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[2009] 1 R.C.F.                                                            manuge c. canada                                                                                416

T-463-07

2008 CF 624

Dennis Manuge (demandeur)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

Répertorié : Manuge c. Canada (C.F.)

Cour fédérale, juge Barnes—Halifax, 12, 13 et 14 février; Ottawa, 20 mai 2008.

                Pratique — Recours collectif — Requête présentée pour que l’action du demandeur soit autorisée comme recours collectif en application de la règle 334.16 des Règles des Cours fédérales — Le demandeur sollicitait un jugement déclaratoire et des dommages-intérêts relativement à la récupération de sa pension d’invalidité attribuée en vertu de la Loi sur les pensions sur ses prestations d’invalidité de longue durée au titre du Régime d’assurance-revenu militaire (RARM), conformément à l’art. 24 de la police no 901102 du RARM — Le demandeur alléguait notamment que cette récupération serait contraire aux obligations publiques et fiduciaires de la Couronne — Arrêt Canada c. Grenier différencié — La raison d’exiger un contrôle judiciaire préalablement à une action était absente en l’espèce — Le recours collectif projeté soulevait des questions de droit communes à tous les membres prévus du groupe, le groupe projeté était identifiable et le demandeur était un représentant demandeur légitime — La question de l’accès à la justice favorisait l’idée d’un recours collectif puisqu’il n’était pas économique pour un seul justiciable de déposer un recours — L’instance semblait se prêter idéalement à une autorisation comme recours collectif — Requête accordée.

                Il s’agissait d’une requête présentée pour qu’une action soit autorisée comme recours collectif en application de la règle 334.16 des Règles des Cours fédérales. En 2002, le demandeur s’est vu attribuer une pension d’invalidité en vertu de la Loi sur les pensions (la prestation d’Anciens Combattants Canada (ACC)). Par la suite, il a obtenu sa libération des Forces canadiennes pour raisons médicales et a été déclaré admissible à des prestations d’invalidité de longue durée au titre du Régime d’assurance-revenu militaire (le RARM). Conformément à l’article 24 de la police no 901102 du RARM, un montant égal aux prestations que le demandeur recevait d’ACC a été déduit de ces prestations. Dans le cadre de son action, le demandeur a sollicité un jugement déclaratoire et des dommages-intérêts, affirmant que l’article 24 de la police du RARM est illégal, invalide, discriminatoire et contraire aux obligations publiques et fiduciaires de la Couronne. La question à trancher en l’espèce était celle de savoir si cette action devait être autorisée comme recours collectif.

                Jugement : la requête doit être accordée.

                Selon l’arrêt Canada c. Grenier, lorsqu’une demande de réparation repose sur la décision d’un office fédéral, la légalité de cette décision doit d’abord être établie par procédure de contrôle judiciaire. Dans cette affaire, la Cour d’appel n’entendait pas limiter la nécessité préalable d’une procédure de contrôle judiciaire aux cas portant sur la contestation d’une décision administrative. La Cour d’appel s’est attardée en dernière analyse sur le libellé impératif du paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales, sous réserve du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 18.4(2). La rigueur du ratio decidendi de l’arrêt Grenier peut être atténuée, dans les cas qui s’y prêtent, par le pouvoir de convertir en action une demande de contrôle judiciaire. Les préoccupations de politique générale relatives aux contestations incidentes, au caractère définitif des décisions administratives et à la retenue qu’elles commandent dont il était question dans l’arrêt Grenier n’intervenaient pas naturellement en l’espèce. La raison d’exiger un contrôle judiciaire préalablement à une action en dommages-intérêts était largement, sinon totalement, absente.

                Le recours collectif projeté soulevait des questions de droit communes à tous les membres prévus du groupe, le groupe projeté était identifiable et le demandeur était un représentant demandeur légitime. La preuve ne démontrait pas que des membres du groupe proposé avaient véritablement intérêt à déposer des recours individuels. Les sommes en cause paraissaient assez modestes et bien en deçà du seuil admis pour le dépôt de recours individuels. La question de l’accès à la justice est un élément important à prendre en compte pour savoir si une instance devrait être autorisée. Puisqu’il n’était pas économique pour un seul justiciable de déposer un recours et que la Couronne n’a pas montré sa volonté d’indemniser le demandeur ou quiconque des frais à engager pour soumettre à la Cour une cause type qui aura force obligatoire, alors l’idée d’un recours collectif avait d’autant plus de force. De même, il n’y avait pas de garantie que la Couronne se conformerait à un jugement déclaratoire rendu en faveur du demandeur. On serait mieux à même d’examiner et de surveiller les modalités d’exécution dans le contexte d’un recours collectif. Les questions d’économie des ressources judiciaires, d’efficacité du système judiciaire et d’équité peuvent être efficacement gérées par la Cour. Il doit exister une cause d’action valable au soutien d’une requête en autorisation. Le seuil qu’il faut atteindre pour établir une cause d’action valable est très faible : il doit être « manifeste et évident » que le demandeur ne saurait avoir gain de cause pour que la demande ne soit pas considérée valable. La présente instance, qui révélait une cause d’action valable, semblait se prêter idéalement à une autorisation comme recours collectif pour les motifs susmentionnés, d’autant plus qu’il n’y avait pas d’intérêts opposés, de recours contradictoires ou de sous-groupes rivaux évidents.

                lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art.1, 15(1), 24.

Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 39 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 60, ann. I, art. 19).

Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36.

Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-17.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 17 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 3; 2002, ch. 8, art. 24), 18(3) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1(2) (édicté, idem, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27), 18.4(2) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, art. 30 (mod. par L.C. 2000, ch. 34, art. 24).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 299.3 (abrogée par DORS/2007-301, art. 6), 334.16 (édictée, idem, art. 7), 334.28 (édictée, idem), 334.32 (édictée, idem), 334.39 (édictée, idem).

                jurisprudence citée

décisions appliquées :

Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.); Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 531; 2005 CAF 308; Rasolzadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 386; 2005 CF 919; Nanaimo Immigrant Settlement Society v. British Columbia (2001), 84 B.C.L.R. (3d) 208; 149 B.C.A.C. 26; 2001 BCCA 75; Sylvain c. Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2004 CF 1610; Brogaard v. Canada (Attorney General) (2002), 7 B.C.L.R. (4th) 358; 25 C.P.C. (5th) 323; 2002 BCSC 1149.

décisions différenciées :

Canada c. Grenier, [2006] 2 R.C.F. 287; 2005 CAF 348; Canada c. Tremblay, [2004] 4 R.C.F. 165; 2004 CAF 172; Budisukma Puncak Sendirian Berhad c. Canada, 2005 CAF 267.

décisions examinées :

Campbell v. Flexwatt Corp., [1998] 6 W.W.R. 275; (1997), 98 B.C.L.R. (3d) 343; 98 B.C.A.C. 22; 15 C.P.C. (4th) 1 (C.A.); Scott v. TD Waterhouse Investor Services (Canada) Inc. (2001), 94 B.C.L.R. (3d) 320; 2001 BCSC 1299; Lee Valley Tools Ltd. v. Canada Post Corp., [2007] O.J. No. 4942 (C.S.J.) (QL); Hinton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] 4 R.C.F. 391; 2008 CF 7.

décisions citées :

Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), [2008] 2 R.C.F. 341; 2007 CAF 273; Morneault c. Canada (Procureur général), [2001] 1 C.F. 30 (C.A.); H.J. Heinz Co. du Canada ltée c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441; 2006 CSC 13; Genge v. Canada (Attorney General) (2007), 270 Nfld. & P.E.I.R. 182; 285 D.L.R. (4th) 259; 2007 NLCA 60; Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 4 R.C.F. 341; 2006 CF 197; Bodnar v. The Cash Store Inc., [2006] 9 W.W.R. 41; (2006), 55 B.C.L.R. (4th) 53; 227 B.C.A.C. 209; 2006 BCCA 260; Robertson v. Thomson Corp. (1999), 43 O.R. (3d) 161; 171 D.L.R. (4th) 171; 30 C.P.C. (4th) 182; 85 C.P.R. (3d) 1; 86 O.T.C. 226 (Div. gén.); Howard Estate v. British Columbia (1999), 66 B.C.L.R. (3d) 199; 32 C.P.C. (4th) 41; 26 E.T.R. (2d) 210 (C.S.); Withler v. Canada (Attorney General), [2002] 9 W.W.R. 477; (2002), 3 B.C.L.R. (4th) 365; 21 C.P.C. 102; 2002 BCSC 820; Le Corre c. Canada (Procureur général), 2004 CF 155; Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; Endean v. Canadian Red Cross Society (1997), 148 D.L.R. (4th) 158; [1997] 10 W.W.R. 752; 36 B.C.L.R. (3d) 350; 37 C.C.L.T. (2d) 242; 11 C.P.C. (4th) 368 (C.S.); Kranjcec v. Ontario (2004), 69 O.R. (3d) 231; 40 C.C.E.L. (3d) 24 (C.S.J.).

                REQUÊTE pour que soit autorisée comme recours collectif l’action du demandeur contestant la récupération de sa pension d’invalidité versée en vertu de la Loi sur les pensions sur ses prestations d’invalidité de longue durée au titre du Régime d’assurance-revenu militaire. Requête accordée.

              ont comparu :

Peter J. Driscoll et Ward W. Branch pour le demandeur.

Lori Rasmussen et Jonathan Shapiro pour la défenderesse.

              avocats inscrits au dossier :

McInnes Cooper, Halifax, et Branch MacMaster, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

                Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1] Le juge Barnes : Le demandeur dans la présente action, Dennis Manuge, demande que l’action soit autorisée comme recours collectif, en application de la règle 334.16 [édictée par DORS/2007-301, art. 7] des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)]. La défenderesse (la Couronne) s’oppose à cette requête, en alléguant plusieurs moyens. Elle dit que « l’action vise essentiellement à contester la validité d’une décision administrative fédérale » dont la légalité ou la validité doit d’abord être établie par contrôle judiciaire. Par conséquent, ce n’est que s’il est statué sur une demande de contrôle judiciaire en faveur de M. Manuge que l’affaire pourra déboucher sur une action en dommages- intérêts. La Couronne fait aussi valoir que, sans égard à la question de savoir si une procédure de contrôle judiciaire est ou non un préalable à la recevabilité de l’action, il est préférable que l’affaire suive son cours en tant que procédure de contrôle judiciaire, et cela en raison des impératifs d’économie des ressources judiciaires et d’efficacité du système de justice. Ce sont là des impératifs qui, de dire la Couronne, surgiront d’une manière ou d’une autre, que la procédure soit autorisée comme demande ou comme action.

I. Contexte

[2] M. Manuge est un ancien membre des Forces canadiennes qui a servi du 9 septembre 1994 jusqu’à sa libération le 29 décembre 2003 pour raisons médicales. En 2002, M. Manuge s’est vu attribuer, en vertu de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, une pension d’invalidité d’un montant mensuel de 386,28 $ (la prestation d’ACC [Anciens Combattants Canada]). Cette prestation d’ACC s’ajoutait à son traitement de 3 942 $ par mois des Forces canadiennes.

[3] À sa libération, M. Manuge a été déclaré admissible à des prestations d’invalidité de longue durée au titre du régime obligatoire d’invalidité des Forces canadiennes (le RARM, Régime d’assurance- revenu militaire). Conformément à l’article 24 de la police [no 901102] du RARM, la prestation mensuelle d’invalidité payable à M. Manuge a été fixée à 75 p. 100 de son revenu mensuel brut, après déduction de la prestation mensuelle qu’il reçoit d’ACC. Cette neutralisation de la prestation d’ACC fait que M. Manuge perçoit un revenu mensuel d’invalidité représentant 75 p. 100 de son revenu brut d’emploi, ce qui correspond à environ 59 p. 100 de son revenu total avant libération (revenu d’emploi et prestation d’ACC).

[4] C’est le traitement de la prestation d’ACC qui est au cœur du recours déposé par M. Manuge. Il dit que la récupération de cette prestation sur son revenu du RARM est illégale et injuste. La Couronne fait valoir que cette « neutralisation de la prestation » n’est rien d’autre qu’une tentative légitime de rationaliser ou de coordonner les prestations d’une manière qui s’accorde tout à fait avec les modèles contractuels d’assurance- invalidité de longue durée qui sont appliqués dans les secteurs public et privé.

[5] D’après la preuve que j’ai devant moi, les prestations de remplacement du revenu qui sont payables aux membres des Forces canadiennes et à leurs personnes à charge ont toujours été variables et, dans certains cas, fort insuffisantes. Depuis au moins la fin des années 1960, des mesures ont été prises au sein des Forces canadiennes pour améliorer la protection et éliminer les anomalies. La première réaction aux lacunes de la protection fut la mise sur pied, en vertu de l’article 39 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 60, ann. I, art. 19] de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, du RARM.

[6] Au début, le RARM était un régime facultatif, mais, en 1982, l’inscription à ce régime est devenue obligatoire. Au fil des ans, les protections offertes par le RARM ont évolué, tout comme les niveaux de cotisation des membres. À l’heure actuelle, le RARM est financé à 85 p. 100 par le Conseil du Trésor, le reste étant pris en charge par les primes des membres. L’affidavit d’André Bouchard, président des Services financiers du RARM, précise que le RARM a été modifié en 1976 et que, à partir de cette année-là, les prestations du RARM ont été réduites d’un montant équivalent aux sommes payables aux membres en vertu de la Loi sur les pensions. Cette modification avait été apportée « pour des raisons de coût et d’équité ».

[7] Depuis l’adoption en 2006 de la nouvelle Charte des anciens combattants, le principe consistant à déduire les prestations d’ACC du revenu tiré du RARM ne pose plus de difficultés parce que la prestation mensuelle d’ACC a été remplacée par un paiement forfaitaire non déductible. Cependant, pour M. Manuge et pour environ 4 000 autres membres des Forces canadiennes dans la même situation que lui, la prestation d’ACC continue d’être déduite chaque mois du revenu provenant du RARM.

II. Champ de la réclamation

[8] Dans sa déclaration, M. Manuge dit que l’article 24 de la police du RARM est illégal, invalide et contraire à la Loi sur les pensions, et qu’il contrevient aussi aux droits à l’égalité qui lui sont conférés par le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte). Il écrit aussi dans sa déclaration que la Couronne a manqué à ses obligations de droit public et obligations fiduciaires envers lui et qu’elle a par ailleurs agi de mauvaise foi et s’est enrichie injustement par sa conduite. M. Manuge demande une réparation sous la forme de divers jugements déclaratoires confirmant ses allégations de responsabilité, et il demande aussi le remboursement des sommes déduites de son revenu du RARM, ainsi que des dommages-intérêts généraux, punitifs, exemplaires et majorés, outre les intérêts et les dépens.

III. Point litigieux

[9] Cette action devrait-elle être autorisée comme recours collectif en vertu de la règle 334.16 des Règles des Cours fédérales?

IV. Analyse

[10]         La Couronne dit que la présente instance ne se distingue pas de celle qui avait donné lieu à l’arrêt Canada c. Grenier, [2006] 2 R.C.F. 287, où la Cour d’appel fédérale a jugé que, lorsqu’une demande de réparation repose sur la décision d’un office fédéral, la légalité de cette décision doit d’abord être établie par procédure de contrôle judiciaire. Cet argument est brièvement développé dans le passage suivant de l’exposé des faits et du droit produit par la Couronne dans la présente affaire (aux paragraphes 25 à 28) :

                [traduction] La police d’assurance du RARM, et plus précisément la prestation du RARM IP, ont été conçues et modifiées au fil des ans par le Chef d’état-major de la Défense [CEMD] ou ses représentants, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par les paragraphes 18(1) et 39(1) de la Loi sur la défense nationale :

                18(1) Le gouverneur en conseil peut élever au poste de chef d’état-major de la défense un officier dont il fixe le grade. Sous l’autorité du ministre et sous réserve des règlements, cet officier assure la direction et la gestion des Forces canadiennes.

[…]

                39(1) Les biens non publics reçus en don sans être spécifiquement attribués à une unité ou un autre élément des Forces canadiennes sont dévolus au chef d’état-major de la défense; sous réserve de toute instruction expresse du donateur quant à leur destination, celui-ci peut, à son appréciation, ordonner qu’il en soit disposé au profit de l’ensemble ou d’une partie des officiers et militaires du rang, anciens ou en poste, ou des personnes à leur charge.

                Au moment d’établir le RARM IP, le CEMD et/ou ses représentants agissaient en tant qu’« office fédéral » au sens de l’article 2 de la LCF [Loi sur les Cours fédérales]. Ils « exerçaient ou prétendaient exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale », lorsqu’ils ont conçu le RARM pour la bonne gestion des FC [Forces canadiennes] et pour l’avantage de leurs membres.

                Chacune des allégations figurant dans la déclaration du demandeur subsistera ou tombera selon que sera valide ou non la décision d’inclure les prestations de la Loi sur les pensions dans la liste des déductions à appliquer aux prestations du RARM IP, liste figurant à l’alinéa 24a)(iv) de la police du RARM. Il s’ensuit donc qu’il s’agit ici essentiellement de savoir si la décision de soustraire des prestations du RARM IP les prestations versées en vertu de la Loi sur les pensions était une décision administrative fédérale valide. Il est écrit ce qui suit dans la décision Dhalla :

                Actuellement, la déclaration est rédigée de façon telle que les demandeurs ne peuvent éviter la conclusion selon laquelle tous les chefs d’action visent à attaquer indirectement la validité du processus et la décision elle-même. Par voie de conséquence, les demandeurs ne peuvent attaquer collatéralement la décision pour étayer le bien-fondé de leur action en dommages-intérêts.

                La défenderesse affirme donc que le demandeur doit faire invalider la décision par demande de contrôle judiciaire, en application de l’article 18 de la LCF, avant d’engager une action en vertu de l’article 17 de la LCF. Tant que cette décision administrative ne sera pas déclarée invalide par contrôle judiciaire, la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable et elle est prématurée.

[11]         D’abord, je ne partage pas l’avis de la Couronne lorsqu’elle dit que la question de la responsabilité soulevée par M. Manuge dans ses actes de procédure a pour origine la décision d’un office fédéral. Il est sans aucun doute exact de dire que l’inclusion des prestations versées selon la Loi sur les pensions dans la liste de l’alinéa 24a)(iv) de la police du RARM résulte d’une décision prise il y a de nombreuses années par le Chef d’état-major de la Défense ou son représentant, mais, ce que M. Manuge entend contester, c’est la légalité de la politique du gouvernement (énoncée à l’article 24 de la police du RARM) et la légalité de sa décision correspondante de soustraire de son revenu mensuel du RARM la somme qu’il reçoit en vertu de la Loi sur les pensions. Cette situation rappelle davantage celle dont il était question dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476, que celle dont il s’agissait dans l’arrêt Grenier, précité. Dans l’arrêt Krause, les appelants avaient déposé un recours extraordinaire pour contraindre la Couronne à porter certaines sommes au crédit de leurs comptes de pension de retraite comme l’exigeaient la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36, et la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-17. La Cour d’appel résumait ainsi la demande de réparation dans l’arrêt Krause (au paragraphe 6) :

                Le principal chef de plainte est qu’à partir de l’exercice 1993-1994, les ministres responsables ont omis de porter au crédit des comptes de pension de retraite en question l’intégralité des sommes dont ils doivent être crédités au cours de chaque exercice, en application des paragraphes 44(1) de la LPFP et 55(1) de la LPRFC respectivement. Les appelants prétendent qu’au cours de ces exercices, une partie de l’excédent en cours de ces comptes a été irrégulièrement amortie sur plusieurs années sous forme de provision pour redressement au titre des régimes de pension, et qu’il s’agit là d’une mesure continue qui va à l’encontre de l’obligation que les ministres tiennent de ces textes de loi.

[12]         Il appert des motifs exposés dans l’arrêt Krause, précité, que le traitement comptable qui était en cause remontait à une décision prise presque 10 ans auparavant par les ministres responsables. La Cour d’appel a rejeté de la manière suivante l’objection préliminaire de la Couronne, pour qui la procédure avait été introduite hors délai (aux paragraphes 23 et 24) :

                J’accepte ces arguments. À mon avis, le délai prévu au paragraphe 18.1(2) ne fait pas que les appelants soient irrecevables à agir en mandamus, en prohibition ou en jugement déclaratoire. Il est vrai qu’à un moment donné, il y a eu décision interne au sein du ministère d’adopter les recommandations de l’Institut canadien des comptables agréés et de les mettre en application au cours des exercices subséquents. Ce n’est cependant pas cette décision générale que vise le recours des appelants, mais les actes accomplis par les ministres responsables pour mettre à exécution cette décision et auxquels les appelants reprochent d’être invalides ou illégaux. L’obligation de se conformer aux paragraphes 44(1) de la LPFP et 55(1) de la LPRFC se faisait jour « au cours de chaque exercice ». Ce que reprochent les appelants aux ministres responsables c’est qu’en faisant ce qu’ils ont fait au cours de l’exercice 1993-1994 et des exercices subséquents, ils ont contrevenu aux dispositions applicables de ces deux lois et n’ont donc pas rempli leurs obligations en la matière, et que ces agissements se poursuivront si la Cour n’intervient pas pour faire respecter l’état de droit. Ce n’est qu’après que la Section de première instance aura entendu le recours en contrôle judiciaire qu’on pourra savoir si cette prétention est fondée ou non.

                L’exercice de la compétence prévue à l’article 18 n’est pas subordonné à l’existence d’une « décision ou ordonnance ». Dans Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) ((1997), 26 C.E.L.R. (N.S.) 238 (C.F. 1re inst.), aux p. 241 et 242; infirmé par d’autres motifs; Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1999] 1 C.F. 483 (C.A.)), le juge Hugessen a fait observer que le recours prévu par cette disposition « ne dépend pas de l’existence préalable d’une décision ni d’une ordonnance ». En l’espèce, l’existence d’une décision générale d’adopter les recommandations de l’Institut canadien des comptables agréés ne fait pas courir le délai de prescription du paragraphe 18.1(2) de façon à rendre les appelants irrecevables à agir en mandamus, prohibition ou jugement déclaratoire. Autrement, quelqu’un qui serait dans le même cas n’aurait jamais la possibilité de demander justice sous le régime de l’article 18 du seul fait que le supposé acte invalide ou illégal découle d’une décision antérieurement prise en la matière. Cette dernière décision n’est pas elle-même un manquement à quelque obligation légale que ce soit. S’il y a eu manquement, celui-ci tient aux actes accomplis par le ministre responsable en violation du texte de loi applicable. [Note en fin de texte omise.]

[13]         Krause a été appliqué dans plusieurs arrêts ultérieurs, dont Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), [2008] 2 R.C.F. 341 (C.A.F.), au paragraphe 24; Morneault c. Canada (Procureur général), [2001] 1 C.F. 30 (C.A.), au paragraphe 42; et H.J. Heinz Co. du Canada ltée c. Canada (Procureur général), [2006] 1 R.C.S. 441, au paragraphe 44.

[14]         L’unique point définitivement réglé par l’arrêt Krause est que, même si la présente affaire devrait d’abord être jugée par demande de contrôle judiciaire, le délai de 30 jours fixé pour le dépôt d’une telle demande, selon ce que prévoit le paragraphe 18.1(2) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)], n’est pas applicable parce que M. Manuge ne conteste pas une décision ou ordonnance d’un office fédéral. En cas contraire, M. Manuge et les autres dans la même situation que lui seraient tenus d’obtenir l’autorisation de contester la validité d’une décision de principe prise, semble-t-il, de nombreuses années avant la naissance même de leurs prétentions à des prestations d’invalidité de longue durée.

[15]         Il subsiste cependant la question de savoir si M. Manuge est encore tenu, selon le paragraphe 18(3) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4] de la Loi sur les Cours fédérales, de faire reconnaître l’illégalité de l’alinéa 24a)(iv) de la police du RARM par voie de contrôle judiciaire avant d’engager une action en dommages-intérêts contre la Couronne en vertu de l’article 17 [mod., idem, art. 3; 2002, ch. 8, art. 24] de la Loi sur les Cours fédérales. Il sollicite après tout un jugement déclaratoire contre la Couronne en alléguant notamment que la neutralisation contractuelle de sa prestation d’ACC est illégale, invalide, discriminatoire et contraire aux obligations publiques et fiduciaires de la Couronne. M. Manuge n’allègue pas contre la Couronne une cause d’action fondée sur un contrat ou sur un délit. Par conséquent, le fait que l’arrêt Grenier ne s’applique peut-être pas aux actions contre la Couronne fondées sur un contrat ou sur un délit (voir l’arrêt Genge v. Canada (Attorney General) (2007), 270 Nfld. & P.E.I.R. 182 (C.A.T.-N.)) ne règle pas le problème posé ici, où le recours ne porte que sur un jugement déclaratoire et des dommages-intérêts et relève, à première vue, du paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

[16]         M. Manuge fait valoir que le ratio decidendi de l’arrêt Grenier, précité, devrait se limiter aux cas où l’on conteste une décision administrative, et que ce précédent ne s’applique pas à la contestation de la légalité d’une politique gouvernementale ou d’un acte de l’administration.

[17]         Il ne fait aucun doute que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Grenier et ses arrêts antérieurs, Canada c. Tremblay, [2004] 4 R.C.F. 165 (C.A.F.) et Budisukma Puncak Sendirian Berhad c. Canada, 2005 CAF 267, voulait surtout garantir le caractère définitif des décisions administratives et faire en sorte que ces décisions commandent la retenue judiciaire appropriée (voir par exemple les paragraphes 27 à 30 de l’arrêt Grenier). Elle était aussi, à juste titre, préoccupée par une procédure où l’une des parties serait à même d’attaquer indirectement une décision, bien au-delà du délai de 30 jours prévu pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire. Ce sont là des considérations qui revêtent une bien moindre importance dans un cas où la contestation se limite à la légalité d’une politique gouvernementale et où l’application de cette politique a des répercussions durables sur la partie concernée. Il convient peut-être aussi de noter que, dans les arrêts Grenier, Tremblay et Berhad, les propos de la Cour d’appel fédérale sur ces considérations portaient invariablement sur la légalité des décisions administratives sous-jacentes, sans qu’il soit nullement question de la contestation d’une politique, d’un texte législatif ou d’un acte des pouvoirs publics. Dans l’arrêt Tremblay, la Cour d’appel fédérale a aussi noté [au paragraphe 29] « le tracé subtil de la ligne de démarcation qui existe entre le contrôle judiciaire et l’action en justice » lorsqu’est exercé un recours extraordinaire.

[18]         J’admets aussi que, chaque fois que les prestations d’ACC de M. Manuge et des autres membres du groupe proposé sont déduites de leur revenu du RARM, lui et les autres membres du groupe disposent d’un nouveau recours et du droit correspondant de contester en justice la légalité de la politique donnant lieu à la diminution de leurs prestations. Cette situation est très différente du genre de décision qui était contestée dans l’arrêt Grenier. Ce précédent concernait une décision qui était figée dans le temps et contre laquelle une action ultérieure en justice pouvait être perçue comme une véritable contestation incidente permettant d’éluder le court délai fixé pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire.

[19]         Nonobstant ces observations, il m’est impossible de dire que, dans l’arrêt Grenier, la Cour d’appel fédérale entendait limiter la nécessité préalable d’une procédure de contrôle judiciaire aux cas portant sur la contestation d’une décision administrative. La Cour d’appel s’est attardée en dernière analyse sur le libellé impératif du paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales (voir l’arrêt Grenier, aux paragraphes 25 et 33), sans préjudice naturellement du pouvoir discrétionnaire, conféré par le paragraphe 18.4(2) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27], de convertir une demande de contrôle judiciaire en action. C’est donc ce pouvoir discrétionnaire de conversion que je vais maintenant examiner.

[20]         S’il est indiqué de convertir la présente instance en action, alors il serait futile d’obliger M. Manuge à reprendre la procédure depuis le début. Ce qu’il a commencé en tant qu’action doit simplement pouvoir suivre son cours en tant qu’action.

[21]         Je suis d’avis que la rigueur du ratio decidendi de l’arrêt Grenier peut être atténuée, dans les cas qui s’y prêtent, par le pouvoir de convertir en action une demande de contrôle judiciaire. Dans un cas comme celui-ci, où les préoccupations de politique générale relatives aux contestations incidentes, au caractère définitif des décisions administratives et à la retenue qu’elles commandent n’interviennent pas naturellement, la raison d’exiger un contrôle judiciaire préalablement à une action en dommages-intérêts est largement, sinon totalement, absente. Ce qu’il nous reste essentiellement à faire, c’est de passer en revue les avantages et intérêts pratiques (ou les inconvénients et défauts) qu’offre un genre de procédure par rapport à l’autre.

[22]         En outre, même si c’est par demande de contrôle judiciaire que devrait être exercé ce genre de recours extraordinaire, la Cour doit tenir compte de la volonté du demandeur de convertir la demande en recours collectif. D’ailleurs, saisie d’une requête en conversion d’une demande en action, en vue de faire autoriser la procédure comme recours collectif, la Cour a jugé, dans la décision Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 531 (C.A.F.), que les facteurs à retenir dans une requête de ce genre comprenaient ceux qui s’appliquaient à une requête en autorisation au titre de la règle 334.16 des Règles des Cours fédérales. Ce point ressort des extraits suivants du jugement du juge Marshall Rothstein (aux paragraphes 16 à 21) :

                Si le motif invoqué au soutien d’une demande de conversion est l’intention de faire autoriser un recours collectif et si le demandeur ne peut convaincre le tribunal qu’un recours collectif devrait être autorisé, la demande de conversion n’est pas alors justifiée. Si la demande d’autorisation du recours collectif est rejetée, la demande de conversion devrait alors être rejetée également.

                Bien entendu, sur le plan technique, la conversion doit précéder l’autorisation parce qu’un contrôle judiciaire ne peut être autorisé[e] à procéder comme un recours collectif. Autrement dit, la conversion doit être effectuée avant que l’autorisation de recours collectif ne soit accordée. Par conséquent, on peut prétendre que l’obligation de satisfaire aux critères d’autorisation de procéder par voie de recours collectif ne saurait précéder l’ordonnance visant la conversion, car cela serait mettre la charrue avant les bœufs.

                Concrètement, il faut répondre que les deux demandes, celle visant la conversion et celle visant l’autorisation, devraient être entendues et étudiées de concert. Si la preuve produite satisfait aux critères relatifs à l’autorisation, la conversion devrait être ordonnée et suivie immédiatement d’une ordonnance autorisant le recours collectif. La demande de conversion ne devrait être tranchée avant la demande d’autorisation que si l’une des parties peut prouver que l’examen simultané des deux demandes serait préjudiciable. Toutefois, dans de telles circonstances, je crois que les facteurs applicables à l’autorisation demeureraient applicables à la conversion sous réserve d’une preuve contraire.

                En réponse à la prétention du ministre selon laquelle la conversion effectuée aux fins de l’autorisation d’un recours collectif contrevient à l’objet du contrôle judiciaire, la procédure souhaitable est l’un des facteurs à prendre en considération dans le cadre de la procédure de conversion et d’autorisation. Le tribunal examinera les problèmes liés à la facilité et à l’efficacité des procédures, et choisira celle qui offrira le moins de difficultés pour régler les questions en litige. Par exemple, une pluralité de contrôles judiciaires que permettrait d’éviter un recours collectif pourrait également être évitée si les parties convenaient de considérer un seul contrôle judiciaire comme une cause type pour les autres contrôles judiciaires qui portent sur la même question. Ces facteurs, parmi d’autres, devraient permettre au tribunal de décider s’il convient d’autoriser la conversion et l’autorisation du recours collectif.

                Je ferais observer que, en matière d’immigration, il faut obtenir l’autorisation du tribunal avant de procéder par voie de contrôle judiciaire. Par conséquent, en cette matière, la demande de contrôle judiciaire qui donne lieu à des demandes de conversion et d’autorisation se fonde sur une décision quant à l’existence d’une cause d’action raisonnable, et l’existence d’une telle cause d’action ne devrait pas être en litige dans les demandes de conversion et d’autorisation. Dans le cas des contrôles judiciaires qui ne portent pas sur l’immigration, les parties plaideront le caractère raisonnable de la cause d’action. Les demandes de conversion et d’autorisation seront rejetées si l’absence de cause d’action raisonnable est démontrée. Le contrôle judiciaire pourra procéder, mais le demandeur saura alors que ses chances d’avoir gain de cause sont minces.

                Pour ces motifs, je suis d’avis que lorsque la conversion vise l’autorisation d’une action comme recours collectif, les facteurs énumérés à l’article 299.18 seront normalement tout aussi pertinents pour la demande de conversion que pour celle de l’autorisation de l’action comme recours collectif. Bien entendu, étant donné qu’il n’y a pas de limite aux facteurs que les tribunaux peuvent considérer comme pertinents dans une demande de conversion, je n’exclus pas la possibilité que le tribunal tienne compte d’autres facteurs. Toutefois, le tribunal devrait normalement se concentrer sur les conditions énumérées à l’article 299.18.

La Cour déplorait l’impossibilité pour elle à l’époque d’autoriser une demande de contrôle judiciaire comme recours collectif, mais j’observe que cette inquiétude n’est plus de mise. Finalement, la présente procédure pourrait encore être autorisée comme recours collectif même si elle suit son cours en tant que demande de contrôle judiciaire.

[23]         La règle 334.16 des Règles des Cours fédérales expose les considérations générales et particulières qui s’appliquent à une requête en autorisation. Cette disposition est la suivante :

                334.16 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

                a) les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

                b) il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

                c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

                d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

                e) il existe un représentant demandeur qui :

          (i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

          (ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

          (iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

          (iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

                (2) Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

                a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

                b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

                c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

                d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

                e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

[24]         Les règles de la Cour en matière de recours collectifs s’inspirent des règles en vigueur en Colombie-Britannique et elles sont semblables aux règles en vigueur en Ontario; finalement, il est possible de se reporter à la jurisprudence de ces provinces dans l’examen d’une requête en autorisation : voir Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 4 R.C.F. 341 (C.F.), au paragraphe 45. Comme le faisait observer le juge Frederick Gibson dans la décision Rasolzadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 386, au paragraphe 23, le libellé impératif de notre règle [Règles des Cours fédérales, règle 334.16] (« shall… certify », en français « autorise ») exclut un pouvoir discrétionnaire absolu de refuser d’autoriser un recours collectif si les conditions de l’autorisation sont remplies.

[25]         La Couronne ne conteste pas que le recours collectif projeté soulève des questions de droit communes à tous les membres prévus du groupe ou que le groupe projeté soit identifiable. Elle admet aussi que M. Manuge est un représentant demandeur légitime. M. Manuge s’est aussi conformé à l’obligation, énoncée dans la règle 334.16, de présenter un plan efficace de conduite de l’instance. La Couronne s’oppose à la requête en autorisation en alléguant principalement que les questions communes pourraient être plus efficacement gérées et résolues dans le contexte d’une simple demande de contrôle judiciaire, qui lierait ensuite la Couronne envers les autres membres concernés. Elle prétend aussi qu’un recours collectif sous quelque forme que ce soit ne favoriserait pas l’économie des ressources judiciaires. Elle dit plutôt qu’un recours collectif ne servirait qu’à compliquer et à retarder la résolution d’une affaire qui se prête parfaitement à une résolution sommaire par voie de demande individuelle. La Couronne conteste également plusieurs des alinéas de la déclaration en disant qu’ils ne révèlent pas une cause d’action valable qui puisse déboucher sur des questions susceptibles d’être certifiées.

[26]         L’existence de questions communes est considérée comme l’aspect crucial d’un recours collectif : voir Campbell v. Flexwatt Corp., [1998] 6 W.W.R. 275 (C.A.C.-B.), au paragraphe 52. Il ne fait aucun doute que les questions formulées dans la déclaration de M. Manuge seraient des questions communes à tous les membres du groupe proposé. Je crois qu’il est juste de dire que toutes les questions de responsabilité soulevées dans la présente affaire sont des questions communes et que, si M. Manuge obtient gain de cause sur l’une d’elles, alors les demandes de restitution faites par les membres du groupe se prêteraient à un calcul assez simple.

[27]         La preuve ne montre pas que le groupe proposé compte des membres qui aient véritablement intérêt à déposer des recours individuels. Jusqu’à présent, M. Manuge est le seul à avoir déposé un recours. Les sommes en cause dans la plupart des cas paraissent assez modestes et bien en deçà du seuil admis pour le dépôt de recours individuels. S’agissant de M. Manuge, la somme en cause serait de 9 411,86 $, et il ne vaut donc pas la peine, d’après lui, de pousser plus loin son recours. Selon l’affidavit de Jodie Archibald, une employée du cabinet d’avocats représentant M. Manuge, la totalité des quelque 150 anciens membres intéressés des Forces canadiennes avec qui le cabinet a pris contact jusqu’à maintenant se sont dits en faveur du recours collectif proposé.

[28]         La question de l’accès à la justice est un élément important à prendre en compte pour savoir si une instance devrait être autorisée. Lorsqu’il n’est pas économique pour un seul justiciable de déposer un recours et que la Couronne n’a pas montré sa volonté d’indemniser M. Manuge ou quiconque des frais à engager pour soumettre aux tribunaux une cause type qui aura force obligatoire, alors l’idée d’un recours collectif a d’autant plus de force : voir Bodnar v. The Cash Store Inc., [2006] 9 W.W.R. 41 (C.A.C.-B.), aux paragraphes 19 et 20; Robertson v. Thomson Corp. (1999), 43 O.R. (3d) 161 (Div. gén.), au paragraphe 35 et Howard Estate v. British Columbia (1999), 66 B.C.L.R. (3d) 199 (C.S.), au paragraphe 43.

[29]         Ici, la Couronne fait valoir qu’elle sera liée par toute déclaration d’invalidité qui sera prononcée à l’issue de la procédure introduite par M. Manuge, mais cela fait naturellement reposer sur M. Manuge l’intégralité du fardeau financier afférent à son recours, au bénéfice éventuel de tous les autres membres du groupe projeté. Dans le recours collectif projeté dont il s’agit ici, les frais seront supportés, en cas d’échec, par les avocats en application d’un accord d’honoraires conditionnels et, si le recours est admis, ils seront répartis également parmi les membres du groupe.

[30]                      Même si l’on présumait que M. Manuge est apte et disposé à supporter la totalité des coûts de la procédure, y compris le risque de devoir payer les dépens à la Couronne, il n’est pas garanti que la Couronne se conformerait à un jugement déclaratoire rendu en faveur de M. Manuge et, d’ailleurs, si l’intérêt public est en jeu, le principe de l’abus de procédure et celui de l’autorité de la chose jugée pourraient devoir être écartés dans des litiges ultérieurs faisant intervenir la Couronne (voir Withler v. Canada (Attorney General), [2002] 9 W.W.R. 477 (C.S.C.-B.)). Dans la décision Scott v. TD Waterhouse Investor Services (Canada) Inc. (2001), 94 B.C.L.R. (3d) 320 (C.S.C.-B.), la juge Donna Jean Martinson faisait observer que l’un des avantages pratiques d’un recours collectif était que le bénéfice d’un jugement ou arrangement collectif favorable retombait sur le groupe tout entier, sans qu’il soit nécessaire d’invoquer le principe de la préclusion. Ici, nous ne savons pas non plus de quelle manière et à quel moment la Couronne décidera d’indemniser les autres anciens combattants intéressés des Forces canadiennes pour le cas où M. Manuge obtiendrait gain de cause. Ce sont là des aspects qu’a considérés la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans la décision Lee Valley Tools Ltd. v. Canada Post Corp., [2007] O.J. no 4942 (C.S.J.), où des arguments semblables de Postes Canada ont été rejetés, pour les motifs suivants (aux paragraphes 46 et 47) :

                [traduction] Postes Canada dit que la décision relative au point capital de savoir si Postes Canada a contrevenu à la Loi serait contraignante, que l’action soit ou non autorisée, et il n’y a donc, pour les membres du groupe, aucun avantage pouvant justifier les coûts additionnels et les ressources judiciaires afférents au recours collectif. Postes Canada promet que, si l’autorisation du recours collectif est refusée, elle se considérera liée par une décision judiciaire définitive portant sur le point capital, et cela pour tous les clients de Postes Canada qui auraient répondu à la définition du groupe projeté. Cet argument suppose qu’il existe des raisons de croire qu’il y aura une action individuelle, mais le témoignage de M. Lee va dans le sens contraire, et je l’accepte. Il n’est pas établi qu’une autre personne est disposée à déposer un recours, bien que Lee Valley ait lancé un site Web faisant la chronique de ses préoccupations et ait occupé trois pleines pages d’annonces publicitaires dans le journal Ottawa Citizen, en janvier 2006, pour exprimer ses doléances à propos des pratiques de Postes Canada.

                Même si une action individuelle conduisait à la responsabilité de Postes Canada, il resterait à évaluer le préjudice de chacun des membres du groupe. Postes Canada n’a pas expliqué comment ces réclamations seront évaluées. Par ailleurs, il est difficile de croire que tous les membres du groupe présenteront une réclamation. Je ne vois pas comment cela peut contribuer à l’objectif de favoriser l’accès à la justice. Par cet argument, Postes Canada oublie aussi que, même si une action individuelle conduisant à la conclusion selon laquelle les pratiques de Postes Canada sont illégales pouvait entraîner une modification de son comportement, une action individuelle n’obligerait pas Postes Canada à rendre compte globalement du prétendu préjudice causé par elle. Un recours collectif est un moyen plus efficace et plus judicieux d’obtenir une modification des comportements et de corriger un préjudice subi par un grand nombre.

[31]         Sur ce point, je reconnais avec l’avocat de M. Manuge que l’on sera mieux à même d’examiner et de surveiller les modalités d’exécution dans le contexte d’un recours collectif qu’en se fondant exclusivement sur les assurances d’une partie qui, en définitive, pourrait avoir tout intérêt à limiter ses obligations.

[32]         L’aptitude de la Cour à gérer activement un recours collectif est aussi l’un des moyens qui permettent de répondre aux préoccupations de la Couronne concernant l’efficacité des ressources judiciaires. Il s’agit ici d’un cas où la conduite d’un interrogatoire préalable et la production de témoignages seront sans aucun doute nécessaires pour un examen en règle de certains des points avancés par M. Manuge. Cependant, en dernière analyse, certaines des questions de responsabilité qu’il soulève pourraient se prêter à une forme de décision sommaire. Une gestion efficace du procès est le moyen par lequel peuvent être préservées dans un recours collectif l’économie des ressources judiciaires et l’efficacité du système de justice. Ce point a été souligné par le juge Peter Cumming dans l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique Campbell v. Flexwatt Corp., précité, au paragraphe 25 :

                [traduction] Je commencerai mon examen des questions par une mise en garde. Les juridictions d’appel hésitent toujours à intervenir lorsqu’un pouvoir discrétionnaire a été validement exercé. Il devrait en être ainsi en particulier lorsqu’elles examinent les modalités d’une ordonnance d’autorisation. Le législateur provincial a adopté le 1er août 1995 la Class Proceedings Act pour établir dans cette province une procédure permettant la juste résolution des recours légitimes qu’il n’est pas économique de faire valoir dans une procédure individuelle ou qui, s’ils sont déposés à titre individuel, risquent de peser lourdement sur les ressources du système judiciaire. Les recours collectifs ne sont une bonne réponse aux besoins des justiciables que s’ils sont aptes à résoudre équitablement les différends. Les juges de première instance doivent avoir les coudées franches pour faire en sorte que la nouvelle procédure favorise les demandeurs et les défendeurs. Nombre des arguments avancés par l’avocat des appelants, arguments axés sur l’équité pour les défendeurs et les tierces parties, peuvent être soumis au juge en chambre chargé de gérer l’action à mesure qu’elle progresse. Dans l’examen de tels arguments, je garderai à l’esprit la capacité du juge en chambre de modifier périodiquement son ordonnance à mesure que l’action progresse et que le besoin s’en fait sentir, que ce soit pour des impératifs d’équité ou d’efficacité; il pourrait même retirer son autorisation.

[33]         Dans la décision Hinton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] 4 R.C.F. 391 (C.F.), le juge Sean Harrington est arrivé à la même conclusion sur les avantages d’une gestion active de l’instance dans un recours collectif, comme moyen de préserver l’efficacité (au paragraphe 44) :

                Le ministre soutient que s’il s’avérait que le cadre restreint du contrôle judiciaire soit jugé insuffisant, même après que la Cour ait ordonné le dépôt de documents supplémentaires et permis l’audition de témoins lors d’une audience publique, alors le contrôle judiciaire pourrait être converti en action. À mon avis, cette proposition est beaucoup moins pratique et efficace que de convertir le contrôle judiciaire en action maintenant et, au besoin, d’élaguer au moyen de la gestion d’instance. De même, je ne pense pas que la gestion du recours collectif causerait plus de problèmes que si les membres du groupe envisagé tentaient d’obtenir une réparation d’une autre façon.

[34]         Un autre point soulevé par la Couronne concerne l’ampleur des honoraires conditionnels qui seraient payables au titre du mandat de représentation en justice conclu entre M. Manuge et son avocat. Ce mandat prévoit des honoraires représentant 30 p. 100 de tout jugement rendu en faveur de M. Manuge, outre les débours. Le mandat précise aussi que les honoraires payables [traduction] « devront être approuvés par la Cour ». Il n’y a évidemment rien d’illégitime à ce que soit conclu un accord d’honoraires conditionnels dans un cas comme celui-ci, dont l’issue est imprévisible et où les sommes, considérées isolément, ne semblent pas justifier un recours aux tribunaux. Le montant des honoraires payables à l’issue d’un recours collectif dépendra naturellement de l’appréciation du juge de première instance et devra être proportionnel aux efforts effectivement consentis et au risque pris par l’avocat. Je n’ai aucune réserve sur l’aptitude de la Cour à examiner cet aspect, au besoin, dans l’exercice de sa fonction de surveillance.

[35]         Il y a évidemment d’autres procédures et d’autres coûts afférents au dépôt d’un recours collectif, mais la valeur salutaire d’une démarche de ce genre doit être admise. Il y a beaucoup à dire en faveur de l’avis préalable généralisé aux parties intéressées, qui est l’une des conditions d’un recours collectif, parce qu’il permet lui aussi l’accès d’autres demandeurs à la justice. Il me semble qu’un avis après coup (s’il est requis) ne saurait remplacer la procédure qui est établie par les règles relatives aux recours collectifs, et rien d’ailleurs ne pourrait contraindre la Couronne à informer les autres membres des Forces canadiennes se trouvant dans la même situation que M. Manuge si celui-ci obtenait gain de cause dans sa demande de restitution de prestations passées. En outre, la Cour a le pouvoir, en vertu de la règle 334.32 [édictée par DORS/2007-301, art. 7] des Règles des Cours fédérales, de modifier les conditions de la signification de l’avis aux membres du groupe selon que l’exigent les circonstances. En l’espèce, le groupe est identifiable et gérable. La Couronne sait probablement qui sont les parties intéressées et elle dispose des renseignements requis pour qu’avis leur soit signifié.

[36]         Je reconnais que les coûts de la signification d’un avis aux membres du groupe pourraient, dans certains cas, militer contre une autorisation de l’instance comme recours collectif, surtout s’il est attendu de la Couronne qu’elle assume une partie de ces coûts. Cependant, dans le cas présent, où la taille du groupe est relativement modeste et où des renseignements fiables concernant les personnes avec qui communiquer existent probablement, je ne crois pas que cet aspect fasse obstacle à une autorisation.

[37]         Sur tous ces points, qui intéressent la question de savoir s’il est opportun d’autoriser l’instance comme recours collectif, je ferai miens les propos suivants tenus par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Nanaimo Immigrant Settlement Society v. British Columbia (2001), 84 B.C.L.R. (3d) 208, aux paragraphes 20 et 21 :

                [traduction] Mais, ainsi qu’a répondu M. Branch, la question n’est pas de savoir si le recours collectif est nécessaire —c’est-à-dire s’il y a d’autres solutions—mais plutôt de savoir si c’est la « procédure à privilégier » pour régler les réclamations des demandeurs. Le paragraphe 4(2) de la Loi dispose que cette question requiert de considérer « tous les aspects pertinents »—expression qui englobe les réalités pratiques de cette méthode de règlement des réclamations par rapport à d’autres méthodes. Selon l’argument des demandeurs, ce qui fait qu’un recours collectif est la procédure à privilégier en l’espèce, ce sont les avantages pratiques offerts par la Loi pour la procédure comme telle. Certains de ces avantages ne sont dévolus qu’aux demandeurs : comme l’a noté M. Branch, si les réclamations sont regroupées, des accords d’honoraires conditionnels seront probablement possibles pour les demandeurs. Les réclamations pourront être conduites par un seul avocat ou par quelques-uns, plutôt que par un grand nombre. Il existe une procédure d’avis formel. En général, il sera plus probable que les organismes de bienfaisance qui ont payé des droits de licence provinciale pour des jeux de bingo et de casino seront en mesure de mener l’affaire à son terme—ce que très peu d’organismes pourraient faire à titre individuel. D’autres avantages découlant de la Loi profitent aux deux parties—le fait qu’un seul juge de la gestion de l’instance soit assigné à l’action, et le fait que soient éliminées ainsi de longues procédures en chambre devant différents juges. Du point de vue de la province, aucune de ces considérations n’entrave sa capacité d’opposer une défense en règle à l’action, si ce n’est que les contraintes financières exercées sur les demandeurs sont allégées. Ces contraintes ne sont pas un « avantage » que la province devrait chercher à préserver.

                À mon avis, ces facteurs militent fortement en faveur d’une autorisation de l’instance comme recours collectif, et ils s’accordent évidemment avec les objectifs déclarés de la Loi. Le fait que les questions fondamentales comprennent des points de droit constitutionnel qui pourraient être décidés à la faveur d’une procédure déclaratoire plus expéditive ne devrait pas, selon moi, éclipser de telles réalités. Comme l’a dit M. Branch, l’obtention d’un jugement déclaratoire n’est pas l’objectif premier des demandeurs; leur objectif premier, c’est le remboursement des droits de licence. Le fait qu’une restitution soit recherchée par chacun des demandeurs ne devrait pas non plus l’emporter sur le fait qu’un recours collectif accélérera considérablement la procédure.

[38]         Les parties s’accordent à dire qu’il doit exister une cause d’action valable au soutien d’une requête en autorisation. Il ressort clairement des précédents que le seuil que doit atteindre le demandeur pour établir une cause d’action valable est très faible : voir Le Corre c. Canada (Procureur général), 2004 CF 155, au paragraphe 21. Le critère applicable à cette question est le même que celui qui s’applique à une requête en radiation, c’est-à-dire qu’il doit être « manifeste et évident » que le demandeur ne saurait avoir gain de cause; il ne devrait pas être appliqué d’une manière susceptible d’escamoter des arguments juridiques inédits : voir l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 977. Dans la décision Sylvain c. Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2004 CF 1610, le juge Pierre Blais décrivait ainsi le critère (au paragraphe 26) :

                Dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, la Cour suprême du Canada a précisé en quelles circonstances la déclaration peut être radiée; l’action procédait d’une instance devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et les conditions de radiation étaient prévues dans les Rules of Court de cette province. Les conditions sont essentiellement les mêmes que celles qui sont prévues aux Règles de la Cour fédérale. Compte tenu de l’importance de préserver le droit d’ester en justice, la demande ne sera radiée que si l’issue est évidente et manifeste, c’est-à-dire que même si les faits allégués dans la déclaration sont vrais, la cause n’a aucune chance de succès. La Cour suprême du Canada l’exprime ainsi aux paragraphes 32 et 33 :

                Le critère est toujours de savoir si l’issue de l’affaire est « évidente et manifeste » ou « au-delà de tout doute raisonnable ».

                (…) Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être “privé d’un jugement”. La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action. Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

[39]         Les seuls points soulevés dans la déclaration de M. Manuge qui pourraient être indéfendables concernent deux moyens : l’enrichissement sans cause et le manquement aux obligations fiduciaires. Les allégations d’illégalité, d’invalidité et de violation du paragraphe 15(1) de la Charte satisfont facilement au seuil juridique d’une cause d’action valable. L’allégation de violation d’une obligation de droit public est simplement une variante du plaidoyer selon lequel la disposition contestée du RARM est illégale et contraire à la Loi sur les pensions. Pareillement, l’allégation de mauvaise foi n’est pas, à l’évidence, plaidée en tant que cause d’action indépendante, mais se rattache aux autres allégations de conduite illégale et discriminatoire et de violation d’obligations fiduciaires. Cette allégation de mauvaise foi est également faite au soutien de la demande de dommages-intérêts généraux, punitifs, exemplaires et majorés. Il reste à voir si la mauvaise foi peut être établie au vu de la preuve produite, mais il ne s’agit pas ici de méditer sur l’importance ou le poids à accorder à la preuve, y compris au rapport de l’ombudsman militaire.

[40]         La Couronne fait valoir, non sans justification, que les allégations plutôt clairsemées de M. Manuge pour ce qui concerne le manquement aux obligations fiduciaires et l’enrichissement sans cause ne sauraient être établies contre elle. Je reconnais que ces allégations sont par nature difficiles à établir contre la Couronne, mais une part importante des arguments de la Couronne est fondée sur des faits qui, dit-elle, n’ont pas été suffisamment plaidés ou ne peuvent être établis. Cela ressort des extraits suivants de l’exposé des faits et du droit produit par la Couronne (aux paragraphes 68 à 70, 78 à 81 et 85) :

[traduction] D’abord, il n’y a pas eu enrichissement de la Couronne. Les fonds détenus par le RARM le sont strictement aux fins du paiement des prestations du RARM. Ils ne peuvent être employés à aucune autre fin. Pareillement, si le RARM devenait insuffisamment provisionné, les deniers publics perçus et versés au Trésor du Canada ne pourraient pas servir à payer les prestations du RARM. Toutes les contributions reçues du Conseil du Trésor et des membres des FC sont mises en commun, et il n’y a pas de comptes individuels. Il y a un important interfinancement des prestations; ceux qui reçoivent des prestations du RARM IP sont subventionnés par les membres des FC qui versent des primes mais ne reçoivent jamais de prestations du RARM.

Par ailleurs, il est manifeste et évident qu’il y a dans le cas présent une raison juridique justifiant la réduction des prestations du RARM—il s’agit d’une condition impérative d’un contrat d’assurance, qui est applicable à tous les bénéficiaires du RARM IP. Il a été jugé que la perception et le traitement des sommes d’après les modalités d’un contrat constituent une raison juridique.

La Cour suprême du Canada a jugé que, pour savoir s’il y a absence de raison juridique d’un enrichissement, le critère fondamental a trait aux attentes légitimes des parties. Le demandeur a été explicitement mis au fait des conditions du RARM, et en particulier de la réduction qu’il prévoit. Il est impossible qu’il ait pu espérer ne pas être soumis à la réduction en question.

[…]

Pour que l’allégation de manquement aux obligations fiduciaires faite par M. Manuge puisse être défendable comme cause d’action, les actes de procédure doivent révéler des faits suffisants attestant l’existence d’une relation fiduciaire entre la Couronne fédérale qui a établi la police du RARM, ses administrateurs et ceux qui reçoivent des prestations du RARM. Il ne saurait y avoir d’obligations fiduciaires en l’absence d’une relation fiduciaire.

Les faits tels qu’ils sont allégués par le demandeur ne suffisent pas à dire qu’une relation fiduciaire existe entre les parties. Les allégations de M. Manuge se fondent sur une prétendue relation fiduciaire en raison seulement de son statut antérieur d’employé de la défenderesse. La relation entre la Couronne et ses employés, y compris les membres ou anciens membres des FC, en ce qui concerne l’administration de prestations d’assurance d’origine contractuelle n’établit pas le fondement d’une obligation fiduciaire et n’a aucune chance d’être admise en justice.

M. Manuge n’a pas prétendu qu’une telle relation comporte un élément spécial de confiance ou de confidentialité. Il n’a pas prétendu que les préposés de la Couronne qui concluent des contrats d’assurance avec la Couronne sont particulièrement vulnérables. Il n’a pas prétendu que la Couronne a abandonné son propre intérêt dans le maintien d’un régime d’assurance abordable et équilibré tout en restant comptable envers les contribuables canadiens afin d’agir uniquement dans l’intérêt d’un segment de la société ayant besoin d’une assurance-invalidité de longue durée.

Dans son exposé des faits et du droit, le demandeur dit qu’il a été jugé que la Couronne a des obligations fiduciaires envers les membres des Forces canadiennes. Il prétend aussi qu’il est souvent constaté que les administrateurs de régimes de pensions se trouvent dans une relation fiduciaire envers les bénéficiaires de ces régimes. Cela ne suffit pas à établir que la relation fiduciaire plaidée ici est valide sans que soit examinée la nature des relations particulières censées exister dans de tels cas.

[…]

Lorsque le gouvernement exerce un pouvoir public régi par une loi, il est peu probable qu’il se trouve dans une relation fiduciaire. S’il en est ainsi, c’est parce que l’acte de gouverner doit tenir compte des intérêts de toute la population; dans l’adoption de lois publiques censées s’appliquer à une multitude dont les intérêts varient, il est difficile de conclure que le gouvernement ait accepté d’agir dans l’intérêt d’une personne ou d’une catégorie de personnes. Il en est de même lorsque l’administration établit une politique en application d’une loi.

[41]         Certains des doutes susmentionnés de la Couronne semblent découler de lacunes rédactionnelles et pourraient être dissipés par une modification de la déclaration de M. Manuge; ils ne devraient donc pas être invoqués dans une requête comme celle-ci : voir Endean v. Canadian Red Cross Society (1997), 148 D.L.R. (4th) 158 (C.S.), au paragraphe 26. S’agissant des principes juridiques avancés par la Couronne, je m’en remets à la sagesse montrée par la juge Marion Allan dans la décision Brogaard v. Canada (Attorney General) (2002), 7 B.C.L.R. (4th) 358 (C.S.), aux paragraphes 100 et 101, où elle écrivait ce qui suit :

                [traduction] Dans la décision Hislop, précitée, le juge Cullity, saisi d’une demande préliminaire visant à faire radier la déclaration des demandeurs pour non-divulgation d’une cause d’action, a conclu qu’il était inopportun de tenter de trancher entre les parties des points de droit difficiles qui n’avaient pas été résolus dans des affaires antérieures. Il écrivait, au paragraphe 6, que « chacune des réclamations contestées relève d’un domaine du droit qui soit a récemment été l’objet de développements importants dont la portée n’a pas encore été mesurée avec précision, soit est relativement inexploré ».

                À mon avis, il est clair que l’enrichissement sans cause et la violation d’une obligation fiduciaire sont des domaines juridiques en développement, tout comme le sont les questions se rapportant à la validité constitutionnelle d’une loi ou de recours existants. Il m’est impossible de dire à ce stade qu’il est manifeste et évident que les demandeurs ne pourront obtenir gain de cause sur ces aspects. Par conséquent, je suis d’avis que les actes de procédure révèlent une cause d’action selon ce que requiert l’alinéa 4(1)a) de la CPA.

Voir aussi la décision Kranjcec v. Ontario (2004), 69 O.R. (3d) 231 (C.S.J.), aux paragraphes 33 à 37.

[42]         En résumé, la présente instance me semble se prêter idéalement à une autorisation comme recours collectif. Il n’y a pas d’intérêts opposés, de recours contradictoires ou de sous-groupes rivaux évidents. Les questions de droit et de responsabilité soulevées dans les actes de procédure semblent être les mêmes pour tout le groupe, et les seules questions individuelles se rapportent à la quantification de la perte, laquelle, au besoin, relèverait d’un simple calcul mathématique. Les réclamations individuelles des membres du groupe proposé, dont M. Manuge, paraissent trop modestes pour justifier un litige d’une forme ou une autre, et elles sont telles que les membres du groupe auraient du mal à se faire représenter en justice. Les questions d’économie des ressources judiciaires, d’efficacité du système judiciaire et d’équité peuvent être efficacement gérées par la Cour et ne font donc pas disparaître les avantages globaux d’un recours collectif qui ont été évoqués plus haut. La Couronne croit semble-t-il qu’une simple demande de contrôle judiciaire serait pour elle moins difficile à gérer, mais il m’est impossible de voir dans la formule du recours collectif une source potentielle d’injustice pour elle.

[43]         En conclusion, je ferai droit à la requête du demandeur en autorisation de la présente action comme recours collectif. J’accorderai aux parties un délai au cours duquel elles pourront débattre les points restants touchant l’avis aux membres du groupe, notamment la procédure qu’ils devront suivre si tel ou tel d’entre eux décide de ne pas participer à l’instance. À défaut d’entente, l’une ou l’autre des parties pourra soumettre ces aspects à la Cour pour examen et décision.

[44]         Conformément à la règle 334.39 [édictée par DORS/2007-301, art. 7]  il ne sera pas adjugé de dépens relativement à la présente requête.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente requête en autorisation de l’instance comme recours collectif soit accordée, aux conditions suivantes :

1. L’action est autorisée comme recours collectif;

2. Le groupe est décrit ainsi : « tous les anciens membres des Forces canadiennes dont les prestations d’invalidité de longue durée au titre de la police no 901102 du RARM ont été réduites du montant de leurs prestations d’invalidité d’ACC reçues conformément à la Loi sur les pensions (le groupe), depuis le 17 avril 1985 jusqu’à présent ».

3. M. Manuge est nommé représentant demandeur du groupe;

4. La nature du recours est la suivante :

                a. l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM :

          i. est illégale selon les dispositions de la Loi sur les pensions;

          ii. outrepasse les pouvoirs conférés à la Couronne par la loi;

          iii. viole l’obligation de droit public que la Couronne a envers le demandeur et le groupe;

          iv. cède, grève, saisit, paie par anticipation, substitue ou donne en garantie, contrairement à l’article 30 [mod. par L.C. 2000, ch. 34, art. 24] de la Loi sur les pensions, les prestations d’invalidité d’ACC payées ou devant être payées au demandeur et au groupe;

          v. porte atteinte aux droits à l’égalité conférés au demandeur et au groupe par le paragraphe 15(1) de la Charte, notamment le droit d’être à l’abri de toute discrimination, une atteinte qui ne saurait être validée par l’article premier de la Charte;

          vi. enrichit sans cause la Couronne, au détriment du demandeur et du groupe;

          vii. viole les obligations fiduciaires que la Couronne a envers le demandeur et envers le groupe, en tant qu’anciens membres invalides des Forces canadiennes, au service desquels il a été mis fin;

          viii. a été appliqué et maintenu par la Couronne de mauvaise foi.

5. Le redressement sollicité par le groupe est le suivant :

                a. un jugement déclaratoire portant que l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM est illégale;

                b. un jugement déclaratoire portant que l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM outrepasse les pouvoirs conférés à la Couronne par la loi;

                c. un jugement déclaratoire portant que la Couronne a manqué à l’obligation de droit public qu’elle a envers le demandeur et le groupe, c’est-à-dire ses obligations selon la Loi sur les pensions;

                d. un jugement déclaratoire portant que les prestations payées et/ou devant être payées au demandeur et au groupe conformément à la Loi sur les pensions ont été illégalement « cédées, grevées, saisies, payées par anticipation, substituées ou données en garantie » par la Couronne, contrairement à l’article 30 de la Loi sur les pensions, en conséquence de l’application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM;

                e. un jugement déclaratoire portant que l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM porte atteinte aux droits à l’égalité conférés au demandeur et au groupe par le paragraphe 15(1) de la Charte, c’est-à-dire le droit d’être à l’abri de toute discrimination, une atteinte qui ne saurait être validée par l’article premier de la Charte;

                f. un jugement déclaratoire portant que la Couronne a manqué aux obligations fiduciaires qu’elle avait envers le demandeur et envers le groupe, en tant qu’anciens fonctionnaires et membres des Forces canadiennes au service desquels il a été mis fin par suite de lésions subies par eux durant leur service, et qui souffrent donc d’invalidités;

                g. un jugement déclaratoire portant que la Couronne a agi de mauvaise foi dans l’application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM, et dans les répercussions de cette disposition sur le demandeur et le groupe, en tant qu’anciens fonctionnaires et membres des Forces canadiennes au service desquels il a été mis fin par suite de lésions subies par eux durant leur service, et qui souffrent par conséquent d’invalidités;

                h. une ordonnance, selon l’article 24 de la Charte, portant que l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM est invalide;

                i. une ordonnance portant que des dommages-intérêts constituent une réparation convenable et juste en application de l’article 24 de la Charte, et que le demandeur et le groupe sont fondés à être remboursés d’une somme égale aux prestations d’invalidité de longue durée qui, en application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM, ont été déduites des prestations d’invalidité de longue durée par ailleurs payables au demandeur et au groupe;

                j. subsidiairement, des dommages-intérêts selon une somme égale aux prestations payables au demandeur et au groupe, qui ont été illégalement et à tort déduites, en application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM, des prestations d’invalidité de longue durée par ailleurs payables au demandeur et au groupe;

                k. subsidiairement à nouveau, une ordonnance de restitution;

                l. l’attribution d’une responsabilité et de dommages-intérêts généraux au titre de ce qui suit :

          i. discrimination;

          ii. violation d’obligations fiduciaires;

          iii. mauvaise foi.

                m. des dommages-intérêts punitifs, exemplaires et majorés;

                n. les intérêts prévus par la Loi sur les Cours fédérales;

                o. les dépens avocat-client afférents à la présente action;

                p. tout autre redressement que la Cour pourra juger à propos.

6. Les questions suivantes sont certifiées comme questions communes de droit ou de fait, selon le cas :

                a. L’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM est-il illégal?

                b. L’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM outrepasse-t-il les pouvoirs conférés à la Couronne par la loi?

                c. La Couronne a-t-elle manqué à l’obligation de droit public qu’elle a envers le demandeur et le groupe, c’est-à-dire remplir ses obligations prévues à la Loi sur les pensions?

                d. Les prestations payées au groupe conformément à la Loi sur les pensions sont-elles illégalement « cédées, grevées, saisies, payées par anticipation, substituées ou données en garantie » par la Couronne contrairement à l’article 30 de la Loi sur les pensions, en conséquence de l’application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM?

                e. L’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM porte-t-il atteinte aux droits à l’égalité conférés au groupe par le paragraphe 15(1) de la Charte, notamment le droit d’être à l’abri de toute discrimination, atteinte qui ne saurait être validée par l’article premier de la Charte?

                f. La Couronne a-t-elle des obligations fiduciaires envers le demandeur et le groupe et a-t-elle manqué aux obligations fiduciaires qu’elle a envers le groupe, par suite de l’application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM?

                g. La Couronne a-t-elle agi de mauvaise foi dans l’application de l’alinéa 24a)(iv) de la partie III(B) de la police no 901102 du RARM?

                h. Le groupe a-t-il droit à une réparation selon l’article 24 de la Charte, et quelle réparation devrait être accordée?

                i. Des dommages-intérêts sont-ils payables par la Couronne au groupe, en raison de l’application illégale du principe de récupération prévu dans le RARM, et quelle est la réparation adéquate?

                j. La Couronne s’est-elle enrichie sans cause, et une ordonnance de restitution est-elle justifiée?

                k. La Couronne devrait-elle être tenue de verser des dommages-intérêts généraux pour discrimination, violation d’obligations fiduciaires et mauvaise foi?

                l. Quelle réparation globale est justifiée selon la règle 334.28 [édictée par DORS/2007-301, art. 7] (anciennement la règle 299.3 [abrogée, idem, art. 6]) des Règles des Cours fédérales?

                m. La conduite de la Couronne justifie-t-elle l’attribution de dommages-intérêts punitifs, et quels devraient être, le cas échéant, le montant de ces dommages-intérêts?

                n. Des intérêts sont-ils payables au groupe selon ce que prévoit la Loi sur les Cours fédérales?

                o. Les dépens avocat-client de la présente action devraient-ils être accordés au groupe?

7. Les points suivants seront l’objet d’une entente entre les parties ou, à défaut d’entente entre les parties, seront l’objet d’une ordonnance de la Cour après dépôt de conclusions supplémentaires écrites des parties :

                a. le contenu de l’avis d’autorisation;

                b. le moyen de signifier l’avis aux membres du groupe et de répartir les frais de signification de l’avis;

                c. la fixation du délai et la modalité de non-participation des membres du groupe au recours collectif.

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