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Référence :

AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 1301, [2009] 4 R.C.F. 243

T-1409-04

AstraZeneca Canada Inc. et Aktiebolaget Hässle (demanderesses)

c.

Apotex Inc. (défenderesse)

et

Apotex Inc. (demanderesse reconventionnelle)

c.

AstraZeneca Canada Inc., Aktiebolaget Hässle et AstraZeneca AB (défenderesses reconventionnelles)

Répertorié : AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc. (C.F.)

Cour fédérale, juge Hughes—Toronto, 19 et 21 novembre 2008.

Pratique — Communication de documents et interrogatoire préalable — Interrogatoire préalable — Appels de la décision du protonotaire visant l’obtention de réponses à des questions posées aux représentants des parties au cours d’un interrogatoire préalable — Examen et comparaison du système canadien de communication préalable par rapport à d’autres juridictions — Répercussions des Règles des Cours fédérales sur la communication préalable — La Cour doit fournir une protection contre les abus afin de veiller à ce qu’il y ait une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible (règle 3) — La « pertinence » doit être pondérée par rapport au degré de pertinence, au point auquel il est pénible d’obtenir une réponse, à la question de savoir si la réponse exige un fait, une opinion ou un point de droit — Le pouvoir discrétionnaire du protonotaire doit faire l’objet de retenue — Appel rejeté.

Il s’agissait d’appels à l’encontre des ordonnances d’un protonotaire visant l’obtention de réponses à des questions posées au cours d’un interrogatoire préalable.

Jugement : les appels doivent être rejetés.

Du fait qu’elle énonce les règles portant sur la communication préalable de documents, le paragraphe 222(2) des Règles des Cours fédérales a modifié le critère de la pertinence. Elle précise que pour l’application de la production, un document est pertinent si la partie entend l’invoquer ou si le document est susceptible d’être préjudiciable à sa cause ou d’appuyer la cause d’une autre partie. Il est clair que cette disposition visait à appliquer à l’égard de ce qui est pertinent un critère plus fortement axé sur la question en litige, et à éviter les affaires de « lancement d’une enquête » qui ont servi à étendre la communication préalable avec peu ou pas d’effet sur les points qui sont en fin de compte présentés au juge du procès. Dans l’arrêt Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., la Cour d’appel fédérale a statué que le paragraphe 222(2) a modifié le critère du lancement d’une enquête. Ce critère n’ouvre pas la voie à une communication préalable presque illimitée; il doit être justement démontré qu’il est raisonnable de supposer qu’un document contient des renseignements permettant directement ou indirectement à une partie de faire valoir ses arguments ou de réfuter ceux de l’autre partie. S’agissant de documents qui font partie de l’histoire ou du contexte, il faut veiller à mettre en balance ce qui doit être communiqué avec l’effet, le cas échéant, que le document peut avoir.

La règle 240 prévoit la portée de l’interrogatoire visant la communication préalable. Elle oblige la personne soumise à un interrogatoire préalable de répondre à toute question qui se rapporte à un fait allégué et non admis. La règle 242 énonce les motifs permettant de soulever une objection au sujet d’une question. La « pertinence » à elle seule n’est pas le seul critère applicable lorsqu’il s’agit de savoir si une réponse doit être donnée à une question posée lors d’un interrogatoire préalable. Si une question est dénudée de pertinence, il n’est pas nécessaire d’y répondre. Toutefois, si une question a un certain degré de pertinence, alors, si une objection est soulevée, la Cour doit examiner des facteurs consistant à savoir à quel point elle est pertinente, à quel point il est pénible d’obtenir une réponse, si la question exige un fait, une opinion ou les deux, et à quel point elle constitue un abus de procédure. Ainsi, même une question qui est pertinente est assujettie au pouvoir discrétionnaire du protonotaire ou du juge de refuser la question dans le cas où elle constitue un abus de procédure. La Cour doit fournir une protection contre les abus afin de veiller à ce qu’il y ait une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible (règle 3) et non qu’il y ait une communication préalable.

La décision discrétionnaire du protonotaire doit faire l’objet de retenue à l’égard de la question de savoir s’il est approprié qu’une réponse soit donnée à une question. Le caractère peu explicite des motifs ne justifie pas que la décision soit annulée ni que l’affaire soit tranchée à nouveau.

lois et règlements cités

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 3, 222(2), 240, 242.

Rules of Civil Procedure for the United States District Courts, à jour au 1er décembre 2007, en ligne : <http://www.uscourts.gov/rules/civil2007.pdf>, règle 30(b)(6).

jurisprudence citée

décisions appliqués :

Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 438; Apotex Inc. c. Bristol-Myers Squibb Co., 2007 CAF 379; Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459; Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd., 2005 CF 475.

décisions examinées :

Compagnie Financiere du Pacifique v. Peruvian Guano Company (1882), 11 Q.D.B. 55 (C.A.); Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2008 CAF 287; confirmant 2008 CF 281; confirmant 2007 CF 1195; Apotex Inc. c. Pharmascience Inc., 2004 CF 1198; conf. par 2005 CAF 144.

décisions citées :

Anchor Brewing Co. c. Sleeman Brewing & Malting Co., 2001 CFPI 1066.

doctrine citée

American College of Trial Lawyers. Interim Report on the Joint Project of the American College of Trial Lawyers Task Force on Discovery and the Institute for the Advancement of the American Legal System, 1er août 2008, en ligne : <http://www.actl.com/AM/Template.cfm?Section=Publications>.

Burdon, Michael. « An Experiment to Test the Attraction of Simplified Patent Litigation in England », U.K. Intellectual Property Lawyers’ Association, 20 octobre 2008.

Farley, James. « Efficient Court Administration and Commercial Court Litigation and Dispute Resolution », 1er décembre 2006.

Ferland, Denis. Document présenté à l’assemblée annuelle de l’Association du Barreau canadien, août 1995.

Woolf, Right Honourable Lord. Access to Justice: Interim Report to the Lord Chancellor on the Civil Justice System in England and Wales, juin 1995, en ligne : <http://www.dca.gov.uk/civil/interim/woolf.htm>.

APPELS à l’encontre des ordonnances du protonotaire visant l’obtention de réponses à des questions posées au cours d’un interrogatoire préalable. Appels rejetés.

ont comparu

Julie Rosenthal et Peter Kolla pour la défenderesse/ demanderesse reconventionnelle (la demanderesse en l’espèce).

Yoon Kang, Mark Biernacki et Andrew Evan Mandlsohn pour les demanderesses/défenderesses reconventionnelles (les défenderesses en l’espèce).

avocats inscrits au dossier

Goodmans LLP, Toronto, pour la défenderesse/ demanderesse reconventionnelle (la demanderesse en l’espèce).

Smart & Biggar, Toronto, pour les demanderesses/ défenderesses reconventionnelles (les défenderesses en l’espèce).

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1] Le juge Hughes : Les présents motifs traitent de deux requêtes présentées par voie d’appel d’une décision par laquelle le protonotaire a tranché des demandes visant l’obtention de réponses à des questions posées aux représentants des parties au cours d’un interrogatoire préalable. La défenderesse, demanderesse reconventionnelle, Apotex, est la partie requérante dans les deux requêtes, et les demanderesses, défenderesses reconventionnelles, appelées collectivement AstraZeneca, sont les intimées.

[2] Dans un appel, Apotex sollicite l’annulation de l’ordonnance par laquelle le protonotaire a enjoint au représentant d’Apotex, M. Sherman, de répondre à certaines questions. Dans l’autre appel, Apotex demande qu’il soit ordonné à M. Lovgren, le représentant d’AstraZeneca, de répondre à des questions pour lesquelles le protonotaire a déclaré dans son ordonnance qu’il n’était pas nécessaire de fournir des réponses.

[3] Pour les motifs ci‑après énoncés, je rejette les appels interjetés à l’égard des deux ordonnances, avec dépens en faveur d’AstraZeneca.

I. Communication préalable générale

[4] Le système canadien de communication préalable commun à la Cour fédérale et à d’autres cours supérieures au Canada est devenu un système que l’on observe seulement au Canada. Dans d’autres juridictions fondées sur le système anglais, comme au Royaume‑Uni et en Australie, il n’y a pas de communication préalable orale selon la forme que nous connaissons. De façon générale, ces autres juridictions permettent une certaine forme d’interrogatoires limités et de communication limitée de documents. Même la communication limitée selon la pratique en vigueur au Royaume‑Uni en matière de brevets a fait l’objet de critiques, ayant été qualifiée d’exagérément complexe et coûteuse dans une thèse avancée par Michael Burdon, un avocat du Royaume‑Uni plaidant en matière de brevets intitulée « An Experiment to Test the Attraction of Simplified Patent Litigation in England », proposée par l’association des avocats du Royaume‑Uni exerçant dans le domaine de la propriété intellectuelle (U.K. Intellectual Property Lawyers’ Association) en octobre 2008. M. Burdon suggère d’adopter un modèle allemand et néerlandais selon lequel les litiges complexes en matière de brevets sont tranchés sans communication préalable lors d’un procès qui ne dure qu’une journée.

[5] Aux États-Unis, la pratique dans le système judiciaire fédéral et dans les cours de justice de nombreux États consiste à exiger un accès étendu et général aux documents qu’une partie a en sa possession et une large gamme de dépositions préalables à l’instruction par des témoins potentiels. La communication préalable orale véritable, appelée la règle 30(b)(6) [des Rules of Civil Procedure for the United States District Courts, 1er décembre 2007] dans le système fédéral, est plutôt faite pour la forme. Cette pratique de production de documents et de dépositions couvrant un large éventail a fait l’objet de critiques sévères par l’American College of Trial Lawyers dans le rapport intérimaire du groupe de travail sur la communication préalable (Interim Report of the Task Force on Discovery) déposé le 1er août 2008 [Interim Report on the Joint Project of the American College of Trial Lawyers Task Force on Discovery and the Institute for the Advancement of the American Legal System]. L’aperçu du rapport intérimaire résumait quatre thèmes principaux à l’égard de cette question [aux pages 3 et 4] :

[traduction]

1. Bien que le système de justice en matière civile ne soit pas effondré, il a grand besoin d’être réparé. L’étude montre que le système ne fonctionne pas; il est trop lent et trop coûteux. Des causes dignes d’intérêt ne sont pas présentées parce que le coût associé à la poursuite de telles causes ne passe pas le test des coûts-avantages, et des causes qui sont moins dignes d’intérêt, en particulier de plus petites causes, font l’objet d’un règlement plutôt que de traîner en longueur parce que cela coûte trop cher de les débattre à la cour.

2. Le système de communication préalable est, en fait, effondré. La communication préalable coûte beaucoup trop cher et est devenue une fin en soi. Comme un défendeur a souligné : « Les règles de la communication préalable en particulier posent des difficultés d’ordre pratique en ce qu’elles font la promotion d’une communication préalable complète comme une valeur au‑dessus de presque tout ». La communication préalable faite par voie électronique en particulier a clairement besoin d’une sérieuse réforme. Elle a été décrite à maintes reprises comme un « imbroglio ». À l’égard de la communication préalable par voie électronique, un défendeur a déclaré : « Les nouvelles règles sont un cauchemar. Plus la cause est importante,  plus il y a d’abus et plus gros est le cauchemar ».

3. Les juges devraient dès le départ mener plus activement les litiges. Lorsque surviennent des abus, les juges sont perçus comme étant moins qu’efficaces dans l’application des règles. Selon un défendeur : « Les juges doivent gérer activement chaque cas dès le départ afin de limiter les coûts; rien d’autre ne fonctionnera ».

4. Les règles locales sont couramment décrites comme des « pièges pour des gens non avertis » et plusieurs pensent qu’elles devraient être abolies dans leur ensemble ou qu’elles devraient être uniformes.

[6] Au Canada, James Farley, c.r., auparavant juge à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, Rôle commercial, dans un exposé intitulé « Efficient Court Administration and Commercial Court Litigation and Dispute Resolution » présenté à une conférence judiciaire à Nassau, aux Bahamas, le 1er décembre 2006, a critiqué fortement ce qu’il a appelé la communication préalable sous forme d’« autopsie ». Ce type de communication préalable est devenu chose courante et se produit lorsque la communication préalable elle‑même devient l’objectif — en vue d’obtenir de l’autre partie le plus de renseignements possible même s’ils sont peu pertinents. On risque de perdre la perspective et de s’empêtrer dans la communication préalable, laquelle ne devrait être qu’un processus intermédiaire entre les actes de procédure et le procès, plutôt que de se concentrer sur l’obtention de ce qui est seulement nécessaire et pertinent pour le procès quant aux questions décrites dans les actes de procédures.

[7] La règle 3 des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] prévoit une base procédurale devant être suivie pour toutes questions, notamment la communication préalable :

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[8] Le professeur Denis Ferland, professeur de droit à l’Université Laval, à Québec, et membre du Comité des Règles de la Cour fédérale qui a rédigé la version de 1988 des Règles, a écrit un document qui a été présenté à l’assemblée annuelle de l’Association du Barreau canadien à Winnipeg en août 1995 :

En résumé, les nouvelles règles, respectant la spécificité de la Cour fédérale, des matières et de l’entendue territoriale de sa compétence, la coexistence de deux systèmes et traditions juridiques au Canada, et structurées dans un corpus plus cohérent, devront, dans les limites des lois habitantes actuelles, être modernes, souples et efficaces, aux fins :

- de favoriser une accessibilité accrue du justiciable à la Cour fédérale

- d’assurer la sanction des droits des parties à l’instance

- d’assurer le respect des droits procéduraux fondamentaux des parties et des tiers intervenants

- d’unifier ou, à défaut, d’harmoniser ou de simplifier certaines procédures

- de faciliter et d’accélérer le déroulement de l’instance

- de responsabiliser davantage les parties en les associant au processus du déroulement de l’instance ou au processus de règlement à l’amiable ou d’adjudication de leur litige

- de maximiser l’efficacité de l’appareil judiciaire, en termes de délai et de coût d’administration de la justice.

II. La communication préalable de documents

[9] Du fait qu’elles énoncent des règles portant sur la communication préalable de documents, les Règles des Cours fédérales ont modifié le critère applicable quant à ce qu’une partie est tenue de produire. Le critère antérieur avait été énoncé dans l’affaire britannique Compagnie Financiere du Pacifique v. Peruvian Guano Company (1892), 11 Q.B.D. 55 (C.A.) [à la page 63] [Peruvian Guano]. Le critère a été formulé de la façon suivante :

[traduction] Il me semble que se rapporte aux questions en litige tout document qui constituerait non seulement un élément de preuve sur un point donné, mais qui renfermerait, est-il raisonnable de supposer, des renseignements qui peuvent — et non qui doivent — permettre directement ou indirectement à la partie qui demande l’affidavit de prouver ses prétentions ou d’attaquer celles de son adversaire.

Lord Woolf a sévèrement critiqué ce critère au paragraphe 17 du chapitre 21 de son rapport intérimaire intitulé Access to Justice: Interim Report to the Lord Chancellor on the Civil Justice System in England and Wales :

[traduction] La décision Peruvian Guano a eu comme résultat de rendre essentiellement illimitée la gamme de documents potentiellement pertinents (et par conséquent susceptibles de communication préalable), que les parties et leurs avocats sont tenus d’examiner et d’énumérer, et que la partie adverse est tenue de lire, sachant que seule une poignée de tels documents aura une incidence sur l’issue de l’affaire. En ce sens, il s’agit d’un processus extrêmement inefficace, en particulier dans les causes plus importantes. Plus le processus est suivi consciencieusement, plus il est inefficace.

[10] Le paragraphe 222(2) des Règles des Cours fédérales a modifié la définition de ce qui est « pertinent » à l’égard d’un document aux fins de production. Il est rédigé comme suit :

222. (1) […]

(2) Pour l’application des règles 223 à 232 et 295, un document d’une partie est pertinent si la partie entend l’invoquer ou si le document est susceptible d’être préjudiciable à sa cause ou d’appuyer la cause d’une autre partie.

[11] Bien que certaines décisions de la Cour semblent ne pas avoir tenu compte de ce paragraphe ou l’avoir appliqué comme Peruvian Guano l’aurait fait, il est clair que cette disposition vise à appliquer à l’égard de ce qui est pertinent un critère plus fortement axé sur la question en litige, et à éviter les affaires de « lancement d’une enquête » qui ont servi à étendre la communication préalable avec peu ou pas d’effet sur les points qui sont en fin de compte présentés au juge du procès. Je cite de nouveau Lord Woolf qui, au paragraphe 22 du chapitre 21 de son rapport intérimaire, a regroupé les documents pouvant faire l’objet d’une communication préalable en quatre catégories. Les deux premières catégories sont visées par le paragraphe 222(2) des Règles des Cours fédérales, et la troisième vise ce qui en fait est examiné par la Cour d’appel fédérale dans Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2008 CAF 287 :

[traduction]

• Les documents des parties : il s’agit de documents sur lesquels une partie se fonde au soutien de sa position dans l’instance.

Les documents défavorables à la cause : il s’agit de documents qu’une partie connaît et qui dans une large mesure sont défavorables à sa cause ou appuient la cause d’une autre partie.

Les documents pertinents : il s’agit de documents qui sont pertinents quant aux questions en litige dans l’instance, mais qui ne font pas partie des catégories 1 ou 2 parce que de façon évidente ils n’appuient pas la cause de l’une ou l’autre des parties ou ne lui nuisent pas. Ils font partie de l’« histoire » ou du contexte. La catégorie inclut des documents qui, bien que pertinents, peuvent ne pas être essentiels pour qu’une décision juste soit rendue. Il est juste de dire que c’est cette catégorie qui produit de façon proportionnée le plus grand nombre de documents qui sont communiqués et qui ont le moins d’effet.

Les documents pour le lancement d’une enquête : il s’agit des documents mentionnés par le lord juge Brett dans l’affaire Peruvian Guano. [Soulignement ajouté.]

[12] Dans l’arrêt Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., la Cour d’appel fédérale a traité de la question de la production et de l’inspection de documents lors de la communication préalable dans un appel interjeté à l’égard d’une décision rendue par le juge Lemieux de la Cour fédérale [2008 CF 281], qui à son tour traitait d’un appel d’une ordonnance rendue par un protonotaire [2007 CF 1195]. Même si elle analysait le critère du « lancement d’une enquête », la Cour d’appel fédérale a clairement établi que le paragraphe 222(2) des Règles a modifié ce critère. Le critère du « lancement d’une enquête » n’ouvre pas la voie à une communication préalable presque illimitée; il doit être justement démontré qu’il est raisonnable de supposer qu’un document contient des renseignements permettant directement ou indirectement à une partie de faire valoir ses arguments ou de réfuter ceux de l’autre partie. Il s’agit de la troisième catégorie énoncée par lord Woolf, à laquelle on a précédemment renvoyé comme une partie de l’histoire ou du contexte; il faut veiller à mettre en balance ce qui doit être communiqué avec l’effet, le cas échéant, que le document peut avoir. J’ai reproduit ci‑après les paragraphes 56, 63 et 64 des motifs de la Cour d’appel fédérale :

Comme je l’ai indiqué auparavant, le juge Lemieux a conclu, correctement à mon avis, que la communication de documents dans un affidavit de documents relevait de la pertinence et non du pouvoir discrétionnaire. Pour arriver à cette conclusion, il s’est appuyé sur les motifs du juge McNair dans Reading and Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. et al. (1988), 24 C.P.R. (3rd) 66, où il a écrit, à la page 70 :

En ce qui concerne les documents qui doivent être produits, le critère est simplement celui de la pertinence. Le critère de la pertinence ne peut donner lieu à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. C’est par l’application de la loi et non dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire que l’on détermine quels documents les parties ont le droit de consulter. La question de savoir quel document se rapporte vraiment aux questions en litige est tranchée selon le principe suivant : il doit s’agir d’un document dont on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de la lancer dans une enquête qui pourra produire l’un ou l’autre de ces effets [jurisprudence omise].

[…]

Novopharm plaide que l’emploi du mot « démontrer » signifie qu’elle doit véritablement prouver qu’un document qui n’a pas été produit mènerait à des renseignements répondant au critère du « lancement d’une enquête ». Je ne puis souscrire à la position de Novopharm. À mon avis, les motifs de la protonotaire, lus dans leur ensemble, établissent clairement que la thèse de Novopharm est sans fondement. Il ressort clairement des motifs de la protonotaire qu’elle était d’avis que, s’il y avait une probabilité raisonnable, par opposition à une chance ténue, qu’un document dont on demande la production puisse mener à des renseignements pertinents au sens du paragraphe 222(2) des Règles, une ordonnance de production devait être prononcée.

De plus, la recherche à l’aveuglette mentionnée par la protonotaire au paragraphe 19 de ses motifs visait le cas où une partie était tenue de communiquer un document qui pourrait mener à un autre document qui pourrait ensuite mener à des renseignements utiles susceptibles d’être préjudiciables à sa cause ou d’appuyer la cause de l’autre partie. À mon avis, limiter le critère du « lancement d’une enquête » de cette manière est compatible avec le critère énoncé dans l’arrêt Peruvian Guano, précité, et appliqué par la Cour dans SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. Canada, [2002] 4 C.T.C. 93 (C.A.F.), où, au paragraphe 24 de ses motifs, la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour, a écrit :

[24] La portée et l’application des règles précitées dépendent du sens de ces mots : « qui portent sur toute question en litige entre les parties à l’appel » et « aux questions légitimes qui se rapportent à une question en litige ». Dans Compagnie Financière et Commerciale du Pacifique c. Peruvian Guano Company (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.), à propos du sens des mots [traduction] « un document qui a trait à tout point litigieux de l’action », à la page 63, le lord juge Brett dit ceci :

[traduction] À mon avis, un document a trait aux points litigieux de l’action non seulement lorsqu’il constitue une preuve à l’égard de ces points litigieux mais également lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements pouvant — et non devant — soit directement soit indirectement, permettre à la partie qui exige l’affidavit ou bien de plaider sa propre cause ou bien de nuire à celle de son adversaire. J’ai dit « soit directement soit indirectement » parce que, à mon avis, un document peut, à proprement parler, contenir des renseignements pouvant permettre à la partie qui exige l’affidavit soit de plaider sa propre cause soit de nuire à celle de son adversaire s’il s’agit d’un document susceptible de la lancer dans une enquête et d’entraîner l’une ou l’autre de ces conséquences. [Non souligné dans l’original.]

III. La communication préalable orale

[13] Lorsqu’il s’agit de l’interrogatoire visant la communication préalable, la règle 240 des Règles prévoit la portée d’un interrogatoire que l’on définit comme ce qui se rapporte à un fait allégué et non admis :

240. La personne soumise à un interrogatoire préalable répond, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui :

a) soit se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure déposé par la partie soumise à l’interrogatoire préalable ou par la partie qui interroge;

b) soit concerne le nom ou l’adresse d’une personne, autre qu’un témoin expert, dont il est raisonnable de croire qu’elle a une connaissance d’une question en litige dans l’action.

[14] Dans la décision Apotex Inc. c. Pharmascience Inc., 2004 CF 1198, M. le juge Blais, alors juge à la Cour fédérale, a présenté un résumé de ce qui serait considéré comme se rapportant à un interrogatoire préalable. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale (2005 CAF 144) dans de brefs motifs. Au paragraphe 19 de sa décision, le juge Blais a déclaré ce qui suit (en résumé) :

•    Un avis d’expert ne peut faire l’objet d’un interrogatoire préalable.

•    Les témoins n’ont pas à témoigner sur des questions de droit.

•    Les interrogatoires préalables doivent viser à obtenir des réponses portant sur des faits, non sur le droit ou des arguments.

•    La question « “sur quels faits vous appuyez-vous à l’alinéa x de votre acte de procédure?” » est toujours inopportune.

[15] La règle 242 permet à une personne de soulever une objection si, par exemple, une question pouvant se rapporter à des faits est déraisonnable ou inutile ou s’il serait trop onéreux de se renseigner à ce sujet :

242. (1) Une personne peut soulever une objection au sujet de toute question posée lors d’un interrogatoire préalable au motif que, selon le cas :

a) la réponse est protégée par un privilège de non-divulgation;

b) la question ne se rapporte pas à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure déposé par la partie soumise à l’interrogatoire ou par la partie qui l’interroge;

c) la question est déraisonnable ou inutile;

d) il serait trop onéreux de se renseigner auprès d’une personne visée à la règle 241.

[16] La « pertinence » à elle seule n’est pas le critère applicable lorsqu’il s’agit de savoir si une réponse doit être donnée à une question posée lors d’un interrogatoire préalable. Évidemment, si une question est dénuée de pertinence, il n’est pas nécessaire d’y répondre. Toutefois, lorsqu’une question a un certain degré de pertinence, alors, si une objection est soulevée, la Cour doit examiner des facteurs consistant à savoir à quel point elle est pertinente, à quel point il est pénible d’obtenir une réponse, à quel point la question est juste, à quel point elle constitue un abus de procédure, et ainsi de suite. Le juge Strayer, alors qu’il était juge à la Cour d’appel fédérale, a écrit dans l’arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 438, au paragraphe 13 :

Toute personne qui est partie à une action civile a le droit de formuler en interrogatoire préalable toute question pertinente à l’égard de l’objet du litige : il s’agit d’une question de justice à l’endroit de cette personne, naturellement assujettie au pouvoir discrétionnaire du protonotaire ou du juge de refuser la question dans le cas où elle constitue un abus de procédure pour l’une des raisons mentionnées ci-dessus.

[17] La Cour d’appel fédérale a de nouveau examiné l’étendue de la « pertinence » dans le contexte de l’interrogatoire préalable dans l’arrêt Apotex Inc. c. Bristol-Myers Squibb Co., 2007 CAF 379. Dans cet arrêt, la juge Sharlow, au nom de la Cour, a considéré que la « pertinence » incluait non seulement ce qui servira à démontrer ou à contredire le bien‑fondé de la cause de l’une ou l’autre des parties, et a examiné le critère du « lancement d’une enquête », qui selon ce qu’elle a déclaré était toujours assujetti au « pouvoir discrétionnaire d’un protonotaire ou d’un juge de contrôler les abus dans la procédure de communication préalable ». Aux paragraphes 30, 31 et 35, la juge Sharlow a écrit ce qui suit :

Pour déterminer si une question particulière posée lors de l’interrogatoire préalable de M. Ryan est appropriée, il faut déterminer si on peut raisonnablement conclure que la réponse à cette question pourrait inspirer à Apotex des recherches qui pourraient favoriser sa cause ou anéantir celle de BMS : Apotex c. Canada, 2005 CAF 217. Par exemple, Apotex a le droit de poser toute question qui pourrait lui permettre de soutirer à BMS un aveu au sujet d’un fait pertinent ou d’obtenir des renseignements à relativement des documents qui n’ont pas été communiqués mais qui satisfont au critère de pertinence aux fins de la communication préalable à l’instruction, ainsi qu’il a été indiqué dans l’ordonnance plus détaillée et plus précise, sous réserve toujours du pouvoir discrétionnaire d’un protonotaire ou d’un juge de contrôler les abus dans la procédure de communication préalable.

Pour déterminer s’il est satisfait au critère de pertinence dans un cas donné, il convient d’examiner l’allégation que la partie qui procède à l’interrogatoire tente d’établir ou de réfuter. En l’espèce, Apotex tente de faire valoir son allégation d’inutilité (reposant sur son interprétation de ce que promet le brevet 436, ainsi qu’il a été expliqué plus haut) ou d’anéantir la thèse de BMS qui nie l’allégation d’inutilité.

[…]

Pour déterminer quelles sont les questions pertinentes et celles qui ne le sont pas, il convient d’examiner le contexte factuel et procédural de l’affaire, en tenant compte des principes juridiques applicables. La décision rendue en première instance par un juge ou un protonotaire sera maintenue si elle est raisonnable, à moins qu’elle soit fondée sur une erreur de droit.

[18] Ainsi, le fait de simplement dire qu’une question est « pertinente » ne signifie pas que l’on doive inévitablement y répondre. La Cour doit fournir une protection contre les abus afin de veiller à ce qu’il y ait une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique que possible (la règle 3) et non qu’il y ait une communication préalable. La pertinence doit être évaluée en fonction des questions comme, entre autres, le degré de pertinence, le point de savoir s’il est onéreux de fournir une réponse, le point de savoir si la réponse exige un fait, une opinion ou un point de droit, et ainsi de suite.

IV. La norme de contrôle applicable à une ordonnance du protonotaire portant sur la communication préalable

[19] Les protonotaires de la Cour sont accablés, dans une large mesure, de requêtes sollicitant qu’il soit ordonné que des réponses soient données à des questions posées lors d’interrogatoires préalables. Il arrive souvent que des centaines de questions doivent être examinées. Des heures et souvent des jours sont passés à traiter de telles requêtes. Il semble que, dans de nombreux cas, les parties et les avocats ont perdu de vue le véritable objet de la communication préalable, laquelle vise à obtenir ce dont une partie a vraiment besoin pour le procès. Ils ne devraient pas se livrer à la communication préalable sous forme d’« autopsie » ni la considérer comme une fin en soi.

[20] Une décision rendue par un protonotaire à la suite de ce processus ardu ne doit être pas modifiée à moins qu’une erreur ait clairement été commise quant au droit ou aux faits applicables, ou que le point soit déterminant quant à l’issue du procès. Dans les cas où un protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire, comme l’appréciation de la pertinence en fonction du caractère onéreux, la décision rendue par suite de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être modifiée. Le processus n’est pas sans fin. Les parties devraient arriver au procès de manière expéditive.

[21] Dans l’arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 FCA 488, [2004] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 19, la Cour d’appel fédérale a reformulé comme suit la norme de contrôle s’appliquant de façon générale aux décisions rendues par un protonotaire :

Afin d’éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu’il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l’occasion pour renverser l’ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d’abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l’issue de l’affaire. Ce n’est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées. J’énoncerais le critère comme suit : « Le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants : a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. »

[22] Le juge Strayer, devenu par la suite juge suppléant de la Cour, a traité en particulier d’appels de décisions rendues par un protonotaire par lesquelles sont exigées des réponses lors d’interrogatoires préalables, et de la question de la « pertinence ». Il a souligné que la pertinence à elle seule ne permet pas de décider si une réponse doit être donnée, qu’il y a d’autres points à prendre en compte et qu’une retenue doit être exercée quant à une décision d’un protonotaire à cet égard. Dans la décision Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd., 2005 CF 475, au paragraphe 4, il a écrit ce qui suit :

Les parties font valoir que plusieurs des décisions du protonotaire sont fondées sur la pertinence et que la pertinence n’est pas une question discrétionnaire. Ils affirment que la pertinence est une question d’ordre juridique et non une question où le protonotaire détient un pouvoir discrétionnaire : je suis donc libre de décider des questions de pertinence de novo. Bien que la jurisprudence soit rare à ce sujet, je suis convaincu qu’il est plus conforme au rôle envisagé par le législateur pour les protonotaires, de faire preuve de retenue à l’égard de leurs décisions au sujet des questions de pertinence tout comme on le ferait à propos d’autres questions préalables à un procès. Comme l’a déclaré le juge Décary dans l’arrêt Merck, précité, au paragraphe 22 :

À mon avis, on ne saurait raisonnablement dire qu’est compatible avec l’objectif de la loi, la norme de révision qui soumet toutes les décisions de protonotaire attaquées à l’instruction de novo quelles que soient les questions concernées et peu importe si ces décisions statuent au fond sur les droits des parties. Pareille norme n’économise ni les ressources judiciaires ni le temps des juges. Dans chaque cas, elle obligerait le juge des requêtes à reprendre l’affaire depuis le début. En outre, elle réduirait la fonction de protonotaire à un rôle d’« étape » préliminaire sur le chemin de la procédure qui mène au juge des requêtes. Je ne pense pas que ce soit là le résultat voulu par le législateur.

Je suis respectueusement d’accord avec le juge Wetston dans l’affaire Hayden Manufacturing Co. c. Canplas Industries Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 17, qui a déclaré ce qui suit au moment de considérer si la décision rendue par un protonotaire relativement à des questions de pertinence était discrétionnaire :

Je conviens que la pertinence est le critère à appliquer, mais je ne crois pas que l’ordonnance soit discrétionnaire au sens où la Cour doit se demander si le protonotaire a commis une erreur de droit qui l’a empêché d’exercer son pouvoir discrétionnaire en bonne et due forme. Si tel était le cas, la Cour devrait exercer son propre pouvoir discrétionnaire de novo. En d’autres termes, même dans le cas où j’aurais rendu une ordonnance différente, à moins que le protonotaire n’ait commis d’erreur de la façon décrite ci-dessus, la Cour en l’espèce ne devrait pas intervenir. Par conséquent, je suis d’avis que l’ordonnance que le protonotaire adjoint a rendue en l’espèce est à la fois interlocutoire et discrétionnaire.

[23] Le droit établit dans quels cas une question est pertinente; un pouvoir discrétionnaire peut être exercé quant à savoir, néanmoins, s’il est approprié d’ordonner ou de ne pas ordonner qu’une réponse soit donnée à une question. L’ordonnance d’un protonotaire doit faire l’objet de retenue à cet égard.

V. Les questions précises en litige

A. Questions posées à Apotex (M. Sherman)

[24] Apotex s’oppose à deux groupes de questions posées par les avocats d’AstraZeneca aux représentant d’Apotex, M. Sherman. Le premier porte sur l’énumération des pays dans lesquels Apotex a exporté ses produits en litige. Le deuxième traite de renseignements se rapportant à certaines caractéristiques des produits d’Apotex.

[25] Le protonotaire a ordonné de répondre à ces groupes de questions et a énoncé des motifs très peu explicites. Compte tenu du grand nombre de questions à traiter, la seule façon pratique de trancher des questions portant sur le point de savoir si des réponses doivent être fournies était d’énoncer des motifs peu explicites. Le caractère peu explicite de ces motifs ne justifie pas que la décision soit annulée ni que l’affaire soit tranchée à nouveau (Anchor Brewing Co. c. Sleeman Brewing & Malting Co., 2001 CFPI 1066, au paragraphe 31).

[26] Le premier groupe consiste en une question seulement, soit la question 48. Par cette question, on demande à Apotex d’énumérer les pays dans lesquels elle exporte les produits en litige. L’avocat d’Apotex soutient que la transcription montre qu’Apotex fabrique une seule sorte de produits et, puisque le procès a deux volets, il n’y a pas lieu d’énumérer ces pays pour le moment. L’avocat d’AstraZeneca souligne que, lors de l’interrogatoire préalable, Apotex a tergiversé sur la question de savoir combien de différentes sortes de produits elle fabriquait ou elle fabriquerait à l’avenir. Compte tenu de l’état de la transcription de l’interrogatoire préalable, le protonotaire n’a pas commis une erreur lorsqu’il a ordonné qu’une réponse soit donnée à la question. Je rappelle à l’avocat d’AstraZeneca, comme je l’ai fait lors de l’audience, qu’il existe un engagement implicite faisant en sorte que les réponses ne doivent être utilisées que dans le cadre de la présente action seulement et non autrement.

[27] Le deuxième groupe est constitué des questions 88 et 219. Ces questions se rapportent à des renseignements qu’Apotex détient quant à la stabilité, à la décoloration et à la résistance de l’acide gastrique de ses propres produits. L’avocat d’AstraZeneca affirme que de tels renseignements seront utiles pour réfuter certaines allégations d’Apotex à l’égard de l’inutilité. L’avocat d’Apotex affirme que l’argumentation d’Apotex sur l’inutilité, lorsqu’elle est examinée en détail, évite habilement l’obligation de poser des questions quant aux propres produits d’Apotex. Le protonotaire a eu raison de ne pas faire de distinctions tranchantes à ce moment et d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour ordonner que des réponses soient données à ces questions.

[28] Je n’interviendrai pas à l’égard de la décision rendue par le protonotaire quant aux questions posées à Apotex.

B. Questions posées à AstraZeneca (M. Lovgren)

[29] Apotex conteste le refus du protonotaire d’ordonner au représentant d’AstraZeneca, M. Lovgren, de répondre à certaines questions. Ces questions sont divisées en quatre groupes. Le premier groupe est décrit comme traitant du paragraphe 62 de la défense et demande reconventionnelle d’Apotex qui traite de la question de savoir si les inventeurs d’AstraZeneca étaient au courant des bioéquivalences de certaines formulations contenant des composés de réaction alcaline insolubles dans l’eau. Le deuxième traite de sous-enrobage in situ. Le troisième traite des tests effectués par un employé d’AstraZeneca sur un produit d’Apotex, comme l’énonce un affidavit de cet employé déposé dans d’autres instances. Le quatrième groupe traite des formulations et des tests selon ce qui est décrit dans la divulgation préalable des brevets en litige.

[30] De nouveau, l’avocat d’Apotex a reconnu lors de l’audience que ces questions ne sont pas des questions déterminantes pour l’issue du procès.

[31] Le premier groupe est décrit comme les questions 27 à 29 compilées par les parties afin que le protonotaire les examine. Ces questions traitent des connaissances de M. Lovgren en matière de bioéquivalence de certains composés qu’il a pu utiliser et comportent des analyses sur la solubilité de ces composés et d’autres composés. Le protonotaire a déclaré dans son ordonnance qu’il n’était pas nécessaire que des réponses soient données à ces questions : la première parce qu’on y avait répondu et qu’elle était trop large; la deuxième parce que le témoin a déclaré qu’il ne pouvait pas répondre et qu’elle était trop large; et la troisième parce qu’on y avait répondu et qu’elle ne portait pas sur ce que le témoin savait, mais sur une affirmation d’Apotex.

[32] Après avoir lu dans la transcription le contexte dans lequel les questions ont été posées et les réponses par ailleurs données, je n’interviendrai pas quant au pouvoir discrétionnaire exercé par le protonotaire lorsqu’il a déclaré dans son ordonnance qu’il n’était pas nécessaire que des réponses soient données à ces questions précises.

[33] Le deuxième groupe comprend ce qui a été décrit comme les questions 127 et 128. Ce groupe traite des renseignements et des documents qu’AstraZeneca peut avoir à l’égard de certaines propriétés de ce qu’on appelle les sous-enrobages in situ et de la façon selon laquelle les décrire. Le protonotaire a déclaré dans son ordonnance qu’il n’était pas nécessaire de donner des réponses à ces questions; que la question 127 n’était pas pertinente quant à l’argumentation et qu’il ne s’agissait pas d’une question juste; et que la question 128 n’était pas pertinente et visait le paragraphe 203 de la défense d’Apotex, non le paragraphe 40 comme le soutenait l’avocat d’Apotex dans la requête.

[34] Après avoir lu les portions pertinentes de la transcription, le tableau des questions préparé pour le protonotaire puis la défense d’Apotex, je souscris à la décision du protonotaire. La question 127 qui est formulée n’est pas pertinente. Les questions 127 et 128 visent en fait le paragraphe 203 de la défense lorsqu’on en fait la lecture selon le contexte. Une mention en passant au paragraphe 40 dans une question antérieure incorporée par référence ne modifie pas le véritable contexte de ces questions.

[35] Le troisième groupe comprend les questions 194 et 196 à 198 et traite de points portant sur ce que savaient AstraZeneca et son employé, M. Nicolas, quant à certains tests mentionnés dans un affidavit de M. Nicolas déposé par AstraZeneca dans une autre instance. Bizarrement, AstraZeneca a choisi d’inclure cet affidavit dans les documents qu’elle a produits dans la présente action. Apparemment, on n’a pas demandé à AstraZeneca à quoi servirait l’affidavit dans la présente action, et son avocat n’a pas fourni à la Cour d’éclaircissements à cet égard lorsque la question lui a été posée lors de l’audience. Dans la mesure où le protonotaire a pu se fonder sur de la jurisprudence portant sur la propriété des questions visant des rapports d’experts qui peuvent être utilisés lors d’un procès, il a pu être un peu trompé, mais une fois de plus, par suite de l’examen de la transcription et de réponses à d’autres questions, notamment à une demande de production des données suffisamment large pour englober des données qui seraient visées par les demandes faites à l’égard de l’affidavit de M. Nicolas, il n’y a pas lieu que j’intervienne quant à l’ordonnance rendue par le protonotaire à cet égard.

[36] Le quatrième groupe consiste en une série de questions, dont certaines ont été retirées de la demande de l’avocat d’Apotex au cours de l’argumentation orale. Les questions restantes dans le quatrième groupe de questions posées par Apotex sont celles portant les numéros 425, 429, 430, 432, 437 à 439, 441, 446 à 448, 450, 451, 455, 458, 459, 465, 466, 470, 471, 479, 485, 487, 567 et 579. L’avocat d’Apotex débat de ces questions en vue d’obtenir des renseignements quant à ce qui est énoncé dans la description des brevets en litige portant sur certaines observations faites par Apotex à l’égard de la validité.

[37] Après avoir examiné le contexte des questions comme elles ont été posées et après avoir entendu les observations de l’avocat d’Apotex, je ne suis pas convaincu que le protonotaire a eu tort de déclarer dans son ordonnance qu’il n’était pas nécessaire de répondre à ces questions. Les questions n’ont pas un lien clair avec l’argumentation d’Apotex, malgré les efforts déployés par l’avocat d’Apotex, après coup, pour en débattre autrement. Je ne modifierai pas l’ordonnance du protonotaire à cet égard.

[38] Je n’interviendrai pas quant à la décision du protonotaire portant sur l’un ou l’autre de ces groupes de questions.

VI. Les dépens

[39] Quant aux dépens, AstraZeneca a eu gain de cause à l’égard de ces requêtes et par conséquent j’adjugerai des dépens à AstraZeneca.

ORDONNANCE

Pour les motifs précédemment énoncés :

LA COUR ORDONNE :

1. Les deux appels présentés par Apotex Inc. à l’égard de l’ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière en date du 15 juillet 2008 sont rejetés.

2. Des dépens sont adjugés à AstraZeneca.

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