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T-1893-96

The Friends of the West Country Association (demanderesse)

c.

Le ministre des Pêches et des Océans, le directeur, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne (défendeurs)

Répertorié: Friends of the West Country Assn.c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans)(1re   inst.)

Section de première instance, juge Gibson"Calgary, 22 et 23 avril; Vancouver, 7 juillet 1998.

Environnement Contrôle judiciaire de rapports d'examen préalable, de leurs compléments, et des approbations accordées en vertu de l'art. 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN)Le promoteur (qui n'est pas partie à la présente instance) a demandé l'approbation nécessaire en vue de construire deux ponts enjambant des eaux navigablesCela a entraîné la mise en œuvre de l'exigence d'évaluation environnementale prévue par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementaleLes rapports et leurs compléments ont conclu que les ponts n'étaient pas susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importantsLes approbations ont été délivrées par la Garde côtière canadienne au nom du ministre des Pêches et des Océans (MPO) en vertu du décret C.P. 1998-527 qui transférait au ministère des Pêches et des Océans la responsabilité de la Garde côtière canadienneL'art. 2 de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attribution dans l'administration publique permet au gouverneur en conseil de transférer des pouvoirs, obligations et fonctions entre ministres, et la responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique, entre ministèresLe décret ne transférait pas les pouvoirs, obligations et fonctions duministre, défini à l'art. 5(1) de la LPEN comme le ministre des Transports, au MPOBien que la délivrance des approbations par le MPO ait été irrégulière, il n'était pas dans l'intérêt de la justice de les déclarer nullesEn jurisprudence américaine, le principe de l'utilité propre d'un projet proposé constitue un facteur décisif dans la détermination de la portée du projetLa publication intitulée la Loi canadienne sur l'évaluation environnementaleGuide des autorités responsables étend ce principe de façon obligatoire à la définition de la portée de l'évaluationBien que l'art. 15(2) prévoie qu'une autorité responsable a le pouvoir discrétionnaire de considérer ou non que plusieurs projets n'en forment qu'un seul, les arts. 15(3) et 16(1) prévoient l'application obligatoire du principe de l'utilité propre dans l'analyse de la portée de l'évaluationL'autorité responsable pouvait raisonnablement considérer les ponts comme des projets distincts aux fins des évaluations environnementalesCependant, les évaluations environnementales souffraient de lacunes: 1) elles ne portaient pas sur une construction ou sur tout autre ouvrageliéaux projets, soit la Mainline Road; 2) elles ne portaient pas sur les effets environnementaux cumulatifs que leur réalisation, combinée à celle du projet de la Mainline Road, était susceptible de causer à l'environnementLacunes constituant des erreurs de droit justifiant l'intervention de la CourLe préambule de la LCEE engage le gouvernement à favoriser la participation de la population à l'évaluation environnementale des projetsL'art. 55 de la LCEE exige la tenue d'un registre public relatif à chacun des projets pour lesquels une évaluation environnementale est effectuéeEn l'espèce, le registre public a été maintenu à Sarnia (Ontario)La demanderesse était formée en majeure partie de résidents ruraux de l'Alberta qui vivaient dans la région où les ponts devaient être construitsCela n'était pas conforme à l'exigence d'accès facile pour les membres du public les plus touchésLa recommandation faite à la demanderesse de présenter une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir les documents contenus au registre n'était pas conforme aux obligations prévues à l'art. 55 et au préambule, et constituait une erreur susceptible de contrôle.

Droit administratif Contrôle judiciaire Certiorari Rapports d'examen préalable, compléments et approbations délivrées en vertu de l'art. 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigablesLes rapports et leurs compléments concluaient que les deux ponts proposés n'étaient pas susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importantsDemande ne visant pas le contrôle de décisions distinctesPonts conçus pour faire partie intégrante d'une seule routeRapports en venant pratiquement aux mêmes recommandationsLa procédure de contrôle judiciaire n'a pas été entravée en raison du fait que la demande portait sur plus d'une décisionIl était dans l'intérêt de la justice que cette affaire soit traitée dans le cadre d'une seule demande, nonobstant le fait qu'elle comportait de nombreuses décisions liées les unes aux autres de façon étroiteLa Cour a ordonné le dépôt de beaucoup plus de documentation que ce qui avait été déposé dans le dossier de l'officeL'ensemble des documents produits conformément à l'ordonnance étaient pertinents et la Cour en était saisie à bon droitLes faits n'étaient pas semblables à un scénario en matière de droits de la personne où un document utilisé par l'enquêteur, mais qui n'a pas été demandé par la Commission, ne saurait être produitIl n'y a pas deux étapes distinctes, savoir l'enquête et la décision, parce que l'art. 17(2) oblige le ministre (ou toute autre autorité responsable) à assumer un rôle de supervision sur l'enquête, non pas une simple participation passive.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire des rapports d'examen préalable, de leurs compléments, et des approbations accordées en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN). Le promoteur (qui n'est pas partie à la présente instance) détient d'importants droits de coupe de bois dans la région en question, et il a enclenché un processus de planification à long terme de coupe de bois qui a permis d'identifier le besoin d'un "chemin d'exploitation" important pour transporter les billots de la région dans laquelle il est titulaire de droits de coupe jusqu'au site de son usine. La construction de la nouvelle Mainline Road, comprenant les deux ponts, a été identifiée comme l'option préférée. Le promoteur a demandé l'approbation nécessaire en vue de construire deux ponts, l'un enjambant le ruisseau Prairie Creek et l'autre au-dessus de la rivière Ram, deux "eaux navigables". La demande d'approbations a entraîné la mise en œuvre de l'exigence d'évaluation environnementale prévue par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE). Deux évaluations environnementales distinctes ont été effectuées. Les rapports d'examen préalable ont été approuvés et communiqués. Suivant les consultations publiques requises par la LCEE, des compléments ont été ajoutés aux rapports d'examen préalable. Les rapports et leurs compléments concluaient que les ponts n'étaient pas susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importants. La Garde côtière canadienne a délivré les approbations au nom du ministre des Pêches et des Océans, qui a pris charge de la responsabilité qui lui était conférée relativement aux parties pertinentes de la Garde côtière à compter du 1er avril 1995, se fondant apparemment sur le décret C.P. 1995-527, qui avait été pris en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attribution dans l'administration publique. L'article 2 de cette loi permet au gouverneur en conseil de procéder à tout transfert d'attributions entre ministres, et de responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique entre ministères ou secteurs de l'administration publique. Le "ministre" est défini dans la LPEN comme étant le ministre des Transports.

La demanderesse, dont les membres sont en majeure partie des résidents ruraux de l'Alberta vivant dans la région dans laquelle le ruisseau Prairie Creek et la rivière Ram sont situés, craignait que les nouvelles opérations forestières à grande échelle proposées par le promoteur aient des répercussions sur l'environnement. La demanderesse a prétendu que les ponts et une route afférente, connue sous le nom de "Mainline Road", étaient entièrement liés aux nouvelles opérations forestières.

Conformément à une ordonnance de la Cour, les défendeurs ont fourni beaucoup plus de documentation que ce qui avait été déposé à l'origine dans le dossier de l'office. La Cour d'appel fédérale a par la suite rejeté l'appel interjeté contre cette ordonnance au motif qu'il était sans objet. Les défendeurs ont alors soulevé la question de la pertinence de la documentation supplémentaire produite en vertu de cette ordonnance.

Voici les questions en litige: 1) la demande avait-elle été déposée à bon droit devant la Cour?; 2) la documentation supplémentaire produite conformément à l'ordonnance de la Cour était-elle pertinente?; 3) les approbations étaient-elles nulles parce qu'elles n'avaient pas été accordées par le bon ministre?; 4) l'évaluation environnementale avait-elle été effectuée conformément à la loi?

Jugement: la demande doit être accueillie.

1) Les défendeurs ont soutenu que la demande avait été déposée à tort devant la Cour au motif qu'elle visait le contrôle d'au moins quatre décisions distinctes (les deux rapports, leurs compléments, et les deux approbations). Les deux rapports d'examen préalable se ressemblent beaucoup. Les deux ponts sont conçus pour faire partie intégrante d'une seule route. Les rapports en viennent pratiquement aux mêmes recommandations. Il apparaît que les deux approbations ont découlé des rapports d'examen préalable. Aucune preuve n'indiquait qu'une étude distincte ou qu'un processus de prise de décision ait eu lieu. La présente procédure de contrôle judiciaire n'a été ni entravée ni rendue plus complexe du fait que la demande de contrôle portait sur plus d'une décision. Il était dans l'intérêt de la justice que cette affaire soit traitée dans le cadre d'une seule demande, nonobstant le fait qu'elle comportait de nombreuses décisions liées les unes aux autres de façon tellement étroite.

2) L'ensemble des documents produits conformément à l'ordonnance étaient pertinents et la Cour en était saisi à bon droit. Les faits de l'espèce n'étaient pas semblables à un scénario qui pourrait se présenter en matière de droits de la personne, lorsqu'un document utilisé par l'enquêteur dans son rapport, mais qui n'a pas été demandé par la Commission, ne saurait faire l'objet d'une demande de production à titre de document utilisé par la Commission dans sa décision. Il n'y a pas deux étapes distinctes, savoir l'enquête et la décision, parce que le paragraphe 17(2), qui dispose que les mesures prévues au paragraphe 20(1) ne peuvent être prises que si l'autorité responsable est convaincue que les attributions déléguées ont été exercées conformément à la LCEE, oblige le ministre (ou toute autre autorité responsable) à assumer un rôle de supervision sur l'enquête, non pas une simple participation passive.

3) Le décret C.P. 1995-527 n'a pas transféré les pouvoirs, obligations ou fonctions du "ministre", tel que défini, du ministre des Transports au ministre des Pêches et des Océans. Il a plutôt transféré au ministère des Pêches et des Océans la responsabilité de la Garde côtière canadienne, à l'exception de certains secteurs non pertinents. Le ministre des Pêches et des Océans assume la direction et la gestion du ministère des Pêches et des Océans. Le gouverneur en conseil aurait pu conférer au ministre des Pêches et des Océans l'autorité nécessaire pour qu'il accorde les autorisations aux termes du paragraphe 5(1) de la LPEN, par un transfert de pouvoirs, d'obligations et de fonctions du ministre des Transports, mais, pour une raison inconnue, cela n'a pas été fait. La délivrance des approbations au nom du ministre des Pêches et des Océans était irrégulière. Toutefois, il ne serait pas dans l'intérêt de la justice de déclarer la délivrance des approbations nulle.

4) Une interprétation large de la LCEE s'imposait, surtout lorsque son préambule et ses objectifs, tels que prévus à l'article 4, sont interprétés en corrélation avec les autres dispositions de la Loi.

La jurisprudence américaine considère que l'utilité propre d'un ouvrage ou d'un projet proposé constitue un facteur décisif dans la détermination de sa portée. Bien que ce concept d'"utilité propre" ne se retrouve pas explicitement dans la jurisprudence canadienne, il est implicite dans au moins une affaire, et plus directement dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: Guide des autorités responsables . Étant donné qu'on peut trouver des "autorités responsables" dans tout ministère ou organisme du gouvernement du Canada et ailleurs, le guide a été publié dans le but d'assurer un certain niveau d'uniformité dans l'application de la LCEE, et ses prescriptions devraient faire l'objet d'une certaine déférence. Le Guide indique que les ouvrages ou activités concrètes accessoires au projet principal peuvent faire partie de l'évaluation environnementale. Il indique également que tous les éléments significatifs d'un ouvrage qui sont susceptibles d'être entrepris doivent être inclus dans l'évaluation. Il semble interpréter la LCEE de manière à étendre, de façon obligatoire, la portée du principe de l'utilité propre non seulement à la définition de la portée du projet mais aussi à celle de l'évaluation. Ainsi, une "interprétation libérale" de la LCEE pourrait conduire une autorité responsable à analyser les effets environnementaux de travaux et d'entreprises liés qui, de par eux-mêmes, peuvent se trouver complètement à l'extérieur du champ de compétence législative du Parlement, résultat qui est manifestement visé par le paragraphe 12(4) et par la définition du terme "instance" figurant au paragraphe 12(5) de la LCEE.

Le paragraphe 15(1) de la LCEE prévoit que l'autorité responsable détermine la portée du projet à l'égard duquel l'évaluation environnementale doit être effectuée. Le paragraphe 15(2) prévoit explicitement qu'une autorité responsable jouit du pouvoir discrétionnaire de considérer ou non que plusieurs projets n'en forment qu'un seul. L'autorité responsable, soit la Division des programmes de protection des eaux navigables de la Garde côtière canadienne, a décidé que les deux ponts n'étaient pas liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet aux fins des évaluations environnementales. Elle pouvait raisonnablement en arriver à une telle conclusion. Il n'y a eu aucune erreur dans la qualification des projets assujettis à la demande de contrôle des évaluations environnementales, et, plus précisément, dans l'omission d'inclure dans la portée des projets de pont la route et les opérations forestières proposées, dont les ponts pourraient être considérés comme accessoires. Mais, cela n'a pas eu pour effet de clore l'affaire.

Le paragraphe 15(3) oblige l'autorité responsable, lorsqu'un projet concerne un ouvrage, à effectuer l'évaluation environnementale pertinente non seulement du projet visé, mais aussi de toute opération, construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre liée à l'ouvrage qui constitue le projet proposé par le promoteur ou que l'autorité responsable estime "susceptible d'être réalisée [par toute personne autre que le promoteur] en liaison avec [l'ouvrage qui constitue le projet]". La construction de la route et les opérations forestières ont été "proposées par le promoteur", et non pas par un tiers. En conséquence, le paragraphe 15(3) obligeait l'autorité responsable à faire porter l'évaluation environnementale sur la route et peut-être sur les opérations forestières, dans la mesure où ces dernières étaient "en liaison avec" les projets, c'est-à-dire, les ponts et les culées afférentes. L'autorité responsable ne jouissait d'aucun pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire conféré par les derniers mots du paragraphe 15(3) n'entre en jeu que lorsqu'un projet proposé est susceptible d'être réalisé, en liaison avec le projet visé, par une autre personne. Le paragraphe 15(3) montre clairement, dans le cadre des faits de la présente affaire, que l'autorité responsable doit appliquer le principe de l'utilité propre dans l'analyse de la portée de l'évaluation.

Le paragraphe 16(1) oblige une autorité responsable à faire porter un examen préalable sur les effets environnementaux pouvant résulter du projet visé ainsi que sur ceux que sa réalisation, combinée à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer. La construction de la route et les opérations forestières proposées par le promoteur auront lieu. Le paragraphe 16(1) laisse clairement voir l'existence de l'obligation de l'autorité responsable d'appliquer le principe de l'utilité propre dans l'analyse de la portée de l'évaluation. La portée de l'évaluation environnementale ne s'étendait pas aux effets environnementaux du projet de construction de la route ni à ceux de ce projet et des opérations forestières. Les évaluations environnementales souffraient de deux lacunes fatales: 1) elles ne portaient pas sur une construction ou sur tout autre ouvrage, soit la Mainline Road, qui constituait une construction ou un autre ouvrage "lié" aux projets visés et qui avait été proposée par le promoteur; 2) elles ne portaient pas sur les effets environnementaux cumulatifs que leur réalisation, combinée à la réalisation d'un autre projet, soit la route déjà mentionnée, est susceptible de causer à l'environnement. Ces vices étaient des erreurs de droit, commises au cours des étapes préliminaires indispensables menant à la délivrance des approbations aux termes de la LPEN. En vertu de la norme de justesse, il s'agissait d'erreurs justifiant l'intervention de la Cour.

C'est en vertu de l'engagement du gouvernement énoncé dans le préambule de la LCEE, soit de favoriser la participation de la population à l'évaluation environnementale des projets et de fournir l'accès à l'information sur laquelle se fonde cette évaluation, que l'article 55 de la LCEE exige la tenue d'un registre public relatif à chacun des projets pour lesquels une évaluation environnementale est effectuée. Ce registre doit être tenu dès le début de l'évaluation environnementale et jusqu'à ce que le programme de suivi soit terminé. En l'espèce, le registre public a été maintenu à Sarnia (Ontario) même si les membres de la demanderesse vivaient dans une région isolée, au pied des montagnes en Alberta. Il n'a pas été satisfait à l'exigence que le registre soit tenu et fonctionne de manière à assurer un accès facile pour les membres du public les plus touchés. Lorsque la demanderesse a demandé des copies, seulement certains documents lui ont été fournis. Il a été suggéré au représentant de la demanderesse de présenter une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir les documents manquants. Étant donné que les documents étaient demandés aux fins de la consultation publique prévue au paragraphe 18(3) de la LCEE et que la période allouée à cette fin était assez courte, la recommandation d'utiliser la procédure prévue par la Loi sur l'accès à l'information était totalement inappropriée et non conforme à l'obligation existante en vertu de l'article 55 de la LCEE et aux engagements énoncés dans son préambule. Cette omission de la part du ministre des Pêches et des Océans et de son délégué constituait une autre erreur susceptible de contrôle dans la procédure menant aux décisions faisant l'objet de la présente demande de contrôle.

lois et règlements

Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467.

Décret transférant du ministère des Transport au ministère des Pêches et des Océans la responsabilité à l'égard de la Garde côtière canadienne à l'exception de la Direction des havres et des ports et les divisions régionales des havres et des ports, la Direction de la réglementation maritime, la Direction des inspections des navires et les divisions régionales des inspections des navires, TR/95-46.

Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, préambule, art. 2(1) "autorité fédérale", "autorité responsable", "effets environnementaux", "évaluation environnementale", "partie intéressée", "projet" (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 18), 4a ) (mod., idem, art. 19), b), b.1) (édicté par L.C. 1994, ch. 46, art. 1), c),d), 5(1), 11, 12(3),(4) (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 20), (5) "instance", 14a ), 15(1),(2),(3) (mod., idem, art. 21), 16(1) (mod., idem, art. 22), (2),(3),(4), 17, 18(1) (mod., idem, art. 23), (2) (mod., idem), (3), 20(1), 55(1),(2),(3) (mod., idem, art. 38), (4),(5),(6)(7), 59f).

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(1) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22, art. 2 "eaux navigables", "ministre", 3, 5.

Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, L.R.C. (1985), ch. F-15.

Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, L.R.C. (1985), ch. P-34, art. 2, 3.

Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, DORS/94-636.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 2(2), 1602(2) (édictée par DORS/92-43, art. 19).

_Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, Règle 302.

jurisprudence

décisions appliquées:

Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554; (1993), 100 D.L.R. (4th) 658; 13 Admin. L.R. (2d) 1; 46 C.C.E.L. 1; 17 C.H.R.R. D/349; 93 CLLC 17,006; 149 N.R.1; Union of Nova Scotia Indians c. Canada (Procureur général), [1997] 1 C.F. 325; (1996), 22 C.E.L.R. (N.S.) 293; [1997] 4 C.N.L.R. 280; 122 F.T.R. 81 (1re inst.); Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; (1992), 88 D.L.R. (4th) 1; [1992] 2 W.W.R. 193; 84 Alta. L.R. (2d) 129; 3 Admin. L.R. (2d) 1; 7 C.E.L.R. (N.S.) 1; 132 N.R. 321; Thomas v. Peterson, 753 F.2d 754 (9th Cir. 1985); Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie), [1994] 1 R.C.S. 159; (1994), 112 D.L.R. (4th) 129; 20 Admin. L.R. (2d) 79; 14 C.E.L.R. (N.S.) 1; [1994] 3 C.N.L.R. 49; 163 N.R. 241; R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213; (1997), 151 D.L.R. (4th) 32; 118 C.C.C. (3d) 97; 24 C.E.L.R. (N.S.) 167; 9 C.R. (5th) 157; 217 N.R. 241.

distinction faite avec:

Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455; (1995), 180 N.R. 152 (C.A.).

décisions examinées:

Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] F.C.J. no 1666 (1re inst.) (QL); Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1997), 23 C.E.L.R. (N.S.) 145; 130 F.T.R. 206 (C.F. 1re inst.); conf. par (1997), 25 C.E.L.R. (N.S.) 230 (C.A.F.).

décision citée:

Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1998] F.C.J. no 821 (1re inst.) (QL).

doctrine

Agence canadienne d'évaluation environnementale. Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: Guide des autorités responsables. Ottawa: Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1994.

DEMANDE de contrôle judiciaire des rapports d'examen préalable, de leurs compléments, et des approbations concluant que la construction projetée de deux ponts n'était pas susceptible de causer des effets environnementaux négatifs importants. Demande accueillie.

ont comparu:

Stewart A. G. Elgie et Jerry V. DeMarco pour la demanderesse.

Ursula M. Tauscher pour les défendeurs.

avocats inscrits au dossier:

Sierra Legal Defence Fund, Toronto, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Gibson:

1)    LE CONTEXTE ET LES DÉCISIONS FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

Au moyen d'une lettre datée du 13 décembre 1995, Agra Earth & Environmental Limited, agissant au nom de Sunpine Forest Products Ltd. (le promoteur), a soumis à la Division des programmes de protection des eaux navigables de la Garde côtière canadienne une demande d'approbation pour la construction de deux ponts, soit l'un au-dessus de Prairie Creek et l'autre au-dessus de la rivière Ram, toutes deux reconnues comme étant des "eaux navigables" au sens de l'article 2 de la Loi sur la protection des eaux navigables1 (la LPEN). Ainsi, ni l'un ni l'autre pont ne pouvait être construit, à moins que le pont, "préalablement au début des travaux, et son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre selon les modalités qu'il juge à propos"2. Le "ministre" est défini à l'article 2 de la LPEN comme étant le ministre des Transports. Le paragraphe 5(1) de la LPEN est désigné dans le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées3 , pris en vertu de l'article 59 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale4 (la LCEE). En conséquence, la demande d'obtention des approbations requises en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN pour la construction des deux ponts a entraîné la mise en œuvre de l'exigence d'évaluation environnementale prévue par la LCEE.

Deux évaluations environnementales distinctes ont été effectuées. Les rapports d'examen préalable ont été approuvés le 17 juillet 1996 et communiqués le jour suivant. Des consultations publiques ont alors eu lieu, conformément à la LCEE. Suivant ces consultations, des compléments ont été ajoutés aux rapports d'examen préalable le 16 août 1996. Les rapports et leurs compléments concluaient que les ponts n'étaient pas susceptibles de causer des effets environnementaux négatifs importants. Il a donc été décidé que la Garde côtière canadienne pouvait, au nom du ministre, procéder à la délivrance des approbations visées au paragraphe 5(1) de la LPEN. Les approbations ont été délivrées le 17 août 1996 au nom du ministre des Pêches et des Océans.

La demanderesse a, le 19 août 1996, déposé la présente demande de contrôle judiciaire, par laquelle elle demande le contrôle des rapports d'examen préalable et de leurs compléments et des approbations accordées en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN.

2)    LES PARTIES

La demanderesse, The Friends of the West Country Association, est un organisme sans but lucratif dont les membres sont, pour la majorité, des résidents ruraux vivant dans les environs de Strachan (Alberta), une petite communauté située au pied des montagnes Rocheuses, à l'ouest de Rocky Mountain House. La demanderesse allégue que plusieurs de ses membres chassent, font de la randonnée, du piégeage, pêchent et s'adonnent à d'autres activités récréatives dans la région où ils vivent, qui se trouve aussi à être la région dans laquelle Prairie Creek et la rivière Ram sont situées. La demanderesse fait valoir les inquiétudes de ses membres au sujet d'une proposition du promoteur quant à de nouvelles opérations forestières à grande échelle qui, craignent-ils, pourrait avoir des répercussions sur l'environnement et la qualité de vie dans la région dans laquelle ils vivent. La demanderesse prétend que les ponts et une route afférente, connue sous le nom de "Mainline Road", sont entièrement liés aux nouvelles opérations forestières.

Le défendeur, soit le directeur des programmes maritimes à la Garde côtière canadienne, est la personne qui a "apposé sa signature en guise d'approbation" sur les rapports d'examen préalable et leurs compléments. Les approbations en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN ont été données au moyen d'une signature par le directeur régional, région centrale et arctique, de la Garde côtière canadienne, ou en son nom, pour l'autre défendeur, soit le ministre des Pêches et des Océans.

Bien que le promoteur ne soit pas partie à la présente demande de contrôle judiciaire, l'issue de celle-ci revêt une importance capitale pour lui. Il semble détenir d'importants droits de coupe dans la région en question, qui est connue sous le nom de "West Country". Il a enclenché un processus de planification à long terme de coupe de bois qui a permis d'identifier le besoin d'un "chemin d'exploitation" important pour transporter les billots de la région dans laquelle il est titulaire de droits de coupe jusqu'au site de son usine de Strachan. Après analyse des divers choix de route possibles aux fins de satisfaire à ses besoins, il a préféré l'option de construire la nouvelle Mainline Road comprenant les deux ponts en question. La demande de permission pour la construction des deux ponts, qui a été présentée aux termes de la LPEN, en a donc résulté.

3)    LES RÉPARATIONS DEMANDÉES

Dans son mémoire des faits et du droit, la demanderesse a précisé ainsi les réparations demandées dans l'avis de requête introductive d'instance:

[traduction]

. . . une ordonnance:

a)    annulant les décisions du directeur [Directeur, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne] et du MPO [Ministre des Pêches et des Océans] des 18 juillet, 16 août et 3 décembre 1996, rendues en vertu du paragraphe 20(1) de la LCEE, statuant que la construction projetée des ponts de Prairie Creek et de la rivière Ram et les travaux liés ne sont pas susceptibles d'entraîner des effets environnementaux importants5;

b)    invalidant ou déclarant illégaux les rapports d'examen préalable pour les ponts de Prairie Creek et de la rivière Ram qui ont été approuvés par le MPO et le directeur les 18 juillet, 16 août et 3 décembre 1996;

c)    interdisant au MPO d'accorder toute approbation, en vertu de la LPEN ou de tout autre texte législatif ou réglementaire, qui autoriserait Sunpine à procéder à la construction des ponts de Prairie Creek ou de la rivière Ram ou aux travaux liés jusqu'à ce que l'ensemble des exigences de la LCEE aient été respectées;

d)    annulant la décision du MPO d'accorder, en vertu de la LPEN, des approbations autorisant Sunpine à procéder à la construction des ponts de Prairie Creek et de la rivière Ram et aux travaux liés;

e)    obligeant le directeur et le MPO (s'il s'agit du ministre responsable) à soumettre à une évaluation environnementale exhaustive la demande de Sunpine d'obtenir la permission de construire les ponts de Prairie Creek et de la rivière Ram et d'effectuer les travaux liés, conformément aux exigences de la LCEE, dont les exigences prévues aux articles 15 et 16, avant de prendre quelque décision que ce soit aux termes du paragraphe 20(1) de la LCEE, et avant de décider de délivrer ou non tout permis aux termes de la LPEN ou d'approuver le projet de quelque façon que ce soit;

f)    obligeant le directeur et le MPO (s'il s'agit du ministre responsable) à renvoyer les propositions de Sunpine relatives aux ponts de Prairie Creek et de la rivière Ram à une commission aux termes de l'alinéa 20(1)c) de la LCEE; et

g)    Toute autre ordonnance que la Cour estime juste.

À l'audience, l'avocat de la demanderesse s'est désisté de sa demande relativement à la mesure énoncée à l'alinéa c) susmentionné. De plus, il a reconnu que les réparations demandées aux alinéas e) et f) sont subsidiaires.

4)    LES QUESTIONS EN LITIGE ET LEUR

        ANALYSE

        (1)    Les questions préliminaires, d'ordre procédural et de compétence

                a)    Décision ou ordonnance unique ou toute autre question

L'avocate des défendeurs a soutenu que la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée à tort auprès de la Cour au motif qu'elle visait au moins quatre décisions différentes6: les décisions figurant dans les deux rapports d'examen préalable7 et leurs compléments, et les deux approbations accordées aux termes du paragraphe 5(1) de la LPEN.

Les deux rapports d'examen préalable se ressemblent beaucoup, ce qui n'est pas surprenant. Ils ont trait à deux ponts à une travée, comprenant deux voies, qui passeraient au-dessus de deux voies navigables relativement étroites et peu profondes et relativement proches l'une de l'autre. Les deux ponts sont conçus pour faire partie intégrante d'une seule et unique route, soit la Mainline Road, reliant les zones de droits de coupe du promoteur au site de l'usine de Strachan. Les rapports en viennent pratiquement aux mêmes recommandations. Si je comprends bien le paragraphe 15(2) de la LCEE, l'"autorité responsable", soit, prétendument, le ministre des Pêches et des Océans en l'espèce, aurait pu déterminer que les deux "projets", soit les ponts, "sont liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet". Si une telle détermination avait été faite, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il en serait résulté seulement un rapport d'examen préalable, une recommandation et, possiblement, une seule approbation.

Il apparaît que les deux approbations accordées en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN ont découlé des rapports d'examen préalable. Aucune preuve ne m'indique qu'une étude distincte ou qu'un processus de prise de décision ait eu lieu. Les dates d'approbation suivent de très près l'achèvement des compléments de rapports d'examen préalable.

Vu ce qui précède, je n'ai pu trouver aucun motif à l'audition qui m'aurait permis de conclure que la présente procédure de contrôle judiciaire avait été entravée ou rendue plus complexe ou plus difficile à gérer, de quelque façon que ce soit, en raison du fait que la demande de contrôle portait sur plus d'une décision. D'ailleurs, si plusieurs demandes de contrôle judiciaire distinctes avaient été déposées, la seule façon logique de procéder aurait été d'ordonner la tenue d'une audition conjointe des différentes demandes à partir d'un seul dossier de l'office. De même, je me serais attendu que, dans de telles circonstances, les parties n'auraient déposé qu'un seul dossier ou que, si elles en avaient déposé plus d'un, ils auraient été, à toutes fins utiles, identiques. À l'audition, j'ai donc conclu qu'il n'aurait pas été dans l'intérêt de la justice de diviser la présente demande. Je suis plutôt parvenu à la conclusion contraire, soit qu'il était dans l'intérêt de la justice que cette affaire soit traitée dans le cadre d'une seule demande, nonobstant le fait qu'elle comportait de nombreuses décisions liées les unes aux autres de façon tellement étroite. J'ai bien fait comprendre aux avocats que ma décision à cet égard découlait uniquement des faits de la présente affaire.

                b)    Le dossier de l'office

Le dossier de l'office déposé à l'origine en l'instance en vertu des Règles de la Cour fédérale8 était un document assez mince. La demanderesse a réalisé que la Garde côtière canadienne disposait de beaucoup plus de documentation lors de l'analyse des propositions du promoteur. Elle a présenté à la Cour une demande d'ordonnance enjoignant la production de documentation supplémentaire. Par ordonnance datée du 7 mai 1997 [(1997), 23 C.E.L.R. (N.S.) 145], mon collègue le juge Muldoon a ordonné aux défendeurs de fournir à la demanderesse et au greffe de la Cour de la documentation supplémentaire, dûment certifiée, celle-ci étant décrite plus en détail dans son ordonnance. Cette dernière a été portée en appel, mais elle n'a pas été suspendue en attendant l'issue de l'appel, de sorte que la documentation a été fournie et produite en conformité avec ses dispositions.

La Cour d'appel fédérale [(1997), 25 C.E.L.R. (N.S.) 230] a rejeté l'appel de l'ordonnance rendue par le juge Muldoon au motif que, étant donné que la documentation avait été fournie et déposée conformément à cette ordonnance, l'appel était sans objet. Dans des motifs connexes, le juge Strayer, J.C.A. a écrit [à la page 231]:

Nous rejetons l'appel sans nous prononcer sur le bien-fondé de la décision portée en appel. De plus, notre décision ne devrait pas être considérée comme une décision modifiant le droit ou l'obligation du juge des requêtes qui entend le contrôle judiciaire de décider quelles décisions font l'objet d'un contrôle et quels documents sont pertinents pour le contrôle de ces décisions. [Non souligné dans l'original.]

Aussi, l'avocate des défendeurs a soulevé à l'audience la question de la pertinence de la documentation supplémentaire produite en vertu de l'ordonnance du juge Muldoon. Cette documentation contenait beaucoup plus de documents que le dossier de l'office qui avait été produit au départ. Elle contenait surtout la demande soumise au nom du promoteur pour l'approbation de la construction des ponts dont il est question en l'espèce.

L'avocate a reconnu que les fonctionnaires de la Garde côtière canadienne qui ont effectué l'examen préalable disposaient de beaucoup plus de documents, dont l'ensemble de la documentation fournie à la Cour en réponse à l'ordonnance du juge Muldoon, que ce que comprenait le dossier de l'office qui avait été produit. Elle a invoqué l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak9, dans lequel le juge MacGuigan, J.C.A. a écrit:

Seuls le rapport de l'enquêteur et les observations des parties sont nécessaires pour la décision de la Commission. Tout le reste est laissé au bon plaisir de la Commission. Si la Commission choisit donc de ne pas demander tel ou tel document, alors on ne peut dire que ce document se trouve devant la Commission à l'étape de la décision, par opposition à l'étape de l'enquête. Ledit document ne saurait donc faire l'objet d'une demande de production à titre de document utilisé par la Commission dans sa décision, même s'il a fort bien pu être utilisé par l'enquêteur dans son rapport. Ce sont là deux moments différents de la vie de la Commission, des moments distincts qui ne sauraient être confondus par l'effet d'une fiction juridique.

Le même arrêt a été cité devant le juge Muldoon et dans ses motifs de décision. Suivant la référence, il a écrit [à la page 156]:

Les intimés font valoir que l'espèce est semblable à un scénario qui pourrait se présenter devant la Commission des droits de la personne parce que le paragraphe 20(1) de la LCEE dispose comme suit: "L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3)". Cet argument doit être rejeté au vu du paragraphe 17(2) de la LCEE . . . qui dispose qu'aucune des mesures prévues au paragraphe 20(1) ne peut être prise que si l'autorité responsable est convaincue que les attributions déléguées ont été exercées conformément à la LCEE. Il n'y a pas deux étapes distinctes, savoir l'enquête et la décision, parce que le paragraphe 17(2) de la LCEE oblige le ministre (ou toute autre autorité responsable) à assumer un rôle de supervision sur l'enquête, non pas une simple participation passive.

Je souscris à l'analyse de mon collègue. Je conclus que l'ensemble des documents produits conformément à l'ordonnance du juge Muldoon étaient pertinents et que j'en étais saisi à bon droit lors de l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire.

                c)    Le pouvoir du décisionnaire en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables

Comme il a été mentionné précédemment dans les présents motifs, le "ministre", tel que défini dans la LPEN, est le ministre des Transports; c'est lui qui autorise la délivrance des approbations aux termes du paragraphe 5(1) de cette Loi. Toutefois, la preuve dont je dispose indique que les approbations délivrées en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN l'ont été au nom du ministre des Pêches et des Océans. Cette action a apparemment été fondée sur le décret C.P. 1995-527 [TR/95-46], en date du 28 mars 1995, adopté par le gouverneur général en conseil en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique10 . L'article 2 de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique permet au gouverneur en conseil de procéder à tout transfert "d'attributions . . . entre ministres" et "de responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique . . . entre ministères ou secteurs de l'administration publique".

Le décret C.P. 1995-527 ne visait pas à transférer les pouvoirs, les obligations ou les fonctions du "ministre", tel que défini, du ministre des Transports au ministre des Pêches et des Océans, comme il semble que cela aurait pu être le cas. Le décret a plutôt transféré au ministère des Pêches et des Océans "la responsabilité à l'égard du secteur de l'administration publique connu sous le nom de Garde côtière canadienne qui fait partie du ministère des Transports" à l'exception de certains secteurs de la Garde côtière qui ne sont pas pertinents en l'espèce. En vertu de la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans11 , le ministre des Pêches et des Océans "assure la direction et la gestion" du ministère des Pêches et des Océans.

Ainsi, les défendeurs prétendent qu'en vertu du décret, le ministre des Pêches et des Océans a pris en charge la responsabilité pour les parties de la Garde côtière canadienne pertinentes aux fins de la présente affaire et qu'au moins implicitement, il a été substitué au ministre des Transports en tant que ministre désigné pour l'application du paragraphe 5(1) de la LPEN.

Dans ses motifs précités, le juge Muldoon a émis de sérieux doutes sur l'efficacité, aux fins de la présente affaire, de l'acte du gouverneur en conseil. Bien que reconnaissant que [à la page 155]:

Quand la validité d'une décision administrative est contestée au motif qu'elle est ultra vires, c'est à la Cour qui entend la demande de contrôle judiciaire qu'il incombe de se prononcer sur cette question. L'effet d'un vice procédural aussi fondamental dépasse le cadre de la question dont la Cour est actuellement saisie, . . .

Le juge Muldoon n'en a pas moins émis l'opinion suivante [à la page 153]:

Au moment où l'évaluation a été faite, le ministre des Pêches et Océans n'avait pas et n'a toujours pas le pouvoir de donner des autorisations en vertu de la LPEN ou de déléguer son pouvoir d'accorder de telles autorisations à la Garde côtière canadienne.

Il a poursuivi en disant que [à la page 154]:

Le fait que le ministre des Pêches et Océans a, en vertu de l'article 3 de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, "le plein exercice des pouvoirs et fonctions dévolus à [ses] prédécesseurs" ne signifie pas que le ministre des Pêches et Océans a le pouvoir, en vertu de la LPEN, d'accorder une autorisation. Le décret n'a pas modifié la LPEN. Le décret adopté en vertu de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique a pour effet de transférer au ministre des Pêches et Océans tous les pouvoirs qui étaient auparavant dévolus au ministre des Transports relativement à l'administration de la Garde côtière. La LPEN stipule que c'est le ministre des Transports, et non le ministre des Pêches et Océans, qui accorde les autorisations. Le ministre des Transports peut déléguer ces pouvoirs à n'importe qui, et pas nécessairement à la Garde côtière. (Le ministre des Pêches et Océans le pourra également, mais uniquement après que la loi aura été modifiée, si tant est qu'elle l'est.) La manière dont le ministre des Pêches et Océans a pu être impliqué dans cette affaire demeure pour la Cour un mystère.

L'avocat de la demanderesse a soutenu que je devrais adopter la position de mon collègue et juger que les approbations accordées en vertu de la LPEN sont carrément nulles car elles n'ont pas été accordées au nom du bon ministre.

Le ministre des Pêches et des Océans a pris charge de la responsabilité qui lui était conférée relativement aux parties pertinentes de la Garde côtière à compter du 1er avril 1995. La responsabilité de la tenue de l'examen préalable quant aux deux ponts a été déléguée à la Garde côtière après cette date. La Garde côtière s'est acquittée de cette responsabilité, a présenté des rapports sur l'examen préalable et sur les résultats de la consultation publique et a ensuite recommandé la délivrance d'approbations aux termes du paragraphe 5(1) de la LPEN. Ces recommandations ont été faites au délégué du ministre responsable pour les parties pertinentes de la Garde côtière. Je conclus que le gouverneur en conseil aurait pu conférer à ce ministre l'autorité nécessaire pour qu'il (selon les termes utilisés par le juge Muldoon) "accorde les autorisations" aux termes du paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables , par un transfert de pouvoirs, d'obligations et de fonctions du ministre des Transports. Mais, pour une raison que j'ignore, cela n'a pas été fait. Je partage donc l'opinion du juge Muldoon dans la mesure suivante: que la délivrance des approbations au nom du ministre des Pêches et des Océans était irrégulière.

Néanmoins, je rejette la suggestion que je devrais aller aussi loin que de trancher la présente demande en me fondant sur ce motif hautement technique, ce qui serait le cas si je devais conclure que la délivrance des approbations était, en fin de compte, nulle. Je refuse de conclure en ce sens. J'estime qu'il ne serait pas dans l'intérêt de la justice de le faire. Je conclus que la demanderesse et le promoteur ont droit à une décision de la Cour sur la question de savoir si l'examen préalable sur lequel se fonde la présente demande a été effectué conformément à la loi.

    (2)    La norme de contrôle

L'avocat de la demanderesse a présenté les questions de fond concernant les rapports d'examen préalable en termes d'omission de la part de l'autorité responsable de se conformer aux obligations légales qui lui sont imposées par la LCEE. Il a donc soutenu que ces questions relevaient de l'interprétation législative de la nature ou de la portée de ces obligations légales. À l'appui de son argumentation, il a invoqué l'arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop12, dans lequel le juge en chef Lamer a écrit:

Nous sommes saisis en l'espèce d'une question d'interprétation des lois; il s'agit donc d'une question de droit. L'appelante a soutenu que, néanmoins, la Cour d'appel fédérale aurait dû faire preuve de retenue judiciaire et maintenir la décision du Tribunal. En l'absence d'une clause privative, les cours de justice ont fait montre de retenue judiciaire à l'égard de certains tribunaux spécialisés lorsqu'ils interprètent leur propre loi. Il nous faut donc déterminer si un tribunal constitué en vertu de la LCDP est un organisme de ce genre. Sur ce point, notre Cour, ma collègue le juge L'Heureux-Dubé étant dissidente, a conclu il y a quelques mois, dans l'arrêt Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne) . . . qu'un tel organisme n'a pas le genre d'expertise qui appelle une retenue judiciaire sur des questions autres que des conclusions de fait:

Malgré la possibilité d'infirmer les décisions de la commission relativement aux conclusions de fait, notre Cour a indiqué qu'un certain degré de retenue judiciaire est requis même dans les cas où il n'existe pas de clause privative afin de tenir compte du principe de la spécialisation des fonctions . . . Bien que le principe de la retenue judiciaire s'applique aux conclusions de fait, que la commission pouvait être en meilleure position de trancher, il ne s'applique pas relativement aux conclusions de droit qui ne relèvent pas de son champ d'expertise particulier.

À mon avis, cela aurait dû régler la question. Toutefois, s'il faut donner d'autres raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés à cette conclusion, j'adopterais à cet égard les motifs de mon collègue, le juge La Forest, en l'espèce. [Références omises.]

Le juge La Forest, souscrivant à ces motifs, a écrit à la page 585:

L'expertise supérieure d'un tribunal des droits de la personne porte sur l'appréciation des faits et sur les décisions dans un contexte de droits de la personne. Cette expertise ne s'étend pas aux questions générales de droit comme celle qui est soulevée en l'espèce. Ces questions relèvent de la compétence des cours de justice et font appel à des concepts d'interprétation des lois et à un raisonnement juridique général, qui sont censés relever de la compétence des cours de justice. Ces dernières ne peuvent renoncer à ce rôle en faveur du tribunal administratif. Elles doivent donc examiner les décisions du tribunal sur des questions de ce genre du point de vue de leur justesse et non en fonction de leur caractère raisonnable.

L'avocate des défendeurs a soutenu que les questions de fond dont j'étais saisi n'étaient pas des questions d'interprétation législative, et ne constituaient donc pas des questions de droit, mais qu'elles étaient plutôt des questions liées au contrôle de rapports faits selon le bon jugement, dans le cadre d'un large pouvoir discrétionnaire, et que la norme de contrôle devrait donc être celle du caractère manifestement déraisonnable. Elle a fait référence aux motifs de mon collègue, le juge MacKay, dans la décision Union of Nova Scotia Indians c. Canada (Procureur général)13, dans laquelle il a écrit, aux pages 348 et 349:

Il faut toutefois se souvenir que la décision que prennent les ministres en vertu de la LCEE n'est pas de nature scientifique. Il s'agit d'un exercice de jugement qui tient compte de questions scientifiques, économiques, politiques et sociales appropriées. Dans l'arrêt Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd. . . . la Cour d'appel a décrit en ces termes le processus que prévoit la LCEE . . . :

Aucun élément d'information portant sur les effets futurs probables d'un projet ne saurait jamais être complet ou exclure toutes les conséquences possibles . . . le principal critère établi par la loi est l' "importance" des effets environnementaux du projet. Il ne s'agit pas là d'un critère entièrement fixe ou objectif; il fait largement appel au jugement et à l'opinion de la commission. Des personnes raisonnables peuvent ne pas être du même avis"et ne le sont effectivement pas"sur la question de savoir si des éléments de preuve qui prévoient certaines répercussions à venir sont suffisants et exhaustifs et sur l'importance de ces répercussions sans soulever par le fait même des questions de droit.

La nature même de la décision signifie que, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour doit forcément s'en remettre au décisionnaire habilité par la loi, à moins d'être convaincue que la décision est manifestement déraisonnable, c'est-à-dire qu'elle ne peut se justifier logiquement au vu de l'ensemble des renseignements dont disposait le décisionnaire au moment où il a pris sa décision. Tant qu'il existe des renseignements sur lesquels la décision pouvait être logiquement fondée, la Cour n'interviendra pas. [Références omises.]

Les décisions qui m'ont été citées ne sont pas du tout incompatibles. Dans la mesure où les questions de fond dont je suis saisi sont des questions de droit, qu'elles concernent la compétence ou l'autorité législative, la norme de contrôle que je vais appliquer est celle de la justesse. Dans la mesure où elles ont trait à l'exercice du pouvoir discrétionnaire par l'autorité responsable, la norme de contrôle que je vais appliquer est celle du caractère raisonnable.

        (3)    Les questions de fond

                a)    Les principes généraux

Dans l'arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports)14, le juge La Forest a écrit:

La protection de l'environnement est devenue l'un des principaux défis de notre époque. Pour y faire face, les gouvernements et les organismes internationaux ont participé à la création d'un éventail important de régimes législatifs et de structures administratives. Au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux ont mis sur pied des ministères de l'environnement, qui existent maintenant depuis environ 20 ans. Cependant, on s'est récemment rendu compte qu'un ministère de l'environnement est entouré d'un grand nombre d'autres ministères dont les politiques entrent en conflit avec ses objectifs. En conséquence, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour confier au ministère de l'Environnement un rôle central et élargir le rôle d'autres ministères et organismes gouvernementaux pour s'assurer qu'ils tiennent compte des préoccupations touchant l'environnement dans la prise de décisions susceptibles d'entraîner des incidences environnementales.

Il a continué, aux pages 40 et 41:

Une interprétation libérale de l'application du Décret sur les lignes directrices15 est compatible avec les objectifs mentionnés à la fois dans le Décret et dans la loi en vertu de laquelle il a été adopté"faire de l'évaluation des incidences environnementales un élément essentiel de la prise de décisions fédérales. Une analyse similaire a été adoptée aux États-Unis relativement à la National Environmental Policy Act . Comme l'affirme le juge Pratt dans l'arrêt Environmental Defense Fund, Inc. c. Mathews, 410 F.Supp. 336 (D.D.C. 1976), à la p. 337:

[traduction] La National Environmental Policy Act ne l'emporte pas sur les autres fonctions conférées par des lois mais, dans la mesure où cette loi est conciliable avec ces fonctions, elle vient les compléter. On ne peut éviter de se conformer pleinement aux exigences de cette loi, sauf si la conformité entrait directement en conflit avec d'autres fonctions existantes conférées par des lois.

Toute autre interprétation ne tiendrait pas compte, à mon avis, du régime législatif de protection de l'environnement envisagé par le législateur lorsqu'il a adopté la Loi sur le ministère de l'Environnement, et, plus particulièrement, l'art. 6.

Je suis convaincu qu'une interprétation aussi large de l'application de la LCEE s'impose, surtout lorsque son préambule et ses objectifs, tels que prévus à l'article 4 [mod. par L.C. 1993, c. 34, art. 19; 1994, ch. 46, art. 1], s'interprètent en corrélation avec les autres dispositions de la loi, comme elles le doivent. Le juge La Forest a poursuivi, à la page 71:

L'évaluation des incidences environnementales est, sous sa forme la plus simple, un outil de planification que l'on considère généralement comme faisant partie intégrante d'un processus éclairé de prise de décisions. R. Cotton et D. P. Emond, dans un ouvrage intitulé "Environmental Impact Assessment", dans J. Swaigen dir., Environmental Rights in Canada (1981), 245, à la p. 247, résument l'objet fondamental de cette évaluation:

[traduction] Les concepts fondamentaux à la base de l'évaluation environnementale peuvent être énoncés en termes simples: 1) déterminer et évaluer avant coup toutes les conséquences environnementales possibles d'une entreprise proposée; 2) permettre une prise de décisions qui à la fois garantira l'à-propos du processus et conciliera le plus possible les désirs d'aménagement du promoteur et la protection et la préservation de l'environnement.

En tant qu'outil de planification, le processus d'évaluation renferme un mécanisme de collecte de renseignements et de prise de décisions, qui fournit au décideur une base objective sur laquelle il pourra s'appuyer pour autoriser ou refuser un projet d'aménagement; voir M. I. Jeffrey, Environmental Approvals in Canada (1989), à la p. 1.2, " 1.4; D. P. Emond, Environmental Assessment Law in Canada (1978), à la p. 5. Bref, l'évaluation des incidences environnementales constitue simplement une description du processus de prise de décisions.

            b)    Interprétation: Le critère de l'utilité propre et le Guide des autorités responsables

Les ponts sont des structures particulièrement inutiles lorsqu'ils sont envisagés de façon abstraite. Ils n'ont aucun but utile, à l'exception de faciliter le passage d'un endroit à un autre au-dessus d'un obstacle, qui est généralement de l'eau, séparant ces endroits. La jurisprudence américaine considère que l'utilité propre d'un ouvrage ou d'un projet proposé constitue un facteur décisif dans la détermination de sa portée. Il en a découlé ce qui est maintenant appelé le "critère de l'utilité propre".

Dans Thomas v. Peterson16, on demandait au tribunal d'ordonner la construction d'un chemin en bois dans une ancienne forêt fédérale, une région sans route existante, ce qui n'est pas sans rappeler les faits de l'espèce, d'autant plus que les ponts faisant l'objet des projets visés par la présente demande de contrôle devaient faire partie intégrante d'un chemin forestier. Le juge Sneed a écrit à la page 758:

[traduction] Bien qu'il soit vrai que l'on doive accorder un pouvoir discrétionnaire considérable aux organismes administratifs pour établir la portée des énoncés d'incidences environnementales . . . il existe des situations exigeant de l'organisme qu'il examine plusieurs actions interreliées dans un seul EIE . . . L'absence de cette exigence permettrait la division d'un projet en de multiples "actions", dont chacune, prise isolément, a un impact environnemental minime, mais qui, prises ensemble, ont un impact important . . .

. . .

Il est clair que les ventes de bois d'œuvre ne peuvent avoir lieu sans la route et que la route ne serait pas construite si ce n'était de ces ventes projetées.

On pourrait en dire autant des opérations forestières projetées par le promoteur et de la route dont les ponts en question font partie intégrante.

Le juge Sneed a poursuivi, à la page 759:

[traduction] Nous concluons donc que la construction de la route et les ventes projetées de bois d'œuvre forment un tout et qu'elles constituent des "actions liées" au sens du règlement du CEQ.

. . .

Nous avons dit qu'un EIE doit s'appliquer aux étapes subséquentes lorsque "la dépendance est telle qu'il serait irrationnel, ou à tout le moins irréfléchi, d'entreprendre la première phase si les phases subséquentes ne devaient pas être entreprises" . . . La dépendance entre la route et les ventes de bois d'œuvre satisfait à cette norme; il serait irrationnel de construire la route et de ne pas ensuite vendre le bois d'œuvre, la route ayant été construite pour y donner accès.

Le même principe se reflète dans les normes que nous avons établies pour décider quand une autoroute peut être segmentée aux fins de la NEPA. Dans la décision Daly v. Volpe . . . nous avons jugé que les incidences environnementales d'un seul segment d'autoroute peuvent être évaluées séparément de celles du reste de l'autoroute seulement si celui-ci a une "utilité propre". [Non souligné dans l'original.]

Bien que ce concept d'"utilité propre" ne se retrouve pas explicitement dans la jurisprudence canadienne relative aux questions d'évaluation environnementale, il se retrouve au moins implicitement dans l'extrait suivant des motifs du juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour, dans Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie)17 :

Je suis d'avis que la Cour d'appel a commis une erreur en limitant l'examen de l'Office sur les incidences environnementales aux effets sur l'environnement du transport d'électricité par une ligne de fil métallique au-delà de la frontière. Limiter l'examen aux effets résultant du transport physique même constitue une interprétation indûment restrictive de l'activité envisagée. Le processus de réglementation détaillé qui a été constitué fait bien ressortir le caractère restrictif de cette interprétation. Je serais fort étonné qu'un processus si détaillé soit créé aux fins d'un examen si restrictif. Comme la Cour d'appel l'a reconnu, l'électricité à fournir dans le cadre du contrat d'exportation doit être produite par les installations actuelles ou nécessitera la construction de nouvelles installations. En fin de compte, il convient que l'Office tienne compte, dans son processus décisionnel, de l'ensemble des coûts environnementaux de la délivrance d'une licence. [Non souligné dans l'original.]

Le concept ou principe de l'utilité propre ressort de façon beaucoup plus explicite d'une publication intitulée Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: Guide des autorités responsables18, préparée par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (le Guide). À la première page du Guide, son objet est énoncé dans les termes suivants:

Le Guide des autorités responsables fait partie du Manuel des procédures de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ensemble de documents de référence conçu pour fournir une orientation quant à l'application de la Loi aux ministères et organismes du gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux autorités municipales, aux promoteurs privés de projets soumis à un financement ou à une décision du gouvernement fédéral, ainsi qu'aux citoyens concernés par l'évaluation environnementale.

Ce guide donne une interprétation du cadre juridique établi par la Loi et fournit aux autorités responsables (AR) une orientation pour l'exécution de l'évaluation environnementale (ÉE) de projets conformément à la Loi. Il est destiné aux ministères et organismes fédéraux qui doivent planifier, gérer, mener ou revoir des évaluations environnementales fédérales, ou y participer de toute manière.

À la page 20 du Guide, sous le titre "Portée du projet" se trouve ce qui suit:

Aux termes de la LCÉE, l'AR doit mener un examen préalable ou une étude approfondie pour déterminer la portée du projet. La portée du projet concerne les éléments d'une entreprise que l'on considère comme faisant partie du projet aux fins de l'évaluation environnementale.

Aux pages 20 et 21, sous le titre "Le test du principal et de l'accessoire", le Guide continue:

La LCÉE ne contient pas de dispositions permettant aux autorités responsables de déterminer quels ouvrages devraient entrer dans le cadre d'un projet. Afin d'uniformiser la détermination de la portée des projets, les AR devraient utiliser le test du "principal et de l'accessoire" qui comporte deux volets.

Premièrement, quel est le projet principal? Le projet principal est toujours l'entreprise liée à un ouvrage ou les activités concrètes qui exigent l'exercice d'un pouvoir, d'une attribution ou d'une fonction (déclenchant par conséquent la tenue d'une ÉE aux termes de la LCÉE). La détermination de la portée du projet doit toujours inclure le projet principal.

Deuxièmement, le projet principal est-il assorti d'ouvrages ou d'activités concrètes accessoires? Si oui, ils peuvent faire partie de l'ÉE. Les ouvrages ou les activités concrètes qui ne sont pas accessoires au projet principal peuvent ne pas en faire partie. Pour déterminer les éléments accessoires au projet principal, l'AR devrait appliquer les critères suivants:

"    interdépendance: si le projet principal ne peut être mené à bien sans entreprendre un autre ouvrage ou une autre activité concrète, il faut alors les considérer comme un tout;

"    lien: si la décision d'entreprendre l'exécution du projet principal rend inévitable l'exécution d'autres ouvrages ou activités, ils peuvent être considérés comme faisant partie du même projet. [Non souligné dans l'original.]

Les lignes directrices qui précèdent reflètent le principe de l'"utilité propre" établi dans la décision Thomas v. Peterson , précitée, plus particulièrement en ce qui concerne la détermination de la portée du projet qui doit constituer l'objet d'une évaluation environnementale.

Le Guide va plus loin. À la page 21, sous le titre "Projets liés à un ouvrage", le Guide prescrit:

Enfin, aux termes de la LCÉE, l'AR doit inclure dans l'ÉE tous les éléments significatifs d'un ouvrage (i.e. toutes les opérations liées à un ouvrage) qui sont projetés ou qui, à son avis, sont susceptibles d'être entrepris. Ces opérations peuvent comporter, par exemple, la construction, l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture d'un ouvrage. Les opérations proposées ou celles qui sont susceptibles d'être entreprises doivent être visées par l'ÉE, même en l'absence de déclencheur. L'évaluation de toutes les opérations proposées ou de toutes celles qui sont susceptibles d'être réalisées en rapport avec un ouvrage devrait être menée aussi tôt que possible pendant les étapes de planification de l'ouvrage. [Non souligné dans l'original.]

Cet extrait semble paraphraser le paragraphe 15(3) de la LCEE. Si je ne me trompe pas, cette ligne directrice paraît s'appliquer davantage à la portée de l'évaluation plutôt qu'à celle du projet, mais, pour ce qui est du reste, elle apparaît refléter la loi de manière précise.

Aux pages 22 et 23, sous le titre "Portée de l'évaluation" et le sous-titre "Effets à évaluer", le Guide prévoit:

L'AR qui exerce des attributions en vertu de l'article 5 de la LCÉE doit faire porter l'évaluation sur tous les facteurs qui concernent la décision qu'elle doit prendre:

"    tous les facteurs que doit considérer l'AR aux termes de la LCÉE , y compris les effets qu'englobe la définition des "effets environnementaux" de la LCÉE, peu importe si un effet relève d'un domaine de compétence fédérale ou non. [Non souligné dans l'original.]

Ces éléments du Guide semblent interpréter la LCEE de manière à étendre, de façon obligatoire, la portée du principe de l'utilité propre non seulement à la définition de la portée du projet mais aussi à celle de l'évaluation. De plus, il est clairement mentionné qu'une "interprétation libérale" de la LCEE conduit une autorité responsable à analyser les effets environnementaux de travaux et d'entreprises liés qui, de par eux-mêmes, peuvent se trouver complètement à l'extérieur du champ de compétence législative du Parlement. Ce résultat est manifestement visé par le paragraphe 12(4) [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 20] et par la définition du terme "instance" figurant au paragraphe 12(5) de la LCEE.

Naturellement, le Guide n'a pas force de loi. Il ne lie pas les autorités responsables ni la Cour et n'est pas susceptible d'exécution par elle. Ceci étant dit, je juge les parties citées pertinentes aux faits de l'espèce et absolument conformes à la LCEE et à la position énoncée par le juge Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour suprême, dans l'arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie), précité. Je suis convaincu que les extraits cités reflètent les principes énumérés dans le préambule de la LCEE, les objectifs énoncés à son article 4 et les principes établis par le juge La Forest dans l'arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité. Bien que la LCEE soit, de façon générale, appliquée sous l'autorité du ministre de l'Environnement, on peut trouver des autorités responsables dans tout ministère ou organisme du gouvernement du Canada et ailleurs. Il est donc tout à fait logique que, dans le but de s'assurer d'un certain niveau d'uniformité dans l'application de la LCEE, l'on ait publié un tel guide, et ses prescriptions devraient donc faire l'objet, à titre d'outils d'interprétation, d'une certaine déférence de la part des autorités responsables et des tribunaux, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la loi.

L'analyse qui suit est guidée par les principes généraux qui précèdent et par l'application du principe de l'utilité propre, comme celui-ci transparaît des citations précédentes du Guide, que je juge conformes aux dispositions de la LCEE.

                c)La portée des projets

L'article 15 de la LCEE est énuméré au long dans l'appendice des présents motifs. Les parties pertinentes de cet article sont reproduites ici pour mieux pouvoir s'y référer:

15. (1) L'autorité responsable ou, dans le cas où le projet est renvoyé à la médiation ou à l'examen par une commission, le ministre, après consultation de l'autorité responsable, . . .

. . .

(2) Dans le cadre d'une évaluation environnementale de deux ou plusieurs projets, l'autorité responsable . . ., après consultation de l'autorité responsable, peut décider que deux projets sont liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet.

Le paragraphe 15(2) prévoit explicitement qu'une autorité responsable jouit du pouvoir discrétionnaire de considérer ou non que plusieurs projets n'en forment qu'un seul.

L'autorité responsable, soit la Division des programmes de protection des eaux navigables de la Garde côtière canadienne dans le cas présent, a décidé que les projets pour lesquels le promoteur demandait l'approbation, c.-à-d. les deux ponts, n'étaient pas liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet. Chaque pont a été considéré comme un projet distinct. Le fait que j'aurais pu, ou que d'autres auraient pu, en arriver à une conclusion différente ne constitue pas le critère à appliquer. Je suis convaincu que l'autorité responsable pouvait raisonnablement considérer les ponts comme des projets distincts aux fins des évaluations environnementales.

L'autorité responsable a déterminé la portée du projet du pont de la rivière Ram de la façon suivante:

[traduction] Le projet du pont de la rivière Ram comprend notamment: la construction et l'entretien d'un pont à deux travées de deux voies [modifié par la suite pour un pont à une travée] au-dessus de la rivière Ram, ce qui inclut les voies d'accès et les travaux liés, les zones d'entreposage et autres ouvrages directement reliés à la construction du pont. Le projet entraîne la préparation du chantier de construction, la construction d'une pile centrale [abandonnée par la suite], de culées et de la structure du pont.

La portée du projet du pont de Prairie Creek a été établie dans des termes essentiellement identiques à celle du projet du pont de la rivière Ram, tel que modifié.

Dans l'extrait du Guide portant sur l'application du test du principal et de l'accessoire, cité précédemment, j'ai souligné l'utilisation du verbe de permission "peuvent" relativement à la détermination de la question de savoir si les ouvrages ou les activités concrètes sont accessoires au projet principal. Le pouvoir discrétionnaire conféré aux autorités responsables est conforme à celui qui leur est accordé en vertu de l'article 15 de la LCEE. Je ne peux voir aucune erreur susceptible de contrôle dans la manière dont l'autorité responsable en l'espèce a exercé son pouvoir discrétionnaire quant à la qualification des projets assujettis à la demande de contrôle des évaluations environnementales. Plus précisément, j'estime que l'autorité responsable n'a commis aucune erreur en omettant d'inclure dans la portée des projets de pont la route, de laquelle on pourrait dire que les principaux projets, soit les ponts et les culées afférentes, sont les accessoires, et les opérations forestières proposées, desquelles, selon les faits de l'espèce, les ponts pourraient aussi être considérés comme accessoires.

Mais cela ne clôt pas l'affaire.

                d)La portée des évaluations"Ouvrages liés aux projets et effets à évaluer

Le paragraphe 15(3) [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 21] de la LCEE prévoit19:

15. . . .

(3) Est effectuée, dans l'un ou l'autre des cas suivants, l'évaluation environnementale de toute opération"construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre"constituant un projet lié à un ouvrage:

a) l'opération est proposée par le promoteur;

b) l'autorité responsable ou, dans le cadre d'une médiation ou de l'examen par une commission et après consultation de cette autorité, le ministre estime l'opération susceptible d'être réalisée en liaison avec l'ouvrage.

En bref, lorsqu'un projet concerne un ouvrage, le paragraphe 15(3) oblige l'autorité responsable à effectuer l'évaluation environnementale pertinente non seulement du projet visé, mais aussi de toute opération, construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre liée à l'ouvrage qui constitue le projet proposé par le promoteur ou que l'autorité responsable estime "susceptible d'être réalisée [par toute personne autre que le promoteur] en liaison avec [l'ouvrage qui constitue le projet]".

N'a pas été débattu à l'audition le fait que la construction de la route, dont les ponts et les ouvrages constituant les projets visés pouvaient être considérés les accessoires, et les opérations forestières, dont les ponts pouvaient aussi être considérés les accessoires, aient été "proposée[s] par le promoteur", et non pas par un ou des tiers. Je conclus donc que le paragraphe 15(3) obligeait l'autorité responsable à faire porter l'évaluation environnementale sur la route et peut-être sur les opérations forestières, dans la mesure où ces dernières étaient "en liaison avec" les projets, c'est-à-dire, les ponts et les culées afférentes. L'autorité responsable ne jouissait d'aucun pouvoir discrétionnaire. J'interprète le pouvoir discrétionnaire conféré par les derniers mots du paragraphe 15(3) comme n'entrant en jeu que lorsqu'un projet proposé est susceptible d'être réalisé en liaison avec le projet visé, par une autre personne. Le paragraphe 15(3) laisse clairement voir, dans le cadre des faits de la présente affaire, que l'autorité responsable doit obligatoirement appliquer le principe de l'utilité propre dans l'analyse de la portée de l'évaluation.

Le paragraphe 16(1) [mod., idem, art. 22] de la LCEE prévoit notamment:

16. (1) L'examen préalable, . . . portent notamment sur les éléments suivants:

a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement; [Je souligne.]

J'interprète le paragraphe 16(1) comme obligeant une autorité responsable à faire porter un examen préalable sur les effets environnementaux pouvant résulter du projet visé ainsi que sur ceux que sa réalisation, combinée à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer. Il ne fait aucun doute que la construction de la route aura lieu. En effet, la preuve dont je dispose indique qu'elle avait déjà eu lieu, ou à tout le moins en très grande partie, au moment de l'audition. De même, la preuve dont je suis saisi semble indiquer qu'en raison des approbations accordées en vertu du paragraphe 5(1) de la LPEN, les opérations forestières proposées par le promoteur dans la région de West Country auront également lieu. Une fois de plus, les faits de la présente affaire m'amènent à conclure que le paragraphe 16(1) laisse clairement voir l'existence de l'obligation de l'autorité responsable d'appliquer le principe de l'utilité propre dans l'analyse de la portée de l'évaluation.

À l'audition, il n'a pas été contesté que la portée de l'évaluation environnementale faisant l'objet de la présente demande de contrôle ne s'étendait pas aux effets environnementaux du projet de construction de la route ou à ceux de ce projet et des opérations forestières comprenant les travaux sur les routes, dont les ponts.

Dans l'arrêt R. c. Hydro-Québec20, le juge La Forest, s'exprimant au nom de la majorité et, faisant référence au premier extrait de ses motifs dans Friends of the Oldman River Society, précité, a écrit:

Au cours des dernières années, on a demandé de plus en plus à notre Cour d'examiner l'interaction entre les pouvoirs législatifs du Parlement et ceux des législatures provinciales en ce qui concerne la protection de l'environnement. Qu'elles soient considérées positivement comme des stratégies en vue de maintenir un environnement propre, ou négativement comme des dispositions prises en vue de combattre les maux engendrés par la pollution, il ne fait pas de doute que ces mesures visent un objectif public d'une importance supérieure, objectif que tous les niveaux de gouvernement et les nombreux organismes de la communauté internationale ont entrepris de plus en plus de poursuivre.

M'appuyant sur l'ensemble de la preuve dont je dispose et sur les dispositions susmentionnées de la LCEE, la constitutionnalité de ces dernières n'étant pas contestée, je conclus que les évaluations environnementales effectuées souffraient de deux lacunes fatales: premièrement, elles ne portaient pas sur une construction ou sur tout autre ouvrage, soit la Mainline Road, qui constituait une construction ou un autre ouvrage "lié" aux projets visés et qui avait été proposée par le promoteur; deuxièmement, elles ne portaient pas sur les effets environnementaux cumulatifs que leur réalisation21 , combinée à la réalisation d'un autre projet, soit la route déjà mentionnée, est susceptible de causer à l'environnement.

Ces vices constituaient des erreurs de droit, commises au cours des étapes préliminaires indispensables menant à la délivrance des approbations aux termes de la LPEN. Ils étaient des erreurs susceptibles de contrôle en vertu de la norme de la justesse. En vertu de cette norme, ce sont des erreurs justifiant l'intervention de la Cour relativement aux décisions faisant l'objet du contrôle.

Puisqu'il n'est pas nécessaire de le faire, je ne rends pas jugement sur la question de savoir si la portée des évaluations environnementales devrait avoir été étendue aux effets environnementaux des opérations forestières proposées par le promoteur et des travaux à faire sur la route et les ponts. Toutefois, cela étant dit, il apparaît évident qu'une interprétation libérale de la LCEE ferait en sorte qu'une évaluation environnementale plus approfondie devrait également inclure les effets probables de ces opérations.

                e)L'accès à l'information et la consultation publique

Le préambule de la LCEE prévoit notamment:

que le gouvernement fédéral s'engage à favoriser la participation de la population à l'évaluation environnementale des projets à entreprendre par lui ou approuvés ou aidés par lui, ainsi qu'à fournir l'accès à l'information sur laquelle se fonde cette évaluation,

C'est en vertu de cet engagement que l'article 55 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 38] de la LCEE exige la tenue d'un registre public relatif à chacun des projets pour lesquels une évaluation environnementale est effectuée. Le registre a été créé afin de faciliter l'accès aux documents relatifs à l'évaluation environnementale et doit être tenu de manière à atteindre cet objectif. Il doit être tenu dès le début de l'évaluation environnementale et jusqu'à ce que le programme de suivi soit terminé. La nature des documents devant être conservés au registre est précisée.

Il ressort des faits de la présente affaire que, pour des motifs n'apparaissant pas clairement au dossier, le registre public a été maintenu à Sarnia (Ontario), un endroit dont on peut difficilement dire qu'il satisfait à l'exigence que le registre soit tenu et fonctionne de manière à assurer un accès facile pour les membres du public les plus concernés. On ne peut pas dire que la demanderesse, dont les membres vivent dans une région relativement isolée au pied des montagnes en Alberta, a eu facilement accès à un registre situé à Sarnia.

La demanderesse a requis, par l'entremise d'un ou de plusieurs représentants, des copies de l'ensemble des documents se trouvant au registre étant donné son éloignement du site des projets de pont. Des copies de certains documents ont été fournies, mais on a informé la demanderesse que les autres ne pouvaient l'être pour des motifs liés aux coûts et à la quantité de travail qu'aurait entraînés la photocopie de ces derniers. Il a été suggéré au(x) représentant(s) de la demanderesse de présenter une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information22 pour obtenir les documents. Étant donné que les documents étaient demandés aux fins de la consultation publique prévue au paragraphe 18(3) de la LCEE et que la période allouée à cette fin était assez courte, la recommandation d'utiliser la procédure prévue par la Loi sur l'accès à l'information était totalement inappropriée et, plus important encore, non conforme à l'obligation existante en vertu de l'article 55 de la LCEE et aux engagements énoncés dans son préambule.

Je conclus que cette omission de la part du ministre des Pêches et des Océans et de son ou sa délégué(e) constitue une autre erreur susceptible de contrôle dans la procédure menant aux décisions faisant l'objet de la présente demande de contrôle.

5)    CONCLUSION

Vu l'analyse qui précède, je conclus que les rapports d'examen préalable et leurs compléments ainsi que les approbations en résultant aux termes du paragraphe 5(1) de la LPEN, qui font l'objet de la présente demande de contrôle, ne peuvent être maintenus. Je suis convaincu que les rapports d'examen préalable et leurs compléments ne sont pas en soi des décisions distinctes qui sont chacune susceptibles de contrôle, mais ils constituent plutôt, pour reprendre les termes employés par le juge Hugessen23, des "étape[s] préliminaire[s] essentielle[s], prévue[s] par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale , qui précède[nt]" les approbations en résultant. Les approbations sont annulées et renvoyées, de concert avec les étapes préliminaires essentielles qui y sont liées, au ministre des Pêches et des Océans, ou à tout autre ministre approprié, pour nouvelle considération et, si nécessaire, pour nouvelle détermination, d'une manière conforme à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, à la Loi sur la protection des eaux navigables et aux présents motifs.

6)    DÉPENS

La présente affaire a été entendue à Calgary (Alberta), les 22 et 23 avril 1998. À cette époque, les Règles de la Cour fédérale24 prévoyaient que des dépens ne pouvaient être accordés dans le cadre d'une procédure de contrôle judiciaire de même nature que la présente en l'absence de motifs exceptionnels. À la fin de l'audition, la Cour a demandé l'opinion des avocats sur la question de savoir s'il existait de tels motifs en l'espèce. Ceux-ci n'en ont mentionné aucun. Aucune ordonnance ne sera rendue quant aux dépens.

1 L.R.C. (1985), ch. N-22. Un grand nombre de dispositions législatives et réglementaires et celles provenant d'un décret seront mentionnées tout au long des présents motifs. Afin de minimiser les références dans le corps des motifs, ces dispositions sont reproduites intégralement dans un appendice.

2 Voir l'art. 5(1)a) de la Loi sur la protection des eaux navigables.

3 DORS/94-636.

4 L.C. 1992, ch. 37 (et modifications).

5 La "décision" du 3 décembre 1996 a trait à des modifications mineures de conception du pont de la rivière Ram.

6 Au moment de l'audience de la présente affaire, l'art. 1602(2) [édicté par DORS/92-43, art. 19] des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, prévoyait ce qui suit:

Règle 1602. . . .

(2) L'avis de requête [traduction] [introduisant une demande de contrôle judiciaire], daté et signé par la partie requérante ou son avocat, indique:

. . .

f) la date et les particularités de la décision, de l'ordonnance ou de toute autre question à l'égard de laquelle le contrôle judiciaire est demandé; [Non souligné dans l'original.]

Quelques jours seulement après l'audition de la présente affaire, les nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998) sont entrées en vigueur. La Règle 302 des nouvelles Règles prévoit:

302. Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance [traduction] [ce qui comprend une décision] pour laquelle une réparation est demandée.

Je souligne le pouvoir conféré à la Cour de passer outre, par ordonnance, à la règle générale voulant qu'il y ait une demande, une décision. Je suis convaincu qu'une souplesse semblable était prévue aux termes des anciennes Règles, sans qu'une ordonnance ne soit nécessaire, en vertu de la règle générale d'interprétation que constituait l'art. 2(2) des Règles. Cette Règle prévoyait:

Règle 2. . . .

(2) Les présentes Règles visent à faire apparaître le droit et en assurer la sanction; elles doivent s'interpréter les unes par les autres et autant que possible faciliter la marche normale des procès plutôt que la retarder ou y mettre fin prématurément.

7 Dans deux décisions récentes de la Cour, il a été jugé que les rapports des commissions visées par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne peuvent faire l'objet d'un contrôle aux termes de l'art. 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)] (Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] F.C.J. no 1666 (1re inst.) (QL), par le juge Hugessen, cité à l'appui dans Alberta Wilderness Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1998] F.C.J. no 821 (1re inst.) (QL), par le juge McKeown). Le juge Hugessen a dit [au par. 4]:

J'estime plutôt que le rapport devrait être considéré comme une étape préliminaire essentielle, prévue par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui précède la décision du ministre de donner son autorisation en vertu de l'article 35 de la Loi sur les pêches.

On pourrait en dire autant des rapports d'examen préalable déposés en vertu de l'art. 18 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 23] de la LCEE, qui précèdent les décisions rendues au nom du ministre que sont les approbations visées par le par. 5(1) de la LPEN. Cette question n'a pas été débattue devant moi. Elle ne sera donc pas explorée plus à fond à cette étape-ci dans les présents motifs.

8 C.R.C., ch. 663 (et modifications); depuis l'audition de la présente affaire, ce règlement a été abrogé et remplacé par les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, 5 février 1998.

9 [1995] 2 C.F. 455 (C.A.), à la p. 464.

10 L.R.C. (1985), ch. P-34.

11 L.R.C. (1985), ch. F-15.

12 [1993] 1 R.C.S. 554, aux p. 577 et 578.

13 [1997] 1 C.F. 325 (1re inst.).

14 [1992] 1 R.C.S. 3, aux p. 16 et 17.

15 Le Décret sur les lignes directrices [Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467] a précédé la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

16 753 F.2d 754 (9th Cir. 1985).

17 [1994] 1 R.C.S. 159, à la p. 191.

18 Ministre des Approvisionnements et Services Canada, cat. no EN106-25/1-1994 F, ISBN 0-662-99561-9, novembre 1994.

19 Je souligne que les versions anglaise et française de l'art. 15(3) pourraient être interprétées différemment. Naturellement, les deux versions ont la même force de loi. L'existence d'une différence n'a pas été plaidée devant moi et, uniquement pour les fins de cette affaire, je n'en vois aucune. Toutefois, je souligne que cette question d'interprétation pourrait se poser dans le cadre d'une autre procédure.

20 [1997] 3 R.C.S. 213, aux p. 266 et 267.

21 "Projet" [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 18] est un terme défini au par. 2(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale . Veuillez consulter l'appendice des présents motifs.

22 L.R.C. (1985), ch. A-1.

23 Précité, note 7.

24 Précité, note 8.

APPENDICE

1.    LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE

Attendu:

que le gouvernement fédéral vise au développement durable par des actions de conservation et d'amélioration de la qualité de l'environnement ainsi que de promotion d'une croissance économique de nature à contribuer à la réalisation de ces fins;

que l'évaluation environnementale constitue un outil efficace pour la prise en compte des facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision, de façon à promouvoir un développement durable;

que le gouvernement fédéral s'engage à jouer un rôle moteur tant au plan national qu'au plan international dans la prévention de la dégradation de l'environnement tout en veillant à ce que les activités de développement économique soient compatibles avec la grande valeur qu'accordent les Canadiens à l'environnement;

que le gouvernement fédéral s'engage à favoriser la participation de la population à l'évaluation environnementale des projets à entreprendre par lui ou approuvés ou aidés par lui, ainsi qu'à fournir l'accès à l'information sur laquelle se fonde cette évaluation,

Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :

. . .

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

    . . .

"autorité fédérale"

    a) Ministre fédéral;

    b) agence fédérale ou organisme constitué sous le régime d'une loi fédérale et tenu de rendre compte au Parlement de ses activités par l'intermédiaire d'un ministre fédéral;

    c) ministère ou établissement public mentionnés aux annexes I et II de la Loi sur la gestion des finances publiques;

    d) tout autre organisme désigné par les règlements d'application de l'alinéa 59e).

Sont exclus le commissaire en conseil du territoire du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest et tous les organismes de ces territoires, tout conseil de bande au sens donné à " conseil de la bande " dans la Loi sur les Indiens , les commissions portuaires constituées par la Loi sur les commissions portuaires, les commissaires nommés en vertu de la Loi des commissaires du havre de Hamilton et de la Loi de 1911 concernant les commissaires du havre de Toronto, et les sociétés d'État au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques.

    . . .

" autorité responsable " L'autorité fédérale qui, en conformité avec le paragraphe 11(1), est tenue de veiller à ce qu'il soit procédé à l'évaluation environnementale d'un projet.

    . . .

" effets environnementaux " Tant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement que les changements susceptibles d'être apportés au projet du fait de l'environnement, que ce soit au Canada ou à l'étranger; sont comprises parmi les changements à l'environnement les répercussions de ceux-ci soit en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones, soit sur une construction, un emplacement ou une chose d'importance en matière historique, archéologique, paléontologique ou architecturale.

    . . .

" évaluation environnementale " Évaluation des effets environnementaux d'un projet effectuée conformément à la présente loi et aux règlements.

    . . .

" partie intéressée " Toute personne ou tout organisme pour qui le résultat de l'évaluation environnementale revêt un intérêt qui ne soit ni frivole ni vexatoire.

    . . .

" projet " Réalisation"y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture"d'un ouvrage ou proposition d'exercice d'une activité concrète, non liée à un ouvrage, désignée par règlement ou faisant partie d'une catégorie d'activités concrètes désignée par règlement aux termes de l'alinéa 59b ).

4. La présente loi a pour objet :

a) de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l'égard de tout projet susceptible d'avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets;

b) d'inciter ces autorités à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l'environnement et à la santé de l'économie;

b.1) de faire en sorte que les autorités responsables s'acquittent de leurs obligations afin d'éviter tout double emploi dans le processus d'évaluation environnementale;

c) de faire en sorte que les éventuels effets environnementaux négatifs importants des projets devant être réalisés dans les limites du Canada ou du territoire domanial ne débordent pas ces limites;

d) de veiller à ce que le public ait la possibilité de participer au processus d'évaluation environnementale.

5. (1) L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes:

a) une autorité fédérale en est le promoteur et le met en œuvre en tout ou en partie;

b) une autorité fédérale accorde à un promoteur en vue de l'aider à mettre en œuvre le projet en tout ou en partie un financement, une garantie d'emprunt ou toute autre aide financière, sauf si l'aide financière est accordée sous forme d'allègement"notamment réduction, évitement, report, remboursement, annulation ou remise"d'une taxe ou d'un impôt qui est prévu sous le régime d'une loi fédérale, à moins que cette aide soit accordée en vue de permettre la mise en œuvre d'un projet particulier spécifié nommément dans la loi, le règlement ou le décret prévoyant l'allègement;

c) une autorité fédérale administre le territoire domanial et en autorise la cession, notamment par vente ou cession à bail, ou celle de tout droit foncier relatif à celui-ci ou en transfère à Sa Majesté du chef d'une province l'administration et le contrôle, en vue de la mise en œuvre du projet en tout ou en partie;

d) une autorité fédérale, aux termes d'une disposition prévue par règlement pris en vertu de l'alinéa 59f), délivre un permis ou une licence, donne toute autorisation ou prend toute mesure en vue de permettre la mise en œuvre du projet en tout ou en partie.

. . .

11. (1) Dans le cas où l'évaluation environnementale d'un projet est obligatoire, l'autorité fédérale visée à l'article 5 veille à ce que l'évaluation environnementale soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable, et est appelée, dans la présente loi, l'autorité responsable de ce projet.

(2) L'autorité responsable d'un projet ne peut exercer ses attributions à l'égard de celui-ci que si elle prend une décision aux termes des alinéas 20(1)a) ou 37(1)a).

. . .

12. . . .

(3) Il incombe à l'autorité fédérale pourvue des connaissances voulues touchant un projet de fournir, sur demande, les renseignements pertinents à l'autorité responsable ou à un médiateur ou à une commission.

(4) L'autorité responsable peut, dans le cadre de l'examen préalable ou de l'étude approfondie d'un projet, coopérer, pour l'évaluation environnementale de celui-ci, avec l'instance qui a la responsabilité ou le pouvoir d'effectuer l'évaluation des effets environnementaux de tout ou partie d'un projet.

(5) Dans le présent article, " instance " s'entend :

a) du gouvernement d'une province;

b) d'un organisme établi sous le régime d'une loi provinciale ayant des attributions relatives à l'évaluation des effets environnementaux d'un projet;

c) d'un organisme, constitué aux termes d'un accord sur des revendications territoriales visé à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ayant des attributions relatives à l'évaluation des effets environnementaux d'un projet;

d) d'un organisme dirigeant, constitué par une loi relative à l'autonomie gouvernementale des Indiens, ayant des attributions relatives à l'évaluation des effets environnementaux d'un projet.

. . .

14. Le processus d'évaluation environnementale d'un projet comporte, selon le cas :

a) un examen préalable ou une étude approfondie et l'établissement d'un rapport d'examen préalable ou d'un rapport d'étude approfondie;

. . .

15. (1) L'autorité responsable ou, dans le cas où le projet est renvoyé à la médiation ou à l'examen par une commission, le ministre, après consultation de l'autorité responsable, détermine la portée du projet à l'égard duquel l'évaluation environnementale doit être effectuée.

(2) Dans le cadre d'une évaluation environnementale de deux ou plusieurs projets, l'autorité responsable ou, si au moins un des projets est renvoyé à la médiation ou à l'examen par une commission, le ministre, après consultation de l'autorité responsable, peut décider que deux projets sont liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet.

(3) Est effectuée, dans l'un ou l'autre des cas suivants, l'évaluation environnementale de toute opération"construction, exploitation, modification, désaffectation, fermeture ou autre"constituant un projet lié à un ouvrage :

a) l'opération est proposée par le promoteur;

b) l'autorité responsable ou, dans le cadre d'une médiation ou de l'examen par une commission et après consultation de cette autorité, le ministre estime l'opération susceptible d'être réalisée en liaison avec l'ouvrage.

16. (1) L'examen préalable, l'étude approfondie, la médiation ou l'examen par une commission d'un projet portent notamment sur les éléments suivants :

a) les effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, et les effets cumulatifs que sa réalisation, combinée à l'existence d'autres ouvrages ou à la réalisation d'autres projets ou activités, est susceptible de causer à l'environnement;

b) l'importance des effets visés à l'alinéa a);

c) les observations du public à cet égard, reçues conformément à la présente loi et aux règlements;

d) les mesures d'atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants du projet;

e) tout autre élément utile à l'examen préalable, à l'étude approfondie, à la médiation ou à l'examen par une commission, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange,"dont l'autorité responsable ou, sauf dans le cas d'un examen préalable, le ministre, après consultation de celle-ci, peut exiger la prise en compte.

(2) L'étude approfondie d'un projet et l'évaluation environnementale qui fait l'objet d'une médiation ou d'un examen par une commission portent également sur les éléments suivants:

a) les raisons d'être du projet;

b) les solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique, et leurs effets environnementaux;

c) la nécessité d'un programme de suivi du projet, ainsi que ses modalités;

d) la capacité des ressources renouvelables, risquant d'être touchées de façon importante par le projet, de répondre aux besoins du présent et à ceux des générations futures.

(3) L'évaluation de la portée des éléments visés aux alinéas (1)a), b) et d) et (2)b), c) et d) incombe:

a) à l'autorité responsable;

b) au ministre, après consultation de l'autorité responsable, lors de la détermination du mandat du médiateur ou de la commission d'examen.

(4) L'évaluation environnementale d'un projet n'a pas à porter sur les effets environnementaux que sa réalisation peut entraîner en réaction à des situations de crise nationale pour lesquelles des mesures d'intervention sont prises aux termes de la Loi sur les mesures d'urgence.

17. (1) L'autorité responsable d'un projet peut déléguer à un organisme, une personne ou une instance, au sens du paragraphe 12(5), l'exécution de l'examen préalable ou de l'étude approfondie, ainsi que les rapports correspondants, et la conception et la mise en œuvre d'un programme de suivi, à l'exclusion de toute prise de décision aux termes du paragraphe 20(1) ou 37(1).

(2) Il est entendu que l'autorité responsable qui a délégué l'exécution de l'examen ou de l'étude ainsi que l'établissement des rapports en vertu du paragraphe (1) ne peut prendre une décision aux termes du paragraphe 20(1) ou 37(1) que si elle est convaincue que les attributions déléguées ont été exercées conformément à la présente loi et à ses règlements.

18. (1) Dans le cas où le projet n'est pas visé dans la liste d'étude approfondie ou dans la liste d'exclusion, l'autorité responsable veille :

a) à ce qu'en soit effectué l'examen préalable;

b) à ce que soit établi un rapport d'examen préalable.

(2) Dans le cadre de l'examen préalable qu'elle effectue, l'autorité responsable peut utiliser tous les renseignements disponibles; toutefois, si elle est d'avis qu'il n'existe pas suffisamment de renseignements pour lui permettre de prendre une décision en vertu du paragraphe 20(1), elle fait procéder aux études et à la collecte de renseignements nécessaires à cette fin.

(3) Avant de prendre sa décision aux termes de l'article 20, l'autorité responsable, dans les cas où elle estime que la participation du public à l'examen préalable est indiquée ou dans le cas où les règlements l'exigent, avise celui-ci et lui donne la possibilité d'examiner le rapport d'examen préalable et les documents consignés au registre public établi aux termes de l'article 55 et de faire ses observations à leur égard.

. . .

20. (1) L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3) :

a) sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en œuvre du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;

b) si, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances, ne pas exercer les attributions qui lui sont conférées sous le régime d'une loi fédérale et qui pourraient lui permettre la mise en œuvre du projet en tout ou en partie;

c) s'adresser au ministre pour une médiation ou un examen par une commission prévu à l'article 29 :

(i) s'il n'est pas clair, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, que la réalisation du projet soit susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants,

(ii) si la réalisation du projet, compte tenu de l'application de mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, est susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants et si l'alinéa b) ne s'applique pas,

(iii) si les préoccupations du public le justifient.

. . .

55. (1) Est tenu, conformément à la présente loi et aux règlements, un registre public pour chacun des projets pour lesquels une évaluation environnementale est effectuée afin de faciliter l'accès aux documents relatifs à cette évaluation.

(2) Le registre public est tenu :

a) par l'autorité responsable dès le début de l'évaluation environnementale et jusqu'à ce que le programme de suivi soit terminé;

b) par l'Agence, dans les cas où une médiation ou un examen par une commission est effectuée, dès la nomination du médiateur ou des membres de la commission jusqu'au moment de la remise du rapport au ministre.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), le registre public contient tous les documents produits, recueillis ou reçus relativement à l'évaluation environnementale d'un projet, notamment :

a) tout rapport relatif à l'évaluation environnementale du projet;

b) toute observation du public à l'égard de l'évaluation;

c) tous les documents que l'autorité responsable a préparés pour l'application de l'article 38;

d) tous les documents produits par l'application d'un programme de suivi;

e) le mandat du médiateur ou d'une commission;

f) tous les documents exigeant l'application de mesures d'atténuation.

(4) Le registre public permet l'accès aux documents visés au paragraphe (3) si ceux-ci appartiennent à l'une des catégories suivantes :

a) documents qui sont mis à la disposition du public dans le registre conformément à la présente loi ainsi que tout autre document qui a déjà été rendu public;

b) tout ou partie d'un document qui, de l'avis de l'autorité responsable, dans le cas d'un document qu'elle contrôle, ou de l'avis du ministre dans le cas d'un document que l'Agence contrôle, serait communiqué conformément à la Loi sur l'accès à l'information si une demande en ce sens était faite aux termes de celle-ci au moment où l'Agence prend le contrôle du document, y compris tout document qui serait communiqué dans l'intérêt public aux termes du paragraphe 20(6) de cette loi;

c) tout ou partie d'un document, à l'exception d'un document contenant des renseignements relatifs à un tiers, si l'autorité responsable, dans le cas d'un document qu'elle contrôle ou le ministre, dans le cas d'un document que l'Agence contrôle, a des motifs raisonnables de croire qu'il serait d'intérêt public de le communiquer parce qu'il est nécessaire à une participation efficace du public à l'évaluation environnementale.

(5) Les articles 27, 28 et 44 de la Loi sur l'accès à l'information s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, à toute détermination faite aux termes de l'alinéa (4)b) à l'égard de renseignements relatifs à un tiers, et tout document visé à cet alinéa est réputé, pour l'application de l'article 27 de cette loi, constituer un document que le ministre ou l'autorité responsable a l'intention de communiquer; pour l'application de cette loi, il ne doit pas être tenu compte de la mention de la personne qui a demandé la communication des renseignements si nul ne l'a demandée.

(6) Malgré toute autre loi fédérale, l'autorité responsable ou le ministre et les personnes qui agissent en leur nom ou sous leur autorité bénéficient de l'immunité en matière civile ou pénale, et la Couronne ainsi que les autorités responsables bénéficient de l'immunité devant toute juridiction, pour la communication totale ou partielle d'un document faite de bonne foi dans le cadre de la présente loi ainsi que pour les conséquences qui en découlent; ils bénéficient également de l'immunité dans les cas où, ayant fait preuve de la diligence nécessaire, ils n'ont pu donner les avis prévus à l'article 27 ou à toute autre disposition de la Loi sur l'accès à l'information.

(7) Au présent article, " renseignements relatifs à un tiers " s'entend des renseignements suivants :

a) secrets industriels de tiers;

b) renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

. . .

59. Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

. . .

f) déterminer les dispositions législatives ou réglementaires fédérales prévoyant les attributions des autorités fédérales relativement à un projet dont l'exercice rend nécessaire une évaluation environnementale en vertu de l'alinéa 5(1)d);

2.     LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE"RÈGLEMENT SUR LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES DÉSIGNÉES

RÈGLEMENT DÉSIGNANT LES

    DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET

    RÉGLEMENTAIRES FÉDÉRALES PRÉVOYANT

    LES ATTRIBUTIONS DES AUTORITÉS

    FÉDÉRALES ET DU GOUVERNEUR EN

    CONSEIL DONT L'EXERCICE REND

    NÉCESSAIRE UNE ÉVALUATION

    ENVIRONNEMENTALE

. . .

1. Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires.

. . .

2. Pour l'application de l'alinéa 5(1)d) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, les dispositions législatives et réglementaires sont celles prévues respectivement aux parties I et II de l'annexe I.

. . .

ANNEXE I

(article 2)

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET

    RÉGLEMENTAIRES CONFÉRANT DES

    ATTRIBUTIONS À UNE AUTORITÉ FÉDÉRALE

PARTIE I

    DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Article* Dispositions

. . .

14. Loi sur la protection des eaux navigables (11)

a) alinéa 5(1)a)

    b) paragraphe 6(4)

    c) article 16

    d) article 20

3.    LOI SUR LA PROTECTION DES EAUX NAVIGABLES

2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

"eaux navigables" Sont compris parmi les eaux navigables les canaux et les autres plans d'eau créés ou modifiés par suite de la construction d'un ouvrage.

"ministre" Le ministre des Transports.

3. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

. . .

"ouvrages" Sont compris parmi les ouvrages:

a) les ponts, estacades, barrages, quais, docks, jetées, tunnels ou conduites ainsi que les abords ou autres ouvrages nécessaires ou accessoires;

b) les déversements de remblais ou excavations de matériaux tirés du lit d'eaux navigables;

c) les câbles ou fils de télégraphe ou de transport d'énergie;

d) les constructions, appareils ou objets similaires ou non à ceux mentionnés à la présente définition et susceptibles de nuire à la navigation.

. . .

5. (1) Il est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers de telles eaux à moins que :

a) préalablement au début des travaux, l'ouvrage, ainsi que son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre selon les modalités qu'il juge à propos;

b) la construction de l'ouvrage ne soit commencée dans les six mois et terminée dans les trois ans qui suivent l'approbation visée à l'alinéa a) ou dans le délai supplémentaire que peut fixer le ministre;

c) la construction, l'emplacement ou l'entretien de l'ouvrage ne soit conforme aux plans, aux règlements et aux modalités que renferme l'approbation visée à l'alinéa a).

(2) Sauf dans le cas d'un pont, d'une estacade, d'un barrage ou d'une chaussée, le présent article ne s'applique pas à un ouvrage qui, de l'avis du ministre, ne gêne pas sérieusement la navigation.

4.    LOI SUR LES RESTRUCTURATIONS ET LES TRANSFERTS D'ATTRIBUTIONS DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE

2. Le gouverneur en conseil peut procéder:

a) à tout transfert d'attributions, ou de responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique, entre ministres ou entre ministères ou secteurs de l'administration publique;

b) au regroupement de deux ministères ou plus sous l'autorité d'un seul ministre et d'un seul sous-ministre.

3. Le ministre, le ministère ou le secteur de l'administration publique auxquels sont transférées, sous le régime de la présente loi ou en vertu de toute autre habilitation, des attributions ou responsabilités, ainsi que leurs fonctionnaires compétents, ont le plein exercice des pouvoirs et fonctions dévolus à leurs prédécesseurs.

5.    DÉCRET C.P. 1995-527, 28 MARS 1995, TR/95-46

Sur recommendation du premier ministre et en vertu de l'alinéa 2a) de la Loi sur les restructurations et les transfers d'attributions dans l'administration publique, il plaît à Son Excellence le Gouverneur Général en conseil de transférer au ministère des Pêches et des Océans la responsabilité à l'égard du secteur de l'administration publique connu sous le nom de Garde côtière canadienne qui fait partie du ministère des Transports, à l'exception des secteurs suivants :

a) la Direction des havres et des ports et les divisions régionales des havres et des ports;

b) la Direction de la réglementaire maritime;

c) la Direction des inspections des navires et les divisions régionales des inspections des navires.

Le transfert prend effet le 1er avril 1995.

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