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A‑314‑06

2007 CAF 134

Procureur général du Canada (demandeur)

c.

Christopher Prins (défendeur)

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Prins (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Desjardins, Létourneau et Ryer, J.C.A.—Edmonton, 13 mars; Ottawa, 3 avril 2007.

Assurance‑emploi —  Un apprenti a présenté une demande pour recevoir des bénéfices d’assurance‑chômage à compter du jour où commençait aussi la deuxième année de son programme d’apprentissage approuvé —  L’entreprise de l’employeur rouvrait aussi le même jour après le congé des fêtes —  Il s’agissait de savoir si l’apprenti était assujetti au délai de carence de deux semaines prévu à l’art. 13 de la Loi sur l’assurance‑emploi —  Examen de la genèse et des objectifs de l’art. 39.1 —  Décisions contradictoires relatives à l’application de l’art. 39.1 — Les conditions applicables à la suppression prévue à l’art. 39.1 ont été remplies : le défendeur a suivi un cours obligatoire dans le cadre d’un programme d’apprentissage; il a cessé de travailler lorsque le travail a repris pour suivre ce cours; il a déjà purgé un délai de carence pour un cours faisant partie du même programme — L’intention législative a été respectée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire du rejet, par un juge‑arbitre, de l’appel intenté à l’encontre de la décision du conseil arbitral portant que le défendeur avait droit à des prestations. Le défendeur a travaillé du 27 décembre 2003 au 24 décembre 2004. Le 27 décembre 2004, il a présenté une demande pour recevoir des bénéfices d’assurance‑chômage, indiquant comme motif de cessation d’emploi qu’il poursuivait sa deuxième année d’un cours de formation en menuiserie à l’Institut de Technologie du Nord de l’Alberta, programme d’apprentissage approuvé par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada. Cependant, l’employeur avait temporairement fermé boutique pour la période des fêtes, soit du 24 décembre au 3 janvier. La Commission a refusé le paiement de prestations pour une période de deux semaines en application des articles 13 et 25 de la Loi sur l’assurance‑emploi et de l’alinéa 39.1b) du Règlement sur l’assurance‑emploi (le Règlement), affirmant que le motif de cessation d’emploi était la fermeture de l’entreprise. Le conseil arbitral a infirmé cette décision. Le juge‑arbitre a confirmé la décision du conseil arbitral, soutenant que le motif de cessation d’emploi était le retour au programme de formation. Le défendeur avait déjà purgé un délai de carence en janvier 2004 et le cours de formation de janvier 2005 faisait partie du même programme.

La question en litige était celle de savoir si le délai de carence de deux semaines prévu à l’article 13 a été supprimé en vertu de l’article 39.1 du Règlement.

Arrêt : la demande doit être rejetée.

L’application de l’article 39.1 a débouché sur des conclusions différentes qui ne sont pas nécessairement réconciliables.

Le délai de carence est d’une nature semblable à la franchise d’un contrat d’assurance privé. Il permet d’éliminer les demandes portant sur des périodes de chômage très courtes que le législateur estime chaque travailleur être en mesure d’assumer seul. Il permet également une vérification efficace des demandes de prestations afin de déterminer si une personne est réellement en chômage ou si elle n’a été mise à pied que pour quelques jours. Cependant, l’application répétitive du délai de carence à l’apprenti qui suit un cours de formation sur plus d’une période ou session aurait un effet dissuasif sur les inscriptions aux programmes d’apprentissage. La pénurie de main‑d’œuvre dans des métiers spécialisés a entraîné des mesures correctrices. Il ne faudrait donc pas interpréter l’article 39.1 si restrictivement qu’il serait dépouillé de son objet et privé de ses effets bénéfiques.

Les trois conditions d’application de l’article 39.1 sont les suivantes : 1) le prestataire doit suivre un cours obligatoire d’un programme d’apprentissage; 2) il doit avoir cessé de travailler pour suivre ce cours; et 3) il doit avoir déjà purgé un délai de carence pour un cours faisant partie du même programme d’apprentissage. Le 4 janvier, le défendeur était à l’école de formation où il suivait un cours qui était une partie obligatoire de son programme d’apprentissage. Il a cessé de travailler lorsque le travail a repris chez son employeur parce qu’il suivait un cours qui était une partie obligatoire de son programme d’apprentissage. La troisième condition n’était pas en cause. Le défendeur rencontrait les trois conditions de l’article 39.1 et il se qualifiait pour la suppression du délai de carence. La décision du juge‑arbitre respectait l’intention législative et favorisait la poursuite des objectifs désirés.

lois et règlements cités

Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 13, 25 (mod. par L.C. 1997, ch. 26, art. 88; 1999, ch. 31, art. 76(F)).

Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332, art. 39.1 (édicté par DORS/2002‑280, art. 1).

jurisprudence citée

décisions examinées :

Wiens (Re) (2006), CUB 65967; Jevne (Re) (2005), CUB 64242; McKenzie (Re) (2005), CUB 64468; Turcotte (Re) (2006), CUB 66592; Zimmer (Re) (2005), CUB 64365.

doctrine citée

Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, Gaz. C. 2002.II.1821.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision du juge‑arbitre portant que le défendeur, qui avait cessé de travailler en décembre pour poursuivre sa deuxième année d’un programme d’apprentissage approuvé qui commençait en janvier, n’était pas assujetti au délai de carence de deux semaines prévu à l’article 13 de la Loi sur l’assurance‑emploi du simple fait que l’employeur avait fermé boutique pendant les fêtes (Prins (Re) (2006), CUB 65963). Demande rejetée.

ont comparu :

Mark Heseltine pour le demandeur.

Christopher Prins pour son propre compte.

avocats inscrits au dossier :

Le sous‑procureur général du Canada pour le demandeur.

Voici les motifs du jugement rendus en français par

[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: Le défendeur en l’espèce, inscrit à un programme d’apprentissage approuvé, est‑il soumis au délai de carence de l’article 13 de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi) ou bénéficie‑t‑il plutôt de la suppression de ce délai prévue à l’article 39.1 [édicté par DORS/2002-280, art. 1] du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332 (Règlement)? Le délai de carence est un délai de deux semaines pendant lesquelles un prestataire n’est pas admissible aux prestations de l’assurance‑ emploi.

[2]Voilà la question qui nous est soumise. Elle est importante bien évidemment pour le défendeur dans la présente affaire. Mais elle est aussi importante pour une application équitable de la Loi car elle a donné lieu à des décisions contradictoires sur lesquelles je reviendrai.

[3]Au cours des présents motifs, j’utiliserai à l’occasion le terme « apprenti », consacré par la réglementation, pour décrire le statut du défendeur et ceux qui, comme lui, sont inscrits aux programmes d’apprentissage approuvés par la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission).

[4]Pour une meilleure compréhension de la problématique soulevée par la demande de contrôle judiciaire dont nous sommes saisis, il est important, d’ores et déjà, de reproduire les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement. J’ai déjà évoqué les articles 13 et 39.1. Il me faut également ajouter l’article 25 [mod. par L.C. 1997, ch. 26, art. 88; 1999, ch. 31, art. 76(F)] de la Loi qui crée, en quelque sorte, une présomption de statut pour un prestataire qui, comme le défendeur en cause, suit un cours de formation vers lequel il a été dirigé par la Commission. Il est alors présumé être en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin, ce qui lui permet de rencontrer les critères d’admissibilité aux bénéfices de la Loi :

Loi

13. Au cours d’une période de prestations, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il ne s’est pas écoulé, à la suite de l’ouverture de cette période de prestations, un délai de carence de deux semaines qui débute par une semaine de chômage pour laquelle des prestations devraient sans cela être versées.

[. . .]

25. (1) Pour l’application de la présente partie, un prestataire est en chômage, capable de travailler et disponible à cette fin durant toute période où :

a) il suit, à ses frais ou dans le cadre d’une prestation d’emploi ou d’une prestation similaire faisant l’objet d’un accord visé à l’article 63, un cours ou programme d’instruction ou de formation vers lequel il a été dirigé par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner;

b) il participe à toute autre activité d’emploi pour laquelle il reçoit de l’aide dans le cadre d’une prestation d’emploi prévue par règlement ou d’une prestation similaire faisant l’objet d’un accord visé à l’article 63 et vers laquelle il a été dirigé par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner.

(2) Aucune décision de diriger ou de ne pas diriger un prestataire vers un cours, un programme ou quelque autre activité visés au paragraphe (1) n’est susceptible d’appel au titre des articles 114 ou 115. [Je souligne.]

Règlement

Suppression du délai de carence

39.1 Le délai de carence d’un prestataire est supprimé lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) le prestataire suit un cours qui est une partie obligatoire d’un programme d’apprentissage vers lequel il a été dirigé conformément à l’alinéa 25(1)a) de la Loi;

b) il a cessé de travailler pour la raison indiquée à l’alinéa a);

c) il a, après l’entrée en vigueur du présent article, purgé un délai de carence relativement à un cours faisant partie du même programme d’apprentissage. [Je souligne.]

[5]Je m’empresse de souligner l’usage du temps présent dans les articles 25 et 39.1. Le texte anglais « is attending », rendu en français par « il suit », est encore plus évocateur de l’actualité du geste, par opposition à un geste passé ou futur (i.e. il a suivi ou suivra), pour que se matérialisent les conditions requises pour qu’un prestataire puisse bénéficier des avantages que procurent ces deux dispositions. Comme on pourra le voir ci‑après, la solution au présent litige repose sur l’interprétation à donner à ces termes employés par le législateur.

Les faits et la procédure

[6]Les faits ne sont pas en litige. Le défendeur travaillait pour la compagnie Keltic Building Ltd. pour la période du 27 décembre 2003 au 24 décembre 2004. En janvier 2005, soit plus précisément le 4, il s’inscrivait à la deuxième année d’un cours de formation en menuiserie à l’Institut de Technologie du Nord de l’Alberta. Le 27 décembre 2004, il fit une demande pour recevoir, à compter du 4 janvier 2005, des bénéfices d’assurance‑chômage. Il indiqua sur sa demande, comme motif de cessation d’emploi, la poursuite de sa deuxième année de formation dans le cadre du programme déjà approuvé par la Commission : voir le dossier du demandeur à la page 22. C’est aussi ce qu’indiquait l’employeur sur son relevé d’emploi : idem, à la page 26.

[7]Or, il s’est avéré que l’employeur a temporaire-ment fermé boutique pour la période des fêtes, soit du 24 décembre 2004 au 3 janvier 2005. Le défendeur, à l’instar de ses collègues de travail, s’est donc retrouvé sans emploi pour cette courte période de temps.

[8]En application des articles 13 et 25 de la Loi ainsi que l’alinéa 39.1b) du Règlement, la Commission a refusé le paiement de prestations pour une période de deux  semaines  correspondant  au  délai de carence de la Loi. Elle  s’est  dite  d’avis  que  l’exception  prévue à l’article 39.1 du Règlement ne s’appliquait pas puisqu’il  y  avait  défaut de respecter la condition prévue à l’alinéa  b) de cette disposition : le défendeur n’avait pas cessé de travailler parce qu’il suivait un cours de formation, mais plutôt parce qu’il y avait eu fermeture de l’entreprise à cause d’un manque de travail.

[9]Contestation de cette décision il y eut devant un conseil arbitral. Ce dernier accueillit l’appel du défendeur et annula la décision de la Commission. Il fut d’avis que les conditions étaient satisfaites pour qu’il y ait suppression du délai de carence. L’appel de la Commission à l’encontre de cette décision devant le juge‑arbitre fut rejeté par ce dernier le 26 mai 2006 [CUB 65963]. De là le contrôle judiciaire qui sollicite notre intervention.

Analyse de la décision du juge‑arbitre

[10]Essentiellement, le juge‑arbitre a endossé la conclusion du conseil arbitral : le motif de la cessation d’emploi était le retour au programme de formation et non la fermeture temporaire de l’entreprise.

[11]En outre, le juge‑arbitre trouva malheureux que le défendeur ait été contraint de cesser de travailler plus tôt qu’il ne le voulait. Mais pour lui, ce fait ne changeait rien à la situation puisqu’il ne s’agissait pas là de la raison pour laquelle l’emploi avait pris fin.

[12]De ces considérations de fait, le juge‑arbitre conclut que la preuve établissait clairement que le défendeur rencontrait les conditions de l’article 39.1 du Règlement de sorte qu’on ne pouvait lui imposer le délai de carence.

L’erreur alléguée du juge‑arbitre et ses conséquences

[13]Le procureur du demandeur soumet qu’il y eut, tant de la part du conseil arbitral que du juge‑arbitre, méprise quant à l’application de l’article 39.1 du Règlement. Cette méprise serait due à une mauvaise interprétation de la disposition.

[14]L’alinéa 39.1c) n’est pas en litige. Le défendeur a déjà purgé un délai de carence en janvier 2004 et le cours de formation de janvier 2005 fait partie du même programme d’apprentissage. Donc la condition de l’alinéa 39.1c) est satisfaite.

[15]C’est plutôt sur l’alinéa 39.1b) que se fonde le procureur du demandeur. Selon lui, le défendeur n’a pas cessé de travailler le 24 décembre 2004, parce qu’il suit un cours, mais bel et bien parce qu’il y a eu fermeture de l’entreprise. Les conditions de l’article 39.1 étant cumulatives et celle de l’alinéa b) n’étant pas rencontrée, l’exemption permise par l’article 39.1 ne peut s’appliquer.

[16]Tel que déjà évoqué, l’application de l’article 39.1 du Règlement a débouché sur des conclusions différentes qui ne sont pas nécessairement réconciliables.

[17]Les affaires Wiens (Re) (CUB 65967), 19 mai 2006; Jeune (Re) (CUB 64242), 29 août 2005; McKenzie (Re) (CUB 64468), 19 octobre 2005; et Turcotte (Re) (CUB 66592), 11 septembre 2006 (en attente de révision par notre Cour) impliquent toutes une fermeture de l’entreprise pour la période de festivités de Noël et du Jour de l’An et un apprenti qui, à la réouverture de l’entreprise, s’engage dans un cours de formation approuvé par la Commission. Toujours en application de l’alinéa 39.1b), la suppression du délai de carence fut refusée dans Wiens et Evan, mais acceptée dans McKenzie, Turcotte et la présente cause.

[18]Dans l’affaire Zimmer (Re) (CUB 64365), 21 septembre 2005, l’employeur est demeuré ouvert durant la période en question, mais l’employé, pour des raisons qui sont demeurées inconnues, n’a pas travaillé durant cette semaine. Il a débuté ses cours de formation le 3 janvier 2005. Il s’est alors vu refuser la suppression du délai de carence. Encore là, le juge‑arbitre fut d’avis qu’il y avait manquement à l’alinéa 39.1b) car la cessation d’emploi en date du 25 décembre n’était pas pour suivre le cours de formation.

[19]Le procureur du demandeur soumet que l’article 39.1 du Règlement est une exception au principe de l’article 13 de la Loi et qu’en conséquence il doit recevoir une interprétation stricte et restrictive.

[20]Il ajoute que, toute chose étant égale, c’est‑à‑dire la condition de l’alinéa 39.1c) étant satisfaite, il en résulterait des anomalies injustes si le délai de carence n’était pas appliqué. Ainsi, l’apprenti qui retourne à son programme de formation au début de janvier toucherait des prestations pour la semaine entre Noël et le Jour de l’An alors que ses collègues de travail seraient exclus de ces bénéfices. En outre, il toucherait des bénéfices une semaine avant de débuter son cours alors que d’autres apprentis qui auraient travaillé jusqu’au 3 janvier ne commenceraient à recevoir des prestations qu’à la date où ils débutent leur cours.

[21]En réponse à une question d’un membre de la formation, le procureur du demandeur a d’emblée reconnu que l’application du délai de carence de l’article 13 de la Loi portait préjudice aux apprentis qui se retrouvent dans la même situation que le défendeur : ils sont privés d’une semaine de bénéfices, soit la première semaine de cours, alors que ceux qui ont travaillé jusqu’au début des cours touchent ces bénéfices dès le début des cours. Il s’agit en fait de la situation inverse de celle où l’apprenti recevrait des bénéfices avant les autres, et que le procureur du demandeur nous décrivait comme anormale. Cette situation inverse est, à mon sens, toute aussi anormale et, en plus, indûment punitive puisque l’apprenti perd une semaine de bénéfices alors que, précisément, il suit son cours comme les autres apprentis.

Nature et objectif du délai de carence

[22]Le délai de carence est une caractéristique du système de coassurance de l’assurance‑emploi. Comme le mentionne le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/2002‑280, publié à la Gazette du Canada, partie II, volume 136, page 1821, il est d’une nature semblable à la franchise d’un contrat d’assurance privé. Son objectif est double. Il permet d’éliminer les demandes portant sur des périodes de chômage très courtes que le législateur estime chaque travailleur être en mesure d’assumer seul. Il permet également une vérification efficace des demandes de prestations afin de déterminer si une personne est réellement en chômage ou si elle n’a été mise à pied que pour quelques jours.

[23]Toutefois, il est vite devenu apparent que l’application répétitive du délai de carence à l’apprenti qui suivait un cours de formation sur plus d’une période ou session avait un effet dissuasif sur les inscriptions aux programmes d’apprentissage alors que, justement, la pénurie de main d’œuvre augmentait dans plusieurs métiers spécialisés. Il fallait donc apporter des mesures correctrices représentatives d’un compromis raisonnable.

[24]Trois options furent envisagées pour remédier à la situation, dont celle d’abolir purement et simplement le délai de carence dans ces situations. Compte tenu de l’objectif recherché ci‑auparavant mentionné, cette solution fut écartée : idem.

[25]Par contre, l’analyse de la situation a conduit à l’adoption de l’alinéa 39.1c) du Règlement. Le délai de carence ne s’applique qu’une fois et non au début de chaque cours de formation d’un même programme d’apprentissage.

[26]À l’époque, il fut estimé que la mesure mise en place par l’article 39.1 profiterait à environ 30 000 demandeurs annuellement et contribuerait à réduire la pénurie de la main d’œuvre sur le marché du travail : idem.

Le défendeur rencontre‑t‑il les conditions de l’article 39.1 du Règlement?

[27]Je me suis attardé à la genèse de l’article 39.1 puisqu’elle permet de comprendre l’intention du législateur en édictant la mesure réparatrice qu’il contient. S’il est vrai que la mesure de l’article 39.1 du Règlement est une mesure dérogatoire à l’article 13 de la Loi, il est toutefois tout aussi vrai qu’il ne faut pas interpréter l’article 39.1 si restrictivement qu’il est, à toute fin pratique, dépouillé de son objet et privé de ses effets bénéfiques.

[28]Je répète, en les paraphrasant, les trois conditions d’application de l’article 39.1 :

a) le prestataire doit suivre un cours obligé d’un programme d’apprentissage;

b) il doit avoir cessé de travailler pour suivre ce cours; et

c) il a déjà purgé un délai de carence pour un cours faisant partie du même programme d’apprentissage.

[29]À mon avis, quatre faits sont importants à considérer pour l’application de l’article 39.1 à la demande de prestations du défendeur :

a) il a cessé de travailler le 24 décembre 2004 parce que l’entreprise où il travaillait a fermé jusqu’au 3 janvier 2005;

b) le travail a repris le 4 janvier 2005;

c) il n’a pas fait de demande prestations pour la période du 24 décembre 2004 au 3 janvier 2005; et

d) il a déjà subi, tel qu’auparavant mentionné, un délai de carence.

[30]Sur la foi de ces données factuelles non contestées et des termes de l’article 39.1, les seules questions qui se posent alors sont les suivantes : où est le défendeur le 4 janvier 2005, qu’y fait‑il et pourquoi n’est‑il pas au travail?

[31]Le 4 janvier 2005, le défendeur n’est pas à son lieu de travail avec ses collègues de travail : il est à l’école de formation avec ses camarades de cours. Que fait‑il à cet endroit alors qu’il devrait être au travail? Il suit un cours (is attending a course) qui est une partie obligatoire de son programme d’apprentissage. Il s’agit là de la première condition de l’article 39.1 du Règlement, et il s’y conforme. Pourquoi a‑t‑il cessé de travailler le 4 janvier 2005 alors que le travail est repris chez son employeur? Parce qu’il suit un cours qui est une partie obligatoire de son programme d’apprentissage. Il s’agit là de la deuxième condition de l’article 39.1, et il y satisfait. Quant à la troisième condition, elle n’est pas en cause.

[32]Le juge‑arbitre a eu raison de conclure que le défendeur rencontrait les trois conditions de l’article 39.1 du Règlement et, en conséquence, qu’il se qualifiait pour la suppression du délai de carence.

[33]Au‑delà de l’application technique de la disposition réglementaire aux faits de l’espèce, j’ajouterais que la conclusion à laquelle en est venu le juge‑arbitre respecte l’intention législative et promeut la poursuite des objectifs grandement désirés de qualification de la main d’œuvre ci‑auparavant décrits. Elle participe de ce compromis raisonnable adopté par le législateur pour les cas où un prestataire, comme le défendeur dans les circonstances de la présente affaire, a déjà purgé un délai de carence.

Conclusion

[34]Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

[35]Enfin, je voudrais souligner la position responsable qu’a adoptée Me Heseltine dans cette affaire, reconnaissant que l’interprétation qu’il défendait de l’article 39.1 du Règlement était préjudiciable au défendeur et exprimant le souhait que des assouplisse-ments au niveau législatif soient apportés à l’article. Je crois que la conclusion à laquelle j’en suis venu, en tenant compte du sens littéral des mots utilisés par le législateur et de l’objectif recherché par ce dernier, permettra une résolution équitable des litiges de même nature que celui‑ci.

La juge Desjardins, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Ryer, J.C.A. : Je suis d’accord.

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