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[2009] 2 R.C.F.    m.r.n. c. advantage credit union             185

T-673-08

2008 CF 853

Le ministre du Revenu national (demandeur)

c.

Advantage Credit Union (défenderesse)

Répertorié : M.R.N. c. Advantage Credit Union (C.F.)

Cour fédérale, juge Mandamin—Saskatoon, 26 mai; Ottawa, 9 juillet 2008.

                Impôt sur le revenu — Demande en vue de faire prononcer une ordonnance d’exécution enjoignant à Advantage Credit Union d’obtempérer à la demande péremptoire de renseignements délivrée en vertu de l’art. 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour obtenir la communication de documents bancaires concernant un contribuable contrevenant ainsi que d’autres titulaires de comptes — Il s’agissait de savoir si le ministre avait le droit de délivrer une demande péremptoire enjoignant à un tiers, soit Advantage Credit Union, de lui communiquer des renseignements concernant des personnes non désignées nommément sans d’abord obtenir une autorisation judiciaire — L’autorisation judiciaire est requise lorsque la demande péremptoire est délivrée pour vérifier si les personnes non désignées nommément ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu.

                Interprétation des lois — Interprétation des art. 231.2(2) et (3) de la Loi de l’impôt sur le revenu — L’art. 231.2(2) établit un lien entre les personnes non désignées nommément et l’autorisation judiciaire visée à l’art. 231.2(3) — Les personnes non désignées nommément à l’art. 231.2(2) sont les personnes, dont parle l’art. 231.2(3), desquelles la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si ces personnes ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu.

                Il s’agissait d’une demande présentée par le ministre en vue de faire prononcer une ordonnance d’exécution enjoignant à Advantage Credit Union (la Credit Union) d’obtempérer à sa demande péremptoire de renseignements, délivrée en vertu des alinéas 231.2(1)a) et b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi), qui tendait à obtenir la communication de documents bancaires concernant un contribuable contrevenant et d’autres titulaires de comptes. Le paragraphe 231.2(2) précise que le ministre ne peut exiger la fourniture de renseignements ou la production de documents concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe 231.2(3).

                 Il s’agissait de savoir si le ministre avait le droit de délivrer une demande péremptoire enjoignant à un tiers, soit la Credit Union, de lui communiquer des renseignements concernant des personnes non désignées nommément sans d’abord obtenir une autorisation judiciaire.

                Jugement : la demande doit être accueillie.

                La question porte sur l’interprétation du paragraphe 231.2(2) de la Loi. Le paragraphe 231.2(2) de la Loi établit clairement un lien entre « une ou plusieurs personnes non désignées nommément » et l’autorisation judiciaire visée au paragraphe 231.2(3). Cette personne ou ces « personnes non désignées nommément » que vise le paragraphe 231.2(2) sont les personnes, dont parle le paragraphe 231.2(3), desquelles « la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi ».

                Le ministre a déclaré dans sa preuve que ni la demande péremptoire ni les renseignements et documents exigés n’avaient pour objet de permettre de vérifier si quelque personne que ce soit non désignée nommément avait respecté quelque devoir ou obligation que ce soit prévu par la Loi. Ainsi, le paragraphe 231.2(2) de la Loi n’est pas d’application et la demande péremptoire considérée est valable. L’ordonnance d’exécution a donc été prononcée.

    lois et règlements cités

Credit Union Act, 1998 (The), S.S. 1998, ch. C-45.2, art. 33.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 231.2(1) (mod. par L.C. 2007, ch. 35, art. 63),(2), (3) (mod. par L.C. 1996, ch. 21, art. 58).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 128.

    jurisprudence citée

décisions appliquées :

Artistic Ideas Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 68; Ministre du Revenu national c. Morton, 2007 CF 503.

décision examinée :

M.R.N. c. Banque Toronto Dominion, 2004 DTC 6700; 2004 CAF 359.

                DEMANDE présentée en vue de faire prononcer une ordonnance d’exécution enjoignant à Advantage Credit Union d’obtempérer à une demande péremptoire de renseignements, délivrée en vertu des alinéas 231.2(1)a) et b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui tendait à obtenir la communication de documents bancaires concernant un contribuable contrevenant et d’autres titulaires de comptes. Demande accueillie.

    ont comparu :

Brooke Sittler pour le demandeur.

Chrystal L. Atchison pour la défenderesse.

    avocats inscrits au dossier :

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Olive Waller Zinkhan & Waller LLP, Regina, pour la défenderesse.

                Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1] Le juge Mandamin : Le ministre du Revenu national (le ministre) a signifié à Advantage Credit Union [la Credit Union] une demande péremptoire de renseignements (la demande péremptoire) qui tendait à obtenir la communication des documents bancaires en sa possession concernant un contribuable contrevenant, M. Marcel Simonot, ainsi que les documents bancaires relatifs à d’autres titulaires de comptes de cet établissement. Par suite de la ferme opposition de M. Simonot, la Credit Union a refusé de fournir les renseignements exigés. Le ministre a introduit la présente instance en vue de faire prononcer une ordonnance d’exécution enjoignant à la Credit Union d’obtempérer à la demande péremptoire.

La question en litige

[2] Le ministre a-t-il le droit de délivrer une demande péremptoire enjoignant à la Credit Union de lui communiquer des renseignements concernant des personnes non désignées nommément sans d’abord obtenir une autorisation judiciaire?

[3] Pour les motifs dont l’exposé suit, j’ai conclu que l’ordonnance d’exécution demandée doit être prononcée.

Le contexte

[4] Le ministre cherche à recouvrer la dette fiscale de M. Simonot, qui s’élève à plus de 1,3 million de dollars.

[5] La demande péremptoire désigne nommément les personnes suivantes liées au débiteur fiscal : Mme Albertine Simonot, MAS Consulting Inc., Big Al Investments Ltd. et Bodmin Farms. Tous sont titulaires de comptes à la Credit Union ou ont d’autres rapports d’affaires avec elle. Mme Albertine Simonot est la conjointe de M. Simonot. MAS Consulting Inc. est maintenant dénommée Marcel Simonot Consulting Inc., et M. Marcel Simonot est inscrit comme administrateur unique de cette entreprise au registre des sociétés de la Saskatchewan [Saskatchewan Corporate Registry]. Mme Albertine Simonot est inscrite au même registre comme administratrice et actionnaire uniques de Big Al Investments Ltd. Les sièges de ces deux sociétés ont la même adresse que le cabinet d’avocat de M. Simonot. Enfin, Bodmin Farms détenait à la Credit Union un compte qui était aussi au nom d’Albertine Simonot.

[6] Le ministre a signifié la demande péremptoire à la Credit Union le 29 mars 2007. Cet établissement était alors dénommé Northgate Credit Union. Ladite demande péremptoire, délivrée en vertu des alinéas 231.2(1)a) et b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, modifiée (la Loi), prescrivait à la Credit Union de produire les renseignements et les documents suivants relatifs à Marcel Simonot, Albertine Simonot, MAS Consulting Inc., Big Al Investments Ltd. et Bodmin Farms :

[traduction]

a)                             un état portant la totalité des inscriptions de tous les comptes de votre succursale qui, à votre connaissance, sont ou ont été exploités ou contrôlés par les personnes susnommées, pour elles ou en leur nom, qu’elles soient considérées individuellement ou collectivement, et de tous les comptes conjoints détenus par l’une quelconque de ces personnes et une autre ou d’autres, ainsi que la totalité des inscriptions de tous les autres comptes de votre succursale — notamment les comptes de prêts occasionnels, de gestionnaire, de frais divers et assimilés — qui, à votre connaissance, sont ou ont été liées aux affaires de ces personnes ou de l’une quelconque d’entre elles;

b)                             un état spécifiant le détail de toutes les opérations — notamment les prêts, les escomptes et l’affectation y afférente de biens en garantie, la location de coffres-forts, la garde de valeurs et les opérations sur titres — effectuées à votre succursale relativement aux personnes susnommées prises individuellement ou collectivement, que ce soit avec elles, pour elles ou en leur nom, et qu’elles aient agi conjointement ou non avec une autre ou d’autres personnes, et relativement de même à toute(s) personne(s) qui, à votre connaissance, agit (agissent) ou a (ont) agi pour les personnes susnommées ou l’une quelconque d’entre elles;

c)                             tous les documents — notamment les autorisations, les procurations, les ordres de virement postal ou télégraphique, les relevés de compte, les pièces justificatives, les lettres, les contrats, les lettres de crédit et les tableaux comptables — qui, à votre connaissance, sont ou ont été liés aux inscriptions ou aux opérations figurant sur les états visés aux alinéas a) et b) ci-dessus.

[7] La Credit Union a répondu au ministre le 17 mai 2007, l’avisant que M. Simonot s’opposait à la demande péremptoire et l’invitant à solliciter une autorisation judiciaire pour obtenir les renseignements recherchés. La Credit Union fondait son refus sur le fait que la communication des renseignements demandés aurait aussi pour effet de révéler des renseignements sur des personnes non désignées nommément. Il s’en est suivi un échange de lettres entre la Credit Union et le ministre. Finalement, la Credit Union a maintenu son refus de se conformer à la demande péremptoire.

[8] Ajoutons enfin que le ministre a produit un affidavit portant les déclarations suivantes, aux paragraphes 33 à 35 :

[traduction]

                Le ministre a délivré une demande péremptoire à des fins liées à l’application et à l’exécution de la Loi de l’impôt sur le revenu, notamment le recouvrement des impôts payables par Marcel Simonot sous le régime de cette loi.

                Le demandeur a besoin des renseignements en question pour établir si Marcel Simonot a fait, aux comptes d’Albertine Simonot, de MAS Consulting Inc. (maintenant dénommée Marcel Simonot Consulting Inc.), de Big Al Investments Ltd. et/ou de Bodmin Farms, un ou plusieurs virements de fonds qui pourraient faire l’objet de mesures de perception, lesquelles pourraient prendre la forme de l’établissement de cotisations à l’égard soit de l’ensemble, soit de l’un ou l’autre, des titulaires de ces comptes sous le régime de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

                La demande péremptoire n’a pas été délivrée aux fins de vérifier le respect par quelque personne que ce soit non désignée nommément de quelque devoir ou obligation que ce soit prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu. De même, les renseignements et les documents visés par la demande péremptoire ne sont pas exigés à ces fins.

Le ministre a-t-il le droit de délivrer une demande péremptoire enjoignant à la Credit Union de lui communiquer des renseignements concernant des personnes non désignées nommément sans d’abord obtenir une autorisation judiciaire?

[9] Voici le texte des dispositions applicables de la Loi [art. 231.2(1) (mod. par L.C. 2007, ch. 35, art. 63), (3) (mod. par L.C. 1996, ch. 21, art. 58)] :

                231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord général d’échange de renseignements fiscaux entre le Canada et un autre pays ou territoire qui est en vigueur et s’applique ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

                a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseigne- ment supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

                b) qu’elle produise des documents.

                (2) Le ministre ne peut exiger de quiconque — appelé « tiers » au présent article — la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

                (3) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d’une personne non désignée nommément — appelée « groupe » au présent article — s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

                a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

                b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi. [Non souligné dans l’original.]

[10]         La réponse à cette question dépend de l’interprétation du paragraphe 231.2(2) de la Loi. La Credit Union soutient que le ministre doit demander une ordonnance judiciaire avant de pouvoir exiger qu’elle se conforme à une demande péremptoire dont l’exécution aurait pour effet la communication de renseignements sur des personnes qui ne sont pas désignées nommément dans cette demande. Elle invoque à l’appui de cette prétention l’arrêt de la Cour d’appel fédérale M.R.N. c. Banque Toronto Dominion, 2004 DTC 6700 (Toronto Dominion).

[11]         La Credit Union reconnaît que le paragraphe 231.2(1) de la Loi confère au ministre le pouvoir de délivrer une demande péremptoire prescrivant la fourniture de renseignements ou la production de documents pour l’application ou l’exécution de ladite Loi. Elle fait cependant valoir que le paragraphe 231.2(2) interdit au ministre d’exiger d’un tiers, soit d’elle-même en l’occurrence, la fourniture de renseignements ou la production de documents concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément sans y être au préalable autorisé par un juge.

[12]         La Cour d’appel fédérale a examiné dans Toronto Dominion, précité, la question de la nécessité de demander une autorisation judiciaire pour obtenir d’un tiers des renseignements concernant des personnes non désignées nommément. Dans cette affaire, le ministre avait signifié à la Banque Toronto-Dominion une demande péremptoire de renseignements visant un compte déterminé sur lequel il avait des raisons de croire que le débiteur fiscal désigné nommément avait déposé un chèque d’un montant considérable. Or, ce compte appartenait à une personne non désignée nommément. La Cour d’appel fédérale a conclu que la Banque avait eu raison de ne pas communiquer les renseignements demandés. Le juge Décary a défini l’objet du paragraphe 231.2(2) comme étant la protection du tiers détenant les renseignements recherchés, qui était en l’occurrence la Banque Toronto-Dominion, ainsi que de la personne non désignée nommément et non visée par l’enquête, qui était dans ce cas le titulaire du compte sur lequel le chèque avait été déposé. Il formulait à ce propos les observations suivantes, au paragraphe 7 :

Le paragraphe 231.2(2) a pour but de protéger à la fois le tiers détenteur de l’information et la personne concernée. Le tiers voudra bien s’assurer, avant de remettre au ministre un renseignement (lequel, par surcroît, est ici confidentiel en vertu du paragraphe 244d) de la Loi sur les banques), qu’il a l’obligation légale de le faire. La personne concernée a droit à ce que sa vie privée soit respectée dans la mesure prévue par les lois. Et c’est précisément pour réaliser ce double objectif que le Parlement a circonscrit le pouvoir du ministre et contraint ce dernier à obtenir une autorisation judiciaire préalable, une fois remplies les conditions énumérées aux alinéas 231.2(3)a) et b).

[13]         La Credit Union rappelle que son activité est régie par des dispositions — soit celles de l’article 33 de The Credit Union Act, 1998, S.S. 1998, ch. C-45.2 — qui interdisent la communication de renseignements confidentiels relatifs aux clients, sauf disposition contraire de la même loi ou de toute autre loi applicable, ordonnance judiciaire ou autorisation du client concerné. Elle soutient que le raisonnement suivi par la Cour d’appel fédérale dans Toronto Dominion s’applique aux faits de la présente espèce.

[14]         Le ministre affirme de son côté que sa demande péremptoire est valable puisque les personnes non désignées nommément ne font pas elles-mêmes l’objet d’une enquête. Il invoque à l’appui de sa prétention un arrêt plus récent de la Cour d’appel fédérale : Artistic Ideas Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 68 (Artistic Ideas).

[15]         Dans Artistic Ideas, précité, la Cour d’appel fédérale a examiné encore une fois le paragraphe 231.2(2) de la Loi. Le contexte factuel était le suivant. Un marchand d’art exerçant son activité sous la dénomination d’Artistic Ideas organisait la vente d’œuvres à des personnes qui en faisaient ensuite le don à des organismes de bienfaisance enregistrés. Artistic Ideas était le tiers dans cette affaire, et le ministre enquêtait sur son obligation fiscale, mais voulait aussi établir de nouvelles cotisations à l’égard des donateurs. Les organismes de bienfaisance délivraient à ceux-ci, aux fins de déduction d’impôt, des reçus basés sur la valeur d’expertise des œuvres en question. Or, la valeur d’expertise dépassait le montant payé par les donateurs, de sorte que la déduction d’impôt se traduisait par un bénéfice net pour ces derniers. Le ministre a exigé d’Artistic Ideas la communication des noms des donateurs aussi bien que des organismes de bienfaisance. Artistic Ideas a refusé d’obtempérer, et le différend a été porté en justice. Le juge Rothstein (maintenant juge de la Cour suprême), parlant au nom de la Cour d’appel fédérale, a abordé la question sous un angle différent de l’approche suivie dans Toronto-Dominion, précité. Il a formulé les observations suivantes à l’appui de sa conclusion selon laquelle les noms des organismes de bienfaisance devaient être communiqués, mais pas ceux des donateurs, au paragraphe 11 :

Par contre, les paragraphes 231.2(2) et (3) ne s’appliquent pas si les personnes non désignées nommément ne font pas elles-mêmes l’objet d’une enquête. On peut supposer que leur nom est alors nécessaire seulement pour l’enquête effectuée par le ministre sur le tiers. Dans un tel cas, le tiers à qui est signifiée une demande de fourniture de renseignements et de production de documents en vertu du paragraphe 231.2(1) doit fournir tous les renseignements et documents pertinents, y compris le nom de personnes non désignées nommément, vu que le paragraphe 231.2(2) vise seulement les personnes non désignées nommément à l’égard desquelles le ministre peut obtenir l’autorisation d’un juge en vertu du paragraphe 231.2(3).

[16]         Le juge suppléant Strayer a récemment examiné ces deux arrêts de la Cour d’appel fédérale dans Ministre du Revenu national c. Morton, 2007 CF 503. Il a conclu que l’arrêt Artistic Ideas, précité, postérieur à l’arrêt Toronto Dominion, précité, rendait plus clairement compte de l’intention sous-jacente au paragraphe 231.2(2). Il a fait observer que l’arrêt Artistic Ideas, précité, avait établi une distinction très nette entre les organismes de bienfaisance, qui ne faisaient pas l’objet d’une enquête, et les donateurs, sur qui le ministre enquêtait et dont on n’était par conséquent pas tenu de produire les noms.

[17]         Je souscris à la conclusion du juge suppléant Strayer. Le paragraphe 231.2(2) établit clairement un lien entre « une ou plusieurs personnes non désignées nommément » et l’autorisation visée au paragraphe 231.2(3). Cette personne ou ces « personnes non désignées nommément » que vise le paragraphe 231.2(2) sont les personnes, dont parle le paragraphe 231.2(3), desquelles « la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi ». Je conclus que l’interprétation donnée du paragraphe 231.2(2) par la Cour d’appel fédérale dans Artistic Ideas, précité, est celle qu’il convient d’appliquer à la présente espèce.

[18]         Le ministre a déclaré dans sa preuve que ni la demande péremptoire ni les renseignements et documents exigés n’avaient pour objet de permettre de vérifier si quelque personne que ce soit non désignée nommément avait respecté quelque devoir ou obligation que ce soit prévu par la Loi. J’en conclus que le paragraphe 231.2(2) de la Loi n’est pas d’application et que la demande péremptoire considérée est valable. En conséquence, je prononcerai l’ordonnance d’exécution demandée.

[19]         La Credit Union voulait que notre Cour l’éclaire par la présente espèce sur la question en litige. Elle a reconnu que, si la demande péremptoire était déclarée valable, il convenait qu’une ordonnance d’exécution soit prononcée contre elle. Le ministre reconnaît de son côté que la Credit Union se trouvait dans une position difficile du fait de l’opposition de M. Simonot. Il demande en conséquence au titre des dépens un montant inférieur à la normale, que j’estime juste d’adjuger vu les faits.

ORDONNANCE

LA COUR STATUE COMME SUIT :

1. La défenderesse se conformera dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance à la demande péremptoire que le ministre lui a signifiée le 29 mars 2007 en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

2. Elle s’acquittera de cette obligation en communiquant les documents et les renseignements exigés à M. Jim Wytosky, fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada.

3. Le ministre est autorisé à signifier la présente ordonnance à la défenderesse par voie de signification à une personne physique sous le régime de l’article 128 des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)].

4. Il est adjugé au ministre des dépens au montant de 250 $.

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