Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-177-01

( T-2280-99 )

2002 CAF 224

Carmel Girouard (appelante)

c.

Le procureur général du Canada et M. H. F. Gilbert (intimés)

Répertorié: Canada (Procureur général) c. Girouard (C.A.)

Cour d'appel, juges Strayer, Isaac et Sexton, J.C.A.-- Ottawa, 11 avril et 29 mai 2002.

Fonction publique -- Appels -- Critère -- Concours pour le poste de coordonnateur des langues officielles à la GRC -- L'appelante n'a pas réussi l'exercice de simulation pour superviseur de la CFP, même si on lui avait accordé un délai supplémentaire de 50 % du temps alloué afin de composer avec sa «difficulté à traiter des renseignements nouveaux» -- Il incombe à l'appelante de démontrer que la nomination n'a pas été effectuée sur la base du mérite -- L'appel fondé sur l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique doit mettre en cause l'application du principe du mérite.

Droits de la personne -- Concours pour le poste de coordonnateur des langues officielles à la GRC -- L'appelante n'a pas réussi l'exercice de simulation pour superviseur de la CFP, même si on lui avait accordé un délai supplémentaire de 50 % du temps alloué afin de composer avec sa «difficulté à traiter des renseignements nouveaux» -- Le critère de l'exigence professionnelle justifiée n'est pas en litige -- Il n'est pas question ici d'une norme discriminatoire, mais simplement d'une allégation portant que le lien entre le mérite et la méthode d'évaluation des compétences n'a pas été établi de façon satisfaisante.

L'appelante a posé sa candidature pour un poste de coordonnateur des langues officielles à la GRC. Le concours comportait un exercice de simulation pour superviseur de la Commission de la fonction publique 428, examen à temps fixe (le temps alloué étant de deux heures et demie) au cours duquel l'appelante devait parachever certaines activités liées au travail. L'appelante a produit une lettre émanant de son psychologue dans laquelle il recommandait, affirmant qu'il avait obtenu d'elle quelques renseignements à titre préliminaire donnant à penser qu'elle avait de la difficulté à traiter des «renseignements nouveaux», que l'appelante ne soit soumise à aucune limite de temps pour l'examen; on lui a octroyé un délai supplémentaire de 50 % pour l'examen. Néanmoins, elle n'a pas obtenu la note de passage en ce qui concerne les «capacités et compétences» et n'a pas réussi le concours. Le comité d'appel a accueilli l'appel fondé sur l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique au motif que le comité de sélection de la GRC ne s'était pas acquitté de son fardeau de prouver que l'exercice de simulation constituait un «critère de l'exigence professionnelle justifiée». La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été accueillie au motif que le comité d'appel avait commis une erreur lorsqu'il a appliqué les critères, les présomptions et les fardeaux issus de la jurisprudence sur l'application des lois en matière de droits de la personne, alors que l'article 21 devait mettre en cause le principe du mérite. Le juge des demandes a également conclu que le comité d'appel s'était rendu coupable d'avoir agi de manière inéquitable à l'égard de l'intimé, le procureur général, puisqu'il a mis en application l'arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 ainsi que le renversement du fardeau dont il était question dans cet arrêt, sans avoir avisé le procureur général au préalable de son intention de le faire. Il s'agit d'un appel contre cette décision; selon l'appelante, la question fondamentale vise à déterminer la mesure dans laquelle les comités d'appel doivent appliquer les principes fondés sur les droits de la personne, comme l'obligation d'accommodement ou les exigences professionnelles justifiées, lorsqu'ils se prononcent sur la question de savoir si une personne a reçu une évaluation complète et équitable à l'occasion d'un processus de sélection au sein de la fonction publique fédérale.

Arrêt: l'appel est rejeté.

Il ressort clairement de la Loi canadienne sur les droits de la personne qu'on n'a pas prévu qu'elle aurait préséance sur les autres formes de réparation consenties, dans les secteurs de compétence fédérale, à l'égard des agissements ou des pratiques tout aussi susceptibles d'être régis par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans un appel fondé sur l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, l'objet consiste en l'application du principe fondamental tiré de cette Loi voulant que les nominations soient faites sur la base du mérite. Le juge des demandes a correctement énoncé certaines des questions à examiner dans les circonstances: le délai supplémentaire qui a été accordé était-il approprié compte tenu de la nature du poste? Le délai supplémentaire était-il équitable à l'égard des autres candidats? Le handicap de l'appelante supposait-il que celle-ci avait besoin de plus de temps? Un délai supplémentaire était-il approprié compte tenu de la nature de l'examen? Le comité d'appel s'est plutôt inspiré de l'interprétation qu'a adoptée la Cour suprême relativement à une loi provinciale en matière de droits de la personne. En l'espèce, l'appelante ne se plaignait pas en soi d'une discrimination exercée à son endroit, mais bien du fait qu'une autre personne a été nommée à un poste de façon incompatible avec le principe du mérite. On ne peut prétendre qu'il s'agisse là d'une preuve prima facie de discrimination. De plus, il s'agissait simplement d'une allégation portant que le lien entre le mérite et la méthode d'évaluation des compétences n'a pas été établi de façon satisfaisante.

Il n'apparaît pas opportun que l'instance se soit poursuivie aussi loin sans qu'une évaluation complète de la condition de l'appelante ne figure au dossier, évaluation dont les détails auraient fort bien pu avoir une influence déterminante sur le caractère raisonnable de l'examen.

lois et règlements

Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, ch. 210.

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 41(1)a),b).

Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 10 (mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 10), 12 (mod., idem, art. 11), 21 (mod., idem, art. 16; 1996, ch. 18, art. 15).

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

jurisprudence

décisions appliquées:

Burke c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1987), 125 N.R. 239 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Racicot (1997), 136 F.T.R. 111 (C.F. 1re inst.); Charest c. Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217; (1973), 2 N.R. 288 (C.A.); Blagdon c. Commission de la Fonction publique, [1976] 1 C.F. 615 (C.A.).

distinction faite d'avec: 

Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3; (1999), 176 D.L.R. (4th) 1; [1999] 10 W.W.R. 1; 66 B.C.L.R. (3d) 253; 127 B.C.A.C. 161; 46 C.C.E.L. (2d) 206; 244 N.R. 145.

APPEL de la décision de la Section de première instance (Canada (Procureur général) c. Girouard (2001), 202 F.T.R. 1) ayant accueilli une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un comité d'appel de la fonction publique en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Appel rejeté.

ont comparu:

David Yazbeck pour l'appelante.

J. Sanderson Graham pour les intimés.

avocats inscrits au dossier:

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne, Ottawa, pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Strayer, J.C.A.:

Introduction

[1]Le présent appel porte sur le critère approprié que doit appliquer un comité d'appel saisi d'un appel interjeté, en application de l'article 21 [mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 16; 1996, ch. 18, art. 15] de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, par un candidat non reçu à l'encontre d'une nomination à un poste au sein de la fonction publique du Canada.

Faits

[2]La Gendarmerie Royale du Canada (la GRC) a ouvert un concours interne en vue de doter un poste de coordonnateur des langues officielles à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Six personnes ont posé leur candidature, dont l'appelante et la deuxième intimée dans l'instance. Elles ont été avisées que le comité de sélection aurait notamment recours, comme outil de sélection, à l'exercice de simulation pour superviseur de la Commission de la fonction publique 428. Cet examen devait servir à évaluer les candidats au regard d'un groupe de compétences requises pour une nomination au poste à pourvoir. Ces compétences ont été décrites en ces termes:

[traduction]

Capacités et compétences:

Capacité de communiquer de vive voix et par écrit.

Capacité de gérer les ressources humaines et financières.

Capacité de dégager les difficultés et formuler des recommandations.

Capacité d'obtenir les résultats prévus en parachevant les activités dans un délai raisonnable.

[3]Avant la date de l'examen, l'appelante Carmel Girouard a produit une lettre émanant de son psychologue à la conseillère en ressources humaines de la GRC. Le psychologue a affirmé qu'il avait obtenu de l'appelante «quelques renseignements à titre préliminaire», bien qu'il ait clairement indiqué qu'il n'avait pas encore procédé à une évaluation psychologique comme elle le lui avait demandé, mais qu'il l'avait inscrite sur sa «liste d'attente». Ces renseignements donnent à penser que l'appelante avait de la difficulté à traiter des «renseignements nouveaux». Le psychologue était au courant que l'examen qu'elle devait subir était à temps fixe (le temps alloué étant de deux heures et demie). Il a déclaré que, d'après les renseignements obtenus, l'appelante ne devrait être soumise à aucune limite de temps; si toutefois il devait y en avoir une, cette limite devrait correspondre à tout le moins à deux fois plus de temps que le temps alloué pour l'examen habituel. Le Centre de psychologie du personnel de la Commission de la fonction publique (CFP) a tenu compte de ce renseignement et, sur la recommandation du Centre, la GRC a offert de composer avec l'appelante en lui octroyant un délai supplémentaire de 50 % pour l'examen, y compris deux pauses de dix minutes. Dans les motifs écrits à l'appui de ses recommandations, le Centre a tenu pour acquis que l'appelante puisse être atteinte du trouble déficitaire de l'attention (TDA), quoiqu'il ait reconnu que ce diagnostic n'avait pas été confirmé. En outre, le Centre a observé que le poste à pourvoir comportait des tâches liées à des demandes urgentes et qu'à son avis une prorogation supérieure à 50 % du temps alloué pour l'examen ne pourrait «respecter l'exigence justifiée par le poste».

[4]L'appelante s'est présentée à l'examen CFP 428 et n'a pas obtenu la note de passage en ce qui concerne les «capacités et compétences». Elle n'a donc pas réussi le concours, alors que la deuxième intimée dans l'instance, M. H. F. Gilbert, a vu son nom être placé sur la liste d'admissibilité aux fins de nomination.

[5]L'appelante a par la suite interjeté appel en application de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique à l'encontre de la nomination de Mme Gilbert. L'extrait pertinent de cet article est rédigé comme suit:

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

[6]Après avoir procédé à une longue énumération des éléments de preuve et des prétentions des parties, le comité d'appel a conclu en ces termes (comité d'appel, à la page 74):

[traduction] [. . .] l'exercice de simulation pour superviseur de la CFP 428, de par son délai fixe, comportait une norme à première vue discriminatoire qui, dans son cas, devait être modifiée à des fins d'accommodement. Ainsi, la question se pose de savoir si l'accommodement proposé par le comité de sélection par l'entremise du Centre de psychologie du personnel était raisonnable.

Après avoir tiré cette conclusion, la présidente du comité a fait sienne l'analyse de la Cour suprême du Canada dans un arrêt rendu seulement deux mois auparavant concernant l'application du Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, ch. 210, de la Colombie-Britannique soit l'arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (l'arrêt Meiorin) selon lequel dès l'établissement d'une preuve prima facie de discrimination, il incombe à l'employeur de démontrer que la norme d'emploi qui a privé la requérante de son emploi a été adoptée dans un but rationnellement lié à l'exécution du travail, avec la croyance sincère qu'elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail, et qu'elle était raisonnablement nécessaire dans les faits. Il y a lieu de noter que cet arrêt et les critères qui s'en dégagent n'ont pas été invoqués devant le comité. La présidente a toutefois jugé que le comité de sélection de la GRC ne s'était pas acquitté de son fardeau de prouver que l'exercice de simulation pour superviseur 428 constituait un «critère de l'exigence professionnelle justifiée». Elle a donc accueilli l'appel et renvoyé l'affaire au comité de sélection pour que celui-ci (comité d'appel, à la page 77):

[traduction] [. . .] se penche à nouveau sur la question de savoir comment composer avec l'incapacité de l'appelante lorsqu'il réévaluera les candidats sur leurs capacités et leurs compétences dans le cadre de ce concours.

Au nom de la GRC, le procureur général du Canada a sollicité le contrôle judiciaire de la décision rendue par le comité d'appel. Le demandeur a soulevé deux questions: 1) le comité d'appel a-t-il appliqué le critère juridique approprié pour décider si le principe du mérite avait été respecté dans le cadre de la procédure de nomination? 2) la présidente du comité a-t-elle violé les principes de justice naturelle lorsque, dans son application du critère de l'«exigence professionnelle justifiée», elle n'a pas fourni au demandeur la possibilité raisonnable d'aborder la question?

[7]Dans son analyse, en se fondant sur les exigences claires découlant des articles 10 [mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 10] et 12 [mod., idem, art. 11] de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique voulant que les nominations se fassent sur la base du mérite, le juge des demandes [(2001), 202 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.)] a débuté avec la proposition que le rôle du comité d'appel aux termes de l'article 21 consiste à décider si le processus de nomination s'est déroulé dans le respect du principe du mérite. Il a cité la jurisprudence de notre Cour pour appuyer la thèse selon laquelle le devoir du comité d'appel siégeant en appel en application de l'article 21 ne consiste pas à évaluer de nouveau les candidats, mais bien à déterminer si la nomination en question a été effectuée conformément au principe du mérite. De l'avis du juge, le comité d'appel a commis une erreur lorsqu'il a appliqué les critères, les présomptions et les fardeaux issus de la jurisprudence sur l'application des lois en matière de droits de la personne (l'arrêt Meiorin en étant un exemple). Le juge a déclaré que l'appel fondé sur l'article 21 devait mettre en cause le principe du mérite et, tout en reconnaissant que certaines mesures d'accommodement pouvaient être requises à l'égard d'une personne ayant un handicap, qu'il faudrait examiner la suffisance et la pertinence de telles mesures dans le contexte du principe du mérite. Il a relevé quelques questions que le comité aurait été fondé à considérer, questions auxquelles je reviendrai un peu plus loin. De plus, le juge a conclu que le comité d'appel s'était rendu coupable d'avoir agi de manière inéquitable à l'égard du demandeur, le procureur général, puisqu'il a mis en application l'arrêt Meiorin, ainsi que le renversement du fardeau dont il était question dans cet arrêt, sans avoir avisé la défenderesse au préalable de son intention de le faire. En conséquence, le juge a accueilli la demande de contrôle judiciaire et renvoyé l'affaire à un comité d'appel différemment constitué pour que celui-ci statue de nouveau sur l'affaire en conformité avec les motifs qu'il a rendus.

[8]Dans le présent appel, l'appelante estime que la question fondamentale se résume à (mémoire de l'appelante, au paragraphe 30):

[traduction] [. . .] la mesure dans laquelle les comités d'appel doivent appliquer les principes fondés sur les droits de la personne, comme l'obligation d'accommodement ou les exigences professionnelles justifiées, lorsqu'ils se prononcent sur la question de savoir si une personne a reçu une évaluation complète et équitable à l'occasion d'un processus de sélection au sein de la fonction publique fédérale.

L'appelante soutient qu'un comité d'appel est tenu de prendre en compte ces principes et qu'à défaut de le faire, le principe du mérite [traduction] «serait vide de sens dans la mesure où des personnes souffrant d'une incapacité seraient [. . .] en cause» (ibid).

Analyse

[9]Tout d'abord, une précision s'impose: à mon sens, la référence générale aux «principes en matière de droits de la personne» s'entend des dispositions législatives qu'on sait généralement être dérivées des lois en matière de droits de la personne et de la jurisprudence qui en découle. C'est certainement dans ce contexte que l'appelante cherche à voir son instance introduite sous la Loi sur l'emploi dans la fonction publique être assujettie à son interprétation des exigences prescrites par la Loi canadienne sur les droits de la personne [L.R.C. (1985), ch. H-6].

[10]Toutefois, il n'en demeure pas moins que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit un régime particulier pour les personnes que le gouvernement canadien embauche pour occuper différents postes. Cette loi existait bien avant l'avènement de la Loi canadienne sur les droits de la personne et a contribué pendant des décennies à mettre en valeur le principe du mérite dans le cadre des nominations faites dans la fonction publique.

[11]Il ressort clairement de la Loi canadienne sur les droits de la personne, telle qu'elle a été adoptée pour la première fois en 1976, qu'on n'a pas prévu qu'elle aurait préséance sur les autres formes de réparation consenties, dans les secteurs de compétence fédérale, à l'égard des agissements ou des pratiques tout aussi susceptibles d'être régis par la Loi canadienne sur les droits de la personne. À titre d'exemple, les alinéas 41(1)a) et b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoient:

41. (1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants:

a) la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

On a reconnu, par exemple, qu'il était à tout le moins loisible à la Commission canadienne des droits de la personne de refuser de statuer sur une plainte jusqu'à ce que celle-ci soit instruite sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [L.R.C. (1985), ch. P-35] (Burke c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1987), 125 N.R. 239 (C.A.F.)). Voir également Canada (Procureur général) c. Racicot (1997), 136 F.T.R. 111 (C.F. 1re inst). En l'occurrence, aucune plainte n'a été déposée par l'appelante ou en son nom auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

[12]Comme il a été mentionné précédemment, l'appel fondé sur l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique constitue un recours en appel qu'exerce un candidat non reçu à l'encontre d'une nomination et dont l'objet consiste en l'application du principe fondamental tiré de cette loi voulant que les nominations soient faites sur la base du mérite. Cet appel ne vise pas en soi à protéger les droits de l'appelante. La Cour l'a confirmé à plusieurs reprises (voir p. ex. Charest c. Procureur Général du Canada, [1973] C.F. 1217 (C.A.), à la page 1221; Blagdon c. Commission de la fonction publique, [1976] 1 C.F. 615 (C.A.), à la page 623). Il incombe encore à l'appelante de démontrer que la nomination n'a pas été effectuée sur la base du mérite. En effet, la norme 3 de la section 1 des Normes génériques de sélection et d'évaluation adoptées par la Commission de la fonction publique, à laquelle souscrivent autant l'appelante (mémoire de l'appelante, paragraphe 35) que le comité d'appel (à la page 67), prévoit notamment que (Recueil conjoint de jurisprudence et de doctrine, vol. II, onglet 45):

Dans tous les cas, l'utilisation de méthodes d'évaluation ou sources d'information différentes pour différents candidats ou candidates doit pouvoir se justifier du fait qu'une telle utilisation permet une évaluation plus juste et que les renseignements recueillis à travers ces différentes méthodes d'évaluation ou sources d'information peuvent être comparés entre eux.

Pour autant qu'on puisse en juger, cet extrait crée une présomption contre l'utilisation de différentes méthodes d'évaluation à l'égard de différents candidats. Il est manifeste qu'on vise à protéger le principe du mérite.

[13]Dans les faits, le ministère intimé pourrait devoir démontrer que, s'il avait effectivement pris des mesures pour composer avec un ou plusieurs candidats, cet accommodement était non seulement raisonnable compte tenu de la nature des besoins de ces candidats, mais qu'il n'était pas non plus inéquitable à l'endroit des autres candidats. Tout débat sur la question de l'accommodement s'inscrit entièrement dans la décision de savoir si le principe du mérite a été compromis. Je conviens avec le juge des demandes que ces questions auraient dû avoir été examinées en l'espèce [au paragraphe 34]:

(1) Le délai supplémentaire qui a été accordé était-il approprié compte tenu de la nature du poste?; (2) Le délai supplémentaire était-il équitable à l'égard des autres candidats?; (3) Le handicap de Mme Girouard supposait-il que celle-ci avait besoin de plus de temps?; (4) Un délai supplémentaire était-il approprié compte tenu de la nature de l'examen?

Le comité d'appel aurait dû s'attarder sur des questions de ce type.

[14]Le comité d'appel s'est plutôt inspiré de l'interprétation qu'a adoptée la Cour suprême relativement à une loi provinciale en matière de droits de la personne. Cet arrêt s'éloigne considérablement des questions dont le comité d'appel était saisi. Dans l'arrêt Meiorin, la plainte avait pour fondement une pratique discriminatoire exercée à l'égard de la plaignante et découlant de l'adoption d'une norme de compétence dont l'effet tendrait à exclure les femmes des emplois de pompier, ce qui constituait une preuve prima facie de discrimination. En l'espèce, l'appelante ne se plaint pas en soi d'une discrimination exercée à son endroit, mais bien du fait qu'une autre personne a été nommée à un poste de façon incompatible avec le principe du mérite. On ne peut prétendre qu'il s'agisse là d'une preuve prima facie de discrimination. Qui plus est, contrairement à l'arrêt Meiorin, nous ne sommes pas en présence ici d'une norme discriminatoire, mais simplement d'une allégation portant que le lien entre le mérite et la méthode d'évaluation des compétences (établie de bonne foi, si l'on se fie aux éléments de preuve dont on dispose), dont la légitimité n'a pas été mise en doute, n'a pas été établi de façon satisfaisante. Pour trancher la question, il faut examiner attentivement le problème, les éléments de preuve (tels qu'ils apparaissent au dossier) de l'incapacité potentielle de l'appelante, la nature de l'examen et sa pertinence au regard des exigences de l'emploi, le tout avec un souci d'équité à l'endroit des autres candidats.

[15]Avant de conclure sur cet aspect, je tiens à faire observer que trois tribunaux ont déjà été saisis du présent dossier, que le litige n'est pas encore clos et que le dossier se fonde entièrement sur des hypothèses quant à la nature et au degré de l'incapacité dont souffre l'appelante. Son psychologue s'est risqué à donner un avis par écrit sans avoir procédé au préalable à une évaluation. Le Centre de psychologie du personnel de l'intimé semble avoir attaché une valeur factuelle à cet avis, allant même jusqu'à tenir pour acquis qu'il s'agissait d'un diagnostic de TDA. Comme il fallait s'y attendre, le comité d'appel a instruit l'affaire en se fondant sur les hypothèses mises de l'avant par les parties. Même si je ne suis pas en mesure d'affirmer que ces hypothèses étaient inexactes au regard des faits, il ne m'apparaît pas opportun que l'instance se soit poursuivie aussi loin sans qu'une évaluation complète de la condition de l'appelante ne figure au dossier, évaluation dont les détails auraient fort bien pu avoir une influence déterminante sur le caractère raisonnable de l'examen.

Conclusion et dispositif

[16]Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens et renverrais l'affaire à un comité d'appel différemment constitué pour que celui-ci statue de nouveau sur l'affaire en conformité avec les présents motifs.

Le juge Isaac, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Sexton, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.