Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1928-96

Le procureur général du Canada et Bonnie Petzinger (requérants)

c.

Le Commissaire à l'information du Canada et Michel Drapeau (intimés)

Répertorié: Canada (Procureur général)c. Canada (Commissaire à l'information)(1re   inst.)

Section de première instance, juge MacKay"Ottawa, 24 octobre 1996 et 8 septembre 1997.

Accès à l'information Les dispositions de la Loi empêchant la divulgation de renseignements recueillis en cours d'enquête s'appliquent pour empêcher la divulgation de ce type de renseignements dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire visant à infirmer la décision que le Commissaire à l'information a prise par suite d'une enquête.

Pratique Communication de documents et interrogatoire préalable Production de documents Les dispositions de la Loi empêchant la divulgation de renseignements recueillis en cours d'enquête s'appliquent pour empêcher la divulgation de ce type de renseignements dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire visant à infirmer la décision que le Commissaire à l'information a prise par suite d'une enquêtePar conséquent, l'opposition du commissaire, en vertu de la Règle 1613(2), à la production de documents demandés aux termes de la Règle 1612 est maintenue.

Pratique PlaidoiriesRequête en radiationLa Cour est investie d'une compétence pour accorder ce genre de réparation, mais elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire en ce sens uniquement lorsqu'il est évident que la requête introductive d'instance n'est aucunement fondéeLa requête en radiation est accordée: en raison de la décision du ministre de ne pas donner suite à la recommandation du Commissaire à l'information, la question soulevée par la demande de contrôle judiciaire est devenue théoriqueDe plus, lorsque la recommandation n'est pas manifestement déraisonnable, compte tenu de la preuve dont le commissaire à l'information est saisi, et qu'il a respecté la norme d'équité minimale applicable, la Cour ne peut pas intervenirCela relève seulement du pouvoir discrétionnaire du commissaire, non de celui de la CourAucun élément de preuve qui permette à la Cour d'intervenir en l'espèce n'a été établi, même à première vue, dans la demande ou les affidavits déposés au soutien de celle-ci.

Pratique Parties Qualité pour agir Si l'affaire devait être entendue, il y aurait lieu d'exclure le Commissaire à l'information comme partie intiméeIl demeurerait habilité à agir comme intervenant et à formuler des observations au sujet de points autres que le bien-fondé de sa décision.

Pratique Frais et dépens Raisons spéciales justifiant d'accorder des frais payables à l'intimé Drapeau par les requérants sur la base procureur-client à l'égard des procédures d'accès à l'information engagées après l'ordonnance par laquelle le juge des requêtes a refusé l'injonction pour le motif qu'il n'y avait pas de question sérieuseIl aurait dû apparaître clairement aux avocats des requérants qu'il était vain de continuer de réclamer des frais, et de soutenir que l'intimé Drapeau poursuivait des fins illicites.

Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Requête en radiation d'un avis de requête introductive d'instanceLa Cour est investie d'une compétence pour accorder ce genre de réparation, mais elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire en ce sens uniquement lorsqu'il est évident que la requête introductive d'instance n'est aucunement fondée.

L'intimé, M. Drapeau, était un officier des Forces armées canadiennes jusqu'à ce qu'il soit libéré en 1995. Les motifs de sa libération étaient contestés et cette question faisait l'objet d'une autre instance. Tant avant qu'après son départ des Forces armées, l'intimé avait formulé à maintes reprises des demandes de renseignements, qui avaient été examinées par la requérante, Mme Petzinger, la coordonnatrice de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère de la Défense nationale (MDN). Dans le cadre de procédures internes qui avaient mené à la libération de l'intimé, Mme Petzinger avait présenté des éléments de preuve qui, selon lui, allaient à l'encontre de ses intérêts et sur lesquels le ministère s'est fondé pour décider de le libérer. Après son départ, l'intimé s'est montré insatisfait des réponses qu'il avait obtenues à ses demandes de renseignements et a déposé auprès du Commissaire à l'information une plainte dans laquelle il alléguait que Mme Petzinger était en situation de conflit d'intérêts lorsqu'elle a examiné les demandes de renseignements qu'il avait présentées.

Après enquête, le Commissaire a conclu que, même s'il n'y avait aucun conflit d'intérêts réel, il y avait apparence de conflit et il a recommandé que Mme Petzinger ne participe plus aux décisions concernant le traitement des demandes de l'intimé aux termes de la Loi sur l'accès à l'information jusqu'à la fin de toutes les procédures de révision liées à sa cessation d'emploi.

Le 26 août 1996, les requérants en l'espèce ont déposé une demande de contrôle judiciaire et diverses requêtes en vue d'obtenir réparation à l'encontre du Commissaire à l'information et de M. Drapeau, qui étaient désignés intimés. Le même jour, ils ont demandé des réparations interlocutoires urgentes à l'égard des questions soulevées par leur demande de contrôle judiciaire. Dans une lettre datée du 28 août, le sous-ministre de la Défense nationale a avisé le Commissaire à l'information que le MDN n'était pas d'accord avec sa conclusion au sujet du conflit d'intérêts et qu'il n'avait pas l'intention d'y donner suite.

Le juge McKeown a entendu d'urgence les deux requêtes interlocutoires le 30 août 1996. La demande d'injonction a été rejetée.

Le 11 septembre 1996, les requérants ont tenté de produire ex parte un avis modifié de requête introductive d'instance et trois autres affidavits au soutien de la demande de contrôle judiciaire. Le juge des requêtes a donné des directives écrites enjoignant aux requérants d'obtenir l'autorisation de la Cour afin de produire l'avis modifié de requête introductive d'instance et les affidavits supplémentaires. Le 27 septembre, ils ont déposé une autre requête afin d'obtenir l'autorisation de déposer un affidavit supplémentaire. Tant dans l'avis original de requête introductive d'instance que dans la version modifiée, les requérants demandaient au Commissaire, aux termes de la Règle 1612 des Règles de la Cour fédérale, d'expédier une copie certifiée de certains documents. En réponse à cette demande, le Commissaire a déposé, en application de la Règle 1613, une opposition écrite. Les requérants ont contesté également la qualité du commissaire pour agir comme intimé. Le Commissaire a contesté la qualité de Mme Petzinger pour agir comme partie requérante et M. Drapeau a soutenu qu'il ne devrait pas être désigné intimé. Enfin, le Commissaire et M. Drapeau ont sollicité des ordonnances radiant l'avis de requête introductive d'instance et ont contesté la demande d'autorisation de déposer l'avis modifié de requête introductive d'instance et les requêtes visant à obtenir l'autorisation de produire des affidavits supplémentaires.

Jugement: l'opposition du Commissaire à la production des documents doit être maintenue; l'avis de requête introductive d'instance doit être radié; et la requête en vue d'obtenir l'autorisation de déposer un avis modifié de requête introductive d'instance et des affidavits supplémentaires doit être rejetée. L'ordonnance faisant droit à la demande de M. Drapeau visant à radier l'avis de requête introductive d'instance des requérants mentionnait que ceux-ci étaient tenus de payer à cet intimé des frais sur la base procureur-client à l'égard des procédures engagées après le 30 août 1996.

(1) Opposition du Commissaire à la production de documents. Les Règles 1612 et 1613 des Règles de la Cour fédérale disposent que, dans une demande de contrôle judiciaire, une partie peut demander par écrit des documents pertinents se trouvant en la possession de l'office fédéral qui a rendu la décision visée par la demande de contrôle et l'office en question est alors tenu de produire une copie certifiée des documents demandés, sauf s'il s'y oppose par écrit. En pareil cas, un juge peut, après avoir entendu les parties, ordonner la production d'une copie certifiée des pièces demandées. Cependant, les Règles 1612 et 1613 ne s'appliquent pas aux documents et dossiers du commissaire dont la Loi interdit la communication. Bien que l'article 32 de la Loi prévoie que le responsable de l'institution concernée doit être avisé de l'intention d'enquêter et de l'objet de la plainte, la Loi confère clairement au Commissaire, sous réserve des dispositions pertinentes de la Loi, le pouvoir de déterminer la procédure d'enquête et la procédure à suivre dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions. De plus, selon le paragraphe 63(1) de la Loi, la détermination des renseignements à divulguer aux parties visées par une plainte est une décision fondée sur l'avis du Commissaire quant aux renseignements nécessaires pour mener une enquête ou pour motiver les conclusions et recommandations contenues dans un rapport prévu dans la Loi. Donc, en l'absence d'une preuve prépondérante indiquant que les documents déjà communiqués ne respectent pas raisonnablement ces objectifs, la Cour ne peut intervenir pour ordonner au Commissaire de divulguer d'autres renseignements parce qu'il n'a pas bien exercé le pouvoir discrétionnaire dont il est investi. L'arrêt de la Cour d'appel rendu dans Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707 (C.A.), où il a été jugé que le refus opposé au plaignant à l'égard de la communication des observations présentées au Commissaire au cours d'une enquête était bien fondé, tranchait de façon définitive la question soulevée en l'espèce: si la communication de ce type de renseignements ne peut être exigée dans des procédures de révision prévues par la Loi elle-même, en raison des dispositions de la Loi qui en interdisent la communication, il faut appliquer ces dispositions de la même façon pour empêcher la divulgation de ce type de renseignements dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire visant à infirmer la décision que le Commissaire a prise par suite d'une enquête.

(2) Modification ou radiation de l'avis de requête introductive d'instance des requérants. Comme il a été mentionné dans l'arrêt Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (1re inst.), la Cour est investie d'une compétence pour accorder ce genre de réparation, mais elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire en ce sens uniquement lorsqu'il est évident que la requête introductive d'instance n'est aucunement fondée. Si la requête introductive d'instance n'était pas radiée, il faudrait alors autoriser sa modification. Cependant, la requête introductive d'instance devrait être radiée. La conclusion que le juge McKeown avait tirée, dans sa décision du 30 août 1996 au cours des procédures antérieures visant à obtenir une injonction et d'autres réparations, au sujet de l'absence de question sérieuse portait sur le pouvoir du Commissaire de présenter un rapport et des recommandations; il ne s'agissait pas d'un commentaire sur le sérieux des questions soulevées dans l'ensemble de l'avis de requête introductive d'instance. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'invoquer cette conclusion pour radier l'avis de requête introductive d'instance ou sa version modifiée. Toutefois, en raison de la décision du ministre de ne pas donner suite à la recommandation, la question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire était devenue théorique. Étant donné que la réparation demandée était théorique maintenant en ce qui avait trait aux effets pratiques, la poursuite de cette demande dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire était futile en pratique. C'est pourquoi il était permis de conclure que l'affaire devrait maintenant se terminer par la radiation de l'avis de requête introductive d'instance. De plus, alors que les requérants visaient à contester le bien-fondé de la recommandation du Commissaire, le bien-fondé de cette recommandation n'était pas une question relevant de la compétence de la Cour. En dernier lieu, comme la demande et les affidavits à l'appui ne renfermaient aucun élément permettant de conclure que le Commissaire avait agi illégalement, que ses recommandations étaient manifestement déraisonnables, en regard de la preuve dont il était saisi, ou qu'il n'avait pas respecté la norme d'équité minimale exigée de lui dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, la Cour ne pouvait pas intervenir.

(3) Demande en vue de déposer des affidavits supplémentaires. Si l'avis de requête introductive d'instance n'était pas radié, la requête en vue de la production des affidavits supplémentaires serait accueillie, sans commentaire sur l'importance que l'un ou l'autre des éléments de preuve ainsi ajoutés aurait dans la présente instance.

(4) Qualité des parties. La décision que la Cour d'appel a rendue dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 447, a établi clairement que l'office fédéral dont la décision est visée par une demande de contrôle judiciaire ne peut être partie intimée, mais il peut intervenir dans cette instance, non pas pour plaider le bien-fondé de la décision rendue, mais pour présenter des arguments sur les questions de la compétence et de la procédure. Par conséquent, si la présente affaire devait être entendue, il y aurait lieu d'exclure le Commissaire à l'information comme partie intimée, mais celui-ci devrait demeurer habilité à agir comme intervenant et à formuler des observations au sujet de points autres que le bien-fondé de sa décision. Et comme l'intimé, M. Drapeau, est une "personne intéressée dont les intérêts sont opposés à ceux du[des] requérant[s]" dans les procédures engagées devant le Commissaire à l'information, il serait désigné en bonne et due forme à titre d'intimé dans l'avis de requête. Mme  Petzinger et le ministre de la Défense nationale étaient désignés requérants à bon droit en l'espèce.

(5) Frais. La Règle 1618 énonce qu'il n'y a pas de frais à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire, à moins que la Cour n'en ordonne autrement pour des raisons spéciales. Dans la présente affaire, toutes les parties demandent des frais. Les requérants doivent payer à l'intimé, M. Drapeau, des frais sur la base procureur-client à l'égard de toutes les procédures, après le 30 août 1996, dont sa propre requête en radiation de l'avis de requête introductive d'instance. Après la décision rendue par le juge McKeown le 30 août 1996, il est devenu évident qu'il n'était pas possible, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, qu'un jugement déclaratoire soit rendu ou qu'une autre forme de réparation soit accordée à l'encontre de M. Drapeau, qui est un citoyen privé; pourtant, les requérants n'ont pas retiré toutes les demandes qu'ils avaient formulées contre lui. De plus, comme la demande de frais formulée contre lui n'avait pas été retirée, M. Drapeau n'avait pas le choix et devait continuer à jouer un rôle actif, avec l'aide de son avocate, dans les procédures engagées jusqu'à maintenant. Enfin, rien ne venait étayer les arguments des requérants selon lesquels les fins ou l'objet que M. Drapeau visait dans une plainte adressée au Commissaire étaient illicites ou inappropriés. Ces circonstances constituaient une raison spéciale justifiant une ordonnance fondée sur la Règle 1618.

lois et règlements

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6.

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 30 (mod. par L.C. 1992, ch. 21, art. 4), 32, 34, 35, 36 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187, ann. V, item 1), 37, 41, 62, 63 (mod., idem), 65 (mod., idem).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 303(1), 1602(3) (édictée par DORS/92-43, art. 19), 1603(1) (édictée, idem), 1612 (édictée, idem), 1613 (édictée, idem), 1618 (édictée, idem).

jurisprudence

décisions appliquées:

Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707; (1994), 113 D.L.R. (4th) 275; 54 C.P.R. (3d) 511; 167 N.R. 43 (C.A.); conf. par [1996] 1 R.C.S. 6; (1996), 1 D.L.R. (4th) 608; 36 Admin. L.R. (2d) 131; 66 C.P.R. (3d) 32; 191 N.R. 394; Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102; (1993), 19 Admin. L.R. (2d) 91; 11 C.E.L.R. (N.S.) 1; 64 F.T.R. 127 (1re inst.); American Cyanamid Co. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 461; 81 F.T.R. 174 (C.F. 1re inst.); David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588; (1994), 58 C.P.R. (3d) 209; 176 N.R. 48 (C.A.); Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 447; (1994), 17 Admin. L.R. (2d) 2; 164 N.R. 361 (C.A.).

distinction faite avec:

Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455; (1995), 180 N.R. 152 (C.A.); Majeed c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 68 F.T.R. 75 (C.F. 1re inst.).

décisions examinées:

Canada (Procureur général) et al. c. Commissaire à l'information (Can.) et al. (1996), 119 F.T.R. 77 (C.F. 1re inst.); Thomson c. Canada (Sous-ministre de l'Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385; (1992), 89 D.L.R. (4th) 218; 3 Admin. L.R. (2d) 242; 133 N.R. 345.

REQUÊTES présentées par les requérants en vue d'être autorisés à déposer un avis modifié de requête introductive d'instance et à déposer des affidavits supplémentaires, et demandant au commissaire de produire certains documents; par l'intimé le commissaire en vue de s'opposer à la production de certains documents, et par les deux intimés en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'avis de requête introductive d'instance. Requêtes des requérants rejetées; requête en radiation accueillie, avec dépens sur une base procureur-client en faveur de l'intimé Drapeau seulement; opposition du commissaire à la production de documents maintenue.

avocats:

Dogan D. Akman et commander Stanley J. Blythe pour les requérants.

Daniel Brunet et Nathalie Daigle pour l'intimé le Commissaire à l'information du Canada.

Martha A. Healey pour l'intimé Michel Drapeau.

procureurs:

Le sous-procureur général du Canada pour les requérants.

Bureau du Commissaire à l'information du Canada pour l'intimé le Commissaire à l'information du Canada.

Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour l'intimé Michel Drapeau.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge MacKay: Les présents motifs concernent la décision que j'ai rendue au sujet d'une opposition écrite du Commissaire à l'information à la production de documents ainsi que de quatre requêtes interlocutoires que les parties ont présentées dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire des requérants.

Pour comprendre le contexte des requêtes, il est nécessaire de résumer les faits à l'origine du litige. M. Michel Drapeau, un des intimés désignés en l'espèce, est un ancien officier des Forces armées canadiennes dont il a fait partie jusqu'à ce qu'il soit libéré en 1995. Les motifs de sa libération étaient contestés et cette question faisait l'objet d'une autre instance lors de l'examen de la présente demande. Apparemment, M. Drapeau a formulé à maintes reprises des demandes de renseignements tant avant qu'après son départ des Forces armées. Ses demandes ont été examinées par la requérante, Mme Bonnie Petzinger, la coordonnatrice de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels du ministère de la Défense nationale (MDN). Dans le cadre de procédures ministérielles internes qui ont mené à la libération de M. Drapeau, Mme Petzinger a présenté des éléments de preuve qui, selon lui, allaient à l'encontre de ses intérêts et sur lesquels le Ministère s'est fondé pour décider de le libérer.

Après son départ, M. Drapeau s'est finalement montré insatisfait des réponses qu'il a obtenues du MDN à ses demandes de renseignements. Il a donc déposé auprès du Commissaire à l'information une plainte fondée sur l'article 30 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et ses modifications [mod. par L.C. 1992, ch. 21, art. 4] (la Loi). Dans cette plainte, il a allégué que, lorsque Mme Petzinger a examiné les demandes de renseignements qu'il a présentées, elle était en situation de conflit d'intérêts, ce qui a donné lieu à un manque d'objectivité de sa part et, par conséquent, à une qualité de service inférieure à l'égard des demandes en question.

En janvier 1996, le Commissaire à l'information a ouvert une enquête au sujet de la plainte de M. Drapeau. En mars, le personnel du Commissaire a interrogé Mme Petzinger en présence d'avocats. Mme Petzinger et le MDN ont eu la possibilité de présenter des observations au Commissaire, notamment quant à l'allégation de conflit d'intérêts ou encore de partialité dont Mme Petzinger aurait apparemment fait montre lors de l'examen des demandes de M. Drapeau. Le 19 juillet 1996, le ministre de la Défense nationale a remis au Commissaire des observations écrites en réponse à une lettre du mois de juin précédent qui faisait état du résumé préliminaire des conclusions du Commissaire.

Le 16 août 1996, le Commissaire à l'information a présenté un rapport d'enquête au sujet de la plainte. Ce rapport, qui était présenté sous forme de lettre datée du 16 août 1996 et adressée au sous-ministre du MDN en application de l'article 37 de la Loi, comprenait les conclusions suivantes du Commissaire:

[traduction] . . . mes conclusions sont les suivantes:

1. l'allégation selon laquelle Mme Petzinger aurait fait montre d'un manque d'objectivité professionnelle à l'endroit de M. Drapeau n'est pas fondée;

2. l'allégation selon laquelle Mme Petzinger a accordé un traitement de piètre qualité aux demandes de renseignements de M. Drapeau n'est pas fondée;

3. l'allégation selon laquelle Mme Petzinger est en situation de conflit d'intérêts à l'endroit de M. Drapeau est fondée en partie. À mon avis, même s'il n'y avait aucun conflit d'intérêts réel, il y avait apparence de conflit du fait que les mesures et les positions antérieures de Mme Petzinger soulèvent, à mon sens, une crainte raisonnable de partialité à l'endroit de M. Drapeau;

4. les allégations d'atteinte à la vie privée dépassent la portée de mon mandat d'enquête et je ne formule aucune conclusion à ce sujet.

Par conséquent, j'en arrive à la conclusion que la plainte est partiellement bien fondée. Je recommande que, pendant un certain temps, Mme Petzinger ne participe plus aux décisions concernant le traitement des demandes de M. Drapeau ou de NOVATIP Consulting aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. À mon avis, il convient qu'une autre personne traite les demandes de M. Drapeau jusqu'à la fin de toutes les procédures judiciaires ou quasi judiciaires liées à la cessation d'emploi de M. Drapeau.

Le 26 août 1996, les requérants, le procureur général du Canada et Mme Petzinger, ont déposé et signifié un avis de requête introductive d'instance (demande de contrôle judiciaire) et de requête en vue d'obtenir différentes réparations à l'encontre du Commissaire à l'information et de M. Drapeau, qui étaient désignés intimés. Je souligne que, dans une lettre datée du 28 août 1996, le sous-ministre de la Défense nationale a écrit au nom du ministre au Commissaire à l'information pour l'aviser que le MDN n'était pas d'accord avec sa conclusion au sujet du conflit d'intérêts et qu'il n'avait pas l'intention d'y donner suite.

Le 26 août 1996, dans des requêtes différentes de leur avis de requête introductive d'instance, mais mentionnées dans celui-ci, les requérants ont demandé des réparations interlocutoires urgentes à l'égard des questions soulevées par leur demande de contrôle judiciaire. D'abord, ils ont demandé une ordonnance de non-divulgation qui aurait autorisé la production de certains affidavits sur une base confidentielle. En deuxième lieu, ils ont demandé une ordonnance d'interdiction ou une injonction interdisant au Commissaire de prendre d'autres mesures fondées sur son enquête et sur son rapport concernant la plainte de M. Drapeau et lui interdisant de communiquer le rapport à celui-ci ou, s'il se trouvait déjà en sa possession, lui interdisant d'utiliser le rapport ou d'en communiquer le contenu sans l'autorisation de la Cour. Ils ont également demandé une ordonnance portant suspension des procédures engagées par le Commissaire jusqu'au résultat de la demande de contrôle judiciaire. La principale réparation demandée dans la requête introductive d'instance déposée le 26 août était un jugement déclaratoire portant que la plainte présentée par M. Drapeau au Commissaire à l'information à l'égard de Mme Petzinger [traduction] "est futile et vexatoire et a été déposée à des fins inappropriées et illicites"; de plus, les requérants ont demandé une ordonnance de certiorari annulant le rapport d'enquête du Commissaire en date du 16 août 1996.

Les deux requêtes interlocutoires ont été présentées d'urgence devant mon collègue le juge McKeown et réglées le 30 août 1996 [(1996), 119 F.T.R. 77 (C.F. 1re inst.)]. La demande visant à obtenir l'autorisation de produire certains affidavits sur une base confidentielle a été accueillie en partie et la demande d'injonction a été rejetée. Par la suite, le 3 septembre, le Commissaire a informé M. Drapeau des résultats de son enquête, y compris la recommandation qu'il avait présentée au ministre et le rejet par celui-ci de la recommandation.

Le 11 septembre 1996, les requérants ont tenté de produire ex parte un avis modifié de requête introductive d'instance et trois autres affidavits au soutien de la demande de contrôle judiciaire. Le 19 septembre dernier, mon collègue le juge Pinard a donné des directives écrites enjoignant aux requérants d'obtenir l'autorisation de la Cour afin de produire l'avis modifié de requête introductive d'instance et les affidavits supplémentaires. À la même date, les requérants ont déposé une requête en vue d'obtenir l'autorisation de produire les documents en question. Le 27 septembre, ils ont déposé une autre requête afin d'obtenir l'autorisation de déposer un affidavit supplémentaire.

Tant dans l'avis original de requête introductive d'instance que dans la version modifiée visée par la présente demande d'autorisation, les requérants demandent au Commissaire, aux termes de la Règle 1612 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663 (édictée par DORS/92-43, art. 19)], d'expédier une copie certifiée de certains documents. En réponse à cette demande, le Commissaire a déposé, en application de la Règle 1613 [édictée idem], une opposition écrite datée du 27 septembre 1996 qui a été débattue en l'espèce et qui est réglée dans la présente ordonnance.

Dans leur avis modifié de requête introductive d'instance, les requérants soulèvent également une question concernant la qualité du Commissaire pour agir en l'espèce. Les requérants contestent la qualité du Commissaire pour agir comme intimé, même s'ils l'ont ainsi désigné dans leur avis initial de requête introductive d'instance produit le 26 août 1996. Ils ne contestent pas le droit du Commissaire d'agir en qualité d'intervenant. Pour l'audition des requêtes présentées à la Cour et réglées en l'espèce, étant donné que le Commissaire est intervenu comme intimé dans des procédures préliminaires devant le juge McKeown puis devant Mme le juge McGillis, qui a fixé un calendrier relatif à la préparation et à l'audition des requêtes en question, j'ai indiqué dans une directive que le Commissaire devrait être habilité à participer à titre d'intimé, compte tenu des préparations faites en vue de l'audition avant que la question de la qualité soit soulevée. Le Commissaire conteste également la qualité de Mme Petzinger pour agir comme partie requérante et M. Drapeau soutient qu'il ne devrait pas être désigné intimé et entraîné bon gré mal gré dans un différend entre deux fonctionnaires, le procureur général du Canada et le Commissaire à l'information. Toutes ces questions sont tranchées dans les présents motifs.

En plus de l'opposition du Commissaire et de la requête en vue d'obtenir l'autorisation de déposer un avis modifié de requête introductive d'instance, deux autres requêtes, produites séparément le 27 septembre 1996 par le Commissaire et par M. Drapeau, ont également été plaidées à l'audience. Ces requêtes visent à obtenir des ordonnances radiant l'avis de requête introductive d'instance déposé au nom du procureur général et de Mme Petzinger. Compte tenu de cette position, le Commissaire et M. Drapeau ont tous deux contesté la demande d'autorisation de déposer l'avis modifié de requête introductive d'instance et les requêtes visant à obtenir l'autorisation de produire des affidavits supplémentaires.

Les différentes questions débattues en l'espèce sont tranchées dans les présents motifs sous les rubriques suivantes:

(i) l'opposition du Commissaire à la production de documents;

(ii) la modification ou la radiation de l'avis de requête introductive d'instance;

(iii) les demandes de production d'affidavits supplémentaires;

(iv) la qualité des différentes parties;

(v) les frais.

L'opposition du Commissaire à la production de documents

Tel qu'il est mentionné précédemment, tant dans la version originale que dans la version modifiée de l'avis de requête introductive d'instance, les requérants demandent la production de documents:

[traduction] Conformément à la Règle 1612 des Règles de la Cour fédérale, les requérants demandent au Commissaire de faire parvenir tant à leur avocat qu'au greffe de la Cour une copie certifiée des documents suivants qui se trouvent en sa possession.

Le dossier complet dûment certifié des procédures qui se sont déroulées devant le Commissaire et dans son bureau à l'égard du rapport, des conclusions et des recommandations sous examen, notamment:

1. les enregistrements magnétiques de toutes les procédures et des entrevues;

2. la transcription desdits enregistrements;

3. toutes les notes ainsi que les communications écrites et les communications verbales consignées par écrit et échangées avec le co-intimé Michel Drapeau et d'autres personnes qui ne font pas partie du bureau du Commissaire;

4. toutes les notes ainsi que les communications écrites et les communications verbales consignées par écrit et échangées entre le Commissaire et son personnel de même qu'entre les membres du personnel en question à l'égard de l'ouverture et du déroulement de l'enquête et de la préparation des rapports préliminaire et définitif, sauf les communications protégées par le secret professionnel de l'avocat . . .

Le Commissaire soutient que les requérants ont obtenu tous les documents auxquels ils ont droit en vertu de la Loi. Ils ont en main toutes les lettres échangées entre le Commissaire et le MDN au sujet de la plainte, y compris une copie du résumé de la plainte de Drapeau, l'avis en date du 11 janvier 1996 qui a été remis au ministre de la Défense nationale quant à l'intention du Commissaire de mener une enquête au sujet de la plainte et quant à l'objet de celle-ci; l'avis en date du 7 juin 1996 dans lequel le Commissaire a demandé au ministre de formuler des observations au sujet de l'exposé préliminaire des résultats de l'enquête en question; le rapport en date du 16 août 1996 que le Commissaire a remis au ministre après avoir pris connaissance des observations formulées au nom de celui-ci le 19 juillet 1996; l'avis communiqué au nom du ministre le 28 août 1996, selon lequel la recommandation du Commissaire ne serait pas suivie, et une copie du rapport daté du 3 septembre 1996 que le Commissaire a adressé au plaignant.

Selon le Commissaire, tous les autres documents liés à l'enquête et au rapport, y compris les autres documents visés par les descriptions des quatre catégories énoncées dans l'avis de requête introductive d'instance, sont privilégiés et aucun d'eux ne peut être communiqué, compte tenu des dispositions de la Loi. Le Commissaire ajoute que les Règles 1612 et 1613 des Règles de la Cour fédérale ne s'appliquent pas à ses documents et dossiers, dont la Loi interdit la communication.

Ces Règles disposent que, dans une demande de contrôle judiciaire, une partie peut demander par écrit des documents pertinents se trouvant en la possession de l'office fédéral qui a rendu la décision visée par la demande de contrôle et l'office en question est alors tenu de produire une copie certifiée des documents demandés, sauf s'il s'y oppose par écrit. En pareil cas, un juge peut, après avoir entendu les parties, ordonner la production d'une copie certifiée des pièces demandées.

Voici les dispositions de la Loi que le Commissaire invoque pour refuser de produire les documents demandés en l'espèce, dans la mesure où elles sont pertinentes [articles 34, 35, 36 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187, ann. V, item 1), 62, 63 (mod., idem), 65 (mod., idem)]:

34. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à l'information peut établir la procédure à suivre dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions.

35. (1) Les enquêtes menées sur les plaintes par le Commissaire à l'information sont secrètes.

(2) Au cours de l'enquête, les personnes suivantes doivent avoir la possibilité de présenter leurs observations au Commissaire à l'information, nul n'ayant toutefois le droit absolu d'être présent lorsqu'une autre personne présente des observations au Commissaire à l'information, ni d'en recevoir communication ou de faire des commentaires à leur sujet:

a) la personne qui a déposé la plainte;

b) le responsable de l'institution fédérale concernée;

. . .

36. (1) Le Commissaire à l'information a, pour l'instruction des plaintes déposées en vertu de la présente loi, le pouvoir:

a) d'assigner et de contraindre des témoins à comparaître devant lui, à déposer verbalement ou par écrit sous la foi du serment et à produire les pièces qu'il juge indispensables pour instruire et examiner à fond les plaintes dont il est saisi, de la même façon et dans la même mesure qu'une cour supérieure d'archives;

b) de faire prêter serment;

c) de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant les tribunaux;

. . .

(3) Sauf les cas où une personne est poursuivie soit pour une infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu de la présente loi, soit pour infraction à la présente loi, ou sauf les cas de recours en révision prévus par la présente loi devant la Cour ou les cas d'appel de la décision rendue par la Cour, les dépositions faites au cours de procédures prévues par la présente loi ou le fait de l'existence de ces procédures ne sont pas admissibles contre le déposant devant les tribunaux ni dans aucune autre procédure.

. . .

62. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à l'information et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance dans l'exercice des pouvoirs et fonctions que leur confère la présente loi.

63. (1) Le Commissaire à l'information peut divulguer, ou autoriser les personnes agissant en son nom ou sous son autorité à divulguer, les renseignements:

a) qui, à son avis, sont nécessaires pour:

(i) mener une enquête prévue par la présente loi,

(ii) motiver les conclusions et recommandations contenues dans les rapports et comptes rendus prévus par la présente loi;

b) dont la divulgation est nécessaire, soit dans le cadre des procédures intentées pour infraction à la présente loi ou pour une infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu de la présente loi, soit lors d'un recours en révision prévu par la présente loi devant la Cour ou lors de l'appel de la décision rendue par celle-ci.

(2) Dans les cas où, à son avis, il existe des éléments de preuve touchant la perpétration d'infractions fédérales ou provinciales par un cadre ou employé d'une institution fédérale, le Commissaire à l'information peut faire part au procureur général du Canada des renseignements qu'il détient à cet égard.

. . .

65. En ce qui concerne les questions venues à leur connaissance dans l'exercice, au cours d'une enquête, des pouvoirs et fonctions qui leur sont conférés en vertu de la présente loi, le Commissaire à l'information et les personnes qui agissent en son nom ou sur son ordre n'ont qualité pour témoigner ou ne peuvent y être contraints que dans les procédures intentées pour infraction à la présente loi ou pour une infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) se rapportant à une déclaration faite en vertu de la présente loi, ou que lors d'un recours en révision prévu par la présente loi devant la Cour ou lors de l'appel de la décision rendue par celle-ci.

Les requérants invoquent environ onze motifs qui, à leur avis, justifient la délivrance d'une ordonnance de production fondée sur le paragraphe 1613(4) des Règles. Quelques-uns de ces motifs concernent la principale question soulevée par le Commissaire, soit la contradiction qui existerait entre les Règles de la Cour et les dispositions de la Loi au sujet de la communication. Le procureur général fait valoir qu'aucun des articles de la Loi que le Commissaire invoque n'autorise la retenue des renseignements demandés, car le Parlement ne pouvait avoir formé l'intention que la Loi soit interprétée de façon à empêcher la communication de renseignements que le Commissaire décide de retenir dans une situation où il est allégué, comme c'est le cas en l'espèce, que la plainte vise des fins abusives et que l'enquête n'est pas conforme au mandat dont le Commissaire est investi en vertu de la Loi ou, selon la description présentée, que la question soulevée par la demande de contrôle judiciaire est [traduction] "entachée d'illégalité".

Les allégations d'illégalité des requérants concernent la façon dont le Commissaire devrait, selon eux, mener ses enquêtes. Dans le cas qui nous occupe, la plainte de l'intervenant, M. Drapeau, a été déposée à la fin du mois de novembre 1995. Le 11 janvier 1996, le ministre de la Défense nationale a reçu un avis fondé sur l'article 32 de la Loi quant à l'intention du Commissaire d'enquêter sur la plainte et quant à l'objet de celle-ci ainsi qu'un résumé de ladite plainte. Pourtant, les requérants soutiennent que le Commissaire ne s'est pas conformé aux exigences de l'article 32, dont le libellé est le suivant:

32. Le Commissaire à l'information, avant de procéder aux enquêtes prévues par la présente loi, avise le responsable de l'institution fédérale concernée de son intention d'enquêter et lui fait connaître l'objet de la plainte.

Les requérants reprochent au Commissaire de ne pas avoir déterminé si la plainte était légitime avant d'entreprendre l'enquête; selon eux, le délai qui s'est écoulé avant que le ministre soit informé de l'affaire en janvier 1996 donne à penser que l'enquête avait débuté plus tôt. De plus, ils ajoutent qu'en omettant de fournir des précisions au sujet de la plainte en réponse à des demandes formulées en ce sens, notamment quant aux manquements dont la requérante Mme Petzinger se serait rendue coupable, le Commissaire aurait omis de donner avis de "l'objet de la plainte" comme l'exige l'article 32. Plus précisément, les requérants allèguent que la démarche a incité Mme Petzinger et les autres personnes concernées au ministère de la Défense nationale à présumer que l'entrevue menée auprès d'elle n'était qu'une simple formalité visant à mettre fin à l'enquête mais que, par la suite, le rapport en date du 16 août du Commissaire donnait à penser que la participation constante de la requérante à l'examen des demandes de M. Drapeau soulevait une crainte de partialité, si bien que cette responsabilité aurait dû être confiée à une autre personne jusqu'au résultat des procédures que M. Drapeau avait engagées au sujet de son renvoi des Forces armées.

L'argument des requérants présuppose l'existence d'une procédure d'enquête spécifique qui n'est pas justifiée d'après les dispositions de la Loi. C'est le Commissaire qui est responsable des enquêtes relatives aux plaintes en vertu de l'article 30 et, à mon avis, c'est manifestement lui qui doit déterminer la procédure d'enquête, sous réserve de la Loi, puisque l'article 34 l'autorise à établir la procédure à suivre dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions.

L'article 34 ainsi que le paragraphe 63(1) renferment également la réponse à l'argument des requérants selon lequel le Commissaire est tenu de fournir, à tout le moins, des renseignements minimums au sujet des documents se trouvant dans ses dossiers, lesquels renseignements minimums se comparent aux renseignements pouvant être exigés lorsque les documents sont considérés comme des documents privilégiés dans un affidavit de documents, c'est-à-dire la date, l'expéditeur ou l'auteur et le destinataire de chaque document, le sujet et peut-être les énoncés importants de chacun d'eux. Les requérants soutiennent qu'en l'absence de ces renseignements, il est impossible d'évaluer le bien-fondé de l'opposition du Commissaire à la communication des documents. Cependant, cet argument présuppose l'existence d'un droit des requérants qui serait semblable au droit à la communication préalable de documents se trouvant en la possession du Commissaire, lequel droit n'existe pas. Selon le paragraphe 63(1) de la Loi, la détermination des renseignements à divulguer aux parties visées par une plainte est une décision fondée sur l'avis du Commissaire quant aux renseignements nécessaires pour mener une enquête ou pour motiver les conclusions et recommandations contenues dans un rapport prévu dans la Loi. À mon avis, en l'absence d'une preuve prépondérante indiquant que les documents déjà communiqués ne respectent pas raisonnablement ces objectifs, la Cour ne peut intervenir pour ordonner au Commissaire de divulguer d'autres renseignements parce qu'il n'a pas bien exercé le pouvoir discrétionnaire dont il est investi.

C'est là le contexte de la principale question sous-jacente au refus du Commissaire de divulguer les renseignements que les requérants demandent. Le Commissaire estime en effet qu'il n'est pas autorisé à fournir les renseignements que les requérants demandent. À l'exception des renseignements qu'il décide de divulguer en application du paragraphe 63(1), les renseignements obtenus dans le cadre d'une enquête ne peuvent être communiqués, sous réserve de certaines exceptions restreintes énoncées principalement à l'article 63 de la Loi. La restriction touchant la communication de renseignements obtenus au cours d'une enquête est renforcée par d'autres dispositions, soit le paragraphe 35(1), qui énonce que toutes les enquêtes menées par le Commissaire sont secrètes; le paragraphe 35(2), qui dispose qu'une possibilité raisonnable de présenter des observations au cours de l'enquête doit être offerte au plaignant, au responsable de l'institution fédérale concernée et à toute tierce partie qui a fourni les renseignements ou qui peut être touchée par leur communication, mais qui prévoit spécifiquement que nul n'a le droit absolu d'être présent lorsqu'une autre personne présente des observations, ni d'en recevoir communication ou de faire des commentaires à leur sujet, et l'article 62, selon lequel le Commissaire et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité "sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance dans l'exercice des pouvoirs et fonctions que leur confère la . . . loi". De plus, selon l'article 65, ni le Commissaire non plus que les personnes agissant en son nom ne peuvent être contraints à témoigner à l'égard des questions portées à leur connaissance au cours d'une enquête.

Selon les requérants, étant donné que le Parlement n'a pas exprimé clairement son intention dans la Loi, il faut éviter d'interpréter celle-ci de façon à empêcher l'application des exigences et des principes fondamentaux de la common law en matière de procédure qui assureraient la divulgation des renseignements constituant le fondement de conclusions défavorables au sujet d'individus.

Les requérants soutiennent que le principe de l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.) devrait être appliqué lorsque l'exactitude et l'exhaustivité du rapport de l'enquêteur sont contestées, comme c'est le cas en l'espèce selon eux. À mon avis, la décision rendue dans l'affaire Pathak, qui concerne un rapport d'enquête prévu dans la Loi canadienne sur les droits de la personne [L.R.C. (1985), ch. H-6], ne s'applique pas. Cette Loi ne renferme aucune disposition semblable à celles de la Loi sur l'accès à l'information qui interdisent la communication de renseignements obtenus au cours d'une enquête. De plus, dans cette affaire, en refusant d'ordonner aux termes de la Règle 1612 la production de documents dont la Commission n'avait pas été saisie aux fins de sa décision, la Cour d'appel a indiqué clairement que la demande de documents fondée sur cette Règle doit préciser les renseignements demandés et que les documents en question doivent être pertinents. La Règle 1612 vise à faire en sorte que la Cour soit bel et bien saisie du dossier qui se trouvait devant l'instance décisionnelle dont la décision est contestée dans la demande de contrôle judiciaire. Elle n'a pas pour but de faciliter la communication préalable de tous les documents pouvant se trouver en la possession de l'instance décisionnelle ou de tous les documents pouvant avoir été obtenus au cours d'une enquête. Pourtant, la demande de production des requérants en l'espèce semble être de cette nature.

Sur cette question du lien entre la Règle 1612 et les dispositions de la Loi, il me semble utile d'examiner l'arrêt que le juge Stone, de la Cour d'appel, a rendu dans Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707 (C.A.), et que la Cour suprême du Canada a confirmé dans [1996] 1 R.C.S. 6. Cette affaire concernait un appel du jugement du juge chargé de réviser, aux termes de l'article 41 de la Loi, une décision par laquelle le Commissaire à l'information avait confirmé un refus de communiquer des renseignements demandés en application de la Loi. Dans cette affaire, le plaignant avait demandé la production de la correspondance ou des registres des communications échangées entre le bureau du Conseil privé et le Commissaire à l'information dans le cadre d'une enquête, y compris des notes internes, des notes de synthèse, des directives et des lettres. S'exprimant au nom de la Cour d'appel, le juge Stone a confirmé le refus de communiquer les renseignements demandés dans cette affaire. Après avoir passé en revue l'objet de la Loi et des dispositions de celle-ci qui interdisent la communication, il a conclu que le refus opposé au plaignant à l'égard de la communication des observations présentées au commissaire au cours d'une enquête était bien fondé.

À mon avis, l'arrêt Rubin tranche de façon définitive la question soulevée en l'espèce. Si la communication de ce type de renseignements ne peut être exigée dans des procédures de révision prévues par la Loi elle-même, en raison des dispositions de la Loi qui en interdisent la communication, comme le jugement Rubin l'indique, il faut appliquer ces dispositions de la même façon pour empêcher la divulgation de ce type de renseignements dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire visant à infirmer la décision que le Commissaire a prise par suite d'une enquête.

Les requérants ont cité les commentaires que ma collègue, Mme le juge Reed, a formulés dans l'arrêt Majeed c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 68 F.T.R. 75 (C.F. 1re inst.), au sujet des renseignements personnels dont la communication est interdite aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels [L.R.C. (1985), ch. P-21]; dans cet arrêt, Mme le juge Reed a souligné que la Loi ne protégeait pas de la production tous les renseignements identifiés en bonne et due forme conformément à la Règle 1612 et pertinents quant à l'allégation de partialité de la partie requérante aux fins du litige. Ces commentaires ont été formulés dans des circonstances où la Loi dont la Cour est saisie en l'espèce ne s'appliquait pas. Les circonstances de l'arrêt Majeed ne sauraient être comparées à celles de la présente affaire. De plus, quels que soient les autres arguments que les requérants invoquent au sujet de la décision du Commissaire examinée en l'espèce, ils n'ont formulé aucune allégation de partialité à l'encontre de celui-ci.

Pour sa part, dans l'opposition écrite qu'il a déposée en réponse à la demande de communication de renseignements obtenus dans le cadre de son enquête, le Commissaire à l'information ajoute que, non seulement les dispositions de la Loi interdisent la communication, mais les renseignements sont protégés de la divulgation aux termes du privilège de la common law qui concerne le secret rattaché à l'exercice de fonctions semblables à celles du Commissaire à l'information ou même aux termes du privilège du secret professionnel de l'avocat. Le Commissaire n'a pas débattu à fond ces questions à l'audience et je ne formule aucune conclusion au sujet de ces arguments.

Cependant, je suis convaincu que l'opposition du Commissaire, aux termes du paragraphe 1613(2) des Règles, à la production des documents que les requérants ont demandés en application de la Règle 1612 doit être confirmée. Par conséquent, après avoir examiné les arguments des requérants et ceux du Commissaire, je refuse d'ordonner, aux termes du paragraphe 1613(4) des Règles, la production de l'un ou l'autre des documents demandés par les requérants.

Modification ou radiation de l'avis de requête introductive d'instance des requérants

Les requêtes distinctes que les requérants ont présentées, conformément à l'ordonnance du juge Pinard, en vue d'obtenir l'autorisation de produire un avis modifié de requête introductive d'instance ainsi que les requêtes du Commissaire à l'information et de M. Drapeau en vue de faire radier l'avis de requête introductive d'instance des requérants sont liées entre elles et sont examinées ensemble en l'espèce.

Si les modifications proposées maintenant à l'égard de l'avis de requête introductive d'instance sont telles que cette requête demeurera pour l'essentiel visée par les arguments invoqués dans les requêtes portant radiation, et que ces dernières requêtes sont accueillies, le sort de l'avis de requête introductive d'instance déposé le 26 août 1996 sera réglé, de même que celui de la requête en vue d'obtenir l'autorisation de modifier ledit avis initial et les requêtes des requérants en vue d'obtenir l'autorisation de déposer des affidavits supplémentaires au soutien de l'avis initial. Néanmoins, j'examine les requêtes séparément pour le cas où ma conclusion serait jugée erronée en appel. D'abord, j'examine l'avis modifié de requête introductive d'instance afin d'évaluer les modifications proposées maintenant, puis la question de l'autorisation relative à leur production, sous réserve de ma décision quant aux demandes de radiation, sur lesquelles je me prononce ensuite.

Les modifications proposées à l'égard de l'avis de requête introductive d'instance comprennent les changements suivants:

1. La radiation du Commissaire à l'information comme intimé, de sorte que seul Michel Drapeau serait intimé dans la demande, lequel changement soulève la question de la qualité du Commissaire pour agir en l'espèce;

2. Un changement ou une omission touchant la version modifiée de quelques-unes des réparations initialement demandées, plus précisément:

(i) un changement à la déclaration, qui visait initialement à obtenir un jugement déclaratoire portant que la plainte de M. Drapeau est futile et vexatoire et a été [traduction] "déposée à des fins inappropriées et illicites", de façon que le jugement déclaratoire demandé soit un jugement portant que le Commissaire a omis de mener une enquête en bonne et due forme sur la plainte et de déterminer si celle-ci correspond à la description antérieure, soit une plainte frivole, etc.; (À mon avis, ce changement ne modifierait pas la réparation demandée pour l'essentiel, mais il supprime la demande de jugement déclaratoire portant directement sur la plainte de M. Drapeau. De l'avis du Commissaire à l'information, ce changement découle des commentaires que le juge McKeown a formulés dans le cadre de requêtes interlocutoires antérieures, selon lesquels la Cour n'a pas compétence pour rendre une ordonnance visant effectivement un particulier, en l'occurrence, M. Drapeau, plutôt qu'un office fédéral.)

(ii) la radiation, dans la version modifiée, des formes de réparation refusées plus tôt par une ordonnance du juge McKeown, y compris une ordonnance d'interdiction ou une injonction interdisant au Commissaire de prendre d'autres mesures consécutives à son rapport et de communiquer celui-ci à M. Drapeau et, si ce dernier avait déjà en main le rapport du Commissaire, lui interdisant d'en communiquer le contenu sans l'autorisation de la Cour. De plus, le juge McKeown a refusé d'ordonner une suspension des autres procédures de la Commission jusqu'à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit réglée, ce que les requérants demandaient à l'origine. (Comme ces formes de réparation ont été refusées, les radiations mentionnées dans la requête modifiée seraient de simples mises à jour mineures.)

3. Enfin, les requérants modifient l'intitulé de la cause dans la version modifiée de l'avis de requête en supprimant le renvoi aux ordonnances interlocutoires que le juge McKeown a refusé de rendre plus tôt.

Dans l'avis modifié de requête introductive d'instance, les demandes énoncées dans l'avis initial sont conservées, soit des demandes visant à obtenir

(i) le jugement déclaratoire décrit précédemment et modifié, l'objet général demeurant le même pour l'essentiel, du moins quant au rejet de la plainte de M. Drapeau;

(ii) une ordonnance de certiorari annulant le rapport du Commissaire en date du 16 août 1996;

(iii) une ordonnance interdisant au Commissaire de prendre d'autres mesures consécutives à sa recommandation et à son rapport, soit une ordonnance comparable, du moins en partie, à l'une de celles qui étaient recherchées dans la demande initiale;

(iv) une ordonnance enjoignant au Commissaire et à M. Drapeau de payer des frais sur la base procureur-client.

À mon sens, l'avis modifié de requête introductive d'instance vise à faire réviser la même décision, soit le rapport du Commissaire en date du 16 août 1996, dans le même but, soit l'annulation dudit rapport. La plupart des changements figurant dans la version modifiée ont pour effet de supprimer les réparations que le juge McKeown a précédemment refusé d'accorder. Le Commissaire soutient que le changement touchant le jugement déclaratoire vise à faire réviser la procédure d'enquête qu'il a suivie et soulève donc une nouvelle question qui devrait être examinée dans le cadre d'une demande différente; cependant, à mon avis, cette révision était, à tout le moins, demandée implicitement dans l'avis initial de requête.

Selon moi, les objections que le Commissaire et M. Drapeau ont formulées dans leurs requêtes portant radiation de la requête introductive d'instance s'appliquent à la version modifiée. Avant d'examiner ces requêtes, je commente d'abord celle que les requérants ont présentée afin d'obtenir l'autorisation de déposer leur requête introductive d'instance modifiée, tout en sachant que le règlement de la question de l'autorisation peut dépendre, en dernier ressort, de la décision concernant les requêtes portant radiation.

Les requérants font valoir que le juge Pinard a commis une erreur de droit lorsqu'il s'est fondé sur le paragraphe 303(1) des Règles pour donner ses directives au sujet de la demande d'autorisation. Voici le libellé de cette Règle:

Règle 303. (1) Afin de déterminer quel est réellement le point en litige, ou de corriger un défaut ou une erreur, la Cour pourra, à tout stade d'une procédure, et après avoir donné à toutes les parties intéressées la possibilité de se faire entendre, ordonner qu'un document afférent à la question soit rectifié aux conditions qui semblent justes et de la façon qu'elle prescrira.

Les requérants soutiennent que cette Règle ne s'applique pas en l'espèce, parce que les modifications recherchées ici ne découlent pas des raisons énoncées dans la Règle, soit déterminer quel est réellement le point en litige ou corriger un défaut ou une erreur. Ils ajoutent qu'ils ont le droit de déposer unilatéralement un avis modifié de requête introductive d'instance, au moins dans les 30 jours suivant la décision en question, comme c'est le cas en l'espèce, sans devoir aviser les autres parties.

Je refuse de commenter l'argument des requérants au sujet de la validité des directives que le juge Pinard a données au greffe quant au traitement de l'avis modifié de requête introductive d'instance, qu'ils ont tenté de produire avec des affidavits supplémentaires sans daigner aviser les autres parties à l'instance, qui avaient déjà participé à des audiences interlocutoires devant le juge McKeown. La directive du juge Pinard quant à la demande d'autorisation visait à faire en sorte que toutes les parties à l'instance soient informées et aient la possibilité de répondre aux changements proposés dans les documents modifiés des requérants.

Compte tenu des directives que mon collègue le juge Pinard a données, ma tâche consiste à déterminer s'il y a lieu d'accorder l'autorisation demandée aujourd'hui. Je serais disposé à répondre par l'affirmative, sous réserve du sort des demandes portant radiation de l'avis de requête introductive d'instance, pour les motifs suivants. Les modifications ont pour effet de corriger l'erreur de la première requête, qui visait à obtenir un jugement déclaratoire contre un individu, en l'occurrence, M. Drapeau. Elles n'apportent aucun changement fondamental à l'objet des plaintes des requérants et ne léseraient nullement le Commissaire ou M. Drapeau si l'instance devait se poursuivre. La Cour peut, au moyen d'une directive, modifier les délais relatifs à la production des réponses de ceux-ci à l'avis modifié de requête introductive d'instance, si c'est nécessaire.

J'en arrive maintenant aux requêtes portant radiation. Je souligne que M. Drapeau demande subsidiairement, si l'avis de requête introductive d'instance n'est pas radié, que la requête soit, à tout le moins, rejetée en ce qui a trait aux réparations demandées contre lui. Il soutient qu'il ne devrait pas être intimé en l'espèce. L'avis modifié de requête introductive d'instance aurait pour effet d'éliminer le jugement déclaratoire demandé contre lui, mais non la demande formulée contre lui quant aux frais.

Selon les motifs invoqués au soutien des requêtes portant radiation, l'avis de requête introductive d'instance est futile et vexatoire et constitue un abus des procédures de la Cour, car la requête en question ne soulève aucune question sérieuse à trancher et a peu de chances d'être accueillie. Des arguments ont été présentés quant à la question de savoir si la Cour avait compétence pour radier une requête, question qui n'est pas expressément prévue dans les Règles. Comme je l'ai mentionné dans l'arrêt Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (1re inst.), à mon avis, la Cour est investie d'une compétence inhérente pour accorder ce genre de réparation, mais elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire en ce sens uniquement lorsqu'il est évident que la requête introductive d'instance n'est aucunement fondée. (Voir également American Cyanamid Co. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 461 (C.F. 1re inst.); et David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588 (C.A.).)

Si la Cour peut radier un avis de requête introductive d'instance, s'agit-il ici d'un cas où elle devrait le faire? Le Commissaire à l'information invoque plusieurs motifs au soutien d'une réponse affirmative à cette question.

D'abord, il rappelle que la demande de contrôle judiciaire ne soulève aucune question sérieuse à trancher, conclusion que le juge McKeown aurait déjà tirée au cours des procédures antérieures visant à obtenir une injonction et d'autres réparations. Cependant, d'après les commentaires qu'il a formulés (motifs de l'ordonnance prononcés à l'audience le 30 août 1996 et subséquemment corrigés et communiqués le 20 septembre 1996 publiés à (1996), 119 F.T.F. 77 (C.F. 1re inst.), sa conclusion quant à l'absence de question sérieuse à trancher ne concerne pas l'ensemble de l'avis de requête introductive d'instance des requérants. Elle se rapporte plutôt à la réparation provisoire alors demandée, soit une ordonnance ou une injonction interdisant au Commissaire de publier ou de communiquer à M. Drapeau son rapport et ses recommandations du 16 août 1996. Le juge McKeown a conclu que le Commissaire était tenu, en vertu de la Loi, de présenter un rapport après avoir mené une enquête au sujet d'une plainte et de communiquer le rapport en question aux parties concernées. De plus, lors de l'enquête relative à la plainte de M. Drapeau, le Commissaire avait respecté la norme d'équité exigée en offrant aux deux parties, soit le ministre de la Défense nationale et M. Drapeau, ainsi qu'à Mme Petzinger, la possibilité de présenter leurs observations devant lui. Il a ensuite déterminé les recommandations à formuler, ce qu'il pouvait faire dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire. En conséquence, le savant juge a conclu à l'absence de question sérieuse à trancher au sujet de l'allégation selon laquelle le Commissaire n'avait pas compétence pour formuler sa recommandation et communiquer le rapport.

À mon avis, la conclusion du juge McKeown au sujet de l'absence de question sérieuse portait sur le pouvoir du Commissaire de présenter un rapport et des recommandations; il ne s'agissait pas d'un commentaire sur le sérieux des questions soulevées dans l'ensemble de l'avis de requête introductive d'instance, dont il n'était pas saisi dans les procédures antérieures. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'invoquer la conclusion à laquelle il en est arrivé pour radier l'avis de requête introductive d'instance, que ce soit dans sa version originale ou modifiée.

Pour demander la radiation de la requête introductive d'instance, le Commissaire allègue également que le rapport et les recommandations qu'il a présentés dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire en matière administrative en vertu de la Loi ne sont pas exécutoires et n'ont pas force obligatoire. Comme le juge Cory l'a mentionné dans l'arrêt Thomson c. Canada (Sous-ministre de l'Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, à la page 399, la recommandation du Commissaire ne saurait être considérée comme une décision finale ou exécutoire. C'est ce qui ressort clairement des événements survenus en l'espèce, notamment d'une lettre en date du 28 août, 1996 dans laquelle le ministre de la Défense nationale a indiqué que la recommandation du Commissaire n'était pas acceptée et ne serait pas mise en œuvre. Il est fait mention de cette lettre dans le rapport subséquent que le Commissaire a adressé à M. Drapeau.

Compte tenu de ce qui précède, la requérante, Bonnie Petzinger, ne serait pas touchée par la recommandation du Commissaire ou par le rejet de la demande des requérants en vue de faire annuler cette recommandation, puisque le ministre avait décidé de ne pas y donner suite.

Même si je ne suis pas convaincu que la fonction du Commissaire, en raison du résultat ultime auquel elle conduit, c'est-à-dire un rapport comportant des recommandations non exécutoires par suite d'une enquête, dépasse la compétence de la Cour en matière de contrôle judiciaire, j'estime qu'en raison de la décision du ministre de ne pas donner suite à la recommandation, la question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est devenue théorique. Bien qu'il ne s'agisse pas ici d'une action semblable à celle dont la Cour suprême était saisie dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, les propos que le juge Sopinka a formulés dans ce jugement me semblent pertinents en l'espèce. Voici ce qu'il a dit (à la page 353):

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire.

À mon avis, la réparation demandée en l'espèce n'aura aucun effet pratique sur les droits des parties, étant donné que le ministre a refusé de donner suite à la recommandation du Commissaire. Il n'y a plus de controverse entre celui-ci et les requérants, sauf quant au bien-fondé de la recommandation en question, qui ne sera pas suivie de toute façon. Étant donné que la réparation demandée est théorique maintenant en ce qui a trait aux effets pratiques, la poursuite de cette demande dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire est futile en pratique. C'est pourquoi il est permis à mon sens de conclure que l'affaire devrait maintenant se terminer par la radiation de l'avis de requête introductive d'instance, sauf s'il y a une autre raison impérative pour laquelle elle devrait être entendue.

Comme troisième raison justifiant la radiation de la demande à ce stade, le Commissaire invoque l'objet de celle-ci, soit contester le bien-fondé de la recommandation, laquelle question déborderait le cadre de la demande de contrôle judiciaire en l'espèce, compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont le Commissaire est investi en vertu du paragraphe 37(1) de la Loi. Pour reprendre les propos que le juge McKeown a formulés dans sa décision (à la page 79) au sujet des procédures interlocutoires antérieures:

Le législateur a investi le Commissaire du pouvoir discrétionnaire de décider quelles recommandations sont indiquées dans chaque cas d'espèce. Il n'appartient pas à la Cour de juger l'à-propos, mais la légitimité.

Selon les requérants, ces commentaires vont trop loin, mais je n'en suis pas certain. Dans la mesure où une recommandation n'est pas manifestement déraisonnable, eu égard à la preuve et aux documents dont le Commissaire était saisi, et où les normes d'équité minimales applicables sont respectées, la Cour n'interviendra pas. Le pouvoir discrétionnaire appartient au Commissaire seul et non à la Cour.

À mon avis, la requête introductive d'instance des requérants vise à contester le bien-fondé de la recommandation du Commissaire. Or, il ne s'agit pas d'une question relevant de la compétence de la Cour. Sauf si la demande et les affidavits à l'appui renferment un élément permettant de conclure que le Commissaire a agi illégalement, que ses recommandations étaient manifestement déraisonnables, compte tenu de la preuve dont il était saisi, ou qu'il n'a pas respecté la norme d'équité minimale exigée de lui dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, la Cour ne peut intervenir.

Le quatrième argument que le Commissaire invoque pour demander la radiation de l'avis de requête introductive d'instance est le fait qu'aucun des motifs qui autoriseraient la Cour à intervenir n'est établi en l'espèce, même à première vue, par la demande et les affidavits à l'appui.

Même si les requérants reprochent au Commissaire d'avoir outrepassé les limites du pouvoir qui lui est conféré par la Loi en ouvrant une enquête au sujet de la plainte de M. Drapeau, j'ai souligné que la procédure d'enquête est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire du Commissaire en vertu de la Loi. De plus, la description de la plainte de M. Drapeau comme une plainte formulée à des fins illicites ou l'affirmation selon laquelle le Commissaire aurait dû en décider ainsi avant toute enquête sous-entend que l'intention ou l'objet d'un plaignant qui se fonde sur la Loi constitue un élément préalable d'une plainte à examiner. Cependant, la Loi ne mentionne nullement l'obligation de faire un examen préliminaire des plaintes à la lumière de l'objet ou de l'intention du plaignant. Toute personne qui se voit refuser la communication de renseignements détenus par le gouvernement ou qui n'en reçoit pas communication dans un délai raisonnable peut déposer une plainte auprès du Commissaire, qui est alors tenu de mener une enquête à ce sujet (voir l'article 30 de la Loi).

À mon avis, ni la demande de contrôle judiciaire non plus que les affidavits à l'appui n'établissent à première vue un moyen qui permettrait à la Cour de conclure que le Commissaire a agi ici sans autorisation légitime.

De plus, compte tenu de la preuve qui a été présentée au Commissaire, la recommandation que celui-ci a formulée ne peut être considérée comme une recommandation manifestement déraisonnable ou comme une recommandation qui ne repose sur aucun des renseignements qui avaient alors été portés à sa connaissance et qui étaient connus de toutes les parties. Toutes les parties savaient pertinemment que Mme Petzinger avait, dans d'autres procédures, présenté un témoignage allant à l'encontre des intérêts de M. Drapeau, du moins aux yeux de celui-ci et pourrait être appelée à le faire à nouveau. Il est vrai que, dans une lettre datée du 28 août 1996, le sous-ministre a avisé le Commissaire, au nom du ministre de la Défense nationale, que la recommandation ne serait pas mise en œuvre, indiquant clairement de ce fait que le ministre n'acceptait pas la recommandation que le Commissaire avait formulée ni le fondement de celle-ci. Cela ne signifie pas que la recommandation en question ne relevait pas du pouvoir discrétionnaire du Commissaire ou qu'elle peut être considérée comme une recommandation manifestement déraisonnable dans les circonstances que lui-même et que les parties connaissaient.

Enfin, comme le juge McKeown l'a souligné dans les procédures antérieures engagées dans la présente instance, le ministre de la Défense nationale a eu toute la latitude voulue pour commenter la plainte et les conclusions provisoires que le Commissaire a formulées après l'enquête. Le ministre a effectivement formulé des observations avant que le rapport et les recommandations soient formulés sous forme définitive. Mme Petzinger a eu la possibilité de commenter et a effectivement commenté verbalement la plainte au cours de l'enquête. Il convient de répéter que le Commissaire n'a trouvé aucun motif justifiant la plainte de M. Drapeau au sujet du manque de professionnalisme dont elle aurait fait montre ou au sujet de la piètre qualité du service qu'il a obtenu d'elle. La conclusion du rapport est la suivante: l'allégation selon laquelle Mme Petzinger se trouvait en situation de conflit d'intérêts à l'endroit de M. Drapeau n'était pas établie dans les faits, mais sa conduite antérieure soulevait une crainte raisonnable de partialité à l'endroit du plaignant. C'est un jugement indiquant qu'une personne raisonnable au courant des liens existant entre les parties pouvait craindre avec raison que Mme Petzinger se montre partiale à l'endroit de M. Drapeau dans le cadre des décisions qu'elle prendrait au sujet des demandes de renseignements qu'il formulerait. Le Commissaire n'a pas conclu qu'elle avait été partiale et ce n'est pas non plus une conclusion dont elle-même ou le ministre pouvait établir le caractère erroné simplement en manifestant leur désaccord à cet égard. C'est une conclusion qui, à mon sens, était raisonnable, compte tenu des renseignements dont le Commissaire disposait. Il s'agissait manifestement d'une conclusion qu'il pouvait tirer sur la foi des renseignements portés à sa connaissance et les parties ont eu la possibilité de formuler des observations à ce sujet, ainsi qu'il leur a été proposé après l'enquête, avant que les conclusions en question soient finalement incluses dans le rapport. Je souscris aux commentaires du juge McKeown, qui a dit dans des procédures antérieures que la Commission avait entièrement respecté la norme d'équité exigée d'elle.

Par conséquent, l'avis de requête introductive d'instance, que ce soit dans sa version originale ou modifiée, ainsi que les affidavits originaux et les affidavits supplémentaires que les requérants veulent produire n'établissent pas en l'espèce à première vue un fondement qui permettrait à la Cour d'intervenir pour accorder la réparation qu'ils demandent. Dans ces circonstances, la requête introductive d'instance des requérants n'a aucune chance d'être accueillie. Il s'agit de circonstances exceptionnelles qui justifient l'exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire de façon à radier à ce stade l'avis de requête introductive d'instance. J'exerce maintenant ce pouvoir discrétionnaire au moyen d'une ordonnance jointe aux présents motifs.

Par suite de cette décision, dans une ordonnance jointe aux présents motifs, je rejette également la requête des requérants en vue d'obtenir l'autorisation de déposer l'avis modifié de requête introductive d'instance.

Demandes visant à obtenir l'autorisation de déposer des affidavits supplémentaires

Étant donné que j'ordonne la radiation de l'avis de requête introductive d'instance et le rejet de la demande d'autorisation de déposer une version modifiée, je rejette également, au moyen d'une ordonnance jointe aux présents motifs, les requêtes des requérants en vue d'obtenir l'autorisation de produire les affidavits supplémentaires d'Alta Erker nos 1, 2 et 3, tous faits sous serment le 11 septembre 1996, et celui de Robert Emond daté du 27 septembre 1996.

Si je n'avais pas décidé de radier l'avis de requête introductive d'instance, j'accueillerais les requêtes portant autorisation de produire tous ces affidavits sans commenter l'importance que l'un ou l'autre des éléments de preuve ainsi ajoutés aurait dans la présente instance. J'en arrive à cette conclusion malgré l'argument du Commissaire selon lequel la demande d'autorisation devrait être refusée à ce stade, parce que les renseignements visés par la demande d'autorisation ne sont pas nouveaux, c'est-à-dire qu'ils étaient disponibles lorsque l'avis original de requête introductive d'instance a été déposé, et parce que les requérants cherchent à produire le dernier affidavit de Robert Emond par suite de la réponse du Commissaire à leurs arguments.

Selon le paragraphe 1603(1) [édicté par DORS/92-43, art. 19] des Règles, dans les affaires ordinaires, un affidavit au soutien de l'avis de requête introductive d'instance doit être déposé en même temps que cette requête. Cette Règle n'interdit pas la production ultérieure d'affidavits avec l'autorisation de la Cour. Dans la présente affaire, des affidavits ont été déposés en même temps que la requête; les requérants demandent maintenant l'autorisation de produire d'autres affidavits pour compléter la preuve documentaire dont la Cour est saisie: M. Drapeau conteste cet objet et soutient que les affidavits supplémentaires devraient être radiés, étant donné qu'ils sont fondés en grande partie, notamment ceux d'Alta Erker, sur des renseignements et des croyances et non sur des faits dont le déposant était lui-même au courant. Selon M. Drapeau, les affidavits en question ne conviennent pas en l'espèce, étant donné que seuls des affidavits faits sous serment au sujet de questions dont le déposant est lui-même au courant peuvent être produits dans des demandes de contrôle judiciaire. Dans la présente affaire, les "faits" mentionnés dans les affidavits concernent les documents que les requérants cherchent à présenter à la Cour pour lui permettre de mieux comprendre le contexte dans lequel elle devrait examiner leur demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas disposé à refuser aux requérants l'autorisation de produire les affidavits pour ces motifs, mais je souligne que la production des affidavits en question aura peut-être une importance minime pour le résultat de la demande de contrôle judiciaire, si celle-ci devait aller de l'avant. L'évaluation en dernier ressort du poids à accorder à la preuve qu'ils renferment serait une question relevant du juge qui préside l'audience. Il serait possible de compenser tout préjudice causé au Commissaire ou à M. Drapeau si l'instance devait aller de l'avant en leur permettant de déposer d'autres affidavits ou de formuler d'autres arguments en réponse.

La qualité des différentes parties

L'avis de requête introductive d'instance, qui est modifié par l'élimination du renvoi au Commissaire comme partie intimée tout en conservant certaines demandes de réparation formulées contre lui ainsi que les demandes relatives aux frais, soulève la question de la qualité du Commissaire pour agir en l'espèce. Les requérants soutiennent que le Commissaire ne peut avoir qualité pour agir comme intimé, étant donné que la demande d'injonction a été rejetée, en raison de la décision que la Cour d'appel a rendue dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 447 (C.A.) (jugement parfois appelé l'arrêt Bernard). Pour sa part, le Commissaire réplique que sa fonction se compare à celle d'une commission d'enquête et qu'en pratique, il est permis à un organisme de cette nature d'agir comme partie intimée lorsque ses procédures ou ses décisions font l'objet d'une demande de contrôle judiciaire. Les circonstances semblent particulièrement embarrassantes pour la partie privée dont les intérêts sont opposés à ceux des requérants en ce qui a trait à la décision du Commissaire, en l'occurrence, M. Drapeau, surtout dans une situation où la demande, comme c'est le cas en l'espèce, est introduite par le procureur général. Néanmoins, la décision que la Cour d'appel a rendue dans l'affaire Bernard tranche la question; l'office fédéral dont la décision est visée par une demande de contrôle judiciaire ne peut être partie intimée, mais il peut intervenir dans cette instance, non pas pour plaider le bien-fondé de la décision rendue, mais pour présenter des arguments sur les questions de la compétence et de la procédure.

À mon avis, il y a lieu d'exclure le Commissaire à l'information comme partie intimée si la présente affaire devait être entendue sur la foi de l'avis modifié de requête introductive d'instance. Si l'affaire devait se poursuivre, le Commissaire devrait demeurer habilité à agir comme intervenant et à formuler des observations au sujet de points autres que le bien-fondé de sa décision, question dont la Cour n'est pas saisie.

Par ailleurs, l'avocate de M. Drapeau conteste la qualité de son client d'agir comme intimé, surtout s'il est le seul intimé. Néanmoins, à titre de [traduction] "personne intéressée dont les intérêts sont opposés à ceux du[es] requérant[s]" dans les procédures engagées devant l'office fédéral, etc., en l'occurrence, le Commissaire à l'information, M. Drapeau est désigné en bonne et due forme en l'espèce à titre d'intimé dans l'avis de requête (paragraphe 1602(3) [édictée par DORS/92-43, art. 19] des Règles) et le serait encore si l'affaire devait se poursuivre.

Dans leurs observations écrites, les avocats du Commissaire ont fait valoir que ni Mme Petzinger ni le ministre de la Défense nationale n'étaient désignés requérants à bon droit en l'espèce, du moins après que le ministre a décidé de ne pas accepter et de ne pas mettre en œuvre la recommandation formulée par le Commissaire. Je ne suis pas de cet avis. Si la demande n'était pas radiée maintenant et que les procédures s'y rapportant devaient se poursuivre, le procureur général, qui représente ici les intérêts de Sa Majesté, y compris ceux du ministre, continuerait à représenter ces intérêts et Mme Petzinger demeurerait requérante, sauf si elle décidait de se désister de toute procédure ultérieure.

En conséquence, si l'instance devait se poursuivre, l'intitulé de la cause devrait être modifié de façon que M. Drapeau soit désigné le seul intimé dans la requête des requérants et que le Commissaire à l'information y soit désigné intervenant ayant le droit à ce titre de présenter des observations au sujet de la procédure suivie au cours de son enquête et de la préparation de son rapport ainsi que de la compétence dont il est investi en vertu de la Loi.

Frais

La Règle 1618 énonce qu'il n'y a pas de frais à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire, à moins que la Cour n'en ordonne autrement pour des raisons spéciales. Dans la présente affaire, toutes les parties demandent des frais.

Le procureur général demande aux deux intimés désignés rien de moins que des frais sur la base procureur-client, [traduction] "compte tenu des dépenses évitables et considérables qu'ils ont occasionnées aux requérants en refusant de procéder le 24 septembre 1996". Il s'agissait de la date qui avait été fixée pour l'audition des requêtes des requérants en vue d'obtenir l'autorisation de modifier leur requête initiale et de déposer des affidavits supplémentaires; ces requêtes n'ont pas été réglées, parce que d'autres requêtes étaient sur le point d'être produites et que Mme le juge McGillis a alors fixé un calendrier relatif au dépôt de toutes les requêtes et à leur audition. Le délai que les requérants reprochent aux intimés et qui découle d'une ordonnance ne constitue pas une raison spéciale justifiant l'octroi de frais et encore moins des frais sur la base procureur-client.

Le Commissaire a demandé que des frais sur la base procureur-client soient adjugés contre les deux requérants à l'égard de toutes les procédures qui ont eu lieu après la décision en date du 30 août 1996 par laquelle le juge McKeown a rejeté leur demande d'injonction interlocutoire. Même si les mesures que les avocats des requérants ont prises par la suite devaient être considérées comme des mesures peu judicieuses, et c'est ainsi que j'interprète de façon générale les différentes raisons que le Commissaire invoque pour demander des frais sur la base procureur-client, ce motif ne justifie pas en soi l'octroi de frais de cette nature et ne constituerait pas non plus en l'espèce une raison spéciale justifiant l'adjudication de frais entre parties. Même si la Cour conclut à l'absence de motif justifiant la poursuite de l'instance et décide que l'avis de requête introductive d'instance devrait être radié, il ne s'agirait pas de circonstances spéciales justifiant une ordonnance fondée sur la Règle 1618 dans une affaire où la partie requérante est le procureur général du Canada et où la partie intimée est un mandataire de Sa Majesté. De plus, il serait encore plus extraordinaire d'adjuger des frais sur la base procureur-client. Je refuse d'ordonner à un fonctionnaire du gouvernement de payer des frais à un autre fonctionnaire.

L'avocate de M. Drapeau demande elle aussi une ordonnance enjoignant aux requérants de payer des frais sur la base procureur-client à l'égard de toutes les étapes de l'instance, y compris les requêtes interlocutoires que le juge McKeown a réglées. Je souligne que, dans l'ordonnance du 30 août 1996 que le juge McKeown a rendue au sujet de la demande d'injonction, il a décidé que les requérants devraient payer à l'intimé, M. Drapeau, des frais sur la base procureur-client dans l'instance et il a présumé que 75 % du temps consacré à l'examen des deux requêtes sur une période de deux jours avait été attribué à cette requête. En ce qui a trait à l'autre requête dont il était saisi, soit une requête en vue d'obtenir une ordonnance de non-divulgation à l'égard de certains documents, il a précisé qu'aucuns frais n'étaient adjugés. Par conséquent, à ce stade, la seule question alors soulevée au sujet des frais a été tranchée.

En ce qui a trait aux procédures engagées depuis ce temps, j'estime qu'il y a des raisons spéciales justifiant l'octroi à l'intimé, M. Drapeau, de frais sur la base procureur-client à l'encontre des requérants, en raison des facteurs suivants:

(i) Après la décision que le juge McKeown a rendue le 30 août 1996, sinon avant, il est devenu évident qu'il n'était pas possible, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, qu'un jugement déclaratoire soit rendu ou qu'une autre forme de réparation soit accordée à l'encontre de M. Drapeau, qui est un citoyen privé; pourtant, les requérants n'ont pas retiré toutes les demandes qu'ils avaient formulées contre lui. Dans leur avis modifié de requête introductive d'instance, ils demandent encore que M. Drapeau soit condamné à leur payer des frais sur la base procureur-client, essentiellement parce qu'il avait déposé auprès du Commissaire à l'information une plainte qui a occasionné des frais considérables pour les requérants, en temps et en argent, lors de procédures subséquentes, notamment celles qu'ils ont engagées en l'espèce. Tel qu'il est mentionné précédemment, la Loi permet le dépôt de plaintes et M. Drapeau a simplement exercé les droits que la Loi lui reconnaît. Cette façon d'agir ne justifie nullement l'octroi d'une réparation contre lui, que ce soit sous forme de frais ou autrement;

(ii) Comme la demande de frais formulée contre lui n'avait pas été retirée, M. Drapeau n'avait pas vraiment le choix et devait continuer à jouer un rôle actif, avec l'aide de son avocate, dans les procédures engagées jusqu'à maintenant. En l'absence de cette demande et d'une demande formulée contre lui en vue d'obtenir d'autres réparations, il aurait peut-être pu décider de cesser de jouer un rôle actif à ce stade de l'instance, après le 30 août, même s'il était encore désigné intimé.

(iii) Dans les observations écrites et dans les plaidoiries présentées au nom des requérants, l'objet ou la fin que M. Drapeau visait lorsqu'il a déposé sa plainte auprès du Commissaire a été décrit comme un objet ou une fin illicite et inapproprié. L'objet ou la fin qu'il poursuivait n'a aucune importance juridique pour le Commissaire, qui est tenu de mener une enquête au sujet des plaintes qu'il reçoit. À mon avis, les avocats des requérants auraient dû comprendre la portée de la Loi, la responsabilité du Commissaire ainsi que le droit de M. Drapeau de demander la communication de renseignements détenus par le gouvernement et de déposer une plainte s'il n'obtenait pas de réponse à sa demande dans un délai raisonnable.

À mon sens, les circonstances de la présente affaire constituent des raisons spéciales justifiant une ordonnance fondée sur la Règle 1618. Le maintien par les requérants de leur demande de frais et de leurs allégations selon lesquelles M. Drapeau poursuivait une fin illicite, alors que leurs avocats auraient dû comprendre que ni cette demande non plus que ces allégations n'étaient fondées en l'espèce, surtout après l'ordonnance que le juge McKeown a rendue le 30 août 1996, justifie l'octroi de frais sur la base procureur-client en faveur de M. Drapeau à l'égard de toutes les procédures engagées après le 30 août 1996, y compris sa propre requête portant radiation de l'avis de requête introductive d'instance.

Conclusion

Pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour rend les ordonnances suivantes au sujet des différentes requêtes examinées dans les présents motifs:

1) une ordonnance faisant droit à la demande de l'intimé, le Commissaire à l'information, et radiant l'avis de requête introductive d'instance des requérants, sans que des frais soient adjugés;

2) une ordonnance similaire faisant droit à la demande de l'intimé Michel Drapeau et radiant l'avis de requête introductive d'instance des requérants, ceux-ci étant tenus de payer à cet intimé des frais sur la base procureur-client à l'égard des procédures engagées après le 30 août 1996;

3) une ordonnance rejetant les requêtes des requérants en vue d'obtenir l'autorisation de déposer un avis modifié de requête introductive d'instance, trois affidavits supplémentaires d'Alta Erker et un affidavit supplémentaire de Robert Emond, compte tenu de la décision selon laquelle l'avis de requête introductive d'instance devrait être radié, sans que des frais soient adjugés;

4) une ordonnance confirmant l'opposition de l'intimé, le Commissaire à l'information, à la production des documents que les requérants ont demandés dans leur avis de requête introductive d'instance et refusant d'exiger la production des documents, encore là sans que des frais soient adjugés.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.