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[2002] 1 C.F.

LIEBMANN C. CANADA

A—602—98 2001 FCA 243

Lieutenant (N) Andrew S. Liebmann (Appellant)

V. Minister of National Defence, Chief of Defence Staff and Her Majesty the Queen (Respondents)

and League for Human Rights of B’nai Brith Canada and Canadian Jewish Congress (Interveners)

INDEXED As: LIEBMANN v. CANADA (MINISTER OF NA TION- AL DEFENCE) (C.A.)

Court of Appeal, Rothstein, Sexton and Evans JJ.A. —Vancouver, June 27; Ottawa, July 31, 2001.

Constitutional Law —— Charter of Rights —— Equality Rights —— Appeal from dismissal by F.C.T.D. of action for déclaration process for considering nomination to position with Canadian Forces in Middle East infringed Charter, s. I5 equality rights —Appellant denied posting as Jewish S. 15 dealing with equality rights with respect to “law" Charter applies to administrative decisions made pursuant to statutory authority Oflicers considering nomination acting pursuant to delegated statutory authority of Chief of Defence Stafir to control, administer Canadian Forces —— Décision not to appoint appellant subject to scrutiny under s. 15 Decision drew distinction between appellant, other members of Canadian Forces, subjected appellant to differential treatment on basis of personal characteristic

(religion) —— Difi’erential treatment amounted to discrimina- tion, both subjectively and objectively Decision to deny posting made in factual, evidentiary vacuum Neither political climates of Bahrain, Saudi Arabia nor approaches by other members of coalition deploying forces to region

considered ——Decision based upon presumed characteristics of Jews, Arabs Way of thinking perpetuating view appellant less worthy member of Canadian Forces, society as whole ——Appellant’s Charter, s. I5 rights breached.

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A-602-98 2001 CAP 243

Le lieutenant (N) Andrew S. Liebmann (appelant)

C. Le ministre de la Défense nationale, le chef d’état- major de la Défense et Sa Majesté la Reine (inti-

més)

et La Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada et le Congrès juif canadien (intervenants)

RÉPERTORIË: LIEBMANN c. CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NA TIONALE) (C.A.)

Cour d’appel, juges Rothstein, Sexton et Evans, J .C.A. —Vancouver, 27 juin; Ottawa, 3l juillet 2001.

Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l’égalité Appel de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale de rejeter une action visant l ’obtention d 'un jugement déclaratoire selon lequel le processus d 'examen d’une affectation au Moyen-Orient pour les Forces canadiennes portait atteinte à l'art. I5 de la Charte sur le droit à l 'e'galite' —— L ’appelant s 'est vu refuser l’affectation parce qu’il est juif L'art. 15 porte sur le droit à l ’égalité à l ’égard de la «loi» ~— La Charte s 'appli—

que aux décisions administratives qui sont prises en vertu d’un pouvoir prévu par la loi Les officiers chargés a’ ’examiner la candidature de l 'appelant agissaient confor— mément au pouvoir légal que possède le chef d’état-major de la Défense de diriger et de gérer les Fo rces canadiennes

——— La décision de ne pas nommer l’appelant est assujettie à un examen en vertu de l'art. 15 —— La décision en cause a établi une distinction entre l ’appelant et les autres membres des Forces canadiennes, et a assujetti l 'appelant à un traitement dijférent en raison d’une caractéristique person—

nelle (sa religion) —— Cette différence de traitement constitue de la discrimination, d ’un point de vue subjectif et objectif La décision de refuser l ’aflectation a été prise en l’absence de faits et d’éléments de preuve Qn n’a aucunement examiné le climat politique dans l ’Etat de

Bahreïn ou en Arabie saoudite ou les approches adoptées par les autres membres de la coalition qui déployaient des

forces dans la région ——— La décision se fonde sur de présumées caractéristiques propres aux juifs et aux arabes Cette conception perpétue l 'idée selon laquelle l ’appelant

était un membre moins digne des Forces canadiennes et de la société canadienne dans son ensemble —— Il y a violation des droits que confère l’art. 15 de la Charte à l’appelant.

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LIEBMANN v. CANADA

Armed Forces ——Naval Reservist nominatedfor Gulf War posting but not selected when superiors realized he was of Jewish religion Decision that “it was better not to send a Jew to the Middle East” Reservist unsuccessful before F.C.T.D. in action for déclarations Charter equality rights

infringed by process ending in rejection, CFAO 20—53 (peacekeeping policy) unconstitutional —— F. C.A. declining to deal with latter issue as moot, impugned order

subsequently replaced and, in any event, inapplicable as posting to war theatre —— Court unwilling to interfere with policies of military where evidentiary record incomplete Impugned décision made under delegated statutory authority of CDS under National Defence Act Rejection decision accordingly subject to Charter scrutiny Rejection demeaning Reservist's dignity, perpetuating view was less worthy member of Canadian Forces, society as whole Rejection decision taken in factual vacuum, no considération being given to political climates of Bahrain, Saudi Arabia

or approaches taken by other coalition members —— Trial Judge finding testimony of witnesses called by military not worthy of belief F.C.A. disapproving conduct of militmy authorities herein Should have squarelyfaced discrimina-

tion allégation, directed pleadings, évidence, argument to that issue.

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Forces armées - Un membre de la Réserve navale avait été désigné à une aficctation pour la guerre du Golfe, mais il n’a pas été choisi quand ses supérieurs se sont rendus compte qu'il était de religion juive ——— Ceux-ci ont décidé qu ’«il était préférable de ne pas envoyer un juif au Moyen-

Orient» - La Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l'action intentée par le réserviste en vue d’obtenir un jugement déclaratoire portant que le processus

se terminant par un rejet portait atteinte au droit à l'égalité que lui garantissait la Charte, et un jugement déclaratoire selon lequel l ’OAF C 20—53 (politique en matière de maintien de la paix) était inconstitutionnelle La C.A.F. a refitsé

d’examiner cette dernière question en raison de son carac- tère théorique, l ’ordonnance contestée ayant par la suite été remplacée et, de toute façon, elle ne s’appliquait pas en raison de l 'afi’ectation de l 'appelant sur le site de la guerre La Cour n’est pas disposée à modifier les politiques militaires lorsque le dossier est incomplet sur le plan de la

preuve ~— La décision contestée a été prise en vertu du pouvoir délégué que possède le CEMD aux termes de la Loi sur la défense nationale —— Elle est donc assujettie à un examen en vertu de la Charte —— Elle portait atteinte à la

dignité du réserviste et perpétuait I 'idée selon laquelle celui-ci était un membre moins digne des Forces canadien- nes et de la société canadienne dans son ensemble ——— La décision de refuser l 'ajfectation a été prise en l ’absence de faits, sans examen du climat politique dans I’Etat de Bahreïn et en Arabie saoudite ou des approches adoptées par les autres membres de la coalition —— Le juge de

première instance a conclu que le témoignage des témoins assignés par les Forces canadiennes n 'e’tait pas digne de foi La C.A.F. condamne la conduite des autorités militaires en l’espèce Elle aurait faire carrément face â I 'alléga- tion de discrimination et examiner les plaidoiries. la preuve et les arguments par rapport à cette question.

Judges and Courts —— Federal Court oprpeal Naval Reservist deniedposting to war theatre as of Jewish religion

—— Appeal from F.C. T.D. décision Canadian Forces Admin— istrative Order (CFAO) 20-53 on peacekeeping not contra- vening Charter s. 15 Application of S.C.C. decision in Borowski on approach to doctrine of mootness ~— Whether issues have become academic Court having discretion to address moot issue if circumstances warrant ~— Constitu- tionality ofCFAO 20-53 moot issue as no longer in effect——

Adversarial context existing as issue zealously argued by parties at trial But discretion not exercised in view of Court ’s awareness ofproper role in law-making process Court not prepared to interfere with policies of military on

incomplète evidentiary record.

Juges et tribunaux —— Cour d'appel fédérale Un membre de la Réserve navale se voit refitser une affectation

au site d 'une guerre parce qu’il est de religion juive Appel d ’une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale selon laquelle l 'Ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAF C) 20-53 en matière de maintien de la paix ne contrevient pas à l’art. 15 de la Charte —Application de l 'approche énoncée par la C.S. C. dans l’arrêt Borowski en ce qui touche la doctrine relative

au caractère théorique —— Les questions sont-elles devenues théoriques? La Cour a le pouvoir discrétionnaire d ’exa- miner une question théorique si les circonstances le justi- fient La constitutionnalité de l 'OAF C 20—53 est une

question théorique parce que la politique ne s ’applique plus Il y a un débat contradictoire parce que les parties ont défendu avec ferveur leur position au procès Mais, prenant en considération sa fonction véritable dans I ’e'labo— ration du droit, la Cour n ’exerce pas son pouvoir discrétion-

naire -——— La Cour n 'est pas disposée à modifier les politi- ques militaires en se fondant sur un dossier incomplet sur

le plan de la preuve.

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LIEBMANN C. CANADA

This was an appeal from the Trial Judge’s dismissal of an action for a declaration that the process by which the appellant’s nomination to a position in the Middle East during the 1990—1991 Persian Gulf crisis was considered,

had infringed his right to equality under Charter, section 15; and a déclaration that Canadian Forces Administrative Order 20-53, “Policy for the Employment of Canadian Forces Personnel on Peacekeeping Duty”, which foresees the possibility that certain personnel may be restricted from participating in peacekeeping operations due to the “cultural, religious or other sensitivities of the parties or host country”

was unconstitutional.

3]

Il s’agit d’un appel de la décision du juge de première instance de rejeter une action visant l’obtention d’un

jugement déclaratoire selon lequel processus par lequel l’affectation de l’appelant au Moyen—Orient pendant la

guerre du Golfe de 1990—1991 avait été examinée portait atteinte au droit à l’égalité qui lui était reconnu par l’arti- cle 15 de la Charte, et d’un jugement déclaratoire selon lequel est inconstitutionnelle l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes 20-53, intitulée: «Politique sur l’affectation du personnel des Forces canadiennes à des fonctions de maintien de la paix», qui prévoit la possibilité

que certains membres du personnel ne puissent pas partici— per à des opérations de maintien de la paix à cause de «sensibilités culturelles, religieuses ou autres des parties en cause dans le conflit ou de la population ce conflit a

lieu».

Thé appellant was nominated for the position of Executive Assistant (EA) to thé Commander of the Canadian Forces Task Force in thé Middle East during the Persian Gulf crisis, but did not get thé position because he is Jewish. At

the time the Canadian Forces had no formal policy regarding the consideration of personal characteristics such as religion in the selection of personnel for employment in non-

peacekeeping opérations. Thé décision that the appellant would not be selected for the posting followed discussions by several staff officers and their superiors on the question as to whether the appellant’s religion might have a détri— mental impact upon his ability to carry out the duties of the

EA position and upon his personal safety. The appellant claimed that the refusal to appoint him to the position constituted discrimination contrary to Charter of Rights, section 15. Thé Trial Judge found that thé appellant had legitimate grievances with respect to thé manner in which

the defendants conducted themselves in the selection process, but did not directly address the appellant’s alléga- tion that this conduct had infringed his right to equality. He found that CFAO 20-53 was not contrary to the equality provisions of thé Charter and that, in any évent, it had no application herein since thé opération was not a peacekeeping mission.

L’appelant a été désigné à l’affectation d’adjoint adminis- tratif (AA) du cormnandant de la force opérationnelle des

Forces canadiennes au Moyen-Orient pendant la guerre du Golfe, mais il n’a pas obtenu le poste parce qu’il était juif.

A ce moment-là, les Forces canadiennes n’avaient pas de politique officielle au sujet de l’examen de caractéristiques personnelles telles que la religion dans la sélection du

personnel aux fins de l’affectation à des opérations qui ne relevaient pas du maintien de la paix. La décision que l’appelant ne serait pas choisi en vue d’occuper le poste en question découle discussions de plusieurs officiers d’état-major et de leurs supérieurs sur la question de savoir

si la religion de l’appelant était susceptible de nuire à sa capacité de s’acquitter des fonctions du poste d’AA ainsi qu’à sa sécurité personnelle. L’appélant prétend que le refus de le nommer à ce poste constituait de la discrimination en violation de l’article 15 de la Charte. Le juge de première

instance était d’avis que l’appelant avait des griefs légitimes à l’égard de la façon dont les défendeurs s’étaient comportés lors du processus de sélection, mais il n’a pas examiné directement l’allégation de l’appelant selon laquelle cette conduite portait atteinte à son droit à l’égalité. ll a conclu que l’OAFC 20-53 n’allait pas à l’encontre des dispositions de la Charte relatives à l’égalité et que, de toute façon, cette ordonnance administrative ne s’appliquait pas en l’espèce puisque l’opération en cause n’était pas une mission de

maintien de la paix

Thé issues were: (l) Whether thé Court should inquire into thé constitutionality of CFAO 20-53; (2) whether thé appellant’s rights to equality under Charter, section 15 were limited by thé process by which his nomination for thé EA position was considered; and (3) if thé appellant’s equality rights were limited, Whether those limits were such “reason—

able limits described by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society”.

Held, that part of the appeal dealing with thé process by which thé respondents considered thé appellant’s nomination

for thé EA position should be allowed.

Les questions litigieuses sont les suivantes: 1) La Cour devrait-elle enquêter sur la constitutionnalité de l’OAFC 20-53? 2) Le droit à l’égalité reconnu à l’appelant en vertu de l’article 15 de la Charte est—il limité par le processus par lequel sa mise en candidature au poste d’AA a été examinée? 3) S’il a été porté atteinte au droit à

l’égalité reconnu à l’appelant, ce droit a—t-il été restreint «par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonna- bles et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique»?

Arrêt: la partie de l’appel qui se rapporte au processus par lequel les intimés ont examiné la candidature de l’appelant

au posté d’AA est accueillie.

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LIEBMANN v. CANADA

(1) CFAO 20-53 was not applied to preclude thé appellant from participating in Operation Friction. That Order was not issued until March 1991, a month after thé décision was made not to appoint him to the position with the contingent of the Canadian Forces in the Middle East (CFME). More— over, thé policy set out therein applied only to the selection of personnel for peacekeeping opérations. Thé Middle East opération was not a peacekeeping opération. In fact, Canada was engaged in active hostilities with Iraq. Thus the Order would not have applied to the selection of the appellant even if it had been in force in Januaiy and February 1991.

Similarly, screening policies contained in directives that preceded CFAO 20-53 all dealt expressly with peacekeeping opérations, and did not apply to the appellant’s nomination.

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1) On n’a pas appliqué l’OAFC 20—53 de façon à empê— cher l’appelant de participer à l’Opération Friction. L’ordon- nance n’a été délivrée qu’au mois de mars 1991, un mois après qu’on eut décidé de ne pas désigner l’appelant aux fins du service dans le contingent des Forces canadiennes au Moyen-Orient (FCMO). En outre, la politique énoncée dans l’OAFC 20—53 s’appliquait uniquement à la sélection du personnel pour les opérations de maintien de la paix. L’opération au Moyen-Orient n’était pas une opération de maintien de la paix. De fait, le Canada prenait activement part aux hostilités contre l’Iraq. Par conséquent, l’ordon-

nance ne se serait pas appliquée à la sélection de l’appelant même si elle avait été en vigueur aux mois de janvier ct de février 1991. De même, les politiques de présélection

énoncées dans les directives qui ont précédé l’OAFC 20-53

traitaient toutes expressément des opérations de maintien de la paix et ne s’appliquaient pas à la mise en candidature de l’appelant.

The constitutionality of CFAO 20—53 was a moot issue. The policy is no longer in effect. The policy that superseded it, CANFORGEN 113/99 (which did not come into force until more than one year after thé Trial Division judgment

herein was released) contains different wording than CFAO 20-53 and would have to be evaluated on its own merits. The Court followed the approach to the doctrine of

mootness enunciated by the Supreme Court in Borowski and declined to exercise its discretion to address the moot issue in view of an awareness of its proper role in the law-making process. At trial, the parties had submitted arguments regarding their positions with respect to the constitutionality of CFAO 20-53 and thé Court had before it a complété

record related to that policy. But any finding with respect to CFAO 20—53 could impact only that policy. Furthermore,

there was no evidence showing how the successor policy has been or is being applied. Even if a prima facie breach of

section 15 were established, the respondents did not have the opportunity to lead evidence relevant to the justification of any limitation of Charter rights with respect to CANFORGEN 113/99 because it did not exist at the time of the trial. The Court declined to interfere with thé respon- dent’s policies on the basis of an unavoidably incomplete

evidentiary record.

(2) The Charter applies to administrative decisions made pursuant to statutory authority. There was no selection policy herein to apply to the appellant’s nomination and

circumstances, but thé impugned décision was made under delegated statutory authority. Under the National Defence Act, the CDS is charged with thé control and administration of all of the Canadian Forces. The Queen ’s Regulations and Orders for the Canadian Forces provide a basis for thé CDS’s délégation of his authority to various officers. Thus, all of the officers involved in the process of considering the appellant’s nomination were acting pursuant to the CDS’s

statutory authority to control and administer the Canadian

La constitutionnalité de l’OAFC 20—53 est une question théorique. La politique ne s’applique plus. La politique qui l’a remplacée, CANFORGEN ll3/99 (qui n’est entrée en vigueur qu’au moins un an après le prononcé du jugement

de première instance) est libellée en des termes différents ct devrait être appréciée selon les faits qui lui sont propres. La Cour suit l’approche énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Borowski en ce qui touche la doctrine relative au

caractère théorique, et, prenant en considération sa fonction véritable dans l’élaboration du droit, elle refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour examiner la question théorique. Au procès, les parties ont défendu leur position en ce qui concerne la constitutionnalité de l’OAFC 20-53 et la Cour disposait d’un dossier complet au sujet dc cette politique. Mais, toute conclusion relative à l’OAFC 20-53 pourrait influer uniquement sur cette politique. En outre, il n’y a aucun élément de preuve établissant les modalités

d’application passées et présentés de la politique remplaçam te. Même si la violation de l’article 15 était établie prima facie, les intimés n’ont pas eu la possibilité de présenter à l’égard du CANFORGEN 113/99 une preuve sur la question de la justification des restrictions apportées aux droits

garantis par la Charte, puisque cette politique n’existait pas au moment du procès. La Cour a refusé de modifier les politiques de l’intimé en se fondant sur un dossier inévita— blement incomplet sur plan de la preuve.

2) La Charte s’applique aux décisions administratives qui sont prises en vertu d’un pouvoir prévu par la loi. En l’espèce, il n’y avait pas de politique de sélection à appli-

quer à la mise en candidature de l’appelant et aux circons- tances, mais la décision contestée a été prise en vertu d’un

pouvoir délégué prévu par la loi. En vertu de la Loi sur la défense nationale, le CEMD assure la direction et la gestion

des Forces canadiennes. Les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes servent de fondement à la délégation du pouvoir du CEMD en faveur de divers officiers. Par conséquent, tous les officiers en cause dans le processus d’examen de la candidature de

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Forces. As such, thé décision to not appoint him to the EA position was subject to scrutiny under Charter, section 15.

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l’appelant agissaient conformément au pouvoir légal que possède le CEMD de diriger et de gérer les Forces canadien- nes. Partant, la décision de ne pas nommer l’appelant au poste d’AA est assujettie à un examen en vertu de l’arti-

cle 15 de la Charte.

All three elements of a subsection 15(1) analysis were met: thé decision-makers who considered thé appellant’s nomination drew a distinction between him and other members of the Canadian Forces, and subjected him to differential treatment on thé basis of a personal characteris- tic—his religion, and thé differential treatment of the

appellant’s nomination amounted to discrimination in thé constitutional sense. Based on thé appellant’s testimony, the decision had a profound impact upon his human dignity, the very thing that subsection 15(1) was meant to protect. The respondents conceded that thé appellant’s dignity was

demeaned in the subjective sense, and they were unable to show how the objective portion of the analysis of whether the appellant’s dignity had been demeaned had not been made out. Any reasonable observer in similar circumstances would conclude that the manner in which thé appellant was treated did demean his dignity.

The decision seems to have been reached in a factual and evidentiary vacuum. There was no réal considération of the political climates of Bahrain or Saudi Arabia or the manner

in which a Jewish Canadian officer might be perceived by military officials or citizens of those countries. No efforts were made to ascertain the views of any of the states of thé Persian Gulf région. No attempt was made t0 détermine thé approaches being takén by other members of the coalition

who were deploying forces to thé région. In fact, the United

States had more Jewish personnel in the region than thé total of all Canadian forces. By confining whatever analysis they

made to a simplistic “Jewish officer in an Arab state”

model, the decision-making officers applied stereotypical thinking and based their decision upon presumed characteris- tics of both Jews and Arabs. This way of thinking perpetu— ated the view that the appellant was a less worthy member of the Canadian Forces and therefore of Canadian society as a whole. The CDS, through his delegates, limited the appellant’s rights to equal treatment under thé law and equal benefit of the law in a discriminatory manner, contrary to

Charter, section 15.

On a satisfait aux trois éléments de l’analyse relative au paragraphe 15(1): les décideurs qui examinaiént la candida— ture de l’appelant ont fait une distinction entre celui-ci et les autres membres des Forces canadiennes, et l’ont assujetti à

un traitement différent en raison d’une caractéristique personnelle——sa religion, ce qui constituait de la discrimi-

nation au sens constitutionnel du terme. Sur la base du témoignage l’appelant, la décision avait des répercussions profondes sur la dignité humaine de l’appelant, soit la chose même que le paragraphe 15(1) vise à protéger. Les intimes concédent qu’il a été porté atteinte à la dignité de l’appelant

au sens subjectif du terme et n’ont pas pu expliquer pour- quoi l’élément objectif l’analyse de la question de savoir si on a porté atteinte à la dignité de l’appelant n’avait pas

été prouvé. Tout observateur raisonnable se trouvant dans une situation similaire conclurait que la façon dont l’appe-

lant a été traité portait atteinte à sa dignité.

On semblé être parvenu à cette décision en l’absence de faits et d’éléments de preuve, Il n’y a eu aucun examen réel du climat politique, dans l’Etat de Bahreïn ou en Arabie

saoudite, ou de la façon dont un officier juif canadien pourrait être perçu par les autorités militaires ou par les citoyens ces pays. Aucun effort n’a été fait en vue de connaître le point de vue des Etats de la région du Golfe persique. Aucune tentative n’a été faite pour déterminer les

approches adoptées par les autres membres la coalition

qui déployaient des forces dans la région. fait, lés Etats-Unis avaient un plus grand nombre membres juifs

dans la région que toutes les forces canadiennes dans leur

ensemble. En limitant leur analyse un modèle simpliste, soit celui de «l’officier juif dans un Etat arabe», les officiers qui ont pris la décision ont appliqué des idées stéréotypéés et ont fondé leur décision sur de présumées caractéristiques propres aux juifs et aux arabes. Cette conception perpétuait l’idée selon laquelle l’appelant était un membre moins digne

des Forces canadiennes et, par conséquent, de la société canadienne dans son ensemble. Le CEMD, par l’intermé-

diaire de ses représentants, a restreint les droits à l’égalité de traitement en vertu de la loi et au même bénéfice de la loi

garantis à l’appelant, et ce, d’une façon discriminatoire, en violation de l’article 15 de la Charte.

(3) The burden was on the respondents to show, on the preponderance of probabilities, that the limitation was reasonable and demonstrably justified. Since their written submissions advanced no argument attempting to show that the impugned decision was reasonable or demonstrably justified, they had not discharged that burden.

3) Il incombe aux intimés de démontrer, selon la prépon— dérance dés probabilités, que les limités étaient raisonnables

et que leur justification pouvait se démontrer. Les intimés ne se sont pas acquittés de l’obligation qui leur incombait, puisque, dans leurs observations écrites, ils n’ont pas avancé

d’arguments en vue tenter de démontrer que la décision contestée était raisonnable ou que sa justification pouvait se

démontrer.

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LIEBMANN v. CANADA

Thé Trial Judge did not believe the testimony of respon— dents’ witnesses to the effect that the appellant did not get the EA position because there was no position to fill.

Respondents’ conduct, as described by the Trial Division Judge, was disapproved of by the Court of Appeal. The respondents should have faced the complaint of discrimina- tion under section 15 squarely, madé an honest assessment of whether the action takén was discriminatory and if so, whether it could be justified. The pleadings, evidence and argument should have been addressed to these issues.

STATUTES AND REGULATIONS JUDICIALLY CONSIDERED

Canadian Charter of Rights and Freedoms, being Part I of the Constitution Act, I982, Schedule B, Canada Act1982, 1982, c. 11 (U.K.) [R.S.C., 1985, Appendix II, No. 44], ss. 1, 15(1). Canadian Forces Administrative Orders, 20-53. Charter of the United Nations, June 26, 1945, [1945]

Can. T.S. No. 7.

National Defence Act, R.S.C., 1985, c. N-5, s. 18(1), (2). Queen ’s Regulations and Orders for the Canadian Forces (1994 Revision).

CASES JUDICIALLY CONSIDERED APPLIED: Borowski v. Canada (Attorney General), [1989] 1 S.C.R. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Slaight Communications Inc. v. Davidson, [1989] 1 S.C.R. 1038; (1989), 59 D.L.R. (4th) 416; 26 C.C.E.L. 85; 89 CLLC 14,031; 40 C.R.R. 100; 93 N.R. 183; Eldridge v. British Columbia (Attorney General), [1997] 3 S.C.R. 624; (1997), 151 D.L.R. (4th) 577; [1998] 1 W.W.R. 50; 38 B.C.L.R. (3d) 1; 96 B.C.A.C. 81; 218 N.R. 161; Andrews v. Law Society of British Columbia, [1989] 1 S.C.R. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2

W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 25 C.C.E.L. 255; 10 C.H.R.R. D/5719; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255; Law v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1999] 1 S.C.R. 497; (1999), 170 D.L.R. (4th) l; 43

C.C.E.L. (2d) 49; 236 N.R. 1.

REFERRED TO: The Queen v. Cakes, [1986] l S.C.R. 103; (1986), 26 D.L.R. (4th) 200; 24 C.C.C. (3d) 321; 50 C.R. (3d) 1; 19 C.R.R. 308; 65 N.R. 87; 14 O.A.C. 335.

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Le jugé de première instance n’a pas cru la déposition des témoins des intimés selon laquelle l’appelant n’a pas obtenu le posté d’AA parce qu’il n’y en avait aucun à combler. La

Cour d’appel condamne la conduite des intimés décrite par le juge de première instance. Les intimés auraient faire carrément face à la plainte de discrimination fondée sur l’article 15 et déterminer d’une façon honnête si la mesure qui a été prise était discriminatoire et, dans l’affirmative, déterminer si sa justification pouvait se démontrer. Les

plaidoiries, la preuve et les arguments auraient ensuite être examinés par rapport à ces questions.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie 1 de la Loi constitutionnelle de I982, annexe B, Loi de I982 sur le Canada, 1982, ch. ll (R.—U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44], art. I,

15(1). Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, [1945] R.T.

Can. 7.

Loi sur la défense nationale, L.R.C. ( 1985), ch. N-5, art. 18(1),(2).

Ordonnances administratives des Forces canadiennes,

20—53. Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (Révision de 1994).

JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES: Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) l;

33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1R.C.S. 1038; (1989), 59 D.L.R. (4th) 416; 26 C.C.E.L. 85; 89 CLLC 14,031; 40 C.R.R. 100; 93 N.R. 183; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624; (1997), 151 D.L.R. (4th) 577; [1998] 1 W.W.R. 50; 38 B.C.L.R. (3d) 1; 96 B.C.A.C. 81; 218 N.R. 161; Andrews c. Law Society cf British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989),

56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 25 C.C.E.L. 255; 10 C.H.R.R. D/5719; 36 C.R.R. 193; 9l N.R. 255; Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] l R.C.S. 497;

(1999), 170 D.L.R. (4th) l; 43 C.C.E.L. (2d) 49; 236 N.R. 1.

DÉCISION CITÉE: La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; (1986), 26 D.L.R. (4th) 200; 24 C.C.C. (3d) 321; 50 C.R. (3d) l; 19 C.R.R. 308; 65 N.R. 87; 14 O.A.C. 335.

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN c. CANADA

APPEAL from the Trial Division judgment (Liebmann v. Canada (Minister of National Defence),

[1999] 1 F.C. 20; (1998), 151 F.T.R. 303 (T.D.)) dismissing an action for a déclaration that thé manner in which the appellant’s nomination for a posting during the Persian Gulf crisis was dealt with infringed his constitutional right to equality under Charter, section 15 and for a declaration that Canadian Forces Administrative Order 20-53 was unconstitutional. The appeal was allowed on the Charter, section 15 issue; the constitutionality of CFAO 20-53 was a moot issue

which the Court declined to address.

35

APPEL d’un jugement de la Section de première instance (Liebmann c. Canada (Ministre de la Défense

nationale), [1999] l C.F. 20; (1998), 151 F.T.R. 303 (1re inst.)), rejetant une action visant l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que la manière dont l’affectation de l’appelant pendant la guerre du Golfe avait été examinée portait atteinte au droit constitu— tionnel à l’égalité qui lui était reconnu par l’article 15 de la Charte, et d’un jugement déclaratoire selon lequel l’Ordonnance administrative des Forces cana- diennes 20-53 était inconstitutionnelle. L’appel est

accueilli en ce qui touche la question relative à l’article 15 de la Charte; 1a constitutionnalité de l’OAFC 20—53 est une question théorique que la Cour

refuse d’examiner.

APPEARANCES: Samuel D. Hyman and Robert J. Kincaid for appellant. Linda J. Wall for respondent. David Matas for intervener League for Human Rights of B’nai Brith Canada.

David J. Stuart for intervener Canadian Jewish Congress.

SOLICITORS OF RECORD: Law Corporation, Vancouver, for appellant. Deputy Attorney General of Canada for respon- dent. David Matas, Winnipeg, for intervener League for Human Rights of B’nai Brith Canada.

Kahn Zack Ehrlich Lithwick, Richmond, British Columbia, for intervener Canadian Jewish Con— gress.

The following are the reasons for judgment ren— dered in English by

[1] SEXTON J.A.: Lieutenant Andrew S. Liebmann was such a proven and accomplished member of the Canadian Forces’ Naval Reserve that he was nomi~ nated for thé important post of Executive Assistant to the Commander of the Canadian Forces Task Force in the Middle East during thé Persian Gulf crisis. None-

ONT COMPARU: Samuel D. Hyman et Robert J. Kincaid pour l’appelant. Linda J. Wall pour l’intimé. David Matas pour l’intervenante la Ligue des droits de la personne de B’nai Brith Canada.

David J. Stuart pour l’intervenant le Congrès juif canadien.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Law Corporation, Vancouver, pour l’appelant. Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé. David Matas, Winnipeg, pour l’intervenante la Ligue des droits de la personne de B’nai Brith

Canada. Kahn Zack Ehrlich Colombie-Britannique, Congrès juif canadien.

Lithwick, Richmond, pour l’intervenant

le

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1] LE JUGE SEXTON, J.C.A.: Le lieutenant Andrew S. Liebmann était un membre si expérimenté et accompli de la Réserve navale des Forces canadiennes qu’il a été désigné à l’affectation importante d’adjoint

administratif du commandant de la force opération- nelle des Forces canadiennes au Moyen-Orient pendant

36

LIEBMANN v. CANADA

theless, was not appointed to the position. The only objection takén to his nomination was his religion. was Jewish. This appeal deals with his claim that thé refusal to appoint him to thé position to which he was nominated constituted discrimination contrary to subsection 15(1) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms [being Part I of the Constitution Act, I982, Schedule B, Canada Act 1982, 1982, c. ll (U.K.) [R.S.C., 1985, Appendix II, No. 44]].

Facts [2] The appellant joined thé Naval Réserve in 1983 and served in a variety of roles while completing a university degree and during subsequent employment as a public affairs Specialist. By late 1990, had attained the rank of Lieutenant and had qualified as a ship’s officer of the watch and as a clearance diver. was serving as an officer in HMCS Discovery, thé Naval Réserve Division (or unit) in Vancouver. When the events giving rise to this litigation took place, he was employed by the Government of British Columbia

as a communications officer, serving his réserve commitment by attending at his unit several evenings a week.

[3] On August 4, 1990, Iraq invaded and occupied Kuwait. During the weeks that followed, Canada commenced Opération Friction——the deployment of a contingent of military forces to the Persian Gulf region in order to enforce a number of resolutions

passed by thé United Nations Security Council pursu- ant to Chapter VII of the U.N. Charter.1 The contin- gent, known as Canadian Forces Middle East (CFME), was commanded by Commodore Kenneth Summers. His headquarters was in the Emirate of Bahrain. Part

of the headquarters’ establishment included an Execu-

tive Assistant (EA) on thé commander’s small pér— sonal staff.

[4] At thé time of CFME’s deployment, Canada’s commitment of forces was open-ended. As such, plans

[2002] 1 F.C.

la guerre du Golfe. Néanmoins, il n’a pas été nommé au posté en question, et ce, uniquement à cause de sa religion. En effet, il était juif. Le présent appel porte

sur l’allégation que l’appelant a faite, à savoir que le refus de le nommer au poste auquel il avait été désigné constituait de la discrimination en violation du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitu— tionnelle de 1982, annexe B, Loi de I982 sur le Canada, 1982, ch. ll (R.-U.) [L.R.C. (1985), appen— dice II, 44]].

Les faits

[2] L’appelant s’est enrôlé dans la Réserve navale en 1983; il a exercé différentes fonctions pendant qu’il effectuait ses études universitaires et, par la suite, pendant qu’il travaillait comme spécialiste des rela-

tions publiques. À la fin de 1990, il était lieutenant et il s’était qualifié à titré d’officier de quart et de

plongeur démineur. Il était officier auprès du NCSM

Discovery, Division (ou unité) de la Réserve navale, à Vancouver. Lorsque les événements ayant donné lieu au présent litige se sont produits, l’appelant travaillait

pour le gouvernement de la Colombie—Britannique à titré d’agent de communication; il s’acquittait de son

engagement dans la réserve en se présentant à son unité plusieurs soirs par semaine.

[3] Le 4 août1990, l’Iraq a envahi et occupé le Koweït. Au cours des semaines qui ont suivi, le Canada a entamé l’Opération Friction—le déploiement d’un contingent: forces militaires dans la région du Golfe persique visant à la mise en oeuvre d’un certain

nombre de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies conformément au chapitre VII de la Charte de l’ONU'. Le contingent, connu

sous le nom des Forces canadiennes au Moyen-Orient (les FCMO) était commandé par le commodore

Kenneth Summers. Son quartier général était situé

dans l’État de Bahreïn. L’effectif du quartier général comprenait notamment un adjoint administratif (AA) faisant partie du personnel particulier du commandant, dont le nombre de membres était peu élevé.

[4] Au moment du déploiement des FCMO, l’enga- gement des forces du Canada était de durée indétermi—

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN c. CANADA

were developed to rotate personnel and units after a period of time so as to maintain thé force at an optimum level of readiness. On December 24, 1990, thé Commander of Maritime Command, who was responsible to the Chief of Defence Staff (CDS) for thé génération of personnel to fill certain headquarters

positions, caused a message to be sent to all Naval Reserve Divisions. A portion of that message called for nominations of officers qualified to fill the position of EA to the Commander beginning in March 1991.

37

née. Cela étant, des plans ont été élaborés afin d’effec— tuer uné rotation du personnel et des unités au bout d’un certain temps, de façon à maintenir la force à un

niveau optimal de préparation. Le 24 décembre 1990, le commandant du Commandement maritime, qui était responsable devant le chef d’état-major de la Défense

(lé CEMD) d’assurer le personnel nécessaire afin pourvoir à certains postes au quartier général, a fait en sorte qu’un message soit envoyé à toutes les divisions

la Réserve navale. Ce message se rapportait en

partie à la désignation d’officiers qualifiés pour pourvoir au poste d’AA auprès du commandant à compter du mois de mars 1991.

[5] The appellant, who was highly motivated to participate in thé Persian Gulf opération and who met

all of the requirements set out in the message, was

nominated for the EA position by his Commanding Officer. A message to that effect was sent on January

[5] L’appelant, qui voulait absolument participer à l’opération dans le Golfe persique et qui satisfaisait à

toutes les exigences énoncées dans le message, a été

désigné pour le poste d’AA par son commandant. Un message en ce sens a été envoyé le 11 janvier 1991.

11, 1991.

[6] Thé Maritime Command staff officers charged with recommending an officer for the EA position

seem to have initially looked favourably upon the appellant’s nomination. On January 21, 1991, they sent a message to the Directorate of Military Manning

at National Défenee Headquarters, recommending that the appellant be “hired” under a reserve force contract.

The message indicated that he was being considered for the EA position. The Commanding Officer Naval Divisions (the commander of all naval réserve units) concurred in thé recommendation. Upon receipt of a

copy of this message, thé appellant, with the assis-

tance of thé regular force Administration Officer at

HMCS Discovery, bégan to make more spécifie préparations to deploy to Bahrain, following a set of “joining instructions” which had been faxed to him.

[6] Les officiers d’état-major au Commandement maritime qui étaient chargés recommander un

officier pour le poste d’AA semblent avoir initialement bien accueilli la candidature de l’appelant. Le 21 jan- vier 1991, ils ont envoyé un message à la Direction de

l’effectif militaire au quartier général de la Défense nationale et ont recommandé que l’appelant soit

«embauché» en vertu d’un contrat de la Force de réserve. Le message indiquait que la candidature de l’appelant au poste d’AA était à l’étude. Les divisions navales du commandant (le commandant de toutes les unités de la Réserve navale) souscrivait à la recom—

mandation. Sur réception d’une copié de ce message,

l’appelant, avec l’aide de l’officier d’administration de la Force régulière, NCSM Discovery, a commencé à faire dés préparatifs plus précis en vue du déploiement

à Bahreïn, à la suite d’une série d’«instructions ralliement» qui lui avaient été télécopiées.

[7] At some point during the same time period, the Maritime Command staff became aware that the

appellant was Jewish.

[8] At that time, thé Canadian Forces had no formal policy regarding thé consideration of personal charac-

teristics such as religion in thé Sélection of personnel

[7] À un moment donné au cours de la même période, le personnel du Commandement maritime a

appris que l’appelant était juif.

[8] À ce moment-là, les Forces canadiennes n’avaient pas de politique officielle au sujet de l’exa—

men caractéristiques personnelles telles que la

38

LIEBMANN v. CANADA

for employment in non-peacekeeping opérations. Several staff officers and their superiors at both Maritime Command and National Defence Headquar— ters allegédly discussed thé possibility that under thé circumstances, thé appellant’s religion might have a detrimental impact upon his ability to effectively carry out the duties of the EA position and upon his per- sonal safety. Thé result of these discussions was a

decision that the appellant would not be selected for the position. In the end, the incumbent EA was not replaced.

[9] The appellant was informed in late January or early February of 1991 that he had not been selected for thé EA position. was upset and disappointed. contacted one of the staff officers who had partici-

pated in the décision-making process and was told that thé superior officers had “decided that it was better

not to send a Jew to the Middle East.”

[10] Thé appellant pursued several avenues of redress, finally bringing an action in thé Trial Division of this Court [[1999] l F.C. 20 (T.D.)]. In his prayer for relief he sought a declaration that the process by

which his nomination was considered had infringed his constitutional right to equality under the Canadian Charter of Rights and Fr eedoms as well as a number of statutory rights. He also sought declarations and

injunctions relating to Canadian Forces Administrative Order (CFAO) 20-53, “Policy for thé Employment of Canadian Forces Personnel on Peacekeeping Duty”,

which foresees the possibility that certain personnel may be restricted from participating in peacekeeping operations due to the “cultural, religious or other sensitivities of thé parties or host country”.

[2002] 1 F.C.

religion dans la Sélection du personnel aux fins de l’affectation à des opérations qui relevaient pas du maintien de la paix. Plusieurs officiers d’état—major et leurs supérieurs tant au Cormnandement maritime qu’au quartier général de la Défense nationale ont censément discuté de la possibilité qu’eu égard aux circonstances, la religion de l’appelant nuise à sa capacité de s’acquitter d’une façon efficace des

fonctions du posté d’AA ainsi qu’à sa sécurité person— nelle. Par suite de ces discussions, il a été décidé que

l’appelant ne serait pas choisi en vue d’occuper le poste en question. En fin de compte, le titulaire du poste d’AA n’a pas été remplacé.

[9] L’appelant a été informé à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février 1991 qu’il n’avait pas été choisi pour le poste d’AA. La chose l’a fâché et l’a déçu. Il a communiqué avec l’un des

officiers d’état-major qui avait participé au processus de décision et celui-ci lui a dit que les officiers

supérieurs avaient [TRADUCTION] «décidé qu’il était préférable de :né pas envoyer un juif au Moyen— Orient».

[10] L’appélant a exercé plusieurs recours, et il a finalement intenté une action devant la Section de première instance de la présente Cour [[1999] 1 C.F. 20 (1rc inst.)]. lDans sa demande de redressement, il

sollicitait un jugement déclaratoire portant que le processus par lequel sa mise en candidature avait été examinée portait atteinte au droit constitutionnel a l’égalité qui lui était reconnu par la Charte canadienne

des droits et libertés ainsi qu’à un certain nombre de droits reconnus par la loi. Il sollicitait également des

jugements déclaratoires ét des injonctions se rapportant

à l’Ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAFC) 20—53, intitulée: «Politique sur l’affectation du personnel des Forces canadiennes à des fonctions de maintien de la paix», qui prévoit la possibilité que

certains membres du personnel ne puissent pas partici— per à des opérations de maintien de la paix à cause de «sensibilités culturelles, religieuses ou autres des parties en cause dans le conflit ou de la population ce conflit a lieu»;

Décision Appealed From [11] Following a trial that covered 11 days of testimony and argument, the Trial Judge found that

Décision faisant l’objet de l’appel [11] À la suite d’une audience qui a duré ll jours et au cours de laquelle les témoignages et plaidoiries ont

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN c. CANADA

“[thé appellant] more than adequately fulfilled thé requirements for thé posting,”2 and that “thé évidence

clearly supports thé [appellant’s] allégation that was not selected for the position of Executive Assistant because of his religion.”3 was “satisfied that

Lieutenant Liebmann did have legitimate grievances with respect to the manner in which the defendants conducted themselves in the selection process.”4 Despite these findings, he did not directly address the appellant’s allegation that this conduct had infringed his right to equality.

39

été recueillis, le jugé de première instance a conclu que «[l’appelant avait] fait plus que se conformer aux

exigences inhérentes à l’affectation»2 et que «la preuve corrobor[ait] [. . .] clairement l’allégation [de l’appe- lant] qu’il n’a[vait] pas été choisi pour le posté d’adjoint administratif en raison de sa religion>>3. Le juge était «d’avis que le lieutenant Liebmann avait des griefs légitimes à l’égard la façon dont les défen-

deurs [s’étaient] comportés lors du processus de sélection»". Malgré ces conclusions, le juge n’a pas

examiné directement l’allégation de l’appelant selon

laquelle cette conduite portait atteinte à son droit à l’égalité.

[12] The Trial Judge did give some consideration to the constitutionality of CFAO 20-53, finding that it was not contrary to the equality provisions of the

Charter. However, he noted that since Operation Friction was not a peacekeeping mission, there was no basis for thé application of either it or any other policy that preceded it to thé appellant’s situation. In

the result, he dismissed thé appellant’s claim.

Issues [13] Thé appellant appeals to this Court, essentially repeating the claims made in thé Court below. He is supported by two interveners who have focussed their submissions upon thé constitutionality of CFAO 20—53 and thé policies that preceded and succeeded it.

[l4] In my analysis, I will address thé following issues:

1. Should this Court inquire into thé constitutionality of CFAO 20—53;

2. Were the appellant’s rights to equality under section 15 of the Charter limited by the process by which his

nomination for the EA position was considered; and

3. If the appellant’s equality rights were limited, were those limits “reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and démocratie

society.”

[12] Le jugé première instance a effectué un examen plus ou moins approfondi de la constitutionna- lité l’OAFC 20-53, en concluant qu’elle n’allait pas

à l’encontre des dispositions de la Charte relatives à l’égalité. Toutefois, il a fait remarquer qu’étant donné

que l’Opération Friction n’était pas une mission de maintien de la paix, rien ne justifiait l’application de

cette ordonnance administrative ou quelque autre politique antérieure au cas de l’appelant. Le juge a donc rejeté la demande.

Les points litigieux [13] L’appelant interjette appel devant la présente Cour, en répétant essentiellement les allégations qu’il

a faites devant la cour d’instance inférieure. Deux intervenants l’appuient, ceux-ci ayant axé leurs obser- vations sur la constitutionnalité l’OAFC 20-53 et

des politiques antérieures et postérieures.

[14] Dans le cadre de mon analyse, j’examinerai les questions suivantes:

l. La présente Cour devrait-elle enquêter sur la constitutionnalité de l’OAFC 20-53?

2. le droit à l’égalité reconnu à l’appelant en vertu de l’article 15 de la Charte est—il limité par le processus par lequel sa mise en candidature au poste d’AA a été

examinée? 3. s’il a été porté atteinte au droit à l’égalité reconnu à l’appelant, ce droit a-t—il été restreint «par une règle de droit, dans des limités qui soient raisonnables et

dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique»?

4O

LIEBMANN v. CANADA

Relevant Constitutional Provisions [15] The Canadian Charter of Rights and Free— a’oms:5

1. The Canadian Charter ofRights and Freedoms guaran- tees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demon— strably justified in a free and démocratie society.

[2002] 1 F.C.

Les dispositions constitutionnelles pertinentes [15] La Charte canadienne des droits et libertés 5:

1. La Clzarte canadienne des droits et libertés garantit les droits ét libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démon—

trer dans le cadré d’une société libre et démocratique.

15. (1) Every individual is equal before and under thé law and has thé right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnie origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

[-~] 15. ( 1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou

physiques.

Analysis Issue 1: CFAO 20-53, its Predecessors and Successors

[16] Thé appellant and thé interveners seek a decla- ration that CFAO 20—53, as it was amended, is uncon— stitutional. Further, they seek orders enjoining thé Chief of Defence Staff and his delegates from con-

sidering race, religion or ethnie origin in deciding whether a CF member will deployed on an oper—

ational posting.

[l7] It is important to note that CFAO 20-53 was not applied to preclude the appellant from participating in Operation Friction. The Order was not issued until March 1991, over a month after the appellant’s nomination for service with CFME was decided upon. Moreover, the policy set out in CFAO 20-53 applied only to the selection of personnel for peacekeeping

operations. Operation Friction was not a peacekeeping operation. In fact, at thé time thé impugned décision was made, Canada was engaged in active hostilities against Iraq.

[18] Thus, the Order would not have applied to thé selection of t appellant even if it had been in force in January and February of 1991. Similarly, screening

Analyse Première question: L’OAFC 20-53 et les politiques antérieures et postérieures

[16] L’appelant et lés intervenants sollicitent un jugement déclaratoire portant que l’OAFC 20-53, telle

qu’elle a été modifiée, est inconstitutionnelle. Ils sollicitent en outré dés ordonnances interdisant au chef

d’état—major de la Défense et à ses représentants de tenir compté de la race, de la religion ou de l’origine

ethnique en déterminant si un membre des FC doit être affecté à une opération.

[17] Il importe de noter que l’on n’a pas appliqué l’OAFC 20—53 de façon à empêcher l’appelant de participer à l’Opération Friction. L’ordonnance n’a été

délivrée qu’au mois de mars 1991, plus d’un mois après qu’une décision eut été prise au sujet de la désignation de l’appelant aux fins du service dans les FCMO. En outré, la politique énoncée dans l’OAFC

20-53 s’appliquait uniquement à la sélection du personnel pour les opérations de maintien de la paix. Or, Opération Friction n’était pas une opération de maintien de la paix. fait, au moment la décision contestée a été prise, le Canada prenait activement part aux hostilités contré l’Iraq.

[18] Par conséquent, l’ordonnance ne se serait pas appliquée à la sélection de l’appelant même si elle avait été en vigueur aux mois de janvier et de février

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN C. CANADA

policies contained in directives of the Deputy Chief of Defence Staff that were replaced with the promulga- tion of CFAO 20-53, all dealt expressly with

peacekeeping operations and hence did not apply to the appellant’s nomination. Indeed, the evidence of the

décision—makérs in thé case at bar clearly demonstrates that they did not purport to apply any formal screening policy at all. The appellant and the respondents both concede this. Nonetheless, the appellants and interveners submit that thé Court should hear and déterminé thé constitutional challenge to CFAO 20-53.

[19] All parties agréé that thé appellant had standing at trial to attack CFAO 20—53, since it could still have

been applied so as to preclude his participation in a peacekeeping opération (if there was one) on thé

ground of his religion. Thé passage of time, however,

has changed this situation. CFAO 20-53 no longer exists. It was expressly superceded on December 9,

1999 by Canadian Forces General Message (CANFORGEN) 113/99, which sets out a général policy regarding thé employment of members within

thé Canadian Forces, not confined to peacekeeping.

[20] The appellant and thé interveners argue that CANFORGEN 113/99 carries forward thé policy articulated in thé former CFAO 20-53. As such, they say, an inquiry into the constitutionality of the CFAO is not moot, since va finding that it was unconstitu-

tional would have an impact on the respondents’ authority to apply the current policy.

[21] In Borowski v. Canada (Attorney General),6 thé Supreme Court set out a two—stép approach to the doctrine of mootness. First, it is necessary to déter- mine Whether there is a “live controversy”—a “tan-

gible and concrété dispute,” such that thé issues before thé Court have not become academic. If there is no such live controversy, the issues are moot. Neverthe- less, at the second stage of the test, the Court may

choose to exercise its discretion to address a moot

4l

1991. De même, les politiques de présélection énon- cées dans les directives du sous-chef d’état—major de la Défense qui ont été remplacées au moment

l’OAFC 20-53 a été promulguée, traitaient toutes expressément des opérations de maintien de la paix et

elles ne s’appliquaient donc pas à la mise en candida- ture de l’appelant. De fait, la preuve fournie par les décideurs en l’espèce démontre clairement qu’ils n’ont aucunement tenté d’appliquer une politique officielle de présélection. L’appelant et les intimés concèdént la chose. Néanmoins, l’appelant et les intervenants soutiennent que la Cour devrait entendre et régler la contestation constitutionnelle de I’OAFC 20-53.

[19] Toutes les parties conviennent que l’appelant avait qualité pour agir à l’instruction en vue de

contester l’OAFC 20-53, puisque celle-ci aurait néanmoins pu s’appliquer de façon à l’empêcher

participer à une opération de maintien de la paix (le

cas échéant) en raison de sa religion. Toutefois, la situation a changé avec 1e temps. L’OAFC 20-53

n’existe plus. Elle a expressément été remplacée le 9 décembre 1999 par le Message général des Forces canadiennes (CANFORGEN) 113/99, qui énonce une

politique générale au sujet de l’affectation de membres au sein des Forces canadiennes, cette politique n’étant pas limitée au maintien de la paix.

[20] L’appelant et les intervenants soutiennent que le CANFORGEN 113/99 reprend la politique énoncée dans l’ancienne OAFC 20—53. Cela étant, disent-ils, une enquête sur la constitutionnalité de l’OAFC n’a

pas simplement un intérêt théorique, étant donné

qu’une conclusion selon laquelle cette ordonnance administrative était inconstitutionnelle aurait un effet sur le pouvoir que possèdent les intimés en vue d’appliquer la politique actuelle.

[21] Dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général) 6, la Cour suprême a énoncé une approche en deux temps en ce qui concerne la doctrine relative au caractère théorique. En premier lieu, il faut déterminer

s’il existé un «litige actuel»——un «différend concret et tangible», sorte que les questions dont la Cour est saisie ne sont pas devenues des questions purement théoriques. En l’absence de pareil litige actuel, les

questions n’ont plus qu’un intérêt théorique. Néan-

42 issue if the circumstances warrant.7

LIEBMANN v. CANADA

[22] In my opinion, the constitutionality of CFAO 20—53 is a moot issue. Thé policy is no longer in effect. The policy that superceded it, CANFORGEN 113/99 (which did not come into force until more than one year after thé trial judgment was released), contains different wording than CFAO 20-53 and would have to be evaluated on its own merits.

[23] Thus, I must move on to thé second part of thé test set out in Borowski and décide Whether this Court should exercise its discrétion to address the moot issue. In doing so, référencé must made to the various rationales for the existence of the mootness doctrine—thé requirement of an adversarial context,

such that thé issue can be well and fully argued by parties who have a stake in the outcome; the need to ration scarce judicial resources; and the Court’s awareness of its proper role in thé law-making pro—

eess.8

[24] In my opinion, thé key considérations in this case are thé first and third rationales. There is no doubt that the parties at trial argued their positions with respect to the constitutionality of CFAO 20-53 zealously. Thus, this Court has before it a complete record related to that policy. However, it is clear that

any finding with respect to CFAO 20-53 could impact only that policy. Given the difference in wording between the two policy statements, it is impossible for

this Court to conduct a proper and complete Charter analysis of the CANFORGEN 113/99 policy. The

record contains no evidence showing how that policy has been or is being applied. Furthermore, even if a prima facie breach of section 15 were established, thé

respondents have not been provided with the opportu- nity to lead évidence relevant to the justification of

any limitation of Charter rights. At trial, the respon—

dents did léad considérable section I evidence with respect to CFAO 20-53. However, because it did not

[2002] l F.C.

moins, à la seconde étape de l’analyse, la Cour peut décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour examiner une question théorique si les circonstances le justifient’.

[22] À mon avis, la constitutionnalité de l’OAFC 20—53 est une question théorique. La politique s’applique plus. La politique qui l’a remplacée, CANFORGEN ll3/99 (qui n’est entrée en vigueur qu’au moins un an après le prononcé du jugement de

première instance) est libellée en des termes différents et devrait être appréciée selon les faits qui lui sont propres.

[23] Je dois donc passer à l’examen de la deuxième partie du critère énoncé dans l’arrêt Borowski et déterminer si la présente Cour doit exercer son pou— voir discrétionnaire en vue d’examiner la question théorique. Ce faisant, il faut faire mention des diverses

raisons d’être justifiant l’existence de la doctrine du

caractère théorique—l’exigence voulant qu’il y ait un débat contradictoire, de sorte que les parties ayant un

intérêt dans l’issue du litige en débattent complètement

tous les aspects; la nécessité de rationnér des ressour-

ces judiciaires limitées; et la nécessité pour la Cour de prendre en considération sa fonction véritable dans l’élaboration du droits.

[24] À mon avis, les premier et troisième motifs constituent les principales considérations en l’espèce. Il est certain que les parties à l’instruction ont défendu

avec ferveur leur position en ce qui concerne la constitutionnalité de l’OAFC 20—53. Par conséquent, la présenté Cour dispose d’un dossier complet au sujet

de cette politique. Toutefois, il est clair que toute conclusion relative à l’OAFC 20—53 pourrait influer

uniquement sur cette politique. Étant donné la diffé—

rence entre le libellé des deux énoncés de politique, la Cour ne peut pas effectuer une analyse appropriée

complète fondée sur la Charte de la politique énoncée dans le CANFORGEN 113/99. Le dossier ne renferme aucun élément de preuve établissant les modalités

d’application passées et présentés de cette politique. En outre, même si la violation de l’article 15 était

établie prima facie, les intimés n’ont pas éu la possibi-

lité de présenter une preuve au sujet de la question de la justification des restrictions apportées aux droits

[2002] l C.F.

LIEBMANN c. CANADA

exist at that time, they could not have done so with respect to CANFORGEN 113/99. During the hearing, they indicated that if thé current policy were to be subjected to constitutional scrutiny, they would wish to have the opportunity to lead additional evidence related to it.

[25] In asking this Court to make déclarations and issue injunctions relating to the factors that thé respon- dents can consider in making future employment décisions pursuant to CANFORGEN 113/99, the appellant and the interveners are asking this Court to interfere with the respondent’s policies on the basis of

an unavoidably incomplete evidentiary record. In my view, we should décline t0 do so. I do not accept the submission made by counsel on behalf of B’nai Brith that if CANFORGEN 113/99 infringes section 15, it is incapable of being saved by section l under any

possible circumstances.

Issue 2: The Appellant’s Equality Rights [26] Section 15 of the Charter deals with a person’s equality rights with respect to the “law”. However, it is now well established that this term should not be given such a narrow meaning as to deprive individuals of protection from discrimination on the part of

government actors. In Slaight Communications Inc. v. Davialson,9 thé Supreme Court of Canada held that the

Charter is applicable to administrative décisions made pursuant to statutory authority. Lamer J., as he then was, dissented in the result but wrote for a panel that was unanimous on this point:

As thé Constitution is thé supreme law of Canada and any law that is inconsistent with its provisions is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect, it is impossible

to interpret legislation conferring discretion as conferring a power to infringe the Charler, unless, of course, that power is expressly conferred or necessarily implied. Such an interpretation would require us to declare the legislation to be of no force or effect, unless it could be justified under s. l. Although this Court must not add anything to legislation

43

garantis par la Charte. À l’instruction, les intimés ont soumis une preuve abondante fondée sur l’article premier à l’égard de l’OAFC 20-53. Toutefois, ils n’auraient pas pu le faire à l’égard du CANFORGEN 113/99, puisqu’il n’existait pas à ce moment-là. Au cours de l’audience, ils ont indiqué que, si la politique actuelle devait être assujettie à un examen constitu- tionnel, ils voudraient avoir la possibilité de fournir une preuve additionnelle à ce sujet.

[25] En demandant à la présenté Cour rendre des jugements déclaratoires et des injonctions au sujet dés facteurs dont les intimés peuvent tenir compte dans l’avenir en prenant dés décisions en matière d’affecta— tion conformément au CANFORGEN 113/99, l’appé— lant et les intervenants demandent à la Cour de

modifier les politiques de l’intimé en se fondant sur un dossier inévitablement incomplet sur le plan de la preuve. À mon avis, nous devrions refuser de le faire. Je ne retiens pas l’argument de l’avocat de B’nai Brith

selon lequel, si le CANFORGEN 113/99 porte atteinte

à l’article 15, il ne peut pas être protégé par l’article premier, et ce, quelles que soient les circonstances.

Deuxième question: le droit à l’égalité de l’appelant [26] L’article 15 de la Charte porte sur le droit à l’égalité d’une personne à l’égard de la «loi». Toute- fois, il est maintenant bien établi que ce mot ne devrait pas être interprété d’une façon si stricte qu’il

empêche une personne d’être protégée contré les actes

discriminatoires d’acteurs de l’État. Dans l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson 9, la Cour

suprême du Canada a statué que la Charte s’applique aux décisions administratives qui sont prises en vertu d’un pouvoir prévu par la loi. Le juge Lamer (tel était alors son titre) était dissident quant au résultat, mais il

a rédigé des motifs au nom la formation, qui était unanime sur ce point:

La Constitution étant la loi suprême du pays et rendant inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit, il est impossible d’interpréter une disposition

législative attributrice de discrétion comme conférant le pouvoir de violer la Charte à moins, bien sûr, que ce pouvoir soit expressément conféré ou encore qu’il soit nécessairement implicite. Une telle interprétation nous obligerait en effet, à défaut de pouvoir justifier cette disposition législative aux termes de l’article premier, à la

44

LIEBMANN v. CANADA

or delete anything from it in order to make it consistent with thé Charter, there is no doubt in my mind that it should also not interpret legislation that is open to more than one interpretation so as to make it inconsistent with thé Charter and hence of no force or effect. Législation conferring an

imprécise discrétion must thérefore be interpreted as not allowing the Charter rights to be infringed. Accordingly, an

adjudicator exercising delegated powers does not have the power to make an order that would result in an infringement of the Charter, and he exceeds his jurisdiction if he does

so.10

[27] In the more recent case of Eldridge v. British Columbia (Attorney General)," thé Supreme Court unanimously applied this approach to find that a decision made under a delegated statutory authority was contrary to section 15.

[28] In the case at bar, there was no Sélection policy to apply to the appellant’s nomination and circum- stances. However, thé impugned décision was made under delegated statutory authority. The National Defence Act,‘2 charges the CDS with the control and administration of all of the Canadian Forces:

[2002] 1 F.C.

déclarer inopérante. Or, quoique cette Cour ne doive pas ajouter ou retrancher un élément à une disposition législative de façon à la rendre conformé à la Charte, elle nc doit pas par ailleurs interpréter une disposition législative, susceptible de plus d’une interprétation, de façon à la rendre incompati-

ble avec la Charte et, de ce fait, inopérante. Une disposition législative conférant une discrétion imprécise doit donc être

interprétée comme ne permettant pas de violer les droits garantis par la Charte. En conséquence, un arbitre exerçant des pouvoirs délégués n’a pas le pouvoir de rendre une

ordonnance entraînant une violation de la Charte et il excède sa juridiction s’il le fait").

[27] Dans l’arrêt plus récent Eldridge c. Colombie— Britannique (Procureur général) ”, Ia Cour suprême a appliqué à l’unanimité cette approche en vue de conclure qu’une décision prise en vertu d’un pouvoir délégué prévu par la loi allait à l’encontre de l’arti— clé 15.

[28] En l’espèce, il n’y avait pas de politique de sélection à appliquer à la mise en candidature de l’appelant ét aux circonstances. Toutefois, la décision contestée a été prise en vertu d’un pouvoir délégué prévu par la loi. En vertu de la Loi sur la défense nationale '2, CEMD assure la direction et la gestion

des Forces canadiennes:

18. (1) Thé Govemor in Council may appoint an officer to be the Chief of the Defence Staff, who shall hold such rank as the Govemor in Council may prescribe and who shall, subject to the regulations and under the direction of the Minister, be charged with the control and administration of the Canadian Forces.

(2) Unless the Governor in Council otherwise directs, all orders and instructions to the Canadian Forces that are

required to give effect to the decisions and to carry out the directions of the Government of Canada or the Minister shall be issued by or through thé Chief of thé Défenee Staff.

[29] The Queen’s Regulations and Orders for the Canadian Forces (1994 Révision) provide a basis for thé CDS’s délégation of his authority to various officérs. Thus, in this case, all of thé officers involved in thé process of considering thé appellant’s nomina-

tion were acting pursuant to thé CDS’s statutory authority to control and administer the Canadian Forces. As such, the decision to not appoint him to the EA position is subject to scrutiny under section 15 of

the Charter.

18. (l) Le gouverneur en conseil peut élever au poste (le chef d’état-major de la défense un officier dont il fixe le grade. Sous l’autorité du ministre et sous réserve des règlements, cet officier assure la direction et la gestion des

Forces canadiennes.

(2) Sauf ordre contraire du gouverneur en conseil, tous les ordres et directives adressés aux Forces canadiennes pour

donner effet aux, décisions et instructions du gouvernement fédéral ou du ministre émanent, directement ou indirecte- ment, du chef d’état-major de la défense.

[29] Les Ordonnances et règlements royaux applica— bles aux Forces canadiennes (Révision de 1994) servent de fondement à la délégation du pouvoir du CEMD en faveur de divers officiers. Par conséquent, en l’espèce, tous les officiers en cause dans le proces—

sus d’examen la candidature de l’appelant agis— saient conformément au pouvoir légal que possède le CEMD de diriger et de gérer les Forces canadiennes. Partant, la décision de ne pas nommer l’appelant au

poste d’AA est assujettie a un examen en vertu (le l’article 15 la Charte.

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN C. CANADA

[30] In the recent case of Law v. Canada (Minister ofEmployment and Immigration),l3 the Supreme Court of Canada surrunarized thé proper approach to a subsection 15(1) analysis. Iacobucci 1., writing for a unanimous Court, confirmed that thé onus of establish-

ing an infringement of a Charter right rests with the person claiming thé rightl4 and outlined thé following

général approach:

. . . a court that is called upon to determine a discrimination claim under s. 15(1) should make thé following three broad

inquiries:

(A) Does the impugned law (a) draw a formal distinction between the claimant and others on thé basis cf one or more personal characteristics, or (b) fail to take into account the claimant’s already disadvantaged position

within Canadian society resulting in substantively différential treatment between the claimant and others on thé basis of one or more personal characteristics?

45

[30] Dans l’arrêt récent Law c. Canada (Ministre de l ’Emploi et de l ’Immigration) ‘3, la Cour suprême du Canada a résumé la façon d’aborder l’analyse relative au paragraphe 15(1). Le juge Iacobucci, au nom de la Cour à l’unanimité, a confirmé que le fardeau de

démontrer qu’il y a eu atteinte à un droit protégé par la Charte incombe à la personne qui invoqué ce

droit"; il a résumé l’approche générale comme suit:

[. . .], le tribunal ayant à se prononcer sur une allégation de discrimination fondée sur le par. 15(1) doit se poser trois

grandes questions:

(A) La loi contestée: a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d’autres personnes en raison

d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou b) omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée

dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d’autres personnes en

raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnel—

les?

(B) Is thé claimant subject to differential treatment based on one or more enumerated and analogous grounds?

and (C) Does thé différential treatment discriminate, by impos- ing a burden upon or withholding a benefit from the

claimant in a manner which refieets thé stereotypical application of presumed group or personal characteris- tics, or which otherwise has thé effect of perpetuating

or promoting the view that the individual is less capable or worthy of recognition or value as a human being or as a member of Canadian society, équally deserving of concern, respect, and consideration?‘5

[31] Thé Trial Judge’s findings of fact establish that the appellant has made out the first two éléments of

the test. The decision-makers who considered the appellant’s nomination drew a distinction between him and other members of thé Canadian Forces, and subjected him to differential treatment on the basis of

a personal characteristic—mis religion. The respon- dents did not contest these findings before us.

[32] There remains only to consider the final portion of the test: did the decision—makers differential

treatment of the appellant discriminate against him

(B) Le demandeur fait-il l’objet d’une différence de traitement fondée sur un ou plusieurs des motifs

énumérés ou des motifs analogues?

et (C) La différence de traitement est-elle discriminatoire en ce qu’elle impose un fardeau au demandeur ou le prive

d’un avantagé d’une manière qui dénote une applica— tion stéréotypée de présumées caractéristiques person— nelles ou de groupé ou qui a par ailleurs pour effet de

perpétuer ou de promouvoir l’opinion que l’individu touché est moins capable ou est moins digne d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain ou que

membre de la société canadienne, qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération"?

[31] Les conclusions fait que le jugé de première instance a tirées établissent que l’appelant a prouvé les

deux premiers éléments du critère. Les décideurs qui examinaient la candidature de l’appelant ont fait une distinction entre celui-ci et les autres membres des Forces canadiennes, et l’ont assujetti à un traitement

différent en raison d’une caractéristique person» nelle——sa religion. Les intimés n’ont pas contesté ces

conclusions devant nous.

[32] Il reste uniquement à examiner la dernière partie du critère: le traitement différent infli par les

décideurs constituait-il de la discrimination à l’endroit

46

LIEBMANN v. CANADA

within thé meaning of section 15? In answering this question, the Court must bear in mind the purposes of

the equality protection. These purposes were articu- lated by La Forést J. in Andrews v. Law Society of British Columbia '6 in a passage referred to by

Iacobucci J. in Law:

. . . La Forest J. . . . stated that thé equality guarantee was designed to prevent the imposition of differential treatment that was likely to “inhibit thé sense of those who are discriminated against that Canadian society is not free or democratic as far as they are concerned”, and that was likely to decrease their “confidence that they can freely and without obstruction by the state pursue their and their families’ hopes and expectations of vocational and personal dévelopment”.l7

The inquiry into Whether a person’s dignity has been demeaned must be both subjective and objective, with thé objective analysis considered from thé perspective of a person in circumstances similar to those of thé

claimant.18

[33] In my opinion, thé différential treatment of the appellant’s nomination amounted to discrimination in

the constitutional sense. The appellant testified that he had joined thé Naval Réserve, in part:

. to do some national service and work with other Canadians from across Canada. I’m proud to be a Canadian citizen and Canada’s been geod to me and my family, and I wanted to give something back.

[34] Through his seven years of training and pro- fessional development, the appellant acquired skills and knowledge that qualified him for the EA position for which he was nominated. However, by their actions, the decision—makers at Maritime Command and National Defence Headquartérs denied the appel— lant the opportunity for professional and personal development that was presented by the position. He was also denied the benefit of applying his skills and knowledge in order to serve his country and the United Nations in an operational theatre.

[35] There can be no doubt that the decision had a profound impact upon thé appellant’s human dignity,

[2002] l F.C.

de l’appelant au sens de l’article 15? En répondant à cette question, la Cour doit songer aux buts de la

protection de l’égalité. Ces buts ont été énoncés par le jugé La Forest dans l’arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia ‘6 dans un passage que le juge

Iacobucci a cité dans l’arrêt Law:

[. . .], le juge La Forest [. . .] a dit que la garantie d’égalité visait à empêcher l’imposition d’une différence de traitement susceptible de [TRADUCTION] «laisser croire à ceux qui sont victimes de discrimination que la société canadienne n’est pas libre et démocratique» et de les pousser à ne pas [TRADUCTION] «croire,qu’[ils] peuvent librement et sans entrave de la part de l’Etat poursuivre la réalisation de leurs

aspirations et attentes, ainsi que de celles de leur famille, en matière de carrière et d’épanouissement personnel»”.

L’enquête se rapportant à la question de savoir s’il a été porté atteinte à la dignité d’une personne doit être à la fois subjective et objective, l’analyse objective devant être considérée du point de vue d’une personne

qui se trouve dans une situation semblable à celle du demandeur“.

[33] À mon avis, la différence de traitement dont l’appelant a fait l’objet en ce qui concerne sa mise en

candidature constituait de la discrimination au sens constitutionnel du terme. L’appelant a témoigné qu’il

s’était enrôlé dans la Réserve navale, en partie pour les motifs suivants:

[TRADUCTION] [. . .] pour assurer un service national et travailler avec d’autres Canadiens venant d’ici et au Canada; je suis fier d’être un citoyen canadien et le Canada a été bon pour moi et pour ma famille, et je voulais faire la

même chose.

[34] Au cours de ses sept années de formation et de développement professionnel, l’appelant a acquis des compétences et des connaissances qui l’ont qualifié au poste d’AA pour lequel il avait été désigné. Toutefois,

par leurs actions, les décideurs au Commandement maritime et au. quartier général de la Défense nationale ont refusé à l’appelant la possibilité de bénéficier du perfectionnement professionnel ét personnel qu’offrait le poste. L’appelant s’est également vu refuser l’avan— tage d’appliquer ses compétences et ses connaissances afin de servir son pays et les Nations Unies dans un théâtre d’opérations.

[35] Il est certain que la décision avait des répercus— sions profondes sur la dignité humaine de l’appelant,

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN c. CANADA

thé very thing that subsection 15(1) is meant to protect. The appellant testified that:

. up until that very point I thought that things were unlimited for me . . . . and all of a sudden I found out that the really good jobs just weren’t going to be open to me because I’m Jewish, because although I was good enough to join the forces and good enough to do jobs in Canada, I just

wasn’t Canadian enough to send overseas. . . . I wasn’t a good representative of my country.

47

soit la chose même que le paragraphe 15(1) vise à protéger. L’appelant a témoigné ce qui suit:

[TRADUCTION] [. . .] jusqu’alors, je croyais que toutes les portés m’étaient ouvertes. [. . .] et tout d’un coup, j’ai découvert que les bons emplois véritables ne me seraient pas offerts parce que je suis juif, parce que, même si j’étais

suffisamment compétent pour m’enrôler dans les forces et

suffisamment compétent pour exercer des fonctions au Canada, je n’étais tout simplement pas suffisamment Canadien pour aller à l’étranger. [. . .] Je n’étais pas un bon

représentant de mon pays.

I was upset that I’d been selected for a job by thé Navy and at thé time and at that place I was thé best person for the

job . . . but I [sic] was then overturned by somebody based only on hearing a German last name and checking out my religion. And so I was shattered in one way and angry in another.

[36] On the basis of this evidence, the respondents concede that thé appellant’s dignity was démeanéd in

the subjective sense. However, while arguing that the objective portion of the analysis of the appellant’s

dignity whether had been demeaned had not been made out, counsel for the respondents was unable to point out how this could so. Indeed, in my opinion, any reasonable observer in similar circumstances would conclude that the manner in which the appellant was treated did demean his dignity.

[37] The record before thé Court establishes that although thé decision-makers allegedly felt that the

appellant’s religion might cause him to be less effec- tive and less safe while carrying out his duties in an Arab state, they made little (if any) attempt to collect evidence that might validate or invalidate their con- cerns. There seems t0 have been no réal considération of the political climates of Bahrain or Saudi Arabia or

thé manner in which a Jewish Canadian officer might perceived by military officials or citizens of those countries. In fact, one of the staff officers conducting

an “appreciation” of the situation admitted to not

having been aware of the politics of thé région. No efforts were made to ascertain the views of any of the

states in the Persian Gulf region. No attempt was made to determine the approaches being taken by other members of the coalition who were deploying

forces to the region. In fact, the evidence shows that

[...] J’étais mécontent de n’avoir pas été choisi par la marine pour occuper un posté; à ce moment-là et à cet endroit-là,

j’étais le meilleur candidat [. . .] mais, j’ai été supplanté par quelqu’un qui a uniquement entendu un nom de famille

allemand et qui a vérifié ma religion. J’étais donc d’une certaine façon bouleversé et également fâché.

[36] Compte tenu de cette preuve, les intimés concèdent qu’il a été porté atteinte à la dignité

l’appelant au sens subjectif du terme. Toutefois, tout en soutenant que l’élément objectif de l’analyse de la

question de savoir si la dignité de l’appelant avait été atteinte n’avait pas été prouvé, l’avocat des intimés n’a néanmoins pas pu signaler de quelle façon il

pouvait en être ainsi. De fait, à mon avis, tout obser- vateur raisonnable se trouvant dans une situation similaire conclurait que la façon dont l’appelant a été traité portait de fait atteinte à sa dignité.

[37] dossier dont dispose la Cour établit que même si les décideurs croyaient censément que la

religion de l’appelant pourrait le rendre moins efficace et qu’il serait moins en sécurité pendant qu’il exerce—

rait ses fonctions dans un État arabe, ils n’ont pas vraiment tenté (et ils n’ont peut-être pas tenté du tout) de recueillir des éléments de preuve tendant à valider ou à invalider leurs préoccupations. Il semble n’y

avoir éu aucun examen réel du climat politique, dans l’État de Bahreïn ou en Arabie saoudite, ou de la façon dont un officier juif canadien pourrait être perçu

par les autorités militaires ou par les citoyens de ces

pays. fait, l’un des officiers d’état-major qui a effectué une «appréciation» de la situation a admis ne

pas avoir été au courant de la situation politique dans la région. Aucun effort n’a été fait en vue de connaître

le point de vue des États de la région du Golfe persi»

que. Aucune tentative n’a été faite pour déterminer les

48

LIEBMANN v. CANADA

the United States had more Jewish personnel in the region than the total of all Canadian forces. In short,

the analysis seems to have been conducted in a factual and evidentiary vacuum.

[38] By confining whatever analysis they made to a simplistic “Jewish officer in an Arab state” model, the decision-making officers applied stereotypical thinking and based their decision upon presumed characteristics of both Jews and Arabs. This way of thinking had thé effect, in essence, of imposing upon the appellant thé burden of establishing that his religion would not have

a detrimental impact upon either his safety or his ability to carry out his duties. It also had the effect of

perpetuating the view that the appellant was a less worthy member of the Canadian Forces and, thérefore, of Canadian society as a whole.

[2002] 1 F.C.

approches adoptées par les autres membres de la coalition qui déployaient des forces dans la région. De

fait, selon la preuve, les États-Unis avaient un plus grand nombre de membres juifs dans la région que

toutes les forces canadiennes dans leur ensemble. Bref, l’analyse semble avoir été effectuée en l’absence de faits et d’éléments de preuve.

[38] En limitant leur analyse à un modèle simpliste, soit celui de «l’officier juif dans un État arabe», les officiers qui ont pris la décision ont appliqué des idées stéréotypées et ont fondé leur décision sur de présu— mées caractéristiques propres aux juifs et aux arabes.

Cette conception avait essentiellement pour effet d’imposer à l’appelant la chargé d’établir que sa

religion ne nuirait pas à sa sécurité ou à sa capacité de s’acquitter de ses fonctions. Cela avait également pour

effet de perpétuer l’idée selon laquelle l’appelant était un membre moins digne des Forces canadiennes et, par conséquent, de la société canadienne dans son

ensemble.

[39] Therefore, I conclude that Chief of Defence Staff, through the actions of his delegates who con— sidered the nomination of thé appellant for the position of Executive Assistant to the Commander of CFME,

limited his rights to equal treatment under the law and equal benefit of the law in a discriminatory mariner, contrary to section 15 of the Charter.

[39] Je conclus donc que le chef d’état—major de la Défense, au moyen des actions de ses représentants qui ont examiné la candidature de l’appelant pour le poste d’adjoint administratif du commandant des

FCMO, a restreint les droits à l’égalité de traitement en vertu la loi et au même bénéfice la loi, et ce, d’une façon discriminatoire, en violation de l’article

15 de la Charte.

Issue 3: Section 1 [40] It only remains to détermine Whether the limitation of the appellant’s equality rights imposed by

the refusal to appoint him to the EA position because of his religion was a reasonable limit prescribéd by law as can be demonstrably justified in a free and démocratie society. At this stage of analysis, thé

burden falls upon thé respondents to show, on thé prépondérance of probabilities, that thé limitation was

reasonable and demonstrably justified.19

[4l] In thé case at bar, thé respondents have failed to fulfill their burden. Their written submissions

Troisième question: l’article premier [40] Il resté uniquement à déterminer si les restric— tions apportées au droit à l’égalité de l’appelant

découlant du refus de nommer celui—ci au posté d’AA en raison de sa religion constituaient une limite raisonnable prescrite par une règle de droit et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une

société libre et démocratique. À ce stade de l’analyse, il incombe aux intimés de démontrer, selon la prépon—

dérance des probabilités, que les limites étaient raisonnables et que leur justification pouvait se dé- montrer".

[41] En l’espèce, les intimés ne se sont pas acquittés de l’obligation qui leur incombait. Dans leurs observa-

[2002] 1 C.F.

LIEBMANN c. CANADA

advanced no argument attempting to show that thé impugned décision was reasonable or demonstrably justified. During thé oral hearing, their counsel expressly told thé Court that no such arguments would be advanced.

Conduct of the Respondents [42] There is one other aspect of thé respondents’ conduct that requires comment. Before the Trial Judge

the respondents’ evidence was that thé appellant did not get the EA position because there was no position to fill. The respondents’ pleadings were also to this effect. It appears that the respondents took the position

that the decision not to send the appellant to the Gulf had nothing to do with his religion.

[43] The Trial Judge did not believe the respondents’ witnesses [at paragraphs 14-15].

I am also satisfied that the evidence does not support thé defendant’s contention that the plaintiff did not get the position because there was no position to fill and that

MARCOM was so advised some time on or about January

21, 1991. On thé contrary, What thé évidence demonstrates is that thé extension of the current Executive Assistant’s term of duty only arose after it became apparent that the defendants did not want to send Lieutenant Liebmann because of his religion but were concerned over the implica- tions of letting the truth be known. . . .

49

tions écrites, ils n’ont pas avancé d’argmménts en vue de tenter de démontrer que la décision contestée était raisonnable ou que sa justification pouvait se démon- trer. Au cours de l’audience, leur avocat a expressé- ment dit à la Cour qu’aucun argument de ce genre ne serait invoqué.

La conduite des intimes [42] Il convient de faire des remarques au sujet d’un autre aspect de la conduite des intimés. En effet, selon

la preuve soumise par les intimés devant le juge de première instance, l’appelant n’avait pas obtenu le poste d’AA parce qu’il n’y avait pas de poste à

combler. Les plaidoiries des intimés disaient égalé-

ment. Il semble que les intimés aient pris la position selon laquelle la décision de ne pas envoyer l’appelant dans le Golfe n’ait rien eu à voir avec sa religion.

[43] Le juge première instance ne croyait pas les témoins des intimés [aux paragraphes 14 et 15]:

J’estime que la preuve ne corroboré pas la prétention des défendeurs selon laquelle le demandeur n’a pas obtenu le poste en raison du fait qu’il n’y en avait aucun à combler et que le COMMAR en avait été informé vers le 21 jan-

vier 1991. La preuve démontré, au contraire, que la prolon- gation de la période d’affectation de l’adjoint administratif de l’époque est survenue seulement après qu’il soit devenu apparent que les défendeurs ne voulaient pas envoyer le lieutenant Liebmann en raison de sa religion mais qu’ils s’inquiétaient des conséquences de la vérité si elle était

connue. [. . .]

Furthermore, the fact that the defendants continued processing [another nominee] for the position and advised him as late as February 4, 1991 that he would be going to the Middle East, negates their contention that the decision

not to replace the current Executive Assistant was made during the third week of January 1991. . . . Even the three

people directly involved in the selection process for the position of Executive Assistant had no records or files of any kind, in spite of the plaintiff’s stated intention of filing a grievance.

The conduct of thé respondents described by thé Trial Judge calls for thé disapproval of this Court. [44] It should go without saying that when the respondents are faced with a complaint of discrimina-

tion under section 15, the proper course of action is to face the issue squarely, make an honest assessment of

De plus, le fait que les défendeurs aient continué leur processus [. . .] l’égard d’un autre candidat], pour le poste et qu’ils l’aient informé aussi tard que le 4 février 1991 qu’il serait envoyé au Moyen-Orient, réfute leur prétention

selon laquelle la décision de ne pas remplacer l’adjoint administratif de l’époque avait été prise pendant la troisième semaine de janvier 1991 [. . .] Même les trois personnes directement impliquées dans le processus de sélection pour le poste d’adjoint administratif ne disposaient d’aucun dossier de quelque nature que ce soit malgré l’intention

déclarée du demandeur de déposer un grief.

La présente Cour doit condamner la conduite dés intimés décrite par le jugé de première instance.

[44] Il va sans dire que lorsque les intimés font face à une plainte de discrimination fondée sur l’article 15,

la conduite qu’il convient d’adopter consisté à faire carrément face à la question et à déterminer d’une

50 LIEBMANN v. CANADA whether the action taken was discriminatory and if it appears to be, whether it can be justified. Pleadings,

évidence and argument must then be addressed to these issues.

Conclusion [45] I would allow that part of the appeal dealing with thé process by which thé respondents considered his nomination for thé EA position. The appellant is

entitled to a declaration that the refusal to select him for duty with CFME because of his religion was

unconstitutional, being contrary to his rights to équal- ity under thé Canadian Charter of Rights and Free— doms. I would dismiss thé other parts of the appeal.

[2002] 1 F .C.

façon honnête si la mesuré qui a été prise était discri— minatoire et, si elle semblait l’être, à déterminer si sa

justification peut se démontrer. Les plaidoiries, la preuve et les arguments doivent ensuite être examinés par rapport à ces questions.

Conclusion [45] J’accuéillerais la partie de l’appel qui se rap- porte au processus par lequel les intimés ont examiné la candidature de l’appelant au poste d’AA. L’appelant

a droit à un jugement déclaratoire portant que le refus de le choisir pour servir dans les FCMO en raison de

sa religion était: inconstitutionnel étant donné que cela portait atteinte au droit à l’égalité qui lui est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Je

rejetterais les autres parties de l’appel.

[46] I would order the respondents to pay the appellant’s costs both at trial and in this appeal.

ROTHSTEIN J.A.: I agrée. EVANS J.A.: I agrée.

Charter of the United Nations, 26 June 1945, [1945] Can. T.S. No. 7. Chapter VII, entitled “Threats to the Peace, Breaches of the Peace and Acts of Aggression”, empowers the Security Council to take action aimed at “peace enforce- ment”. This is in contrast to “peace keeping” measures taken under the authority of Chapter VI of the Charter, “Pacific Settlement of Disputes”.

[46] J ’ordonnerais aux intimés de payer les dépens de l’appelant en première instance et en appel.

LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.: Je souscris à cet avis. LE JUGE EVANS, J.C.A.: Je souscris à cet avis.

' Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, [1945] R.T. Can. n" 7. Le chapitre VII, intitulé: «Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression», autorise le Conseil de sécurité à prendre des mesures à l’égard de l’«imposition de la paix». Il faut

comparer cette disposition aux mesures de «maintien de la paix» qui sont prises en vertu du chapitre VI de la Charte,

intitulé: «Règlement pacifique des différends».

2 At para. 5. 3 Ibid., at para. 16. 4 Ibid., at para. 26. 5 Ss. 1 6 [1989] 1 S.C.R. 342. 7 Ibid., 8 Ibid, at pp. 358-363. 9 [1989] 1 S.C.R. 1038. Ibid., at p. 1078. '2

‘3 ‘4 ‘5

and 15. p. 353. at

[1997] 3 S.C.R. 624. R.S.C., 1985, c. N-5.

[1999] S.C.R. 497. 1 Ibid., at para. 81. Ibid.

16 [1989] S.C.R. at p. 197. 1 143, Supra, note at para. 43. 13, ‘8 Ibid., at para. 88. ‘9 The Queen Oakes, [1986] v.

1

S.C.R. 103, at p. 136.

2 Au par. 5. 3 Ibid., au par. 16. 4 Ibid., au par. 26. 5 An. 1 et 15. 6 [1989] l R.C.S. 342. 7 Ibid., à la p. 353. 8 Ibid., aux p. 358 à 363. 9 [1989] l R.C.S. 1038. ‘° ’2

'3 '4 '5

‘6 ’7 ‘8

‘9

Ibid., aux p. 1077 et 1078. [1997] 3 R.C.S. 624. L.R.C. (1985), ch. N—5.

[1999] 1 R.C.S. 497. Ibid., au par. 81. Ibid.

[1989] 1 R.C.S. 143, à la p. 197. Supra, note l3, au par. 43. Ibid., au par. 88.

La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, à la p. 136.

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