Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

IMM-1-14

2015 CF 281

Aurora Rafael Aguirre et Jessica Rasgado Rafael (alias Jessica Isabel Rasgado Rafael) (demanderesses)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Aguirre c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Kane—Toronto, 17 février; Ottawa, 5 mars 2015.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu que les demanderesses n’avaient ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens des art. 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Les demanderesses, une mère et sa fille aînée, ont affirmé craindre d’être persécutées par un gang criminel et par l’ex-conjoint de fait de la demanderesse principale — La demanderesse principale a été victime d’un grave accident vasculaire avant l’audience relative à sa demande d’asile — Une personne a été désignée pour représenter les deux demanderesses — La Commission a tenu l’audience et a conclu qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse que les demanderesses soient persécutées ni qu’elles soient exposées à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités — Il s’agissait de savoir si la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale, si elle a évalué de façon raisonnable les risques et si elle a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire — La décision rendue par la Commission relativement à la demande d’asile des demanderesses, sans la participation de la demanderesse principale, ne constituait pas une violation de l’équité procédurale — Conclure le contraire reviendrait à ne pas tenir compte du but de la désignation d’un représentant — Aucune disposition de la Loi ou des Règles de la Section de la protection des réfugiés ne permet à la Commission de reporter indéfiniment la décision relative à la demande d’asile — La Commission n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale en ne demandant pas précisément aux demanderesses de formuler des observations sur la protection de l’État — La Commission n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire — Elle était consciente des difficultés que posait la tenue d’une audience en l’absence de la demanderesse principale, mais a fait remarquer des facteurs atténuants — La Cour ne convenait pas que la Commission a tenu l’audience pour se conformer aux directives du commissaire coordonnateur — La Commission a clairement examiné la question de savoir si elle pouvait tenir une audience et a conclu qu’elle le pouvait — La décision de la Commission était raisonnable — La conclusion déterminante était que les demanderesses n’avaient aucune raison objective de craindre d’être persécutées — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu que les demanderesses n’avaient ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Les demanderesses, une mère et sa fille aînée, ont affirmé craindre d’être persécutées par un gang criminel en raison d’un incident survenu en 1997 et par l’ex-conjoint de fait de la demanderesse principale. Elles sont arrivées au Canada en 2007, où elles ont fait une demande d’asile. Peu de temps avant l’audience relative à sa demande d’asile, la demanderesse principale a été victime d’un grave accident vasculaire. Une personne a donc été désignée pour représenter les deux demanderesses. La Commission a finalement tenu l’audience avec la participation du représentant désigné, la deuxième demanderesse et le conseil des demanderesses. La Commission a conclu qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse que les demanderesses soient persécutées à leur retour au Mexique ni qu’elles soient exposées à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités de la part de l’ex-conjoint de fait ou de la part du gang criminel.

Il s’agissait de savoir si la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale, si elle a évalué de façon raisonnable les risques et si elle a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

Jugement : la demande doit être rejetée.

La décision rendue par la Commission relativement à la demande d’asile des demanderesses, sans la participation de la demanderesse principale, ne constituait pas une violation de l’équité procédurale. Conclure qu’une audience ne peut pas avoir lieu uniquement parce que la demanderesse principale est incapable d’y participer, bien qu’un représentant ait été désigné, reviendrait à ne pas tenir compte du but de la désignation d’un représentant, qui était de remplacer la demanderesse. Aucune disposition de la Loi ou des Règles de la Section de la protection des réfugiés ne permet à la Commission de reporter indéfiniment la décision relative à la demande d’asile. La Commission n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale en ne demandant pas précisément aux demanderesses de formuler des observations sur la protection de l’État en fonction de la prémisse que la demanderesse principale serait placée dans un établissement de soins de santé au Mexique et que sa fille serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants. La Commission n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Elle était consciente des difficultés que posait la tenue d’une audience en l’absence de la demanderesse principale, mais a fait remarquer, entre autres, que l’état de celle-ci ne s’améliorerait pas; les demanderesses ont été représentées par un conseil dès le début du processus de demande d’asile; le représentant désigné des demanderesses pouvait participer à l’audience; et le dossier renfermait des éléments de preuve. La Cour ne convenait pas que la Commission a tenu l’audience pour se conformer aux directives du commissaire coordonnateur ou qu’elle a tenu l’audience à l’encontre de réserves qui ont été exprimées. La Commission a clairement examiné la question de savoir si elle pouvait tenir une audience et a conclu qu’elle le pouvait. Enfin, la décision de la Commission était raisonnable. Il ressort de la décision et du dossier que la Commission a évalué les deux risques. Le fait que les demanderesses n’aient pas réfuté la présomption de protection adéquate de l’État n’était pas la conclusion déterminante. La conclusion déterminante était que les demanderesses n’avaient aucune raison objective de craindre d’être persécutées par le gang criminel ou par l’ex-conjoint de fait.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72, 96, 97, 167(2).

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, règle 20(10).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.

DÉCISIONS CITÉES :

Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392; Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, [2015] 2 R.C.F. 170; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299; Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3; Maksini c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 826; Isa c. Canada (Secrétaire d’État), [1995] A.C.F. no 254 (1re inst.) (QL).

DOCTRINE CITÉE

Brown, Donald J. M. et John M. Evans. Judicial Review of Administrative Action in Canada, feuilles mobiles. Toronto : Canvasback, 1998.

Mullan, David J. Administrative Law: Cases, Text, and Materials, 5e éd. Toronto : Emond Montgomery, 2003.

demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu que les demanderesses n’avaient ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Daniel L. Winbaum pour les demanderesses.

Amina Riaz pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Klein, Winbaum & Frank, Windsor, Ontario, pour les demanderesses.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Kane : Les demanderesses, une mère et sa fille aînée, sollicitent le contrôle judiciaire, en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) rendue le 9 décembre 2013, selon laquelle les demanderesses n’étaient pas des réfugiées au sens de la Convention au sens de l’article 96 ni des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la Loi.

Aperçu

[2]        La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question de savoir de quelle façon la Commission doit procéder lorsqu’elle est confrontée à la situation regrettable dans laquelle se trouve une demanderesse, incapable de participer à l’audience relative à la décision concernant sa demande d’asile, en raison d’une maladie débilitante que cette dernière a contractée après la présentation de sa demande.

[3]        Les demanderesses sont des citoyennes du Mexique qui craignent d’être persécutées par le gang Mara 18 en raison d’un incident survenu en 1997 et par l’ex-conjoint de fait de la demanderesse principale. Cette dernière, Mme Aguirre, a été victime d’un grave accident vasculaire en 2010, avant que la Commission ne rende une décision définitive sur la demande d’asile de la demanderesse.

[4]        Les demanderesses soutiennent que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale en statuant sur leur demande d’asile, malgré la situation exposée, et en omettant de les aviser que l’analyse relative à la protection de l’État présumerait que Mme Aguirre serait hospitalisée et que sa fille, Jessica, serait confiée à une agence de protection de l’enfance au Mexique.

[5]        Les demanderesses soutiennent, en outre, que la décision de la Commission est déraisonnable, parce que cette dernière a omis d’examiner la preuve disponible attestant l’existence d’un risque, en particulier de la part de l’ex-conjoint de fait de la demanderesse et, parce que la Commission a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[6]        Je suis consciente de la situation très regrettable dans laquelle se trouvent les demanderesses, mais la décision n’est ni injuste sur le plan procédural ni déraisonnable.

[7]        La Commission comprenait la situation des demanderesses et elle s’est efforcée de veiller à ce que les demanderesses aient l’entière possibilité, compte tenu de leur situation, de recueillir des éléments de preuve additionnels et qu’elles participent à l’audience par l’entremise de leur représentant désigné. La Commission a tenu compte de l’ensemble de la preuve et a conclu que les demanderesses n’étaient pas parvenues à démontrer qu’elles avaient des raisons de craindre d’être persécutées par le gang Mara 18 ou par l’ex-conjoint de fait de Mme Aguirre. Il s’agissait d’une conclusion déterminante.

[8]        La conclusion de la Commission concernant la protection de l’État était fondée sur l’idée que Mme Aguirre, si elle retournait au Mexique, serait placée dans un établissement de soins de santé et que sa fille Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants, et que ces établissements offriraient une protection adéquate ou permettraient d’obtenir la protection de l’État. Cette approche est raisonnable, compte tenu que, selon le pronostic concernant Mme Aguirre, cette dernière continuera d’avoir besoin de ce genre de soins. Le représentant désigné des demanderesses a été invité à présenter des observations écrites supplémentaires sur la protection de l’État et a fourni de brèves observations.

[9]        La Commission n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La décision de la Commission et le dossier confirment que celle-ci a examiné très attentivement si elle pouvait aller de l’avant en statuant sur la demande d’asile en raison des difficultés auxquelles se heurtaient les demanderesses qui ne pouvaient fournir des éléments de preuve supplémentaires. La Commission a conclu qu’elle pouvait procéder avec la participation du représentant désigné et la preuve versée au dossier, et non en raison d’une directive quelconque émanant du commissaire coordonnateur.

[10]      Malgré ce qui semble être un manque de compassion, la Cour ne peut pas parvenir à une conclusion que la décision de la Commission est déraisonnable ou incorrecte, de sorte qu’elle doit lui demander de réexaminer la demande d’asile ou de la suspendre. La Commission avait pour rôle de déterminer si les demanderesses étaient des réfugiées au sens des articles 96 et 97 de la Loi, en se fondant sur la demande d’asile présentée en 2007 et mise à jour en 2008, ce qu’elle a fait. Aucune erreur n’a été commise dans le processus suivi par la Commission ou dans sa décision.

[11]      Comme l’a fait observer la Commission, la situation regrettable dans laquelle se trouvent les demanderesses aurait pu être évoquée dans d’autres demandes qui avaient apparemment fait l’objet de discussions informelles, mais dont la Commission n’a pas été saisie et qui ne relevaient pas de sa compétence.

Contexte

[12]      Selon le formulaire de renseignements personnels (FRP) de Mme Aguirre, celle-ci faisait partie, en 1997–1998, d’une équipe de volley-ball qui a été agressée par les membres du gang Mara 18. Après l’agression, la police a escorté les membres du gang en dehors du secteur; cependant, ces derniers ont menacé les membres de l’équipe de volley-ball en leur disant qu’ils paieraient pour ce qui s’était passé. Un des membres de l’équipe et sa famille ont été agressés chez eux. Le kiosque de Mme Aguirre au marché régional a été détruit la semaine suivante. Cette dernière a déclaré que certains membres de l’équipe ont payé le gang pour éviter de subir des préjudices. Elle n’a pu se le permettre et elle s’est cachée dans la maison de sa sœur jusqu’en 2001 pendant que cette dernière se trouvait aux États-Unis (É.-U.).

[13]      En 2001, Mme Aguirre s’est rendue aux É.-U. et a laissé sa fille de deux ans, Jessica, à la garde des grands-parents de cette dernière. En 2006, Jessica a rejoint Mme Aguirre aux É.-U. Pendant qu’elle se trouvait dans ce pays, Mme Aguirre vivait en union de fait avec Fernando Gonzalez Cisneros, également un citoyen du Mexique. Mme Aguirre, Jessica et M. Gonzalez sont arrivés au Canada en 2007 et ont demandé l’asile. En 2008, Mme Aguirre a donné naissance, au Canada, à une deuxième fille.

[14]      Les demandes d’asile de Mme Aguirre et de Jessica ont été séparées de celle de M. Gonzalez par suite d’allégations de violence conjugale. M. Gonzalez est retourné au Mexique. Mme Aguirre a alors modifié sa demande d’asile pour y ajouter un risque de persécution de la part de M. Gonzalez, si elle retournait au Mexique.

[15]      La première audience de la Commission, prévue pour février 2009, a été ajournée afin de recueillir des renseignements à propos du consentement du père biologique de Jessica au Mexique relativement à la demande d’asile présentée par cette dernière au Canada, ou afin d’obtenir la confirmation de ce consentement.

[16]      En mars 2010, Mme Aguirre a épousé Simeon Sanchez, un citoyen canadien.

[17]      En juin 2010, peu de temps avant la reprise de l’audience relative à sa demande d’asile, Mme Aguirre a été victime d’un grave accident vasculaire. Elle est restée dans le coma pendant une longue période, y compris au moment de l’audience; elle est maintenant invalide et réside dans un établissement de soins de longue durée à Windsor, en Ontario. Les deux enfants restent confiés à la garde de M. Sanchez. Depuis son accident vasculaire, Mme Aguirre n’a pas pu prendre part à la décision concernant sa demande d’asile.

[18]      En 2012, en raison de l’état de santé de Mme Aguirre, une personne a été désignée pour la représenter, elle et Jessica. La Commission a ajourné l’audience à plusieurs reprises pour permettre au représentant désigné de recueillir la preuve.

[19]      La Commission a finalement tenu l’audience, le 11 juillet 2013, avec la participation du représentant désigné, de Jessica et du conseil des demanderesses. Jessica ne disposait d’aucun renseignement au sujet des événements qui étaient survenus au Mexique ou des menaces proférées par M. Gonzalez. Le conseil des demanderesses a souligné qu’il n’avait pas pu obtenir d’indications ou de renseignements à jour de la part de Mme Aguirre étant donné son état de santé et a de nouveau fait part de sa préoccupation, à savoir que l’audience ne devrait pas avoir lieu. La Commission était consciente de la situation et a invité le conseil à présenter des observations écrites supplémentaires sur les deux motifs invoqués dans les demandes d’asile des demanderesses et sur la protection de l’État.

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[20]      Même si la Commission a souligné qu’il n’y avait aucun lien entre les craintes de la demanderesse au sujet du gang Mara 18, parce que la rencontre avec le gang était un crime et que les menaces subséquentes étaient motivées par la vengeance, la Commission a examiné les deux allégations, soit le risque de persécution de la part du gang Mara 18 et le risque de violence conjugale de la part de M. Gonzalez, au regard des articles 96 et 97.

[21]      La Commission a analysé les observations du conseil selon lesquelles l’audience ne devrait pas avoir lieu parce que Mme Aguirre ne pouvait pas témoigner et que le représentant désigné et le conseil ne pouvaient pas obtenir d’éléments de preuve concernant les risques auxquels cette dernière serait exposée au Mexique ou les craintes qu’elle éprouvait. La Commission était consciente de la situation, mais a fait remarquer qu’elle avait offert les « mesures appropriées » pour que leur demande d’asile soit instruite de manière équitable. Un représentant a été désigné, les demanderesses ont été représentées par un conseil et l’audience a été reportée afin de permettre aux demanderesses de recueillir des éléments de preuve et la Commission a fait montre de beaucoup de circonspection et d’une diligence raisonnable dans le cadre de la procédure. La Commission a également fait observer qu’il incombait aux demanderesses d’étayer leurs demandes d’asile.

[22]      La Commission a fait observer qu’elle a examiné l’ensemble de la preuve, ainsi que la situation particulière de Mme Aguirre. La question déterminante était de savoir si les craintes que cette dernière éprouvait en ce qui avait trait à son retour au Mexique étaient objectivement fondées. La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les demanderesses ne seraient pas recherchées par gang Mara 18 ou victimes de sévices de leur part, parce que plus de 15 années s’étaient écoulées depuis l’incident décrit par Mme Aguirre dans son FRP. La Commission a également conclu qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve fiables ou dignes de foi permettant d’établir que M. Gonzalez était à la recherche des demanderesses ou qu’il leur ferait du mal à leur retour au Mexique. En ce qui concerne les deux risques, la Commission a fait observer que Mme Aguirre, selon la prépondérance des probabilités, serait placée dans un établissement de soins de santé et que Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants, et qu’il incomberait au Mexique de voir à leur bien-être.

[23]      La Commission a ensuite conclu qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse que les demanderesses soient persécutées à leur retour au Mexique ni qu’elles soient exposées, selon la prépondérance des probabilités, à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités de la part de M. Gonzalez, l’ex-conjoint de fait, ou de la part du gang Mara 18. En d’autres termes, elles n’étaient exposées à aucun risque au sens de l’article 96 ou de l’article 97.

[24]      La Commission a ensuite examiné la question de savoir si les demanderesses bénéficieraient, selon la prépondérance des probabilités, d’une protection adéquate de la part de l’État. À cet égard, il semble qu’il s’agisse d’une évaluation supplémentaire ou subsidiaire, étant donné que la Commission a conclu que le risque de persécution n’était pas fondé.

[25]      La Commission a encore une fois fait observer que Mme Aguirre est demeurée dans le coma et serait placée, selon la prépondérance des probabilités, dans un établissement de soins de santé au Mexique, et signalé que, en tant que citoyenne du Mexique, la responsabilité de son bien-être incomberait au Mexique. La Commission a ensuite conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse bénéficierait d’une protection adéquate de l’État.

[26]      La Commission a en outre fait observer que Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants au Mexique parce que sa mère ne pourrait pas s’occuper d’elle. Encore une fois, comme elle est citoyenne du Mexique, la responsabilité de son bien-être incombe à ce pays. La Commission a ensuite conclu que, selon la prépondérance des probabilités, elle bénéficierait d’une protection adéquate de l’État.

[27]      La Commission a reconnu que les demanderesses étaient confrontées à une situation personnelle difficile, mais, d’après l’ensemble de la preuve présentée, elle a réitéré qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse qu’elles soient persécutées, ou que, selon la prépondérance des probabilités, elles seraient exposées personnellement à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou encore, à un risque de torture, si elles retournaient aujourd’hui au Mexique.

[28]      La Commission a ajouté que la situation des demanderesses [traduction] « justifie peut-être de prendre en considération des motifs d’ordre humanitaire », mais a fait observer qu’elle n’avait pas compétence pour examiner ces motifs.

Les questions en litige

[29]      Les demanderesses soutiennent que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale et que la décision n’était pas raisonnable. Plus précisément, les demanderesses soulèvent les quatre questions suivantes :

1.         La Commission a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en tenant l’audience, malgré le fait que la demanderesse principale ne pouvait pas y participer et fournir une preuve quant aux risques auxquels elle faisait face?

2.         La Commission a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale en n’avisant pas les demanderesses que la Commission fonderait son analyse de la protection de l’État sur l’hypothèse selon laquelle Mme Aguirre serait placée dans un établissement de soins de santé et que Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants, et en ne sollicitant pas d’observations sur cette question?

3.         La Commission a-t-elle évalué de façon raisonnable les risques, compte tenu que Mme Aguirre ou Jessica ne pouvait pas fournir une preuve à jour?

4.         La Commission a-t-elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en tenant l’audience?

Norme de contrôle

[30]      Il ne fait aucun doute que les questions d’équité procédurale sont examinées en fonction de la norme de la décision correcte et qu’il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (Khosa), au paragraphe 43; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392, au paragraphe 53).

[31]      Le défendeur signale que, lorsqu’il y a des allégations de manquement à l’équité procédurale, la portée de l’obligation doit être examinée (Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, [2015] 2 R.C.F. 170, aux paragraphes 34 à 42). Néanmoins, cela n’a pas d’incidence sur la norme de contrôle en soi, mais sur l’évaluation de la portée de l’obligation et sur le fait de savoir s’il y a eu manquement à l’obligation.

[32]      Les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit sont examinées selon la norme de la raisonnabilité.

[33]      Il est de droit constant que, lorsque la norme de contrôle de la raisonnabilité s’applique, le rôle de la Cour consiste à déterminer si la décision de la Commission « fait partie des “issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit” (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » (Khosa, au paragraphe 59). La Cour ne soupèsera pas de nouveau la preuve et elle ne rendra pas une nouvelle décision.

[34]      Est déraisonnable la décision qui n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 63).

[35]      Les allégations d’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne constituent pas à elles seules des motifs. Une décision qui découle d’un pouvoir discrétionnaire limité est en soi déraisonnable (Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, aux paragraphes 20 à 24).

La Commission a-t-elle failli à son obligation en matière d’équité procédurale?

Les observations des demanderesses

[36]      Les demanderesses font valoir que la question fondamentale est le manquement à l’équité procédurale qui a résulté du fait que la Commission a tenu l’audience et s’est prononcée sur la demande d’asile des demanderesses, malgré le fait que, en raison de son accident vasculaire, Mme Aguirre n’était pas en mesure de donner des directives à son conseil et ne pouvait d’aucune façon fournir des éléments de preuve à jour quant au risque auquel Jessica et elle seraient exposées en retournant au Mexique ou quant à leurs craintes.

[37]      Les demanderesses reconnaissent qu’il incombe généralement au demandeur de démontrer qu’il a des raisons de craindre d’être persécuté. En l’espèce, les demanderesses ont été gravement lésées en s’acquittant de ce fardeau. Les reports précédents de leur audience n’ont pas remédié à ce préjudice.

[38]      Les demanderesses soutiennent que les directives et règles qui encouragent le traitement rapide des demandes d’asile doivent être soupesées en fonction du préjudice causé aux demanderesses par la tenue d’une audience lorsque celles-ci ne peuvent pas y participer et présenter tous les éléments de preuve nécessaires pour étayer leur demande d’asile.

[39]      Les demanderesses soutiennent que la Commission aurait dû continuer de reporter l’audience et laisser leur demande d’asile en suspens.

[40]      Les demanderesses ajoutent que la désignation d’un représentant désigné n’a pas réparé le préjudice causé aux demanderesses, parce que le représentant désigné n’a pu recueillir aucun élément de preuve supplémentaire auprès de la famille de Mme Aguirre au Mexique relativement au risque possible de persécution de la part du gang Mara 18, en raison du dialecte peu répandu parlé par la famille. Le représentant désigné n’a pas non plus pu obtenir de preuve concernant le risque que poserait toujours M. Gonzalez en raison de l’incapacité de Mme Aguirre à communiquer et de la connaissance insuffisante qu’avait Jessica de ce risque.

[41]      Les demanderesses font valoir en outre que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne les avisant pas qu’elle examinerait la question de la protection de l’État en fonction du fait que Mme Aguirre serait placée dans un établissement de soins de santé et que Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants. Les demanderesses n’ont pas eu la possibilité de présenter des observations relativement à cette manière de procéder et la Commission n’a fait renvoi à aucun élément de preuve pour appuyer sa conclusion.

Les observations du défendeur

[42]      Le défendeur soutient que la Commission n’était pas tenue de retarder l’audience indéfiniment. Cette dernière avait reporté l’audience à plusieurs reprises et a pris les mesures nécessaires pour tenir compte des besoins des demanderesses, y compris la désignation d’un représentant désigné. Le défendeur fait observer qu’aucune jurisprudence n’étaye le point de vue des demanderesses, à savoir que la Commission pouvait reporter indéfiniment la décision relative à la demande d’asile.

[43]      Le défendeur soutient que la Commission a examiné l’ensemble des éléments de preuve disponibles, notamment ceux qui étaient disponibles avant l’accident vasculaire de la demanderesse en 2010; le FRP, le FRP modifié et le rapport de police concernant les allégations de violence conjugale faites à l’endroit de M. Gonzalez. Le défendeur fait observer que les demanderesses ont eu depuis 2010 bien des occasions de recueillir d’autres éléments de preuve et ont été en tout temps représentées par un conseil. Le représentant a été désigné plus d’un an avant la tenue de l’audience en 2013.

[44]      Le défendeur soutient que l’hypothèse de la Commission, selon laquelle Mme Aguirre serait placée dans un établissement de soins de santé et Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants après leur retour au Mexique, était raisonnable compte tenu de la situation actuelle. En outre, les demanderesses ont été invitées à formuler des observations relativement à la protection de l’État, en tenant compte de la situation des demanderesses et, en particulier, de l’état de santé de Mme Aguirre. Il incombait aux demanderesses de réfuter la présomption de protection adéquate de l’État, mais les observations qu’elles ont présentées à la Commission ont été très brèves.

[45]      Le défendeur ajoute que la conclusion au sujet de la protection de l’État n’était pas la conclusion déterminante. La Commission a plutôt conclu que les demanderesses ne craignaient pas avec raison d’être persécutées au sens de l’article 96 ni d’être exposées à un risque au sens de l’article 97.

Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale

[46]      La décision rendue par la Commission relativement à la demande d’asile des demanderesses, sans la participation de Mme Aguirre, ne constitue pas une violation de l’équité procédurale.

[47]      Les demanderesses ont présenté une première demande d’asile en 2007, qui a ensuite été mise à jour en 2008, avant l’accident vasculaire de Mme Aguirre. En dépit du regrettable événement survenu entre-temps, il fallait que la Commission rende une décision au sujet de leur demande d’asile. La Commission a examiné attentivement les difficultés auxquelles les demanderesses étaient confrontées. Dès octobre 2011, la Commission a signalé qu’un report indéfini n’était pas envisageable et a évoqué la nécessité de désigner un représentant.

[48]      Bien que les directives de la Commission encouragent un traitement rapide des demandes d’asile, les mêmes directives font état d’une obligation d’agir avec équité. En l’espèce, la Commission a pris toutes les mesures raisonnables pour permettre aux demanderesses de faire valoir leurs arguments. Ces dernières ont été représentées par un conseil, un représentant a été désigné et des reports ont été accordés à maintes reprises, notamment afin de permettre au représentant désigné d’obtenir des renseignements plus à jour. La transcription des audiences indique que la Commission, le représentant désigné et le conseil des demanderesses ont discuté de la manière dont la Commission procéderait en l’absence de Mme Aguirre.

[49]      La Loi et les Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 (les Règles), traitent du rôle du représentant désigné.

[50]      Le paragraphe 167(2) de la Loi est ainsi libellé :

167. […]

(2) Est commis d’office un représentant à l’intéressé qui n’a pas dix-huit ans ou n’est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

Représentation

[51]      Les Règles énoncent les qualités requises pour être un représentant désigné ainsi que les responsabilités en cause.

[52]      Le paragraphe 20(10) des Règles prévoit ce qui suit :

20. […]

Responsabilités d’un représentant

(10) Les responsabilités d’un représentant désigné sont notamment les suivantes :

a) décider s’il y a lieu de retenir les services d’un conseil et, le cas échéant, donner à celui-ci des directives, ou aider la personne représentée à lui donner des directives;

b) prendre des décisions concernant la demande d’asile ou toute autre demande ou aider la personne représentée à prendre de telles décisions;

c) informer la personne représentée des diverses étapes et procédures dans le traitement de son cas;

d) aider la personne représentée à réunir et à transmettre les éléments de preuve à l’appui de son cas et, au besoin, témoigner à l’audience;

e) protéger les intérêts de la personne représentée et présenter les meilleurs arguments possibles à l’appui de son cas devant la Section;

f) informer et consulter, dans la mesure du possible, la personne représentée lorsqu’il prend des décisions relativement à l’affaire;

g) interjeter et mettre en état un appel devant la Section d’appel des réfugiés, si nécessaire.

[53]      Le représentant désigné agit à la place du demandeur lorsque celui-ci n’est pas en mesure de le faire en raison de son âge ou d’une invalidité. L’entente conclue avec le représentant désigné des demanderesses tenait compte des responsabilités énoncées ci-dessus.

[54]      Le représentant désigné et le conseil des demanderesses n’ont pas été en mesure de recueillir quelque preuve à jour relativement au risque auquel celles-ci seraient exposées aujourd’hui à cause du gang Mara 18 ou de M. Gonzalez, mais la Commission disposait d’éléments de preuve concernant les risques allégués par les demanderesses. Disposant de ceux-ci ainsi que des autres éléments de preuve disponibles et des observations du représentant désigné, la Commission a procédé à l’examen de la demande d’asile.

[55]      Conclure qu’une audience ne peut pas avoir lieu uniquement parce que la demanderesse principale est incapable d’y participer, bien qu’un représentant ait été désigné, reviendrait à ne pas tenir compte du but de la désignation d’un représentant, qui est de remplacer la demanderesse.

[56]      Comme l’a signalé le défendeur, aucune jurisprudence n’a été citée pour appuyer l’argument selon lequel la Commission pouvait reporter indéfiniment la décision relative à la demande d’asile. Aucune disposition à cet égard ne semble figurer dans la Loi ou les Règles. La transcription révèle que des discussions ont eu lieu entre le représentant désigné des demanderesses et la Commission au sujet des autres solutions possibles et, si ces solutions avaient été mises en œuvre, la demande d’asile aurait peut-être pu être retirée. Toutefois, il n’en a pas été ainsi et la Commission a entrepris l’examen de la demande d’asile.

[57]      La Commission n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale en ne demandant pas précisément aux demanderesses de formuler des observations sur la protection de l’État en fonction de la prémisse que Mme Aguirre serait placée dans un établissement de soins de santé au Mexique et que Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants. La Commission a été assez précise en demandant aux demanderesses de formuler des observations en tenant compte de la situation des demanderesses et de l’état de santé de Mme Aguirre. Cela suffisait pour renseigner les demanderesses sur la nature des observations demandées. Il incombait aux demanderesses d’étayer leur demande d’asile, par conséquent, il leur incombait aussi de réfuter la présomption de protection de l’État adéquate. Cette obligation est liée à leur crainte d’être persécutées et à la capacité de l’État de les protéger contre toute crainte ou tout risque.

[58]      En outre, la question déterminante pour la Commission était que les demanderesses ne craignaient pas avec raison d’être persécutées et non pas qu’elles n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État.

La Commission a-t-elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Les observations des demanderesses

[59]      Les demanderesses font valoir que la Commission a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en tenant l’audience sur les directives du commissaire coordonnateur, bien que ce dernier ait déjà reconnu que la Commission ne pouvait évaluer la crédibilité des demanderesses et malgré le fait que Mme Aguirre ne pouvait toujours pas participer à l’audience.

[60]      En d’autres termes, les demanderesses font valoir que la Commission n’a pas pleinement examiné la question de savoir si elle devait ou pouvait tenir l’audience dans les circonstances et a agi plutôt selon les directives du commissaire coordonnateur qui a décidé que l’audience devait avoir lieu et qu’elle ne pouvait pas être reportée indéfiniment.

[61]      Les demanderesses font observer que leur conseil et leur représentant désigné avaient évoqué à maintes reprises auprès de la Commission la nécessité de reporter l’audience du fait qu’il était impossible pour Mme Aguirre d’y participer et en raison des problèmes que posait la cueillette de renseignements à jour, notamment lors de l’audience de 2012 devant la Commission, qui a ensuite été reportée.

[62]      Le conseil des demanderesses a présenté ultérieurement à la Commission, le 8 avril 2013, une demande de report d’audience. Dans la demande, il était souligné que le conseil et le représentant désigné avaient avisé la Commission qu’ils s’opposaient à la tenue d’une audience, parce qu’aucune preuve à jour n’était disponible. Il est soutenu dans cette demande que la commissaire avait déjà affirmé qu’elle ne pouvait tenir une audience, parce qu’il n’existait aucun élément de preuve sur lequel elle pouvait se fonder pour tirer des conclusions quant à la crédibilité ou des conclusions quant à la capacité des demanderesses à obtenir la protection de l’État.

Les observations du défendeur

[63]      Le défendeur explique que l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire consiste à considérer un seul facteur comme étant concluant sans qu’il soit nécessaire d’examiner d’autres facteurs, à appliquer un pouvoir discrétionnaire comme une règle absolue, sans égard au contexte, ou se soumettre à la conclusion d’un autre intervenant (Brown et Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuillets mobiles, Toronto : Canvasback, 1998), au paragraphe 12:4410; David J. Mullan, Administrative Law : Cases, Text, and Materials (5e éd. Toronto : Emond Montgomery, 2003), aux pages 951 à 953). Cela ne comprend pas les déclarations faites par la Commission sur les limites de sa capacité à évaluer certains facteurs en l’absence de preuve.

[64]      Le défendeur fait observer que les demanderesses ont fondé leur allégation d’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire sur la réponse que la Commission a donnée le 4 avril 2013 à la demande de report indéfini de l’audience formulée par le conseil. La réponse que la commissaire responsable a donnée le 8 avril 2013 transmettait le point de vue du commissaire coordonnateur. Il était indiqué dans cette réponse que l’affaire devrait être mise au rôle dès que possible avec l’aide du conseil et du représentant désigné et que la décision devait être rendue en fonction de la preuve dont disposait la Commission.

[65]      Le défendeur fait également mention de la demande ultérieure de report (pour les mêmes motifs) et la réponse donnée par la Commission, le 9 avril 2013, qui mentionne que [traduction] « la commissaire se penchera sur les questions soulevées par le conseil à l’audience ». Le défendeur attire en outre l’attention sur la transcription de l’audience et la décision de la Commission; il soutient que les deux démontrent que la Commission n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et que, au contraire, cette dernière a parfaitement compris qu’elle devait se demander si elle devait procéder ou non à la tenue de l’audience et, après réflexion, elle a décidé de tenir l’audience.

La Commission n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire

[66]      La Commission était consciente des difficultés que posait la tenue d’une audience en l’absence de Mme Aguirre, mais a fait remarquer que l’état de Mme Aguirre ne s’améliorerait pas; les demanderesses ont été représentées par un conseil dès le début du processus de demande d’asile; le représentant désigné des demanderesses pouvait participer à l’audience; le dossier renfermait des éléments de preuve, notamment ceux que Mme Aguirre avait fournis avant son accident vasculaire; un délai avait été accordé pour recueillir des éléments de preuve supplémentaires, mais cela ne s’est pas révélé fructueux; le fondement de la demande d’asile pouvait être évalué en fonction de la preuve disponible.

[67]      Je ne conviens pas que la Commission a tenu l’audience pour se conformer aux directives du commissaire coordonnateur ou qu’elle a tenu l’audience à l’encontre de réserves qui ont été exprimées. La correspondance ultérieure et la transcription confirment ce point de vue.

[68]      Le dossier comprend plusieurs lettres du conseil des demanderesses qui font état de la nécessité d’un report de l’audience. La Commission a autorisé plusieurs reports. Cependant, dès octobre 2010, la Commission a mentionné que l’audience ne serait pas retardée indéfiniment. En octobre 2011, les notes de la Commission indiquent que la solution consistant à désigner un représentant a été soulevée auprès du conseil. La Commission a autorisé un autre report au début de 2012 à la demande du conseil et a accordé à celui-ci un délai allant jusqu’à la fin de mars 2012 pour trouver un représentant désigné à Mme Aguirre. La Commission a fait le nécessaire pour que Jessica soit représentée. Finalement, la même personne a agi en qualité de représentant désigné pour les deux. Par la suite, un délai supplémentaire a été accordé pour permettre au représentant désigné et au conseil de recueillir d’autres éléments de preuve.

[69]      En réponse à la demande présentée par le conseil le 26 mars 2013 de ne pas fixer une date d’audience parce que Mme Aguirre ne pouvait fournir aucun renseignement au sujet du risque, de la protection de l’État ou d’une possibilité de refuge intérieur au Mexique, le commissaire coordonnateur a fait mention de la chronologie des événements, il a souligné que, selon la preuve médicale, l’état de Mme Aguirre ne s’améliorerait pas, qu’un représentant avait été désigné et il a conclu que l’audition de l’affaire ne pouvait pas être reportée indéfiniment. Cette réponse a été communiquée au conseil des demanderesses. Le 8 avril 2013, le conseil a demandé à nouveau que l’audience n’ait pas lieu en soulignant que la Commission avait déjà fait valoir qu’elle ne pouvait pas tenir une audience puisqu’elle ne disposait d’aucune preuve lui permettant de formuler une conclusion sur la crédibilité. Le commissaire coordonnateur a par la suite donné une réponse, le 12 avril 2013, mentionnant que la commissaire qui présiderait l’audience examinerait les observations du conseil au cours de l’audience et que le représentant désigné représenterait les demanderesses.

[70]      Le conseil de la demanderesse, dans sa lettre datée du 26 mars 2013, affirme qu’il a expliqué à la Commission qu’[traduction] « il n’était pas possible d’évaluer la crédibilité, la possibilité de s’adresser à l’État pour obtenir sa protection et d’autres aspects importants en raison de l’état de santé de la demanderesse », mais je n’ai rien trouvé dans le dossier qui confirme que la commissaire a jugé qu’elle n’était pas en mesure de statuer sur la demande pour ce motif. Le conseil affirme également dans sa lettre du 8 avril 2013 que la [traduction] « commissaire saisie de cette affaire a déjà précisé officiellement qu’elle ne peut tenir une audience parce qu’il n’existe aucune preuve sur laquelle elle peut se fonder pour formuler des conclusions quant à la crédibilité ». Encore une fois, je ne trouve pas cette déclaration dans le dossier.

[71]      Lors de l’audience de 2009, Mme Aguirre était présente et l’audience a été ajournée pour permettre la cueillette de renseignements au sujet du consentement du père de Jessica.

[72]      Lors de l’audience de novembre 2012, la Commission a pris acte du fait que Mme Aguirre avait été victime d’un accident vasculaire et a pris acte du pronostic relatif à son rétablissement et a souligné qu’un représentant des demanderesses avait été désigné et qu’il était présent à l’audience. La commissaire a également souligné qu’une conférence préparatoire avait eu lieu afin de réfléchir à la façon de procéder étant donné que Mme Aguirre n’était pas en mesure de témoigner de quelque manière que ce soit. Rien dans la transcription ne donne à penser que la commissaire a dit qu’elle ne pouvait pas tenir une audience.

[73]      La transcription de l’audience tenue le 11 juillet 2013 révèle que des discussions portant sur la tenue de l’audience ont eu lieu, bien que Mme Aguirre fût hospitalisée et qu’il n’y eût aucun changement dans son état. La commissaire a récapitulé les discussions qui ont eu lieu officieusement et a ensuite résumé les risques allégués par les demanderesses. La Commission a fait observer que ni Jessica ni l’époux actuel de Mme Aguirre ne disposaient de renseignements concernant leurs problèmes au Canada ou au Mexique. La Commission a confirmé auprès du conseil la preuve figurant au dossier, et énoncée dans l’exposé circonstancié du FRP, concernant le risque de persécution de la part du gang Mara 18, et il a confirmé que rien d’autre n’avait été ajouté.

[74]      La Commission a ensuite expressément demandé au conseil de présenter des observations écrites sur le risque que posait M. Gonzalez, notamment [traduction] « s’il allait prendre contact avec la demanderesse principale ou Jessica après leur retour au Mexique ». La Commission a sollicité des observations sur la protection de l’État et a demandé [traduction] « s’il [était] raisonnable de s’attendre à ce que les demanderesses d’asile fassent appel aux autorités pour obtenir la protection de l’État, compte tenu de leur situation particulière ».

[75]      La Commission a ajouté ceci : [traduction] « Ensuite, compte tenu de l’état de santé actuel de la demanderesse principale, et compte tenu du fait que la demanderesse associée est mineure. C’est sur ces aspects que vos observations porteront principalement ».

[76]      La décision de la Commission, aux paragraphes 24 et 25, aborde carrément cette question. La Commission a pris acte des observations du conseil, à savoir que Mme Aguirre n’avait pas été capable de donner des renseignements au conseil au sujet des craintes qu’elle éprouvait ou d’aider celui-ci à cet égard. La Commission a ensuite déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec le conseil pour affirmer qu’elle avait commis une erreur en exigeant que l’audience ait lieu. La Commission a fait mention des mesures qu’elle avait prises pour tenir compte de la situation des demanderesses, notamment la désignation d’un représentant. Elle a souligné en outre que les demanderesses avaient été représentées tout au long du processus par un conseil compétent et qu’un délai supplémentaire leur avait été accordé afin de recueillir des éléments de preuve à l’appui de leur demande d’asile.

[77]      La Commission a clairement examiné la question de savoir si elle pouvait tenir une audience dans les circonstances et a conclu qu’elle le pouvait. Même si la Commission avait exprimé antérieurement des préoccupations à propos de l’impossibilité d’apprécier la crédibilité ou d’entendre les observations concernant la protection de l’État (je ne suis pas convaincue qu’elle l’a fait, compte tenu que je n’ai trouvé aucune mention à cet égard dans le dossier), elle n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La Commission a pleinement examiné la question de savoir si elle pouvait aller de l’avant. Elle ne visait pas un traitement rapide de la demande et n’agissait pas selon les directives du commissaire coordonnateur; elle n’a pas non plus contredit des réserves émises antérieurement, comme l’ont affirmé les demanderesses. Je tiens également à faire remarquer que la Commission n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité.

La décision est-elle raisonnable?

Les observations des demanderesses

[78]      Les demanderesses soutiennent que la Commission a omis d’évaluer de façon raisonnable les risques, compte tenu que Mme Aguirre n’a pas pu fournir de preuve à jour en raison de son incapacité à participer à l’audience et à communiquer, et compte tenu que Jessica ne pouvait fournir aucune preuve parce qu’elle était incapable de communiquer avec les membres de la famille au Mexique et qu’elle ne connaissait rien du risque auquel elles étaient exposées au Mexique ou du risque posé par M. Gonzalez.

[79]      Les demanderesses prétendent que la conclusion selon laquelle elles ne craignaient pas avec raison d’être persécutées n’était pas raisonnable puisque la Commission n’a pas évalué les risques posés par le gang Mara 18 ou M. Gonzalez. En outre, la Commission n’a pas évalué de façon raisonnable le caractère adéquat de la protection de l’État, compte tenu que les demanderesses seraient incapables d’évaluer la protection de l’État si elles devaient le faire à leur retour au Mexique.

[80]      Bien que 15 années se soient écoulées depuis que le gang Mara 18 a proféré des menaces, les demanderesses n’ont pas pu recueillir des renseignements à jour et préciser si le gang en question continuait d’être une menace pour elles si elles retournaient au Mexique. Le représentant désigné ne pouvait pas obtenir de renseignements auprès des membres de la famille de Mme Aguirre au Mexique en raison du dialecte parlé par ceux-ci. Les demanderesses prétendent qu’il était impossible pour la Commission de conclure qu’il n’y avait pas de risque éventuel.

[81]      En ce qui concerne le risque posé par M. Gonzalez, les demanderesses soutiennent que la déclaration qu’a faite Mme Aguirre aux policiers en 2008 indiquait que ce dernier l’avait poussée, que, par ailleurs, elle redoutait ce qu’il pourrait faire plus tard et qu’il avait en outre proféré des menaces de violence dans le passé. Les demanderesses prétendent que, même si M. Gonzalez était retourné au Mexique, la Commission n’a pas tenu compte du risque qu’il pouvait présenter pour les demanderesses, compte tenu du fait que la fille cadette, une citoyenne canadienne, était l’enfant de ce dernier et qu’il était possible qu’elle retourne au Mexique avec sa mère et sa sœur; elles risquaient ainsi de rencontrer M. Gonzalez et, par conséquent, d’être exposées à un risque.

[82]      En ce qui concerne la protection de l’État, les demanderesses soulignent que, dans les observations qu’elles ont présentées à la Commission, elles ont mentionné que Mm Aguirre n’était absolument pas en mesure de se protéger elle-même, ou de protéger Jessica, de son ex-conjoint de fait, et qu’elles étaient totalement sans défense. En outre, elles ont fait valoir que la violence conjugale est bien présente au Mexique et que les lois contre ce genre de violence sont rarement mises en application.

[83]      Les demanderesses affirment que, comme je l’ai déjà mentionné, même si la Commission a sollicité des observations écrites sur la protection de l’État, celle-ci n’a pas clairement mentionné qu’elle abordait la question de la protection de l’État en se fondant sur le fait que Mme Aguirre serait placée dans un établissement de soins de santé et que Jessica serait confiée à la garde d’un centre de soins pour enfants. Les demanderesses soutiennent en outre que lorsque le risque est lié à des actes de violence, la police est l’organisme responsable et non pas un établissement de santé ou d’aide à l’enfance.

[84]      Les demanderesses affirment également que la Commission a pris en compte des facteurs non pertinents pour en arriver à sa décision, notamment qu’elles pouvaient présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et que M. Sanchez prévoyait présenter une demande de parrainage de conjoint relativement à Mme Aguirre.

Les observations du défendeur

[85]      Le défendeur prétend que la Commission a apprécié la preuve relative au risque posé par le gang Mara 18 et par M. Gonzalez, et que sa conclusion déterminante était qu’il n’existait pas de crainte objectivement fondée de persécution. Cette conclusion pouvait raisonnablement être tirée, compte tenu de la preuve.

[86]      L’incident avec le gang Mara 18 a eu lieu il y a plus de 15 ans. Aucune preuve démontrant que le gang constitue toujours une menace n’a été présentée. Le défendeur est conscient qu’il était difficile de recueillir des éléments de preuve auprès de la famille au Mexique, mais a fait remarquer que Mme Aguirre aurait dû recueillir tous les éléments de preuve nécessaires pour étayer la demande d’asile qu’elle a présentée en 2007 et en 2008; ceux-ci auraient donc été disponibles avant l’audience qui devait commencer en 2010. Le dossier ne contenait rien d’autre en ce qui concerne ce risque, mis à part les FRP des demanderesses et les notes de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), dont la Commission a pris acte.

[87]      En ce qui concerne le risque posé par M. Gonzalez, la Commission a clairement reconnu que si les demanderesses, y compris la fille cadette, retournaient au Mexique, il serait possible que M. Gonzalez s’intéresse à son enfant. La Commission a également examiné la preuve versée au dossier concernant les allégations de violence conjugale, y compris les rapports de police, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, une déclaration de témoin émanant de Mme Aguirre et une déclaration de témoin émanant de Jessica, laquelle correspondait à son témoignage devant la Commission cinq ans plus tard.

[88]      Le défendeur prétend également que la Commission n’a pas commis d’erreur en évoquant la possibilité qu’une demande de parrainage ou une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit présentée. Cette hypothèse n’a pas été déterminante dans la décision puisqu’elle n’a fait l’objet que d’une mention (Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3, aux paragraphes 9 et 10; Maksini c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 826, au paragraphe 13; Isa c. Canada (Secrétaire d’État), [1995] A.C.F. no 254 (1re inst.) (QL)).

La décision de la Commission était raisonnable

[89]      Malgré la situation regrettable dans laquelle se trouvaient les demanderesses, la Commission avait pour tâche de déterminer si celles-ci avaient établi qu’elles avaient qualité de réfugiées. Il incombait aux demanderesses de faire cette preuve dès le dépôt de leurs demandes d’asile en 2007 et même après le grave accident vasculaire de la demanderesse principale, Mme Aguirre.

[90]      Il ressort de la décision et du dossier que la Commission a évalué les deux risques. La Commission a souligné qu’elle a examiné l’ensemble de la preuve et elle a fait expressément mention des FRP, des déclarations à la police, des notes de CIC, des témoignages du représentant désigné et de Jessica, ainsi que des observations.

[91]      Comme l’a souligné le défendeur, les menaces proférées par le gang Mara 18 remontent à plus de 15 ans. Mme Aguirre a quitté le Mexique en 2001 et rien ne prouvait, même avant l’accident vasculaire de Mme Aguirre, que le gang s’intéressait encore à elle ou que le risque qu’il s’intéresse encore à elle existait toujours. Le risque posé par M. Gonzalez n’a pas été écarté, mais la Commission a fait remarquer avec raison qu’il était retourné au Mexique en 2008. La déclaration que Mme Aguirre a faite à la police en 2008 faisait état de menaces passées, mais qu’il n’y avait pas eu de violence physique. La Commission a accepté la preuve de la violence conjugale. Cependant, rien ne permettait de penser qu’il y avait eu d’autres contacts avec M. Gonzalez.

[92]      Il n’était pas déraisonnable pour la Commission d’envisager que Mme Aguirre serait placée dans un établissement de soins de santé parce que la Commission disposait d’une preuve suffisante pour conclure que la demanderesse était incapable de prendre soin d’elle-même ou de ses enfants, puisqu’elle était hospitalisée au Canada et que le pronostic quant à son rétablissement était très mauvais. Je conviens que la police est chargée de protéger les citoyens contre la violence d’autrui, mais, étant donné que Mme Aguirre est hospitalisée, il est peu probable, sinon impossible, qu’elle rencontre M. Gonzalez. De plus, rien n’indiquait que M. Gonzalez posait un risque pour Jessica.

[93]      Encore une fois, le fait que les demanderesses n’aient pas réfuté la présomption de protection adéquate de l’État n’était pas la conclusion déterminante. Si elle l’avait été, la Commission aurait dû procéder à une analyse plus complète de la preuve objective relative à la protection que l’État mexicain pourrait accorder aux demanderesses.

[94]      La conclusion déterminante était que les demanderesses n’avaient aucune raison objective de craindre d’être persécutées par le gang Mara 18 ou par M. Gonzalez. La Commission a conclu qu’il n’y avait aucune possibilité sérieuse que les demanderesses soient persécutées à leur retour au Mexique ni qu’elles soient exposées, selon la prépondérance des probabilités, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités de la part de M. Gonzalez ou de la part du gang Mara 18. La Commission s’est fondée sur le fait que les demanderesses seraient sous la protection des autorités mexicaines pour conclure que celles-ci n’avaient pas raison de craindre d’être persécutées. À titre subsidiaire, la Commission a ensuite examiné le même facteur dans le cadre de l’évaluation du caractère adéquat de la protection de l’État.

[95]      En ce qui concerne l’observation des demanderesses selon laquelle la Commission a tenu compte de facteurs non pertinents pour en arriver à sa décision, en particulier la possibilité qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ou une demande de parrainage de conjoint soit déposée, je ne saurais dire que la mention de cette possibilité par la Commission a influé sur sa décision portant sur la demande fondée sur les articles 96 et 97.

[96]      Il ressort de la transcription qu’il y a eu des discussions avec le conseil et le représentant désigné sur la question de savoir si d’autres demandes pouvaient être présentées. Le fait que la Commission ait fait mention de ces discussions ne donne pas à penser que cela a eu une incidence sur sa décision concernant les demandes d’asile. La Commission faisait simplement remarquer que d’autres types de demandes, notamment les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, permettraient aux demanderesses de soulever la question de leurs situations personnelles et de peut-être obtenir un résultat plus favorable.

Conclusion

[97]      En conclusion, la Commission était consciente de la situation difficile dans laquelle se trouvaient les demanderesses et a statué sur leur demande d’asile dans le respect de l’équité procédurale et elle a tiré des conclusions raisonnables qui sont étayées par la preuve.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que:

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question n’est proposée aux fins de certification.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.