Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[2000] 1 C.F. 267

T-617-85

Bande de Montana, le chef Leo Cattleman, Marvin Buffalo, Rema Rabbit, Carl Rabbit et Darrell Strongman, en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande indienne de Montana, résidant tous dans la réserve Montana n 139, dans la province de l’Alberta (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

et

Bande de Samson, le chef Victor Buffalo, et Larron Northwest, Roland Littlepoplar, Dolphus Buffalo, Frank Buffalo, Raymond Lightning, Stan Crane, Lawrence Saddleback, Todd (Chester) Buffalo, Arnup Louis, Lester B. Nepoose, Jim Omeasoo, et Robert Swampy, conseillers de la Bande de Samson, en leur propre nom et au nom des membres de la bande indienne de Samson (mis en cause)

et

Bande d’Ermineskin, le chef Eddie Littlechild et Ken Cutarm, Gerry Ermineskin, John Ermineskin, Lester Fraynn, Brian Lee, Arthur Littlechild, Richard Littlechild, Emily Minde, Lawrence Rattlesnake, Curtis Ermineskin et Maurice Wolfe, conseillers de la bande d’Ermineskin, en leur propre nom et au nom des membres de la bande indienne d’Ermineskin (mis en cause)

T-782-97

Chef Florence Buffalo agissant en son propre nom et au nom de tous les membres de la Nation crie et de la bande indienne de Samson (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada et Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Édifices du Parlement, Ottawa (Ontario) (défendeurs)

T-2804-97

Nation crie d’Ermineskin et le chef Gerald Ermineskin, Earl Ted Ermineskin, Maurice Wolfe, Richard Leonard Lightening, Carol Margaret Wildcat, Carol Elizabeth Roasting, Glenda Rae White, Craig Alton Makinaw, conseillers de la Nation crie d’Ermineskin, en leur propre nom et au nom de la Nation crie d’Ermineskin (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine et le procureur général du Canada (défendeurs)

Répertorié : Bande de Montana c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge Hugessen— Calgary, 26 et 27 mai et 17 juin; Ottawa, 7 juillet 1999.

Pratique Communication de documents et interrogatoire préalable Interrogatoire préalable Requête en vue de faire radier les interrogatoires écrits déposés par les bandes demanderessesLes objections soulevées par la Couronne se fondaient sur plusieurs motifsL’interrogatoire préalable a pour objet de favoriser l’équité et l’efficacité de l’instructionLa personne interrogée sur des faits historiques n’a pas à interpréter des documents ou à donner une opinionL’interrogatoire préalable ne peut porter que sur des questions de fait, et non pas sur des questions de droit « pur » — Il est approprié à l’étape de l’interrogatoire préalable de demander à une partie quels sont les faits qui sous-tendent une conclusion de droitLe déposant ne parle pas pour lui-même mais pour la partie qu’il représenteLes interrogatoires n’ont pas porté sur des questions de droit pur et ne doivent pas être radiésLes questions n’étaient pas déraisonnables, non pertinentes, trop larges ou ambiguësLes objections de la Couronne étaient pour la plupart sans fondement.

Pratique Frais et dépens Cas concernant la validité de la cession de réserves indiennesLes parties se sont entendues pour que la Bande procède par écrit à l’interrogatoire préalable des représentants de la CouronneLa Couronne n’a rien fait pour faciliter ces interrogatoires, voulant faire radier la presque totalité des interrogatoires en s’appuyant sur plusieurs motifs qui ont été jugés, pour la plupart, invalides et frôlant la futilitéLa requête, qui a duré deux jours, n’aurait pas dû être présentéeSi la Couronne n’avait pas obtenu gain de cause sur quelques points mineurs soulevés dans la requête, elle aurait été condamnée à payer les dépens sur la base avocat-clientLes frais sont adjugés contre la Couronne en tout état de cause.

Des actions ont été intentées par trois bandes indiennes qui allèguaient des manquements à l’obligation fiduciaire de la Couronne envers les demanderesses et leurs prédécesseurs. Au stade de l’interrogatoire préalable, il avait été convenu que les bandes demanderesses procéderaient par écrit. La Couronne a demandé la radiation de la presque totalité des interrogatoires en formulant des objections fondées sur neuf motifs. Ces motifs, dont plusieurs se chevauchent, peuvent être répartis en trois catégories d’après la nature des questions posées. La première série de questions à laquelle la Couronne s’est opposée traitait de questions à caractère historique, de questions exigeant l’interprétation de documents et de questions exigeant l’expression d’une opinion; la deuxième série de questions exigeait du déposant qu’il énonce la position juridique de la Couronne ou présente des arguments ou des éléments de preuve, et la troisième série de questions était constituée de questions déraisonnables, non pertinentes, ambiguës ou portant sur des renseignements confidentiels. La question est de savoir si ces objections étaient fondées.

Jugement : la requête est accueillie sur quelques points mineurs, mais les dépens sont adjugés contre la Couronne.

L’interrogatoire préalable a pour objectif général de favoriser l’équité et l’efficacité de l’instruction en permettant à chacune des parties de se renseigner pleinement, avant l’instruction, sur la nature exacte des positions de toutes les autres parties, de façon à pouvoir définir avec précision les questions qui se posent. La pertinence est le critère clé qu’il faut appliquer aux questions à poser à l’étape de la communication des documents et de l’interrogatoire préalable. Dans le cadre de sa politique d’encouragement à utiliser les interrogatoires préalables écrits, la Cour devrait essayer d’interpréter les questions le plus favorablement possible. Les réponses évasives, ambiguës ou sans rapport avec la question ne doivent pas être tolérées. Le fait que les bandes indiennes ont très peu de registres écrits de leur passé, sinon aucun, ou qu’elles doivent, à l’exception de la tradition et de l’histoire orale, s’appuyer dans une très large mesure sur les registres du gouvernement lui-même, impose à la Couronne, qui a toujours agi à titre de protecteur et de fiduciaire des bandes indiennes, une obligation particulière d’ouverture et de franchise dans la communication des renseignements qu’elle détient.

Pour ce qui a trait à la première série de questions, l’objection selon laquelle les faits en cause, qui font l’objet des interrogatoires préalables, sont survenus il y a trop longtemps pour que des personnes puissent en témoigner est spécieuse. Lorsque les droits des autochtones sont en cause, la coutume et la tradition orale peuvent être des sources fiables de faits historiques. Le déposant au cours d’un interrogatoire préalable n’est pas un simple témoin, puisqu’il est le représentant et le porte-parole d’une partie. Il est notoire que les gouvernements, encore plus que la plupart des institutions, conservent des archives de ce qu’ils font, que ces archives peuvent être consultées en tout temps et qu’elles constituent une source fiable de ce qui se passait à l’époque et peuvent faire à bon droit l’objet d’un interrogatoire préalable. L’objection selon laquelle ce qu’on demande à la personne interrogée sur des faits historiques c’est d’interpréter des documents ou de donner une opinion a également été rejetée. La différence entre le fait et l’opinion, comme entre le fait et le droit, est facile à établir dans l’abstrait, mais plus difficile à définir concrètement. Bon nombre des questions faisant l’objet de l’objection soulevée sous cette rubrique étaient essentielles pour comprendre la position de la Couronne et établir un lien avec les faits plaidés. L’interrogatoire préalable est souvent une deuxième étape essentielle pour définir avec précision ce qui oppose exactement les parties. Chacune de ces objections sous cette rubrique a été rejetée. Concernant la deuxième série de questions, il convient de noter que l’interrogatoire préalable ne peut porter que sur des questions de fait, et non sur des questions de droit « pur ». Mais la situation est rarement aussi claire. Il peut arriver que des questions mixtes de fait et de droit et/ou de fait et d’argument soient posées. De même, les questions ayant trait à des faits qui peuvent avoir des conséquences juridiques ou qui peuvent elles-mêmes être la conséquence de l’adoption d’une certaine conception du droit sont néanmoins des questions de fait qui peuvent être posées à l’interrogatoire préalable. Les questions de ce genre sont essentielles pour définir correctement les points en litige et éviter les surprises. Toutefois, il y a eu très peu d’interrogatoires qui ont été portés à l’attention de la Cour à l’audience au cours desquels on a posé des questions de droit pur et qui devraient par conséquent être radiés. Quant à la troisième série de questions, les avocats ont fait peu d’observations et les objections de la Couronne étaient pour la plupart sans fondement.

La Couronne a été déboutée sur presque toutes ses prétentions. Cette requête, qui a duré plus de deux jours, n’aurait pas dû être présentée. La Couronne n’a fait aucun effort pour faciliter la communication écrite des documents, même si celle-ci a fait l’objet d’une entente. Bon nombre des objections frôlaient la futilité. Si la Couronne n’avait pas eu, dans de très rares cas, gain de cause dans la requête, la Cour n’aurait pas hésité à lui faire payer les dépens sur la base avocat-client. La Couronne paiera en tout état de cause les dépens.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 240, 397(1).

Traité no 6 (1877).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Bande indienne Wewayakum c. Bande indienne Wewayakai, [1991] 3 C.F. 420 [1992] 2 C.N.L.R. 177; (1991), 42 F.T.R. 40 (1re inst.); Dick c. La Reine, [1993] 1 C.N.L.R. 5O (C.F. 1re inst.); Bande d’Enoch des Indiens de Stony Plain c. Canada (1996), 110 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.); conf. par (1996), 118 F.T.R. 114 (C.F. 1re inst.); conf. par (1998), 222 N.R. 218 (C.A.F.).

DÉCISIONS NON SUIVIES :

Martin v. B.C. (Govt.) (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 60; [1986] 3 C.N.L.R. 84 (C.S.); Chingee v. British Columbia (1989), 38 C.P.C. (2d) 301 (C.S.C.-B.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Can-Air Services Ltd. v. British Aviation Insurance Co. (1988), 91 A.R. 258; [1989] 1 W.W.R. 750; 63 Alta. L.R. (2d) 61; 30 C.P.C. (2d) 1 (C.A.); Rubinoff v. Newton, [1967] 1 O.R. 402 (H.C.); Brennan v. J. Posluns & Co. Ltd., [1959] O.R. 22; (1958), 30 C.P.R. 106; 18 Fox Pat.C. 116 (H.C.).

DÉCISIONS CITÉES :

Smith, Kline & French Laboratories Ltd. c. Canada (Procureur général) (1984), 1 C.P.R. (3d) 268; 12 C.R.R. 347 (C.F. 1re inst.); Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1998] 2 C.F. 60 [1998] 2 C.N.L.R. 199; (1997), 221 N.R. 100 (C.A.).

REQUÊTE fondée sur plusieurs motifs d’objection en vue de faire radier la plupart des interrogatoires écrits déposés par les bandes demanderesses. Requête accueillie en partie.

ONT COMPARU :

Alain J. Dubuc, Sylvie M. C. Molgat et Michael J. Bailey pour la Bande de Montana, demanderesse.

Priscilla E. S. Kennedy pour la Bande de Samson, demanderesse.

Barbara L. Fisher pour la Nation crie d’Ermineskin, demanderesse.

James A. MacDonald et Douglas B. Titosky pour les défendeurs.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dubuc/Osland, Ottawa, pour la Bande de Montana, demanderesse.

Parlee McLaws, Edmonton, pour la Bande de Samson, demanderesse.

Blake, Cassels & Graydon, Vancouver, pour la Nation crie d’Ermineskin, demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada, pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Hugessen : Ces actions, qui ont été réunies, traitent de questions découlant de l’adhésion du chef Bobtail et de ses sujets au Traité n° 6 en 1877, de la création de réserves consécutive à cette adhésion, de certaines cessions alléguées de ces réserves, et de certaines autres activités alléguées de la part de la Couronne et de ses mandataires, des descendants du chef Bobtail et des trois bandes demanderesses sur une période se terminant vers 1909, et de la date de la cession alléguée de la réserve Bobtail. La validité et les effets de cette cession sont les principales questions soulevées en l’espèce.

[2]        Les actions en sont au stade de la communication des documents et de l’interrogatoire préalable et les avocats se sont entendus pour que les bandes demanderesses procèdent par écrit à l’interrogatoire préalable des représentants de la Couronne.

[3]        La Couronne demande maintenant la radiation de la presque totalité des interrogatoires déposés par les bandes demanderesses de Samson et d’Ermineskin et d’une très grande proportion des interrogatoires déposés par la bande demanderesse de Montana. Les objections qu’elle soulève sont fondées sur neuf motifs distincts, dont plusieurs se chevauchent, de sorte qu’un bon nombre des interrogatoires font l’objet de plusieurs motifs d’objection.

[4]        Je commencerai l’examen de cette affaire par quelques réflexions sur la nature et l’étendue de l’interrogatoire préalable dans le cadre de la procédure civile moderne, et en particulier aux termes des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106].

[5]        L’interrogatoire préalable a pour objectif général de favoriser l’équité et l’efficacité de l’instruction en permettant à chacune des parties de se renseigner pleinement, avant l’instruction, sur la nature exacte des positions de toutes les autres parties, de façon à pouvoir définir avec précision les questions qui se posent. Il est dans l’intérêt de la justice que chaque partie soit le mieux informée au sujet des positions des autres parties afin de ne pas être défavorisée en étant surprise à l’instruction. Il est tout à fait approprié pour la Cour d’adopter une démarche libérale face à l’étendue des questions pouvant être posées au cours de l’interrogatoire préalable puisqu’une erreur qui serait commise en autorisant des questions non appropriées peut toujours être corrigée par le juge présidant l’instruction qui décide ultimement de toutes les questions ayant trait à l’admissibilité de la preuve; par ailleurs, toute erreur qui restreindrait indûment l’étendue de l’interrogatoire préalable peut mener à de graves problèmes ou même à des injustices au cours de l’instruction.

[6]        Bien entendu, il y a un autre côté à la médaille : à une époque où les préoccupations concernant les retards dans le déroulement du procès sont tout à fait justifiées, les interrogatoires préalables ne doivent pas être autorisés à se poursuivre indéfiniment, et la Cour doit faire preuve de vigilance dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire afin de prévenir les abus de procédure par l’une ou l’autre des parties, autant par celle qui pose les questions que par celle qui doit y répondre.

[7]        Sous réserve de certaines exceptions spéciales, comme la revendication d’un privilège, la pertinence est le critère clé qu’il faut appliquer aux questions à poser à l’étape de la communication des documents et de l’interrogatoire préalable; en retour, ce critère est déterminé par les actes de procédure (règle 240).

[8]        Bien qu’habituellement les interrogatoires préalables se fassent oralement, les Règles prévoient qu’ils puissent être faits par écrit, et il me semble que la Cour devrait avoir pour politique d’encourager l’utilisation de ces interrogatoires écrits dans les cas qui s’y prêtent. Il est probable que ce genre d’interrogatoires prendrait moins de temps et supprimerait entièrement la nécessité d’ajourner la séance pour permettre au témoin de se renseigner sur les faits appropriés.

[9]        Toutefois, la Cour doit être consciente que les interrogatoires préalables peuvent présenter certaines difficultés à la partie qui rédige les questions : il n’y a en effet aucune possibilité de faire préciser une question qui est délibérément ou même honnêtement mal comprise; il peut être difficile de prévoir une réponse nébuleuse ou évasive; il peut parfois être nécessaire de poser un grand nombre de questions « à suivre », à cause de l’hypothèse qui a été posée quant à la réponse qui serait donnée à une question antérieure.

[10]      Dans les cas où ce genre de difficultés se présente, la Cour devrait, à mon avis, dans le cadre de sa politique d’encouragement à utiliser les interrogatoires préalables écrits, essayer d’interpréter les questions le plus favorablement possible. Par exemple, lorsqu’une question peut donner lieu à deux interprétations, soit une interprétation qui est manifestement inappropriée (par exemple, demander au témoin de tirer une conclusion de droit), la Cour devrait préférer l’interprétation qui rend la question légitime et admissible. Pour leur part, les déposants ont l’obligation de s’efforcer honnêtement de répondre aux questions. Par conséquent, lorsqu’un déposant fait exprès de ne pas comprendre une question ou donne une réponse qui a peu de rapport, sinon aucun, avec les faits en cause, la Cour exigera qu’il réponde correctement à la question en tenant compte des actes de procédure et pourra même lui imposer de lourdes pénalités.

[11]      Puisqu’il est clair que les réponses aux interrogatoires préalables seront presque toujours préparées par l’avocat ou avec son aide très active, les réponses évasives, ambiguës ou sans rapport avec la question ne doivent pas être tolérées. De la même manière, une latitude un peu plus grande peut être accordée aux questions dont les réponses peuvent exiger certains éléments de droit en sus de leur fondement principalement factuel.

[12]      Il me reste une dernière observation de nature générale à faire concernant les circonstances particulières de cette action. Comme je l’ai dit, il s’agit d’une action intentée par trois bandes indiennes contre la Couronne. L’action allègue des manquements à l’obligation fiduciaire de la Couronne envers les demandeurs et leurs prédécesseurs sur une période qui date d’environ 100 ans. Il est notoire que les bandes indiennes ont très peu de registres écrits de leur passé, sinon aucun, et qu’elles doivent, à l’exception de la tradition et de l’histoire orale, s’appuyer dans une très large mesure sur les registres du gouvernement lui-même. Cet état de fait impose à la Couronne, qui a toujours agi à titre de protecteur et de fiduciaire des bandes indiennes, une obligation particulière d’ouverture et de franchise dans la communication des renseignements qu’elle détient. Même dans le cadre du débat contradictoire créé par le litige qui existe entre les parties, la Couronne continue d’être liée par cette obligation historique, qui lui impose d’entretenir des rapports équitables et ouverts avec les Premières nations. Cela ne veut pas dire que des règles spéciales s’appliquent aux revendications autochtones, mais simplement que la nature de toute revendication fait partie du contexte dans lequel toute objection aux interrogatoires préalables doit être décidée et que lorsqu’une partie allègue une injustice historique commise par la Couronne, ce contexte peut être déterminant.

[13]      J’aborde maintenant les objections précises soulevées par la Couronne concernant les interrogatoires préalables en l’espèce. Ces objections, comme je l’ai déjà dit, sont au nombre de neuf :

1. les questions à caractère historique si anciennes qu’il n’en reste plus de témoins;

2. les questions ayant trait à l’interprétation de documents;

3. les questions exigeant l’expression d’une opinion;

4. les questions exigeant du déposant qu’il énonce la position juridique de la Couronne ou applique des principes de droit;

5. les questions exigeant la présentation d’arguments ou d’éléments de preuve;

6. les questions déraisonnables ou inutiles;

7. les questions non pertinentes ou trop larges;

8. les questions vagues et ambiguës;

9. les questions portant sur des renseignements confidentiels.

Comme je l’ai indiqué ci-dessus, bon nombre de ces motifs se chevauchent dans le sens que plus d’un peut être invoqué à l’appui d’une objection formulée à l’égard d’une question en particulier. Plusieurs autres, notamment les motifs énumérés aux points 6 à 9 ci-dessus, ne soulèvent aucune question de principe, mais exigent simplement l’application de règles de droit bien connues à des questions particulières. Toutefois, les motifs 1 à 3 (presque toujours invoqués ensemble) et 4 et 5 (fréquemment plaidés comme motifs additionnels) soulèvent des questions importantes qui vont au cœur même de la nature de l’interrogatoire préalable dans des actions de ce genre et qui exigent une analyse plus détaillée. Je les traiterai en premier.

1 à 3 Questions à caractère historique, questions exigeant l’interprétation de documents, questions exigeant l’expression d’une opinion

[14]      L’objection de la Couronne faisant valoir ces motifs se fonde principalement sur deux décisions de la Colombie-Britannique[1]. Dans ces affaires, il a été statué qu’il n’est pas approprié, au stade de l’interrogatoire préalable, d’interroger les déposants sur des faits historiques qu’eux-mêmes ou des personnes encore vivantes qu’ils pourraient consulter ne peuvent se rappeler et qui ne peuvent être vérifiés qu’en se fiant à des registres documentaires. Puisque les réponses seront nécessairement fondées sur la lecture de ces documents, seuls des historiens experts pourront répondre à ces questions en donnant leur opinion.

[15]      Ce courant jurisprudentiel n’a pas été suivi par la Cour. Feu le très vénéré juge Addy, dans l’affaire Bande indienne Wewayakum c. Bande indienne Wewayakai[2], a ouvert la voie. Il a fait la distinction avec la jurisprudence de la Colombie-Britannique et, chaque fois qu’il ne pouvait le faire, il a rejeté cette jurisprudence. Il a établi une distinction entre les simples faits historiques et les conclusions ou les inférences qui peuvent être tirées de ces faits; les conclusions ou inférences relèvent à bon droit de l’étude ou de l’examen détaillé fait par un expert, mais les faits historiques sont autant de la compétence d’un témoin ordinaire que le serait tout autre fait et peuvent très bien faire l’objet de questions à l’étape de l’interrogatoire préalable. Il a qualifié d’inacceptable la conclusion selon laquelle, lorsqu’une réclamation se fonde sur des faits si anciens qu’il n’en reste plus de témoins, seuls des historiens experts peuvent être autorisés à témoigner à leur sujet.

[16]      Dans l’affaire Dick c. La Reine[3], le juge en chef adjoint Jerome a cité et suivi la décision du juge Addy. Il a statué que les questions ayant trait aux circonstances dans lesquelles une réserve avait été attribuée à une bande pouvaient à bon droit être posées dans le cadre d’un interrogatoire préalable et qu’il fallait y répondre. La simple production de documents à l’appui n’était pas suffisante et la Couronne a été obligée de répondre à des questions de fait essentielles aux points en litige entre les parties.

[17]      Finalement, dans la décision Bande d’Enoch des Indiens de Stony Plain c. Canada[4], le protonotaire Hargrave, suivant la jurisprudence antérieure, a statué que des questions concernant les circonstances entourant la tenue d’un scrutin au sujet d’une cession et la signature des documents de cession pouvaient à bon droit être posées et qu’il fallait y répondre. Cet aspect de sa décision n’a pas été modifié dans les appels formés devant la Section de première instance et devant la Cour d’appel.

[18]      À mon avis, cette jurisprudence est juste. L’objection selon laquelle les faits en cause, qui font l’objet des interrogatoires préalables, sont survenus il y a trop longtemps pour que des personnes puissent en témoigner me semble spécieuse. Particulièrement lorsque les droits autochtones sont en cause, la coutume et la tradition orale peuvent être des sources fiables de faits historiques. Le déposant au cours d’un interrogatoire préalable n’est pas un simple témoin, puisqu’il est le représentant et le porte-parole d’une partie en tant que partie. Qui plus est, les institutions peuvent également avoir une mémoire, et la Couronne en est l’exemple le plus parfait. Prétendre que la Couronne ne peut avoir de renseignements factuels sur des points si anciens qu’il n’en reste plus de témoins (en fait, quelque temps après la Première Guerre mondiale) me semble absurde. Il est notoire que les gouvernements, encore plus que la plupart des institutions, conservent des archives de ce qu’ils font, que ces archives peuvent être consultées en tout temps et qu’elles constituent une source fiable de ce qui se passait à l’époque, même aujourd’hui. Bien que la plupart de ces archives soient constituées de documents, il n’est pas inconcevable de penser que la mémoire institutionnelle puisse se manifester sous d’autres formes, par exemple sous forme de pratiques et de traditions. Si ces pratiques et traditions sont la source d’allégations de fait invoquées par ou contre la Couronne, elles peuvent certainement faire à bon droit l’objet d’un interrogatoire préalable.

[19]      Je ne suis pas non plus convaincu par l’objection selon laquelle ce qu’on demande à la personne interrogée sur des faits historiques c’est d’interpréter des documents ou de donner une opinion. La règle interdisant à un déposant d’interpréter des documents est à bon droit appliquée lorsque le document en question est un contrat et qu’on demande au témoin de se prononcer sur la signification de ce contrat. Toutefois, les documents peuvent servir et servent effectivement de fondement à un grand nombre de renseignements factuels et le déposant à qui on demande de fournir de tels renseignements, n’est pas requis d’interpréter le document ou de donner son opinion, mais plutôt de dire au nom de la partie qu’elle représente ce que celle-ci comprend des faits qui sont énoncés dans le document. Même dans un contexte tout à fait moderne, les faits consignés dans des archives sont souvent exprimés selon un certain code, explicite ou implicite; on peut certainement demander à une personne morale, ou même à un particulier, de révéler la véritable signification de ces archives.

[20]      Je n’apprendrai rien à personne en disant que la différence entre le fait et l’opinion, comme celle entre le fait et le droit, est facile à établir dans l’abstrait, mais plus difficile à définir concrètement. Il est préférable que le déposant réponde à des questions marginales et si, au bout du compte, la réponse n’est que l’expression d’un point de vue personnel, le juge de première instance pourra au besoin régler cette question de façon appropriée.

[21]      Finalement, il me semble que bon nombre des questions faisant l’objet de l’objection soulevée sous cette rubrique sont essentielles pour comprendre la position de la Couronne et établir un lien avec les faits plaidés. Il s’agit là d’une partie essentielle de la définition des points en litige et bien que cette définition soit, en premier lieu, donnée dans les actes de procédure, l’interrogatoire préalable est souvent une deuxième étape essentielle pour définir avec précision ce qui oppose exactement les parties. Dans ces actions, la défense contient de nombreuses affirmations de fait détaillées quant aux activités de la Couronne et de ses mandataires et de celles des demandeurs et de leurs prédécesseurs. Si la Couronne n’a aucune connaissance de ces faits, les demandeurs ont le droit d’en être informés. Par ailleurs, si la connaissance qu’a la Couronne de certains faits historiques se fonde uniquement sur des déclarations contenues dans certains documents, les demandeurs ont tout autant le droit d’en être informés. Ni les demandeurs ni la Couronne ne devraient être obligés de se présenter à l’instruction en ne sachant pas exactement ce que sait l’autre partie et ce qu’elle compte utiliser comme faits probants, et ce qu’elle a simplement supposé.

[22]      Pour les motifs précités, je rejette chacune de ces objections.

4 à 5 Questions exigeant du déposant qu’il énonce la position juridique de la Couronne ou présente des arguments ou des éléments de preuve

[23]      Bien entendu, il ne fait aucun doute que l’interrogatoire préalable ne peut porter que sur des questions de fait. Les questions de droit « pur » ne doivent évidemment pas être posées au déposant à cette étape. Il en est de même des questions d’argumentation et des questions qui demandent à une des parties de dévoiler la preuve qu’elle se propose de produire à l’instruction. Mais la situation est rarement aussi claire. Il peut arriver que des questions mixtes de fait et de droit et/ou de faits et d’arguments soient posées; ou qu’on demande au déposant le nom d’un témoin; ces questions peuvent quand même être appropriées. De même, les questions ayant trait à des faits qui peuvent avoir des conséquences juridiques ou qui peuvent elles-mêmes être la conséquence de l’adoption d’une certaine conception du droit sont néanmoins des questions de fait qui peuvent être posées à l’étape de l’interrogatoire préalable.

[24]      La jurisprudence est divisée au sujet des questions « succinctes » ou « portant sur les faits à l’appui de la preuve »; dans l’arrêt Can-Air Services Ltd. v. British Aviation Insurance Co.[5], il a été statué qu’il n’était pas approprié de demander à un témoin de quelle preuve il disposait pour appuyer son allégation ou de quelle manière il comptait prouver celle-ci à l’instruction. Ce genre de questions ne tente pas de faire ressortir des faits que le témoin connaît ou sur lesquels il peut se renseigner, mais l’oblige plutôt à jouer le rôle d’un avocat et à sélectionner les faits sur lesquels la partie peut s’appuyer pour prouver une allégation donnée.

[25]      Par ailleurs, bon nombre de juges d’expérience qui président à l’instruction adoptent une attitude plus libérale. Ainsi, dans l’arrêt Rubinoff v. Newton[6], le juge Haines a déclaré :

[traduction] La ligne de démarcation entre la communication de faits sur lesquels une partie s’appuie et la preuve à l’appui de ce fait peut à l’occasion être très ténue, et quand cela se produit, la solution doit être de communiquer ce fait. Et je ne peux penser à une question plus simple et plus directe que celle-ci : « Sur quels faits vous appuyez-vous? » […] La partie adverse a le droit de connaître les faits sur lesquels sont fondées les allégations d’actes de négligence ou de recouvrement, mais non pas la preuve qui sera fournie à l’appui de ces allégations. Nier ces faits équivaudrait à nier l’objet même de l’interrogatoire préalable qui est de se renseigner sur les faits, ou souvent, ce qui est tout aussi important, sur l’absence de faits se rapportant à chacune des allégations énoncées dans les actes de procédure.

[26]      De même, dans l’arrêt Brennan v. J. Posluns & Co. Ltd.[7], le juge en chef McRuer a ordonné à un témoin de divulguer les faits sur lesquels s’appuyait une allégation. À son avis, une question de ce genre ne demande pas tant au témoin de tirer une conclusion de droit que de divulguer les faits qui sous-tendent cette conclusion. Lorsque le témoin est la partie qui propose cette conclusion, il est raisonnable de demander à connaître les faits qui la sous-tendent.

[27]      À mon avis, la meilleure solution est de faire preuve de souplesse. Manifestement, les genres de questions qui ont à bon droit été critiquées dans l’arrêt Can-Air, précité, à la note 5, peuvent facilement devenir abusives. Par ailleurs, une adhésion trop stricte aux règles énoncées aura vraisemblablement pour effet de nier l’objectif même de l’interrogatoire préalable. Bien qu’il ne soit pas approprié de demander à un témoin de quelle preuve il dispose pour appuyer une allégation, il me semble qu’il est tout à fait différent de demander à la partie qui fait l’objet de l’interrogatoire les faits qu’elle connaît et qui sont le fondement d’une allégation particulière dans les actes de procédure. Bien que la réponse puisse comporter un certain élément de droit, elle demeure essentiellement une question de fait. Les questions de ce genre peuvent être essentielles à l’étape de l’interrogatoire préalable afin de définir correctement les points en litige et d’éviter les surprises; si les actes de procédure n’énoncent pas les faits sur lesquels une allégation se fonde, on peut alors exiger de la partie au nom de laquelle cet acte de procédure est déposé qu’elle divulgue ce fait.

[28]      De même, bien que la jurisprudence soit divisée sur ce point, je suis d’avis qu’il est approprié à l’interrogatoire préalable (alors que ce ne serait peut-être pas le cas à l’instruction) de poser à une partie des questions sur les faits qui appuient une conclusion de droit particulière; les questions de ce genre posées à l’étape préalable sont essentielles pour définir correctement les points en litige et éviter les surprises. De même, il est essentiel de se rappeler que le déposant ne parle pas pour lui-même, mais pour la partie qu’il représente.

[29]      Par conséquent, je conclus que la presque totalité des objections soulevées par la Couronne sous ces deux rubriques ne sont pas fondées. Ainsi, les questions cherchant à déterminer en vertu de quel pouvoir une telle mesure a été prise devraient, conformément aux principes énoncés précédemment, être considérées comme des questions recherchant le fondement factuel (par exemple une lettre, les instructions d’un supérieur, etc.) des mesures prises plutôt qu’une réponse strictement juridique. De même, les questions portant sur l’admissibilité à voter lors de la tenue d’un scrutin sur une cession devraient être considérées comme se rapportant au fondement factuel en vertu duquel les personnes ont en fait été autorisées à voter, par exemple l’inscription de leurs noms sur la liste de la bande, leur domicile, etc. Il en est de même des questions ayant trait aux transferts d’effectifs qui portent sur l’existence de ces transferts, et non pas sur le fait de savoir s’ils ont été ou non correctement effectués. Finalement, les questions dans lesquelles on demande sur quels faits la Couronne appuie certaines de ses allégations particulières (dont la plupart ont en fait été rédigées de façon à se conformer au modèle de l’arrêt Can-Air, précité note 5) devraient à bon droit faire l’objet d’une réponse.

[30]      Malgré ce qui précède, toutefois, il y a très peu d’interrogatoires qui ont été portés à mon attention par les avocats à l’audience au cours desquels on a posé des questions de droit pur et qui devraient par conséquent être radiés. Voici les exemples qui m’ont été donnés par les avocats :

a) La question 21(d) de la bande de Montana : cette question demande manifestement quel pouvoir juridique avait le gouvernement d’établir une liste de paie pour la bande de Little Bear.

b) La question 125 de la bande de Samson : ici encore, la question demande quel est le pouvoir juridique conféré par la Loi sur les Indiens [L.R.C. (1985), ch. I-5] qui a permis de faire certains paiements par habitant.

c) La question 17 de la bande d’Ermineskin : bien que l’introduction de cette question se limite à des faits et ne puisse pas faire l’objet d’une objection, les questions accessoires contenues aux paragraphes (a) et suivants demandent toutes à la Couronne des aveux sur des points de droit et ne sont pas appropriées.

[31]      Je conclus cette section en répétant qu’il n’y a que très peu de cas où, à mon avis, les objections de la Couronne ont un fondement quelconque. Les questions ayant trait au comment, au pourquoi et à la date à laquelle les bandes ou les réserves ont été établies, à la détermination de l’effectif de la bande, de même que les questions portant sur la perte des droits dans les réserves sont essentiellement des questions de fait et une réponse doit y être donnée.

6 à 8 Questions déraisonnables, non pertinentes, trop larges ou ambiguës

[32]      Comme je l’ai dit précédemment, il est tout à fait admis que la loi exige de ne pas répondre aux questions qui tombent dans ces catégories. Toutefois, les avocats ont fait très peu d’observations se rapportant à ces catégories et, pour la plupart d’entre elles, j’estime que l’objection est sans fondement. Ainsi, les questions ayant trait à la politique gouvernementale relative à l’établissement et à la cession des terres des réserves sont manifestement pertinentes dans la mesure où elles ont trait aux terres des réserves dont il est question en l’espèce; pour le cas où une question peut paraître trop large, il est possible de limiter la réponse aux points qui sont véritablement en litige.

[33]      La plupart des questions posées sont liées directement aux allégations énoncées soit dans la déclaration, soit dans la défense et par conséquent, elles respectent le critère principal de la pertinence. La prétention de la Couronne selon laquelle il serait trop long de répondre à certaines de ces questions me semble manquer le but; il s’agit d’une affaire très compliquée et le fait que la collecte des faits et des documents puisse exiger beaucoup de travail est un état de fait auquel les parties devront tout simplement s’habituer. Ainsi, même si les questions 146 et 148 de la bande de Samson (particulièrement la dernière) demandent apparemment la production d’un très grand nombre de documents, ce sont des documents qui ont trait aux transferts faits par la Couronne et ses mandataires de droits sur des terres cédées et ils sont donc pertinents. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de preuve pour appuyer cette prétention de trop grande difficulté[8].

[34]      Cela dit, toutefois, une question a été portée à mon attention et j’estime qu’elle est indûment vague et ambiguë; à la question 2, la bande de Samson demande la production de "toutes les versions » de l’adhésion de Bobtail au Traité no 6; comme je ne peux pas comprendre la question, je pense qu’il n’est pas déraisonnable que la Couronne adopte la même position.

9 Questions portant sur des renseignements confidentiels

[35]      Les avocats n’ont présenté aucune observation de fond dans cette catégorie. Aucune question n’a été portée à mon attention qui exigerait de la Couronne qu’elle révèle des renseignements confidentiels concernant les bandes à l’égard desquelles elle a une obligation fiduciaire[9]. La prétention selon laquelle une bande ne peut pas savoir quels paiements ont été faits à une autre est sans fondement, particulièrement au vu du fait que les actions seront instruites sur une preuve commune. L’objection est rejetée.

Conclusion

[36]      Je conclus que la plupart des objections de la Couronne sont sans fondement. Très peu de questions portées à mon attention me semblent inappropriées, et je les ai mentionnées ci-dessus. Il y a peut-être quelques autres questions qui tombent dans la même catégorie et que je n’ai pas été en mesure d’identifier simplement à cause du très grand nombre de questions en cause. Par conséquent, j’ai l’intention de rendre une ordonnance dans laquelle, à part le fait que j’accueillerai certaines objections formulées à l’égard de questions précises, je rejetterai la requête et prorogerai le délai prévu au paragraphe 397(1) des Règles à l’intérieur duquel la Couronne pourra déposer un avis de requête pour demander que les termes de l’ordonnance soient examinés de nouveau concernant les questions qui auraient été oubliées; cette requête, si elle est déposée, devra être signifiée au plus tard le 15 août 1999 et être présentée à la prochaine conférence de gestion du cas le 25 août 1999 à Edmonton.

Dépens

[37]      La Couronne a été déboutée sur presque toutes ses prétentions. Pour les quelques rares questions à l’égard desquelles elle a obtenu gain de cause dans la présente requête, l’affaire aurait pu à mon avis être réglée par une simple discussion entre avocats ou, au pire, par une requête à court préavis entendue par voie de conférence téléphonique. Il a fallu à la Cour plus de deux jours pour entendre la présente requête à Ottawa et à Calgary, de même qu’un certain nombre de conférences téléphoniques, et toutes les parties ont également déposé de volumineuses prétentions écrites ainsi que des documents à l’appui de celles-ci. À mon avis, cette requête n’aurait pas dû être présentée ou, s’il fallait qu’elle le soit, l’audition aurait dû prendre beaucoup moins de temps et être beaucoup moins complexe. La Couronne n’a fait aucun effort pour faciliter la communication écrite des renseignements, même si celle-ci a fait l’objet d’une entente. Bon nombre des objections frôlent la futilité; par exemple, on a fait valoir, sérieusement à ce qu’il semble, qu’une question portant sur le nombre de membres qui avaient « quitté » la réserve à une date donnée obligeait la Couronne à indiquer quels membres étaient partis en expédition de chasse à l’extérieur de la réserve pendant cette période. On peut difficilement prétendre que ces arguments constituent un effort honnête pour comprendre les interrogatoires et y répondre de bonne foi. En fait, si la Couronne n’avait pas eu, dans de très rares cas, gain de cause dans la requête, je n’aurais pas hésité à lui faire payer les dépens sur la base avocat-client. Quoi qu’il en soit, la Couronne paiera sans délai et en tout état de cause les dépens de chaque bande demanderesse, qui sont fixés à 5 000 $ par bande.



[1] Martin v. B.C. (Govt.) (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 60 (C.S.); Chingee v. British Columbia (1989), 38 C.P.C. (2d) 301 (C.S.C.-B.).

[2] [1991] 3 C.F. 420 (1re inst.).

[3] [1993] 1 C.N.L.R. 50 (C.F. 1re inst.).

[4] (1996), 110 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.); conf. par (1996), 118 F.T.R. 114 (C.F. 1re inst.); conf. par (1998), 222 N.R. 218 (C.A.F.).

[5] (1988), 91 A.R. 258 (C.A.).

[6] [1967] 1 O.R. 402 (H.C.), à la p. 405.

[7] [1958] O.R. 22 (H.C.).

[8] Smith, Kline & French Laboratories Ltd. c. Canada (Procureur général) (1984), 1 C.P.R. (3d) 268 (C.F. 1re inst.).

[9] Voir Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1998] 2 C.F. 60 (C.A.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.