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[1993] 1 C.F. 32

A-345-91

Sa Majesté la Reine (appelante) (défenderesse)

c.

Clifford Robert Olson (intimé) (demandeur)

Répertorié : Olson c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges MacGuigan, Létourneau et Robertson, J.C.A.—Ottawa, 27 et 28 octobre 1992.

Pratique — Requêtes tranchées par écrit — Appel interjeté contre une ordonnance du juge de première instance, qui a rejeté la demande visant à radier la déclaration sans comparution personnelle en vertu de la Règle 324 et ordonné la tenue d’une audience — Le juge de première instance s’est mépris sur le raisonnement applicable dans une affaire entre les mêmes parties — Ce raisonnement n’a rien à voir avec la question en l’espèce — La requête fondée sur la Règle 324 relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour ou du protonotaire s’ils estiment opportun de supprimer l’audience — Les deux parties doivent être entendues soit par comparution personnelle, soit par écrit — Explication de l’objectif de la Règle 324 — Le juge de première instance n’a pas implicitement estimé opportun d’exiger une audience orale — Appel accueilli.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 324.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Enviro-Clear Co. c. Baker International (Canada) Ltd., [1987] 3 C.F. 268 (1987), 13 F.T.R. 244 (1re inst.); Hawker Industries Ltd. c. Santa Maria Shipowning and Trading Co., S.A., [1978] 1 C.F. 617 (1977), 17 N.R. 349 (C.A.).

DISTINCTIONS FAITE AVEC :

Olson c. La Reine, T-2603-89, ordonnance du juge Strayer prononcée le 12-10-90, C.F. 1re inst., encore inédite.

APPEL interjeté contre une ordonnance (rendue à l’audience le 15-2-91, T-2487-90) qui a rejeté la demande visant à radier une déclaration sans comparution personnelle en vertu de la Règle 324 et ordonné que la demande fasse l’objet d’une audience. Appel accueilli.

AVOCATS :

John B. Edmond pour l’appelante (défenderesse).

Fergus J. O’Connor pour l’intimé (demandeur).

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante (défenderesse).

Fergus J. O’Connor, Kingston, pour l’intimé (demandeur).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge MacGuigan, J.C.A. : Le présent appel est interjeté contre une ordonnance interlocutoire du juge de première instance qui a rejeté la demande de l’appelante visant à radier la déclaration de l’intimé sans comparution personnelle en vertu de la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] et ordonné que la demande fasse l’objet d’une audience.

Le juge de première instance a ainsi motivé sa décision (Dossier d’appel modifié, à la page 111) :

[traduction] Il est PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ que, pour des motifs identiques à ceux prononcés le 12 octobre 1990 par le juge Strayer dans l’arrêt Clifford Robert Olson c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada, no du greffe T-2603-89, la présente demande fasse l’objet d’une audience à laquelle le demandeur sera représenté par son avocat.

Le 12 octobre 1990, dans l’arrêt Olson c. La Reine, T-2603-89, [encore inédit] le juge Strayer a ainsi conclu [à la page 1] :

La résolution d’une requête en fonction de la preuve écrite conformément à la Règle 324 ne s’applique que si le requérant y consent.

Il s’agit là d’une interprétation manifestement juste de la Règle 324(1), ainsi libellée :

Règle 324.(1) La décision relative à une requête pour le compte d’une partie peut, si la partie le demande par lettre adressée au greffe, et si la Cour ou un protonotaire, selon le cas, l’estime opportun, être prise sans comparution en personne de cette partie ni d’un procureur ou solicitor pour son compte et sur la base des observations qui sont soumises par écrit pour son compte ou d’un consentement signé par chaque autre partie.

J’estime toutefois qu’en l’espèce, le juge de première instance s’est complètement mépris sur la conclusion du juge Strayer. C’est celui qui présente une demande fondée sur la Règle 324 qui doit y consentir, et non le requérant qui demande un contrôle judiciaire (ou un demandeur), bien que dans ce cas, il s’agissait de la même partie (d’où l’ambiguïté apparente). Le raisonnement irréprochable du juge Strayer n’est par conséquent aucunement pertinent relativement à la question en l’espèce.

En outre, je ne peux accepter l’argument de l’intimé selon lequel, dans une requête fondée sur la Règle 324, l’intimé a un droit de veto. La Règle 324(1) confère expressément à la Cour ou au protonotaire saisi d’une telle requête le pouvoir discrétionnaire, s’il « l’estime opportun », de supprimer l’audience orale. À mon avis, il en est ainsi même lorsque la requête peut résulter en un jugement final. Certes, strictement, comme le soutient l’intimé, la Règle 324(1) applique le pouvoir discrétionnaire de la Cour à la comparution en personne « de cette partie », c’est-à-dire le requérant. Mais on ne peut dissocier la question de l’« audience par écrit » à l’égard du requérant de la même question à l’égard de l’intimé. L’audience est tenue soit par comparution personnelle, soit par écrit, pour les deux parties. Sauf si le requérant y consent expressément, comme l’a considéré théoriquement le protonotaire adjoint Giles dans l’arrêt Enviro-Clear Co. c. Baker International (Canada) Ltd., [1987] 3 C.F. 268(1reinst.), il serait injuste pour celui qui présente une demande fondée sur la Règle 324 d’ordonner que seul l’intimé soit entendu. Quel que soit le désir des parties, le pouvoir discrétionnaire revient à la Cour dans la mesure où, comme l’a souligné le juge Strayer, une telle demande a un auteur.

La remarque incidente du juge en chef Jackett dans l’arrêt Hawker Industries Ltd. c. Santa Maria Shipowning and Trading Co., S.A., [1978] 1 C.F. 617(C.A.), à la page 621, selon laquelle « une ordonnance, fondée sur les observations écrites, ne peut être rendue contre la “partie opposante” si cette partie opte plutôt (Règle 324(3)) pour une “audience” », doit être interprétée en fonction du pouvoir discrétionnaire du tribunal prévu à la Règle 324(1). Autrement, la Règle 324 ne répondrait pas à l’objectif que lui a attribué le juge en chef Jackett dans la même remarque incidente (à la page 620) :

[L]a disposition de la Règle 324 visant les requêtes écrites est très utile : elle permet à la Cour d’expédier les requêtes interlocutoires tout en épargnant la dépense de deniers publics. À mon avis, il s’agit d’une procédure qui se révèle également, en plusieurs cas, plus économique pour les parties.

Le juge de première instance ayant choisi de ne pas motiver plus amplement sa décision, nous ne pouvons conclure qu’il ressort implicitement de ses motifs qu’il a estimé opportun, dans les circonstances, d’exiger une audience.

L’appel doit être accueilli avec dépens, l’ordonnance de la Section de première instance rendue le 15 février 1991 doit être annulée et l’affaire renvoyée à la Section de première instance en tenant compte du fait que la Cour doit étudier la question de savoir s’il est opportun de statuer sur la demande fondée sur la Règle 324.

Le juge Létourneau, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge Robertson, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

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