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T‑739‑06

2007 CF 128

Toronto Star Newspapers Limited et Kassim Mohamed (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine du Chef du Canada (défenderesse)

Répertorié : Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada (C.F.)

Cour fédérale, juge en chef Lutfy—Toronto, 25 septembre et 18 octobre 2006; Ottawa, 5 février 2007.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fondamentales — Requête contestant la constitutionnalité des art. 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada au motif qu’ils portent atteinte aux libertés d’expression et de presse garanties par l’art. 2b) de la Charte — Le procureur général a appris que des renseignements secrets seraient divulgués dans le cadre d’une action civile intentée contre lui — Il a demandé, en vertu de l’art. 38 de la Loi, à la Cour de décider s’il convenait ou non de divulguer les renseignements secrets —  La divulgation de cette demande a été autorisée — Le demandeur (Toronto Star) a entamé une contestation de nature constitutionnelle — Le principe de la publicité des débats judiciaires est une valeur démocratique de base liée aux libertés fondamentales que protège l’art. 2b) — Ce principe exige l’accès des médias et la publication en temps opportun — Les parties reconnaissent que les dispositions contestées portent atteinte à l’art. 2b) de la Charte.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Clause limitative  — Les demandeurs contestent la constitutionnalité des art. 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada — Les parties reconnaissent que les dispositions contestées portent atteinte à l’art. 2b) de la Charte — Les dispositions contestées vont au‑delà du minimum requis pour sauvegarder les renseignements secrets et portent donc indûment atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires — Ces dispositions ne constituaient pas une atteinte minimale au sens de l’arrêt R. c. Oakes et ne pouvaient pas être sauvegardées par l’article premier de la Charte.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Recours — Les art. 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) portent atteinte à l’art. 2b) de la Charte, et ils ne pouvaient pas être sauvegardés en vertu de l’article premier — La méthode de l’interprétation atténuante qui a été adoptée par la C.S.C. dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général) est le moyen indiqué de remédier à la déficience des dispositions contestées sur le plan constitutionnel — Sur le plan constitutionnel, les exigences impératives en matière de confidentialité des art. 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) devraient faire l’objet d’une interprétation atténuante, et ne viser que les observations ex parte qui sont mentionnées à l’art. 38.11(2) — Tous les documents auxquels a accès la partie non gouvernementale sont en principe accessibles au public.

Preuve — Contestation de la constitutionnalité des art. 38.04, 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada au motif qu’ils portent atteinte à l’art. 2b) (qui garantit les libertés d’expression et de la presse) de la Charte canadienne des droits et libertés — Les parties reconnaissent que ces dispositions portent atteinte à la Charte — Ces dispositions ne pouvaient pas être sauvegardées par l’article premier —  L’interprétation atténuante est le recours indiqué.

Il s’agissait d’une requête présentée par les demandeurs pour contester la constitutionnalité des paragraphes 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada au motif qu’ils portent atteinte à leurs droits garantis par l’alinéa 2b) (libertés d’expression et de la presse) de la Charte canadienne des droits et libertés. En septembre 2004, le demandeur Kassim Mohamed a intenté une poursuite contre le procureur général du Canada en vue d’obtenir des dommages‑intérêts et d’autres mesures de réparation, alléguant que la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité ont communiqué ses renseignements personnels à des agences de sécurité étrangères. Après avoir été avisé que des renseignements secrets étaient sur le point d’être divulgués, le procureur général du Canada a demandé, en vertu des articles 38 et suivants, à la Cour fédérale de décider s’il convenait ou non de divulguer les renseignements secrets. Après que le demandeur Kassim Mohamed ait obtenu l’autorisation du procureur général de révéler le fait qu’il avait présenté cette demande, Toronto Star Newspapers Ltd., qui suivait l’action civile, a été informé de la présentation de cette demande. Les demandeurs ont contesté la constitutionnalité des paragraphes 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada. Le paragraphe 38.04(4) impose la confidentialité à toutes les demandes présentées en vertu de l’article 38; le paragraphe 38.11(1) exige que les audiences relatives à la demande présentée en vertu de l’article 38 ait lieu à huis clos et le paragraphe 38.12(2) impose la confidentialité à tous les dossiers qui se rapportent à l’instance se déroulant sous l’empire de l’article 38. Les paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) ont pour effet conjugué d’empêcher le demandeur, le Toronto Star, d’avoir accès à la demande présentée en vertu de l’article 38 de même qu’à tous les dossiers pertinents. Le procureur général du Canada a convenu avec les demandeurs que les dispositions contestées sont contraires au principe de la publicité des débats judiciaires, une valeur démocratique de base liée aux libertés fondamentales d’expression et de la presse que protège l’alinéa 2b) de la Charte. Les questions en litige étaient donc celles de savoir : 1) si les dispositions contestées étaient sauvegardées par l’article premier de la Charte; et 2) dans la négative, quelle était la mesure de redressement indiquée sur le plan constitutionnel.

Jugement : les dispositions contestées sont lues de façon à ne viser, au terme d’une interprétation atténuante, que les observations ex parte mentionnées au paragraphe 38.11(2) de la Loi sur la preuve au Canada.

1) Il incombait à la défenderesse d’établir que les dispositions contestées étaient sauvegardées par l’article premier de la Charte, conformément au critère justificatif établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt La Reine c. Oakes. En l’espèce, aucun affidavit relatif à l’article premier n’a été déposé. Le procureur général a affirmé qu’il est possible d’interpréter l’alinéa 38.04(5)c) comme conférant à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’autoriser le Toronto Star à avoir accès aux dossiers sous scellé sous réserve d’une ordonnance de non‑publication. Le fait de donner accès à un média en particulier est bien loin de justifier l’atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires ou à la présomption de la transparence des instances judiciaires. Le principe de la publicité des débats judiciaires exige l’accès des médias et la publication en temps opportun. Les dispositions contestées vont au‑delà du minimum requis pour sauvegarder les renseignements secrets et portent donc indûment atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires. Par conséquent, ces dispositions ne constituaient pas une atteinte minimale au sens de l’arrêt Oakes et ne pouvaient pas être sauvegardées en vertu de l’article premier de la Charte. Le paragraphe 38.11(1) est d’une portée excessive lorsqu’il exclut le public des audiences même dans les cas où aucun rensei-gnement secret n’est en péril et donc où il n’est pas justifié d’écarter le principe de la publicité des débats judiciaires. De même, les paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) sont d’une portée excessive car ils imposent à tous les documents judiciaires relatifs aux audiences tenues à huis clos des exigences de confidentialité dans les cas où aucun renseignement secret n’est en péril et donc où il n’est pas justifié d’écarter le principe général de la publicité des débats judiciaires.

2) Les paragraphes 38.04(4) et 38.12(1) de la Loi reflètent l’intention du législateur d’accorder au juge désigné le pouvoir discrétionnaire d’adopter toute mesure de confidentia-lité qui s’avère nécessaire pour la sauvegarde de renseigne-ments secrets. Même s’il n’est pas nécessaire de se rabattre sur les Règles des Cours fédérales, ces Règles donnent à la Cour la latitude nécessaire pour prendre n’importe quelle mesure permettant d’empêcher la divulgation indue de renseignements secrets. La méthode de l’interprétation atténuante qui a été adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général) est le moyen indiqué de remédier à la déficience des dispositions contestées de l’article 38 sur le plan constitutionnel. Sur le plan constitutionnel, la mesure indiquée consiste donc à interpréter de façon atténuante le paragraphe 38.11(1), de façon à ce qu’il ne vise que les observations ex parte qui sont mentionnées au paragraphe 38.11(2). Comme dans l’arrêt Ruby, la présente décision signifie que, en principe, les audiences à huis clos sont ouvertes au public. Dans les cas exceptionnels où il serait justifié d’exclure le public même quand toutes les parties sont présentes, les paragraphes 38.04(4) et 38.12(1) confèrent à la Cour le pouvoir discrétionnaire de prendre au besoin les mesures pour protéger la confidentialité de renseignements secrets, si les circonstances le justifient. Sur le plan constitutionnel, les exigences impératives en matière de confidentialité des paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) devraient elles aussi faire l’objet d’une interprétation atténuante, et ne viser donc que les observations ex parte qui sont mentionnées au paragraphe 38.11(2). En raison de cette décision, tous les documents auxquels a accès la partie non gouvernementale sont en principe accessibles au public.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b).

Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑5, art. 38 « renseignements potentiellement préjudiciables » (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), « renseignements sensibles » (édicté, idem), 38.01 (édicté, idem), 38.02(1) (édicté, idem, art. 43, 141(5)), 38.03 (édicté, idem, art. 43), 38.031 (édicté, idem, art. 43, 141(6)), 38.04(2) (édicté, idem, art. 43, 141(7)), (4) (édicté, idem), (5) (édicté, idem), 38.06 (édicté, idem, art. 43), 38.09 (édicté, idem), 38.1 (édicté, idem), 38.11 (édicté, idem), 38.12 (édicté, idem), 38.13 (édicté, idem), 38.131 (édicté, idem; 2004, ch. 12, art. 19(A)).

Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, ch. E‑10, art. 36.1 à 36.3 (édicté par S.C. 1980‑81‑82‑83, ch. 111, art. 4, ann. III).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21, art. 46, 51.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 17(3)b) (mod., idem, art. 25).

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 26 (mod. par DORS/2002‑ 417, art. 3), 29, 151.

jurisprudence citée

décisions appliquées :

Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3; 2002 CSC 75; La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

décisions examinées :

Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1052; Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332; 2004 CSC 43.

décisions citées :

Mulroney c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. no 1 (1re inst.) (QL); Moumdjian c. Canada (Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité), [1995] A.C.F. no 619 (1re inst.) (QL); Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, [2005] 2 R.C.S. 188; 2005 CSC 41; Société Radio‑Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; (1996), 182 R.N.‑B. (2e) 81; Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326; Procureur général de la Nouvelle‑Écosse et autre c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175; Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1552; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Ribic c. Canada, 2002 CFPI 290; Canada (Procureur général) c. Ribic, 2002 CFPI 839; Canada (Procureur général) c. Ribic, 2002 CFPI 1044; Ribic c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 10; conf. par [2005] 1 R.C.F. 33; 2003 CAF 246; Canada (Procureur général) c. Ribic, 2003 CFPI 43; conf. par [2005] 1 R.C.F. 33; 2003 CAF 246; Canada (Procureur général) c. Kempo, 2004 CF 1678.

REQUÊTE présentée pour contester la constitutionnalité des paragraphes 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada. Les dispositions contestées sont lues de façon à viser, au terme d’une interprétation atténuante, que les observations ex parte mentionnées au paragraphe 38.11(2).

ont comparu :

Paul B. Schabas, Ryder L. Gilliland et Rahool Agarwal pour le demandeur Toronto Star Newspapers Ltd.

Lorne Waldman pour le demandeur Kassim Mohamed.

Alain Préfontaine pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier :

Blake, Cassels & Graydon LLP, Toronto, pour le demandeur Toronto Star Newspapers Ltd.

Waldman & Associates, Toronto, pour le demandeur Kassim Mohamed.

Le sous‑procureur général du Canada pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]Le juge en chef Lutfy : Depuis 25 ans environ, lorsque la Cour fédérale est appelée à décider s’il convient ou non de divulguer des renseignements touchant la sécurité nationale, elle tient ses audiences à huis clos, malgré l’opposition du procureur général du Canada. L’obligation d’interdire au public l’accès aux audiences s’applique même aux phases de l’instance où toutes les parties sont présentes et où la Cour n’examine aucun renseignement secret. En l’espèce, il s’agit de la première contestation de la constitutionnalité des dispositions légales qui imposent cette mesure de secret.

[2]Je conclus que lorsque toutes les parties à l’instance ont accès aux audiences du tribunal et aux dossiers, les exigences en matière de confidentialité portent indûment atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires. Sur le plan constitutionnel, la mesure de redressement indiquée consiste à interpréter de façon atténuante les dispositions légales contestées : les audiences et les dossiers ne peuvent être interdits au public que lorsque des renseignements secrets sont en jeu. Par conséquent, les audiences du tribunal auxquelles toutes les parties sont présentes et les dossiers auxquels celles‑ci ont toutes accès sont en principe ouverts au public.

Le contexte factuel

[3]En septembre 2004, Kassim Mohamed a intenté une poursuite contre le procureur général du Canada en vue d’obtenir des dommages‑intérêts et d’autres mesures de réparation, alléguant que la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité ont tous deux communiqué ses renseignements personnels à des agences de sécurité étrangères et qu’à cause de cela, les autorités égyptiennes l’ont gardé en détention durant deux semaines. Son action est en instance devant la Cour fédérale, sous le numéro de dossier T‑1666‑04 (l’action civile).

[4]Lors des interrogatoires préalables menés dans le cadre de l’action civile, le procureur général du Canada a été avisé que des « renseignements potentiellement préjudiciables » [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43] ou des « renseignements sensibles » [édicté, idem], au sens de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑5 (les renseignements secrets), étaient sur le point d’être divulgués. De façon générale, sont secrets les renseignements qui ont trait aux relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationales.

[5]Le 5 janvier 2006, après avoir reçu cet avis, le procureur général du Canada a demandé, en vertu des articles 38 et suivants de la Loi [les articles 38.01 à 38.16] (lesquels sont parfois appelés, collectivement, l’« article 38 ») à la Cour fédérale de décider s’il convenait ou non de divulguer les renseignements secrets : Canada (Procureur général) c. Mohamed, numéro de dossier DES‑1‑06 (l’instance désignée).

[6]Le 25 janvier 2006, le procureur général du Canada a autorisé l’avocat de M. Mohamed à révéler le fait qu’il avait présenté cette demande. Dès le mois d’août 2005, les données publiques au dossier de l’action civile devant la Cour fédérale révélaient que les parties entendaient solliciter une mesure de redressement en vertu de l’article 38. En fin de compte, l’autorisation du procureur général n’a fait que confirmer ce qui était public quatre mois plus tôt.

[7]Sans l’autorisation du procureur général, donnée en vertu de l’article 38.03 [édicté, idem], il aurait été contraire à l’alinéa 38.02(1)c) [édicté, idem, art. 43, 141(5)] de révéler qu’une demande avait été présentée à la Cour fédérale.

[8]Suite à cette autorisation, Toronto Star Newspa-pers Limited (le « Toronto Star »), qui suivait l’action civile et en rendait compte, a été informé de la présentation de cette demande.

[9]Le 23 février 2006, le Toronto Star a avisé la Cour fédérale qu’il entendait contester les règles de confiden-tialité prévues dans l’article 38. Si la contestation de nature constitutionnelle avait été effectuée dans le cadre de l’instruction de la demande, il aurait peut‑être été obligatoire, en vertu de l’article 38, que les débats se déroulent à huis clos. Toutes les parties et la Cour ont préféré que la question soit tranchée en audience publique.

[10]Le 19 avril 2006, les avocats des trois parties ont convenu que la contestation constitutionnelle par le Toronto Star, soit traitée comme une question de droit conformément à l’alinéa 17(3)b)  [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 25] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)].

[11]La présente instance a été introduite le 26 avril 2006. Vu le consentement des parties quant à cette démarche, l’intervention du Toronto Star a été soustraite au secret imposé par l’article 38, et a fait l’objet d’une audience publique. La chose a été rendue possible grâce à l’habileté et l’esprit de collaboration des parties, et la Cour leur en sait gré.

[12]Les audiences publiques ont commencé le 25 septembre 2006. Le deuxième jour, le 18 octobre 2006, les débats ont porté sur les mesures réparatrices.

Les dispositions contestées de l’article 38

[13]Les demandeurs—le Toronto Star et M. Mohamed—contestent la constitutionnalité de trois dispositions de la Loi sur la preuve au Canada (les dispositions contestées).

[14]En premier lieu, les demandeurs contestent le paragraphe 38.11(1) [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43], qui exige que les audiences relatives à la demande présentée en vertu de l’article 38 aient lieu à huis clos : « Les audiences prévues au paragraphe 38.04(5) [. . .] sont tenues à huis clos » (« A hearing under subsection 38.04(5). . . shall be heard in private »).

[15]En deuxième lieu, les demandeurs contestent également la constitutionnalité de deux dispositions connexes.

[16]Le paragraphe 38.04(4) [édicté, idem, art. 43, 141(7)] impose la confidentialité à toutes les demandes présentées en vertu de l’article 38 : « Toute demande présentée en application du présent article est confidentielle » (« An application under this section is confidential »).

[17]Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 38.12(2) [édicté, idem, art. 43] impose la confidentialité à tous les dossiers qui se rapportent à l’instance se déroulant sous l’empire de l’article 38 : « Le dossier ayant trait à l’audience, à l’appel ou à l’examen est confidentiel » (« The court records relating to the hearing, appeal or review are confidential »).

[18]Les paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) ont pour effet conjugué d’empêcher le Toronto Star d’avoir accès à la demande présentée en vertu de l’article 38 de même qu’à tous les dossiers pertinents.

[19]La présente instance a surtout porté sur la demande présentée et sur l’audience tenue devant la Cour fédérale. On aurait pu s’attendre à ce que l’issue de la contestation constitutionnelle élevée en l’espèce soit la même que pour les « appels » interjetés devant la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada, en vertu des articles 38.09 [édicté, idem] et 38.1 [édicté, idem] respectivement, ainsi que pour les « examens » effectués en vertu de l’article 38.131 [édicté, idem; 2004, ch. 12, art. 19(A)]. Cependant, l’exposé conjoint des faits des parties, leurs mémoires juridiques et leurs observations verbales n’ont porté que sur les demandes présentées à la Cour fédérale et les audiences tenues devant celle‑ci. En l’absence de dossier de preuve concernant les instances se déroulant devant les tribunaux d’appel, la présente décision ne concerne que la Cour fédérale.

[20]Les dispositions contestées, de même que d’autres dispositions connexes de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, sont intégralement reproduites à l’annexe A des présents motifs. Les demandeurs sont d’avis qu’il est possible que d’autres dispositions de cet article soient inconstitutionnelles. Toutefois, la présente instance ne vise que les trois dispositions contestées.

[21]Dans une décision antérieure, j’ai signalé les difficultés que présente la portée de l’alinéa 38.02(1)c), qui interdit de révéler le fait qu’une demande a été présentée en vertu de l’article 38 : Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1052 [ci-après Ottawa Citizen Group no 1], aux paragraphes 35 à 40. J’ai convenu qu’il pouvait y avoir des cas exceptionnels où le fait de révéler la présentation d’une demande en vertu de l’article 38 pouvait causer préjudice à des intérêts gouvernementaux légitimes, voire à des intérêts privés sensibles. J’ai toutefois ajouté que, selon moi, l’absence de pouvoir judiciaire discrétionnaire à l’alinéa 38.02(1)c), posait problème. Mes réserves ne se sont pas dissipées, et je renvoie aux paragraphes 38 et 40 de cette décision :

Il peut arriver exceptionnellement que l’opacité envisagée dans l’article 38.02 soit sans doute justifiée. Plus généralement cependant, lorsque des renseignements secrets sont en cause, la nécessité d’une procédure de l’article 38 est révélée publiquement devant la personne qui préside l’audience du tribunal administratif ou judiciaire. La Cour fédérale est tenue par l’article 38 de garder secret un fait qui a été évoqué publiquement devant le tribunal administratif ou judiciaire à l’origine de la procédure. On peut se demander si le législateur a pu réellement vouloir que le texte de l’article 38 produise une telle conséquence.

[. . .]

Il est inhabituel qu’une partie au litige puisse être le seul arbitre pour ce qui est d’autoriser la divulgation de renseignements qui sont ou qui devraient être publics. Une cour de justice devrait être considérée comme détentrice d’un pouvoir suffisant sur sa procédure dans la situation que je viens de décrire.

[22]Quant à la décision rendue en l’espèce, il ne faut pas perdre de vue que l’existence de l’instance désignée a été rendu publique. À ce jour, nulle contestation de la constitutionnalité de l’alinéa 38.02(1)c) n’a été déposée et la question n’est donc toujours pas tranchée; par conséquent, les présents motifs ne visent que les cas où la connaissance de l’existence de la demande faite en vertu de l’article 38 a été rendue publique.

Questions en litige

[23]Comme l’indique l’exposé conjoint des faits des parties, cette instance soulève les questions constitution-nelles suivantes (paragraphe 22) :

[traduction]

1.         Le paragraphe 38.04(4) de la Loi sur la preuve au Canada porte‑t‑il atteinte aux droits du Toronto Star garantis par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)? Dans l’affirmative, cette atteinte est‑elle justifiée au regard de l’article premier de la Charte?

2.         Le passage du paragraphe 38.11(1) de la Loi sur la preuve au Canada où il est dit que « [l]es audiences prévues au paragraphe 38.04(5) et l’audition de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) sont tenues à huis clos » porte‑t‑elle atteinte aux droits du Toronto Star garantis par l’alinéa 2b) de la Charte? Dans l’affirmative, cette atteinte est‑elle justifiée au regard de l’article premier de la Charte?

3.         La première phrase du paragraphe 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada porte‑t‑elle atteinte aux droits du Toronto Star garantis par l’alinéa 2b) de la Charte? Dans l’affirmative, cette atteinte est‑elle justifiée au regard de l’article premier de la Charte?

[24]Le procureur général du Canada convient avec les demandeurs que les dispositions contestées sont contraires au principe de la publicité des débats judiciaires, une valeur démocratique de base liée aux libertés fondamentales d’expression et de la presse que protège l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

[25]Les questions en litige en l’espèce sont donc les suivantes :

·Les dispositions contestées sont‑elles sauvegardées par l’article premier de la Charte?

· Dans la négative, quelle est la mesure de redressement indiquée sur le plan constitutionnel?

[26]En d’autres termes, et de façon générale, que justifie la tenue d’audiences à huis clos et la préservation de la confidentialité de documents judiciaires lorsqu’aucun renseignement secret n’est divulgué? Il serait peut‑être utile de passer en revue le parcours de l’article 38 devant la Cour fédérale.

[27]L’ancêtre de l’actuel article 38, qui, depuis 1982, faisait partie de la Loi sur la preuve au Canada [S.R.C. 1970, ch. E-10, art. 36.1 à 36.3 (édicté par S.C. 1980-81-82, 83, ch. 111, art. 4, ann. III)], exigeait également que les demandes soient entendues à huis clos. Il n’est pas certain que cette exigence ait toujours été respectée lorsque toutes les parties étaient présentes et que les débats ne portaient sur aucun renseignement secret : Mulroney c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. no 1 (1re inst.) (QL), au paragraphe 12; Moumdjian c. Canada (Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité), [1995] A.C.F. no 619 (1re inst.) (QL), au paragraphe 5.

[28]L’article 38 a été considérablement modifié par la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41. L’annexe B des présents motifs énumère les causes où les demandes présentées en vertu de l’article 38 ont fait l’objet d’une divulgation publique en vertu des nouvelles dispositions; chacune a été gérée en tant qu’instance à gestion spéciale.

Instances introduites en vertu de l’article 38 depuis les modifications de 2001

[29]La demande présentée en vertu de l’article 38 doit être entendue par le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de cette dernière que le juge en chef désigne. Cette disposition existe depuis 1982 [art. 36.2].

[30]Toutes les audiences tenues dans le cadre de l’article 38 sont interdites au public : paragraphe 38.11(1). Les conférences de gestion d’instance ont également lieu à huis clos.

[31]Le fait d’exclure le public de toutes les audiences tenues dans le cadre de l’article 38 est conforme au secret visé par l’alinéa 38.02(1)c), lequel interdit de divulguer « le fait qu’une demande a été présentée à la Cour fédérale au titre de l’article 38.04 » (« the fact that an application is made to the Federal Court under subsection 38.04 »).

[32]En ce qui concerne l’article 38, il y a toujours deux types d’audiences : celles auxquelles toutes les parties sont présentes mais qui sont néanmoins interdites au public (les séances à huis clos), et celles qui ont lieu en l’absence d’une ou de plusieurs des parties (les audiences ex parte).

[33]Dans le cas des audiences à huis clos, aucun renseignement secret n’est divulgué. Les dossiers alors accessibles comprennent l’avis de demande, les affidavits et les exposés du droit que s’échangent les parties. Aucun de ces documents ne contient des renseignements secrets. Cependant, les paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) ont pour effet conjugué d’empêcher le public d’avoir accès au contenu de ces documents et de les rendre publics.

[34]Les observations ex parte sont accessibles de plein droit au procureur général du Canada et, avec l’autorisation du juge présidant l’audience, à toute autre partie : paragraphe 38.11(2) [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43]. La constitutionnalité de l’obligation d’interdire au public ces audiences ex parte n’est pas contestée en l’espèce.

[35]Dans toute demande présentée en vertu de l’article 38, le procureur général du Canada présente des observations à la Cour afin de confirmer l’interdiction de divulguer les renseignements secrets en litige. Habituellement, il est la seule partie présente devant la Cour quand ces observations sont présentées. Cepen-dant, lorsqu’une autre partie à l’instance a en sa possession les mêmes renseignements secrets que ceux qui sont en litige, il lui est possible d’être présente lorsque les observations ex parte sont présentées par le procureur général du Canada.

[36]Le déroulement de l’instance classique relevant de l’article 38 est exposé de façon assez détaillée dans l’exposé conjoint des faits des parties, dont les passages pertinents devraient être facilement accessibles à partir du dossier public :

[traduction]

5.         Le [procureur général (p.g.)] fait valoir que l’instance relative à la demande présentée en vertu de l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada comporte un certain nombre d’étapes habituelles, comme suit.

6.         Premièrement, à la suite de la réception d’un avis de demande aux termes de l’article 38.04, le p.g. présente une requête en directives en vertu de l’alinéa 38.04(5)a) de la Loi sur la preuve au Canada. Dans les documents relatifs à sa requête, le p.g. indique toutes les parties ou tous les témoins dont il croit que les intérêts peuvent être touchés par l’interdiction de divulguer des renseigne-ments, et il peut proposer quelles personnes doivent être officiellement désignées comme parties défenderesses. Le p.g. demande que ce volet de la requête en directives soit tranché par écrit.

7.         Après avoir lu les documents relatifs à la requête du p.g., la Cour fédérale, en vertu de l’alinéa 38.04(5)c) de la Loi sur la preuve au Canada, désigne les parties défenderesses et ordonne au p.g. d’aviser ces dernières de la demande en leur signifiant l’avis de demande et la requête en directives.

8.         La Cour fédérale convoque ensuite une conférence sur la gestion de l’instance avec les parties à la demande (c’est‑à‑dire, le p.g. et les parties défenderesses) en vue d’évoquer les autres questions soulevées par la requête en directives du p.g., notamment : 1) s’il est nécessaire de tenir une audience au sujet de l’affaire; 2) s’il faut aviser d’autres personnes de l’audition de l’affaire; 3) s’il faut gérer la demande de façon spéciale au moyen d’un calendrier officiel concernant les étapes procédurales ultérieures. Ces conférences de gestion de cas sont confidentielles et se déroulent à huis clos. Le public n’y a pas accès et, en général, seuls sont présents les parties à la demande, leurs avocats, le juge président l’audience et les membres du personnel désigné de la Cour.

9.         Lorsqu’il a été statué sur la requête en directives, le calendrier officiel est établi en vue de préparer la demande d’audition visée par l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada. Comme dans le cas des demandes ordinaires qui sont soumises à la Cour fédérale, ces calendriers prévoient l’échange d’affidavits, les contre‑interrogatoires sur les affidavits, la préparation de dossiers de demande (comprenant des exposés des faits et du droit) ainsi qu’une audience devant le juge désigné. Contrairement aux demandes ordinaires qui sont présentées à la Cour fédérale, ces calendriers prévoient que certaines parties des affidavits, des dossiers de demande et des audiences tenues devant le juge désigné sont examinées « ex parte » (c’est‑à‑dire, vues ou entendues seulement par le p.g. et la Cour), tandis que d’autres sont « sous scellé » ou « à huis clos » (c’est‑à‑dire, vues ou entendues par les parties et la Cour, mais interdites au public). En effet, la demande classique présentée en vertu de l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada comporte les étapes suivantes :

a)         les affidavits « sous scellé » du p.g. sont signifiés à la partie défenderesse et déposés auprès de la Cour;

b)        les affidavits « sous scellé » de la partie défenderesse sont signifiés au p.g. et déposés auprès de la Cour;

c)         les affidavits « ex parte » du p.g. sont déposés à la Cour;

d)        les contre‑interrogatoires concernant les affidavits « sous scellé » des parties ont lieu hors cour;

e)         le dossier de demande « sous scellé » du p.g. est signifié à la partie défenderesse et déposé auprès de la Cour;

f)         le dossier de demande « ex parte » du p.g. est déposé à la Cour;

g)        le dossier de demande « sous scellé » de la partie défenderesse est déposé à la Cour;

h)        l’audience a lieu; celle‑ci comporte à la fois des séances « à huis clos » (où toutes les parties sont présentes, mais le public est exclu) et des audiences « ex parte » (où seul le p.g. est présent).

10.       Les affidavits « sous scellé » sont ceux, établis par une partie à la demande, qui sont déposés et signifiés aux autres parties et auxquels il est possible de faire référence pendant les phases des audiences où toutes les parties sont présentes (c’est‑à‑dire, les séances « à huis clos » de la Cour). Cependant, en vertu du paragraphe 38.12(2), ces affidavits sont confidentiels et ne peuvent être divulgués au public.

11.       La position du p.g. est que les affidavits « sous scellé » qu’il produit aux fins de la demande présentée en vertu de l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada visent à énoncer, en termes généraux et de manière raisonnée, les motifs pour lesquels il est nécessaire de protéger les renseignements en question de toute divulgation au public, c’est‑à‑dire pourquoi cette divulgation porterait préjudice aux relations interna-tionales ou à la défense ou à la sécurité nationales. Selon le p.g., ces affidavits « sous scellé » n’exposent pas en détail les renseignements en cause (c’est‑à‑dire, ceux qui sont visés par l’avis), pas plus qu’ils ne contiennent d’autres faits précis qui constitueraient eux‑mêmes des « renseignements sensibles » ou des « renseignements potentiellement préjudiciables ». Le but déclaré pour lequel le p.g. dépose et signifie ces affidavits « sous scellé » est de fournir aux parties défenderesses qui demandent la divulgation des renseignements en cause le maximum d’informations factuelles afin qu’elles puissent comprendre pourquoi le p.g. tente de protéger les renseignements sans compromettre ces derniers ou d’autres renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables concernant la nécessité de protéger les renseignements en cause de toute divulgation.

12.       Les affidavits « ex parte » sont ceux que dépose le p.g. et qui ne sont pas signifiés à la partie défenderesse. Seul le juge qui préside l’instance les lit, et il n’y est fait référence qu’aux portions ex parte des audiences où le p.g. est présent et la partie défenderesse exclue (c’est‑à‑dire, les sessions « ex parte » de la Cour), conformément au paragraphe 38.11(2) de la Loi sur la preuve au Canada.

13.       La position du p.g. est que les affidavits « ex parte » qui sont produits aux fins de la demande présentée en vertu de l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada visent à énoncer, en termes précis, les motifs de fait pour lesquels il est nécessaire de protéger les renseignements en litige de toute divulgation au public, c’est‑à‑dire pourquoi cette divulgation porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. Ces affidavits contiennent aussi les renseignements en cause qui sont visés par l’avis.

14.       Les dossiers de demande « sous scellé » sont déposés et signifiés aux autres parties, et il est possible d’y faire référence au cours des séances « à huis clos » de la Cour. Les dossiers des demandes « ex parte » que dépose le p.g. ne sont pas signifiés aux autres parties, ne sont lus que par le juge qui préside l’instance et il n’y est fait référence que lors des audiences « ex parte » de la Cour, conformément au paragraphe 38.11(2) de la Loi sur la preuve au Canada.

15.       Lors des audiences « à huis clos » de la Cour où sont présentes toutes les parties à la demande, celles‑ci font valoir leurs arguments au sujet, notamment, des questions suivantes : 1) la pertinence éventuelle des renseignements en cause (si le p.g. la conteste), 2) si la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, et 3) si les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non‑divulgation. Pour ce qui est du préjudice, le p.g. fait valoir ses arguments en termes généraux parce qu’il ne souhaite pas courir le risque de divulguer les renseignements en cause ou de compromettre d’autres renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables.

16.       Lors des audiences « ex parte » où lui seul est présent, le p.g. fait valoir ses arguments en faisant référence aux affidavits « ex parte » concernant la question de savoir si la divulgation des renseignements en cause porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. L’avocat du p.g. est accompagné des auteurs des affidavits afin que l’actuel juge présidant désigné puisse les interroger.

[37]L’exposé conjoint des faits ne porte pas sur le droit du particulier de demander l’autorisation de présenter des observations ex parte. Selon la pratique suivie devant la Cour jusqu’à l’heure actuelle, lorsqu’une partie autre que le procureur général du Canada présente de telles observations, seule cette partie est présente devant le juge qui préside l’instance. Cela peut être le cas lorsque l’instance principale est une poursuite pénale. Plus précisément, l’accusé peut vouloir présenter au juge chargé d’entendre la demande présentée en vertu de l’article 38 des observations sur l’importance de divulguer les renseignements secrets qui l’aideront à assurer sa défense. Dans de telles circon-stances, l’accusé préfère faire ces observations sans divulguer à une autre partie le fond ou les détails de sa défense dans l’instance pénale.

[38]En outre, en ce qui concerne les paragraphes 6 et 7 de l’exposé conjoint des faits, l’ordonnance désignant les défenderesses parties à la demande présentée en vertu de l’article 38 n’est souvent rendue qu’après que la requête en directives a été signifiée aux éventuelles parties intéressées, habituellement à la demande de la Cour. Cela se produit surtout lorsque ces parties savent que le procureur général du Canada est sur le point de déposer une demande en vertu de l’article 38. Selon l’alinéa 38.04(5)a) [édicté, idem, art. 43, 141(7)], le juge qui préside l’instance doit entendre les observations du procureur général du Canada. Toutefois, ce texte n’impose pas que l’identification des parties intéressées soit faite ex parte.

Analyse

A. Constitutionnalité des dispositions contestées

[39]Comme le rappelle souvent la Cour suprême du Canada, le principe de la publicité des débats judiciaires est la pierre angulaire de notre démocratie et il est protégé par l’alinéa 2b) de la Charte : Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, [2005] 2 R.C.S. 188, au paragraphe 1; Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332, au paragraphe 23; Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, au paragraphe 53; Société Radio‑Canada c. Nouveau‑Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480, au paragraphe 23; Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, aux pages 1339 et 1340; et Procureur général de la Nouvelle‑Écosse c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, à la page 187.

[40]Toutes les parties conviennent que les dispositions contestées de l’article 38 portent atteinte à l’alinéa 2b) de la Charte. Cependant, la défenderesse (parfois appelée en l’espèce « le procureur général du Canada ») soutient que ces atteintes constituent des limites raisonnables au principe de la publicité des débats judiciaires et que leur justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[41]Il incombe à la défenderesse d’établir que les dispositions contestées sont sauvegardées par l’article premier de la Charte, conformément au critère justificatif établi dans l’arrêt La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. En l’espèce, aucun affidavit relatif à l’article premier n’a été déposé.

[42]Les demandeurs concèdent que prévenir la divulgation par inadvertance de renseignements secrets constitue un objectif législatif suffisamment légitime et important qui répond au premier volet du critère de l’arrêt Oakes.

[43]Le procureur général du Canada fait valoir que le paragraphe 38.11(1) est sauvegardé par d’autres dispositions de l’article 38. Plus précisément, dans ses conclusions écrites, il fait valoir que le paragraphe 38.04(5) confère à la Cour fédérale le pouvoir discrétionnaire de désigner le Toronto Star comme partie défenderesse à la demande, et la possibilité d’accorder au Toronto Star le même accès aux dossiers judiciaires qu’à M. Mohamed. En outre, à son avis, le juge désigné peut ordonner au procureur général du Canada d’aviser le Toronto Star et d’accorder à ce dernier la possibilité de présenter des observations. En toute déférence, je ne peux abonder dans le même sens.

[44]Aux termes de l’alinéa 38.04(5)a), le juge entend les observations du procureur général du Canada « sur l’identité des parties ou des témoins dont les intérêts sont touchés par l’interdiction de divulgation ou les conditions dont l’autorisation de divulgation est assortie » (non souligné dans l’original). Ces parties ou ces témoins sont alors désignés comme défendeurs : paragraphes 6 et 7 de l’exposé conjoint des faits.

[45]Selon la même disposition légale, le juge doit également entendre les arguments du procureur général du Canada « sur les personnes qui devraient être avisées de la tenue d’une audience ».

[46]Aux termes de l’alinéa 38.04(5)c), le juge décide alors qui doit être avisé de la tenue de l’audience. Cela se fait habituellement sur la foi des arguments du procureur général du Canada et de toute autre partie qui a été désignée comme ayant un intérêt légal manifeste. Ce texte autorise également le juge à ordonner au procureur général du Canada de donner avis à ces personnes et de fixer le contenu et les modalités de l’avis en question.

[47]Je suis d’avis que ni l’une ni l’autre de ces dispositions n’autorisent le juge à désigner le Toronto Star ou tout autre membre des médias à titre d’intimé ou de personne à laquelle donner avis de la tenue de l’audience.

[48]Dès le 7 février 2006, les parties à l’instance désignée et la Cour ont été mises au courant de l’intention du Toronto Star de contester la constitution-nalité des dispositions qui empêchaient les médias d’avoir accès aux audiences à huis clos. Nul n’a suggéré durant l’instruction de cette demande que le Toronto Star pouvait être désigné à titre de partie défenderesse ou qu’il pouvait obtenir accès aux séances privées par le truchement du processus de notification.

[49]Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que le Toronto Star ne sollicite pas la qualité de défendeur ou le droit de déposer des affidavits ou des exposés du droit. Il cherche simplement à faire respecter le principe de la publicité des débats judiciaires et à obtenir accès aux audiences à huis clos en tant que membre des médias.

[50]Le souci des médias de tenir le public au courant des demandes présentées en vertu de l’article 38 n’est pas visé par les « intérêts » que protège le paragraphe 38.04(5). Lorsqu’une entité telle que le Toronto Star souhaite faire valoir ses « intérêts », dans le sens juridique du terme, elle peut tenter d’obtenir la divulgation des renseignements en présentant une demande en vertu de l’alinéa 38.04(2)c) [édicté, idem] : voir, par exemple, les décisions Ottawa Citizen Group, no 1 et [Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général)] 2006 CF 1552.

[51]En outre, le pfait valoir au nom de quel principe la Cour pouvait accorder la qualité de partie défenderesse ou des droits d’accès au Toronto Star, mais non aux médias en général. Là encore, je suis d’avis que la défenderesse ne propose pas que tous les membres des médias soient désignés à titre de défendeurs.

[52]Le procureur général du Canada a nuancé davantage sa position lors des débats à l’audience. À cette occasion, l’avocat a moins insisté pour définir le rôle du Toronto Star à titre de défendeur. Il a soutenu que la Cour, avait, en vertu de l’alinéa 38.04(5)c), le pouvoir discrétionnaire d’ordonner que le Toronto Star reçoive avis de l’audience relative à l’article 38 et obtienne accès à l’instance, sous réserve d’une ordonnance de non‑publication jusqu’à ce que l’affaire soit tranchée.

[53]L’interprétation donnée par le procureur général du Canada à l’alinéa 38.04(5)c) reprend essentiellement l’argument de l’atteinte minimale. En effet, la défenderesse soutient que si les dispositions contestées violent le principe de la publicité des débats judiciaires, cela est justifié. À son avis, il est possible d’interpréter l’alinéa 38.04(5)c) comme conférant à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’autoriser le Toronto Star à avoir accès aux audiences « à huis clos » et aux dossiers « sous scellé » sous réserve d’une ordonnance de non‑publication qui serait en vigueur jusqu’à ce qu’une ordonnance finale, tranchant la demande, soit rendue sous l’empire de l’article 38.06 [édicté, idem, art. 43].

[54]L’interprétation que propose le procureur général du Canada ne donne pas plein effet au principe de la publicité des débats judiciaires. L’accès du public aux instances judiciaires ne peut être subordonné à des circonstances fortuites qui amènent un ou plusieurs membres des médias à demander accès en vertu de l’alinéa 38.04(5)c). Les tribunaux ne peuvent pas non plus dépendre du fait que l’une des parties à l’instance présente des observations à la Cour afin que les médias obtiennent l’accès qu’ils veulent.

[55]L’avocat du procureur général du Canada a reconnu que le législateur n’a pas conçu le pouvoir discrétionnaire dont disposerait la Cour selon l’interprétation qu’il fait de l’alinéa 38.04(5)c). J’abonde dans son sens. Lorsqu’on les lit au regard du contexte global et selon leur sens ordinaire, tout en tenant compte des objectifs de l’article 38, les sous‑alinéas 38.04(5)c)(i), (ii) et (iii) ne peuvent être interprétés comme un moyen d’appliquer le principe de la publicité des débats judiciaires : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27.

[56]Quoi qu’il en soit—et je ne tranche pas la question pour ce motif—je ne suis pas convaincu que l’interprétation que fait le procureur général du Canada soit compatible avec l’interdiction, à l’alinéa 38.02(1)c), de divulguer l’existence du dossier.

[57]Plus important encore, même si l’on retenait cet argument du procureur général du Canada, le fait de donner accès à un média en particulier est bien loin de justifier l’atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires ou à la présomption de transparence des instances judiciaires.

[58]En particulier, l’avocat du procureur général du Canada a soutenu que l’accès des médias aux séances à huis clos serait forcément assorti d’une ordonnance de non‑publication. Selon lui, la Cour a le pouvoir d’autoriser le Toronto Star et d’autres médias à assister aux audiences à huis clos, mais pas d’autoriser la publication d’un compte rendu journalistique quelconque sur les audiences, du moins pas avant que l’affaire ait été réglée.

[59]Dans l’arrêt Vancouver Sun (Re), qui portait aussi sur des questions de sécurité nationale, la Cour suprême du Canada a rejeté un argument semblable à l’appui de l’octroi aux médias d’un accès à des audiences sous réserve d’une ordonnance de non‑publication (au paragraphe 49) :

[. . .] nous ne souscrivons pas à la proposition du Vancouver Sun de permettre à des membres du comité de rédaction d’assister aux audiences et d’avoir accès aux documents sous réserve d’un engagement de confidentialité. Il est difficile, là encore, de comprendre comment le bien public est mieux servi par la participation limitée de professionnels qui ne peuvent pleinement remplir le mandat qui leur est confié par le public.

[60]Il n’est pas inutile de rappeler qu’aucun rensei-gnement secret n’est divulgué au cours des séances à huis clos et dans les documents sous scellé. Le principe de la publicité des débats judiciaires exige l’accès des médias et la publication en temps utile. Le procureur général du Canada n’a pas indiqué qu’il y allait de l’intérêt public de reporter la publication des faits se produisant au cours des audiences tenues à huis clos jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande présentée en vertu de l’article 38. À l’appui de sa thèse selon laquelle il doit y avoir report de publication, le procureur général du Canada s’est fondé sur une observation de la Cour suprême dans l’arrêt Vancouver Sun (Re) (au paragraphe 58) : la décision de rendre publics des renseignements sous scellé doit être prise à l’issue de l’investigation judiciaire concernant une affaire de nature criminelle. Cette conclusion n’était toutefois pas destinée aux circonstances entourant les instances engagées en vertu de l’article 38.

[61]À l’appui de la constitutionnalité des dispositions contestées, le procureur général du Canada propose une interprétation du régime de l’article 38 selon laquelle les médias auraient le droit d’être désignés à titre de parties intéressées ou d’obtenir le droit d’accès aux audiences tenues à huis clos, sous réserve d’une ordonnance de non‑publication. En définitive, le mieux que l’on puisse dire au sujet de cette position est que [traduction] « la nécessité est mère de l’invention », comme l’a dit l’avocat du procureur général du Canada. En l’espèce, toutefois, l’interprétation imaginative qui est proposée afin de sauvegarder les dispositions contestées ne rend pas suffisamment justice au principe de la publicité des débats judiciaires.

[62]Dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), la Cour suprême du Canada a examiné la constitutionnalité de dispositions similaires à celles qui sont contestées en l’espèce.

[63]Dans l’arrêt Ruby, il était question d’une contestation—d’une portée limitée—de la validité constitutionnelle d’exigences procédurales impératives énoncées aux paragraphes 51(2) et 51(3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21 :

51. [. . .]

(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l’objet d’une audition à huis clos; [. . .]

(3) Le responsable de l’institution fédérale concernée a, au cours des auditions en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l’absence d’une autre partie. [Non souligné dans l’original.]

[64]L’article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels fixe la procédure qui régit la tenue des audiences relatives à la demande de contrôle judiciaire lorsqu’une institution fédérale refuse la demande d’accès à des renseignements personnels de façon à protéger des intérêts gouvernementaux similaires à ceux dont il est question dans les demandes présentées en vertu de l’article 38.

[65]Les paragraphes 51(2) et 51(3) obligent le tribunal saisi de la demande de contrôle judiciaire à l’entendre à huis clos et à recevoir des observations « en l’absence d’une autre partie » (ex parte) à la demande de l’institution fédérale qui refuse la divulgation.

[66]Comme en l’espèce, la question dont était saisie la Cour suprême du Canada consistait à savoir si les dispositions contestées portaient indûment atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires.

[67]La Cour suprême a confirmé la validité du texte légal selon lequel les observations gouvernementales concernant des renseignements secrets devaient être entendues ex parte et à huis clos. Compte tenu de cette décision, les demandeurs en l’espèce, comme je l’ai mentionné plus tôt, n’ont pas contesté la constitution-nalité du paragraphe 38.11(2), qui est semblable.

[68]La juge Louise Arbour, auteur de l’arrêt unanime de la Cour suprême, a conclu que le paragraphe 51(2) ne constituait pas une « atteinte minimale » au sens de l’arrêt Oakes. Plus précisément, elle a conclu que l’obligation d’exclure le public des parties de l’audition de la demande de contrôle judiciaire s’il y a un risque de divulguer des renseignements relatifs à la sécurité nationale ou des renseignements confidentiels de source étrangère avait une portée excessive : « le par. 51(2) a une portée excessive en ce qu’il exclut le public de l’audience, même en l’absence de crainte justifiant une telle dérogation au principe général de la publicité des débats en justice » (Ruby, au paragraphe 59, passage non souligné dans l’original).

[69]Les observations de la juge Arbour quant à la portée excessive du paragraphe 51(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, sont tout autant de mise quant au paragraphe 38.11(1), qui interdit de manière semblable l’accès du public aux audiences tenues à huis clos relativement aux demandes présentées en vertu de l’article 38.

[70]Je suis d’avis que les dispositions contestées vont au‑delà du minimum requis pour sauvegarder les renseignements secrets et portent donc indûment atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires. Je conclus donc que ces dispositions ne constituent pas une « atteinte minimale » au sens de l’arrêt Oakes et ne peuvent pas être sauvegardées en vertu de l’article premier de la Charte.

[71]En m’appuyant sur les mêmes principes que ceux qui sont exposés dans l’arrêt Ruby, je conclus que le paragraphe 38.11(1) est d’une portée excessive lorsqu’il exclut le public des audiences même dans les cas où aucun renseignement secret n’est en péril et donc où il n’est pas justifié d’écarter le principe de la publicité des débats judiciaires.

[72]De même, les paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) sont d’une portée excessive car ils imposent à tous les documents judiciaires relatifs aux audiences tenues à huis clos des exigences de confidentialité dans les cas où aucun renseignement secret n’est en péril et donc où il n’est pas justifié d’écarter du principe général de la publicité des débats judiciaires. Toutes les parties ont convenu que la question de la constitutionnalité des trois dispositions contestées devait recevoir la même réponse, et mon opinion va dans le même sens.

B. Mesure de redressement indiquée sur le plan constitutionnel

[73]Lors de l’audience destinée à recueillir les observations des parties au sujet des mesures de redressement, le procureur général du Canada a fait valoir que si la Cour venait à conclure que les dispositions contestées portaient atteinte de manière indue au principe de la publicité des débats judiciaires, la mesure de redressement indiquée serait une déclaration d’inconstitutionnalité. Cette conclusion s’écartait de ce qu’il avait soutenu à l’origine, à savoir qu’une interprétation atténuante constituait la mesure indiquée.

[74]En faisant valoir que la mesure de redressement indiquée consistait à invalider les dispositions contestées, le procureur général du Canada a dit se fonder sur la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Ruby.

[75]Tout d’abord, il n’y a pas eu d’invalidation des dispositions contestées dans l’arrêt Ruby. La juge Arbour s’est fondée sur une interprétation atténuante afin de préserver la constitutionnalité de l’article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels au regard de l’alinéa 2b) de la Charte.

[76]Les avocats avaient pour pratique, lorsqu’ils étaient d’accord, de tenir en public les audiences relatives à la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsqu’il n’y avait pas de risque de divulguer des renseignements secrets. La Cour suprême a désapprouvé cette façon de faire. Pour la juge Arbour, il n’était pas loisible aux parties de faire abstraction d’un texte clair : l’intention non équivoque du législateur était d’exclure le public des audiences relatives à l’article 51.

[77]Si j’ai bien compris les observations de la juge Arbour, elle a eu recours à une interprétation atténuante afin de remédier à la portée excessive du paragraphe l’alinéa 51(2), qui imposait des audiences à huis clos, et donc d’en préserver la constitutionnalité. Elle a ainsi tenu compte de l’obligation constitutionnelle selon laquelle, lorsqu’aucun renseignement secret n’est divulgué, les audiences à huis clos doivent être ouvertes au public en recourant à une interprétation atténuante (aux paragraphes 58 et 60 de la décision) :

À moins que la disposition créant l’exigence impérative ne soit jugée inconstitutionnelle et que, à titre de réparation d’ordre constitutionnel, on ne lui donne une interprétation « atténuante », elle ne saurait être interprétée d’une manière permettant de faire abstraction de son caractère impératif.

[. . .]

La réparation convenable consiste donc à donner une interprétation atténuante du par. 51(2), de façon qu’il ne s’applique qu’aux audiences ex parte prescrites par le par. 51(3). Le tribunal saisi d’un recours en révision dispose, aux termes de l’art. 46, du pouvoir discrétionnaire de poursuivre tout ou partie du reste de l’audition en audience publique, à huis clos ou encore à huis clos et en l’absence d’une partie. [Non souligné dans l’original.]

[78]Deuxièmement, contrairement à ce qu’a soutenu le procureur général du Canada, les dispositions de l’article 38 sont aussi souples que l’article 46 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[79]En particulier, le paragraphe 38.12(1) [édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43] confère au juge qui préside l’instance un vaste pouvoir discrétionnaire de rendre n’importe quelle ordonnance destinée à protéger la confidentialité des renseignements auxquels l’audience se rapporte. Par ailleurs, le paragraphe 38.04(4) confère à l’administrateur en chef du Service administratif des tribunaux un pouvoir discrétionnaire analogue d’adopter les mesures qu’il estime indiquées pour assurer la confidentialité des demandes présentées en vertu de l’article 38.

[80]Les paragraphes 38.04(4) et 38.12(1) reflètent l’intention du législateur d’accorder au juge désigné le pouvoir discrétionnaire d’adopter toute mesure de confidentialité qui s’avère nécessaire pour la sauvegarde de renseignements secrets. Dans les cas —rares, voire improbables—où les circonstances entourant la deman-de présentée au titre de l’article 38 rendrait impérative l’interdiction au public d’avoir accès même aux audiences tenues à huis clos et aux documents connexes, le juge a le pouvoir discrétionnaire, semblable à celui qui est prévu dans l’article 46 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de prendre les mesures nécessaires au maintien de la confidentialité de tout renseignement.

[81]Le procureur général du Canada a fait valoir que les règles 26 [mod. par DORS/2002-417, art. 3], 29 et 151 des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)], qui visent l’examen des dossiers de la Cour, les auditions à huis clos et les ordonnances de confidentialité, confèrent à la Cour le pouvoir discrétionnaire de protéger les renseignements secrets. Je suis d’avis que l’article 38 confère à la Cour ce pouvoir discrétionnaire, et je n’admets pas qu’il faille se rabattre sur les Règles des Cours fédérales. Cependant, si je fais erreur, ces dispositions des Règles donnent elles aussi à la Cour la latitude nécessaire pour prendre n’importe quelle mesure permettant d’empêcher la divulgation indue de renseignements secrets.

[82]Pour dire les choses simplement, la méthode de l’interprétation atténuante qui a été adoptée dans l’arrêt Ruby est le moyen indiqué de remédier à la déficience des dispositions contestées de l’article 38 sur le plan constitutionnel.

[83]En ce qui concerne l’exclusion impérative du public des séances tenues à huis clos, je conclus que la structure des paragraphes 38.11(1) et 38.11(2) reflète celle des paragraphes 51(2) et 51(3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Sur le plan constitutionnel, la mesure indiquée consiste donc à interpréter de façon atténuante le paragraphe 38.11(1), de façon à ce qu’il ne vise que les observations ex parte qui sont mentionnées au paragraphe 38.11(2).

[84]Comme dans l’arrêt Ruby, la présente décision signifie que, en principe, les audiences à huis clos, au sens des présents motifs, sont ouvertes au public. Comme je l’ai déjà indiqué, dans les cas exceptionnels où il serait justifié d’exclure le public même quand toutes les parties sont présentes, les paragraphes 38.04(4) et 38.12(1) confèrent à la Cour le pouvoir discrétionnaire de prendre au besoin les mesures pour protéger la confidentialité de renseignements secrets, si les circonstances le justifient.

[85]Les « cas rares, voire improbables » que j’évoque au paragraphe 80 doivent être interprétés au regard du fondement de la présente décision, c’est‑à‑dire que l’existence de l’instance désignée a été rendue publique.

[86]Sur le plan constitutionnel, les exigences impératives en matière de confidentialité des paragraphes 38.04(4) et 38.12(2) doivent elles aussi faire l’objet d’une interprétation atténuante, et ne viser donc que les observations ex parte qui sont mentionnées dans le paragraphe 38.11(2). Par conséquent, tous les documents auxquels a accès le particulier sont en principe accessibles au public. Là encore, les paragra-phes 38.04(4) et 38.12(2) donnent au juge le pouvoir discrétionnaire, le cas échéant, de préserver la confiden-tialité de tout dossier auquel toutes les parties ont accès.

[87]Aux termes de l’interprétation atténuante que j’adopte, sont confidentielles toutes les observations ex parte, celles que présente de plein droit le procureur général du Canada et celles que présente le particulier avec l’autorisation de la Cour. Cette conclusion laisse dans l’ombre une question juridique qui reste en suspens et qui n’a pas été soulevée par les parties.

[88]En l’espèce, les débats ont porté principalement sur les questions de sécurité nationale, et non sur les intérêts que le particulier pourrait faire valoir lors d’observations ex parte. L’accent a été mis sur les audiences où toutes les parties sont présentes, ainsi que sur les audiences ex parte accordées de plein droit au procureur général du Canada. Rien n’a été dit au sujet de la validité constitutionnelle de la tenue d’audiences à huis clos donnant au particulier la possibilité de présenter des observations ex parte.

[89]Dans ses conclusions écrites, le Toronto Star a convenu qu’il ne demandait pas accès aux audiences ex parte en se fondant sur l’arrêt Ruby. Cependant, aux termes du paragraphe 38.11(2), le particulier peut également demander de présenter des observations « en l’absence d’autres parties ». Il s’agit là d’une disposition législative qui n’était pas en jeu dans l’affaire Ruby. Cette distinction n’a pas été mentionnée dans l’exposé conjoint des faits, pas plus qu’elle n’a fait l’objet d’une observation quelconque au cours de la présente instance.

[90]En l’absence d’éléments de preuve et d’observa-tions pertinents de la part des avocats des parties, je ne me prononcerai pas sur la question et je maintiendrai le statu quo au sujet de l’exclusion impérative du public dans les cas où le particulier est autorisé à présenter des observations ex parte. Aux fins de la présente décision, les dispositions contestées, au terme d’une interprétation atténuante, visent toutes les observations ex parte mentionnées au paragraphe 38.11(2).

Conclusion

[91]Pour les motifs qui précèdent, les réponses aux questions de nature constitutionnelle que soulève la présente requête sont les suivantes :

1. Les paragraphes 38.04(4), 38.11(1), et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada portent‑ils atteinte aux droits du Toronto Star garantis par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse : Oui, comme l’a admis la défenderesse.

2. Les atteintes que portent les paragraphes 38.04(4), 38.11(1) et 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada sont‑elles justifiées au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?

Réponse : Non. Les dispositions contestées ne constituent pas une « atteinte minimale » au sens de l’arrêt Oakes.

Sur le plan constitutionnel, selon une interprétation atténuante, dans le paragraphe 38.04(4), le passage « Toute demande présentée en application du présent article est confidentielle » (« An application under this section is confidential ») ne vise que les observations ex parte mentionnées au paragraphe 38.11(2).

Sur le plan constitutionnel, selon une interprétation atténuante, dans le paragraphe 38.11(1), le passage « Les  audiences  prévues  au  paragraphe   38.04(5) [. . .] sont tenues à huis clos » (« A hearing under subsection 38.04(5) [. . .] shall be heard in private ») ne vise que les observations ex parte mentionnées au paragraphe 38.11(2).

Sur le plan constitutionnel, selon une interprétation atténuante, dans le paragraphe 38.12(2), le passage « Le dossier ayant trait à l’audience . . . est confi-dentiel » (« The court records relating to the hearing. . . are confidential ») ne vise que les observations ex parte mentionnées au paragraphe 38.11(2).

[92]La défenderesse paiera à la demanderesse Toronto Star Newspapers Limited les dépens relatifs à la présente requête. Aucune ordonnance ne sera rendue quant aux dépens relatifs au demandeur Kassim Mohamed.

Annexe A : Extraits de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada [art. 38.01 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), 38.031 (édicté, idem, art. 43, 141(6)), 38.13 (édicté, idem, art. 43)]

                              Relations internationales et défense et sécurité nationales

[. . .]

38.01 (1) Tout participant qui, dans le cadre d’une instance, est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont il croit qu’il s’agit de renseignements sensibles ou de renseignements potentielle-ment préjudiciables est tenu d’aviser par écrit, dès que possible, le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation et de préciser dans l’avis la nature, la date et le lieu de l’instance.

(2) Tout participant qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudicia-bles sont sur le point d’être divulgués par lui ou par une autre personne au cours d’une instance est tenu de soulever la question devant la personne qui préside l’instance et d’aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l’objet de l’avis prévu au paragraphe (1). Le cas échéant, la personne qui préside l’instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(3) Le fonctionnaire—à l’exclusion d’un participant—qui croit que peuvent être divulgués dans le cadre d’une instance des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peut aviser par écrit le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation; le cas échéant, l’avis précise la nature, la date et le lieu de l’instance.

(4) Le fonctionnaire—à l’exclusion d’un participant—qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d’être divulgués au cours d’une instance peut soulever la question devant la personne qui préside l’instance; le cas échéant, il est tenu d’aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l’objet de l’avis prévu au paragraphe (3) et la personne qui préside l’instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

[. . .]

38.02 (1) Sous réserve du paragraphe 38.01(6), nul ne peut divulguer, dans le cadre d’une instance :

a) les renseignements qui font l’objet d’un avis donné au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4);

b) le fait qu’un avis est donné au procureur général du Canada au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4), ou à ce dernier et au ministre de la Défense nationale au titre du paragraphe 38.01(5);

c) le fait qu’une demande a été présentée à la Cour fédérale au titre de l’article 38.04, qu’il a été interjeté appel d’une ordonnance rendue au titre de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à une telle demande ou qu’une telle ordonnance a été renvoyée pour examen;

d) le fait qu’un accord a été conclu au titre de l’article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6).

[. . .]

38.03 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment, autoriser la divulgation de tout ou partie des renseignements ou des faits dont la divulgation est interdite par le paragraphe 38.02(1) et assortir son autorisation des conditions qu’il estime indiquées.

[. . .]

(3) Dans les dix jours suivant la réception du premier avis donné au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4) relativement à des renseignements donnés, le procureur général du Canada notifie par écrit sa décision relative à la divulgation de ces renseignements à toutes les personnes qui ont donné un tel avis.

38.031 (1) Le procureur général du Canada et la personne ayant donné l’avis prévu aux paragraphes 38.01(1) ou (2) qui n’a pas l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance, mais veut divulguer ou faire divulguer les renseignements qui ont fait l’objet de l’avis ou les faits visés aux alinéas 38.02(1)b) à d), peuvent, avant que cette personne présente une demande à la Cour fédérale au titre de l’alinéa 38.04(2)c), conclure un accord prévoyant la divulgation d’une partie des renseignements ou des faits ou leur divulgation assortie de conditions.

[. . .]

38.04 (1) [. . .]

(2) Si, en ce qui concerne des renseignements à l’égard desquels il a reçu un avis au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4), le procureur général du Canada n’a pas notifié sa décision à l’auteur de l’avis en conformité avec le paragraphe 38.03(3) ou, sauf par un accord conclu au titre de l’article 38.031, il a autorisé la divulgation d’une partie des renseignements ou a assorti de conditions son autorisation de divulgation :

[. . .]

c) la personne qui n’a pas l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance, mais qui veut en divulguer ou en faire divulguer, peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements. 

[. . .]

(4) Toute demande présentée en application du présent article est confidentielle. Sous réserve de l’article 38.12, l’administrateur en chef du Service administratif des tribunaux peut prendre les mesures qu’il estime indiquées en vue d’assurer la confidentialité de la demande et des renseigne-ments sur lesquels elle porte.

(5) Dès que la Cour fédérale est saisie d’une demande présentée au titre du présent article, le juge :

(a) entend les observations du procureur général du Canada—et du ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale—sur l’identité des parties ou des témoins dont les intérêts sont touchés par l’interdiction de divulgation ou les conditions dont l’autorisation de divulgation est assortie et sur les personnes qui devraient être avisées de la tenue d’une audience;

(b) décide s’il est nécessaire de tenir une audience;

(c) s’il estime qu’une audience est nécessaire :

(i) spécifie les personnes qui devraient en être avisées,

(ii) ordonne au procureur général du Canada de les aviser,

(iii) détermine le contenu et les modalités de l’avis;

(d) s’il l’estime indiqué en l’espèce, peut donner à quiconque la possibilité de présenter des observations.

[. . .]

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements, sauf s’il conclut qu’elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non‑divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu’il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d’un résumé de ceux‑ci ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(3) Dans le cas où le juge n’autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (1) ou (2), il rend une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation.

[. . .]

38.09 (1) Il peut être interjeté appel d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) devant la Cour d’appel fédérale.

(2) Le délai dans lequel l’appel peut être interjeté est de dix jours suivant la date de l’ordonnance frappée d’appel, mais la Cour d’appel fédérale peut le proroger si elle l’estime indiqué en l’espèce.

38.1 Malgré toute autre loi fédérale :

a) le délai de demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada est de dix jours suivant le jugement frappé d’appel, mais ce tribunal peut proroger le délai s’il l’estime indiqué en l’espèce;

b) dans les cas où l’autorisation est accordée, l’appel est interjeté conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur la Cour suprême, mais le délai qui s’applique est celui qu’a fixé la Cour suprême du Canada.

38.11 (1) Les audiences prévues au paragraphe 38.04(5) et l’audition de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) sont tenues à huis clos et, à la demande soit du procureur général du Canada, soit du ministre de la Défense nationale dans le cas des instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, elles ont lieu dans la région de la capitale nationale définie à l’annexe de la Loi sur la capitale nationale.

(2) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) donne au procureur général du Canada—et au ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale—la possibilité de présenter ses observations en l’absence d’autres parties. Il peut en faire de même pour les personnes qu’il entend en application de l’alinéa 38.04(5)d).

38.12 (1) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) peut rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée en l’espèce en vue de protéger la confidentialité des renseignements sur lesquels porte l’audience, l’appel ou l’examen.

(2) Le dossier ayant trait à l’audience, à l’appel ou à l’examen est confidentiel. Le juge ou le tribunal saisi peut ordonner qu’il soit placé sous scellé et gardé dans un lieu interdit au public.

38.13 (1) Le procureur général du Canada peut délivrer personnellement un certificat interdisant la divulgation de renseignements dans le cadre d’une instance dans le but de protéger soit des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère—au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information—ou qui concernent une telle entité, soit la défense ou la sécurité nationales. [. . .]

[. . .]

38.131 (1) Toute partie à l’instance visée à l’article 38.13 peut demander à la Cour d’appel fédérale de rendre une ordonnance modifiant ou annulant un certificat délivré au titre de cet article pour les motifs mentionnés aux paragraphes (8) ou (9), selon le cas.

Annexe B : Liste des demandes fondées sur l’article 38 qui ont été déposées devant la Cour fédérale

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41 le 24 décembre 2001, 15 demandes fondées sur l’article 38 ont été divulguées au public :

Ribic c. Canada, 2002 CFPI 290.

Ce dossier, entrepris le 10 décembre 2001, a été tranché en vertu de l’article 38, modifié par la Loi antiterroriste.

Canada (Procureur général) c. Ribic, 2002 CFPI 839.

Canada (Procureur général) c. Ribic, 2002 CFPI 1044.

Ribic c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 10; conf. par [2005] 1 R.C.F. 33 (C.A.F.).

Canada (Procureur général) c. Ribic, 2003 CFPI 43; conf. par [2005] 1 R.C.F. 33 (C.A.F.).

Canada (Procureur général) c. Kempo, dossier DES‑1‑03; avis de désistement déposé le 27 octobre 2005.

Canada (Procureur général) c. Ouzghar, dossier DES‑4‑03; avis de désistement déposé le 20 juillet 2005.

Canada (Procureur général) c. Kempo, 2004 CF 1678.

Ottawa Citizen Group Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1052.

Société Radio‑Canada c. Canada (Procureur général), dossier DES‑2‑04; avis de désistement déposé le 31 mars 2004.

Canada (Procureur général) c. Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, dossier DES‑4‑04; avis de désistement déposé le 4 avril 2004.

Ribic c. Canada, dossier DES‑1‑05; ajourné sine die le 3 juin 2005.

Canada (Procureur général) c. Mohamed, dossier DES‑1‑06.

Canada (Procureur général) c. Khawaja, dossier DES‑2‑06.

Canada (Procureur général) c. Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, dossier DES‑4‑06.

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