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[1993] 1 C.F. 264

T-160-90

Michelle Douglas (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

Répertorié : Douglas c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay—Toronto, 27 octobre; Ottawa, 1er décembre 1992.

Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à l’égalité — Un officier des Forces armées reconnaît être lesbienne — Elle accepte sa libération, plutôt que de rester en voyant sa carrière assujettie à de sérieuses restrictions — Action en dommages-intérêts, jugement déclaratoire — La Couronne, à la suite d’un arrangement à l’amiable, a consenti au jugement concluant au déni des droits de la demanderesse garantis par l’art. 15 de la Charte — Bien que la jurisprudence sur l’applicabilité de l’art. 15 aux homosexuels ne soit pas fixée, les déclarations auxquelles la Couronne a consenti sont défendables dans l’évolution actuelle de la jurisprudence.

Forces armées — Un officier reconnaît être lesbienne — Elle accepte sa libération, l’autre solution en vertu de la politique temporaire alors applicable étant de rester en voyant sa carrière assujettie à de sérieuses restrictions — Action en dommages-intérêts, jugement déclaratoire — Les parties consentent à un arrangement prévoyant un jugement qui conclut qu’il y a eu déni des droits de la demanderesse garantis à l’art. 15 de la Charte, et qui déclare contraire à la Charte la politique temporaire de la défenderesse à l’égard des homosexuels.

Pratique — Jugements et ordonnances — Jugement sur consentement — Action en dommages-intérêts, jugement déclaratoire portant que la politique temporaire des Forces armées à l’égard des homosexuels a violé les droits de la demanderesse conférés par l’art. 15 de la Charte — Arrangement à l’amiable — Projet de jugement soumis à la Cour — Jugement signé tel que soumis sans mention du consentement des parties — Le jugement ne lie que les parties — Lorsque l’affaire est réglée, le tribunal ne regarde ordinairement pas au-delà des termes du jugement auquel ont consenti les parties s’il reste dans les limites de la réparation recherchée, et qu’il aurait pu être accordé dans le cadre d’un procès — Le consentement n’est pas mis en cause, même lorsque la Couronne est une partie — La question de savoir si la façon de procéder en l’espèce convient au règlement des affaires fondées sur la Charte est sujette à débat.

Il s’agit d’une action en dommages-intérêts et en jugement déclaratoire à la suite de la libération de la demanderesse des Forces armées. Cette dernière, qui était officier, a accepté sa libération des Forces armées canadiennes après avoir reconnu être lesbienne. Son autre choix était de rester dans les Forces armées et de voir sa carrière assujettie à de sérieuses restrictions : inadmissibilité à l’avancement, à la conversion de ses états de service, aux mutations dans une autre région ou dans la réserve, à d’autres cours de formation. Bien que peu avant le procès, les parties aient convenu d’un arrangement comprenant notamment les termes d’un jugement déclaratoire qui prévoyait que les droits de la demanderesse garantis par l’article 15 de la Charte avaient été violés et que la politique de la défenderesse à l’égard du service des homosexuels dans les Forces canadiennes était contraire à la Charte, des motifs de jugement ont été rédigés parce que cette affaire peut revêtir une plus grande importance que le règlement typique entre parties.

Jugement : le projet de jugement dont ont convenu les parties doit être signé.

Le jugement ne lie que les parties, et seulement en ce qui concerne les questions soulevées en l’espèce et réglées par les modalités du jugement dont ont convenu les parties. Normalement, si la réparation accordée reste dans les limites de celle que recherchaient les actes de procédure et si elle avait pu être accordée à l’issue d’un procès, le tribunal ne va pas au-delà des modalités convenues du jugement. Il n’est pas tenu de mettre en question le consentement au jugement des parties, même lorsque la Couronne est l’une des parties, représentée par ses conseillers juridiques. La façon de procéder dans cette affaire et le jugement actuellement rendu apportent une solution à des questions délicates sur lesquelles l’opinion publique semble profondément partagée, essentiellement sur le fondement de la décision de la branche exécutive du gouvernement à l’égard des prétentions d’une citoyenne. Il n’existe aucune décision du Parlement à apprécier, ni aucune décision de cette Cour après mise en délibéré, conclusions de faits et débat sur la Charte. La question de savoir si le processus suivi en l’espèce convient au règlement d’affaires relatives à la Charte reste une question susceptible de débat. Des décisions appuient la proposition voulant que l’on ne devrait pas refuser sans motifs sérieux un jugement déclaratoire lorsque les parties s’entendent pour qu’il soit accordé, à moins que le tribunal ne conclue que cela n’est pas justifié par les faits ou constitue un déni de justice. L’étude de la jurisprudence ayant trait à l’application de l’article 15 aux droits des homosexuels a révélé que la question n’est pas encore réglée, mais les déclarations accordées en l’espèce sont défendables compte tenu de l’état actuel de la jurisprudence qui évolue.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b),d), 3, 7, 15(1).

Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, ch. 33, art. 3.

Loi électorale du Canada, S.R.C. 1970 (1er Supp.), ch. 14.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 39.

Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9.

Loi sur l’expropriation, L.R.C. (1985), ch. E-21.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 340, 341.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Muldoon c. Canada, [1988] 3 C.F. 628; (1988), 21 F.T.R. 154 (1re inst.); Galway c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600; [1974] C.T.C. 454; (1974), 74 D.T.C. 6355; 2 N.R. 317 (C.A.); Galway c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 593; [1974] C.T.C. 313; (1974), 74 D.T.C. 6247; 2 N.R. 317 (C.A.).

DISTINCTION FAITE AVEC :

Haig v. Canada (1992), 9 O.R. (3d) 495 (C.A.); Haig v. Canada (1991), 5 O.R. (3d) 245; (1991), 86 D.L.R. (4th) 617 (Div. Gén.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Société pour la protection des parcs et de sites naturels du Canada c. Directeur du parc national Wood Buffalo, T-272-92, juge MacKay, jugement en date du 23-6-92, 9 p., C.F. 1re inst., encore inédit; Veysey c. Canada (Commissaire du Service correctionnel), [1990] 1 C.F. 321; (1989), 39 Admin. L.R. 161; 44 C.R.R. 364; 29 F.T.R. 74 (1re inst.); Veysey c. Canada (Service Correctionnel) (1990), 109 N.R. 300 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Mossop, [1991] 1 C.F. 18; (1990), 71 D.L.R. (4th) 661; 32 C.C.E.L. 276; 12 C.H.R.R. D/355; 90 CLLC 17,021 (C.A.); autorisation de pourvoi accordée sub nom. Commission canadienne des droits de la personne c. Secrétariat d’État, [1991] 1 R.C.S. vi; Egan c. Canada, [1992] 1 C.F. 687; (1991), 87 D.L.R. (4th) 320; C.E.B. & P.G.R. 8110; 47 F.T.R. 305 (1re inst.); Neilsen c. Canada (Commission des droits de la personne), [1992] 2 C.F. 561; (1992), 9 C.R.R. (2d) 289 (1re inst.).

DÉCISIONS CITÉES :

Elliott c. La Reine et quatre autres actions (1979), 17 L.C.R. 97 (C.F. 1re inst.); La Reince c. Stevenson Con- struction Co Ltd et autres, [1979] CTC 86; (1979), 79 DTC 5044; 24 N.R. 390 (C.A.F.); Brougham Sand & Gravel Ltd. c. La Reine, [1977] 1 C.F. 655; (1976), 11 L.C.R. 316 (1re inst.); Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679; (1992), 93 D.L.R. (4th) 1; 10 C.R.R. (2d) 1.

ACTION en dommages-intérêts et en jugement déclaratoire à la suite de la libération de la demanderesse des Forces armées après qu’elle eût admis être lesbienne. Le jugement déclaratoire est accordé conformément au projet de jugement qui reflète l’arrangement à l’amiable survenu.

AVOCATS :

Clayton Ruby et Harriet Sachs pour la demanderesse.

Kenneth C. Cancellara pour la défenderesse.

PROCUREURS :

Ruby & Edwardh, Toronto, pour la demanderesse.

Cassels, Brock & Blackwell, Toronto, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge MacKay : Dans cette action, introduite par une déclaration déposée en janvier 1990, la demanderesse réclame des dommages-intérêts et un jugement déclaratoire suite à son départ des Forces armées canadiennes dans lesquelles elle avait servi en qualité d’officier.

Peu avant le moment où devait débuter l’instruction de l’action, les parties, par l’entremise de leurs avocats, ont convenu d’un règlement de l’affaire, y compris les modalités d’un jugement déclaratoire portant en partie sur la réparation recherchée par la demanderesse. Le projet de jugement dont avaient convenu les parties m’a été soumis à l’audience prévue pour l’instruction de l’affaire, et après un bref examen, j’ai signé ce jugement tel que les parties l’ont soumis et l’ont demandé.

Je n’ai pas rendu de motifs oraux à l’époque. Cependant, les circonstances étant quelque peu inusitées, parce que le jugement pourrait par la suite revêtir une plus grande importance que ne le justifie ordinairement un règlement entre parties, et parce que cet acte de procédure soulève une question de politique qui à son tour soulève des questions fondées sur la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], ces motifs sont maintenant enregistrés et déposés.

La demanderesse s’est jointe aux Forces armées le 26 novembre 1986 directement en qualité d’officier. Au mois de mars suivant, elle a terminé sa formation de base à la tête de sa classe, on lui a donné une fonction de commandement supérieur lors d’un défilé et elle a été promue au rang de sous-lieutenant. De mars à août 1987, elle a suivi avec succès une formation en langue française, et en septembre elle a été affectée à la Police militaire après avoir obtenu son habilitation aux informations classées très secret, obligatoire pour occuper un tel poste. De novembre 1987 à mai 1988, elle a suivi le cours de formation de base des officiers de sécurité, dont elle est sortie la première de sa classe. Elle aurait dû alors être promue au rang de lieutenant mais elle ne l’a pas été à ce moment-là à la suite d’un simple oubli, selon la défenderesse. En juin 1988, elle a été affectée au détachement central de l’Unité des enquêtes spéciales en qualité d’officier des opérations. À la fin de juin et en juillet de cette année, elle a été interrogée plus d’une fois par des officiers supérieurs à l’égard de son orientation sexuelle et en juillet, elle a admis être lesbienne après l’avoir initialement nié. Elle a ensuite dû quitter la police militaire pour assumer, à Toronto, les fonctions d’officier du protocole/officier d’information/coordonnateur—langues officielles.

En février 1989, un conseil spécial de révision des carrières a été convoqué pour étudier les conséquences qu’avait sur sa carrière son aveu d’avoir eu des relations homosexuelles. La recommandation de ce conseil de rendre la demanderesse à la vie civile, conformément à la politique temporaire alors en vigueur dans les Forces armées, a été acceptée par celles-ci le 9 avril 1989. Puis, le 16 mai, la demanderesse a été avisée de la décision de recommander sa libération des Forces armées en raison de ses activités homosexuelles avouées, conformément à la politique temporaire alors en vigueur dans les Forces armées.

La politique temporaire applicable à l’époque prévoyait que l’on pouvait prendre des mesures administratives en vue de rendre à la vie civile un membre des Forces armées qui reconnaissait être homosexuel et qui ne s’opposait pas à recevoir son congé. En cas d’opposition, la personne en cause restait dans les Forces armées, mais sa carrière était assujettie à des restrictions qui, dans le cas de la demanderesse, signifiaient que des avantages lui étaient inaccessibles, par exemple les promotions, la conversion de ses états de service, les mutations dans une autre région ou dans la réserve et tous autres cours de formation ou d’aptitude professionnelle sauf ceux nécessaires à l’exécution de fonctions assujetties à des restrictions.

La politique applicable aux Forces armées canadiennes est exposée dans la déclaration, et reconnue par la défense déposée pour le compte de Sa Majesté la Reine, dans les termes suivants.

[traduction] 15. Le paragraphe 7 des Ordonnances administratives des Forces canadiennes (OAFC) 19-20 prévoit ce qui suit :

« Les règlements militaires ne permettent pas de garder des militaires homosexuels ou des militaires souffrant d’une déviation sexuelle dans les FC. »

et le paragraphe 8 prévoit en outre que dans ce cas le membre doit être libéré conformément au motif 5d) du tableau de l’article 15.01 des Ordonnances et règlements royaux (ORFC), pris conformément à la Loi sur la défense nationale.

16. Le motif 5d) du Tableau de l’article 15.01 des ORFC est une catégorie qui relève des « Motifs de libération » sous la rubrique « Ne peut être employé avantageusement ». Les « Instructions spéciales » énoncées au motif 5d) du Tableau de l’article 15.01 des ORFC disent notamment ce qui suit :

« S’applique à la libération d’un officier ou d’un membre sans brevet d’officier : à cause d’un manque inhérent d’habilité ou d’aptitude afin de répondre aux normes militaires de l’emploi ou du métier; ou qui est incapable de s’adapter à la vie militaire; ou qui, soit entièrement soit principalement à cause des conditions de la vie militaire ou d’autres facteurs hors de son pouvoir, manifeste des faiblesses personnelles ou a des problèmes de famille ou personnels, qui compromettent gravement son utilité ou imposent un fardeau excessif à l’administration des Forces canadiennes. »

17. Le 11 février 1987 les OAFC 19-20 ont été modifiées de façon à prévoir que le membre des Forces armées qui refuse sa libération en vertu du motif 5d) du Tableau de l’article 15.01 des ORFC peut demeurer dans les Forces armées canadiennes, sous réserve de restrictions attachées à sa carrière, tandis que la politique est à l’étude. En tant qu’officier dont la carrière était assujettie à des restrictions, la demanderesse n’aurait pu être promue, ni convertir ses états de service, ni être mutée en dehors de la région ou passer aux forces de la réserve. Elle aurait été en outre inadmissible à suivre d’autres cours de formation ou d’aptitude professionnelle sauf ceux lui permettant de remplir ses fonctions frappées de restrictions.

Tandis que l’on considérait la libération éventuelle de la demanderesse en raison de ses activités homosexuelles, une enquête distincte était tenue à l’égard de son habilitation de sécurité. On avait pris cette mesure parce que l’on croyait que la demanderesse avait obtenu et examiné un rapport classifié et divulgué des renseignements sur son contenu, contrairement aux règles de sécurité. Le 4 avril 1989, un conseil de révision de l’habilitation de sécurité de la demanderesse recommandait de lui refuser son habilitation, à quelque niveau que ce soit, en raison de son inobservation avérée des règles de sécurité et de sa loyauté évidente envers le milieu homosexuel. Cette recommandation a été approuvée le 17 avril, et le 20 avril la demanderesse a été avisée que son habilitation de sécurité lui avait été retirée. Le 25 mai, un conseil de révision des carrières a été convoqué pour étudier les conséquences de cette décision sur la carrière de la demanderesse, et il a recommandé qu’elle soit libérée des Forces canadiennes puisqu’elle ne pouvait plus travailler vu la perte de son habilitation de sécurité; cette recommandation a été approuvée le 16 juin 1989. Il n’a pas été donné suite directement à cette recommandation, la demanderesse étant alors sur le point d’être libérée conformément à la politique provisoire des Forces canadiennes.

Le 8 juin 1989, la demanderesse a accepté par écrit sa libération des Forces armées, mais elle a sougligné

[traduction] … l’incapacité des FC à établir une politique équitable en matière d’homosexualité, et la décision d’invoquer une politique provisoire archaïque, discriminatoire et manifestement injuste révèlent la véritable ignorance des FC sur cette question. Comme il n’existe aucune autre possibilité, j’accepte à contrecoeur ma libération en vertu du motif 5d.

La demanderesse a été libérée des Forces armées le 20 août 1989. Environ un mois avant d’être libérée, elle a été promue au rang de lieutenant avec une augmentation de salaire rétroactive au mois de mai 1988, date où elle aurait dû être promue.

Je tire des actes de procédure le résumé de ces faits. Dans la déclaration déposée dans l’action, la demanderesse réclamait des dommages-intérêts généraux, punitifs ou exemplaires et un jugement déclaratoire. Trois déclarations étaient recherchées, portant respectivement tout d’abord que les droits de la demanderesse prévus par la Charte, et plus précisément les alinéas 2b) et 2d), le paragraphe 15(1) et l’article 7, n’avaient pas été respectés par la défenderesse; ensuite, que les politiques et pratiques de cette dernière en matière d’homosexualité et d’homosexuels dans les Forces armées canadiennes étaient contraires à la Charte; et enfin, que la défenderesse devait adopter et appliquer des politiques et des pratiques qui n’étaient pas discriminatoires à l’égard des homosexuels dans les Forces armées canadiennes.

Dans la défense déposée le 21 mars 1990 pour le compte de la défenderesse Sa Majesté la Reine, le sous-procureur général du Canada reconnaît que les Forces canadiennes doivent respecter les exigences de la Charte canadienne des droits et libertés. Il nie que la politique provisoire et les actes des Forces armées portent atteinte aux droits et libertés de la demanderesse que lui confèrent les articles de la Charte qu’elle a mentionnés, et il avance subsidiairement que si le contraire était vrai, [traduction] « ils constituent alors une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique en vertu de l’article premier de la Charte ».

En avril 1992, sur demande commune des avocats, l’action a été inscrite au rôle pour audition le 26 octobre 1992, et on s’attendait à ce que le procès dure une quinzaine de jours. En septembre 1992, l’avocat de la demanderesse a déposé un avis de question constitutionnelle indiquant l’intention de sa cliente de contester la validité constitutionnelle d’une ordonnance administrative des Forces canadiennes et aussi de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada [L.R.C. (1985), ch. C-5], en vertu duquel on a dit que la défenderesse avait invoqué le privilège du Cabinet pour ne pas communiquer des documents pertinents à cette action. Cet avis était adressé au procureur général de l’Ontario, au procureur général du Canada et à l’avocat de la défenderesse, Sa Majesté la Reine.

Une semaine avant la date prévue pour le début du procès, les avocats des parties ont avisé la Cour qu’ils s’attendaient à ce que l’affaire se règle par un arrangement à l’amiable, qui ne ferait pas partie du dossier sauf pour un jugement qui pourrait contenir une déclaration. On a pris des mesures pour que les avocats me rencontrent le 27 octobre. La veille de ce jour, dans l’après-midi, on m’a soumis un projet de jugement accompagné d’une lettre de couverture laissant entendre que les parties avaient consenti au projet en question.

La Cour s’est réunie, le 27 octobre, en séance publique, les avocats des parties et le public étant présents. Les avocats m’ont avisé de façon formelle que les questions litigieuses entre les parties avaient été réglées selon des modalités dont il avait été convenu qu’elles ne feraient pas partie du dossier public de la Cour, sauf pour un jugement dont le libellé, sur lequel s’étaient entendu les parties, avait été soumis à la Cour. Le projet de jugement, tel qu’il a été présenté, ne faisait pas mention du consentement des parties ni du fait qu’elles s’étaient entendues pour régler l’affaire entre elles. J’ai demandé aux avocats s’il ne serait pas approprié de mentionner dans le jugement le consentement des parties, mention que j’inclurais normalement lorsque les parties demandent un jugement dont elles ont convenu du libellé. Après s’être consultés, les avocats m’ont avisé qu’il était approprié que le jugement soit signé en la forme dans laquelle il avait été soumis, qui reflétait les modalités d’une partie de l’entente intervenue entre leurs clients. Après avoir étudié brièvement la question, j’ai signé le jugement comme il m’était présenté, sans faire mention du consentement des parties.

Le jugement, tel qu’il a été signé, prévoit ce qui suit :

La Cour susdite statue que la dite demanderesse obtiendra de la Cour :

a) Une déclaration portant que la défenderesse a enfreint les droits conférés à la demanderesse par la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte ») et plus particulièrement par le paragraphe 15(1); et

b) Une déclaration portant que la politique de la défenderesse et toutes politiques provisoires qui puissent s’être développées à l’égard du service des homosexuels dans les Forces armées canadiennes sont contraires à la Charte.

Par son dispositif, le jugement accorde à la demanderese deux déclarations. La première dit que la défenderesse a enfreint les droits que la Charte reconnaît à la demanderesse, en particulier au paragraphe 15(1). La seconde déclaration va au-delà des droits que revendique la demanderesse, et déclare contraires à la Charte les politiques de la défenderesse visant le service des homosexuels dans les Forces armées canadiennes. Je note que ces deux déclarations restent dans les limites d’ordonnances déclaratoires d’une portée un peu plus grande sollicitées comme réparation par la demanderesse dans sa déclaration.

Il y a lieu de souligner que ce jugement ne lie que les parties, et qui plus est, seulement en ce qui concerne les questions telles qu’elles ont été soulevées dans cette action et réglées par les modalités du jugement dont ont convenu les parties. En droit, les déclarations insérées n’ont aucune incidence sur toutes autres revendications que pourraient avoir d’autres parties. Tel est, évidemment, l’effet de tout autre jugement, rendu ou non à la demande des deux parties ou déclaré être prononcé sur consentement, bien que cela puisse ne pas toujours être compris par l’observateur intéressé.

La façon dont les prétentions soulevées en l’espèce se sont réglées permet de poursuivre le débat sur une question de politique. Dans le cours ordinaire du règlement des questions en litige entre des particuliers, le tribunal appelé à jouer un rôle dans ce règlement en prononçant un jugement sur consentement des parties ne va pas au-delà des modalités convenues du jugement, pourvu que la réparation accordée reste dans les limites de celle que recherchaient les actes de procédure et qu’elle aurait pu être accordée s’il y avait eu procès. Si tel est le cas, le tribunal n’est pas tenu de mettre en question le consentement des parties au jugement, même lorsque la Couronne est l’une des parties et représentée par ses conseillers juridiques (Galway c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 600 (C.A.), qui étudie de nouveau [1974] 1 C.F. 593 (C.A.)). La Règle 340 des Règles de cette Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] prévoit que dans toute action dont le défendeur a un avocat ou procureur inscrit au dossier, aucun jugement ne doit être rendu sur consentement à moins que le consentement du défendeur ne soit donné par l’avocat ou le procureur inscrit au dossier. Cette Règle a été observée en l’espèce, étant donné que les avocats des deux parties ont demandé que le jugement soit accordé selon les modalités dont ils avaient convenu entre eux. La seule autre limite imposée aux jugements possibles sur consentement, qui ressort de la jurisprudence de cette Cour, vise les jugements sur consentement rendus contre la Couronne à l’égard du versement de deniers, y compris les jugements portant sur le montant de l’indemnité payable en vertu de la Loi sur l’expropriation [L.R.C. (1985), ch. E-21]; selon la jurisprudence en question, il semblerait qu’à tout le moins la Cour doit être convaincue que les faits et le droit justifient la conclusion concrétisée par le jugement (Voir par exemple Elliott c. La Reine et quatre autres actions (1979), 17 L.C.R. 97 (C.F. 1re inst.); La Reine c. Stevenson Construction Co Ltd et autres, [1979] CTC 86 (C.A.F.); Brougham Sand & Gravel Ltd. c. La Reine, [1977] 1 C.F. 655 (1re inst.)).

Dans une action visant à obtenir un jugement déclaratoire et d’autres réparations de la part de fonctionnaires fédéraux, dans laquelle les avocats avaient soumis conjointement le projet d’un jugement sur consentement déclarant qu’un contrat renouvelable établi de longue date et conclu par un ministre de la Couronne, ainsi que le décret qui approuvait cette entente, étaient invalides parce qu’ils excédaient les pouvoirs légaux du ministre et du gouverneur en conseil, j’ai ordonné que les observations écrites détaillées de l’avocat de la Couronne qui appuyaient la conclusion exposée dans le jugement soient signées et déposées en qualité d’aveux. Dans cette affaire, la demande de jugement se fondait sur la Règle 341, qui prévoit une telle demande à l’égard de toute question après une admission faite dans les plaidoiries ou d’autres documents déposés à la Cour. Étant donné les termes utilisés dans cette Règle, et parce que le contrat en cause avait été conclu par le ministre et un tiers, qui avait été avisé mais n’était pas représenté à l’audience, il me semblait important que le dossier de la Cour soit complet en y versant les aveux faits pour le compte des intimés qui appuyaient les conclusions du jugement accordé sur consentement (Société pour la protection des parcs et de sites naturels du Canada c. Directeur du parc national Wood Buffalo, T-272-92, juge MacKay, jugement en date du 23-6-92, C.F. 1re inst., encore inédit).

Cette affaire mettait en cause une question de droit public. Il en est de même en l’espèce, mais ici la question porte sur la Charte canadienne des droits et libertés. La façon de procéder dans cette affaire et le jugement actuellement rendu apportent une solution aux questions délicates sur lesquelles l’opinion publique semble profondément partagée, essentiellement sur le fondement de la décision de la branche exécutive du gouvernement à l’égard des prétentions d’une citoyenne. Il n’existe aucune décision du Parlement à apprécier. Il n’y a aucune décision de cette Cour après mise en délibéré, conclusions de faits et débat sur la Charte. La question de savoir si le processus suivi en l’espèce convient au règlement des questions relatives à la Charte, bien que la solution apportée et le jugement rendu ne soient exécutoires en principe qu’au profit de la demanderesse, reste une question discutable qui peut nécessiter d’être d’avantage explicitée.

Dans l’affaire Muldoon c. Canada, [1988] 3 C.F. 628 (1re inst.), les requérants sollicitaient un jugement déclaratoire portant que l’interdiction de voter faite aux juges dans la Loi électorale du Canada [S.R.C. 1970 (1er Supp.), ch. 14] était inopérante en raison de l’article 3 de la Charte. Le sous-procureur général du Canada, pour le compte de Sa Majesté, a reconnu tous les faits allégués, il a concédé que l’interdiction n’était pas défendable en vertu de l’article premier de la Charte et que les demandeurs avaient droit au jugement déclaratoire recherché. Le juge Walsh le leur a accordé après avoir soulevé et discuté des points qui, à son avis, étaient pertinents. Il a conclu (à la page 636) :

… l’octroi d’un jugement déclaratoire est discrétionnaire. On ne devrait cependant pas refuser de l’accorder sans motifs sérieux lorsque les parties s’entendent pour qu’il soit ainsi accordé, à moins que le tribunal ne conclue que cela n’est pas justifié par les faits ou constitue un déni de justice. Je ne peux arriver à une telle conclusion à la lumière des faits qui m’ont été présentés en l’espèce. La décision aurait fort bien pu favoriser l’une ou l’autre partie s’il y avait eu une véritable contestation.

Naturellement, la question relative à la Charte débattue dans cette affaire diffère de celles qui sont soulevées en l’espèce. Dans l’affaire Muldoon, il s’agissait de savoir si l’interdiction légale expresse de voter faite aux juges nommés par le gouverneur en conseil était valide, étant donné l’article 3 de la Charte qui prévoit que « Tout citoyen canadien a le droit de vote … aux élections législatives fédérales ou provinciales. » En l’espèce, les politiques et les mesures auxquelles elles ont donné lieu, causes de la demande de réparation de la demanderesse, ne sont pas directement visées par les mots précis de la Charte, plus particulièrement le paragraphe 15(1) qui prévoit ce qui suit :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

De récentes décisions de cette Cour et d’autres tribunaux sur le traitement de ceux qui admettent leurs tendances homosexuelles diffèrent de celles rendues à l’égard d’autres traitements en vertu des lois fédérales, étant donné le paragraphe 15(1) de la Charte. Dans l’arrêt Veysey c. Canada (Commissaire du Service correctionnel), [1990] 1 C.F. 321 (1re inst.), le juge Dubé a conclu que le refus d’accorder à l’amant d’un prisonnier le droit de lui rendre visite en vertu du Programme des visites familiales privées établi par une directive du commissaire à l’intention du Service pénitentiaire, constituait une atteinte aux droits à l’égalité en raison d’un traitement discriminatoire fondé sur un motif analogue aux motifs prohibés au paragraphe 15(1) de la Charte. Ce refus portait atteinte aux droits conférés au requérant au paragraphe 15(1) d’une façon qui ne se justifiait pas en vertu de l’article premier de la Charte. En appel, la réparation accordée, soit des brefs de certiorari et de mandamus, a été confirmée et l’appel rejeté, pour d’autres motifs. Dans ses motifs, la Cour d’appel a souligné que l’avocat de l’appelant avait révélé officiellement que le procureur général du Canada estimait que l’orientation sexuelle était un motif visé par l’article 15 de la Charte, un aveu qui n’avait pas été fait en première instance. (Veysey c. Canada (Service correctionnel) (1990), 43 Admin. L.R. 316 (C.A.F.), à la page 322.)

Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop, [1991] 1 C.F. 18 (C.A.) (autorisation d’interjeter appel accordée le 25 janvier 1991 [sub nom. Commission canadienne des droits de la personne c. Secrétariat d’État, [1991] 1 R.C.S. vi], la Cour d’appel a annulé la décision d’un tribunal constitué en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne [S.C. 1976-77, ch. 33], qui avait conclu que le refus d’accorder un congé de deuil à une personne qui entretenait depuis longtemps une relation homosexuelle de la même façon qu’il était accordé à une personne qui entretenait une relation conjugale hétérosexuelle constituait un motif de distinction illicite prévu à l’égard de la « situation de famille » dans la Loi. La Cour a refusé de considérer que l’interprétation de l’expression « situation de famille » qui ne s’étendait pas aux relations homosexuelles constituait une distinction illicite prohibée par la Loi, laquelle n’interdisait pas expressément la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Tenant pour acquis (sans statuer sur la question) que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle était prohibée en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte, la Cour a conclu que cela ne permettait pas de voir dans la Loi canadienne sur les droits de la personne une telle interdiction, que la Loi ne prévoyait pas.

Dans l’arrêt Egan c. Canada, [1992] 1 C.F. 687 (1re inst.), le juge Martin a rejeté une demande visant à obtenir un jugement déclarant inconstitutionnelle la Loi sur la sécurité de la vieillesse [L.R.C. (1985), ch. O-9]. Il a statué qu’il n’y avait pas discrimination fondée sur le sexe ou sur l’orientation sexuelle au sens du paragraphe 15(1) parce que l’allocation de conjoint ne pouvait être versée qu’à une personne vivant avec un pensionné du sexe opposé, les deux se présentant publiquement comme mari et femme, situation dont le juge a conclu qu’elle excluait les personnes qui entretiennent depuis longtemps une relation homosexuelle de même que d’autres personnes vivant ensemble. Le juge Martin a statué que la Loi ne portait pas atteinte aux droits conférés aux demandeurs au paragraphe 15(1) car elle ne faisait pas de discrimination au sens de ce paragraphe.

Dans l’arrêt Neilsen c. Canada (Commission des droits de la personne), [1992] 2 C.F. 561 (1re inst.), le juge Muldoon a refusé de décerner des brefs de certiorari et de mandamus relativement à la décision de la Commission des droits de la personne de suspendre l’étude ou l’audition d’une plainte fondée sur la discrimination dans l’emploi en raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de la situation de famille et de l’état matrimonial. La Commission avait suspendu la plainte en attendant que la Cour suprême du Canada décide dans l’affaire Mossop (précitée) si la compétence de la Commission devrait s’interpréter de façon à interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. La Loi canadienne sur les droits de la personne n’interdisait pas ni n’interdit expressément aujourd’hui la discrimination dans l’emploi fondée sur l’orientation sexuelle. La réparation recherchée exigeait que la Loi soit interprétée comme contenant une telle interdiction, solution à laquelle s’est refusé le juge Muldoon.

La décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue le 6 août 1992 dans l’affaire Haig v. Canada (1992), 9 O.R. (3d) 495 (C.A.) a une importance particulière pour le jugement en l’espèce. Cette affaire visait l’application de la même politique provisoire des Forces armées canadiennes que celle qui est contestée dans l’action de Mme Douglas. Dans cette affaire, le juge des requêtes avait accueilli une demande et accordé un jugement déclaratoire portant que « l’absence de l’orientation sexuelle de la liste des motifs de distinction illicite au paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne est discriminatoire car elle est contraire à la garantie du même bénéfice de la loi prévue à l’article 15 de la Charte » (Haig v. Canada (1991), 5 O.R. (3d) 245 (Div. Gén.), à la page 248, motifs du juge McDonald). En appel, l’avocat de la Couronne a concédé que l’orientation sexuelle était un motif analogue à ceux qui sont formellement exposés au paragraphe 15(1) de la Charte. La Cour d’appel a conclu que l’omission de l’orientation sexuelle comme motif de discrimination illicite au paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et l’absence consécutive de moyens de recours jointe à l’inférence possible de cette omission que le traitement discriminatoire fondé sur l’orientation sexuelle est acceptable, créaient une discrimination incompatible avec le paragraphe 15(1) de la Charte. La Couronne a refusé de s’appuyer sur l’article premier de la Charte pour soutenir la validité de la Loi canadienne sur les droits de la personne telle qu’édictée. Étant donné l’arrêt Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, la Cour d’appel a conclu que la réparation appropriée résidait dans l’interprétation, solution qu’elle a imposée en déclarant que la Loi devait être interprétée et appliquée comme si elle comprenait l’orientation sexuelle au nombre des motifs de distinction illicite. De fait, la Cour d’appel de l’Ontario est parvenue à une conclusion à laquelle la Cour d’appel fédérale s’est refusée dans l’arrêt Mossop, précité, tout comme l’a fait le juge Muldoon dans l’arrêt Neilsen, précité. Bien que j’aie souligné que la politique des Forces armées canadiennes contestée dans l’affaire Haig est à la source de l’action de Mme Douglas, les questions litigieuses dans l’affaire Haig avaient trait à la Loi canadienne sur les droits de la personne, que l’on n’a pas invoquée dans les actes de procédure en l’espèce.

À mon sens, la jurisprudence qui évolue au sujet du paragraphe 15(1) de la Charte dans la mesure où il s’applique aux droits revendiqués par les homosexuels et les lesbiennes, n’est nullement fixée. Dans les circonstances de l’espèce, si le procès avait eu lieu, la Cour aurait pu conclure en se fondant sur la preuve et les plaidoiries, que la réparation comprise dans le jugement, prononcé à la demande commune des parties, était justifiée. Ainsi, en raison des faits reconnus dans les actes de procédure, de la preuve produite au procès, et des plaidoiries, la Cour aurait fort bien pu être persuadée d’accorder, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la première des déclarations comprises dans le jugement rendu, ayant trait aux droits de la demanderesse compte tenu du paragraphe 15(1) de la Charte. Bien que des arguments plus persuasifs auraient pu être nécessaires pour inciter la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à accorder la seconde déclaration sollicitée, celle-ci ayant trait aux politiques générales de la défenderesse applicables aux Forces armées canadiennes et non simplement aux droits de la demanderesse dans la mesure où ils sont touchés par ces politiques, puisque l’application générale de ces politiques compte tenu de la Charte était clairement contestée, s’il y avait eu procès, la Cour aurait pu accorder la seconde des déclarations dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

Dans ces circonstances, d’après les faits essentiels reconnus en l’espèce, si la demanderesse avait gain de cause une fois jugées les questions litigieuses, les déclarations accordées dans le jugement en l’espèce sont, à mon sens, défendables dans l’évolution actuelle de la jurisprudence.

La question du rôle approprié de la branche exécutive du gouvernement, représentée par le procureur général du Canada, dans le règlement des questions litigieuses relatives à la Charte, particulièrement en ce qui concerne le consentement à jugement, reste à être étudiée dans une affaire où la jurisprudence en évolution est encore moins décisive à l’égard des droits contestés, et le jugement recherché est plus discutable, à mon avis, que ce n’est le cas dans cette action.

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