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Référence :

Xiao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 195, [2009] 4 R.C.F. 510

IMM-1094-08

Xiao Zi Qi (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Xiao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.)

Cour fédérale, juge de Montigny—Vancouver, 9 octobre 2008; Ottawa, 24 février 2009.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent des visas a rejeté une demande de visa de résident permanent au motif que le fils à charge du demandeur était interdit de territoire pour criminalité — L’agent des visas a déclaré que la personne à charge avait commis l’infraction de posséder et d’utiliser un document de voyage falsifié en vertu de l’art. 42(2)(c)(i) de l’Immigration Ordinance de Hong Kong qui, commise au Canada, constituerait aussi une infraction en application de l’art. 122(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Pour en arriver à sa conclusion, l’agent des visas s’est fondé sur une loi étrangère sans fournir de preuve juridique d’expert pour établir son sens — Le demandeur a fourni un avis juridique contraire sur l’interprétation du droit étranger — Dans le cadre de procédures administratives, le droit pénal étranger peut être établi sans preuve d’expert lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a interdiction de territoire pour criminalité dans le contexte de l’immigration — Cependant, le décideur ne peut pas faire abstraction d’un avis d’expert convaincant et bien motivé comme celui produit par le demandeur — La conclusion de l’agent des visas en l’espèce était déraisonnable à la lumière de l’avis d’expert contraire — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur au motif que son fils à charge était interdit de territoire pour criminalité en application de l’alinéa 36(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) parce qu’il avait commis à Hong Kong une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale.

Le demandeur a présenté les passeports de sa famille au bureau des visas de Hong Kong. Il a ensuite reçu une lettre de l’agent des visas dans laquelle ce dernier déclarait que le fils du demandeur était interdit de territoire au Canada pour criminalité. L’agent des visas a précisé que le fils du demandeur avait commis l’infraction d’être en possession d’un document de voyage falsifié (c.-à-d. un passeport auquel il manquait des pages remis à un agent des visas antérieur), soit une infraction en vertu du sous-alinéa 42(2)(c)(i) de l’Immigration Ordinance de Hong Kong (l’Ordonnance) qui, commise au Canada, constituerait aussi une infraction en application de l’alinéa 122(1)b) de la LIPR. Bien que le demandeur ait produit des éléments de preuve traitant de ces préoccupations, dans sa décision finale, l’agent des visas a tout simplement réitéré les craintes qu’il avait exprimées auparavant dans sa lettre et a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur.

Le principal point litigieux était celui de savoir si l’agent des visas avait commis une erreur lorsqu’il a omis de présenter un avis juridique à l’appui de son refus et lorsqu’il a omis de prendre en compte adéquatement les observations du demandeur.

Jugement : la demande doit être accueillie.

L’interprétation des termes « illégal » et « modifié » dans l’Ordonnance est cruciale pour l’évaluation de la potentielle interdiction de territoire pour criminalité du fils du demandeur. Bien que dans le cadre d’une procédure judiciaire, la partie qui se fonde sur le droit étranger doive produire une preuve d’expert en ce sens, dans le contexte des procédures administratives, le droit pénal étranger peut être établi sans preuve d’expert lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a interdiction de territoire pour criminalité dans le contexte de l’immigration. Cela étant dit, la preuve d’expert demeure la façon la plus fiable pour établir l’existence du droit étranger, mais ce qui est plus important, son sens.

La conclusion de l’agent des visas portant que le fils du demandeur avait commis une infraction était déraisonnable. La seule preuve d’expert figurant dans le dossier, qui a été produite par le demandeur, démontrait que le fait de détenir un passeport auquel quatre pages manquent ne constitue pas une infraction selon l’Ordonnance, à moins qu’il y ait intention criminelle et que les pages manquantes contiennent des renseignements sur l’identité du détenteur du passeport, sa nationalité et d’autres éléments importants. C’est une chose de dire que la preuve d’expert n’est pas toujours requise pour établir le droit étranger et lui donner un sens clair; c’en est une toute autre de décider qu’une infraction n’a été commise en violation d’une loi étrangère malgré la preuve d’expert allant en sens contraire, et sur aucune autre base que sa propre compréhension de cette loi par l’agent. Même si les conclusions de fait d’un décideur relatives au droit étranger, y compris les conclusions de fait relatives à la preuve d’expert, justifient la retenue, cela ne revient pas à dire que le décideur peut ne pas tenir compte d’un avis d’expert, en particulier lorsque cet avis est convaincant et bien motivé. Cela est d’autant plus le cas lorsque le décideur n’est pas un avocat, et lorsque l’avis juridique d’expert relatif à l’interprétation correcte d’une loi étrangère est le seul présent dans le dossier et qu’il n’est ni obscur ni manifestement invraisemblable. Au lieu de mener un examen et une analyse complets de l’avis et des observations du demandeur, l’agent des visas a simplement reconnu l’aide de l’expert et a qualifié son analyse sur la définition des termes contenus dans l’Ordonnance de « pistes ».

Pour ces motifs, l’agent des visas ne pouvait pas raisonnablement conclure que le fils du demandeur avait commis des actes constitutifs d’une infraction à Hong Kong et, par conséquent, conclure qu’il était interdit de territoire au Canada pour criminalité.

    LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Ausländergesetz [Loi sur les étrangers], BGBL I 1990, 1354, 1356 (Allemagne).

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 57(3).

Immigration Ordinance, ch. 115, art. 42(2)(c)(i) (Hong Kong).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 11(1) (mod. par L.C. 2008, ch. 28, art. 116), 36(2)c), 42, 122(1).

Official Secrets Ordinance, ch. 521, art. 5(1)(c) (Hong Kong).

    JURISPRUDENCE CITÉE

décisions examinées :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Choubak, 2006 CF 521; Capitol Life Insurance Co. c. R., [1986] 2 C.F. 171 (C.A.); Murphy Estate c. Canada, [1974] A.C.F. no 507 (1re inst.) (QL).

décisions citées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Allen v. Hay (1922), 64 R.C.S. 76, 69 D.L.R. 193, [1922] 3 W.W.R. 366; Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] A.C.F. no 47 (C.A.) (QL); Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 1 C.F. 235 (C.A.); Farkas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 277.

    DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide de l’exécution de la loi (ENF), en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/enf/index.asp>.

    DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent des visas a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur au motif que son fils à charge était interdit de territoire pour criminalité. Demande accueillie.

    ONT COMPARU

Daniel L. Kiselbach pour le demandeur.

Caroline J. Christiaens pour le défendeur.

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Miller Thompson LLP, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

    Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1]     Le juge de Montigny : M. Zi Qi Xiao (alias Xiao Zi Qi) est un citoyen de la République populaire de Chine; il a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 19 février 2008 rendue par l’agent Chan, par laquelle l’agent a rejeté sa demande de visa de résident permanent. M. Xiao (le demandeur) conteste la conclusion de l’agent selon laquelle son fils est interdit de territoire pour criminalité parce qu’il a commis à Hong Kong une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale.

RÉSUMÉ DES FAITS

[2]     Le demandeur est né le 18 décembre 1950, dans le district de Nan, dans la province du Hunan. Il est marié à Jian Zi Qun, qui est aussi une citoyenne de la République populaire de Chine. Le demandeur et son épouse ont trois enfants qui sont aussi tous nés dans la province du Hunan.

[3]     Le demandeur est un homme d’affaires qui travaille dans le secteur du génie et de la construction depuis plus de 33 ans. Il est actuellement le président directeur général de la société Hunan Zhongqi Type Engineering Co. Ltd., une société spécialisée dans la construction et l’installation d’équipement de travaux publics parmi lesquels, les immeubles à bureaux pour le gouvernement, les écoles, les centres sportifs, les hôtels et autres immeubles. La société emploie environ 125 employés à temps plein.

[4]     Le 30 août 2004, le demandeur a présenté une demande de visa de résidence permanente dans la province de Québec, dans la catégorie des investisseurs.

[5]     Par une lettre datée du 2 novembre 2006, le bureau d’immigration a informé le demandeur que son visa de résident permanent, ainsi que les visas de résidents permanents des personnes à sa charge étaient prêts. On lui a demandé de venir les chercher en personne dans une période de 120 jours. Le 20 décembre 2006, le demandeur s’est présenté au bureau des visas de Hong Kong pour prendre les visas. Lorsqu’il a présenté son passeport et les passeports des personnes à sa charge, l’agent des visas a remarqué qu’il manquait les pages 7, 8, 25 et 26 dans le passeport de son benjamin (Baian).

[6]     Le demandeur a dit à l’agent des visas qu’il ne savait pas pourquoi des pages manquaient dans le passeport de Baian; il a demandé qu’il soit permis à son fils de se présenter au bureau des visas et d’expliquer pourquoi il manquait des pages à son passeport.

[7]     Le même jour, l’agent des visas a interviewé Baian. Le demandeur n’était pas présent lors de l’entrevue. Baian a d’abord essayé d’expliquer pourquoi il manquait des pages; il a émis l’hypothèse que son cousin de cinq ans devait les avoir arrachées. L’agent des visas n’a pas trouvé cette explication crédible; il a informé le demandeur que son fils était réputé interdit de territoire et que par conséquent, le demandeur et les autres personnes à sa charge étaient aussi interdits de territoire.

[8]     Après être sorti de la cabine, Baian est revenu et il a déclaré qu’il était dorénavant prêt à dire la vérité. Il a alors dit à l’agent des visas que sa petite amie avait arraché les pages parce qu’elle était fâchée contre lui du fait qu’il ne pouvait pas aller en Europe avec elle. L’agent a posé d’autres questions à Baian, mais il n’a pas cru son explication. Même si Baian a allégué qu’il avait étudié au Royaume‑Uni pendant les six années précédentes, et qu’il avait effectué des allers et retours au Royaume‑Uni, il n’y avait dans son passeport ni de visa du Royaume‑Uni ni aucun tampon du Royaume‑Uni.

[9]     Le 21 décembre 2006, l’agent des visas a refusé la demande de résidence permanente de M. Xiao au motif qu’il était interdit de territoire au Canada, parce que son fils Baian était interdit de territoire pour criminalité en application de l’alinéa 36(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Plus précisément, l’agent des visas a conclu que Baian avait commis l’infraction de possession et d’utilisation d’un passeport modifié pour entrer à Hong Kong, en violation de l’alinéa 5(1)(c) du chapitre 521 de l’ordonnance de Hong Kong dénommée Official Secrets Ordinance. L’agent a en outre conclu que les agissements de Baian constitueraient aussi une infraction au titre du paragraphe 57(3) du Code criminel du Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑46.

[10]     Le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette première décision et il a déposé, comme partie de son dossier, un avis juridique rédigé par Michael C. Blanchflower, un ancien avocat du ministère de la Justice qui exerce à Hong Kong dans les domaines du droit criminel, des droits de la personne et des contrôles judiciaires depuis 1986; il a d’abord été employé à divers titres par le gouvernement de Hong Kong, et puis depuis 2002, il exerce comme avocat dans un cabinet privé.

[11]     Le 10 juillet 2007, le défendeur a offert d’annuler la décision de l’agent des visas et de renvoyer le traitement de la demande à un autre agent des visas, si le demandeur déposait un avis de désistement relativement à sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. La lettre d’offre du défendeur n’énonçait pas le motif sur lequel son offre était fondée. Le 12 juillet 2007, le demandeur a déposé un avis de désistement.

[12]     Le 21 août 2007, le demandeur a présenté les passeports de sa famille au bureau des visas de Hong Kong, y compris un nouveau passeport pour Baian. Le 27 août 2007, le demandeur a présenté des observations complémentaires au bureau des visas de Hong Kong; il s’agissait du dossier de désistement du contrôle judiciaire portant sur la première décision de refus et de l’avis juridique rédigé par Me Blanchflower.

[13]     Le 12 septembre 2007, l’agent Chan (l’agent) a envoyé une lettre au demandeur dans laquelle il déclarait qu’il craignait que Baian ne soit interdit de territoire au Canada pour criminalité en application de l’alinéa 36(2)c) de la LIPR. Il a mentionné que le 20 décembre 2006, Baian avait commis à Hong Kong l’infraction d’être en possession d’un document de voyage falsifié, ce qui constituait l’infraction visée au sous‑alinéa 42(2)(c)(i) du chapitre 115 de l’ordonnance de Hong Kong dénommée Immigration Ordinance (l’Ordonnance). Si l’infraction avait été commise au Canada, elle aurait constitué l’infraction punissable par mise en accusation prévue à l’alinéa 122(1)b) de la LIPR. Ces infractions étaient différentes de celles citées lors du premier refus par l’agent. L’agent a demandé au demandeur de présenter des preuves et de faire des observations supplémentaires dans le but de dissiper ses craintes.

[14]     Le 9 novembre 2007, le demandeur a présenté de nouveau les éléments de preuve qu’il avait présentés au bureau des visas de Hong Kong et il a aussi présenté un deuxième avis de Me Blanchflower répondant aux craintes exprimées par l’agent dans sa lettre du 12 septembre 2007. En résumé, selon Me Blanchflower, le passeport auquel il manquait des pages ne constituait pas [traduction] « un document de voyage falsifié » au sens du sous‑alinéa 42(2)(c)(i) de l’Ordonnance pour deux raisons : premièrement, il n’y avait pas de preuve que la falsification avait été faite [traduction] « illégalement » et deuxièmement, les pages manquantes ne constituaient pas une modification visée par cette disposition. Pour faire de telles observations, l’avocat s’est fondé sur les antécédents législatifs de cette disposition, sur des arguments relatifs à l’interprétation des lois et sur la jurisprudence.

[15]     Le 19 février 2008, l’agent a refusé la demande de visa de résident permanent du demandeur au motif que Baian était interdit de territoire au Canada pour criminalité.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[16]     Dans sa décision finale, l’agent reprend pour l’essentiel les craintes qu’il avait exprimées auparavant dans sa lettre du 12 septembre 2007. Il a déclaré que Baian, le fils du demandeur avait commis l’infraction visée au sous‑alinéa 42(2)(c)(i) de l’Ordonnance parce qu’il avait possédé et avait utilisé un passeport modifié pour entrer à Hong Kong. Il a ajouté que si cette infraction avait été commise au Canada, elle aurait constitué l’infraction punissable par mise en accusation prévue à l’alinéa 122(1)b) de la LIPR. La lettre déclare aussi que, en application de l’alinéa 42a) de la LIPR, l’étranger est interdit de territoire pour inadmissibilité familiale. Par conséquent, le demandeur est interdit de territoire puisqu’il y a lieu de conclure que son fils est interdit de territoire pour criminalité.

[17]     Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (les notes STIDI), lesquelles font partie des motifs de la décision, donnent certaines précisions sur les raisons sous‑jacentes à la décision. Les parties pertinentes des notes sont rédigées comme suit :

[traduction] Le demandeur a renvoyé à de nombreuses affaires judiciaires de Hong Kong et du Canada censées donner une définition des termes relatifs à l’interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale en ce qui concerne la criminalité de Xiao Baian. Il s’agit de la conséquence de l’infraction commise par Xiao Baian le 20 décembre 2006 et visée au sous-alinéa 42(2)(c)(i) du chapitre 115 de l’Ordonnance. Si l’infraction avait été commise au Canada, elle aurait constitué une infraction en application de l’alinéa 122(1)b) de la LIPR.

Bien que les observations fournies en réponse à la lettre dans laquelle nous exprimions nos craintes, nous donnent des pistes pour la définition des termes contenus dans l’Ordonnance et dans la LIPR, il n’y a pas de contestation sur le fait que Xiao Baian possédait un document de voyage/passeport modifié. Deuxièmement, il n’y a pas de contestation sur le fait que ce passeport a été produit dans le but d’entrer au Canada puisqu’il a été utilisé pour l’obtention du visa de résident permanent. Enfin, après que le demandeur a été avisé de nos craintes par notre lettre, il n’a pas donné d’explication crédible qui pourrait justifier la modification.

Le demandeur a soutenu que la modification n’a pas été faite à la page biométrique du passeport. Cependant, cela ne change pas le fait qu’un membre de la famille du demandeur était en possession d’un passeport modifié, qu’il l’a présenté à notre bureau pour l’obtention du visa de résident permanent dans le but d’entrer au Canada.

L’alinéa 42(4)(a) du chapitre 115 de l’Ordonnance édicte qu’il s’agit d’une infraction passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans.

L’alinéa 123(1)b) de la LIPR édicte que « [l]’auteur de l’infraction visée aux alinéas 122(1)b) […] est passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans ».

Ainsi, le membre de la famille du demandeur, Xiao Baian, correspond à la description de la personne donnée à l’alinéa 36(2)c) de la LIPR. Xiao Baian est interdit de territoire pour criminalité. Selon l’alinéa 42a) de la LIPR, le demandeur est aussi interdit de territoire pour inadmissibilité familiale.

La demande est rejetée aujourd’hui en application du paragraphe 11(1) et de l’alinéa 42a) de la LIPR. La lettre de refus est signée.

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

[18]     Par commodité et pour une meilleure compréhension de l’analyse qui suit, les dispositions légales pertinentes sont reproduites ci‑dessous [LIPR, art. 11(1) [mod. par L.C. 2008, ch. 28, art. 116], 36(2)c), 42, 122(1)]  :

    11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

[…]

    36. (1) […]

    (2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

[…]

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

[…]

    42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

b) accompagner, pour un membre de sa famille, un interdit de territoire.

[…]

    122. (1) Commet une infraction quiconque, en vue de contrevenir à la présente loi et s’agissant de tout document — passeport, visa ou autre, qu’il soit canadien ou étranger — pouvant ou censé établir l’identité d’une personne :

a) l’a en sa possession;

b) l’utilise, notamment pour entrer au Canada ou y séjourner;

c) l’importe ou l’exporte, ou en fait le commerce.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]     Le demandeur a soulevé quatre questions, auxquelles le défendeur a répondu dans ses observations orales et écrites. Elles peuvent être exposées de la façon suivante :

– L’agent des visas a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a omis de présenter un avis juridique à l’appui de ses craintes et lorsqu’il a omis de prendre en compte adéquatement les observations du demandeur?

– L’agent des visas a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a conclu qu’un membre de la famille du demandeur avait commis une infraction à Hong Kong?

– L’agent des visas a‑t‑il omis de comparer les principaux éléments constitutifs de l’infraction qui aurait été commise contre la loi à Hong Kong à ceux de l’infraction définie dans la loi canadienne?

– L’agent des visas a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’infraction alléguée aurait constitué une infraction au Canada?

ANALYSE

[20]     Les deux parties sont d’accord que la raisonnabilité est la norme de contrôle applicable en l’espèce. La décision de l’agent des visas était clairement basée sur les faits en ce qui a trait aux trois dernières questions, et ainsi, la raisonnabilité est la norme de contrôle appropriée. Avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la jurisprudence de la Cour était divisée sur la question : une partie de la jurisprudence appliquait la décision raisonnable tandis que l’autre partie appliquait la décision manifestement déraisonnable. Avec la fusion de ces deux normes, il s’agit maintenant d’une question théorique.

[21]     Toutefois, on ne peut pas dire la même chose de la première question. La question de savoir si l’agent pouvait faire sa propre interprétation de l’Ordonnance sans se fonder sur une preuve d’expert est une question de droit. En tant que telle, elle appelle la décision correcte.

[22]     Étant donné que l’interprétation des termes [traduction] « illégal » et [traduction] « modifié » dans l’Ordonnance est cruciale pour l’évaluation de la potentielle interdiction de territoire pour criminalité de son fils, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur lorsqu’il s’est fondé sur une loi étrangère sans fournir de preuve juridique d’expert pour l’établissement de la loi étrangère et de son sens. En fait, l’avocat du demandeur a allégué que l’avis juridique de Me Blanchflower ne pouvait être écarté sans une contre‑preuve de la part du gouvernement et qu’il était déraisonnable que l’agent des visas rejette cet avis sans en tenir compte de façon significative.

[23]     Après avoir examiné attentivement le deuxième avis de Me Blanchflower et la réponse que l’agent des visas y a en quelque sorte donnée, j’en suis venu à la conclusion que l’argument du demandeur doit prévaloir.

[24]     Il est bien établi que la partie qui se fonde sur le droit étranger dans le cadre d’une procédure judiciaire doit produire une preuve d’experts en ce sens. Le droit étranger doit être établi en tant que question de fait au moyen de la preuve fournie par des personnes qui sont des experts en la matière : Allen v. Hay (1922), 64 R.C.S. 76, aux pages 80 et 81. Je conviens toutefois avec le défendeur qu’il n’est pas nécessaire que ces règles de preuve soient suivies à la lettre dans le contexte des procédures administratives. Par exemple, il est bien établi maintenant que le droit pénal étranger peut être établi sans preuve d’expert lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a interdiction de territoire pour criminalité dans le contexte de l’immigration. Le décideur peut se fonder sur la preuve d’expert si elle est accessible, mais il peut aussi se fonder sur les dispositions légales étrangères et nationales et l’ensemble de la preuve, à la fois orale et documentaire : voir par exemple Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] A.C.F. no 47 (C.A.) (QL); voir Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 1 C.F. 235 (C.A.).

[25]     Cela étant dit, la preuve d’expert demeure la façon la plus fiable pour établir non seulement l’existence du droit étranger, mais ce qui est plus important, son sens. Par exemple, la Cour a conclu récemment qu’il était déraisonnable que la Section de la protection des réfugiés donne un sens à un article de la Loi sur les étrangers d’Allemagne [Ausländergesetz, BGBL I 1990, 1354, 1356] en se fondant simplement sur l’opinion des représentants du consulat allemand. Comme la Cour l’a affirmé (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Choubak, 2006 CF 521, aux paragraphes 47 et 48. Contredit par Farkas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 277 (dans cette affaire, il n’y avait toutefois pas de contestation sur le sens de la loi étrangère)) :

    Contrairement aux autres conclusions de fait tirées par la Commission lorsqu’elle statue sur des demandes d’asile, le critère permettant d’établir le « fait » en l’espèce — à savoir le sens du paragraphe 44(1)2 de la Loi sur les étrangers — exige une preuve présentée par un expert au sujet de ce droit.

[…]

    J’ai examiné le dossier qui était devant la Commission et je conclus qu’il n’existe pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de la conclusion que la Commission a tirée au sujet du paragraphe 44(1)2 de la Loi sur les étrangers. La Commission n’avait pas devant elle de preuve d’expert pour l’aider à interpréter le sens de la Loi sur les étrangers. De fait, elle n’avait même pas une version authentifiée des dispositions légales pertinentes. En effet, elle n’avait qu’une version anglaise du paragraphe 44(1)2 de la Loi sur les étrangers, et cette version n’était même pas certifiée comme étant une traduction exacte de l’original, qui était probablement rédigé en allemand. En outre, on ne peut présumer que les commentaires que les représentants du consulat allemand ont faits constituent une preuve fournie par des personnes qui sont des experts en droit allemand. De fait, rien n’indique quelles sont les qualifications des représentants du consulat leur permettant d’exprimer un avis juridique au sujet de l’interprétation qu’il convient de donner au paragraphe 44(1) de la Loi sur les étrangers.

[26]     Quoi qu’il en soit, il me semble que l’agent des visas ne pouvait pas raisonnablement conclure ainsi qu’il l’a fait. La seule preuve d’expert figurant dans le dossier établit que le fait de détenir un passeport auquel quatre pages manquent ne constitue pas une infraction selon l’Ordonnance, à moins que la modification ait été faite avec une intention criminelle, et que les pages manquantes contiennent des renseignements sur l’identité du détenteur du passeport, sa nationalité et d’autres éléments importants. La conclusion selon laquelle le fils du demandeur a commis une infraction est donc déraisonnable. C’est une chose de dire que la preuve d’expert n’est pas toujours requise pour établir le droit étranger et lui donner un sens clair; c’en est une toute autre de décider qu’une infraction a été commise en violation d’une loi étrangère malgré la preuve d’expert allant en sens contraire, et sur aucune autre base que sa propre compréhension de cette loi par l’agent.

[27]     Le défendeur a soutenu qu’il n’y a pas de preuve que Me Blanchflower ait une expérience directe ou des compétences quant à l’interprétation de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, puisque cette loi est entrée en vigueur 16 ans après qu’il eut quitté le Canada. Bien que cela puisse effectivement être le cas, les compétences de Me Blanchflower en droit de Hong Kong sont indiscutables. Non seulement il exerce le droit à Hong Kong depuis les 20 dernières années, mais il y a occupé des postes de haut niveau les uns à la suite des autres, en tant qu’avocat salarié de l’État : premièrement comme substitut du procureur général, ensuite comme adjoint du solliciteur général, adjoint principal du directeur des poursuites criminelles, avocat principal adjoint du gouvernement (Section d’aide juridique mutuelle) et adjoint principal du directeur des poursuites criminelles. Il n’est pas n’importe quel avocat de Hong Kong, et l’avis qu’il donne en tant qu’expert ne peut pas être rejeté sans analyse.

[28]     Il est certainement vrai, ainsi que l’a soutenu le défendeur, que les conclusions de fait d’un décideur relatives au droit étranger, y compris les conclusions de fait relatives à la preuve d’expert, justifient la retenue. Il est aussi bien établi que le poids à accorder à la preuve d’expert relève du juge des faits. Toutefois, cela ne revient pas à dire que le décideur peut ne pas tenir compte d’un avis d’expert, en particulier lorsque cet avis est convaincant et bien motivé. Fait intéressant, l’arrêt de la Cour d’appel fédérale sur lequel le défendeur a fondé son plaidoyer pour la retenue souligne ce point même (Capitol Life Insurance Co. c. R., [1986] 2 C.F. 171, à la page 177) :

Dans ce contexte, la Cour n’a fait que reprendre une règle de droit bien établie: l’importance à accorder à un témoignage d’expert ressortit à l’appréciation du juge des faits et une conclusion d’expert qui n’est pas adéquatement expliquée et fondée peut à juste titre être considérée comme n’ayant aucune force probante. La simple opinion d’un avocat, si elle n’est pas fondée sur des références législatives et jurisprudentielles, n’est pas davantage susceptible de prouver le droit étranger de façon qui satisfasse la Cour que, par exemple, la simple opinion d’un évaluateur foncier, sans mention de propriétés et de transactions comparables, […] Il s’agirait d’une situation pour le moins surprenante si l’opinion d’un avocat qualifié ne pouvait établir, comme question de fait, le droit étranger.

[29]     Cela est d’autant plus le cas lorsqu’il n’y a pas de preuve que le décideur est lui‑même un avocat, et lorsque l’avis juridique d’expert relatif à l’interprétation correcte d’une loi étrangère est le seul présent dans le dossier, et qu’il n’est ni obscur ni manifestement invraisemblable. Je cite une décision de la Division de première instance de la Cour fédérale (Murphy, succession c. Canada, [1974] A.C.F. no 507 (1re inst.) (QL) (aux paragraphes 69 à 71) :

    Boreman a été le seul témoin appelé à expliquer le droit de l’État de Pennsylvanie. Si un autre témoignage avait contredit celui de Boreman, je serais alors justifié d’examiner et d’interpréter les passages cités afin d’en arriver à une conclusion satisfaisante au sujet de ces témoignages contradictoires. Je serais aussi justifié d’agir ainsi si le témoignage de Boreman était peu clair.

    En l’espèce, j’estime que ce n’est pas le rôle de la Cour de substituer sa propre interprétation d’un droit étranger à celle appuyée sur des citations et avancée par un expert attestant sous serment ce qu’est le droit étranger dans l’affaire considérée. Il ne s’agit pas ici d’une affaire où je ne pourrais accepter le témoignage d’un avocat étranger, ce qui peut se produire exceptionnellement. Dans les cas exceptionnels que j’ai à l’esprit, quand un expert étranger aboutit à un résultat si extravagant et qui implique une telle incompréhension des concepts familiers aux avocats de tous les pays que le témoignage dudit expert étranger ne peut être accepté, la Cour conclut à la possibilité d’interpréter sans danger l’affaire par elle‑même et la nécessité de le faire en se fondant sur ces concepts universellement acceptés. La proposition avancée par Boreman et à propos de laquelle il cite et interprète la jurisprudence et la doctrine, ne se révèle pas assez surprenante pour en motiver le rejet.

    Il n’existait pas de témoignage d’expert contradictoire et la proposition avancée par Boreman n’était pas obscure. À mon avis, il ne s’agit pas d’une affaire où je peux ou dois, pour me prononcer sur le droit de Pennsylvanie, recourir à ma propre interprétation des citations fournies.

[30]     Si la Cour d’appel fédérale, composée d’éminents juristes, fait valoir qu’un avis d’expert non contesté mérite une certaine retenue, il me semble qu’un décideur administratif devrait tout au moins adopter le même genre d’attitude. Le défendeur allègue que l’agent des visas a bien pris en compte l’avis de Me Blanchflower et qu’il l’a analysé. Bien que ce puisse être vrai en théorie, l’analyse est, au mieux, superficielle. Au lieu de mener un examen et une analyse complets de l’avis et des observations du demandeur, l’agent des visas a simplement reconnu l’aide de Me Blanchflower et qualifié son analyse sur la définition des termes contenus dans l’Ordonnance de [traduction] « pistes ».

[31]     L’agent des visas a ensuite conclu, au moyen de ce qui équivaut à un raisonnement circulaire, que la preuve d’expert ne change pas le fait que Xiao Baian possédait un passeport modifié et qu’il l’avait présenté dans le but d’entrer au Canada. Bien entendu, une telle conclusion élude la question, puisque le passeport n’aurait pas été considéré falsifié en raison des pages manquantes si l’avis de Me Blanchflower avait été admis.

[32]     Le défendeur a soutenu en outre que Me Blanchflower ne connaissait pas les faits importants et pertinents lorsqu’il a émis son avis selon lequel les modifications au passeport de Xiao Baian n’étaient pas intentionnelles, illégales ou importantes. En particulier, il est allégué qu’il ne savait pas que Baian avait délibérément enlevé quatre pages de son passeport, qu’il n’était pas admissible à un visa de résident permanent au Canada à moins d’être un étudiant, qu’il avait déclaré avoir étudié au Royaume‑Uni et que toutes les pages pertinentes quant à ses prétendus voyages au Royaume‑Uni étaient manquantes.

[33]     Un tel argument appelle de nombreux commentaires. Premièrement, il n’est pas clair si, et comment, ces « faits » — même si on suppose qu’ils ont été établis — auraient pu avoir un effet sur l’avis de Me Blanchflower. En particulier, je ne comprends pas comment cela aurait pu changer son avis selon lequel l’infraction est seulement constituée si la modification du passeport est telle que la véritable identité, la nationalité, l’adresse ou le lieu de résidence permanente du détenteur du passeport ne puissent pas être connus. En outre, certains des « faits » auxquels le défendeur fait référence seraient plus justement qualifiés de conjectures et ils ne forment pas un tout cohérent avec la preuve présentée à l’agent des visas. (Par exemple, il n’y a pas de preuve que Baian a [traduction] « délibérément enlevé » les quatre pages de son passeport; la version qu’il a donnée à l’agent des visas, après avoir reconnu avoir précédemment menti, est que sa petite amie avait arraché ces pages et qu’il avait par la suite [traduction] « arrangé les choses pour que le passeport ait un meilleur aspect ».) Enfin, ce qui est peut-être encore plus important, la décision de l’agent des visas n’est pas non plus basée sur les « faits » que Me Blanchflower ignorait peut‑être. La raison pour laquelle Xiao Baian a été déclaré coupable de violation du sous-alinéa 42(2)(c)(i) de l’Ordonnance est qu’il était en possession d’un document modifié; l’agent des visas n’a pas établi comment le document avait été modifié et il n’a imputé aucune mens rea à Xiao Baian, à part le fait de dire que ce dernier n’avait pas donné d’explication crédible qui aurait pu justifier la modification.

[34]     Enfin, le défendeur a essayé, dans son mémoire et dans son mémoire supplémentaire des arguments, de contester l’avis de Me Blanchflower et de présenter une autre interprétation de l’article en cause de l’Ordonnance. En particulier, l’avocate du défendeur allègue que l’avis de Me Blanchflower, selon qui le terme « modifié » vise exclusivement les modifications relatives à l’identité, la nationalité, l’adresse ou le lieu de naissance du détenteur, n’est pas attesté par le mémoire explicatif du projet de loi qui a précédé l’édiction de l’Ordonnance. Il est aussi allégué que l’avis de Me Blanchflower n’est pas cohérent avec le Guide de l’exécution de la loi (ENF) de Citoyenneté et Immigration Canada en ce qui concerne l’objet d’un passeport.

[35]     Il s’agit sans aucun doute d’observations intéressantes qui auraient bien mérité d’être évaluées si elles avaient été faites par l’agent des visas. Toutefois, il est de droit constant que l’avocat du défendeur ne peut pas compléter les motifs donnés par le décideur, lorsqu’on en est à l’étape du contrôle judiciaire. Le contrôle doit porter sur les motifs donnés par l’agent des visas. Quoi qu’il en soit, ces observations auraient les mêmes faiblesses que celles des motifs donnés par l’agent des visas : bien qu’elles aient l’avantage d’être plus détaillées et plus claires que les explications données par l’agent des visas, elles n’en proviennent pas moins d’un avocat canadien qui n’a pas d’expertise prouvée en droit de Hong Kong. Bien que je me garde d’exclure catégoriquement la possibilité qu’un tel avis puisse fournir une base raisonnable sur laquelle on pourrait conclure que le demandeur est interdit de territoire, ce n’est pas la question dont la Cour est saisie en l’espèce.

[36]     Pour tous les motifs exposés ci-dessus, je suis d’avis que l’agent des visas ne pouvait pas raisonnablement conclure que le fils du demandeur principal avait commis l’un des actes constitutifs d’une infraction à Hong Kong et, par conséquent conclure qu’il était interdit de territoire au Canada pour criminalité, au vu de l’avis d’expert en sens contraire fourni par Me Blanchflower et en l’absence de tout autre avis d’expert qui le contredit. Cela ne revient pas à dire que l’agent des visas lui‑même aurait dû demander un avis juridique indépendant; dans le déroulement normal des choses, je pense qu’il incombe au défendeur de fournir un avis d’expert à l’appui de sa position.

[37]     Je voudrais qu’il soit clair que les présents motifs ne devraient pas être interprétés comme s’il fallait demander un avis d’expert dans toutes les situations où les fonctionnaires de l’immigration prennent des décisions basées sur le droit étranger. Toutefois, lorsque la position du demandeur est étayée par un avis crédible et bien expliqué fourni par un expert dont les compétences ne sont pas contestées, il serait tout simplement déraisonnable de tirer une conclusion défavorable sans avoir eu le bénéfice d’un avis d’expert.

[38]     Étant donné la présente conclusion, il n’est pas nécessaire de statuer sur les trois autres questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[39]     Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les parties n’ont proposé la certification d’aucune question grave de portée générale et je suis convaincu qu’aucune ne se pose en l’espèce.

ORDONNANCE

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, que l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen et qu’aucune question n’est certifiée.

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