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Référence :

Astral Media Radio Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2010 CAF 16, [2011] 1 R.C.F. 347

A-581-08

A-581-08

2010 CAF 16

La Société canadienne de gestion des droits voisins (appelante)

c.

Astral Media Radio Inc., CTV Limited, Corus Entertainment Inc., Rogers Media Inc. et Standard Radio Inc. (intimées)

Répertorié : Astral Media Radio Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique

Cour d’appel fédérale, juges Nadon, Evans et Pelletier, J.C.A.—Toronto, 9 novembre 2009; Ottawa, 18 janvier 2010.

Droit d’auteur — Pratique — Appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale accueillant une requête en jugement sommaire contre l’appelante Société canadienne de gestion des droits voisins (la SCGDV) et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la SOCAN) — La SCGDV perçoit des redevances au titre de la radiodiffusion d’enregistrements sonores d’œuvres musicales — Le tarif des redevances repose sur un pourcentage des recettes publicitaires des diffuseurs — Les contrats clés en mains entre les annonceurs et les diffuseurs prévoient un prix unique qui n’est pas ventilé en fonction du temps d’antenne et de la production — La Cour fédérale avait conclu que l’expression « recettes publicitaires » paraissant à l’art. 2(1) du Règlement sur la définition de recettes publicitaires exclut la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre de contrats clés en mains — L’exclusion réduirait l’assiette à partir de laquelle sont calculées les redevances — La définition des « recettes publicitaires » semblait être exhaustive puisqu’elle vise « le total […] des contreparties en argent, en biens ou en services » que reçoit un diffuseur — La rémunération reçue à d’autres fins que pour la publicité n’est pas visée par la définition des « recettes publicitaires » — La Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a tenu pour acquis qu’un diffuseur tire des recettes attribuables à la production, par opposition à des recettes publicitaires, parce qu’il engage des frais pour produire une annonce publicitaire — Si un diffuseur ne peut pas établir qu’il perçoit des recettes de production dans le cadre d’un contrat clés en mains, l’art. 2(1) du Règlement ne l’autorise pas à réduire ses « recettes publicitaires » en déduisant les frais engagés pour produire une annonce — Le Règlement fait état de deux types de frais qui peuvent être déduits des « recettes publicitaires » — L’art. 2(2) du Règlement s’applique seulement aux biens et services que reçoit le diffuseur comme partie ou totalité de la contrepartie totale qui lui est versée pour la diffusion d’une publicité — L’art. 2(2) empêche donc le diffuseur d’attribuer une valeur artificiellement basse à ces éléments afin de minimiser le montant des « recettes publicitaires » qu’il a perçues, et de réduire l’assiette à partir de laquelle est calculée la redevance fixée par la Commission du droit d’auteur — L’art. 2(2) ne fait que prescrire le mode de fixation de la valeur des services de production du diffuseur aux fins du calcul des recettes publicitaires — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale accueillant une requête en jugement sommaire introduite par les intimées contre l’appelante Société canadienne de gestion des droits voisins (la SCGDV) et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la SOCAN). La SCGDV perçoit une rémunération pour le compte d’artistes-interprètes et de producteurs d’enregistrements sonores d’œuvres musicales au titre de l’exécution en public et de la communication au public de ces enregistrements. Les diffuseurs exploitent des stations de radio qui diffusent des enregistrements sonores de musique, pour lesquels la SCGDV perçoit une redevance conformément à un tarif approuvé par la Commission du droit d’auteur (la Commission). Le tarif repose sur un pourcentage des recettes publicitaires que gagnent les diffuseurs pour les publicités qu’ils diffusent. Certains annonceurs retiennent les services du diffuseur tant pour produire que pour diffuser une annonce publicitaire, habituellement en contrepartie d’un prix unique qui n’est pas ventilé en fonction du temps d’antenne et de la production; cet arrangement s’appelle un « contrat clés en mains ». La Cour fédérale a conclu que l’expression « recettes publicitaires » paraissant au paragraphe 2(1) du Règlement sur la définition de recettes publicitaires (le Règlement) en fonction de laquelle sont calculées les redevances de la SCGDV exclut la juste valeur marchande des services de production que les diffuseurs fournissent aux annonceurs dans le cadre de contrats clés en mains. Cela réduirait l’assiette à partir de laquelle sont calculées les redevances de la SCGDV. La Commission a approuvé un tarif conjoint SCGDV-SOCAN pour la radio en vertu duquel la redevance était fondée sur un pourcentage des « recettes publicitaires » des diffuseurs. Cependant, les diffuseurs étaient d’avis que la définition de « recettes publicitaires » énoncée dans le Règlement n’englobait pas la valeur de leurs services de production.

Les questions à trancher étaient celles de savoir si le paragraphe 2(1) du Règlement exclut les recettes que tirent les radiodiffuseurs de la production d’annonces qu’ils diffusent ensuite et si le paragraphe 2(2) du Règlement autorise un diffuseur à exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre d’un contrat clés en mains.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Il s’agissait de déterminer en quoi consistent les « recettes publicitaires » lorsqu’un diffuseur produit et diffuse une publicité et cela était tributaire de la définition de « recettes publicitaires » figurant au Règlement. La définition des « recettes publicitaires » semble être exhaustive puisqu’elle vise « le total […] des contreparties en argent, en biens ou en services » que reçoit un diffuseur. Cependant, ces paiements doivent être reçus « pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements ». L’argent, les biens ou les services que reçoit un diffuseur à d’autres fins que pour la publicité ne sont pas visés par la définition des « recettes publicitaires ». Les recettes de production sont clairement exclues du tarif si le diffuseur a créé et produit une annonce publicitaire pour un annonceur mais qu’il ne l’a pas diffusée. Bien que cela puisse également être le cas si le diffuseur produit et diffuse une publicité, ce cas est plus problématique parce qu’aucune des recettes touchées par un diffuseur à la suite de la diffusion d’une publicité n’est nécessairement attribuable à la production de la publicité. La qualification des recettes est une question factuelle qui doit être déterminée au procès. La Cour fédérale avait commis une erreur lorsqu’elle avait tenu pour acquis qu’un diffuseur tire des recettes attribuables à la production, par opposition à des recettes publicitaires, parce qu’il engage des frais pour produire une annonce publicitaire. Qui plus est, si un diffuseur qui a fourni ses services dans le cadre d’un contrat clés en mains ne peut pas établir qu’il perçoit des recettes de production, le paragraphe 2(1) du Règlement ne l’autorise pas à réduire ses « recettes publicitaires » en déduisant les frais engagés pour produire une annonce publicitaire. Comme deux types de frais (les taxes et les commissions versées aux agences de publicité) qui peuvent être déduits des « recettes publicitaires » ont été expressément énoncés dans le Règlement, l’on ne peut pas considérer que la Commission a autorisé implicitement la déduction d’autres types de frais, y compris des frais de production.

S’agissant de l’interprétation du paragraphe 2(2), cette disposition s’applique seulement aux biens et services que reçoit le diffuseur comme partie ou totalité de la contrepartie totale qui lui est versée pour la diffusion d’une publicité. Le paragraphe 2(2) empêche donc le diffuseur d’attribuer une valeur artificiellement basse à ces éléments afin de minimiser le montant des « recettes publicitaires » qu’il a perçues, et de réduire ainsi l’assiette à partir de laquelle est calculée la redevance fixée par la Commission. C’est le cas parce que le paragraphe 2(1) inclut expressément les biens et services dans la « contrepartie totale » payée à un diffuseur pour la diffusion d’une publicité qui constitue des « recettes publicitaires ». Le paragraphe 2(2) ne dit pas que la juste valeur marchande des services de production d’un diffuseur peut être déduite des « recettes publicitaires » au sens du paragraphe 2(1). Il ne fait que prescrire le mode de fixation de leur valeur aux fins du calcul des recettes publicitaires. Interpréter le paragraphe 2(2) comme autorisant le diffuseur qui a conclu un contrat clés en mains, mais qui est incapable de prouver qu’il touche des recettes de production, à déduire de ses recettes de publicité la juste valeur marchande de ses services de production permettrait dans les faits à un diffuseur de faire indirectement ce que le paragraphe 2(2) ne lui permet pas de faire directement. Une telle interprétation serait incompatible avec le libellé et la structure de l’article 2.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, art. 19(1) (édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 14), (2) (édicté, idem), 38.1(4) (édicté, idem, art. 20), 67.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 10, art. 12; L.C. 1997, ch. 24, art. 45; 2001, ch. 34, art 35(A)), 68.1(1) (édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 45), (3) (édicté, idem).

Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447, art. 2.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 213.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision examinée :

Requête du Standard Radio Inc. pour une décision re : le « Règlement sur la définition de recettes publicitaires », motifs rendus le 30 novembre 2006 (C.D.A.).

décision citée :

Exécution publique d’œuvres musicales 2003-2007 et Exécution publique d’enregistrements sonores 2003-2007, [2005]  D.C.D.A. no 5 (QL).

DOCTRINE CITÉE

Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/98-446, Gaz. C. 1998.II.2589.

Appel interjeté à l’encontre d’une décision (2008 CF 1198, [2009] 3 R.C.F. 415) de la Cour fédérale accueillant une requête en jugement sommaire introduite par les intimées contre l’appelante et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Appel accueilli.

ONT COMPARU

Glen A. Bloom pour l’appelante.

Mark S. Hayes pour les intimées.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l., Ottawa, pour l’appelante.

Hayes eLaw LLP, Toronto, pour les intimées.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Evans, J.C.A. :

A. INTRODUCTION

[1] Il s’agit d’un appel interjeté par la Société canadienne de gestion des droits voisins (la SCGDV) à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2008 CF 1198, [2009] 3 R.C.F. 415), par laquelle le juge Zinn a accueilli une requête en jugement sommaire introduite par Astral Media Radio Inc. et al. (les diffuseurs) contre la SCGDV et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la SOCAN).

[2] Le juge a prononcé le jugement déclaratoire suivant :

Le Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447, autorise un radiodiffuseur à exclure la juste valeur marchande des services de production qu’il fournit à un annonceur des recettes qu’il tire de la diffusion de l’annonce à laquelle se rapportent ces services de production et à l’égard desquelles des redevances doivent être payées en vertu du Tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998-2002 et du Tarif SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale 2003-2007.

La SOCAN n’a pas interjeté appel.

[3] La SCGDV est une société de gestion collective qui perçoit une rémunération pour le compte d’artistes-interprètes et de producteurs d’enregistrements sonores d’œuvres musicales au titre de l’exécution en public et de la communication au public de ces enregistrements. Les diffuseurs exploitent des stations de radio qui diffusent des enregistrements sonores de musique, pour lesquels la SCGDV a le droit de percevoir une redevance conformément à un tarif approuvé par la Commission du droit d’auteur (la Commission). Le tarif est fondé sur un pourcentage des recettes publicitaires que gagnent les diffuseurs pour les publicités qu’ils diffusent.

[4] Habituellement, les annonceurs d’envergure nationale ou les grands annonceurs créent et produisent eux-mêmes des annonces publicitaires prêtes à être diffusées ou engagent une agence de publicité accréditée pour le faire pour eux. Cependant, certains annonceurs, en particulier les entreprises locales, engagent les services du diffuseur tant pour produire que pour diffuser une annonce publicitaire, habituellement en contrepartie d’un prix unique qui n’est pas ventilé en fonction du temps d’antenne et de la production. Dans l’industrie, on appelle ce type d’arrangement un « contrat clés en mains ».

[5] La question en litige dans le présent appel est celle de savoir si les « recettes publicitaires » au sens de la loi, en fonction desquelles sont calculées les redevances de la SCGDV, incluent la juste valeur marchande des services de production que les diffuseurs fournissent aux annonceurs dans le cadre de contrats clés en mains. Exclure la valeur des services de production des recettes que perçoivent les diffuseurs pour la publicité réduirait l’assiette à partir de laquelle sont calculées les redevances de la SCGDV. Le juge a statué que la valeur de ces services devrait être exclue.

[6] Je conviens que sur le plan de l’interprétation de la loi, les « recettes publicitaires » ne s’entendent pas des recettes que perçoivent les diffuseurs pour produire une publicité. Cependant, soit dit avec déférence, je suis d’avis que le juge a commis une erreur lorsqu’il a présumé que, puisqu’un diffuseur engage des frais pour produire une publicité et fournit un service ayant une valeur pour un annonceur, il perçoit donc des recettes de production qui doivent être déduites du prix unique qu’il facture aux annonceurs dans le cadre d’un contrat clés en mains.

[7] D’un point de vue comptable, les frais sont déduits des recettes; l’existence de frais n’établit pas une source de recettes. Ainsi, le coût de production d’une annonce publicitaire peut ne constituer qu’une des dépenses liées à la génération de recettes publicitaires, comme le paiement du loyer ou de comptes de services publiques. La question de savoir si un diffuseur donné qui a produit une annonce touche des « recettes publicitaires » et, le cas échéant, combien, est une question de fait qui doit être tranchée au procès en fonction de la preuve.

[8] En conséquence, je ferais droit à l’appel et j’annulerais l’ordonnance du juge des requêtes, que je remplacerais par le jugement déclaratoire suivant :

Le Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447, autorise les radiodiffuseurs à exclure des « recettes publicitaires » à l’égard desquelles ils doivent payer des redevances en vertu du Tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998-2002 et du Tarif SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale 2003-2007 toutes les recettes qu’ils tirent de la production d’annonces publicitaires. Cependant, le simple fait que des radiodiffuseurs engagent des frais pour produire des annonces publicitaires dans le cadre de contrats clés en mains ou que leurs services aient une valeur pour des annonceurs ne prouve pas que les radiodiffuseurs touchent des recettes de production qui doivent être exclues des « recettes publicitaires ».

B. CONTEXTE FACTUEL

[9] En plus des faits précités, certains autres faits méritent d’être signalés. Premièrement, la SCGDV a perçu des redevances pour des diffusions d’enregistrements sonores d’œuvres musicales qui ont eu lieu après 1998. Avant 2003, la Commission avait homologué des tarifs distincts pour la SOCAN et la SCGDV. Le tarif radio de la SOCAN pour les années 1998 à 2002 prévoyait une redevance payable par les radiodiffuseurs exprimée sous forme de pourcentage des « revenus bruts » des stations, tandis que le tarif radio de la SCGDV pour les mêmes années était fondé sur un pourcentage des « recettes publicitaires ». Pour les années 2003 à 2007, la Commission a tenu une audience conjointe et, en 2005, elle a approuvé un tarif conjoint SCGDV-SOCAN pour la radio en vertu duquel la redevance était fondée sur un pourcentage des « recettes publicitaires » des diffuseurs.

[10] La Commission était d’avis que les définitions des « revenus bruts » et des « recettes publicitaires » représentaient la même assiette de revenus : Exécution publique d’œuvres musicales 2003-2007 et Exécution publique d’enregistrements sonores 2003-2007, [2005] D.C.D.A. no 5 (QL), au paragraphe 126 (Commission du droit d’auteur).

[11] Deuxièmement, en calculant la redevance payable en vertu du tarif SCGDV 1998 à 2002, les diffuseurs n’ont pas déduit la juste valeur marchande des services de production qu’ils avaient fournis aux annonceurs qui leur avaient demandé de produire ainsi que de diffuser leurs annonces. Cependant, après avoir examiné le tarif 2003 à 2007, les diffuseurs ont conclu que la définition de « recettes publicitaires » figurant au Règlement n’englobait pas la valeur de leurs services de production.

[12] Troisièmement, la SCGDV et la SOCAN n’étaient pas d’accord avec la manière dont les diffuseurs interprétaient le Règlement, et elles les ont avisés qu’elles n’accepteraient pas que le calcul des redevances soit fondé sur un pourcentage des recettes publicitaires desquelles la valeur des services de production aurait été exclue.

[13] Quatrièmement, même s’ils estimaient payer davantage de redevances que ce qu’exigeait la définition de « recettes publicitaires », les diffuseurs ont continué à payer des redevances calculées en fonction d’un pourcentage des recettes publicitaires, sans aucune déduction au titre des services de production. Ils ont agi ainsi parce que, s’il s’avérait qu’ils avaient eu tort de considérer que les « recettes publicitaires » n’englobaient pas la valeur des services de production, ils s’exposaient, en vertu du paragraphe 38.1(4) [édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 20] de la Loi sur le droit d’auteur [L.R.C. (1985), ch. C-42], à une lourde pénalité pour avoir omis de payer le montant d’une redevance exigée en vertu d’un tarif.

[14] Cinquièmement, en réponse à une requête de la demanderesse Standard Radio Inc., qui lui demandait d’interpréter les dispositions litigieuses du Règlement, la Commission du droit d’auteur a conclu, dans une décision datée du 30 novembre 2006, qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur cette requête : Requête de Standard Radio Inc. pour une décision re : le « Règlement sur la définition des recettes publicitaires ». Cependant, dans des motifs concordants, le vice-président de la Commission, Stephen J. Callary, a affirmé (au paragraphe 22) qu’à son avis, « la juste valeur marchande des services de production [pouvait] être déduite des revenus tirés des contrats clés en mains ».

[15] Sixièmement, lorsqu’un annonceur a recours aux services d’une agence de publicité ou d’une société de gestion médiatique, l’agence ou la société négocie les droits de temps d’antenne, et elle les paie au diffuseur, souvent avec un rabais de 15 p. 100 à titre de commission ou d’honoraires d’intermédiation. Selon les dispositions de l’entente entre l’agence et son annonceur-client, l’agence répercute la totalité ou une partie des droits de temps d’antenne, sans escompte, à l’annonceur. Le juge des requêtes disposait d’éléments de preuve selon lesquels les diffuseurs exigeaient le même prix pour le temps d’antenne dans le cadre de contrats clés en mains que lorsque les annonceurs produisent leurs propres publicités.

C. DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[16] Le juge des requêtes a conclu que la Cour avait compétence pour statuer sur l’action des demanderesses, qu’il avait été satisfait au critère relatif aux jugements sommaires énoncé à la règle 213 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)], et que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de rendre un jugement déclaratoire. Il n’a pas été interjeté appel de ces conclusions.

[17] Le juge a aussi statué sur la question de savoir quels éléments de preuve pouvaient être invoqués pour interpréter le Règlement. En particulier, il a conclu que le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (le REIR) [Gaz. C. 1998.II.2589] que la Commission avait publié lorsqu’elle avait pris le Règlement était pertinent, mais non déterminant, pour établir le sens de ce dernier. En revanche, le juge des requêtes n’a accordé aucun poids aux avis des auteurs d’affidavits quant à l’interprétation qu’il convenait de donner au Règlement; les affidavits étaient toutefois utiles à titre d’éléments de preuve démontrant les activités générales des stations de radio commerciales — le contexte dans lequel est appliqué le Règlement. Les conclusions du juge concernant l’admissibilité de la preuve ne sont pas contestées dans le cadre du présent appel.

[18] Le juge a conclu (au paragraphe 64) qu’il convenait de considérer comme des recettes de production, et non des recettes publicitaires, toute recette générée par une agence de publicité pour la production d’annonces publicitaires. C’est pourquoi il a estimé que, lorsqu’une station de radio commerciale crée des annonces qu’elle diffuse ensuite, les recettes qu’elle tire de la production de ces annonces devraient elles aussi être considérées comme des recettes de production, et non comme des recettes publicitaires. En outre, il a affirmé que le fait que dans les contrats clés en mains les stations de radio ne ventilent habituellement pas le montant facturé entre le volet publicitaire et le volet production n’est pas pertinent pour cerner la véritable nature des recettes. En conséquence, il a conclu ce qui suit (au paragraphe 69) :

Le Règlement autorise donc les stations de radio, selon moi, à déduire les frais et dépenses de production engagés relativement à des annonces des recettes tirées de leur diffusion.

[19] En s’appuyant sur le paragraphe 2(2) du Règlement, le juge a conclu que la juste valeur marchande des services de production d’une station de radio dans le cadre d’un contrat clés en mains ne devrait pas être incluse dans les recettes publicitaires à partir desquelles sont calculées les redevances des sociétés de gestion. Il a affirmé (au paragraphe 74) :

Les recettes touchées qui correspondent à ces frais et dépenses ne sont pas des recettes publicitaires au sens du Règlement — il s’agit plutôt de recettes de production.

D. LE CADRE LÉGISLATIF

[20] Les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores, les propriétaires de « droits voisins », n’ont aucun droit d’auteur sur les enregistrements qu’ils peuvent protéger contre la contrefaçon au moyen d’une action en violation de droit d’auteur. Cependant, la Loi sur le droit d’auteur leur confère le droit à une « rémunération équitable » déterminée par la Commission du droit d’auteur, que les radiodiffuseurs commerciaux d’enregistrements sonores de musique doivent payer à la SCGDV et à la SOCAN [art. 19(1), (2) (édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 14)] :

19. (1) Sous réserve de l’article 20, l’artiste-interprète et le producteur ont chacun droit à une rémunération équitable pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication — à l’exclusion de toute retransmission — de l’enregistrement sonore publié.

Droit à rémunération

 (2) En vue de cette rémunération, quiconque exécute en public ou communique au public par télécommunication l’enregistrement sonore publié doit verser des redevances :

a) dans le cas de l’enregistrement sonore d’une œuvre musicale, à la société de gestion chargée, en vertu de la partie VII, de les percevoir;

b) dans le cas de l’enregistrement sonore d’une œuvre littéraire ou d’une œuvre dramatique, soit au producteur, soit à l’artisteinterprète.

Redevances

[21] La Commission peut approuver les tarifs proposés par la SCGDV et la SOCAN pour rémunérer les titulaires de droits sur les enregistrements sonores. Les tarifs sont fondés sur un pourcentage des recettes publicitaires des stations de radio qui diffusent les enregistrements [art. 67.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 10, art. 12; L.C. 1997, ch. 24, art. 45; 2001, ch. 34, art. 35(A))] :

67.1 (1) Les sociétés visées à l’article 67 sont tenues de déposer auprès de la Commission, au plus tard le 31 mars précédant la cessation d’effet d’un tarif homologué au titre du paragraphe 68(3), un projet de tarif, dans les deux langues officielles, de redevances à percevoir.

Dépôt d’un projet de tarif

(2) Lorsque les sociétés de gestion ne sont pas régies par un tarif homologué au titre du paragraphe 68(3), le dépôt du projet de tarif auprès de la Commission doit s’effectuer au plus tard le 31 mars précédant la date prévue pour sa prise d’effet.

Sociétés non régies par un tarif homologué

(3) Le projet de tarif prévoit des périodes d’effet d’une ou de plusieurs années civiles.

Durée de validité

(4) Le non-dépôt du projet empêche, sauf autorisation écrite du ministre, l’exercice de quelque recours que ce soit pour violation du droit d’exécution en public ou de communication au public par télécommunication visé à l’article 3 ou pour recouvrement des redevances visées à l’article 19.

Interdiction
des recours

 (5) Dès que possible, la Commission publie dans la Gazette du Canada les projets de tarif et donne un avis indiquant que tout utilisateur éventuel intéressé, ou son représentant, peut y faire opposition en déposant auprès d’elle une déclaration en ce sens dans les soixante jours suivant la publication.

Publication des projets de tarif

[22] Le paragraphe 68.1(1) [édicté par L.C. 1997, ch. 24, art. 45] de la Loi sur le droit d’auteur dispose que les redevances que peut percevoir la SCGDV sont fondées sur les « recettes publicitaires » de « systèmes de transmission par ondes radioélectriques ». Le paragraphe 68.1(3) [édicté, idem] dispose que la Commission peut, par règlement, définir les « recettes publicitaires » des radiodiffuseurs pour l’application du paragraphe (1). C’est en vertu de ce pouvoir que la Commission a pris le Règlement sur la définition de recettes publicitaires. Les dispositions suivantes du Règlement sont pertinentes pour le présent appel :

2. (1) Pour l’application du paragraphe 68.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, « recettes publicitaires » s’entend du total, net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité, des contreparties en argent, en biens ou en services, reçues par un système pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites.

(2) Aux fins du calcul des recettes publicitaires, les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande.

[23] Bien que le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation qu’a publié la Commission accessoirement au Règlement ne fasse pas partie du Règlement, la Cour peut en tenir compte pour interpréter ce dernier. Les passages du REIR qui sont pertinents pour le présent appel sont ainsi rédigés [à la page 2591] :

La Commission entend que toute recette publicitaire, quelle qu’elle soit, fasse partie de l’assiette tarifaire. Comme il s’agit d’un marché en constante évolution, il semble préférable d’opter pour une définition de portée générale tout en surveillant la réaction à long terme dans ce marché.

La Commission désire par ailleurs exclure de l’assiette tarifaire les revenus qui, clairement, ne sont pas des recettes publicitaires. Le règlement y arrive en parlant, à l’article 1, de « contreparties… reçues… pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites », ce qui exclut a) les recettes d’abonnement, b) les recettes de production, et c) les recettes provenant de la fourniture de locaux ou de personnel à des fins de production.

Quant aux contreparties en nature, le paragraphe 2a), en prévoyant que les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande, permet de traiter équitablement de toutes les autres préoccupations formulées à cet égard.

L’article 1 et l’alinéa 2a) [paragraphes 2(1) et 2(2) du règlement] du règlement, lus ensembles, permettent au système d’exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre de contrats « clés en mains », en vertu desquels le système fournit des services de production autant que de publicité. [Je souligne.]

E. QUESTIONS EN LITIGE ET ANALYSE

[24] Il est acquis au débat qu’en tant que question de droit, l’interprétation du Règlement par le juge des requêtes est sujette à révision selon la norme de la décision correcte. Toute question de fait ou question mixte de fait et de droit tranchée par le juge n’est sujette à révision qu’en cas d’erreur manifeste et dominante.

Question 1 : Le paragraphe 2(1) du Règlement définissant les « recettes publicitaires » exclut-il les recettes que tirent les radiodiffuseurs de la production d’annonces qu’ils diffusent ensuite?

[25] Nul ne conteste que la redevance que les radiodiffuseurs d’enregistrements musicaux doivent payer à la SCGDV est fondée sur un pourcentage des « recettes publicitaires » des radiodiffuseurs. Il s’agit de déterminer en quoi consistent les « recettes publicitaires » lorsqu’un radiodiffuseur produit et diffuse une publicité. Cela dépend de la définition de « recettes publicitaires » figurant au Règlement. Le point de départ de cet exercice est le texte du paragraphe 2(1), qui, par souci de commodité, est reproduit à nouveau ci-dessous.

2. (1) Pour l’application du paragraphe 68.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, « recettes publicitaires » s’entend du total, net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité, des contreparties en argent, en biens ou en services, reçues par un système pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites.

[26] Il semble s’agir là d’une définition exhaustive des « recettes publicitaires », puisqu’elle vise le « total […] des contreparties en argent, en biens ou en services » [non souligné dans l’original] que reçoit un diffuseur. Cependant, ces paiements doivent être reçus « pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements ». L’argent, les biens ou les services que reçoit un diffuseur à d’autres fins que pour la publicité ne sont pas visés par la définition des « recettes publicitaires ». Cette interprétation de l’intention de la Commission est étayée par le REIR, qui précise [à la page 2591] :

La Commission désire par ailleurs exclure de l’assiette tarifaire les revenus qui, clairement, ne sont pas des recettes publicitaires. Le règlement y arrive en parlant, à l’article 1, de « contreparties… reçues… pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites », ce qui exclut [… ] b) les recettes de production […]

[27] Ainsi, les recettes d’un diffuseur qui sont attribuables à la prestation de services de production sont exclues de l’assiette tarifaire. D’ailleurs, comme l’indique clairement le REIR (à la page 2591), la Commission a expressément rejeté la position soutenue par les organisations de l’industrie au cours du processus consultatif, qui demandaient :

[…] l’inclusion de revenus découlant de la production de spots publicitaires ou provenant de la fourniture de locaux ou de personnel pour les fins de telles productions.

[28] Ainsi, les recettes de production sont clairement exclues du tarif si le diffuseur a créé et produit une annonce publicitaire pour un annonceur mais que, pour un motif quelconque, il ne l’a pas diffusée. Il pourrait également en être de même si le diffuseur produit et diffuse une publicité. Or, ce dernier cas est plus problématique parce qu’aucune des recettes touchées par un diffuseur à la suite de la diffusion d’une publicité n’est nécessairement attribuable à la production de la publicité. La qualification des recettes est une question largement factuelle qui doit être déterminée au procès.

[29] Ainsi, par exemple, la démonstration que les diffuseurs facturent aux annonceurs ou à leurs agents les mêmes droits de temps d’antenne, peu importe qu’en plus, ils produisent l’annonce, pourrait indiquer qu’ils ne tirent pas de recettes de production dans le cadre d’un contrat clés en mains. Inversement, si la juste valeur marchande du temps d’antenne que vend un diffuseur dans le cadre d’un contrat clés en mains est inférieure au montant facturé, l’on pourrait en déduire que la différence représente des recettes de production. Les modalités du contrat pourraient aussi être pertinentes à cet égard, bien que je constate que le dossier d’appel ne contient aucune copie de contrat clés en mains. En revanche, je serais porté à croire que la forme sous laquelle est établie la facture d’un diffuseur (c’est-à-dire, un montant unique ou deux montants distincts) ne serait probablement pas déterminante quant à la source des recettes.

[30] Comme je l’ai déjà indiqué, l’erreur du juge tient, soit dit en toute déférence, à ce qu’il a présumé que, puisqu’un diffuseur engageait des frais pour produire une annonce publicitaire, et évitait ainsi à l’annonceur de devoir engager des dépenses pour produire lui-même l’annonce ou la faire produire par une agence, le diffuseur tirait des recettes attribuables à la production, par opposition à des recettes publicitaires.

[31] En outre, si un diffuseur qui a fourni ses services dans le cadre d’un contrat clés en mains ne peut pas établir qu’il perçoit des recettes de production, le paragraphe 2(1) [du Règlement] ne l’autorise pas à réduire ses « recettes publicitaires » en déduisant les frais engagés pour produire une annonce publicitaire. Il en est ainsi parce que les « recettes publicitaires » s’entendent du total des contreparties reçues « net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité ». Puisqu’elle mentionne expressément deux types de frais qui peuvent être déduits des « recettes publicitaires », l’on ne peut pas considérer que la Commission a autorisé implicitement la déduction d’autres types de frais, y compris des frais de production.

[32] Le seul objectif législatif que le procureur de la SCGDV a dit être pertinent pour l’interprétation du paragraphe 2(1) du Règlement était la disposition du paragraphe 19(1) de la Loi sur le droit d’auteur selon laquelle les artistes-interprètes et les producteurs d’un enregistrement sonore d’œuvres musicales ont droit à une « rémunération équitable » pour la diffusion publique de ces enregistrements. Cela s’accorde avec l’objectif général de la Loi sur le droit d’auteur, à savoir établir un juste équilibre entre l’intérêt public qui consiste à encourager la diffusion d’œuvres et la rémunération équitable des créateurs de ces œuvres. Il s’ensuit, selon le procureur, que le paragraphe 2(1) ne devrait pas être interprété de manière à favoriser indûment les diffuseurs ou les titulaires de droits voisins.

[33] En outre, le procureur de la SCGDV a souligné, à titre de considération factuelle, le fait que le seul droit dont disposent les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores d’œuvres musicales relativement à la diffusion des enregistrements est le droit à une « rémunération équitable » prévu par la loi. Il a soutenu qu’il fallait donc donner au Règlement une interprétation libérale.

[34] À mon avis, l’objectif législatif consistant à assurer aux artistes-interprètes et aux producteurs d’enregistrements sonores une rémunération équitable est trop général pour pouvoir éclairer l’interprétation du paragraphe 2(1), et quoi qu’il en soit, aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir que l’interprétation que préconisent les diffuseurs n’entraînerait pas une rémunération « équitable ».

[35] Pour résumer, la définition de « recettes publicitaires » au paragraphe 2(1) ne vise pas les recettes de production. La question de savoir si un diffuseur qui a produit et diffusé une publicité dans le cadre d’un contrat clés en mains touche des recettes de production est une question de fait, qui doit être tranchée à la lumière de tous les éléments de preuve. La réponse à cette question ne peut pas être déduite du seul fait que le diffuseur a engagé des frais pour produire la publicité.

Question 2 : Le paragraphe 2(2) du Règlement autorise-t-il le diffuseur à exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre d’un contrat clés en mains?

[36] Encore une fois, par souci de commodité, je reproduis le texte de ce court paragraphe.

2. (1) […]

(2) Aux fins du calcul des recettes publicitaires, les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande.

[37] Selon les diffuseurs — et le juge des requêtes leur a donné raison sur ce point —, cette disposition s’applique non seulement aux biens et services que reçoivent les diffuseurs à titre de contrepartie en nature pour la diffusion d’une publicité, mais aussi aux biens et services que les diffuseurs fournissent aux annonceurs. Aussi soutiennent-ils qu’aux fins du calcul des « recettes publicitaires », la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre d’un contrat clés en mains peut être déduite. Cette interprétation est étayée par le REIR, qui prévoit [à la page 2591] :

L’article 1 et l’alinéa 2a) [paragraphes 2(1) et 2(2) du Règlement] du règlement, lus ensembles, permettent au système d’exclure de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis dans le cadre de contrats « clés en mains », en vertu desquels le système fournit des services de production autant que de publicité.

[38] Malgré cette preuve de l’intention de la Commission, le Règlement dans son libellé actuel ne peut pas être interprété comme une mise en œuvre de cette intention. À mon avis, soit dit avec déférence, le paragraphe 2(2) s’applique seulement aux biens et services que reçoit le diffuseur comme partie ou totalité de la contrepartie totale qui lui est versée pour la diffusion d’une publicité. Le paragraphe 2(2) empêche donc le diffuseur d’attribuer une valeur artificiellement basse à ces éléments afin de minimiser le montant des « recettes publicitaires » qu’il a perçues, et de réduire ainsi l’assiette à partir de laquelle est calculée la redevance fixée par la Commission. Trois raisons m’incitent à faire cette affirmation.

[39] Premièrement, le paragraphe 2(1) inclut expressément les biens et services dans la « contrepartie totale » payée en nature à un diffuseur pour la diffusion d’une publicité qui constitue des « recettes publicitaires ». Le paragraphe 2(2) traite d’un problème évident que le paragraphe 2(1) laisse en suspens, à savoir, la fixation de la valeur de ces biens et services. Deuxièmement, le paragraphe 2(2) ne dit pas que la juste valeur marchande des services de production d’un diffuseur peuvent être déduits des « recettes publicitaires » au sens du paragraphe 2(1). Il ne fait que prescrire le mode de fixation de leur valeur aux fins du calcul des recettes publicitaires.

[40] Troisièmement, et je l’ai déjà signalé, lorsqu’il définit les « recettes publicitaires », le paragraphe 2(1) autorise seulement à déduire de la contrepartie totale que reçoit un diffuseur pour une publicité les taxes et les commissions payées à des agences de publicité, et non les frais de production. Interpréter le paragraphe 2(2) comme autorisant le diffuseur qui a conclu un contrat clés en mains, mais qui est incapable de prouver qu’il touche des recettes de production, de déduire de ses recettes de publicité la juste valeur marchande de ses services de production permettrait dans les faits à un diffuseur de faire indirectement ce que le paragraphe ne lui permet pas de faire directement. Une telle interprétation serait, à mon avis, incompatible avec le libellé et la structure de l’article 2.

F. CONCLUSIONS

[41] Pour ces motifs, je ferais droit à l’appel, j’annulerais l’ordonnance du juge des requêtes, et je prononcerais le jugement déclaratoire suivant :

Le Règlement sur la définition de recettes publicitaires, DORS/98-447, autorise les radiodiffuseurs à exclure des « recettes publicitaires » à l’égard desquelles ils doivent payer des redevances en vertu du Tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998-2002 et du Tarif SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale 2003-2007 toutes les recettes qu’ils tirent de la production d’annonces publicitaires. Cependant, le simple fait que des radiodiffuseurs engagent des frais pour produire des annonces publicitaires dans le cadre de contrats clés en mains ou que leurs services aient une valeur pour des annonceurs ne prouve pas que les radiodiffuseurs touchent des recettes de production qui doivent être exclues des « recettes publicitaires ».

J’accorderais aux appelants leurs dépens devant notre Cour, mais aucuns dépens ne seront adjugés devant la Cour fédérale.

Le juge Nadon, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Pelletier, J.C.A. : Je suis d’accord.

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