Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1993] 1 C.F. 222

T-1173-92

Mary Peplinski (requérante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Peplinski c. Canada (1re inst.)

Section de première instance, juge Noël—Ottawa, 14 et 28 octobre 1992.

Santé et bien-être social — Pensions — Demande de bref de mandamus enjoignant au tribunal de révision d'entendre un appel conformément à l'art. 82(1) du Régime de pensions du Canada — Pension refusée — Le ministre étudie par la suite les nouveaux faits allégués déposés à l'appui de la demande fondée sur l'art. 84(2) visant la modification de la décision, mais la décision reste inchangée — L'appel fondé sur l'art. 82(1) interjeté contre le refus de modifier une décision est rejeté au motif qu'il n'existe pas de droit d'appel parce qu'aucune autre décision n'a été rendue — Lorsque le ministre décide que des faits nouveaux justifient l'examen de la décision originale, la nouvelle décision procède des faits différents de ceux qui ont étayé la décision originale et il y a ouverture à appel.

Il s'agit d'une demande de bref de mandamus ordonnant au Bureau du commissaire des tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada d'entendre l'appel de la requérante conformément au paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada. La requérante s'est vu refuser en 1987 une pension d'invalidité prévue par le Régime de pensions du Canada. Le paragraphe 84(2) du Régime permet en tout temps au ministre d'annuler ou de modifier sa décision sur la base de faits nouveaux. En juillet 1991, la requérante avait demandé, en vertu du paragraphe 84(2), l'annulation ou la modification de la décision sur la base de prétendus faits nouveaux. Après examen des renseignements fournis, le ministre a répondu que la décision demeurait inchangée. En vertu du paragraphe 82(1), la décision rendue en application du paragraphe 84(2) peut être contestée dans les quatre-vingt-dix jours de la date où la décision du ministre est communiquée. La requérante a interjeté appel mais on lui a dit qu'elle n'avait pas de droit d'appel parce que l'examen de sa demande en vertu du paragraphe 84(2) n'avait donné lieu à aucune nouvelle décision. La question était de savoir si le refus du ministre de modifier ou d'annuler sa décision originale pouvait faire l'objet d'un appel en vertu du paragraphe 82(1). L'intimée a soutenu qu'il n'y a aucune décision susceptible d'appel à moins que le ministre modifie ou annule sa décision.

Jugement : la demande devrait être accueillie.

Le droit d'appel en vertu du paragraphe 82(1) ne peut être exercé que si le ministre décide de reconsidérer sa décision initiale à la lumière de faits nouveaux. Si le ministre, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît le paragraphe 84(2), conclut qu'il n'y a pas de faits nouveaux qui justifient la reconsidération de sa décision initiale, aucune nouvelle décision n'a été rendue et le droit d'appel prévu au paragraphe 82(1) n'existe pas. Si le ministre, comme c'est le cas en l'espèce, décide que des faits nouveaux justifient la reconsidération de sa décision initiale, il en résulte une nouvelle décision car elle sera fondée sur des faits différents de ceux sur lesquels se fondait la décision initiale, et il y aura droit d'appel, que la décision initiale soit confirmée ou non.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, ch. 48, art. 57 (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 80, art. 20; 1976-77, ch. 54, art. 48).

Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, art. 60(7), 81 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45), 82(1) (mod., idem), 84(2) (mod., idem).

JURISPRUDENCE

DISTINCTION FAITE AVEC :

Fortin c. Commission de l'emploi et de l'immigration (Can.) (1988), 21 F.T.R. 280 (C.F. 1re inst.).

DÉCISION EXAMINÉE :

Calder c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1980] 1 C.F. 842; (1979), 107 D.L.R. (3d) 738; 80 CLLC 14,009; 31 N.R. 56 (C.A.).

DEMANDE d'un bref de mandamus enjoignant au Bureau du commissaire des tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada d'entendre un appel conformément au paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada. Demande accueillie.

AVOCATS :

Catherine E. Tully pour la requérante.

Robert P. Hynes pour l'intimée.

PROCUREURS :

Renfrew County Legal Clinic, Renfrew (Ontario), pour la requérante.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Noël : La requérante demande un bref de mandamus ordonnant au Bureau du commissaire des tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada (ci-après désigné le « tribunal de révision ») d'entendre son appel conformément au Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (ci-après désigné la « Loi »).

Voici les faits de l'espèce. Le 14 septembre 1987, la requérante se voit refuser, en application du paragraphe 60(7) de la Loi, une demande de pension d'invalidité prévue par le Régime de pensions du Canada. En février 1991, soit quatre ans plus tard, elle tente de faire appel de cette décision, mais elle essuie un refus au motif qu'elle n'a pas fait appel dans le délai de douze mois prévu au paragraphe 81(1) de la Loi.

Le 17 juillet 1991, la requérante tente de faire modifier ou annuler la décision du 14 septembre 1987 à la lumière de faits nouveaux, comme le prévoit le paragraphe 84(2) de la Loi. Par lettre datée du 29 octobre 1991, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (ci-après désigné le « ministre ») l'informe que [traduction] « après examen de ces renseignements, le service compétent a décidé de maintenir la décision antérieure ». Elle fait alors une demande fondée sur l'article 81 [mod. par L.R.C. (1985) (2esuppl.), ch. 30, art. 45] de la Loi pour faire réexaminer son cas par le ministre. Par lettre datée du 15 janvier 1992, M. Gascon, agent des appels des Programmes des appels et des contrôles, l'informe de ce qui suit :

[traduction] Je dois d’abord expliquer qu’aux termes du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, une décision faite en application de cette loi ne peut être modifiée que sur la base de faits nouveaux, c’est-à-dire de nouveaux renseignements qui n’étaient pas disponibles au moment où la décision a été rendue.

Un réexamen fait en application du paragraphe 84(2) n’est cependant pas susceptible d’autres appels, car n’importe quelle décision rendue en application du Régime peut être modifiée sur la présentation de nouveaux faits. Compte tenu des circonstances, vous comprendrez que la demande de réexamen en application du paragraphe 84(2) que vous avez faite dans votre avis d’appel fondé sur l’article 81 de la Loi est irrecevable.

Les conseillers médicaux de la Division de l’administration de l’invalidité ont examiné tous les renseignements concernant le dossier de Mme Peplinski et ont conclu qu’aucun fait nouveau n’a été présenté qui justifiait la réouverture du cas de Mme Peplinski. La preuve disponible aujourd’hui comme au moment de sa demande d’avril 1987 n’indique toujours pas que Mme Peplinski était invalide au sens de la Loi au moment de la décision initiale de septembre 1987. Par conséquent, comme la décision de 1987 ne peut être rouverte sur la base de la preuve disponible et que le délai prescrit pour appeler de la décision de 1987 du ministre a expiré, j’ai le regret de vous informer que l’admissibilité de Mme Peplinski aux prestations d’invalidité prévues par le Régime de pensions du Canada ne sera pas réexaminée.

Devant la situation, la requérante, se fondant sur le paragraphe 82(1) [mod., idem] de la Loi, fait appel le 29 janvier 1992 au tribunal de révision de la décision du ministre de refuser de modifier ou d’annuler la décision initiale. Par lettre datée du 25 mars 1992, le même agent des appels l’informe qu’elle n’a pas le droit d’en appeler au tribunal de révision pour la raison suivante :

[traduction] Veuillez prendre note que la décision à annuler ou à modifier est celle de septembre 1987, puisque la demande présentée en 1987 n’a fait l’objet d’aucune autre décision. Nos conseillers médicaux ont examiné les documents que vous avez présentés; cependant, ils ont jugé qu’aucun fait nouveau n’a été présenté qui justifiait la réouverture du cas de Mme Peplinski; en conséquence, la décision de septembre 1987 ne peut pas être changée.

Si la décision de 1987 avait été modifiée après un réexamen visé au paragraphe 84(2) et si vous n’aviez pas été satisfaite de la nouvelle décision qui vous aurait été communiquée, vous auriez pu, en vertu du paragraphe 82(1), appeler de cette nouvelle décision rendue en application du paragraphe 84(2). Ce n’est cependant pas le cas en l’espèce. Comme aucune nouvelle décision n’a pu être faite, il n’y a rien à en appeler.

Le 9 avril 1992, la requérante écrit directement au Bureau du commissaire des tribunaux de révision pour demander qu’un tribunal de révision entende son appel. Sa demande est refusée par lettre datée du 22 avril 1992. La requérante saisit cette Cour d’une requête visant à obtenir un bref de mandamus ordonnant au tribunal de révision d’entendre son appel.

L’avocat de l’intimée, qui, si je ne me trompe, représente aussi le tribunal de révision, soutient que la nouvelle disposition en matière d’appel, soit le paragraphe 82(1), qui est en vigueur depuis le 31 décembre 1991, s’applique à l’espèce. Je pense que c’est exact puisque l’appel a été interjeté le 29 janvier 1992, soit après l’entrée en vigueur de la modification.

Avant le 31 décembre 1991, la Loi ne prévoyait pas le droit d’appel d’une décision rendue par le ministre en application du paragraphe 84(2) [mod., idem]. Voici le texte actuel du paragraphe 82(1) :

82. (1) Un requérant ou bénéficiaire, son conjoint, son ancien conjoint, ses ayants droit ou, sous réserve des règlements, quiconque de leur part, peuvent, dans les cas où ils ne sont pas satisfaits d’une décision du ministre rendue en application de l’article 81 ou du paragraphe 84(2), interjeter auprès d’un tribunal de révision un appel de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où ils sont, de la manière prescrite, avisés de cette décision, soit dans tel délai plus long qu’autorise le ministre.

Voici le texte du paragraphe 84(2) :

84.

(2) Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la présente loi.

L’unique question que la Cour doit trancher en l’espèce est celle de savoir si le refus du ministre de modifier ou d’annuler la décision initiale sur la base de prétendus faits nouveaux, comme le prévoit le paragraphe 84(2), est une décision susceptible d’appel en application du paragraphe 82(1).

L’avocat de l’intimée soutient qu’à moins qu’il ne modifie ou annule effectivement la décision initiale, le ministre ne rend aucune décision susceptible d’appel et la décision initiale continue d’être en vigueur. L’avocate de la requérante soutient que le refus du ministre de modifier ou d’annuler sa décision initiale à la lumière des faits nouveaux est une décision visée au paragraphe 84(2) et que, par conséquent, cette dernière décision est susceptible d’appel en vertu du paragraphe 82(1).

La Loi prévoit un droit d’appel de la décision initiale du ministre selon laquelle aucune prestation n’est payable. Cette décision devient définitive à moins que le droit d’appel n’ait été exercé dans les douze mois qui suivent le mois où elle est communiquée au requérant. Après l’expiration de ce délai, le paragraphe 84(2) autorise le ministre à annuler ou à modifier, de son propre gré et à n’importe quel moment, sa décision initiale en se fondant sur des faits nouveaux, et le paragraphe 82(1) donne maintenant au requérant le droit d’en appeler d’une telle décision dans les quatre-vingt-dix jours de la date où la décision du ministre lui est communiquée.

À mon avis, le droit accordé par le paragraphe 84(2) d’en appeler de la décision rendue par le ministre à la lumière des faits nouveaux ne remplace pas celui d’en appeler de sa décision initiale. Le paragraphe 84(2) vise à autoriser le ministre à reconsidérer sa décision initiale à la lumière des faits nouveaux, tandis que le paragraphe 82(1) actuel donne le droit d’en appeler d’une décision rendue par le ministre à la lumière des faits nouveaux. Il s’ensuit que ce droit d’appel ne peut être exercé que si le ministre décide de reconsidérer sa décision initiale à la lumière des faits nouveaux. Si le ministre, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît le paragraphe 84(2), conclut qu’il n’y a pas de faits nouveaux qui justifient la reconsidération de sa décision initiale, on peut dire qu’il n’a pas rendu de nouvelle décision et que le droit d’appel prévu au paragraphe 82(1) n’existe pas. Cependant, si le ministre décide que des faits nouveaux justifient la reconsidération de sa décision initiale, il en résulte une décision visée au paragraphe 84(2) car elle sera fondée sur des faits qui sont différents de ceux sur lesquels se fondait la décision initiale, et un droit d’appel existe en vertu du paragraphe 82(1). Ce résultat est indépendant du fait que la décision initiale est modifiée, amendée ou confirmée. Une décision fondée sur des faits nouveaux est une nouvelle décision, que la décision initiale soit confirmée ou non.

L’avocat de l’intimée m’a signalé l’arrêt Fortin c. Commission de l’emploi et de l’immigration (Can.) (1988), 21 F.T.R. 280 (C.F. 1re inst.), dans lequel le juge Denault, ayant à interpréter des dispositions semblables de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage [S.C. 1970-71-72, ch. 48, art. 57 (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 80, art. 20; 1976-77, ch. 54, art. 48)], a statué que la reconsidération d’une décision initiale n’était pas susceptible d’appel à moins qu’elle ne l’ait effectivement modifiée. Voici les dispositions en question :

57. (1) Nonobstant l’article 102 mais sous réserve du paragraphe (6), la Commission peut, à tout moment, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations et, si elle décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait les conditions requises ou au bénéfice desquelles elles n’était pas admissible ou n’a pas reçu la somme d’argent pour laquelle elle remplissait les conditions requises et au bénéfice de laquelle elle était admissible, la Commission doit calculer la somme payée ou payable, selon le cas, et modifier sa décision au prestataire.

(2) Toute décision rendue par la Commission en vertu du paragraphe (1) peut être portée en appel en application de l’article 94.

En concluant ainsi, le juge Denault s’est fondé sur un arrêt antérieur rendu par le juge Marceau (maintenant juge d’appel) sur la même question. Voici ce qu’il a dit à la page 284 :

Bref, comme le disait le juge Marceau lors de son refus d’accorder la première demande d’émission d’un bref de mandamus, « le droit d’appel dont il est question au paragraphe 2 dudit article ne vise qu’une véritable décision de révision, soit celle modifiant une décision originaire … »

Je pense que les dispositions examinées dans l’affaire citée diffèrent quelque peu de celles en l’espèce. Comme la Cour d’appel l’a auparavant déclaré dans Calder c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 1 C.F. 842, à la page 853 :

En effet, le pouvoir conféré par l’article 57 n’est pas limité au réexamen de décisions en tant que telles car il habilite à examiner de nouveau « toute demande » au sujet de laquelle des prestations ont été versées ou auraient dû l’être.

D’autre part, et plus important encore, le pouvoir de la Commission de reconsidérer des demandes antérieures n’est pas assujetti à l’existence de faits nouveaux. La Commission a le pouvoir illimité en vertu de l’article 57 d’examiner à nouveau des demandes antérieures. Les changements dans la politique, un écart dans l’interprétation des dispositions concernant les prestations, une erreur administrative ou un réexamen des faits sur lesquels était fondée la demande initiale sont tous des motifs valables de révision. En fait, rien n’empêche réellement la Commission d’examiner à nouveau une demande antérieure alors que rien n’a changé, dans l’espoir que le pouvoir discrétionnaire qui a joué dans la décision initiale sera peut-être exercé différemment. Dans ces circonstances, on ne peut dire avec certitude que, pour reprendre les propres termes du juge Marceau, « une véritable décision de révision » a été rendue à moins que la décision initiale n’ait été effectivement modifiée.

Cependant, en l’espèce, le pouvoir de révision exige tout d’abord que le ministre décide s’il se trouve en présence de faits nouveaux, c’est-à-dire de faits qui, vus d’une manière indépendante, sont susceptibles de changer la décision initiale. S’il décide par l’affirmative et procède à un nouvel examen de la décision initiale, le processus de révision est le même qu’il aboutisse à une décision d’annuler, de modifier ou de confirmer la décision initiale. Cela dit, la décision qui en résulte est tout aussi véritable qu’une décision de révision, qu’elle modifie ou non la décision initiale.

De retour à l’affaire dont je suis saisi, je reproduis ci-dessous le texte intégral de la lettre du ministre en date du 29 octobre 1991 :

[traduction] Je vous remercie d’avoir présenté les renseignements justifiant l’admissibilité de Mme Mary Peplinski aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Après examen de ces renseignements, le service compétent a décidé de maintenir la décision antérieure.

Cette lettre, quoique ambiguë, laisse cependant entendre que la décision initiale a été reconsidérée à la lumière des faits nouveaux qui étaient présentés, mais qu’après ce réexamen, il a été décidé de la maintenir. La lettre du 15 janvier 1992 de M. Gascon, agent des appels, est plus explicite. Elle dit :

[traduction] Les conseillers médicaux de la Division de l’administration de l’invalidité ont examiné tous les renseignements concernant le dossier de Mme Peplinski et ont conclu qu’aucun fait nouveau n’a été présenté qui justifiait la réouverture du cas de Mme Peplinski. La preuve disponible aujourd’hui comme au moment de sa demande d’avril 1987 n’indique toujours pas que Mme Peplinski était invalide …

Le passage ci-dessus montre que le ministre a effectivement décidé de reconsidérer sa décision initiale à la lumière des renseignements nouveaux qui ont été présentés et que sa conclusion était néanmoins de la confirmer. Quand il y écrit que [traduction] « aucun fait nouveau n’a été présenté qui justifiait la réouverture du cas de Mme Peplinski », l’agent des appels voulait dire manifestement que les faits nouveaux qui étaient présentés ne justifiaient pas, en dernière analyse, une modification de la décision initiale. De toute évidence, il ressort du passage précité que le ministre a examiné [traduction] « tous les renseignements concernant le dossier de Mme Peplinski » et a reconsidéré sa décision initiale en se fondant sur [traduction] « la preuve disponible aujourd’hui comme au moment de sa demande d’avril 1987 ». L’avocat de l’intimée l’a pour ainsi dire reconnu dans le paragraphe 3 de sa plaidoirie où il disait, à propos de la note de service expliquant les motifs de la décision rendue par le ministre en application du paragraphe 84(2) :

[traduction] Les motifs du rejet de sa demande sont ainsi exposés par M. J. Lawford (dans sa note de service datée du 22 juin 1992) : « Dans le cas de Mme Peplinski, nos conseillers médicaux ont conclu que les faits nouveaux qui étaient présentés ne justifiaient pas l’annulation ou la modification de la décision de 1987; par conséquent, comme le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 84(2) ne pouvait pas s’appliquer dans ce cas, l’affaire a été classée. » Ce passage montre clairement qu’on a jugé que le rapport médical fournissait des « faits nouveaux » et c’est sur cette base que le ministre, c’est-à-dire le ministère, a exercé la compétence conférée par le paragraphe 84(2).

Je suis donc convaincu que le ministre a, dans un premier temps, décidé qu’il disposait de faits nouveaux qui justifiaient un réexamen de sa décision initiale et qu’il a alors procédé à ce réexamen à la lumière des faits nouveaux présentés par la requérante. Après ce réexamen, sa décision en application du paragraphe 84(2) de maintenir sa décision initiale est une nouvelle décision qui est susceptible d’appel en application du paragraphe 82(1).

Je dois signaler en terminant que la distinction qui est maintenant faite était inutile avant le 31 décembre 1991 parce que la Loi ne prévoyait pas de droit d’appel des décisions rendues à la lumière des faits nouveaux en application du paragraphe 84(2). Le paragraphe accordait au ministre le pouvoir discrétionnaire de reconsidérer ou non sa décision initiale et, s’il choisissait de la reconsidérer, aucun appel de la décision subséquente d’annuler, de modifier ou de confirmer la décision initiale n’était recevable. Il n’était donc pas nécessaire de faire la distinction entre les cas où le ministre a choisi d’exercer son pouvoir discrétionnaire de reconsidérer sa décision initiale à la lumière des faits nouveaux et ceux où il a conclu que les faits nouveaux ne justifiaient pas une telle reconsidération. Maintenant que la Loi a accordé un droit d’appel, cette distinction devient essentielle car un droit d’appel existe chaque fois que le ministre choisit d’exercer son pouvoir discrétionnaire de reconsidérer sa décision initiale à la lumière des faits nouveaux.

Par ces motifs, un bref de mandamus sera délivré pour ordonner au Bureau du commissaire des tribunaux de révision du Régime de pensions du Canada de faire entendre par un tribunal de révision l’appel de la requérante conformément au paragraphe 82(1), et les dépens sont adjugés contre l’intimée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.