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[2011] 2 R.C.F. 173

T-826-08

2010 CF 139

Ronnie Louis Bozzer (demandeur)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada (représentée par le ministre du Revenu national à titre de ministre responsable de la Loi de l’impôt sur le revenu) et l’Agence du revenu du Canada et le procureur général du Canada (défendeurs)

Répertorié : Bozzer c. Canada (Revenu national)

Cour fédérale, juge Shore—Vancouver, 2 février; Ottawa, 11 février 2010.

* Note de l’arrêtiste : Cette décision a été infirmée en appel (A-97-10, 2011 CAF 186). Les motifs du jugement, prononcés le 2 juin 2011, seront publiés dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Impôt sur le revenu — Pénalités et intérêts — Demande de contrôle judiciaire de la décision de l’Agence du revenu du Canada rejetant la requête présentée en vue d’obtenir une renonciation aux intérêts en vertu de l’art. 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu au motif que le pouvoir discrétionnaire du ministre du Revenu national est limité aux dix années qui suivent l’année de cotisation — Il s’agissait de savoir si l’expression « année d’imposition » : 1) ne réfère qu’à une année de cotisation en particulier ou à un délai durant lequel des intérêts courent sur une dette fiscale impayée; 2) signifie dix ans après l’année d’imposition dans laquelle la dette fiscale a pris naissance ou dix ans après l’année d’imposition dans laquelle des intérêts ont couru sur une dette fiscale — Dans l’affaire Montgomery (G.) c. Canada, la Cour a interprété l’expression « année d’imposition » comme étant une année civile ou un exercice — L’art. 220(3.1) a ensuite été modifié par l’ajout de l’expression « année d’imposition » — Il s’agissait de savoir si le libellé de l’art. 220(3.1) change l’interprétation de l’expression — L’expression « année d’imposition » a une définition précise et concrète selon la Loi de l’impôt sur le revenu — Elle fait référence à l’année d’évaluation individuelle à l’art. 161(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu — La référence à l’exercice d’une société de personnes à l’art. 220(3.1) fait état de l’intention du législateur de référer à la période de cotisation à l’art. 220(3.1) — La définition attribuée à l’expression « année d’imposition » dans l’affaire Montgomery continue d’être l’interprétation exacte — La Cour souscrit à la décision rendue dans l’arrêt Telfer c. Canada (Agence du revenu) selon laquelle le délai dont il est question à l’art. 220(3.1) concerne les dix années suivant l’année d’imposition applicable — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’Agence du revenu du Canada a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir une renonciation aux intérêts en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu au motif que le pouvoir discrétionnaire du ministre du Revenu national est limité aux dix années qui suivent l’année de cotisation applicable.

Le demandeur affirmait notamment que le paragraphe 220(3.1) est ambigu en ce qui concerne le délai de prescription, que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de renoncer à des intérêts quelle que soit la date de la dette fiscale initiale qui a donné lieu à ces intérêts, et que la référence faite à cette « année d’imposition » au paragraphe 220(3.1) ne peut se rapporter à l’année de l’imposition de la cotisation initiale.

La question à trancher était celle de savoir si l’expression « année d’imposition » 1) ne fait référence qu’à une année de cotisation en particulier ou s’il s’agit plutôt d’un délai durant lequel des intérêts courent sur une dette fiscale impayée et 2) signifie dix ans après l’année d’imposition dans laquelle la dette fiscale a pris naissance ou dix ans après une année d’imposition dans laquelle des intérêts ont couru sur une dette fiscale.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Dans l’arrêt Montgomery (G.) c. Canada, la Cour a interprété l’expression « année d’imposition » comme référant à une année civile ou à un exercice financier à l’égard duquel de l’impôt est calculé. À la suite de cette décision, une modification a été apportée à la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’ajouter l’expression « année d’imposition » au paragraphe 220(3.1). Par conséquent, la question à trancher était celle de savoir si le libellé du paragraphe 220(3.1) a changé l’interprétation de l’expression « année d’imposition ». Toute analyse du sens de l’expression « année d’imposition » doit inclure un examen de son emploi dans le régime législatif tout entier. Une lecture de la Loi de l’impôt sur le revenu révèle que l’expression « année d’imposition » a une définition précise et concrète. Dans le contexte de l’imposition d’intérêts sur une dette fiscale impayée, l’expression « année d’imposition » employée dans le paragraphe 161(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu désigne une année d’évaluation individuelle. Il est aussi notable que le paragraphe 220(3.1) fait mention de l’année d’imposition, puis, de l’exercice d’une société de personnes. La référence faite à l’exercice d’une société de personnes dénote que le législateur envisageait que le paragraphe 220(3.1) fasse référence à la période de cotisation; sans cela il n’aurait pas fait ainsi référence à la période de cotisation particulière des sociétés de personnes. La définition de l’expression « année d’imposition » dans l’affaire Montgomery continue d’être l’interprétation exacte dans le contexte des dispositions d’allègement visant les contribuables. La Cour souscrivait également à la décision rendue dans l’arrêt Telfer c. Canada (Agence du revenu) selon laquelle le délai dont il est question au paragraphe 220(3.1) concerne les dix années civiles qui suivent l’année d’imposition applicable, c’est-à-dire l’année de cotisation. L’interprétation qu’a fait le demandeur du paragraphe 220(3.1) réduirait l’expression « année d’imposition » à une simple démarcation de temps.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 3, 96, 150(1) (mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63), 161(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 96; 1997, ch. 25, art. 50), 220(3.1) (édicté par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 181; 2005, ch. 19, art. 48), 248(11) (mod. par L.C. 2000, ch. 19, art. 67), 249(1) « année d’imposition » (mod. par L.C. 2007, ch. 29, art. 29).

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 220(3.1) (édicté par L.C. 1991, ch. 49, art. 181; 1993, ch. 24, art. 127).

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 45(4).

Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu, la Loi sur la cession du droit au remboursement en matière d’impôt, la Loi sur l’assurance-chômage et certaines lois connexes, L.C. 1993, ch. 24, art. 127(5).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(4) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Montgomery (G.) c. Canada, [1994] A.C.F. no 624 (1re inst.), conf. par [1995] A.C.F. no 44 (C.A.); Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2008 CF 218, infirmée par 2009 CAF 23.

décisions examinées :

Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, (1994), 95 DTC 5091; Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385.

décisions citées :

Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695; Friesen c. Canada, [1993] 3 R.C.S. 103; Inland Revenue Comrs. v. Ross and Coulter, etc., [1948] 1 All E.R. 616 (H.L.); Tedford c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1334; Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Nicholls c. Canada (Agence du revenu), 2010 CAF 30.

DOCTRINE CITÉE

Agence du revenu du Canada. Circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu, no IC07-1, « Dispositions d’allègement pour les contribuables » (31 mai 2007), en ligne : <http://www.cra-arc.gc.ca/F/pub/tp/ic07-1/ic07-1-f.pdf>.

Practitioner’s Income Tax Act, 33e éd., publié sous la direction de David M. Sherman. Toronto : Thomson Carswell, avril 2008.

Sullivan, Ruth. Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. Markham, Ont. : Butterworths, 2002.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’Agence du revenu du Canada a rejeté la requête présentée par le demandeur en vue d’obtenir une renonciation aux intérêts en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu au motif que le pouvoir discrétionnaire du ministre du Revenu national est limité aux dix années suivant l’année de cotisation applicable. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Ronnie Louis Bozzer pour le demandeur.

Karen Truscott pour les défendeurs.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

Le juge Shore :

I. Aperçu

[1] Dans le rôle qu’elle joue sur le plan de l’interprétation des lois, la Cour reconnaît que certaines expressions employées dans ces dernières peuvent paraître ambiguës quand elles sont lues isolément.

La définition d’une personne, en soi, même si elle est ambiguë quand elle est lue isolément, devient claire lorsque l’emploi qui en est fait dans l’ensemble d’un régime législatif est examiné dans son contexte tout entier.

À l’instar d’un arbre qui, considéré isolément, perd son sens par rapport à la forêt dans laquelle il se trouve quand on ne comprend pas le rôle qu’il joue dans cet ensemble, l’expression « année d’imposition », dans la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (LIR), modifiée par L.C. 2008, ch. 28, a besoin d’un contexte pour pouvoir être comprise.

Le demandeur soutient que le paragraphe 220(3.1) [édicté par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 181; 2005, ch. 19, art. 48] de la LIR est ambigu et qu’il faudrait donc recourir à la présomption résiduelle en faveur du contribuable pour interpréter cette disposition à l’avantage de ce dernier. La présomption résiduelle est un outil dont dispose effectivement la Cour, mais celle-ci prend note de la décision rendue dans l’arrêt Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, où la Cour suprême a statué que la présomption résiduelle doit jouer un rôle exceptionnel et n’être utilisée que dans les cas où un tribunal doit faire un choix entre deux interprétations valables. La Cour suprême a également cité l’arrêt Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695 et déclaré que « [s]eul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d’interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable » (Notre-Dame de Bon-Secours, à la page 20).

La Cour souligne qu’« année d’imposition » est une expression qui est largement employée dans toute la LIR; elle considère donc que toute analyse du sens de cette expression doit examiner l’emploi qui en est fait dans l’ensemble du régime législatif.

II. Introduction

[2] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire faisant suite à une série d’ordonnances, de décisions ou de recommandations que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a établie vers le 29 avril 2008 en vue de rejeter la demande présentée par le demandeur en vue d’une renonciation aux intérêts en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR.

III. Contexte

[3] Le 8 septembre 2006, le demandeur, M. Ronnie Louis Bozzer, a demandé au ministre du Revenu national de renoncer aux intérêts relatifs à une dette fiscale ayant pris naissance en 1989–1990, conformément au pouvoir discrétionnaire qu’accorde le paragraphe 220(3.1) de la LIR.

IV. La décision faisant l’objet du présent contrôle

[4] Le ministre a rejeté la demande du demandeur au motif que la modification apportée en 2005 au paragraphe 220(3.1) de la LIR limite le pouvoir discrétionnaire dont il dispose aux dix années qui suivent l’année de cotisation applicable. Le ministre a donc conclu que les intérêts du demandeur étaient à payer à l’égard d’une année qui se situait en dehors du délai de prescription et qu’il n’avait pas compétence pour prendre en considération la demande du demandeur.

V. Les questions en litige

[5] Les observations du demandeur peuvent se résumer aux trois questions suivantes :

1) Le ministre a-t-il interprété erronément le paragraphe 220(3.1) de la LIR?

2) Le paragraphe 220(3.1) de la LIR est-il ambigu pour ce qui est du délai de prescription applicable au pouvoir discrétionnaire qu’a le ministre de renoncer à des intérêts?

3) L’interprétation que fait le ministre du paragraphe 220(3.1) de la LIR mène-t-elle à des résultats arbitraires, inéquitables et injustes pour ce qui est des dettes fiscales ayant pris naissance avant le 4 mars 2004?

[6] Les défendeurs soutiennent qu’il y a deux questions en litige :

1) Le ministre a-t-il interprété erronément le paragraphe 220(3.1) de la LIR?

2) La décision du ministre va-t-elle à l’encontre du paragraphe 18.1(4) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod., idem, art. 14)]?

VI. Les dispositions législatives applicables

[7] Le texte du paragraphe 220(3.1) de la LIR est le suivant :

220. […]

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

Renoncia-tion aux pénalités et aux intérêts

[8] Le paragraphe 45(4) de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, mentionne ce qui suit :

45. […]

(4) La nouvelle édiction d’un texte, ou sa révision, refonte, codification ou modification, n’a pas valeur de confirmation de l’interprétation donnée, par décision judiciaire ou autrement, des termes du texte ou de termes analogues.

Absence de confir-mation de l’inter-prétation judiciaire

VII. Le sommaire des positions des parties

La position du demandeur

[9] Aux dires du demandeur, l’interprétation que fait le ministre du paragraphe 220(3.1) de la LIR, à savoir qu’un contribuable bénéficie d’un délai de dix ans après l’année de cotisation pour présenter une demande fondée sur les dispositions d’équité, s’appuie sur la décision Montgomery (G.) c. Canada, [1994] A.C.F. no 624 (1re inst.), confirmée par [1995] A.C.F. no 44 (C.A.), qu’il faudrait considérer comme désuète pour deux raisons : premièrement, les modifications apportées en 2005 à la LIR ont changé le régime législatif par rapport à celui qui a été interprété dans la décision Montgomery, et il ne faudrait pas se fonder sur des décisions qui interprètent des dispositions législatives abrogées; deuxièmement, le paragraphe 45(4) de la Loi d’interprétation mentionne que les dispositions législatives qui ont été abrogées doivent être traitées comme si elles n’ont jamais existé, comme c’est le cas du paragraphe 127(5) de la Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu, la Loi sur la cession du droit au remboursement en matière d’impôt, la Loi sur l’assurance-chômage et certaines lois connexes, L.C. 1993, ch. 24 [(la Loi modifiant la LIR) ce paragraphe a modifié l’article 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63 (la LIR à l’époque)].

[10] Le demandeur soutient que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de renoncer à des intérêts quelconques, quelle que soit la date de la dette fiscale initiale qui a donné lieu à ces intérêts. Il ajoute qu’il est question dans la disposition de n’importe quelle année d’imposition dans laquelle courent des intérêts, indépendamment de l’année dans laquelle la dette fiscale a pris naissance. De plus, cette disposition permet d’accorder une renonciation année après année, durant dix ans. Plus précisément, soutient-il, [traduction] « Le paragraphe 248(11) de la LIR prévoit que les intérêts courent sur une base annuelle et composée, année d’imposition après année d’imposition, indépendamment du moment où la dette fiscale elle-même a pris naissance » (exposé du droit supplémentaire du demandeur, au paragraphe 6).

[11] Le demandeur allègue qu’aux termes du paragraphe 248(11) [mod. par L.C. 2000, ch. 19, art. 67] de la LIR, les intérêts courent et sont composés quotidiennement, quelle que soit la date de la dette fiscale initiale.

[12] Le demandeur ajoute que pour étayer l’interprétation que fait le ministre du paragraphe 220(3.1) de la LIR, il est nécessaire d’insérer dans cette disposition les mots qui suivent (mémoire des faits et du droit du demandeur, au paragraphe 61) :

Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition dans laquelle a pris naissance une cotisation donnant lieu aux intérêts ou aux pénalités, renoncer à tout ou partie d’un montant […] d’intérêts […] pour cette année d’imposition.

[13] Le demandeur cite la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103 à l’appui de la thèse selon laquelle un tribunal ne doit adopter une interprétation d’une loi qui ajoute des mots dans une disposition qu’en l’absence d’une autre interprétation acceptable (mémoire des faits et du droit du demandeur, au paragraphe 61).

[14] Le demandeur ajoute que la modification apportée en 2005 a créé dans la disposition de renonciation une ambiguïté qui n’existait pas à l’époque ou a été rendu la décision Montgomery, précitée. Le demandeur cite l’ouvrage intitulé Practitioner’s Income Tax Act, 33e éd. de Sherman (Thomson Carswell, 2008), à la page 1333, dans lequel M. David M. Sherman écrit que la question de savoir si, dans la version anglaise de la disposition, les mots « in respect of » (en français : « pour ») désignent l’année pour laquelle l’impôt est à payer ou bien l’année au cours de laquelle les intérêts ont couru. C’est cette dernière interprétation que privilégie M. Sherman.

[15] Le demandeur cite la décision Inland Revenue Comrs. v. Ross and Coulter, etc., [1948] 1 All E.R. 616 (H.L.), à la page 625, à l’appui de la thèse selon laquelle les tribunaux doivent privilégier le sens qui est le plus favorable au contribuable quand une loi fiscale peut avoir deux sens raisonnables.

La position des défendeurs

[16] Aux dires des défendeurs, le législateur a conféré au ministre un certain pouvoir discrétionnaire qu’il peut appliquer quand il rend une décision en vertu des dispositions législatives en matière d’équité, et l’unique raison pour laquelle la Cour peut modifier la décision du ministre est si cette dernière contrevient au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

[17] Les défendeurs citent la décision Montgomery, précitée, à l’appui de la décision selon laquelle les mots « année d’imposition » qui figurent au paragraphe 220(3.1) de la LIR désignent l’année pour laquelle une déclaration a été produite, et non pas l’année dans laquelle les intérêts ont couru.

[18] Les défendeurs citent la décision Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2008 CF 218, dans laquelle la Cour fédérale [au paragrahe 26] a décrété que le délai de prescription prévu au paragraphe 220(3.1) de la LIR limite le pouvoir discrétionnaire du ministre à « la période de dix années civiles suivant la fin de l’année d’imposition pertinente ».

[19] Les défendeurs ajoutent que la modification créant le délai de prescription de dix ans est entrée en vigueur après le 31 décembre 2004 et que la demande fondée sur les dispositions d’équité a été présentée le 6 décembre 2005, ce qui n’accorde au ministre aucun pouvoir pour ce qui est de renoncer aux intérêts relatifs aux années d’imposition 1989 et 1990.

[20] Les défendeurs citent les Notes explicatives du ministère des Finances, qui indiquent qu’il peut se poser des problèmes administratifs lors de la vérification des demandes relatives aux années d’imposition remontant à 1985 et que des rajustements ne seront accordés que pour les années d’imposition qui prennent fin dans l’une quelconque des dix années précédentes pour les demandes faites après 2004.

La position supplémentaire du demandeur

[21] Le demandeur allègue que le paragraphe 220(3.1) de la LIR est ambigu en ce qui concerne le délai de prescription et que la Cour devrait donc privilégier l’interprétation du contribuable, comme cela a été fait dans l’arrêt Notre-Dame de Bon-Secours, précité.

[22] Le demandeur ajoute que le ministre a adopté un délai de prescription inexact au paragraphe 12 de la Circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu, no IC07-1 « Dispositions d’allègement pour les contribuables » (31 mai 2007) en permettant que le délai de prescription de dix ans coure à partir de l’année civile « de laquelle la demande […] du contribuable » au sujet d’un allègement est déposée. De plus, cela traite les contribuables différemment, selon que la demande d’allègement a été déposée auprès de l’ARC avant la fin du délai de prescription de dix ans ou non.

[23] Le demandeur soutient que la référence faite à « cette année d’imposition », au paragraphe 220(3.1) de la LIR, ne peut pas se rapporter à l’année d’imposition de la cotisation initiale, car ce concept n’apparaît pas au paragraphe 220(3.1) de la LIR.

[24] Le demandeur souligne que la décision Telfer a été infirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, en rapport avec la question du caractère déraisonnable. Il ajoute que la décision Telfer qui a été rendue en première instance comportait un énoncé appuyant l’interprétation des défendeurs, mais il soutient que rien n’indique si la question de l’interprétation a été convenablement examinée par la Cour fédérale, ou si les opinions d’éminents fiscalistes ont été soumises à la Cour; le demandeur ajoute donc qu’il est loisible à la présente Cour de ne pas se conformer à la décision Telfer.

VIII. La norme de contrôle applicable

[25] Le demandeur soutient que la décision Tedford c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1334 est celle qui établit que la norme de contrôle applicable aux affaires de cette nature est la décision raisonnable simpliciter.

[26] Les défendeurs citent l’arrêt Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153 à l’appui de la thèse selon laquelle la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux décisions du ministre est l’ancienne norme de la décision raisonnable simpliciter. Ils ajoutent qu’il convient de faire preuve d’un degré élevé de retenue à l’endroit du décideur dans les affaires telles que celle-ci. La Cour, concluent-ils, devrait appliquer à la présente décision l’actuelle norme de la décision raisonnable, à l’instar de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (mémoire des faits et du droit des défendeurs, au paragraphe 36).

IX. Analyse

[27] La question fondamentale dont la Cour est saisie est la définition de l’expression « année d’imposition » qui figure au paragraphe 220(3.1) de la LIR. Cette expression ne fait-elle référence qu’à une année de cotisation en particulier, ou s’agit-il simplement d’un délai durant lequel des intérêts courent sur une dette fiscale impayée? Veut-elle dire dix ans après l’année d’imposition dans laquelle la dette fiscale initiale a pris naissance, ou est-ce dix ans après une année d’imposition dans laquelle des intérêts ont couru sur une dette fiscale?

[28] En 1991, le législateur a introduit dans la LIR [à l’époque] un certain nombre de dispositions conférant au ministre le pouvoir discrétionnaire de renoncer à des intérêts ou à des pénalités ou de les annuler. Au départ, le paragraphe 220(3.1) [édicté par L.C. 1991, ch. 49, art. 181; 1993, ch. 24, art. 127] de la LIR [à l’époque] ne limitait d’aucune façon le pouvoir discrétionnaire du ministre; cependant, comme il a été analysé dans la décision Montgomery, précitée, le paragraphe 127(5) de la [Loi modifiant la] LIR a limité ce pouvoir discrétionnaire aux pénalités et aux intérêts qui découlaient de cotisations établies au cours des années d’imposition 1985 et suivantes.

[29] Dans l’arrêt Montgomery, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’expression « années d’imposition », dans le paragraphe 127(5), aujourd’hui abrogé, de la [Loi modifiant la] LIR, signifiait l’année de cotisation. À l’époque où l’arrêt Montgomery a été rendu, le paragraphe 220(3.1) de la LIR ne contenait pas l’expression « année d’imposition ». La modification de 2005 a abrogé le paragraphe 127(5) de la LIR et inclus la limite temporelle de l’« année d’imposition » au paragraphe 220(3.1) de la LIR. Il reste maintenant à savoir si le libellé du paragraphe 220(3.1) de la LIR change l’interprétation de l’expression « année d’imposition » qui a été exposée dans l’arrêt Montgomery.

Les règles de l’interprétation des lois

[30] Dans l’arrêt Notre-Dame de Bon-Secours, précité, la Cour suprême du Canada a déclaré que les lois fiscales sont assujetties aux règles ordinaires de l’interprétation des lois (à la page 17).

La présomption de l’uniformité des expressions

[31] La Cour souligne que l’expression « année d’imposition » est employée partout dans la LIR. Dans l’ouvrage intitulé Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. (Markham, Ont. : Butterworths, 2002), à la page 162, les auteurs écrivent ce qui suit : [traduction] « [o]n présume que le législateur rédige les lois avec soin et d’une manière cohérente, de sorte que dans une loi ou un autre texte législatif, les mots identiques ont le même sens et les mots différents un autre sens. Une autre façon de saisir cette présomption est de dire que l’on présume que le législateur évite les variations stylistiques. Une fois qu’une manière particulière d’exprimer un sens a été adoptée, elle est employée chaque fois que ce sens est envisagé. »

[32] La présomption d’uniformité des expressions a été énoncée avec justesse par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson c. Canada (sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385 : « à moins que le contexte ne s’y oppose clairement, un mot doit recevoir la même interprétation et avoir le même sens tout au long d’un texte législatif » (à la page 400).

[33] Sullivan et Driedger écrivent que la présomption ne s’applique pas seulement aux mots uniques, mais que [traduction] « [l]a présomption [d’uniformité des expressions] est également marquée dans les cas où les mots répétés sont inusités ou distinctifs, ou contribuent à une tendance notable » (à la page 166).

[34] Dans l’arrêt Montgomery, précité, la Cour d’appel fédérale a eu recours à cette optique au paragraphe 7. Elle a déclaré que l’expression « année d’imposition » est définie au paragraphe 249(1) de la LIR et qu’« on ne peut détacher cette définition de l’ensemble de la Loi; on doit plutôt l’interpréter en se reportant aux conséquences fiscales pour les contribuables sous le régime de la Loi dans la période délimitée; autrement, la définition n’aurait guère de sens ».

La présomption résiduelle en faveur du contribuable

[35] Le demandeur soutient que le paragraphe 220(3.1) de la LIR est ambigu et qu’il faudrait donc recourir à la présomption résiduelle en faveur du contribuable pour l’interpréter à son avantage. Même si la présomption résiduelle est un outil dont dispose la Cour, celle-ci prend note de la décision rendue dans l’arrêt Notre-Dame de Bon-Secours, précité, où la Cour suprême du Canada a déclaré que le rôle que joue la présomption résiduelle est exceptionnel et que celle-ci ne doit être employée que dans les cas où un tribunal doit faire un choix entre deux interprétations valables. La Cour suprême a également cité l’arrêt Symes, précité, et déclaré que « [s]eul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d’interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable » (Notre-Dame de Bon-Secours, à la page 20).

L’interprétation du paragraphe 220(3.1) de la LIR

[36] La Cour note que l’expression « année d’imposition » est largement employée dans toute la LIR; elle estime donc qu’une analyse quelconque du sens de cette expression doit examiner l’emploi qui en est fait dans le régime législatif tout entier.

[37] L’expression « année d’imposition » [mod. par L.C. 2007, ch. 29, art. 29] est définie au paragraphe 249(1) de la LIR :

249. (1) Pour l’application de la présente loi, l’année d’imposition est  :

Sens d’« année d’imposi-tion »

a) dans le cas d’une société ou d’une société de personnes résidant au Canada, l’exercice;

b) dans le cas d’un particulier, l’année civile.

La mention d’une année d’imposition par rapport à une année civile vise l’année ou les années d’imposition qui coïncident avec cette année civile ou se terminent au cours de cette année.

[38] La Cour souligne que cette définition n’étaye pas les arguments de l’une ou l’autre des parties, car elle définit simplement un délai comme une « année d’imposition ». Ce n’est qu’en lisant les autres emplois de cette expression que sa définition ressort clairement.

Emploi de l’expression « année d’imposition » dans le contexte de l’imposition d’intérêts pour une dette fiscale impayée

[39] Un contribuable est tenu de payer de l’intérêt sur une dette fiscale impayée par suite de l’application du paragraphe 161(1) [mod. par L.C. 1994, ch. 7, Sch. VIII, art. 96; 1997, ch. 25, art. 50] de la LIR, dont le texte est le suivant :

161. (1) Dans le cas où le total visé à l’alinéa a) excède le total visé à l’alinéa b) à un moment postérieur à la date d’exigibilité du solde qui est applicable à un contribuable pour une année d’imposition, le contribuable est tenu de verser au receveur général des intérêts sur l’excédent, calculés au taux prescrit pour la période au cours de laquelle cet excédent est impayé  :

Disposi-tion générale

a) le total des impôts payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie et des parties I.3, VI et VI.1;

b) le total des montants représentant chacun un montant payé au plus tard à ce moment au titre de l’impôt payable par le contribuable et imputé par le ministre, à compter de ce moment, sur le montant dont le contribuable est redevable pour l’année en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1.

[40] La Cour souligne que l’expression « année d’imposition » est employée dans ce paragraphe pour désigner une année d’évaluation individuelle; par conséquent, le contribuable qui doit plus d’impôt qu’il n’en a payé pour deux années d’imposition consécutives devra des intérêts pour chaque année de défaillance.

[41] Les intérêts qu’impose le paragraphe 161(1) de la LIR sont composés, conformément au paragraphe 248(11) de la LIR :

248. […]

(11) Les intérêts calculés au taux prescrit [...] sont composés quotidiennement. Dans le cas où des intérêts calculés sur une somme en application d’une de ces dispositions sont impayés ou non imputés le jour où, sans le présent paragraphe, ils cesseraient d’être ainsi calculés, des intérêts au taux prescrit sont calculés et composés quotidiennement sur les intérêts impayés ou non imputés pour la période commençant le lendemain de ce jour et se terminant le jour où ces derniers sont payés ou imputés, et sont payés ou imputés comme ils le seraient s’ils continuaient à être ainsi calculés après ce jour.

Intérêts composés

[42] La Cour signale que le législateur a décidé d’employer la même expression — « année d’imposition » — au paragraphe 161(1) de la LIR, qui impose des intérêts si un contribuable est redevable d’un montant d’impôt additionnel provenant d’une « année d’imposition », ainsi qu’au  paragraphe 220(3.1) de la LIR, mais non au paragraphe 248(11) de la LIR, qui prescrit que les intérêts sur un solde impayé sont composés quotidiennement et peuvent être payés en tout temps.

Autres emplois de l’expression « année d’imposition »

[43] Outre les dispositions qui précèdent, lesquelles se rapportent à la question en l’espèce, il existe d’autres emplois de l’expression « année d’imposition » que la Cour trouve instructifs. Par exemple, l’article 3 mentionne que le revenu d’un contribuable doit être calculé pour chaque « année d’imposition » :

3. Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer.

Revenu pour l’année d’imposi-tion

[44] Le paragraphe 150(1) [mod. par L.C. 1999, ch. 22, art. 63] de la LIR oblige les contribuables à produire une déclaration de revenus pour chaque « année d’imposition » :

150. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une déclaration de revenu sur le formulaire prescrit et contenant les renseignements prescrits doit être présentée au ministre, sans avis ni mise en demeure, pour chaque année d’imposition d’un contribuable.

Déclara-tions — règle générale

[45] Il est notable aussi que le paragraphe 220(3.1) de la LIR fait mention de l’« année d’imposition » et ajoute ensuite : « ou de l’exercice d’une société de personnes ». Le paragraphe 96(1) de la LIR jette un peu de lumière sur la raison d’être de cet ajout, à l’alinéa b) :

96. (1) Lorsqu’un contribuable est un associé d’une société de personnes, son revenu, le montant de sa perte autre qu’une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole restreinte et de sa perte agricole, pour une année d’imposition, ou son revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition, selon le cas, est calculé comme si  :    

[...]

b) l’année d’imposition de la société de personnes correspondait à son exercice;

Règles générales

[46] L’alinéa 96(1)b) de la LIR montre qu’une « année d’imposition » peut différer, suivant le type de contribuable visé par une cotisation. Selon cet alinéa, l’année d’imposition d’une société de personnes est son exercice, ce qui signifie que cette société doit produire une déclaration de revenus pour son exercice. La référence faite dans le paragraphe 220(3.1) de la LIR à l’exercice d’une société de personnes dénote que le législateur envisageait que le paragraphe 220(3.1) de la LIR fasse référence à la période de cotisation; sans cela il n’aurait pas fait ainsi référence à la période de cotisation particulière des sociétés de personnes.

[47] Étant donné que le revenu doit être calculé pour une « année d’imposition », qu’une déclaration doit être produite pour chaque « année d’imposition » et que différents types de contribuables produisent leurs déclarations en se fondant sur des « années d’imposition » différentes, il s’ensuit que l’emploi de l’expression « année d’imposition », au paragraphe 220(3.1) de la LIR, revêt une importance particulière.

Autres prises de position judiciaires au sujet de l’expression « année d’imposition »

[48] L’expression « année d’imposition » a été interprétée par le juge Yvon Pinard dans la décision Montgomery (C.F. 1re inst.), précitée, au paragraphe 11, dans lequel il a déclaré ce qui suit : « “année d’imposition” s’entend d’une année civile ou d’un exercice financier à l’égard duquel de l’impôt est calculé. Cette période est visée par une déclaration de revenus. En employant les termes “années d’imposition 1985 et suivantes”, le législateur fait sûrement référence à des périodes à l’égard desquelles des déclarations de revenus sont produites. »

[49] Plus récemment, la Cour fédérale a interprété le paragraphe 220(3.1) modifié de la LIR dans la décision Telfer (C.F.), précitée, au paragraphe 25. Dans cette dernière, la Cour a rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel il fallait évaluer la demande d’allègement d’intérêts en tenant compte de la date du dépôt des avis d’opposition, et non dix ans après la date de la cotisation donnant lieu aux intérêts. La Cour a déclaré : « le délai de prescription prévu au paragraphe 220(3.1) a expressément été établi pour restreindre à la période de dix années civiles suivant la fin de l’année d’imposition pertinente le pouvoir discrétionnaire du ministre de renoncer aux intérêts et aux pénalités ou de les annuler » (Telfer (C.F.), précitée, au paragraphe 26).

[50] La décision qui a été rendue dans Telfer (C.F.), précitée, a été infirmée en partie dans l’arrêt Telfer (C.A.F.), précité, mais la décision de la Cour d’appel fédérale n’a pas infirmé les déclarations de la Cour fédérale concernant le paragraphe 220(3.1) de la LIR. D’après le jugement du juge John Maxwell Evans, l’appelante n’a pas allégué « que le ministre aurait commis une erreur de droit en interprétant mal le paragraphe 220(3.1) », mais plutôt que l’appel était fondé sur l’argument selon lequel la décision du ministre était dénuée du degré requis de « “justification, de transparence et d’intelligibilité” » qui est nécessaire pour être confirmée quand on l’examine selon la norme de la décision raisonnable (Telfer (C.A.F.), précité, au paragraphe 28). En ce qui concerne le sens de l’expression « année d’imposition », une analogie est faite avec la décision que la Cour d’appel fédérale a récemment rendue sous la plume du juge Marc Noël dans Nicholls c. Canada (Agence du revenu), 2010 CAF 30, au sujet des paragraphes 5, 6 et 7.

X. Conclusion

[51] Au vu des documents et des arguments fort bien préparés des parties, la Cour conclut que la définition donnée par le juge Yvon Pinard dans la décision Montgomery (C.F. 1re inst.), précitée (et confirmée par la Cour d’appel fédérale), continue d’être l’interprétation exacte de l’expression « année d’imposition » dans le contexte des dispositions d’allègement visant les contribuables. La Cour souscrit également à la décision rendue dans l’arrêt Telfer, précité, à savoir que le délai dont il est question au paragraphe 220(3.1) de la LIR concerne les dix années civiles qui suivent l’année d’imposition applicable, c’est-à-dire l’année de cotisation.

[52] La Cour conclut que l’interprétation que fait le demandeur du paragraphe 220(3.1) de la LIR réduirait l’expression « année d’imposition » à une simple démarcation de temps; il ressort toutefois d’une lecture de la LIR dans son ensemble que cette expression a une définition précise et concrète.

[53] Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1) la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2) aucuns dépens ne sont adjugés car il s’agit d’une question de portée générale.

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