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T-582-01

2002 CFPI 128

Le procureur général du Canada et Bruce Hartley (demandeurs)

c.

Le Commissaire à l'information du Canada (défendeur)

Répertorié: Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information) (1re inst.)

Section de première instance, juge McKeown--Toronto, 19, 20 novembre 2001; Ottawa, 1er février 2002.

Avocats -- Le Commissaire à l'information cherchait à obtenir le retrait de certains avocats d'un cabinet d'avocats et du cabinet d'avocats lui-même à titre d'avocats inscrits au dossier pour le compte du procureur général du Canada et pour les demandeurs individuels -- Les demandeurs demandaient au Commissaire de leur fournir des transcriptions et d'autres renseignements en vertu de la règle 317 -- Le procureur général se joignait à certains témoins pour contester la conduite de l'enquête par le Commissaire à l'information -- Il n'y avait pas d'apparence d'irrégularité si le cabinet d'avocats continuait à agir pour toutes les parties -- Le droit de choisir son propre avocat est un principe de droit important, un principe quasi constitutionnel -- Compte tenu des frais que comporte un litige ainsi que du gaspillage de temps et d'argent et du retard en résultant, le retrait des avocats n'a lieu que dans les cas les plus clairs.

Pratique -- Parties -- Qualité pour agir -- Le Commissaire à l'information cherchait à obtenir la radiation du procureur général du Canada à titre de partie dans certains dossiers de la cour -- Le procureur général a qualité pour demander un jugement déclaratoire en vue de protéger l'intérêt public -- Il agit également en vertu du pouvoir qu'il possède lorsqu'il est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties -- Il cherchait à faire examiner par un tribunal certains renseignements confidentiels afin de déterminer s'il y avait eu abus de pouvoir de la part du Commissaire à l'information -- Le procureur général a qualité pour présenter une demande de contrôle judiciaire de plein droit.

Le Commissaire à l'information cherchait à obtenir le retrait de certains avocats du cabinet Borden Ladner Gervais LLP (BLG) et du cabinet lui-même à titre d'avocats inscrits au dossier agissant pour le compte du procureur général du Canada et pour les demandeurs individuels dans certains dossiers de la cour. Il cherchait également à faire radier le procureur général du Canada à titre de partie dans certains dossiers ainsi qu'à faire suspendre l'instance dans certains dossiers de la cour. Dans 29 demandes de contrôle judiciaire, le procureur général du Canada et les demandeurs individuels tels qu'ils étaient représentés par les avocats de BLG, demandaient au Commissaire à l'information de leur fournir des transcriptions et d'autres renseignements recueillis au cours de l'enquête tenue en secret, conformément à la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998). Les demandeurs individuels, qui étaient tous des clients de BLG, ont comparu devant le représentant du Commissaire à l'information, conformément à des subpoenas délivrés par le commissariat. En leur qualité d'avocats des témoins individuels, les avocats de BLG ont signé un engagement selon lequel aucun renseignement confidentiel ne serait divulgué à des tiers. Le procureur général du Canada cherchait à se joindre à certains témoins pour contester la conduite de l'enquête par le Commissaire à l'information. Ce dernier soulevait deux questions. En premier lieu, il s'agissait de savoir comment le procureur général du Canada pouvait donner des instructions éclairées à des avocats aux fins de la présentation de demandes de contrôle judiciaire sans savoir ce que renfermaient les transcriptions des témoins. La seconde question qui préoccupait le Commissaire à l'information se rapportait à la divulgation des renseignements. Le Commissaire à l'information a présenté deux requêtes visant: 1) le retrait du cabinet BLG à titre d'avocats inscrits au dossier dans presque toutes les demandes et 2) la radiation du procureur général du Canada à titre de demandeur dans toutes les demandes.

Jugement: les deux requêtes sont rejetées.

1) Le rôle du Commissaire à l'information ne consiste pas à ordonner la communication d'un document au plaignant, mais à formuler des recommandations aux institutions fédérales ainsi qu'à présenter des rapports au Parlement et au plaignant. En sa qualité de personne chargée d'enquêter sur les faits, le Commissaire se voit conférer la compétence voulue pour enquêter sur toutes les plaintes qui sont déposées conformément à l'article 30 de la Loi sur l'accès à l'information. L'obligation prédominante qui incombe au Commissaire lorsqu'il s'agit de protéger la nature secrète de ses enquêtes est tout à fait conforme aux fonctions exercées par celui-ci. Le procureur général du Canada ne devrait pas être informé de l'enquête menée par le Commissaire à l'information, mais les ordonnances de confidentialité et les engagements pris par les avocats protégeaient adéquatement le Commissaire à l'information à cet égard. Ce dernier craignait qu'en laissant l'avocat du procureur obtenir des renseignements en représentant d'autres clients, on permette au procureur général d'en tirer parti. On ne saurait dire que la Cour ne devrait pas tolérer une situation dans laquelle le cabinet BLG a obtenu certains renseignements parce qu'il représentait divers témoins en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, alors que ses services ont en même temps été retenus par le procureur général du Canada et par les témoins en question dans les demandes de contrôle judiciaire. Il n'y avait pas d'apparence d'irrégularité si le cabinet BLG continuait à agir pour toutes les parties. Le droit de choisir son propre avocat est un principe de droit important. Il s'agit également d'un principe quasi constitutionnel, de la même façon que la Loi sur l'accès à l'information est un texte législatif quasi constitutionnel. Tous les clients individuels, à l'exception du greffier du Conseil privé, ont donné des instructions par écrit selon lesquelles ils voulaient que BLG continue à les représenter et à représenter le procureur général du Canada dans les demandes de contrôle judiciaire en cause. La règle 2.04 du Code de déontologie du Barreau du Haut- Canada qui, selon le Commissaire à l'information, a été violée par les demandeurs, veut dire que les clients qui confèrent un mandat conjoint à un avocat ne peuvent pas invoquer de privilèges entre eux à l'égard des renseignements qu'ils communiquent à l'avocat afin d'obtenir des conseils juridiques et de se faire représenter. On n'a pas laissé entendre que les avocats des demandeurs ont manqué à quelque disposition des ordonnances de confidentialité leur interdisant de divulguer à toute autre personne que des avocats les renseignements divulgués au cours du témoignage confidentiel de chaque témoin. Les tribunaux ne devraient rendre que dans les cas les plus clairs une ordonnance enjoignant à un avocat de se retirer, compte tenu des frais que comporte un litige ainsi que du gaspillage de temps et d'argent et du retard important qui peuvent résulter de pareille ordonnance. Les tribunaux hésitent à porter atteinte au droit d'une partie de choisir les avocats les plus aptes à répondre à ses besoins et à assumer la responsabilité d'une poursuite judiciaire sur le plan stratégique.

2) Le Commissaire à l'information cherchait également à faire radier le procureur général du Canada à titre de partie dans certains dossiers de la cour, ce qui soulevait la question de la qualité pour agir. Le procureur général du Canada a qualité pour présenter une demande de contrôle judiciaire de plein droit. Il a qualité pour agir lorsqu'il s'agit de demander un jugement déclaratoire en vue de protéger l'intérêt public. Le procureur général agit également en vertu du pouvoir qu'il possède lorsqu'il «est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties». Dans la présente affaire, le procureur général ne cherchait pas à avoir accès à des renseignements confidentiels, mais plutôt à faire examiner par un tribunal ces renseignements afin de déterminer s'il y avait eu abus de la part du Commissaire à l'information. Il sollicitait également le contrôle judiciaire du rôle procédural qui incombe au Commissaire à l'information. Il avait le droit de présenter les demandes de contrôle judiciaire en cause.

lois et règlements

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2, 30(1)a), f), 35, 36 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187), 37, 38, 41, 42, 49, 50, 51, 62, 63 (mod. idem), 64.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(1) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 18.3(1) (édicté, idem).

Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. (1985), ch. J-2, art. 5.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 151, 152, 317.

jurisprudence

décisions examinées:

Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403; (1997), 148 D.L.R. (4th) 385; 46 Admin. L.R. (2d) 155; 213 N.R. 161; Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707; (1994), 113 D.L.R. (4th) 275; 25 Admin. L.R. (2d) 241; 54 C.P.R. (3d) 511; 167 N.R. 43 (C.A.); Booth v. Huxter (1994), 16 O.R. (3d) 528; 111 D.L.R. (4th) 111; 69 O.A.C. 1 (C. div.); Moffat v. Wetstein (1996), 29 O.R. (3d) 371; 135 D.L.R. (4th) 298; 5 C.P.C. (4th) 128; 4 O.T.C. 364 (Div. gén.); Attorney General v. Blake, [1997] E.W.J. no 1320 (C.A.) (QL).

décisions citées:

Hunter c. Canada (Ministère des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 C.F. 186; (1991), 29 C.P.R. (3d) 321; 35 F.T.R. 75 (C.A.); Essa (Township) v. Guergis; Membery v. Hill (1993), 15 O.R. (3d) 573; 52 C.P.R. (3d) 372; 22 C.P.C. (3d) 63 (C. div.); Merck & Co. c. Interpharm Inc. (1993), 46 C.P.R. (3d) 513; 61 F.T.R. 1 (C.F. 1re  inst.); Merck & Co. c.  Interpharm Inc., [1992] 3 C.F. 774; 44 C.P.R. (3d) 440; 57 F.T.R. 306 (1re inst.); Baumgartner v. Baumgartner (1995), 122 D.L.R. (4th) 542; [1995] 5 W.W.R. 289; 2 B.C.L.R. (3d) 126; 55 B.C.A.C. 277 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1 C.F. 337; (1997), 5 Admin. L.R. (3d) 237; 135 F.T.R. 254 (1re inst.); Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information) (2000), 187 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.).

doctrine

Barreau du Haut-Canada. Code de déontologie. Adopté par le conseil le 22 juin 2000, modifié jusqu'au 28 juin 2002.

De Smith, S.A. et al. Judicial Review of Administrative Action, 5th  ed. London: Sweet & Maxwell, 1995.

REQUÊTES visant le retrait de certains avocats d'un cabinet d'avocats et du cabinet lui-même à titre d'avocats inscrits au dossier agissant pour le compte du procureur général du Canada et pour les demandeurs individuels dans certains dossiers de la cour, ainsi que la radiation du procureur général du Canada à titre de partie dans certains dossiers. Requêtes rejetées.

ont comparu:

Peter K. Doody pour les demandeurs.

Daniel Brunet, Emily McCarthy et Marlys A. Edwardh pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Borden Ladner Gervais LLP, Ottawa, pour les demandeurs.

Commissariat à l'information, Ottawa, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]Le juge McKeown: Le Commissaire à l'information cherche à obtenir le retrait de certains avocats d'un cabinet d'avocats et du cabinet d'avocats lui-même à titre d'avocats inscrits au dossier agissant pour le compte du procureur général du Canada et pour les demandeurs individuels dans certains dossiers de la Cour. En outre, le Commissaire à l'information ne conteste pas qu'il soit approprié pour les avocats du cabinet en question de continuer à représenter des témoins individuels devant lui dans le cadre de la procédure d'enquête, conformément aux ordonnances qui ont été rendues et aux engagements connexes que le Commissaire jugeait nécessaires en vue d'assurer l'intégrité et le caractère secr et de son enquête. Le Commissaire cherche également à faire radier le procureur général du Canada à titre de partie dans certains dossiers ainsi qu'à faire suspendre l'instance engagée par le procureur général du Canada dans certains dossiers.

[2]La requête est présentée en réponse à 29 demandes de contrôle judiciaire présentées par le procureur général du Canada et par certains particuliers désignés. Ces demandes découlent toutes de quatre demandes de communication ayant donné lieu au dépôt de plaintes devant le Commissaire à l'information, qui a entamé des enquêtes. Dans toutes ces demandes de contrôle judiciaire, le procureur général du Canada et les demandeurs individuels, tels qu'ils sont représentés par les avocats de Borden Ladner Ger vais LLP (BLG), ont demandé au Commissaire de leur fournir des transcriptions et d'autres renseignements recueillis au cours de l'enquête tenue en secret, conformément à la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106]. Dans certaines demandes, les demandeurs sollicitent également une ordonnance provisoire annulant les ordonnances de confidentialité que le Commissaire a rendues en libérant les avocats de BLG des engagements qui avaient été pris au sujet de la confidentialité de la preuve fou rnie par les témoins, engagements que ces avocats avaient pris en leur qualité d'avocats des demandeurs et des témoins au cours des enquêtes menées par le Commissaire.

[3]Les demandeurs individuels, qui sont tous des clients de BLG, ont comparu devant le représentant du Commissaire à l'information, Alan Leadbeater, conformément à des subpoenas délivrés par le commissariat aux dates ci-après indiquées et ils ont témoigné devant lui:

a)  les 7 et 30 mars 2001 -- Bruce Hartley, adjoint exécutif du premier ministre;

b)  le 11 avril --J ean Pelletier, qui était alors chef de cabinet du premier ministre;

c)  le 25 avril -- l'honorable Art Eggleton, ministre de la Défense nationale;

d)  le 26 avril -- Emechete Onuoha, qui était alors adjoint exécutif du ministre de la Défense nationale;

e)  le 26 avril -- Meribeth Morris, directrice des opéra-tions au sein du Cabinet du ministre de la Défense nationale;

f)  le 30 avril -- Randy Mylyk, directeur des communi-cations au sein du Cabinet du ministre de la Défense nationale;

g)  le 15 mai -- Sue Ronald, adjointe exécutive du ministre des Transports;

h)  les 12 et 21 juin -- Mel Cappe, greffier du Conseil privé

[4]Le Commissaire a accepté que les avocats des témoin s individuels comparaissent uniquement sur délivrance d'une ordonnance de confidentialité rendue à l'encontre du témoin en cause, prévoyant que les renseignements concernant l'interview pouvaient uniquement être divulgués aux avocats et que les avocats dev aient s'engager à ne pas divulguer ces renseignements à des tiers. En leur qualité d'avocats des témoins individuels, les avocats de BLG ont signé un engagement selon lequel aucun renseignement confidentiel ne serait divulgué à des tiers.

[5]Le paragraphe 17 des observations écrites soumises par le Commissaire à l'information du Canada au sujet de la présente requête est libellé comme suit:

[traduction] Les avocats de BLG ont comparu avec les témoins individuels devant le Commissaire, après qu'il eut clairement été convenu qu'ils comparaissaient uniquement à titre d'avocats du témoin en question et non à titre d'avocats d'une autre partie et plus particulièrement du procureur général du Canada.

[6]L'ordonnance de confidentialité qui a été rendue à l'égard de la preuve présentée le 7 mars par Meribeth Morris, Emechete Onuoha, Randy Mylyk et Micheline Langlois, désigne comme suit les clients de BLG:

[traduction] Le ministre de la Défense nationale, le sous-procureur général du Ca nada, le greffier du Bureau du Conseil privé, le directeur, Opérations juridiques/conseiller, LPPC, Bureau du Conseil privé, M. Michael Peirce, le Secrétaire adjoint du Cabinet, LPPC, Bureau du Conseil privé, Mme Oonagh Fitzgerald, avocate générale princip ale, DRHC, M. Dick Fadden, sous-greffier du Conseil privé et conseiller et Mme Andrea Neill, avocate générale, unité des services juridiques, ministère de la Défense nationale.

[7]Le 29 mars 2001, Me Brunet, avocat général auprès du Commissa ire à l'information, a envoyé à Me Doody, de BLG, une lettre qui était en partie ainsi libellée:

[traduction] La première question soulevée dans votre lettre du 27 mars se rapporte à votre comparution à titre d'avocat de M. Hartley lorsque ce dernier a présenté un témoignage confidentiel. Comme vous le savez bien, le Commissaire à l'information enquête en secret et sur une base ex parte sur les plaintes liées au refus du chef du Bureau du Conseil privé de communiquer les documents demandés le 25 juin 1999. Il semble que Me David Scott, Me Lawrence Elliot et vous-même agissiez comme avocats de M. Hartley et du chef du Bureau du Conseil privé, du Premier ministre du Canada et de plusieurs autres fonctionnaires en cause dans la présente affaire, comme le procu reur général du Canada, le sous-procureur général du Canada, le greffier du Conseil privé, M. Mel Cappe et le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean Pelletier. Dans ce cas-ci, il faut satisfaire à des exigences spéciales en matière de confidentialité afin de préserver l'intégrité de l'enquête et la confidentialité des procédures du Commissaire à l'information.

[8]Dans une lettre subséquente, le 2 avril 2001, Me Doody a écrit à M. Leadbeater pour l'informer entre autres de ce qui suit a u sujet de la demande que ce dernier avait faite en vue de savoir avec qui Mes Doody, Scott et Elliot entretenaient une relation d'avocat à client:

[traduction] Nous agissons à titre d'avocats du premier ministre du Canada, de la Couronne, du procureur général du Canada et de M. Hartley.

[9]Les ordonnances de confidentialité ont été rendues à l'égard de tous les témoins ci-dessus désignés au paragraphe 3.

[10]L'écart énorme qui sépare les deux parties dans la présente affaire se manifeste par la façon dont elles abordent la présente requête. Le Commissaire à l'information se fonde sur l'objet de la Loi sur l'accès à l'information [L.R.C. (1985), ch. A-1] ainsi que sur ses pouvoirs et fonctions. L'article 2 d e la Loi sur l'accès à l'information énonce l'objet de la Loi comme suit:

2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

[11]Dans l'arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, au paragraphe 61, le juge La Forest, qui était dissident, mais non sur le point ici en cause, a dit ce qui suit:

La loi en matière d'accès à l'information a [. . .] pour objet général de favoriser la démocratie, ce qu'elle fait de deux manières connexes. Elle aide à garantir, en premier lieu, que les citoyens possèdent l'information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et, en second lieu, que les politiciens et bureaucrates demeurent comptables envers l'ensemble de la population.

[12]La Loi sur l'accès à l'information prévoit un examen à deux niveaux de la décision du responsable de l'institution fédérale qui a refusé de communiquer un document conformément à la Loi. Le premier niveau d'examen, à savoir une enq uête, doit être franchi avant que le plaignant puisse solliciter une ordonnance enjoignant la communication des documents demandés. Cette responsabilité incombe au Commissaire, qui a de fait une obligation légale à cet égard (alinéas 30(1)a ) et 30(1)f), et articles 41 et 42).

[13]Le rôle du Commissaire ne consiste pas à ordonner la communication d'un document au plaignant. Le pouvoir d'ordonner la communication est réservé à la Cour fédérale du Canada conformément aux articles 49 à 51 de la L oi. Le rôle du Commissaire consiste plutôt à enquêter sur les faits et à faire directement rapport au Parlement. Le rôle du Commissaire se limite à la formulation de recommandations aux institutions fédérales ainsi qu'à la présentation de rapports au Parle ment et au plaignant.

[14]En sa qualité de personne chargée d'enquêter sur les faits, le Commissaire se voit conférer la compétence voulue pour enquêter sur toutes les plaintes qui sont déposées conformément à l'article 30 de la Loi, y compr is toute question se rapportant aux demandes ou à l'obtention de documents en vertu de la Loi. L'étendue du pouvoir conféré au Commissaire est en outre décrite à l'article 36 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187] de la Loi; dans l'arrêt Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 3 C.F. 707 (C.A.), à la page 712, le juge Stone a défini ce pouvoir comme suit:

Pour l'instruction des plaintes, le Commissaire à l'information est investi des pouvoirs énumérés à l'article 36 [. . .], à savoir, entre autres, le pouvoir d'assigner et de contraindre des témoins à comparaître, à déposer sous serment et à produire des pièces; le pouvoir de faire prêter serment et de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements «par déclaration verbal e ou écrite sous serment ou par tout autre moyen» qu'il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant les tribunaux.

[15]Le Commissaire possède des pouvoirs étendus en vue d'enquêter sur les plaintes déposées en vertu de la Loi, mais il souligne qu'il faut protéger la nature secrète des enquêtes menées conformément à la Loi. La nature secrète de la procédure d'enquête est clairement prévue à l'article 35:

35. (1) Les enquêtes menées sur les plaintes par le Commissaire à l'information sont secrètes.

[16]L'effet de l'article 35 est renforcé par les articles 62 à 64 [article 63 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 187] qui, ensemble, imposent le secret au Commissaire et aux personnes agissant en son nom ou sous son autorité en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance au cours d'une enquête, sauf dans certaines circonstances, à savoir:

a)   dans les cas où, de l'avis du Commissaire, les renseignements sont nécessaires pour mener une enquête ou motiver les conclusions et recommandations contenues dans le rapport du Commissaire;

b)  dans le cadre des procédures intentées pour infrac-tion à la Loi ou pour un parjure se rapportant à une déclaration faite en vertu de la Loi, soit lors d'un recours en révision prévu par la Loi devant la Cour ou lors de l'appel de la décision rendue par celle-ci;

c)  dans les cas où, de l'avis du Commissaire, il existe des éléments de preuve touchant la perpétration d'infractions par un cadre ou employé d'une institution fédérale, auquel cas la divulgation de renseignements au procureur général du Canada peut être effectuée.

[17]L'obligation prédominante qui incombe au Commissaire lorsqu'il s'agit de protége r la nature secrète de ses enquêtes est tout à fait conforme aux fonctions exercées par celui-ci, lesquelles comme il en a ci-dessus été fait mention ne consistent pas à communiquer des documents ou à ordonner la communication de documents, mais plutôt à f aire des recommandations aux institutions fédérales et à rendre compte au Parlement et aux plaignants.

[18]D'autre part, BLG remet en question les motifs du Commissaire à l'information et déclare devant la Cour que ces motifs sont importants aux fins de la décision rendue par cette dernière. Le procureur général du Canada déclare que les présentes requêtes (à savoir la radiation du procureur général du Canada à titre de demandeur dans toutes les demandes, la suspension de toutes les demandes présentées par le procureur général et le retrait du cabinet BLG à titre d'avocats inscrits au dossier dans toutes les demandes, à l'exception de celles qui sont fondées sur les articles 37 et 38) [traduction ] «sont des tactiques par lesquelles le Commissa ire à l'information intensifie les mesures visant à mettre le commissariat à l'abri d'un contrôle judiciaire réel des actions de son représentant». Il est en outre allégué ce qui suit:

[traduction] Le Commissaire à l'information ou son représentant, qui a gissent à titre d'enquêteur, d'avocat et de juge dans les enquêtes, cherchent à éviter d'avoir à satisfaire à une norme juridique appropriée dans l'exercice de leurs pouvoirs d'enquête en empêchant les témoins d'être représentés d'une façon efficace, en re fusant de produire devant la Cour le dossier des procédures dont ils sont saisis et en cherchant maintenant à empêcher le procureur général de porter ces questions à l'attention de la Cour.

[19]Le procureur général du Canada conclut qu'en présentant ces deux requêtes devant la Cour, le Commissaire à l'information a adopté la position suivante:

(i) le procureur général du Canada n'a pas le droit de protéger l'intérêt public en veillant à ce que ce tribunal d'instance inférieure n'abuse pas de son pouvoir discrétionnaire ou n'excède pas sa compétence, et il n'a pas le droit de protéger les intérêts de la Couronne en veillant à ce que les documents de la Couronne, ou les documents du Cabinet du premier ministre ou d'un ministre, soient traités conformément au droit; et

(ii) il tente, à un moment crucial de l'instance, d'empêcher que les demandeurs soient représentés devant les tribunaux par les avocats qui, à la connaissance et avec l'assentiment du représentant du Commissaire à l'information, ont agi pour tous les demandeurs, tant devant le représentant du Commissaire à l'information que devant les tribunaux, et ce, depuis plus d'un an.

[20]Je reconnais que la Loi sur l'accès à l'information est un texte législa tif quasi constitutionnel et que le Commissaire à l'information a un rôle important dans notre société, mais je ne crois pas, en l'absence de dispositions législatives précises, que cela empêche le procureur général du Canada de protéger l'intérêt public e t de représenter la Couronne dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Le Commissaire à l'information soulève deux questions légitimes. En premier lieu, il s'agit de savoir comment le procureur général du Canada peut donner des instructions éclairées à des a vocats aux fins de la présentation de demandes de contrôle judiciaire sans savoir ce que renferment les transcriptions des témoins. Je suis d'accord pour dire que le procureur général du Canada ne devrait pas être informé de l'enquête menée par le Commissa ire à l'information, mais les ordonnances de confidentialité et les engagements pris par les avocats protègent adéquatement le Commissaire à l'information à cet égard. Le Commissaire à l'information reconnaît qu'il n'y a pas eu manquement délibéré aux enga gements, mais que c'est plutôt l'interprétation de ces engagements qui pose un problème. La seconde question qui préoccupe le Commissaire à l'information se rapporte à la divulgation des renseignements. La divulgation de certains renseignements concernant les clients de BLG dans les présentes affaires et des noms des quatre avocats de BLG qui occupaient dans l'affaire ainsi que de la lettre mentionnée au paragraphe 32 du mémoire inquiète le Commissaire. La communication des lettres échangées entre M. Leadbe ater et les avocats au sujet d'une demande qui avait été faite pour qu'un témoin soit autorisé à divulguer au premier ministre du Canada certains renseignements confidentiels mentionnés dans l'ordonnance de confidentialité inquiète également le Commissaire . En outre, le Commissaire craint qu'il y ait violation de la confidentialité s'il est rendu compte de ce qui s'est passé aux audiences en ce qui concerne la façon dont il envisageait le rôle des avocats des témoins. Or, je suis convaincu que la divulgatio n de ces renseignements n'irait pas à l'encontre de l'ordonnance de confidentialité.

[21]Je note qu'à l'audience, BLG a reçu communication de certains renseignements dans le contexte de la nature secrète de l'audience. Par excès de prudence, en plus de rendre l'ordonnance de confidentialité, le Commissaire à l'information a demandé à certains avocats expressément désignés du cabinet BLG de s'engager à respecter les dispositions de cette ordonnance.

[22]Pour donner une idée du type d'ordonnance qui a été rendue au sujet des engagements relatifs à la confidentialité, je reproduirai une copie de l'ordonnance, telle qu'elle s'applique à M. Bruce Hartley et Me David Scott.

M. Bruce Hartley

(i)     Je, M. Bruce Hartley, m'engage par les présentes à ne pas révéler de quelque façon que ce soit à une personne, à un cabinet ou à une société, directement ou indirectement, les questions qui ont été posées et les réponses qui ont été données au cours du témoignage confidentiel que j'ai présenté dans cette affaire;

(ii)     Je n'utiliserai pas lesdits renseignements et je n'autoriserai pas la divulgation ou l'utilisation desdits renseignements à quelque fin que ce soit;

(iii)     Je prendrai toutes les précautions raisonnables nécessaires pour que les notes que j'aurai prises au sujet desdits renseignements soient conservées en lieu sûr, sous ma garde et en ma possession, de façon que personne d'autre que moi-même n'y ait accès, et je détruirai ces notes lorsque l'enquête du Commissaire à l'information aura pris fin;

(iv)     Je reconnais et je comprends que cet engagement me lie tant que je n'en serai pas libéré par une ordonnance du Commissaire à l'information.

Me David Scott

(i)     Je, Me David Scott, avocat, membre du Barreau du Haut-Canada agissant pour M. Bruce Hartley, Mme Micheline Langlois et le Premier ministre du Canada, m'engage par les présentes à ne pas révéler de quelque façon que ce soit à une personne, à un cabinet ou à une société, directement ou indirectement, les témoignages confidentiels que M. Bruce Hartley et Mme Micheline Langlois ont présentés;

(ii)     Je n'utiliserai pas lesdits renseignements et je n'autoriserai pas la divulgation ou l'utilisation desdits renseignements à quelque fin que ce soit si ce n'est pour rendre compte à mes clients, le Premier ministre du Canada, le sous-procureur général du Canada, le greffier du Bureau du Conseil privé, le chef de cabinet du Premier ministre, M. Jean Pelletier, le directeur, Opérations juridiques/Conseiller, LPPC, Bureau du Conseil privé, M. Michael Peirce, le Secrétaire adjoint du Cabinet, LPPC, Bureau du Conseil privé, l'avocate générale principale DRHC, Mme Oonagh Fitzgerald, et M. Dick Fadden, sous-greffier du Conseil privé et conseiller;

(iii)     Je prendrai toutes les précautions raisonnables nécessaires pour que les notes que j'aurai prises au sujet desdits renseignements soient conservées en lieu sûr sous ma garde et en ma possession, de façon que personne d'autre que moi-même n'y ait accès, et je détruirai ces notes lorsque l'enquête du Commissaire à l'information aura pris fin;

(iv)     Je reconnais et je comprends que cet engagement me lie tant que je n'en serai pas libéré par une ordonnance du Commissaire à l'information.

[23]Je traiterai maintenant de l'ordonnance qui a été rendue au sujet des engagements relatifs à la confidentialité, telle qu'elle s'applique à Mme Sue Ronald ainsi qu'à Me David Scott et à d'autres personnes.

1.     Conformément aux articles 34, 35, 36 et 64 de la Loi sur l'accès à l'information et aux pouvoirs semblables à ceux d'une cour supérieure d'archives qu'il possède, le sous-commissaire à l'information ordonne à Mme Sue Ronald de ne pas révéler, directement ou indirectement, les renseignements divulgués au cours du témoignage confidentiel qu'elle a présenté dans cette affaire et notamment son témoignage, de quelque façon que ce soit, à une personne, à un cabinet ou à une société, à l'exception des avocats de Mme Ronald, Mes David W. Scott, Peter K. Doody, Lawrence Elliot et Guy Pratte, une fois qu'ils auront chacun signé et renvoyé au Commissaire à l'information, aux soins de l'avocat général, un engagement relatif à la confidentialité en la forme prescrite par le sous-commissaire à l'information;

2.     Conformément aux articles 34, 35, 36 et 64 de la Loi sur l'accès à l'information et aux pouvoirs semblables à ceux d'une cour supérieure d'archives qu'il possède, le sous-commissaire à l'information ordonne aux avocats de Mme Ronald, Mes David W. Scott, Peter K. Doody, Lawrence Elliot et Guy Pratte, d'assurer la confidentialité de tous les renseignements divulgués au cours du témoignage présenté par Mme Ronald, et notamment du témoignage présenté par Mme Ronald dans cette affaire, conformément aux conditions des engagements relatifs à la confidentialité ci-après énoncés;

Mes David W. Scott, Peter K. Doody, Lawrence Elliot et Guy Pratte

(i)     Je, avocat, membre du Barreau du Haut-Canada agissant pour Sue Ronald, m'engage par les présentes à ne pas révéler, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, à une personne, à un cabinet ou à une société, à l'exception de Mme Ronald et des avocats de Mme Ronald désignés dans l'ordonnance rendue par le sous-commissaire à l'information le 15 mai 2001, une fois que chaque avocat aura signé et renvoyé au Commissaire à l'information, aux soins de l'avocat général, un engagement relatif à la confidentialité en la forme prescrite par le sous-commissaire à l'information, tout renseignement divulgué au cours du témoignage présenté par Mme Ronald, et notamment le témoignage de Mme Ronald;

(ii)     Je prendrai toutes les précautions raisonnables nécessaires pour que les notes que j'aurai prises au sujet desdits renseignements soient conservées en lieu sûr sous ma garde et en ma possession, de façon que personne d'autre que moi-même n'y ait accès, et je détruirai ces notes lorsque l'enquête du Commissaire à l'information aura pris fin;

(iii)     Je reconnais et je comprends que cet engagement me lie tant que je n'en serai pas libéré par une ordonnance du Commissaire à l'information ou d'un tribunal compétent.

[24]L'ordonnance concernant M. Hartley fait l'objet d'une lettre que M. Brunet, avocat général auprès du Commissa ire à l'information, a envoyée à Me Doody le 29 mars 2001, laquelle est ainsi libellée:

[traduction] Au cours de l'après-midi du 28 mars 2001, vous avez demandé la communication de la transcription confidentielle du témoignage que M. Hartley a présenté à huis clos devant le sous-commissaire à l'information le 7 mars 2001, au sujet de certaines questions préliminaires, pour que M. Hartley et vous-même puissiez l'examiner. L'ordonnance de confidentialité du 7 mars 2001 a été modifiée de façon à vous permettr e et à permettre à M. Hartley d'avoir accès aux transcriptions confidentielles le même jour que Mes Scott et Elliot. Une ordonnance de confidentialité plus restrictive exigeant que le témoignage de M. Hartley demeure fondamentalement confidentiel sera rend ue.

[25]Les ordonnances ont été rendues. Le Commissaire à l'information a alors affirmé qu'il ne savait absolument pas que le procureur général du Canada se joindrait à certains témoins pour contester la conduite de l'enquête elle-même. Il c oncède que le cabinet BLG agissait pour le procureur général du Canada, mais il affirme qu'il n'y a pas chose jugée. La différence, en ce qui concerne le type d'affaire dans laquelle le procureur général du Canada est maintenant en cause, est que celui-ci cherche de fait à se joindre à des témoins pour remettre en question la conduite de l'enquête menée par le Commissaire à l'information. Ce n'est que lorsque cela est arrivé que le problème s'est posé. Le Commissaire à l'information soutient également qu'il y a une différence en ce sens que le procureur général a décidé de demander la consolidation de toutes les demandes. Il affirme qu'il maintient l'intégrité de la procédure d'enquête. Toutefois, il n'y a rien au dossier qui indique que le législateur ait v oulu empêcher les tribunaux d'exercer les pouvoirs de supervision qu'ils possèdent habituellement à l'égard des organismes fédéraux. Le Commissaire à l'information affirme qu'il a l'obligation primordiale de protéger la nature secrète d'une enquête étant d onné que son rôle ne consiste pas à communiquer des documents ou à ordonner la communication de documents, mais plutôt à faire des recommandations aux institutions fédérales, et à rendre compte au Parlement et aux plaignants.

[26]Le Commissaire à l'information cherche à faire une distinction à l'égard des règles normales qui s'appliquent aux avocats, lorsqu'il s'agit de les empêcher de divulguer ce qu'ils savent à leurs clients parce qu'ils protègent les renseignements en question au profit d'un tiers. Le Commissaire à l'information soutient qu'en l'espèce, les renseignements confidentiels sont protégés dans l'intérêt public et à cause d'une loi publique. Je ne suis pas d'accord. En outre, à mon avis, il n'y a pas d'apparence d'irrégularité s i le cabinet BLG continue à agir pour toutes les parties. On craint réellement qu'en laissant l'avocat du procureur général obtenir des renseignements en représentant d'autres clients, on permette à celui-ci d'en tirer parti.

[27]Le Commissaire à l'information affirme que l'avocat qui ne peut pas entretenir de relations professionnelles avec un client ne peut pas accepter le mandat de représentation. Dans la décision Booth v. Huxter (1994), 16 O.R. (3d) 528 (C. div.), le juge Moldaver a fait remarquer ce qui suit, à la page 543:

[traduction] En tranchant la question, le coroner Young a mentionné les motifs prononcés en appel dans l'arrêt R. c. Speid, précité, où, à la page 600, le juge Dubin (maintenant J.C.O.) a dit ce qui suit:

M. Speid a le droit d'être représenté par un avocat. Il a droit à des conseils professionnels, mais il n'a pas le droit d'être représenté par un avocat qui, en acceptant le dossier, ne peut pas agir d'une façon professionnelle. L'avocat ne peut pas accepter un dossier si, ce faisant, il ne peut pas agir d'une façon professionnelle; si un avocat agit ainsi, le client se voit refuser des services professionnels.

Toutefois, à mon avis, le droit de choisir son propre avocat est un principe de droit fort important. Il s'agit également d'un principe quasi constitutionnel, de la même façon que la Loi sur l'accès à l'information est un texte législatif quasi constitutionnel. Il importe de noter en l'espèce que tous les clients individuels, à l'exception du greffier du Conseil privé, ont donné des instructions par écrit après avoir eu la possibilité de demander conseil à un avocat, instructions selon lesquelles ils voulaient que BLG continue à les représenter et à représenter le procureur général du Canada dans les demandes de contrôle judiciaire en cause. Le greffier du Conseil privé était à l'étranger, mais il a confirmé par téléphone qu'il voulait que BLG continue à le représenter dans cette instance.

[28]Les demandeurs soutiennent que BLG se conformera, bien sûr, à l'ordonnance de confidentialité. Dans l'arrêt Hunter c. Canada (Ministère des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 C.F. 186 (C.A.), il est statué que l'on ne peut pas discuter d'une question confidentielle, ma is il n'est pas nécessaire de discuter des renseignements visés par l'ordonnance lorsqu'il est soutenu que les questions concernant le Commissaire à l'information ne relèvent pas de la compétence de ce dernier. Les demandeurs signalent qu'ils veulent que c e soit la Cour, plutôt que le procureur général, qui examine les renseignements, afin de déterminer si les questions relèvent de la compétence du Commissaire à l'information. Le demandeur confond la protection des renseignements et le caractère secret de l'affaire. Les renseignements sont protégés. À mon avis, il n'y a rien dans la Loi sur l'accès à l'information qui fasse du Commissaire à l'information l'unique organis-me public au pays qui ne soit pas assujetti à la supervision des tribunaux. À coup sûr, si le Commissaire à l'information soutient qu'un avocat ne peut pas poser de questions, il ne s'agit pas de renseignements protégés par la Loi. Il se peut qu'il soit raisonnable pour le Commissaire à l'information de prendre cette position, mais il ne peut le faire que si le tribunal assurant la supervision examine le contexte de l'affaire.

[29]Le procureur général veut également contester la portée des ordonnances de confidentialité en vue de déterminer si les conditions qui y figurent représentent un excès de compétence.

[30]Je tiens également à signaler que les questions concernant le SCRS sont secrètes, mais encore une fois, cela ne veut pas dire que les décisions du SCRS ne sont pas assujetties au contrôle de la Cour. Dans une société démocratique, les enquêtes secrètes doivent pouvoir être assujetties au contrôle judiciaire. Cela ne veut pas dire que le Commissaire à l'information ne peut pas bénéficier d'une latitude considérable dans la conduite de l'enquête, mais cette e nquête est sans aucun doute assujettie à un contrôle. Selon les allégations du procureur général du Canada, la procédure suivie par le Commissaire à l'information constitue un abus de pouvoir.

[31]Les demandeurs ont affirmé que le Commissaire à l'information n'avait pas fait connaître sa position, en temps opportun, soit qu'il ne pouvait pas savoir que le procureur général contesterait l'affaire. Le Commissaire à l'information savait depuis le milieu du mois de mai 2000 pour qui le cabinet BLG agissait. Il savait que le procureur général du Canada avait contesté les ordonnances de confidentialité au mois d'avril 2001. Le Commissaire à l'information a néanmoins continué à agir et, au cours de l'été, il n'a pas fait savoir qu'i l n'était pas approprié pour BLG d'agir pour les témoins. Ce n'est qu'au mois d'août que le Commissaire à l'information a affirmé que BLG devrait se retirer du dossier, même s'il était au courant de la situation depuis au moins cinq mois.

[32]À mon avis, on ne saurait dire que la Cour ne devrait pas tolérer une situation dans laquelle le cabinet BLG a obtenu certains renseignements parce qu'il représentait divers témoins en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, alors que ses services ont en même temps été retenus par le procureur général du Canada et par les témoins en question dans les présentes demandes de contrôle judiciaire. Le Commissaire à l'information est protégé d'une façon adéquate par les or donnances de confidentialité et par les engagements. Dans la lettre du 29 mars 2001 qu'il a envoyée à Me Doody, M. Brunet a reconnu la chose en disant notamment ce qui suit:

[traduction] La première question soulevée dans votre lettre du 27 mars se rappo rte à votre comparution à titre d'avocat de M. Hartley lorsque ce dernier a présenté un témoignage confidentiel. Comme vous le savez bien, le Commissaire à l'information enquête en secret et sur une base ex parte sur les plaintes liées au refus du chef du Bureau du Conseil privé de comminuquer les documents demandés le 25 juin 1999. Il semble que Me David Scott, Me Lawrence Elliot et vous-même agissiez comme avocats de M. Hartley et du chef du Bureau du Conseil privé du premier ministre du Canada et de pl usieurs autres fonctionnaires en cause dans la présente affaire, comme le procureur général du Canada, le sous-procureur général du Canada, le greffier du Conseil privé, M. Mel Cappe et le chef de cabinet du premier ministre, M. Jean Pelletier. Dans ce ca s-ci, il faut satisfaire à des exigences spéciales en matière de confidentialité afin de préserver l'intégrité de l'enquête et la confidentialité des procédures du Commissaires à l'information.

Comme il en a été fait mention, l'avocat du défendeur reconnaît qu'il n'y a pas eu manquement à un engagement de la part de l'un des fonctionnaires judiciaires et que, dans l'exercice de leur profession, les avocats du cabinet BLG doivent assurer la confidentialité.

[33]Certaines allégations ont été f aites contre le représentant du Commissaire à l'information au sujet de la restriction de la capacité des avocats d'aider le témoin. Un tribunal ne peut pas rendre une décision au sujet des restrictions qui ont été imposées sans avoir accès aux transcripti ons.

[34]Les demandeurs soutiennent que la Cour devrait voir les transcriptions des procédures du Commissaire à l'information avant de statuer sur les requêtes visant le retrait du cabinet BLG à titre d'avocats inscrits au dossier. Il est cl air que lorsqu'une requête visant le retrait d'un avocat inscrit au dossier est présentée, les motifs du demandeur peuvent être examinés et la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire. Dans la décision Moffat v. Wetstein (1996), 29 O .R. (3d) 371 (Div. gén.), à la page 408, le juge Granger a dit ce qui suit:

[traduction] Il peut sembler évident que, lorsqu'une requête est présentée en vue de faire appel à la compétence du tribunal en equity aux fins du retrait d'un avocat inscrit au dossier, la réparation devrait uniquement être accordée si la requête découle d'une préoccupation véritable en ce qui concerne le bien-fondé du présumé conflit. En d'autres termes, la requête visant le retrait d'un avocat inscrit au dossier doit être rejetée si elle est présentée afin de nuire à la partie adverse ou de retarder la partie adverse ou afin de bénéficier par ailleurs d'un avantage tactique dans le cours du litige.

Toutefois, en l'espèce, je n'ai pas à examiner les transcriptions afin de trancher la question.

[35]Le Commissaire à l'information soutient également que les demandeurs ont violé le Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada; il cite la règle 2.04 qui prévoit ce qui suit, au paragraphe 6:

2.04 (6) L'avocat ou l'avocate ne consent à représenter plusieurs parties, dans une affaire ou une opération quelconque, qu'après les avoir prévenues de ce qui suit:

a) il a reçu la demande d'agir pour les deux parties ou pour toutes les parties;

b) aucun des renseignements qui lui seront communiqués ne saurait être tenu pour confidentiel à l'égard des autres parties qu'il représente;

c) dans le cas où surgirait un conflit insoluble, il ne pourra continuer à représenter toutes les parties et devra peut-être même se dessaisir complètement de l'affaire.

À mon avis, cette règle veut dire que les clients qui confèrent un mandat conjoint à un avocat ne peuvent pas invoquer de privilèges entre eux à l'égard des renseignements qu'ils communiquent à l'avocat afin d'obtenir des conseils juridiques et de se faire représenter. La règle ne prévoit pas, expressément ou implicitement, qu'un avocat qui agit pour des clients après s'être vu conférer un mandat conjoint est tenu de violer une ordonnance applicable qu'une cour ou un tribunal rend en vue d'interdire la transmission de renseignements pertinents à ces clients. En outre, on n'a pas laissé entendre que les avocats des demandeurs ont manqué à quelque disposition des ordonnances de confidentialité leur interdisant de divulguer à toute autre personne que des avocats les renseignements divulgués au cours du témoignage confidentiel de chaque témoin. Il est également clair que le Code de déontologie ne peut pas obliger les avocats à violer une ordonnance judiciaire. Les codes de déontologie ne s'appliquent pas aux ordonnances judiciaires.

[36]Les règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoient que la Cour peut ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels. En pareil cas, sauf ordonnance contraire de la Cour, seuls un avocat inscrit au dossier et un avocat participant à l'instance qui ne sont pas des parties peuvent avoir accès à un document ou à un élément matériel confidentiel.

[37]Je note que les tribunaux ne devraient rendre que dans les cas les plus clairs une ordonnance enjoignant à un avocat de se retirer, compte tenu des frais que comporte un litige ainsi que du gaspillage énorme de temps et d'argent et du retard i mportant qui peuvent résulter de pareille ordonnance. Voir: Essa (Township) v. Guergis; Membery v. Hill (1993), 15 O.R. (3d) 573 (C. div.), à la page 582.

[38]Les tribunaux hésitent à porter atteinte au droit d'une partie de choisir les avoc ats les plus aptes à répondre à ses besoins et à assumer la responsabilité d'une poursuite judiciaire sur le plan stratégique. Voir: Merck & Co. c. Interpharm Inc. (1993), 46 C.P.R. (3d) 513 (C.F. 1re inst.), à la page 515.

[39]Un avocat ne devrait pas se retirer simplement parce qu'il pourrait divulguer à mauvais escient des renseignements assujettis à un engagement implicite de confidentialité. Voir: Merck & Co. c. Interpharm Inc., [1992] 3 C.F. 774 (1re inst.), à la page 777; confirmé par (1993), 46 C.P.R. (3d) 513 (C.F. 1re inst.).

[40]Il faut également tenir compte du retard en tant que facteur dont un tribunal peut tenir compte en déterminant s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire aux fins de radier un avocat inscrit au dossier. Voir: Baumgartner v. Baumgartner (1995), 122 D.L.R. (4th) 542 (C.A.C.-B.), à la page 549.

[41]En outre, cette requête visant le retrait du cabinet BLG à titre d'avocats inscrits au dossier pour les demandeurs est p résentée à un moment crucial de l'instance, puisque la preuve par affidavit devra bientôt être déposée et qu'un échéancier serré doit être imposé.

[42]Par conséquent, la requête visant le retrait du cabinet BLG à tire d'avocats inscrits au dossier est rejetée.

[43]En ce qui concerne la qualité pour agir, le Commissaire à l'information soutient que le procureur général se présente devant la Cour lorsqu'il agit pour des ministères gouvernementaux ou lorsqu'il cherche à protéger l'intérêt public. Les décisions Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1994] 2 C.F. 707 (C.A.) et Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1 C.F. 337 (1re inst.) [ci-après appelé Petzinger ] sont citées en vue de montrer qu'en droit, le Commissaire à l'information n'est pas autorisé à avoir des relations contradictoires avec le procureur général dans une procédure, au cours d'une enquête. (Voir Petzinger , au paragraphe 65, dernière phase.)

[44]En déterminant si le procureur général du Canada a le droit de présenter ces demandes de contrôle judiciaire, il faut examiner l'article 5 de la Loi sur le ministère de la Justice [L.R.C. (1985), ch. J-2], qui prévoit notamment ce qui suit:

5. Les attributions du procureur général du Canada sont les suivantes:

a) il est investi des pouvoirs et fonctions afférents de par la loi ou l'usage à la charge de procureur général d'Angleterre, en tant que ces pouvoirs et ces fonctions s'appliquent au Canada, ainsi que de ceux qui, en vertu des lois des diverses provinces, ressortissaient à la charge de procureur général de chaque province jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867, dans la mesure où celle-ci prévoit que l'application et la mise en oeuvre de ces lois provinciales relèvent du gouvernement fédéral;

[. . .]

d) il est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties et portant sur des matières de compétence fédérale;

[45]Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)] est ainsi libellé:

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

[46]Contrairement aux procureurs généraux des provinces, le procureur général du Canada a qualité pour présenter une demande de contrôle judiciaire de plein droit.

[47]Le paragraphe 18.3(2) [édicté, idem ] de la Loi sur la Cour fédérale, qui autorise le procureur général à renvoyer devant la Section de première instance toute question portant sur la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, d'une loi d u Parlement, ne limite aucunement les droits reconnus au procureur général en vertu du paragraphe 18.1(1).

[48]La qualité pour agir du procureur général ne peut pas être remise en question devant les tribunaux lorsqu'il s'agit de demander un jugement déclaratoire en vue de protéger l'intérêt public. De Smith et al ., dans Judicial Review of Administrative Action (5e  éd., 1995), à la page 147, a donné l'explication suivante au sujet des limites générales auxquelles est assuje tti le procureur général lorsqu'il demande un jugement déclaratoire dans «l'intérêt public»:

[traduction] Il est presque impossible de définir exactement les limites de l'intérêt public. L'examen d'un grand nombre d'ouvrages et d'arrêts indique la vaste gamme de cas dans lesquels les tribunaux ont reconnu que l'intérêt public était en cause, mais les tribunaux se sont abstenus, probablement délibérément, de préciser quelles étaient les limites. Toutefois, à coup sûr, toute atteinte aux droits du public (par exemple, en ce qui concerne la voie publique), l'omission des organismes publics d'exercer les fonctions qui leur incombent au profit du public ou l'exercice non satisfaisant par les organismes publics de leurs fonctions au profit du public, les abus de pouvoir et les actes illégaux d'une nature publique seront considérés comme soulevant des questions d'intérêt public.

[49]La Cour d'appel anglaise a également fait les remarques suivantes [Attorney General v. Blake , [1997] E.W.J. no 1320 (C.A.) (QL), au paragraphe 46]:

[traduction] En présentant [. . .] une demande de réparation en droit public, le procureur exerce une fonction différente. Il n'est pas simplement un demandeur nominal approprié représentant la Couronne. Il demande réparation dans l'exercice de la fonction de protecteur de l'intérêt public qui lui a toujours été reconnue. Cela lui confère un statut spécial devant les tribunaux. Il a un rôle particulier et une responsabilité particulière. Son rôle s'étend bien au-delà du domaine du droit criminel et englobe notamment l'outrage au tribunal, les oeuvres de bienfaisance et les enquêtes des coroners. Ses pouvoirs sont dans certains cas d'origine législative. Toutefois, en ce qui concerne d'autres fonctions, le rôle qui lui incombe fait partie intrinsèque de son ancienne charge. C'est le pouvoir intrinsèque découlant de sa charge qui permet au procureur d'engager lui-même des poursuites ex officio ou de consentir à ce que son nom soit employé [. . .]

[50]Dans toutes les demandes de contrôle judiciaire où le procureur général agit comme demandeur, les réparations visent à empêcher [voir De Smith, supra , à la page 147]:

[traduction] [. . .] l'exercice non satisfaisant par les organisme s publics de leurs fonctions au profit du public, les abus de pouvoir et les actes illégaux d'une nature publique [. . .]

[51]En plus de demander des réparations dans toutes les demandes ici en cause conformément à l'obligation qui lui inco mbe de protéger l'intérêt public, le procureur général agit également en vertu du pouvoir qu'il possède lorsqu'il «est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties». Les documents en cause sont des documents adm inistratifs, et non des documents émanant de fonctionnaires privés. Dans l'affaire dont je suis saisi, le procureur général ne cherche pas à avoir accès à des renseignements confidentiels, mais plutôt à faire examiner par un tribunal certains renseignement s confidentiels afin de déterminer s'il y a eu abus de pouvoir de la part du Commissaire à l'information. Le procureur général sollicite également le contrôle judiciaire du rôle procédural qui incombe au Commissaire à l'information. À mon avis, le procureu r général du Canada a le droit de présenter les demandes de contrôle judiciaire en cause. En outre, en ce qui concerne les dossiers T-1640-00 et T-1641-00 [Canada (Procureur général) c. (Commissaire à l'information) (2000), 187 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.)], la Cour a rejeté la demande que le Commissaire à l'information avait présentée en vue de faire radier les avis de demande dans ces dossiers et la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel interjeté par le Commissaire à l'information contre cette partie de mon ordonnance. Tous les arguments sur lesquels le Commissaire à l'information se fonde maintenant en vue de faire radier le procureur général ont été avancés ou auraient dû être avancés lors de la tentative antérieure infructueuse qui a été faite aux fins de la radiation de ces demandes. Par conséquent, compte tenu de l'irrecevabilité résultant de l'identité des causes d'action, ces arguments ne peuvent pas être soulevés à nouveau. La Cour a conclu que le procureur général du Canada peut présenter ces demandes --T-1640-00 et T-1641-00.

[52]Les requêtes que le Commissaire à l'information a présentées aux fins du retrait de certains avocats à titre d'avocats inscrits au dossier et de la radiation du procureur général du Canada à titre de par tie sont rejetées.

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