Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1134-90

Albion Transportation Research Corporation, 285614 Alberta Ltd., et Henry John Alberta Maplesden alias John Henry Albert Maplesden et Kathleen Sylvia Maplesden (demandeurs)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

Répertorié: Albion Transportation Research Corp.c. Canada(1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson"Calgary, 21 avril; Ottawa, 20 juin 1997.

Pratique Prescription Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, art. 3(1)a)Action en détournement de biens meubles (numéraires et éléments d'actif), en dépôt injustifié de bref de fieri facias, et en dommages-intérêtsAction prescrite par l'effet de l'art. 51g) de la loi Limitation of Actions Act de l'AlbertaLe fait litigieux s'est produit le jour de la soi-disant saisie injustifiée.

Droit administratif Appels prévus par la loi Par application de l'art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour ne peut connaître des prétentions des demanderesses qui ont droit d'appel devant la C.C.I.L'art. 18.5 s'applique aux actions tout aussi bien qu'aux recours en contrôle judiciaireL'art 18.5 interdit à la Cour de connaître d'une demande qui reviendrait à contester la validité de la cotisation d'impôt ou des mesures de recouvrement y afférentes si celles-ci peuvent être portées en appel devant la C.C.I.Il n'interdit pas à la Cour de connaître du fond de l'action en dépôt injustifié de bref de fieri facias puisque le montant initial a été modifié et que la cotisation n'a pas été contestée.

Fin de non-recevoir PratiqueAutorité de la chose jugéeIssue estoppelAction en dépôt injustifié de bref de fieri facias par suite du certificat enregistré en application de l'art. 223 de la Loi de l'impôt sur le revenuLa fin de non-recevoir n'est pas valide puisque la contribuable ne cherche pas à remettre en question sa cotisation d'impôt mais soutient que le bref découlant de la cotisation a été déposé de façon injustifiée.

Impôt sur le revenu Pratique Action en détournement de biens meubles (numéraires et éléments d'actif), en dépôt injustifié de bref de fieri facias, et en dommages-intérêtsAction prescrite par l'effet de l'art. 51g) de la loi Limitation of Actions Act de l'AlbertaD'autre part, l'art 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale lui interdit de connaître d'une demande qui reviendrait à contester la validité de la cotisation d'impôt ou des mesures de recouvrement y afférentes si celles-ci peuvent être portées en appel devant la C.C.I.

En novembre 1984, Revenu Canada a envoyé à Albion un avis de cotisation d'impôt exigible en application de la Loi de l'impôt sur le revenu. 285614 Alberta Ltd. était la seule actionnaire d'Albion et ses propres actions étaient détenues par John (51 %) et Kathleen (49 %) Maplesden. En juillet et septembre 1985, la défenderesse a saisi et retiré la somme de 3 017 992 $ d'un compte de dépôt en main tierce détenu par Canada Trust au nom d'Albion. En août 1985, un certificat portant impôt exigible de 15 000 000 $ est enregistré auprès de la Cour fédérale du Canada conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu, et un bref de fieri facias décerné pour son exécution. En octobre 1985, la défenderesse, invoquant le certificat et le bref de fieri facias, saisit tous les ordinateurs, matériels, meubles et autres éléments d'actif d'Albion, dont la réalisation subséquente a produit 373 666 $. Par suite, Albion a cessé toute exploitation de son entreprise en septembre 1985.

En septembre 1985, une cotisation de 750 000 $ est émise contre la demanderesse Kathleen Maplesden à l'égard de l'année d'imposition 1984. Le même jour, un certificat de cette dette fiscale est enregistré contre son bien-fonds, auprès de la Cour fédérale du Canada qui décerne un bref de fieri facias pour son exécution. Ce certificat demeurait enregistré quelque trois ans avant d'être levé et remplacé par un certificat portant sur le montant inférieur de la nouvelle cotisation modifiée. La Cour canadienne de l'impôt a rejeté le recours de la demanderesse en la matière, et ce rejet a été porté en appel devant la Cour fédérale. La fraction contestée de cette cotisation se rapportait à des fonds qu'elle recevait d'Albion en novembre 1984 pour l'achat d'une propriété. Entre-temps, en juin 1986, elle a reçu un avis de cotisation d'impôt de 45 944 $ à l'égard de l'année d'imposition 1985. En janvier 1988, un certificat relatif à cette dette fiscale est enregistré auprès de la Cour fédérale du Canada qui, en mars, décerne un bref de fieri facias pour son exécution.

Les demandeurs intentent une action en restitution des fonds et éléments d'actif d'Albion, saisis et enlevés sans justification, et en dommages-intérêts. Kathleen Maplesden conclut à dommages-intérêts par suite du dépôt d'un bref de fieri facias contre le bien-fonds qu'elle avait acheté avec des fonds reçus d'Albion. D'où la formulation du point de droit à trancher à la lumière d'un exposé conjoint des faits, savoir si les prétentions figurant dans la déclaration sont prescrites par l'effet de la loi, de la common law ou des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, ou sont irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée.

Les prétentions d'Albion et de 285614 sont prescrites par l'effet de la loi.

Il s'agit d'une action en délit civil, savoir saisie injustifiée de fonds dans un compte en main tierce, d'ordinateurs, de matériels, de meubles meublants et autres. La Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif prévoit l'application des règles de droit en matière de prescription de la province où se produit le fait générateur, c'est-à-dire l'Alberta en l'occurrence. Le délai de prescription applicable en l'espèce est celui de deux ans prévu à l'article 51 de la Limitation of Actions Act de l'Alberta pour l'action en détournement de biens meubles (l'action en saisie injustifiée est une action en détournement). L'acception moderne du terme anglais "chattels" (biens meubles) embrasse non seulement les ordinateurs, matériels et meubles, mais aussi les droits incorporels comme les comptes en banque. En l'espèce, le délai de prescription court de la date où se produit le fait litigieux, c'est-à-dire la soi-disant saisie injustifiée, au su de la partie qui s'en plaint. Il est constant que l'action en détournement équivalent à la violation de propriété a été intentée plus de deux ans après la date où a eu lieu la saisie et où les demandeurs en ont eu connaissance (il ne s'agit pas d'une action en détention illicite). Le fait litigieux que font valoir les demandeurs aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration s'est produit plus de deux ans avant la date où ils ont intenté leur action et, de ce fait, les prétentions d'Albion et de 285614 sont irrecevables par l'effet de l'alinéa 51g) de la Limitation of Actions Act de l'Alberta. Étant donné que la prétention figurant au paragraphe 7 découle entièrement des prétentions des paragraphes 5 et 6, si les demandeurs ne peuvent faire valoir ces dernières parce qu'elles sont irrecevables par l'effet de la loi, ils ne peuvent faire valoir non plus celle du paragraphe 7, quel que soit le délai de prescription applicable à celle-ci.

Les prétentions d'Albion et de 285614 sont aussi irrecevables du fait qu'Albion ne s'est pas prévalue des voies de droit qui lui étaient ouvertes pour contester sa cotisation d'impôt sur le revenu et les mesures de recouvrement prises par la défenderesse sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, et aussi du fait de l'autorité de la chose jugée. L'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale a pour effet de lui interdire de connaître des prétentions d'Albion et de 285614 du fait que ces demanderesses ont le droit de faire appel devant la Cour canadienne de l'impôt, droit que prévoit expressément une autre loi fédérale. Il est de règle jurisprudentielle que l'article 18.5 s'applique non seulement aux recours en contrôle judiciaire et aux recours en brefs de prérogative, mais aussi aux actions. Dire que la saisie n'avait pas de justification licite reviendrait à attaquer la validité de la cotisation d'impôt, laquelle est déjà susceptible d'appel devant la Cour canadienne de l'impôt par application de l'article 171 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 18.5 interdit à la Cour de connaître d'une demande qui reviendrait à contester la validité de la cotisation d'impôt, alors que celle-ci peut être portée en appel devant la Cour canadienne de l'impôt. La tentative faite par les demandeurs de présenter l'action en saisie injustifiée, non pas comme une action en détournement, mais comme une action en déclaration trompeuse ou abus de pouvoir discrétionnaire ne s'accorde pas avec leur déclaration. Quoi qu'il en soit, la Cour est tenue de suivre la ligne tracée par la Cour d'appel dans Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (C.A.), où il a été jugé que dans les cas où la matière peut faire l'objet d'un appel devant la Cour canadienne de l'impôt, il n'est pas question de contester en Cour fédérale la validité de la cotisation d'impôt ou des mesures de recouvrement prises pour l'exécution de cette cotisation. La prétention figurant au paragraphe 7 est irrecevable au même titre que les prétentions figurant aux paragraphes 5 et 6, par l'effet de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale.

Le dernier point à trancher porte sur la question de savoir si l'action de Kathleen Maplesden est irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée et si elle est irrecevable de toute façon faute par la demanderesse d'avoir contesté les mesures de recouvrement prises par défenderesse sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, ainsi que du fait de l'autorité de la chose jugée. La conclusion au préjudice dans la déclaration de la demanderesse ne s'attache pas à l'enregistrement injustifié du certificat initial, mais au fait que ce dernier demeurait enregistré, avec le montant initial et pendant une longue période après que le ministre eut reconnu que son obligation fiscale était bien inférieure à celle figurant sur le certificat. Il reste à examiner si l'action de cette contribuable en dépôt injustifié du bref est irrecevable soit par l'effet de l'autorité de la chose jugée soit par l'effet de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale.

La défenderesse s'appuie sur la doctrine de l'issue estoppel pour soutenir que la réclamation de Mme Maplesden est irrecevable puisque le point litigieux est passé en force de chose jugée, en ce que la question de la validité de la cotisation d'impôt établie contre cette dernière a été déjà tranchée par la Cour canadienne de l'impôt et ne saurait donc se poser de nouveau devant la Cour fédérale. Cet argument est défectueux. La contribuable ne cherche pas à remettre en question sa cotisation d'impôt pour l'année d'imposition 1984, mais soutient que le bref découlant de la cotisation a été déposé de façon injustifiée. Il n'y a pas application de l'autorité de la chose jugée. L'article 18.5 n'interdit pas à la Cour de connaître du fond des prétentions de Mme Maplesden. En l'espèce, la défenderesse a modifié la cotisation donnant lieu au bref de fieri facias avant même qu'aucun appel ne fût formé. De ce fait, le bref de fieri facias portant sur la somme initialement fixée à 750 000 $ et constituant la soi-disant mesure de recouvrement, ne correspondait plus à aucune cotisation qui eût pu faire l'objet d'un appel.

lois et règlements

Limitation of Actions Act, R.S.A., 1980, ch. L-15, art. 4, 51.

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 171 (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. IX, art. 215).

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.5 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), art. 3(1)a), 32 (mod., idem, art. 31).

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 474(1)a), b).

jurisprudence

décisions appliquées:

Jamieson c. Carota, [1977] 2 C.F. 239; (1977), 13 N.R. 390 (C.A.); conf. [1977] 1 C.F. 504 (1re inst.); Re Attorney-General for Ontario and Royal Bank of Canada, [1970] 2 O.R. 467; (1970), 11 D.L.R. (3d) 257 (C.A.); City Centre Properties Inc. c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 143; (1990), 91 DTC 5083; 120 N.R. 397 (C.A.F.); inf. [1990] 1 C.T.C. 71; (1980), 90 DTC 6080; 29 F.T.R. 212 (C.F. 1re inst.); Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; (1995), 122 D.L.R. (4th) 129; 26 Admin. L.R. (2d) 1; [1995] 2 C.N.L.R. 92; 177 N.R. 325; Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331; [1984] CTC 352; (1984), 84 DTC 6345 (C.A.); Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309; [1990] 2 C.T.C. 524; (1990), 90 DTC 6647; 116 N.R. 200 (C.A.); Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248; (1974), 47 D.L.R. (3d) 544; 74 DTC 6278; 2 N.R. 397.

distinction faite avec:

Barberree v. Bilo et al. (1991), 126 A.R. 121; 84 Alta. L.R. (2d) 216; 3 C.P.C. (3d) 96 (B.R.); Davis v. Henry Birks & Sons Ltd., [1981] 5 W.W.R. 559 (C.S.C.-B.); Guest v. Bonderove & Co. et al. (1988), 88 A.R. 277; 59 Alta. L.R. (2d) 86; 28 C.P.C. (2d) 202 (C.A.).

doctrine

Fleming, John G. The Law of Torts, 7th ed. Sydney: Law Book Company, 1987.

Halsbury's Laws of England, Vol. 6, 4th ed. London: Butterworths, 1973, para. 8.

JUGEMENT PRÉLIMINAIRE de points de droit.

avocats:

Mark W. Gruman pour les demandeurs.

Thomas P. O'Leary pour la défenderesse.

procureurs:

Professional Corporation, Calgary, pour les demandeurs.

Milner Fenerty, Calgary, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Gibson: Par ordonnance en date du 17 mars 1997, le juge en chef adjoint a fixé en ces termes le point de droit à régler, à la lumière de l'exposé conjoint des faits soumis à son examen:

Les prétentions figurant aux paragraphes 5 à 8, 11 et 12 de la déclaration sont prescrites par l'effet de la loi, de la common law ou des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu1, ou sont irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée, et la décision rendue en la matière sera finale et péremptoire aux fins de l'action en instance sous réserve de modification en appel.

Le juge en chef adjoint a rendu l'ordonnance susmentionnée en application de la Règle 474 des Règles de la Cour fédérale2, dont le paragraphe (1) prévoit ce qui suit:

Règle 474. (1) La Cour pourra, sur demande, si elle juge opportun de le faire,

a) statuer sur un point de droit qui peut être pertinent pour la décision d'une question, ou

b) statuer sur un point afférent à l'admissibilité d'une preuve (notamment d'un document ou d'une autre pièce justificative),

et une telle décision est finale et péremptoire aux fins de l'action sous réserve de modification en appel.

Les présents motifs se rapportent à ce point de droit, entendu à l'audience tenue à Calgary (Alberta) le 21 avril 1997.

L'exposé conjoint des faits, dont certains détails de forme ont été modifiés à l'ouverture de l'audience, porte ce qui suit:

[traduction]

I. ALBION TRANSPORTATION RESEARCH CORPORATION ET 285614 ALBERTA LTD.

1. 285614 Alberta Ltd. (285614) était pendant toute la période considérée la seule actionnaire d'Albion Transportation Research Corporation (Albion), l'une et l'autre étant pendant toute la période considérée des sociétés constituées sous le régime des lois de l'Alberta. Pendant toute la période considérée, Henry John Albert Maplesden (John Maplesden) détenait 51 p. 100 des actions de 285614, et Kathleen Sylvia Maplesden, les 49 p. 100 restants. John Maplesden était pendant toute la période considérée le président d'Albion.

2. Albion a été constituée le 17 juillet 1984 sous le régime de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes, et le 29 août 1984 a été enregistrée à titre de société extraprovinciale sous le régime de la loi dite Alberta Business Corporations Act.

3. Le 21 septembre 1984, Albion délivre, sous le régime de la partie VIII de la Loi de l'impôt sur le revenu, une désignation de CIRS de 30 000 000,00 $ à John Rennie agissant à titre de fiduciaire de Goodyear Canada Inc., et dépose auprès de Revenu Canada une formule T2113 relative à cette opération.

4. Le 16 novembre 1984, Revenu Canada envoie un avis de cotisation concernant le paiement de l'impôt exigible en application du paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, lequel avis a été reçu dans le courant du mois par Albion. Cet avis de cotisation était accompagné d'un avis et d'un communiqué de presse. L'avis de cotisation, l'avis et le communiqué de presse sont regroupés sous la languette "A" ci-annexée.

5. Albion n'a envoyé aucun avis d'opposition à cette cotisation.

6. L'année d'imposition d'Albion se clôturait le 20 septembre. Conformément au paragraphe 150(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, elle ne devait faire une déclaration d'impôt sur le revenu qu'au 20 mars 1986. Albion n'a jamais fait une déclaration d'impôt sur le revenu ni pour l'exercice clôturé le 20 septembre 1985 ni pour aucune année subséquente.

7. Jusqu'au 15 juillet 1995, Albion n'avait jamais été avertie qu'il y avait contravention aux politiques ou règles prescrites par Revenu Canada pour le programme de CIRS.

8. Le 15 juillet 1985 ou vers cette date, la défenderesse notifie à Canada Trust Company une sommation de payer touchant les quelque 3 450 893,00 $ que celle-ci détenait dans un compte de dépôt en main tierce au nom d'Albion, et ce au titre de l'impôt réclamé à cette dernière. Albion en a eu connaissance le 15 juillet 1985 ou vers cette date.

9. Le 27 août 1985, un certificat est enregistré auprès de la Cour fédérale du Canada conformément à l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu et dans le cadre de la cotisation d'impôt établie contre Albion, attestant que celle-ci devait, au titre de l'impôt, la somme principale de 15 000 000,00 $ avec intérêts courus de 1 368 835,62 $ au 27 août 1985. Le même jour, la Cour fédérale du Canada décerne un bref de fieri facias portant exécution de ce certificat. Albion ne reconnaît pas avoir reçu notification du certificat ou du bref de fieri facias. Elle n'avait rien fait pour les contester, par voie d'appel ou autre, avant d'intenter l'action en instance.

10. Durant la période du 15 juillet au 13 septembre 1985, la défenderesse a autorisé périodiquement des sorties de fonds du compte de dépôt en main tierce pour régler les dépenses d'exploitation d'Albion. Elle n'a autorisé aucun paiement à John Maplesden.

11. Le 13 septembre 1985 ou vers cette date, la défenderesse somme Canada Trust de lui livrer le solde du compte de dépôt en main tierce, arrêté à 3 017 992,45 $. Elle reçoit ce solde le 17 septembre 1985 ou vers cette date et l'affecte à l'acquittement de l'impôt réclamé à Albion. Albion en a eu connaissance le 13 septembre 1985 ou vers cette date.

12. Le 8 octobre 1985 ou vers cette date, la défenderesse, invoquant le certificat et le bref de fieri facias susmentionnés, saisit tous les ordinateurs, matériels, meubles et autres éléments d'actif d'Albion. Albion en a eu connaissance le 8 octobre 1985 ou vers cette date. Ces éléments d'actif ont été subséquemment vendus ou réalisés d'une façon ou d'une autre, le tout, achevé vers le 20 juin 1987, donnant un produit net de 373 666,56 $ que la défenderesse a encaissé au titre de l'impôt réclamé à Albion.

13. La défenderesse savait que la sortie des fonds du compte d'Albion chez Canada Trust et la saisie des éléments d'actif devaient probablement avoir pour effet de mettre fin à toute entreprise en exploitation d'Albion. Celle-ci a cessé toute exploitation de son entreprise vers le 17 septembre 1985.

14. Le 25 mars 1988 ou vers cette date, John Maplesden est poursuivi pour diverses infractions à la Loi de l'impôt sur le revenu. À l'issue d'un procès de six semaines devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, il est acquitté le 1er février 1990 de tous les chefs de poursuite.

15. L'action en instance a été intentée le 26 avril 1990.

II. KATHLEEN MAPLESDEN

16. Le 30 septembre 1985 ou vers cette date, une cotisation de 750 000,00 $ est émise contre Kathleen Maplesden à l'égard de l'année d'imposition 1984. Le même jour, la défenderesse lui ordonne de verser immédiatement cette somme conformément à l'article 158 de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada.

17. Cette fraction contestée de cette cotisation se rapportait à un transfert de fonds d'Albion à Kathleen Maplesden en novembre 1984 pour l'achat d'une propriété à Priddis (Alberta).

18. Le même jour, 30 septembre 1985, un certificat de la dette fiscale de Kathleen Maplesden pour 1984 est enregistré, conformément à l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, auprès de la Cour fédérale du Canada qui décerne un bref de fieri facias portant exécution de ce certificat.

19. Le 16 octobre 1985 ou vers cette date, Kathleen Maplesden dépose un avis d'opposition à la cotisation susmentionnée.

20. Le 18 octobre 1985 ou vers cette date, la défenderesse émet une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1984 de Kathleen Maplesden, le montant de l'impôt exigible étant fixé cette fois à 371 954,18 $.

21. Le 14 novembre 1985 ou vers cette date, Kathleen Maplesden dépose un avis d'opposition à cette nouvelle cotisation.

22. Le 11 juin 1986 ou vers cette date, la défenderesse émet une cotisation d'impôt de 45 944,68 $ à l'égard de l'année d'imposition 1985 de Kathleen Maplesden. Celle-ci n'a rien fait pour contester cette cotisation au regard des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu.

23. Le 26 janvier 1988 ou vers cette date, un certificat relatif à la dette fiscale de Kathleen Maplesden pour 1985 est enregistré, conformément à l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, auprès de la Cour fédérale du Canada qui, le 25 mars 1988, décerne un bref de fieri facias portant exécution de ce certificat.

24. Le 9 juin 1988 ou vers cette date, la défenderesse émet une nouvelle cotisation modifiée pour fixer à 342 101,53 $ l'impôt réclamé à Kathleen Maplesden au titre de l'année d'imposition 1984.

25. Kathleen Maplesden conteste la nouvelle cotisation du 9 juin 1988 devant la Cour canadienne de l'impôt, qui rejette son appel par ordonnance en date du 17 décembre 1990. Elle a fait appel contre ce rejet, et l'affaire est en instance devant la Cour fédérale du Canada.

26. Par jugement en date du 26 février 1993, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a condamné l'étude d'avocats Burnet Duckworth & Palmer à verser à Kathleen Maplesden des dommages-intérêts de 356 156,20 $ pour préjudice tenant à la négligence de ses avocats dans le contexte du prêt consenti par Albion pour l'achat de la propriété à Priddis, ce prêt ayant été à l'origine de la dette fiscale de Kathleen Maplesden pour 1984. Celle-ci n'a pas fait appel contre ce quantum de dommages-intérêts.

27. L'action en instance a été intentée le 26 avril 1990.

L'avis de cotisation, l'avis et le communiqué de presse dont fait état le paragraphe 4 de l'exposé conjoint des faits ne présentent aucune importance pour les présents motifs.

Les paragraphes de la déclaration faisant l'objet du point de droit à trancher sont les suivants:

[traduction]

5. Les demanderesses Albion et 285614 demandent que le défendeur Revenu Canada restitue les fonds s'élevant à 3 450 893,00 $, saisis et sortis sans justification des comptes d'Albion le 12 juillet 1985 ou vers cette date, avec intérêts au taux annuel de 12 p. 100 à courir de la date de la saisie à la date où ces fonds auront été restitués aux demanderesses.

6. Les demanderesses Albion et 285614 demandent que le défendeur Revenu Canada restitue les éléments d'actif d'Albion, saisis et enlevés sans justification le 12 juillet 1985 ou vers cette date et par la suite, ou subsidiairement, qu'il rende compte et restitue le produit perçu par Revenu Canada de la vente illicite des éléments d'actif saisis et enlevés sans justification, d'une valeur de 1 576 371,00 $, répartie comme suit:

MEUBLES ET ACCESSOIRES    200 370,00 $

APPAREILS ET MATÉRIEL    1 355 856,00 $

LOGICIELS    20 145,00 $

    1 576 371,00 $

7. Du fait que le défendeur Revenu Canada a saisi et enlevé sans justification les fonds et éléments d'actif d'Albion et de 285614, les deux compagnies n'ont pu poursuivre leur entreprise, conséquence dont le défendeur avait parfaitement conscience au moment de la saisie injustifiée. En conséquence, les demanderesses Albion et 285614 réclament encore contre le défendeur la somme de 10 000 000,00 $ ou toute autre somme à fixer sur la foi des preuves au procès, en dédommagement du manque à gagner passé et à venir.

8. Les demanderesses Albion et 285614 ont demandé la restitution des fonds et des éléments d'actif saisis sans justification, mais le défendeur Revenu Canada s'y est refusé.

. . .

11. La demanderesse Kathleen Maplesden réclame contre le défendeur la somme de 750 000,00 $ avec frais et dépens en sus, en dédommagement du dépôt injustifié le 2 octobre 1985 d'un bref de fieri facias contre le bien-fonds couvert par le titre foncier no 851165367.

12. Par suite de ce dépôt injustifié de bref, la demanderesse Kathleen Maplesden a subi un préjudice d'une valeur de 750 000,00 $ notamment sous les chefs suivants:

a) Discrédit de titre;

b) Discrédit;

c) Exclusion de tout acte de disposition de la propriété, que ce soit par engagement hypothécaire ou par tout autre moyen;

d) Souffrance morale.

L'objectif du jugement préliminaire d'un ou des points de droit a été implicitement adopté par la Cour d'appel fédérale lorsqu'elle a cité dans Jamieson c. Carota3, cette conclusion tirée par le juge Dubé de la Section de première instance [[1997] 1 C.F. 504, à la page 507] dans ses motifs d'ordonnance qui faisait l'objet de l'appel:

Le but général de cette Règle est de permettre la solution de questions litigieuses et ainsi abréger et peut-être supprimer les audiences. La Règle est applicable lorsque les faits ne sont pas contestés ou font l'objet d'un accord et que la décision recherchée porte uniquement sur un point de droit.

Il ressort des documents soumis à la Cour et des débats que les parties sont essentiellement convenues sur les faits. La Cour est uniquement appelée à se prononcer sur des "points de droit".

Le premier point débattu et tel qu'il se dégage de la question à trancher est de savoir si les prétentions d'Albion et de 285614 étaient éteintes par prescription légale.

L'alinéa 3(1)a) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif4 prévoit que l'État fédéral est tenu des délits civils commis par ses préposés. Bien que cette Loi ne prévoie expressément aucun délai de prescription, son article 32 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 31] porte application des règles de droit en matière de prescription de la province où se produit le fait générateur, c'est-à-dire l'Alberta en l'occurrence. Les parties conviennent que le délai de prescription applicable est celui que prévoit la loi dite Limitation of Actions Act5 de l'Alberta. Le litige se réduit à la question de savoir laquelle de ses dispositions est applicable en l'espèce.

La défenderesse soutient que le délai de prescription applicable est celui que prévoit l'article 51 de la Limitation of Actions Act, dont les passages qui nous intéressent sont les suivants:

[traduction]

51 Sauf disposition contraire de la présente loi, se prescrit par deux ans:

. . .

g) l'action en enlèvement, détournement ou détention de biens meubles.

Les demandeurs soutiennent de leur côté que le délai applicable est celui que prévoit l'article 4 de la même loi, dont voici les dispositions qui nous intéressent en l'espèce:

[traduction]

4(1) Les actions suivantes se prescrivent par le délai respectivement spécifié:

. . .

c) par six ans:

(i) l'action en recouvrement de numéraires autres que la dette relative à un fonds de terre, qu'il s'agisse d'une créance, de dommages-intérêts ou d'une somme due à tout autre titre, et qu'il s'agisse d'une somme due en vertu d'un engagement, d'une obligation, d'une créance par acte scellé ou d'un simple contrat, exprès ou tacite;

(ii) l'action en reddition de comptes;

. . .

(2) Le présent article ne s'applique pas aux actions dont le délai de prescription est expressément prévu par la loi.

Je suis convaincu que les prétentions d'Albion et de 285614 figurant aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration portent sur le détournement de biens meubles et, à ce titre, tombent en plein dans le champ d'application de l'alinéa 51g) de la Limitation of Actions Act. Il s'agit de prétentions en matière de délits civils découlant de la "saisie injustifiée" de fonds dans un compte en main tierce, d'ordinateurs, de matériels, de meubles meublants et autres. Voici ce qu'on peut lire dans The Law of Torts :

[traduction] Quiconque se saisit sans justification licite de biens meubles en la possession d'autrui dans l'intention de s'en rendre maître, commet le délit de détournement équivalent à la violation de propriété6.

En concluant dans leur déclaration à la saisie injustifiée, les demandeurs reprochent à la défenderesse d'avoir saisi sans justification licite leurs biens dans l'intention de se les approprier. La défenderesse a eu donc raison de dire que l'action en "saisie injustifiée" est une action en détournement.

Pour ce qui est de savoir si les biens saisis étaient des "biens meubles", il est constant que les ordinateurs, matériels et meubles saisis étaient des biens meubles. Les demandeurs contestent cependant que les fonds du compte en main tierce soient des "biens meubles".

Selon l'ouvrage Halsbury's Laws of England, l'acception moderne du terme anglais "chattels" (biens meubles) embrasse les droits incorporels comme les comptes en banque7 .

Dans Re Attorney-General for Ontario and Royal Bank of Canada8, le juge Brooke, de la Cour d'appel, a fait l'observation suivante à la page 472:

[traduction] Par le passé, "chattel" ou "chattels personal" s'entendait uniquement des biens meubles. De nos jours, le terme peut assumer une acception plus large de façon à embrasser tous les biens qui ne sont pas immeubles, comme en témoigne cette observation du lord juge Fry dans Robinson v. Jenkins et al. (1890), 6 T.L.R. 158, page 159:

L'Ordonnance LVII permettait l'action pétitoire incidente relative aux "biens meubles", terme qui a l'acception la plus large et embrasse certainement les droits incorporels.

Le juge Brooke a ensuite interprété le terme "chattel" figurant dans un bref de fieri facias comme s'entendant également des droits incorporels, en particulier des fonds détenus dans un compte bancaire, qui avaient été saisis en exécution de ce bref.

Je conclus de ce qui précède que les fonds saisis dans le compte de dépôt en main tierce étaient des "biens meubles" au sens de l'article 51 de la Limitation of Actions Act de l'Alberta, et que le délai de prescription de deux ans prévu à cet article s'applique à l'action en détournement que font valoir les demandeurs en l'espèce.

Je suis convaincu que l'article 4 de la Limitation of Actions Act ne peut s'appliquer. Faire droit à l'assertion des demandeurs quant à l'applicabilité du sous-alinéa 4(1)c)(i) reviendrait à interpréter incorrectement celui-ci et irait à l'encontre de l'économie de cette Loi. Ce sous-alinéa vise l'action en recouvrement de numéraires, à titre de créance, de dommages-intérêts ou à tout autre titre, et que ce soit en vertu d'un engagement, d'une obligation, d'une créance par acte scellé ou d'un contrat simple. L'emploi de la conjonction de coordination "et" indique que l'action doit viser au recouvrement de numéraires et en vertu d'un engagement, d'une obligation, d'une créance par acte scellé ou d'un contrat simple. Tel n'est certainement pas le cas en l'espèce, où les demandeurs concluent aux dommages-intérêts pour saisie injustifiée. Qui plus est, le paragraphe 4(2) prévoit que cet article 4 ne s'applique pas aux actions dont le délai de prescription est expressément prévu par la loi. Il appert que le délai de prescription de l'action en détournement est expressément prévu par l'alinéa 51g), ce qui exclut l'application de l'article 4. Enfin, accepter que l'article 4 s'applique du seul fait qu'il porte sur le recouvrement de numéraires à titre de créance ou de dommages-intérêts irait à l'encontre de l'économie de la Limitation of Actions Act. Pareille interprétation rendrait l'article 51 redondant, car toutes les actions en délit civil seraient des actions en dommages-intérêts, lesquelles, selon l'argument des demandeurs, tomberaient sous le coup du sous-alinéa 4(1)c)(i). Le sous-alinéa 4(1)c)(ii) ne s'applique pas parce que la déclaration ne renferme aucune demande de reddition de comptes.

Les demandeurs font valoir subsidiairement que quand bien même le délai de prescription de deux ans prévu à l'article 51 serait applicable, leur action n'a pas été intentée après l'expiration du délai. Leur avocat soutient que le délai de prescription court de la date où les demandeurs ont réclamé la restitution des biens saisis et où la défenderesse s'y est refusée. Et que les demandeurs ont réclamé la restitution des biens saisis et la défenderesse s'y est refusée durant la période de deux ans qui précédait l'introduction de l'action en instance.

À l'appui de cet argument, les demandeurs citent Barberree v. Bilo et al.9, jugement dans lequel le juge Feehan de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a fait la constatation suivante à la page 123:

[traduction] L'avocat de Bilo tient aussi que le droit d'action de Barberree contre Aslin était éteint par application de l'art. 51g) de la Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980, ch. L-15. Le délai de prescription des actions en détournement court de la date où la demande de restitution des biens est faite et rejetée (cf. Davis v. Henry Birk and Sons Limited, [1981] 5 W.W.R. 559, confirmé [1983] 1 W.W.R. 754 (C.A.C.-B.)).

Je suis convaincu que les faits de la cause Barberree et de la cause citée dans le jugement ci-dessus sont différents de ceux de l'affaire en instance.

Dans Barberree, M. Aslin, le mari de Mme Barberree, avait, à leur séparation, enlevé une motocyclette immatriculée sous le nom de cette dernière, motocyclette qu'il a vendue par la suite au défendeur. Avant d'en prendre possession, celui-ci s'est aperçu que Mme Barberree en était la propriétaire en titre; il a donc fait opposition au chèque. Comme il n'a pu le faire, il a soutenu subséquemment qu'il avait à la fois le titre de propriété et la possession. La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a jugé que le défendeur n'avait que la possession, laquelle était subordonnée au droit de propriété de la propriétaire légitime, Mme Barberree. Par conséquent, la prise de possession de la motocyclette par le défendeur n'était pas illicite en soi. Ce qui était illicite, c'était le fait qu'il a conservé l'engin par devers lui malgré la demande de restitution de la propriétaire légitime. Il est clair que le détournement dans Barberree correspondait à la détention illicite. Il en était de même dans l'affaire Davis [Davis v. Henry Birks & Sons Ltd., [1981] 5 W.W.R. 559 (C.S.C.-B.)].

En l'espèce, l'action des demandeurs en "saisie injustifiée" de leurs biens s'identifie en droit traditionnel des délits civils à la violation de propriété, et non à la détention injustifiée. Il s'ensuit que le principe dégagé dans Barberree et Davis ne s'applique pas.

Je conclus que le délai de prescription court de la date où se produit le fait litigieux, en l'occurrence la soi-disant saisie injustifiée ou violation de propriété. Le fait litigieux se produit à la date où a lieu la soi-disant saisie injustifiée, si celle-ci s'effectue au su de la partie qui s'en plaint. Il est constant que l'action en détournement équivalent à la violation de propriété a été intentée plus de deux ans après la date où a eu lieu la saisie et où les demandeurs en ont eu connaissance. Voici ce que fait observer Fleming dans The Law of Torts:

[traduction] Quiconque se saisit sans justification licite de biens meubles en la possession d'autrui dans l'intention de s'en rendre maître, commet le délit de détournement équivalent à la violation de propriété. Le délit est consommé sans même que soit réalisée la condition préalable de la sommation de restituer les biens10. [Non souligné dans l'original.]

Et au sujet de la détention illicite:

[traduction] La condition préalable de la sommation de restituer tient à la nécessité de garantir que la personne qui entre en possession en toute innocence soit informée tout d'abord du vice de son titre de propriété et ait la possibilité de restituer le bien au propriétaire véritable . . .

La sommation n'est pas nécessaire si le détournement peut être prouvé par d'autres moyens, par exemple si la possession a été acquise de façon illicite. [Non souligné dans l'original.]

En l'espèce, le motif invoqué par les demandeurs est que la saisie était injustifiée ou, en d'autres termes, que la défenderesse a pris possession de façon illicite.

Appliquer à l'affaire en instance le principe dégagé dans Barberree et Davis produirait, à mon avis, un résultat absurde qui anéantirait la raison d'être même du délai de prescription légale. À quoi sert d'avoir un délai de prescription de l'action en détournement, ce qui s'entend également de l'action en saisie injustifiée, si le demandeur, qui est parfaitement au courant de la saisie, peut moduler à son gré ce délai en différant la sommation de restituer les biens saisis sans justification?

Par ces motifs, je conclus que le fait litigieux que font valoir les demandeurs aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration s'est produit plus de deux ans avant la date où ils ont intenté leur action et que, de ce fait, les prétentions d'Albion et de 285614 sont irrecevables par l'effet de l'alinéa 51g) de la Limitation of Actions Act de l'Alberta.

L'avocat des demandeurs soutient que peu importe l'issue des prétentions que font valoir Albion et 285614 aux paragraphes 5 et 6, cités supra, de la déclaration, la prétention figurant au paragraphe 7, également cité supra, est de nature totalement différente en ce qu'elle concerne un "préjudice exclusivement financier" et n'est pas touchée par le délai de prescription prévu à l'article 51 de la Limitation of Actions Act . Il cite à cet effet l'arrêt Guest v. Bonderove & Co. et al.11, dans lequel le juge Kerans s'est prononcé en ces termes [à la page 278]:

[traduction] À notre avis, les mots "violation de propriété ou atteinte, directe ou indirecte, à la propriété immobilière ou mobilière" ne touchent pas l'action en préjudice exclusivement financier. L'acception la plus large d'"atteinte" est "atteinte à un droit". Nous ne pouvons insérer cette acception d'"atteinte" dans l'alinéa 51f) parce qu'elle n'aurait pas de sens. Cet alinéa 51f) vise l'atteinte au bien, non pas ce qui arrive au propriétaire du bien. Nous partageons donc l'observation faite par le juge d'appel Esson dans Alberni District Credit Union and ADCU Development Ltd. v. Cambridge Properties Ltd. et al. (1985), 65 B.C.L.R. 297 (C.A.C.-B.), que dans ce contexte, "atteinte"

" . . . s'entend du préjudice ou dommage matériel."

Nous en convenons. Le préjudice exclusivement financier ne cadre pas avec ce mot dans ce contexte.

Malheureusement, le texte soumis à la Cour ne donne pas une idée exacte des faits de la cause Guest. Je me propose néanmoins de distinguer celle-ci de l'affaire en instance. En l'espèce, la prétention figurant au paragraphe 7 découle entièrement des prétentions des paragraphes 5 et 6. Si les demandeurs ne peuvent faire valoir ces dernières parce qu'elles sont irrecevables par l'effet de la loi, ils ne peuvent faire valoir non plus celle du paragraphe 7, quel que soit le délai de prescription applicable à celle-ci.

Le deuxième point de droit a été formulé par la défenderesse en ces termes: les prétentions d'Albion et de 285614 sont-elles irrecevables du fait qu'Albion n'a pas recours aux voies de droit qui lui étaient ouvertes pour contester sa cotisation d'impôt sur le revenu et les mesures de recouvrement prises par la défenderesse sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, et aussi du fait de l'autorité de la chose jugée?

L'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit ce qui suit:

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi12.

Il convient donc d'examiner si l'article 18.5 a pour effet d'interdire à la Cour de connaître des prétentions d'Albion et de 285614 du fait que ces demanderesses ont le droit de faire appel devant la Cour canadienne de l'impôt, droit que prévoit expressément une autre loi fédérale.

Les demandeurs soutiennent que l'article 18.5 ne s'applique qu'aux recours en contrôle judiciaire, non pas aux actions comme celle qui est en instance. La jurisprudence est claire en la matière. L'article 18.5 interdit le recours en contrôle judiciaire ainsi que les recours en brefs de prérogative dans les cas où le droit d'appel est prévu par la loi13. Il prévoit que toute décision ou ordonnance susceptible d'appel par application d'une loi fédérale, "ne peut . . . faire l'objet . . . d'aucune autre intervention" [soulignement ajouté]. Les mots "aucune autre intervention" élargissent la portée de cet article et permettent de conclure qu'il s'applique également aux actions. Il appert que telle est l'interprétation adoptée par la Cour d'appel fédérale. Dans City Centre Properties Inc. c. Canada14 , affaire dans laquelle City Centre Properties concluait entre autres à jugement déclarant que sa dette fiscale avait été éteinte, le juge de première instance [[1990] 1 C.T.C. 71] a vu dans l'action un appel contre la cotisation d'impôt et, comme tel, irrecevable par application de l'article 18.5. La Cour d'appel a fait droit à l'appel, non point parce que l'article 18.5 ne s'appliquait pas aux actions, mais parce que le juge de première instance a vu à tort dans l'action un appel contre la cotisation d'impôt.

Il est clair que par application de l'article 18.5, la Cour ne peut connaître de l'action en saisie injustifiée, au sens de saisie sans justification licite. Dire que la saisie n'avait pas de justification licite reviendrait à attaquer la validité de la cotisation d'impôt, laquelle est déjà susceptible d'appel devant la Cour canadienne de l'impôt par application de l'article 171 [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. IX, art. 215] de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 18.5 interdit à la Cour de connaître d'une demande qui reviendrait à contester la validité de la cotisation d'impôt, alors que celle-ci peut être portée en appel devant la Cour canadienne de l'impôt.

Durant les débats, l'avocat des demandeurs a essayé de présenter l'action en saisie injustifiée, non pas comme une action en détournement, mais comme une action en déclaration trompeuse et/ou abus de pouvoir discrétionnaire. Il soutient que les saisies étaient injustifiées en ce qu'elles allaient à l'encontre de l'affirmation faite par la défenderesse que les mesures de recouvrement seraient modifiées de façon à permettre le paiement après l'expiration du délai prévu par la loi. J'ai conclu plus haut que les prétentions que font valoir les demandeurs aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration participent de l'action en détournement. La prétention des demandeurs d'en faire une action en saisie injustifiée par suite de déclaration trompeuse ou d'abus de pouvoir discrétionnaire ne s'accorde pas avec leur déclaration.

À supposer même que j'accepte la qualification subsidiaire proposée par les demandeurs, je serais néanmoins tenu de suivre la ligne tracée par la Cour d'appel dans Optical Recording15, qui portait sur des faits fort semblables aux faits de la cause. Il y avait aussi cotisation d'impôt établie par le ministre du Revenu national en application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Revenu Canada a envoyé un avis de cotisation établissant l'impôt exigible sous le régime de la partie VIII à la suite de la production des formules de désignation du CIRS (crédit d'impôt pour la recherche scientifique), puis a informé Optical Recording que même si les sociétés étaient en principe tenues de payer l'impôt au plus tard le dernier jour du mois suivant l'opération, Revenu Canada était disposé, comme le programme de crédit d'impôt permettait à la contribuable de réduire son obligation fiscale, à modifier ses mesures habituelles de recouvrement s'il constatait que la société aurait ramené son obligation à zéro au plus tard à la fin de l'année ou aurait produit une garantie. Par la suite, le ministre a signifié des "demandes péremptoires de paiement" à deux institutions financières et enregistré un certificat auprès de la Cour fédérale.

En première instance, le juge Muldoon a rendu les ordonnances de certiorari et de prohibition, concluant qu'il avait compétence pour entendre le recours en contrôle judiciaire par ce motif que le redressement recherché ne saurait être obtenu par voie d'appel contre la cotisation d'impôt.

La Cour d'appel a accueilli l'appel contre le jugement de première instance. Par motifs prononcés en son nom propre et au nom des juges Décary et Stone, le juge Urie de la Cour d'appel a conclu que dans les cas où la matière peut faire l'objet d'un appel devant la Cour canadienne de l'impôt, il n'est pas question de contester en Cour fédérale la validité de la cotisation d'impôt ou les mesures de recouvrement prises pour l'exécution de cette cotisation [aux pages 320 et 321]:

Je suis d'avis que le juge qui a entendu la requête a commis une erreur en concluant qu'il avait compétence pour instruire et trancher la requête introductive d'instance présentée par l'intimée en vertu de l'article 18 de la Loi. L'instance qu'elle a introduite découlait d'une cotisation établie par le ministre. Aux termes du paragraphe 152(8), cette cotisation est réputée valide, sous réserve seulement d'une nouvelle cotisation, ou des modifications qui peuvent y être apportées ou de l'annulation qui peut être prononcée à la suite d'une opposition (paragraphes 165(1) et 165(2)) ou d'un appel interjeté devant la Cour de l'impôt en vertu de l'article 169 [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 158, art. 58; 1984, ch. 45, art. 70] de la Loi ou devant la Section de première instance de notre Cour en vertu du paragraphe 172(2) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 158, art. 58]. Ainsi qu'on l'a statué dans l'arrêt Parsons [Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331 (C.A.)], comme la Loi prévoit expressément un appel des cotisations établies par le ministre, il s'ensuit que selon l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, ces cotisations ne peuvent faire l'objet non seulement d'une requête fondée sur l'article 28 de la Loi, mais également d'une requête présentée en vertu de l'article 18, comme celle qui nous occupe en l'espèce, en vue de contester non seulement la cotisation elle-même, mais aussi les procédures ou mesures de recouvrement prises à l'égard de ces cotisations réputées valides. [Non souligné dans l'original.]

L'avocat des demandeurs soutient que la cause Optical Recording est différente de l'affaire en instance, en ce qu'il y avait recours en contrôle judiciaire alors qu'il s'agit d'une action en l'espèce. Ayant conclu, supra, que l'article 18.5 s'applique aussi aux actions, je ne conçois pas que la cause Optical Recording soit différente par le motif proposé par l'avocat des demandeurs.

Cela dit, on pourrait bien soutenir que la Cour d'appel, dans City Centre Properties16, est revenue sur la solution qu'elle avait adoptée dans Optical Recording. Dans City Centre Properties, le juge d'appel Mahoney, prononçant les motifs du jugement de la Cour, a distingué comme suit cette cause d'une part, et les causes Parsons et Optical Recording de l'autre:

Il y a lieu de faire une distinction entre la présente affaire et les arrêts M.R.N. c. Parsons . . . et Optical Recording Laboratories c. Canada . . . de cette Cour, puisque la validité des cotisations n'est pas contestée en l'espèce. Dans chacune des affaires précitées, la question de l'assujettissement à l'impôt dépendait de l'invalidité alléguée de la cotisation. Dans un tel cas, nous n'avons aucun doute que la partie qui conteste son assujettissement à l'impôt doit nécessairement en appeler à l'encontre de la cotisation, conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu17 . . .

On pourrait s'appuyer sur le passage ci-dessus pour soutenir que la Cour d'appel limite la règle établie dans Optical Recording aux cas où la validité de la cotisation d'impôt est directement remise en question. Il n'y est nullement question de mesures de recouvrement. Cela dit, il appert qu'aux yeux de la Cour d'appel, cette décision ne contredit pas la décision qu'elle avait rendue dans Optical Recording. À ses yeux, cette dernière cause portait sur des points différents. Dans l'affaire en instance, dont les faits sont très semblables à ceux de la cause Optical Recording, et à même supposer que j'accepte la nouvelle qualification proposée par les demandeurs qui cherchent à faire de leur action une action en déclaration trompeuse et/ou abus de pouvoir discrétionnaire, je suis néanmoins tenu par la jurisprudence Optical Recording, et dois conclure que l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale interdit à la Cour de connaître des prétentions figurant aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration d'Albion et de 285614.

Par analogie avec le raisonnement que j'ai tenu précédemment au sujet de la prétention figurant au paragraphe 7 de la déclaration d'Albion et de 285614, je conclus que celle-ci est irrecevable au même titre que les prétentions figurant aux paragraphes 5 et 6, par l'effet de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale.

Le dernier point de droit à résoudre s'apparente dans ses termes au deuxième point dont nous venons de traiter. Le voici:

L'action de Kathleen Maplesden est-elle irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée et est-elle irrecevable de toute façon faute par la demanderesse d'avoir contesté la cotisation d'impôt sur le revenu établie par la défenderesse et les mesures de recouvrement prises par cette dernière sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, lesquelles sont passées en force de chose jugée?

Ainsi que l'indique l'exposé conjoint des faits, le 30 septembre 1985 ou vers cette date, une cotisation de 750 000 $ est émise contre Kathleen Maplesden à l'égard de son année d'imposition 1984. Le même jour, un certificat relatif à cette dette fiscale est enregistré auprès de la Cour qui décerne un bref de fieri facias portant exécution de ce certificat. Un avis d'opposition a été déposé contre cette cotisation. Mi-octobre 1985, la défenderesse envoie une nouvelle cotisation qui ramène l'impôt exigible à 371 954,18 $. Cette nouvelle cotisation a fait aussi l'objet d'un avis d'opposition. Mi-1988, la défenderesse émet une nouvelle cotisation modifiée pour l'année d'imposition 1984, ramenant encore l'impôt dû par Mme Maplesden à 342 101,53 $ d'impôt pour cette année. Kathleen Maplesden conteste la nouvelle cotisation modifiée devant la Cour canadienne de l'impôt, qui rejette son appel. Elle a fait appel contre ce rejet, et l'appel est en instance.

Malgré les événements ci-dessus, le certificat portant sur le montant de la cotisation initiale et enregistré contre les biens de Mme Maplesden, demeurait enregistré quelque trois ans avant d'être levé et remplacé par un certificat portant sur le montant inférieur de la nouvelle cotisation modifiée.

Il ressort des débats que les demandeurs n'allèguent pas dans leur déclaration que le préjudice subi par Mme Maplesden tient à l'enregistrement injustifié du certificat initial, mais au fait que ce dernier demeurait enregistré, avec le montant initial et pendant une longue période après que le ministre eut reconnu que l'obligation fiscale de Mme Maplesden était bien inférieure à celle figurant sur le certificat. Si telle est l'interprétation correcte du véritable chef de conclusions, celui-ci ne figure pas comme tel sur la déclaration.

Je dois examiner le chef de conclusions tel qu'il figure sur la déclaration. Il m'incombe donc d'examiner si l'action de Mme Maplesden en dépôt injustifié du bref est irrecevable soit par l'effet de l'autorité de la chose jugée soit par l'effet de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale.

À l'audience, l'avocat de la défenderesse a fait savoir que si la Cour acceptait la nouvelle qualification donnée par les demandeurs du chef de conclusions de Mme Maplesden, il abandonnerait sa fin de non-recevoir fondée sur l'autorité de la chose jugée. Comme je n'ai pas accepté la nouvelle qualification des prétentions de Mme Maplesden, je dois examiner la question de l'autorité de la chose jugée.

Ainsi que l'a fait observer le juge Dickson (il était juge puîné à l'époque) dans Angle c. M.R.N.18, il y a deux sortes de fins de non-recevoir fondée sur l'autorité de la chose jugée. La première, cause of action estoppel, empêche d'intenter une action lorsque la même cause d'action a déjà été décidée dans une instance contentieuse devant la juridiction compétente. La seconde, issue estoppel, empêche une partie de soulever contre une autre partie un point litigieux qui a été judiciairement tranché entre les deux. En l'espèce, la défenderesse s'appuie sur la doctrine de l'issue estoppel pour soutenir que la réclamation de Mme Maplesden est irrecevable puisque le point litigieux est passé en force de chose jugée, en ce que la question de la validité de la cotisation d'impôt établie contre cette dernière a déjà été tranchée par la Cour canadienne de l'impôt et ne saurait donc se poser de nouveau devant la Cour. Je trouve cet argument défectueux. Mme Maplesden ne cherche pas à remettre en question sa cotisation d'impôt pour l'année d'imposition 1984, mais soutient que le bref découlant de la cotisation a été déposé de façon injustifiée. Le point soumis au jugement de la Cour à cet égard n'est donc pas irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée.

La défenderesse soutient encore que la conclusion de Mme Maplesden selon laquelle il y a eu dépôt injustifié du bref de fieri facias est irrecevable par application de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, en ce que ce dépôt constituait une mesure de recouvrement découlant de la cotisation d'impôt établie contre Mme Maplesden. Invoquant de nouveau la jurisprudence Optical Recording, elle soutient que l'article 18.5 interdit à la Cour d'examiner les mesures de recouvrement prises à l'égard d'un avis de cotisation, du fait que celles-ci peuvent faire l'objet d'un appel à la Cour canadienne de l'impôt. Je conclus que le principe dégagé dans cet arrêt ne s'applique pas à la réclamation de Mme Maplesden. Dans Optical Recording, les mesures de recouvrement portaient sur le montant de l'impôt réclamé à l'appelante. Ce montant figurant sur l'avis de cotisation aurait pu faire l'objet d'un appel devant la Cour canadienne de l'impôt. En l'espèce, la défenderesse a modifié la cotisation donnant lieu au bref de fieri facias avant même qu'aucun appel ne fût formé. De ce fait, le bref de fieri facias portant sur la somme initialement fixée à 750 000 $ et constituant la soi-disant mesure de recouvrement, ne correspondait plus à aucune cotisation qui eût pu faire l'objet d'un appel. Je conclus de ce qui précède que l'article 18.5 n'interdit pas à la Cour de juger au fond la réclamation de Mme Maplesden.

En conséquence, la Cour rendra une ordonnance comme suit:

1) les prétentions d'Albion et de 285614, figurant aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration, sont éteintes par application du délai de prescription prévu à l'alinéa 51g) de la loi dite Limitation of Actions Act de l'Alberta, et leur prétention figurant au paragraphe 7 de la déclaration est irrecevable du fait qu'elle découle des prétentions figurant aux paragraphes 5 et 6;

2) les prétentions d'Albion et de 285614 figurant aux paragraphes 5 et 6 de la déclaration sont irrecevables du fait qu'Albion n'a pas eu recours aux voies de droit qui lui étaient ouvertes pour contester sa cotisation d'impôt sur le revenu et les mesures de recouvrement prises par la défenderesse sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, ainsi que du fait de l'autorité de la chose jugée, et leur prétention figurant au paragraphe 7 de la déclaration est irrecevable du fait qu'elle découle des prétentions figurant aux paragraphes 5 et 6; et

3) la prétention de Kathleen Maplesden n'est pas éteinte par l'autorité de la chose jugée et n'est pas irrecevable faute par cette demanderesse de contester la cotisation d'impôt sur le revenu établie par la défenderesse et les mesures de recouvrement prises par cette dernière sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, lesquelles sont passées en force de chose jugée.

La Cour se prononcera ultérieurement sur les frais et dépens.

1 L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, modifiée.

2 C.R.C., ch. 663, modifiée.

3 [1977] 2 C.F. 239 (C.A.), à la p. 242.

4 L.R.C. (1985), ch. C-50, mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21.

5 R.S.A. 1980, ch. L-15.

6 John G. Fleming, The Law of Torts, 7e éd. (Sydney: Law Book Company, 1987), à la p. 52.

7 Halsbury's Laws of England, 4e éd. (Londres: Butterworths, 1973), vol. 6, au par. 8.

8 [1970] 2 O.R. 467 (C.A.).

9 (1991), 126 A.R. 121 (B.R.).

10 Supra, note 6, aux p. 52 et 53.

11 (1988), 88 A.R. 277 (C.A.).

12 L.R.C. (1985), ch. F-7, mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 5.

13 Cf. Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Ministre du Revenu national. c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331 (C.A.); et Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (C.A.).

14 [1991] 1 C.T.C. 143 (C.A.F.).

15 Voir note 13, supra.

16 Voir note 14, supra.

17 City Centre Properties, supra, note 13, à la p. 144.

18 [1975] 2 R.C.S. 248, à la p. 254.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.