medical Association, [1970] 1 All E.R. 1094) ou, comme dit le juge Le Dain dans l’arrêt Dowson c. Gouvernement du Canada (1981), 37 N.R. 127 (C.A.F.), à la p. 138, est-il « évident et manifeste que la demande de jugement déclaratoire ou de réparation présentée par les demandeurs ne saurait aboutir[27]

Les allégations pertinentes se rapportant à la cause d’action

[24]      Comme il en a déjà été fait mention, la déclaration de M. Harris s’inspire largement des faits et des conclusions exposés dans le rapport du vérificateur général de mai 1996. Le vérificateur général y concluait que la décision anticipée de 1991 soulevait les questions suivantes, lesquelles sont alléguées dans la déclaration de M. Harris :

(a) Le vérificateur général a conclu que les opérations sur lesquelles portait la décision anticipée de 1991 ont « frustré l’intention du législateur »[28], car « [l’opinion fournie en 1985] présente de façon persuasive la position suivante : le plan général de la Loi montre que le législateur envisage l’appartenance de « biens canadiens imposables » uniquement à des non-résidents»[29], une position persuasive fondée sur les motifs exposés dans ladite opinion.

(b) Pendant plus de deux mois suivant la demande de décision anticipée de 1991, « des fonctionnaires ont à plusieurs reprises conclu que le Ministère ne devait pas rendre de décision favorable »[30]. D’ailleurs, le 3 décembre 1991, Revenu Canada a informé le ministère des Finances qu’il avait l’intention de soumettre la question au comité de la règle générale anti-évitement pour recommander d’appliquer le paragraphe 245(2) de la Loi à l’opération. De la même façon, un conseiller juridique attaché au ministère de la Justice a fourni, le 19 décembre 1993, un projet d’avis juridique dans lequel il concluait que [traduction] « la Loi n’est pas claire relativement à la question qui nous occupe » mais que « compte tenu de l’économie générale du texte de loi, je pense comme vous qu’il est possible d’affirmer que seul un non-résident peut disposer d’un « bien canadien imposable » pour les fins de la présomption établie à l’alinéa 85(1)i) de la Loi ».

Selon le vérificateur général, la décision anticipée a été rendue le 23 décembre 1991, malgré les incertitudes susmentionnées, après la tenue d’une série de rencontres entre des cadres de Revenu Canada et des fonctionnaires du ministère des Finances, dont il n’existe aucun procès-verbal ou détail même si les opérations en cause représentaient la possibilité de percevoir à juste titre « des centaines de millions de dollars en impôts »[31]. Ce n’est qu’après la décision anticipée que le ministère de la Justice a fourni une opinion selon laquelle [traduction] « pour l’application de la présomption énoncée à l’alinéa 85(1)i) de la Loi, un résident peut disposer de biens canadiens imposables ».

(c) Il est possible que d’autres contribuables aient été privés de l’avantage accordé au contribuable à qui la décision anticipée de 1991 était destinée, car ce n’est qu’en mars 1996 que la décision a été rendue publique, alors que l’opinion de 1985 énonçant que les résidents canadiens ne pouvaient détenir de biens canadiens imposables avait acquis un caractère public plus tôt.

Le redressement demandé

[25]      C’est au paragraphe 43 de sa déclaration que M. Harris expose le redressement principal qu’il recherche, savoir :

[traduction] Une déclaration portant que le ministre est tenu de prendre toutes les mesures possibles en vertu de la Loi pour percevoir tout impôt qui est à juste titre exigible par suite de l’opération mentionnée dans la décision de 1991, notamment le recours à la renonciation donnée par la fiducie familiale conformément au sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi à l’égard de l’application du paragraphe 107(5) dans l’année d’imposition de la fiducie familiale où l’attribution a eu lieu.

Les arguments du procureur général

[26]      Devant notre Cour, le procureur général a soutenu qu’un demandeur n’est pas admis à demander un jugement déclaratoire sur la simple question de l’interprétation à donner à un texte de loi, en l’absence d’une situation factuelle précise. Le procureur général conteste en particulier le redressement demandé au paragraphe 36(c) de la déclaration, soit [traduction] « [u]ne déclaration portant qu’avant le 1er octobre 1996, selon l’interprétation qu’il convenait de donner à la Loi de l’impôt sur le revenu, en droit, un résident du Canada ne pouvait pas détenir un “bien canadien imposable” .»

[27]      Plus généralement, le procureur général affirme que nul n’est recevable à contester les décisions fiscales rendues à l’égard d’un autre contribuable. Il invoque la décision du juge Strayer (tel était alors son titre) dans l’affaire Nova Ban-Corp Ltd. c. Tottrup[32] :

La Loi de l’impôt sur le revenu […] interdit également à quiconque sauf au contribuable de contester une cotisation d’impôt. Les termes mêmes de la Loi ne le prévoient pas. Selon les articles 165, 169 […] et l’ancien article 172 (qui autorise les appels devant la Cour fédérale), seul le « contribuable » est autorisé à déposer une opposition à une cotisation ou à intenter un appel […] Mise à part l’absence d’une autorisation expresse permettant une telle procédure, je partage l’avis de mon collègue le juge Walsh qui, dans l’affaire Hart c. Canada (M.R.N.), a statué que le créancier d’un contribuable n’avait pas qualité pour contester la cotisation et les mesures d’exécution prises en vertu de ladite cotisation. J’estime que l’arrêt de la Chambre des lords Inland Revenue Comrs v. National Federation of Self-Employed and Small Businesses Ltd., qu’il a cité, justifie clairement le rejet de toute idée selon laquelle une personne autre que le contribuable peut contester sa cotisation. Dans cette affaire, la Chambre des lords a mis l’accent sur le principe de la confidentialité des renseignements en matière d’impôt, principe selon lequel les tiers ne peuvent contester une cotisation. Au Canada, cette confidentialité est requise, dans des circonstances semblables à celles de l’espèce, par le paragraphe 241(2) […] de la Loi de l’impôt sur le revenu qui dispose qu’aucun fonctionnaire ne peut être contraint, dans le cadre de procédures judiciaires, à témoigner au sujet de renseignements obtenus au nom du Ministre aux fins de la présente Loi. Cela constituerait clairement un obstacle majeur pour un tiers qui déciderait de contester une cotisation devant le tribunal et on ne peut pas inférer qu’une telle contestation est autorisée.

[…]

[…] l’action […] est mal fondée. En d’autres termes, aucun tribunal n’examinera une contestation d’une cotisation d’impôt sur le revenu fédéral à moins que cette contestation ne provienne du contribuable, ni n’entendra une contestation à moins qu’elle ne soit présentée sous forme d’appel[33].

[28]      Dans le même esprit, le procureur général cite l’extrait suivant de la décision de lord Wilberforce dans l’affaire Inland Revenue Comrs v National Federation of Self-Employed and Small Businesses Ltd[34] pour affirmer que seules les personnes visées par une mesure fiscale sont admises à la contester :

[traduction] […] les obligations des commissaires sont envers Sa Majesté, et les affaires fiscales ne concernent que les commissaires et le contribuable en cause. Personne d’autre n’a quelque droit d’être entendu au sujet de l’impôt qu’un contribuable doit payer, ni même de poser des questions au sujet de cet impôt. L’entière confidentialité protégeant les cotisations et les négociations entre les contribuables et le fisc est essentielle au bon fonctionnement du régime. Le principe général, selon moi, est qu’un contribuable n’a pas un intérêt suffisant pour demander aux tribunaux d’examiner les affaires fiscales d’un autre contribuable ou pour faire valoir que la cotisation de celui-ci est trop ou trop peu élevée. En fait, il est d’intérêt public qu’il ne puisse le faire, et ce principe d’intérêt public s’applique également aux groupes de contribuables, lesquels ne peuvent, par eux-mêmes, se réclamer d’un intérêt qu’aucun des éléments qui les composent ne possède[35].

[29]      Le procureur général soutient finalement que l’action de M. Harris est irrecevable du fait de la confidentialité que l’article 241 [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 137] de la Loi accorde aux contribuables.

Analyse de la cause d’action

[30]      Je conviens avec le procureur général qu’il n’est pas possible de demander un jugement déclaratoire simplement interprétatif d’un texte de loi, non lié à un ensemble de faits, et que la décision du juge Strayer dans l’affaire Nova Ban[36] étaye cette conclusion. M. Harris, cependant, ne recherche pas une simple déclaration de ce type; il allègue beaucoup plus et demande beaucoup plus.

[31]      M. Harris affirme dans sa déclaration que les décisions anticipées de 1985 et de 1991, accordant des avantages fiscaux à certains contribuables, n’ont été rendues publiques que beaucoup plus tard. L’opinion de 1985, par contre, dans laquelle Revenu Canada énonçait que les contribuables ne pouvaient obtenir le genre d’avantages que permettaient lesdites décisions anticipées, avait été rendue publique plus tôt. M. Harris soutient donc qu’en agissant de la sorte [traduction] « la Couronne a accordé un traitement préférentiel et un avantage particulier indus à la fiducie familiale et à la fiducie de protection d’actifs, alors que d’autres fiducies et la catégorie générale de demandeurs représentée en l’espèce, ignoraient l’interprétation favorable appliquée par le ministre dans de telles circonstances »[37]. M. Harris avance également qu’il y a eu [traduction] « manque de documentation et d’analyse relatives à des décisions majeures rendues par des fonctionnaires de la Couronne à cet égard »[38]. Selon lui, des fonctionnaires de Revenu Canada et du ministère des Finances se sont rencontrés le 23 décembre 1991, sans dresser de procès-verbal de leurs réunions et, par la suite, Revenu Canada a soudainement conclu qu’il convenait de rendre une décision anticipée favorable au contribuable[39]. Tout cela, expose M. Harris, a fait naître chez lui [traduction] « une crainte raisonnable d’administration de mauvaise foi » et lui a fait conclure que, dans les circonstances de l’affaire, la Couronne agissait pour un motif inavoué[40].

[32]      Ces allégations, étayées en grande partie par le rapport du vérificateur général, amènent donc M. Harris à demander un jugement déclaratoire [traduction] « portant que le ministre est tenu de prendre toutes les mesures possibles en vertu de la Loi pour percevoir tout impôt qui est à juste titre exigible »[41]. En un mot, son action vise à [traduction] « venir à bout de l’inaction ou de l’incurie de personnes à qui incombe l’exercice de fonctions à caractère public »[42].

[33]      Les allégations de mauvaise administration et de motif inavoué faites par M. Harris ressemblent à l’obligation des fonctionnaires de faire preuve de « bonne foi » dans l’exécution de fonctions prévues par la loi. Dans l’arrêt Roncarelli v. Duplessis[43], le juge Rand a reconnu que les actions des fonctionnaires doivent reposer sur une [traduction] « appréciation rationnelle » de l’objet de la loi et non pas relever de [traduction] « l’arbitraire » :

[traduction] Dans une réglementation publique de cette nature, il n’y a rien de tel qu’une « discrétion » absolue et sans entraves, c’est-à-dire celle où l’administrateur pourrait agir pour n’importe quel motif ou pour toute raison qui se présenterait à son esprit; une loi ne peut, si elle ne l’exprime expressément, s’interpréter comme ayant voulu conférer un pouvoir arbitraire illimité pouvant être exercé dans n’importe quel but, si fantaisiste et étranger soit-il, sans avoir égard à la nature ou au but de cette loi […] La « discrétion » implique nécessairement la bonne foi dans l’exercice d’un devoir public […]

[…]

La « bonne foi » consistait, dans de telles circonstances, […] à appliquer la loi d’une manière conforme à son intention et dans le but auquel elle tend; cela signifie qu’ils devaient agir de bonne foi dans une appréciation raisonnable de cette intention et de ce but, et non dans une intention hors de propos et pour un but étranger; cela ne signifie pas qu’ils devaient agir dans le but de punir une personne qui avait exercé un droit incontestable; cela ne signifie pas non plus qu’ils devaient essayer arbitrairement et illégalement de dépouiller un citoyen d’un élément de son statut de citoyen[44].

[34]      Je ne pense pas que la décision de la Chambre des lords dans l’affaire National Federation of Self-Employed scelle l’échec de la demande de M. Harris. Comme on l’a vu, le procureur général a invoqué cette décision à l’appui de son argument voulant que personne d’autre que le contribuable visé par la cotisation ne peut contester le traitement dont il a été l’objet de la part de Revenu Canada. À mon avis, il y a matière à distinction du fait que le fisc anglais est investi de certains pouvoirs de large portée que Revenu Canada ne possède pas. Dans cette dernière affaire, lord Wilberfoce a fait état du très vaste pouvoir discrétionnaire dont jouissent les commissaires pour conclure des compromis avec les contribuables :

[traduction] La Loi de 1970 prévoit (art. I) que « la gestion de l’impôt sur le revenu […] est confiée aux Commissaires.» Cette Loi mentionne les pouvoirs très vastes de la Commission et des inspecteurs du fisc d’établir des cotisations relativement aux personnes que le Parlement désigne comme étant tenues de payer l’impôt sur le revenu. En matière d’emploi occasionnel, un texte de loi, l’Income Tax (Employment) Regulations 1973, SI 1973 No. 334, Reg. 50, prévoit que les inspecteurs peuvent établir des cotisations spéciales ou se prévaloir d’ententes particulières pouvant être conclues par les commissaires en vue de la perception fiscale. Comme nous le verrons plus loin, c’est une telle « entente particulière » que les commissaires voulaient conclure en l’espèce[45].

[35]      Lord Diplock a confirmé l’opinion de lord Wilberforce en affirmant que les fonctionnaires fiscaux de Grande-Bretagne étaient investis d’un [traduction] « grand pouvoir discrétionnaire de gestion quant aux meilleurs moyens d’obtenir pour l’administration nationale des finances les rentrées nettes les plus élevées possible à l’égard des impôts confiés à leur charge, compte tenu du personnel dont ils disposent et des frais de perception »[46]. Lord Scarman a pour sa part écrit, dans des motifs concordants, que [traduction] « [l]a Tax Management Act 1970 confie la gestion des impôts [aux commissaires] et, à cette fin, elle leur confère, ainsi qu’aux inspecteurs, une très grande latitude dans l’exercice de leurs pouvoirs »[47].

[36]      Revenu Canada ne jouit pas de tels pouvoirs. Dans l’arrêt Ludmer c. Canada[48], notre Cour a statué que les pouvoirs octroyés aux commissaires dont il était question dans l’affaire National Federation of Self-Employed sont « essentiellement différent[s]»[49] de ceux qui étaient dévolus au ministre au Canada :

Ni le ministre du Revenu ni ses préposés n’ont quelque discrétion que ce soit dans l’application qu’ils doivent faire de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ils sont tenus de la suivre d’une manière absolue comme d’ailleurs les contribuables sont obligés d’y obéir telle qu’elle est. L’institution des commissioners dotés de vastes pouvoirs et d’une généreuse discrétion pour régler chaque cas d’espèce n’existe pas ici. En conséquence, il n’est pas possible de juger leur conduite selon des critères mouvants et variables comme le sont ceux que dicte le principe de la justice naturelle. Pour déterminer si leurs décisions sont valides ou non il ne s’agit pas de se demander s’ils ont exercé leurs pouvoirs d’une façon correcte ou abusive, mais bien s’ils ont agi comme la loi qui les gouverne leur prescrit d’agir[50].

[37]      De la même façon, notre Cour a jugé que le ministre du Revenu national est tenu de rendre ses décisions en se fondant uniquement sur des considérations tirées de la Loi elle-même. Dans la décision Galway c. Le ministre du Revenu national, notre Cour, même si elle a estimé que le ministre a l’obligation, aux termes de la Loi, de fixer le montant de l’impôt exigible « en conformité de son interprétation de la loi », a également statué qu’il « ne peut établir une cotisation pour un certain montant fixé afin de donner effet à un compromis »[51]. Effectivement, dans l’arrêt Cohen (N) c La Reine[52], la Cour a conclu que « La convention par laquelle le Ministre accepterait de cotiser pour les fins de l’impôt sur le revenu autrement que suivant la loi serait à mon avis illicite »[53]. De la même façon, le ministre ne peut accorder un traitement préférentiel à un contribuable pour un motif inavoué pas plus qu’il ne peut conclure d’entente secrète. Du fait des allégations contenues dans la déclaration, lesquelles sont étayées en grande partie par le rapport du vérificateur général, la demande de M. Harris sort du champ des questions de simple interprétation administrative.

[38]      Dans l’arrêt Longley v. Minister of National Revenue, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé que le ministre était tenu de suivre la Loi de façon absolue. Selon le juge Hutcheon, [traduction] « le ministre doit administrer la Loi de l’impôt sur le revenu en se conformant à ses dispositions »[54], ajoutant qu’il ne voyait [traduction] « aucune raison légale qui permettrait à un tribunal d’ordonner au ministre d’agir contrairement à la Loi »[55].

[39]      Je ne souscris pas davantage à l’argument voulant que la décision du juge Strayer dans l’affaire Nova Ban montre qu’il est évident et manifeste que la déclaration de M. Harris ne révèle aucune cause d’action raisonnable. Dans cette affaire, Nova Ban était créancière de la société Container Port; elle a voulu contester la cotisation établie par le ministre à l’égard de Container Port parce cette dernière aurait « accepté une cotisation excessive d’impôt sur le revenu qui aurait dû être payée »[56] par le président de la société. Autrement dit, il s’agissait d’un différend commercial privé portant sur une question d’argent. Le juge Strayer n’a nullement examiné les principes applicables à la qualité pour agir dans l’intérêt public; il n’a pas non plus affirmé qu’il y avait absence de cause d’action lorsque le demandeur cherchait à contester la cotisation fiscale d’une personne pour des motifs d’intérêt public en alléguant illégalité, irrégularité, motif inavoué, favoritisme, traitement préférentiel et entente secrète.

[40]      Je suis donc d’avis que la jurisprudence citée par le procureur général n’établit pas que la déclaration de M. Harris ne révèle manifestement aucune cause d’action. M. Harris allègue que le ministre du Revenu national a agi illégalement, irrégulièrement ou pour un motif inavoué, savoir le favoritisme et le traitement préférentiel par entente secrète, lorsqu’il a donné à des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu une interprétation favorable à une fiducie particulière. Si l’on tient ces faits pour véridiques (comme on doit le faire pour les requêtes en radiation) et si l’on prend en considération que les faits essentiels exposés dans la déclaration de M. Harris ne sont pas des « allégations fondées sur des suppositions et des conjectures »[57], mais reposent sur le rapport du vérificateur général, il n’est pas évident et manifeste que l’action de M. Harris soit vouée à l’échec.

[41]      Je souligne que la requête en radiation du procureur général, présentée devant le protonotaire-chef adjoint Giles, le juge Muldoon et notre Cour, vise à faire radier la déclaration dans sa totalité. Cet objet ressort pleinement de l’avis de requête initial et de l’avis d’appel[58] de même que des décisions du protonotaire-chef adjoint Giles et du juge Muldoon. La requête ne vise pas à retrancher certaines parties de l’acte de procédure. Par conséquent, il n’est pas nécessaire, vu ma conclusion que l’action de M. Harris n’est pas manifestement vouée à l’échec, d’examiner des points particuliers de la déclaration, comme la question de savoir si le ministre assume un devoir fiduciaire envers les contribuables en général ou exerce des fonctions assimilables à celles d’un fiduciaire. Le sort de l’action de M. Harris ne dépend pas nécessairement de cette allégation.

[42]      Quoi qu’il en soit, il n’est pas manifeste et évident, selon moi, que le ministre n’assume pas de devoir fiduciaire envers les contribuables. D’un côté, je reconnais qu’il existe des arguments juridiques permettant de soutenir l’inexistence d’une telle obligation, notamment l’arrêt Guerin et autres c. La Reine et autre[59], dans lequel le juge Dickson (tel était alors son titre) a écrit :

Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n’existe d’obligation de fiduciaire que dans le cas d’obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l’acquittement nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire. Comme il se dégage d’ailleurs des décisions portant sur les « fiducies politiques », on ne prête pas généralement à Sa Majesté la qualité de fiduciaire lorsque celle-ci exerce ses fonctions législatives ou administratives[60].

[43]      Dans la même veine, le juge Le Dain, J.C.A., a statué, dans l’affaire La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée c. Le ministre du Revenu national (No 1), que « l’obligation qui pèse sur [le ministre du Revenu national] en vertu de l’article 202 de la Loi sur l’accise est due à la Couronne plutôt qu’[à Rothmans] »[61].

[44]      D’un autre côté, l’argument voulant que le ministre assume un devoir fiduciaire envers les contribuables est également défendable en droit. Par exemple, lord Diplock a jugé, dans l’affaire Bromley London BC v Greater London Council[62], qu’une [traduction] « administration locale est généralement tenue à titre fiduciaire envers les contribuables qui lui fournissent les fonds dont elle a besoin pour accomplir les fonctions prévues par la loi »[63] et, dans Roberts v. Hopwood[64], lord Atkinson a écrit :

[traduction] À mon avis, un organisme ayant la responsabilité d’administrer, pour des fins déterminées, des fonds qui lui proviennent en totalité ou en partie de personnes autres que ses membres, assume à leur égard l’obligation de s’acquitter de sa charge avec une diligence, des compétences et une prudence raisonnables et en veillant activement aux intérêts des bailleurs de fonds ne faisant pas partie de ses membres, d’une façon s’apparentant assez à la gestion d’une entreprise privée. Envers ces dernières personnes, l’organisme agit plus ou moins en qualité de fiduciaire ou de gestionnaire des biens d’autrui[65].

[45]      Dans l’affaire National Federation of Self-Employed, lord Wilberforce, même s’il a reconnu que [traduction] « [l]es obligations des commissaires sont envers Sa Majesté », a jugé qu’un contribuable pouvait contester le traitement fiscal reçu par un autre contribuable s’il pouvait soumettre à l’examen du tribunal des éléments de preuve démontrant l’existence du [traduction] « manquement au devoir » allégué[66]. Il faut donc que lord Wilberforce ait considéré implicitement que les commissaires n’étaient pas tenus exclusivement envers Sa Majesté.

[46]      En outre, lord Scarman a écrit, dans la même affaire :

[traduction] Je ne sache pas non plus que Sa Majesté soit la créancière exclusive de l’obligation de percevoir « tout impôt ». En dépit de la décision Treasury de 1872, j’ai la conviction que la jurisprudence actuelle reconnaît que le fisc assume envers l’ensemble des contribuables l’obligation légale de les traiter avec équité […][67].

[47]      Selon moi, ces dernières affaires indiquent qu’il n’est pas évident et manifeste que le ministre n’assume pas de devoir fiduciaire envers les contribuables. Même si le procureur général peut avancer des arguments solides à l’appui de la proposition contraire, je ne crois pas que M. Harris doive être « privé d’un jugement », pour employer les termes de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc.

2.         M. Harris a-t-il qualité pour demander, dans l’intérêt public, un jugement déclaratoire en alléguant la mauvaise administration de la Loi de l’impôt sur le revenu par le ministre?

[48]      Selon le procureur général, on peut reconnaître à un citoyen la qualité pour introduire une instance non constitutionnelle seulement lorsque les questions en litige ont trait aux limites du pouvoir prévu par la loi pour prendre des mesures administratives. Le procureur général cite abondamment les motifs du juge Le Dain (tel était alors son titre) dans l’arrêt La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée c. Le ministre du Revenu national (No 1)[68].

[49]      Pour juger de la valeur de cet argument, il faut se reporter brièvement aux arrêts Thorson c. Procureur général du Canada et autres[69]; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil[70]; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski[71]; Finlay c. Canada (Ministre des Finances)[72]; et Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[73] de la Cour suprême du Canada. La Cour a établi dans les arrêts Thorson, McNeil et Borowski les conditions auxquelles un demandeur est recevable à invoquer des motifs constitutionnels pour contester une loi dans l’intérêt public. Le juge Martland a ainsi affirmé dans l’arrêt Borowski, au nom de la majorité de la Cour, que la qualité pour agir dans l’intérêt public exige 1) que la question de la validité de la loi se pose sérieusement, 2) que le demandeur ait un intérêt véritable et 3) qu’il n’y ait pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour[74]. Dans l’arrêt Conseil canadien des Églises, la Cour suprême du Canada a repris ce critère en trois volets pour déterminer quand il convient de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public dans une contestation fondée sur la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]][75].

[50]      Dans l’arrêt Finlay c. Canada (Ministre des Finances), le juge Le Dain a examiné s’il fallait étendre à « une action en jugement déclaratoire, sans contestation de constitutionnalité, à l’égard du pouvoir que confère la loi de faire des dépenses publiques ou quelque autre action administrative »[76] les principes applicables en matière de qualité pour agir dans une affaire constitutionnelle. Il a confirmé qu’il le fallait pour « le maintien du respect des limites de l’autorité administrative » :

La question, donc, comme je la conçois, est de savoir si la Cour devrait étendre à de tels cas le principe qui se dégage des arrêts Thorson, McNeil et Borowski. Cette question à son tour soulève des considérations de principe, sous-jacentes aux attitudes des juges envers la qualité pour agir dans l’intérêt public et, en particulier, si la même valeur doit être attribuée à l’intérêt dans le maintien du respect des limites de l’autorité administrative que celle que cette Cour a attribuée, dans les arrêts Thorson, McNeil et Borowski, à l’intérêt public dans le maintien et le respect des limites de l’autorité législative.

À mon avis, il faut répondre à cette question par l’affirmative[77].

[51]      Dans l’arrêt Rothmans, par contre, le juge Le Dain [tel était alors son titre] avait refusé de reconnaître à Rothmans la qualité requise pour contester les calculs du Ministre. Il avait statué :

Les décisions de la Cour suprême du Canada, Thorson c. Le procureur général du Canada [1975] 1 R.C.S. 138, et McNeil c. Nova Scotia Board of Censors (1975) 5 N.R. 43, nous ont été citées comme indiquant un relâchement de l’exigence de la qualité pour agir. Une lecture attentive de ces décisions montre, à mon avis, que la considération essentielle sous-jacente à ces décisions est l’importance, dans un État fédéral, de la possibilité de contester la validité constitutionnelle des lois. Cette considération n’est pas applicable ici. On prétend qu’une considération comparable d’intérêt public sous-tend la possibilité de contester la validité de l’action administrative, et ce point de vue trouve un certain appui dans la reconnaissance du pouvoir discrétionnaire judiciaire d’autoriser un tiers à demander un bref de certiorari ou de prohibition dans certaines affaires. La présente affaire ne soulève pas la question des limites d’un pouvoir légal. Il s’agit tout au plus d’une question d’interprétation administrative nécessaire à l’application de la loi en vigueur[78].

[52]      La différence essentielle entre l’arrêt Rothmans et la présente espèce tient à ce que la Cour avait conclu, dans Rothmans, que l’affaire ne mettait pas en cause la question du respect des limites de l’autorité administrative. Or, la déclaration de M. Harris soulève précisément cette question. Il allègue que des contribuables ont obtenu de Revenu Canada des avantages fiscaux auxquels n’ont pas eu droit les autres contribuables. Il affirme, autrement dit, que Revenu Canada a accordé un traitement préférentiel à certains contribuables, un geste qui met en jeu la question des limites d’un pouvoir légal.

[53]      Notre Cour a jugé qu’un tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire de reconnaître à quelqu’un la qualité pour agir dans l’intérêt public lorsque d’importantes questions d’intérêt général sont soulevées. Dans Distribution Canada Inc. c. M.R.N.[79], une affaire dans laquelle la demanderesse voulait obliger le ministre à se conformer à certaines dispositions du Tarif des douanes [L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 41], le juge Desjardins, J.C.A. a statué qu’il peut y avoir qualité pour agir dans l’intérêt public lorsque « la question […] [posée] est une sérieuse question d’intérêt général et n’eût été ses efforts, il se peut qu’il n’existe aucun autre moyen d’en saisir la Cour »[80].

[54]      De la même façon, même s’il a exprimé l’avis, dans l’affaire National Federation of Self-Employed, que « [l]e principe général, selon moi, est qu’un contribuable n’a pas un intérêt suffisant pour demander aux tribunaux d’examiner les affaires fiscales d’un autre contribuable ou pour faire valoir que la cotisation de celui-ci est trop ou trop peu élevée »[81], lord Wilberforce a tout de même écrit :

[traduction] Je n’affirme certainement pas qu’il ne pourra jamais arriver que des actes ou omissions du fisc soient soumis au tribunal, et je ne dis pas non plus que le tribunal ne pourrait pas statuer, dans des cas suffisamment sérieux, qu’un contribuable ou un groupe de contribuables peut entreprendre une contestation. Pour déterminer s’il s’agit d’une telle éventualité, il faut procéder à un examen du manquement ou de l’illégalité alléguée et de la preuve. C’est sur ces éléments, mis en parallèle avec la position du plaignant, que le tribunal doit fonder sa décision[82].

[55]      Dans la même veine, lord Diplock a affirmé :

[traduction] Je suis convaincu, et je ne crois pas que quiconque parmi vos Seigneuries ne doute, que s’il était établi que le fisc voulait exercer ses pouvoirs ou s’abstenir de les exercer, non pour des raisons de « saine administration », mais pour des motifs étrangers à ses fins ou secrets, ces actes ou omissions seraient ultra vires et pourraient à bon droit faire l’objet d’un contrôle judiciaire si le tribunal en était saisi par un demandeur ayant un « intérêt suffisant » à ce qu’il soit ordonné au fisc de se conformer à la Loi[83].

[56]      Lord Diplock a ajouté que [traduction] « notre système de droit public souffrirait d’une grave lacune si des règles formalistes désuètes en matière de qualité pour agir empêchaient un groupe de pression comme la fédération ou même, un contribuable animé par l’intérêt public, de saisir le tribunal de l’affaire pour faire reconnaître la primauté du droit et cesser la conduite illégale »[84].

[57]      De la même façon, lord Scarman a conclu qu’il était possible de reconnaître qu’une personne voulant contester le traitement d’autres contribuables par le fisc avait qualité pour agir. S’il n’a pas permis que la demande d’autorisation aille plus avant, c’est qu’il a jugé que le fisc avait tous les pouvoirs voulus pour en arriver à un compromis avec les contribuables. Il a toutefois ajouté que si la Fédération avait présenté [traduction] « des motifs raisonnables de croire que l’omission de percevoir l’impôt […] constituait un abus des pouvoirs de gestion du fisc ou qu’il existait des éléments de preuve méritant à juste titre l’examen du tribunal », elle aurait [traduction] « démontré qu’elle avait un intérêt suffisant pour obtenir l’autorisation de poursuivre son action »[85].

[58]      Comme je l’ai déjà expliqué dans les présents motifs, Revenu Canada n’aurait pas le pouvoir de passer le compromis dont il était question dans l’affaire National Federation of Self-Employed. Je ne crois donc pas que le motif ayant fondé la Chambre des lords à ne pas reconnaître à la Fédération la qualité pour agir dans l’intérêt public soit juridiquement applicable au Canada. Par conséquent, cette décision n’établit pas, selon moi, que M. Harris ne saurait avoir qualité pour contester, dans l’intérêt public, les mesures fiscales prises par Revenu Canada à l’égard d’autres contribuables. En fait, je suis d’avis que les opinions incidentes de lord Wilberforce, lord Diplock et lord Scarman, citées plus haut, démontrent au contraire que si Revenu Canada conclut un compromis ou une entente secrète ou accorde un traitement préférentiel à certains contribuables sans y être autorisé par la loi, il est possible de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public à quiconque conteste les avantages fiscaux accordés.

[59]      Examinons maintenant si, au regard des quatre critères formulés dans l’arrêt Finlay, notre Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et reconnaître à M. Harris la qualité pour agir dans l’intérêt public. Dans l’arrêt Finlay, le juge Le Dain a affirmé que les tribunaux devaient prendre en considération leur rôle propre et leur relation constitutionnelle avec les autres branches du gouvernement. Il a jugé que lorsque les tribunaux peuvent trancher un litige, ceux-ci « ne devraient pas refuser de statuer au motif qu’à cause de ses incidences ou de son contexte politiques, il vaudrait mieux en laisser l’examen et le règlement au législatif ou à l’exécutif »[86].

[60]      Je suis d’avis que la déclaration déposée par M. Harris soulève une question contentieuse. Ce dernier affirme en effet que Revenu Canada a agi illégalement, irrégulièrement ou pour un motif inavoué, savoir le favoritisme et le traitement préférentiel par entente secrète, en interprétant la Loi de l’impôt sur le revenu en faveur d’une fiducie particulière. Cette affirmation soulève la question d’une contravention possible à la Loi qu’un tribunal peut examiner à la lumière de l’obligation du ministre d’obéir « de façon absolue » à la Loi, reconnue par notre Cour dans l’arrêt Ludmer[87].

[61]      Le second critère établi par le juge Le Dain dans l’arrêt Finlay est le caractère sérieux de la question soulevée par celui qui se réclame de l’intérêt public. Pour reprendre les mots employés par le juge Le Dain dans cette dernière décision, les questions soulevées par M. Harris sont « loin d’être futiles »[88]. M. Harris ne cherche pas seulement à obtenir un jugement déclaratoire interprétant une disposition particulière de la Loi; il allègue plutôt, comme il en a été fait mention plus haut, que le ministre du Revenu national a agi pour un motif inavoué dans le but de favoriser des contribuables particuliers, dans un contexte où faisaient défaut la documentation et l’analyse [traduction] « relatives à des décisions majeures rendues par des fonctionnaires de la Couronne à cet égard »[89]. Ces questions sont sérieuses.

[62]      Le troisième critère est l’existence d’un intérêt véritable dans les questions soulevées. En appel, le procureur général n’a pas contesté vigoureusement cette existence. M. Harris est un contribuable. Il appartient à un organisme veillant à la bonne administration du régime fiscal. Je conclus donc qu’il a un intérêt véritable dans les questions soulevées.

[63]      Finalement, le tribunal doit, pour exercer son pouvoir discrétionnaire en matière de reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public, être convaincu qu’il n’y a pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à un tribunal. Là non plus, le procureur général n’a pas sérieusement prétendu que les questions pouvaient être soumises à un tribunal d’une autre façon raisonnable et efficace. En effet, M. Harris s’est adressé à deux reprises au procureur général, mais celui-ci n’a toujours pas donné suite à ses demandes. Et l’on ne peut soutenir sérieusement que les contribuables ayant obtenu la décision anticipée favorable de 1991 vont soumettre aux tribunaux les questions soulevées par M. Harris. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas d’autre manière raisonnable et efficace de soumettre les questions à la justice.

Conclusion sur la qualité pour agir

[64]      Les tribunaux ont reconnu l’existence de la qualité pour agir dans des affaires similaires. Par exemple, dans l’affaire Greater Victoria Concerned Citizens Assn. v. Provincial Capital Commission[90], un groupe de citoyens a été admis à demander un jugement déclaratoire portant que la Provincial Capital Commission n’avait pas le pouvoir de louer des biens patrimoniaux comme attraction touristique. Dans Union of Nor. Wkrs. v. N.W.T. (Min. of Safety & Pub. Services)[91], la Cour a reconnu à un syndicat la qualité pour chercher, dans l’intérêt public, à contraindre un ministre à convoquer des réunions de la commission de la santé et de la sécurité au travail. Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances)[92], un organisme voué à la protection de l’environnement s’est fait reconnaître la qualité pour demander que plusieurs ministres soumettent la vente de réacteurs nucléaires à une évaluation environnementale complète conformément à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale[93], arguant que l’absence d’évaluation était illégale.

[65]      Je crois que rien ne permet de conclure que le ministre du Revenu national jouisse d’une quelconque protection contre de telles actions visant, dans l’intérêt public, à le contraindre à s’acquitter des fonctions que la loi lui impose. J’estime donc que le juge Muldoon a conclu à bon droit qu’on pouvait reconnaître à M. Harris la qualité pour agir dans l’intérêt public et qu’il a correctement jugé, par conséquent, qu’il y avait lieu d’infirmer la décision du protonotaire ayant accueilli la requête en radiation de la Couronne.

[66]      Je tiens à signaler que la cause d’action pour laquelle la qualité pour agir a été reconnue est étroite. M. Harris ne cherche pas seulement à faire interpréter une disposition particulière de la Loi, ce qui équivaudrait à demander à la Cour de formuler un avis juridique. Un simple changement de position de bonne foi quant à l’interprétation n’aurait pas constitué en soi une cause d’action suffisante et n’aurait pas convaincu notre Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire en matière de reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public. Néanmoins, il se peut que l’examen de la cause d’action à l’égard de laquelle M. Harris a obtenu qualité pour agir dans l’intérêt public oblige le juge de première instance à examiner la question de savoir si, en vertu d’une interprétation correcte de la Loi, un résident canadien peut détenir un « bien canadien imposable ».

La confidentialité

[67]      Je traiterai brièvement des questions relatives à la confidentialité qu’a soulevées le procureur général. Selon ce dernier, l’action intentée par M. Harris, si la Cour en autorisait la poursuite, risquerait inévitablement de porter atteinte à la confidentialité exigée à l’article 241 de la Loi. Les paragraphes 241(1) et (2) de la Loi énoncent notamment qu’il est interdit à un fonctionnaire « de fournir sciemment à quiconque un renseignement confidentiel » et que « nul fonctionnaire ne peut être requis, dans le cadre d’une procédure judiciaire, de témoigner ou de produire quoi que ce soit, relativement à un renseignement confidentiel ».

[68]      Cependant le paragraphe 241(3) prévoit que les paragraphes 241(1) et (2) ne s’appliquent pas « aux procédures judiciaires ayant trait à l’application ou à l’exécution de la présente loi », ce que M. Harris prétend vouloir accomplir en intentant son action d’intérêt public.

[69]      Tout comme lord Scarman dans la décision National Federation of Self-Employed[94], je pense que les questions touchant la confidentialité des renseignements fiscaux devraient être laissées à l’appréciation du juge chargé de la gestion de l’instance ou du juge de première instance. J’ajoute que les Règles de la Cour fédérale (1998) prévoient de nombreuses règles permettant de régler de façon appropriée les préoccupations relatives à la confidentialité. Le paragraphe 29(2) permet à la Cour d’« ordonner que l’instruction d’une instance ou d’une partie de celle-ci se déroule à huis clos, si elle est d’avis qu’elle ne devrait pas être publique ». La règle 151 prévoit que la Cour peut « ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels ». L’alinéa 152(2)b) énonce qu’un document ou élément matériel confidentiel ne peut être remis à l’avocat inscrit au dossier que s’il s’engage, notamment, « par écrit auprès de la Cour […] à ne pas divulguer son contenu, sauf aux avocats participant à l’instance ou à la Cour pendant son argumentation ».

[70]      Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

Le juge Létourneau, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.



[1]  L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

[2]  Circulaire d’information 70-6R2.

[3]  Ibid., par. 4 et 5.

[4]  Ibid., par. 3.

[5]  Dans le présent appel, je fais mention du rapport du vérificateur général du Canada daté du 7 mai 1996 [Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes. Avant-propos et Points saillants, chapitre 1 « Autres observations et vérification »] ainsi que du rapport du Comité permanent des finances daté du 17 septembre 1996 [Biens canadiens imposables : troisième rapport du Comité permanent des finances], lesquels sont cités dans la déclaration de M. Harris (voir la règle 177 [des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106] et Web Offset Publications Ltd. v. Vickery (1999), 43 O.R. (3d) 802 (C.A.), demande d’autorisation de pourvoi déposée le 24 septembre 1999, [1999] S.C.C.A. no 460).

[6]  Rapport du vérificateur général, à la p. 1-22. Voir également la déclaration, par. 26 et 29(3).

[7]  Biens canadiens imposables : troisième rapport du Comité permanent des Finances, (septembre 1996). Voir également la déclaration, par. 25.

[8]  Déclaration, par. 29(e).

[9]  Lorsqu’une fiducie attribue des biens à un contribuable non résident, elle est généralement réputée en avoir disposé, aux termes de l’art. 107(5), à moins que le bien ne soit un bien canadien imposable.

[10]  Déclaration, par. 7.

[11]  Ibid.

[12]  Ibid., par. 16.

[13]  Ibid., par. 43(c).

[14]  (1997), 98 DTC 6072 (C.F. 1re inst.), à la p. 6077.

[15]  [1992] 1 R.C.S. 236.

[16]  [1999] 2 C.F. 392 (1re inst.), à la p. 410.

[17]  Ibid.

[18]  Ibid.

[19]  Ibid., à la p. 411.

[20]  Ibid., à la p. 414.

[21]  Ibid.

[22]  Ibid., à la p. 410.

[23]  Ibid., à la p. 414.

[24]  [1990] 2 R.C.S. 959.

[25]  Ibid., à la p. 980.

[26]  [1985] 1 R.C.S. 441.

[27]  Ibid., aux p. 486 et 487.

[28]  Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes (mai 1996), précité, à la p. 1-16. Voir le par. 11 de la déclaration.

[29]  Ibid., à la p. 1-17.

[30]  Ibid. Voir la déclaration, par. 29.

[31]  Ibid., à la p. 1-22.

[32]  [1990] 1 C.F. 288 (1re inst.).

[33]  Ibid., aux p. 294 à 296 (non souligné dans l’original).

[34]  [1981] 2 All E.R. 93 (H.L.).

[35]  Ibid., aux p. 98 et 99.

[36]  Je constate toutefois que dans l’affaire Longley v. Minister of National Revenue (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 238 (C.A.), l’avocat du procureur général a plaidé que [traduction] « les jugements déclaratoires concernant l’interprétation et l’application de l’art. 127 [de la Loi de l’impôt sur le revenu] ressortissent à la compétence conférée à la Cour fédérale par l’art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale » (à la p. 243).

[37]  Déclaration, par. 33.

[38]  Ibid., par. 13.

[39]  Ibid., par. 29.

[40]  Ibid., par. 33.

[41]  Ibid., par. 43(c).

[42]  Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294 (C.A. Ont.), à la p. 297.

[43]  [1959] R.C.S. 121.

[44]  Ibid., aux p. 140, 143; la Cour a, dans la décision Longley v. M.N.R. (1999), 176 D.L.R. (4th) 445 (C.S.C.-B.), cité ce passage en l’approuvant, aux para. 82 et 83 [p. 466].

[45]  National Federation of Self-Employed, précitée, note 34, à la p. 98.

[46]  Ibid., à la p. 101.

[47]  Ibid., à la p. 111.

[48]  [1995] 2 C.F. 3 (C.A.).

[49]  Ibid., à la p. 17.

[50]  Ibid.

[51]  [1974] 1 C.F. 600 (C.A.), à la p. 602.

[52]  [1980] CTC 318 (C.A.F.).

[53]  Ibid., p. 319.

[54]  Longley, précité, note 36, à la p. 243.

[55]  Ibid.

[56]  Nova Ban, précité, note 32, à la p. 291.

[57]  Operation Dismantle, précité, note 26, à la p. 455.

[58]  L’avis de requête initial comportait l’allégation suivante : [traduction] « la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable […] [elle] est préjudiciable et embarrassante et constitue un recours abusif à la procédure de la Cour », et l’avis d’appel, [traduction] « les appelants demandent […] la radiation de la déclaration en vertu de la règle 221 des Règles de la Cour fédérale (1998), avec dépens en faveur des appelants ».

[59]  [1984] 2 R.C.S. 335.

[60]  Ibid., à la p. 385. Voir également Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574, le juge La Forest (dissident).

[61]  [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), à la p. 510.

[62]  [1982] 1 All ER 129 (H.L.).

[63]  Ibid., à la p. 165.

[64]  [1925] A.C. 578 (H.L.).

[65]  Ibid., aux p. 595 et 596.

[66]  National Federation of Self-Employed, précité, note 34, à la p. 99.

[67]  Ibid., à la p. 112.

[68]  Précité, note 61.

[69]  [1975] 1 R.C.S. 138.

[70]  [1976] 2 R.C.S. 265.

[71]  [1981] 2 R.C.S. 575.

[72]  [1986] 2 R.C.S. 607.

[73]  [1992] 1 R.C.S. 236.

[74]  Borowski, précité, note 71, à la p. 598.

[75]  Conseil canadien des Églises, précité, note 15, aux p. 252 et 253 (« Il n’est pas nécessaire d’élargir les principes régissant la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public établis par notre Cour »).

[76]  Finlay, précité, note 72, à la p. 630.

[77]  Ibid., à la p. 631.

[78]  Rothmans, précité, note 61, à la p. 510 (non souligné dans l’original).

[79]  [1993] 2 C.F. 26 (C.A.).

[80]  Ibid., à la p. 39.

[81]  National Federation of Self-Employed, précité, note 34, à la p. 99.

[82]  Ibid.

[83]  Ibid., à la p. 101.

[84]  Ibid., à la p. 107.

[85]  Ibid., à la p. 114.

[86]  Finlay, précité, note 72, à la p. 632.

[87]  Ludmer, précité, note 48, à la p. 17.

[88]  Finlay, précité, note 72, à la p. 633.

[89]  Déclaration, par. 13.

[90]  (1990), 46 Admin. L.R. 74 (C.S.C.-B.).

[91]  [1991] N.W.T.R. 103 (C.S.).

[92]  [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.).

[93]  L.C. 1992, ch. 37.

[94]  Précité, note 34, à la p. 114, [traduction] (« on peut laisser les questions de communication préalable à la discrétion de la Cour qui sera guidée par le droit existant, tel que je le conçois »).

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