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IMM-371-14

2014 CF 1246

Abdlwahid Haqi (demandeur)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeur)

Répertorié : Haqi c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale, juge Mactavish—Vancouver, 22 septembre; Ottawa, 19 décembre 2014.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Contrôle judiciaire d’un avis donné par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) conformément à l’art. 104 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) qui a mis fin à la demande d’asile du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) — Le demandeur a mentionné qu’il avait été membre du Parti démocratique kurde d’Iran (PDKI), ce qui a amené l’agent de l’ASFC à établir un rapport en vertu de l’art. 44 de la LIPR — Une mesure d’expulsion a été prise contre lui par la suite — L’agent a avisé la SPR que la demande d’asile du demandeur était irrecevable pour examen par la SPR, ce qui mettait fin à la demande d’asile — Le demandeur a fait valoir que l’interprétation de l’art. 104(1) de la LIPR dans la décision Tjiueza c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) n’est pas applicable en raison des principes dégagés dans l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration) et de l’édiction de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada (LVPSIC) — Il s’agissait de savoir si l’art. 104(1) de la LIPR confère aux agents de l’ASFC le pouvoir discrétionnaire de ne pas mettre fin à une procédure relative à une demande d’asile dans les cas où la Section de l’immigration a jugé qu’une personne est interdite de territoire pour raison de sécurité et si le droit a beaucoup changé depuis que la décision Tjiueza a été rendue — Les agents de l’ASFC n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas donner un avis portant qu’il est mis fin aux procédures de demande d’asile dès qu’un demandeur a été déclaré interdit de territoire — C’est à tort que le demandeur invoque la décision dans l’arrêt Ezokola — L’arrêt Ezokola n’a aucune incidence sur le régime de recevabilité prévu dans la LIPR, ou sur l’interprétation des art. 103 et 104 de la LIPR — Le demandeur a confondu la question de la recevabilité avec la question de l’exclusion — La SPR n’a pas compétence pour examiner la question de l’exclusion et de l’incidence de l’arrêt Ezokola — L’édiction de la LVPSIC ne devrait pas amener à tirer une conclusion différente de celle tirée dans la décision Tjiueza — Il n’existe aucune raison pour laquelle les principes de la courtoisie judiciaire ne devraient pas s’appliquer ou justifiant de tirer une conclusion différente concernant l’interprétation de l’art. 104(1) de celle qui a été tirée dans la décision Tjiueza — Le mot « may » dans la version anglaise de l’art. 104(1) devrait être interprété comme ayant un effet contraignant — En édictant l’art. 104(1) de la LVPSIC, le législateur voulait que l’irrecevabilité découle automatiquement de l’interdiction de territoire pour raison de sécurité — Une question a été certifiée — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’un avis donné par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) conformément à l’article 104 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) qui a mis fin à la demande d’asile du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

Le demandeur, un citoyen iranien, a mentionné qu’il avait été membre du Parti démocratique kurde d’Iran (PDKI). Cette révélation a amené un agent de l’ASFC à établir un rapport en vertu de l’article 44 de la LIPR, mentionnant que le demandeur était interdit de territoire. Cet avis a entraîné la suspension des procédures de la SPR concernant le demandeur. La Section de l’immigration (SI) a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada et a pris une mesure d’expulsion contre lui. Un agent de l’ASFC a avisé la SPR que la demande d’asile du demandeur était irrecevable pour examen par la SPR, ce qui mettait ainsi fin à la demande d’asile.

Le demandeur a fait valoir, entre autres, que, par suite de la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration) et à l’édiction de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada (LVPSIC), les dispositions de la LIPR qui portent sur l’admissibilité ne reflètent plus aussi exactement l’exclusion prévue dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention) qu’à l’époque où la décision Tjiueza c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), la seule où la Cour a examiné les dispositions relatives aux avis contenues au paragraphe 104(1) de la LIPR, a été rendue.

Il s’agissait de savoir si le paragraphe 104(1) de la LIPR confère aux agents de l’ASFC le pouvoir discrétionnaire de ne pas mettre fin à une procédure relative à une demande d’asile dans les cas où la SI a jugé qu’une personne est interdite de territoire pour raison de sécurité et si le droit a beaucoup changé depuis que la décision Tjiueza a été rendue.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Les agents de l’ASFC n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas donner un avis portant qu’il est mis fin aux procédures de demande d’asile dès qu’un demandeur a été déclaré interdit de territoire au Canada pour des raisons de sécurité. C’est à tort que le demandeur a invoqué la décision dans l’arrêt Ezokola, car cette décision n’a aucune incidence sur le régime de recevabilité prévu dans la LIPR en général, ou sur l’interprétation des articles 103 et 104 de la LIPR en particulier. L’arrêt Ezokola traite de la portée de la définition de « réfugié » et plus particulièrement de l’exclusion de cette définition en vertu de la section F de l’article premier de la Convention, une disposition qui n’entre en jeu que lorsqu’une demande d’asile est déclarée recevable et peut donc être déférée à la SPR, ce qui n’était pas le cas du demandeur. Le demandeur semble avoir confondu la question de savoir si la SPR a compétence pour examiner une demande d’asile (recevabilité) avec la question de savoir si, en présumant que la SPR a compétence, une personne concernée est en fait une réfugiée au sens de la Convention (exclusion : la question en litige dans l’arrêt Ezokola). Étant donné que l’agent de l’ASFC a conclu que la demande d’asile du demandeur était irrecevable pour examen par la SPR parce que le demandeur était interdit de territoire pour raison de sécurité, il s’ensuivait nécessairement que la SPR n’avait pas compétence pour examiner la question de l’exclusion et de l’incidence de l’arrêt Ezokola. L’édiction de la LVPSIC ne devrait pas amener à tirer une conclusion différente de celle tirée dans la décision Tjiueza. Pour ces motifs, il n’y avait aucune raison de ne pas appliquer les principes de la courtoisie judiciaire en l’espèce ou de tirer une conclusion différente concernant l’interprétation correcte du paragraphe 104(1) de la LIPR de celle qui a été tirée dans la décision Tjiueza. Il existait d’autres facteurs qui justifient la conclusion tirée dans la décision Tjiueza selon laquelle le paragraphe 104(1) de la LIPR ne confère aucun pouvoir discrétionnaire aux agents de l’ASFC. Dans la décision Tjiueza, la Cour a reconnu que bien que l’utilisation du mot « may » implique habituellement un certain pouvoir discrétionnaire, ce n’était pas le cas dans cette affaire car la version française du paragraphe 104(1) est de nature impérative. Il convient également de souligner que l’utilisation du mot « may » crée une présomption de pouvoir discrétionnaire, et il ne s’agit pas là d’une règle absolue. Un examen du régime législatif dans son ensemble, conjugué au caractère impératif de la version française du paragraphe 104(1) de la LIPR étaye la conclusion que le mot « may » devrait être interprété comme ayant un effet contraignant. Un examen de l’historique législatif du paragraphe 104(1) de la LIPR mène à une conclusion semblable. Selon l’alinéa 46.01(1)e) de l’ancienne Loi sur l’immigration, la demande d’asile d’un demandeur qui avait été déclaré non admissible pour des raisons de sécurité n’était pas automatiquement déclarée irrecevable pour examen par la SPR. En édictant le paragraphe 104(1) de la LIPR, le législateur a expressément refusé d’inclure une disposition comparable à l’alinéa 46.01(1)e). Ceci donne à penser que le législateur voulait que l’irrecevabilité découle automatiquement de l’interdiction de territoire pour raison de sécurité, et ce, afin de refléter l’intention de donner priorité à la sécurité dans la LIPR.

Une question a été certifiée quant à savoir si, une fois qu’une audition de la SPR a été suspendue en attendant que la SI se prononce sur l’admissibilité d’un demandeur d’asile, si la SI décide que le demandeur est interdit de territoire pour raison de sécurité, l’agent de l’ASFC a, en vertu de l’alinéa 104(1)b) de la LIPR, le pouvoir discrétionnaire de ne pas réexaminer la recevabilité de la demande et de ne pas aviser la SPR de sa décision au sujet de la recevabilité.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 11.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 46.01 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34, 36, 42.1, 44, 98, 100, 101, 103, 104.

Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. No 6, art. 1E, 1F.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Tjiueza c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CF 1247, [2010] 4 R.C.F. 523; R. c. Lavigne, 2006 CSC 10, [2006] 1 R.C.S. 392.

décision différenciée :

Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 R.C.S. 678.

décisions examinées :

McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895; Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308; Baron c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 341.

décisions citées :

Haqi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1167; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160; Hernandez Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 324, [2014] 2 R.C.F. 224, conf. par 2014 CSC 68, [2014] 3 R.C.S. 431; Almrei c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1025; R. c. Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 R.C.S. 217; Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539; Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129.

DOCTRINE CITÉE

Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. Markham, Ont. : LexisNexis, 2008.

demande de contrôle judiciaire d’un avis donné par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada conformément à l’article 104 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui a mis fin à la demande d’asile du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Peter Edelmann pour le demandeur.

Banafsheh Sokhansanj pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Edelmann & Co. Law Offices, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Mactavish : Monsieur Abdlwahid Haqi a demandé l’asile au Canada, alléguant craindre d’être persécuté en raison de ses activités au sein du Parti démocratique kurde d’Iran. Avant que sa demande d’asile ne puisse être entendue, le cas de M. Haqi a été déféré à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié afin qu’elle se prononce sur son admissibilité. Ce renvoi a eu pour effet de suspendre l’instance en cours devant la Section de la protection des réfugiés jusqu’à ce que la Section de l’immigration ait tranché la question de l’admissibilité de M. Haqi.

[2]        La Section de l’immigration a par la suite conclu que M. Haqi était interdit de territoire au Canada parce qu’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement iranien.

[3]        Après que la Section de l’immigration eut rendu sa décision, l’agent de l’agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a avisé, en vertu de l’article 104 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [L.C. 2001, ch. 27] (la LIPR), la Section de la protection des réfugiés ainsi que M. Haqi que celui-ci avait été déclaré interdit de territoire pour des raisons de sécurité de sorte que sa demande d’asile était irrecevable pour examen par la Section de la protection des réfugiés. Cet avis a eu pour effet de suspendre la demande d’asile de M. Haqi et de mettre fin à la procédure.

[4]        M. Haqi affirme que l’agent était investi du pouvoir discrétionnaire de ne pas mettre fin à sa demande d’asile et qu’il a commis une erreur en omettant d’exercer ce pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, M. Haqi sollicite une ordonnance annulant l’avis donné en vertu de l’article 104, et demande que l’affaire soit renvoyée à un autre agent de l’ASFC pour nouvelle décision.

[5]        Comme je l’expliquerai plus loin, je suis d’avis que l’article 104 de la LIPR ne confère pas à l’agent de l’ASFC le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis mettant fin à la demande d’asile d’un demandeur d’asile une fois qu’il a conclu que la demande est irrecevable pour examen par la Section de la protection des réfugiés. Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

I.          Contexte

[6]        M. Haqi est un citoyen iranien d’origine kurde qui est arrivé au Canada en 2011. Il a présenté une demande d’asile dès son arrivée. La demande d’asile de M. Haqi était fondée sur sa soi-disant crainte de la police et des services du renseignement iraniens qui s’interrogeaient sur ses activités au sein du Parti démocratique kurde d’Iran (PDKI).

[7]        M. Haqi a mentionné dans son Formulaire de renseignements personnels qu’il avait fondé et exploité une cellule secrète du PDKI en Iran. Cette révélation a amené un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada à établir un rapport en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, mentionnant qu’il estimait que M. Haqi était interdit de territoire au Canada parce qu’il était membre du PDKI. Le cas a alors été déféré à la Section de l’immigration (la SI) afin que celle-ci se prononce sur l’admissibilité de M. Haqi.

[8]        La Section de la protection des réfugiés (la SPR) n’avait pas encore fixé une date d’audition de la demande d’asile de M. Haqi au moment où elle a été avisée du renvoi du rapport établi en vertu de l’article 44 à la SI. Selon l’alinéa 103(1)a) de la LIPR, cet avis a entraîné la suspension des procédures de la SPR concernant M. Haqi. Le texte intégral des dispositions législatives applicables est annexé aux présents motifs.

[9]        Devant la SI, M. Haqi a admis avoir été longtemps membre du PDKI et a de plus admis que le PDKI est une « organisation » au sens de l’article 34 de la LIPR, qui traite de l’interdiction de territoire pour raison de sécurité. Il a toutefois prétendu que, lorsqu’on examine les activités du PDKI, le terme « actes visant au renversement » devrait être interprété dans le contexte de l’oppression dont les Kurdes ont toujours fait l’objet en Iran.

[10]      Selon M. Haqi, les actes de violence commis par le PDKI n’étaient pas « illicites » et ne visaient pas de « fins illicites », mais étaient justifiés au titre des lois internationales ayant trait aux conflits armés. M. Haqi prétend, à titre subsidiaire, qu’il n’est devenu membre du PDKI qu’après que celui-ci a renoncé à l’emploi de la force.

[11]      La SI a rendu sa décision le 27 décembre 2013 en soulignant que la jurisprudence a établi que l’article 34 de la LIPR devait recevoir une interprétation large. Elle a de plus conclu que le PDKI avait lancé des attaques armées contre le gouvernement iranien et qu’il avait préconisé le conflit armé, auquel il s’était livré, dans le but de déstabiliser le régime au pouvoir et de faire reconnaître les droits des Kurdes.

[12]      La SI a retenu l’argument de M. Haqi selon lequel le PDKI était autorisé à employer la force contre un régime oppressif pour faire reconnaître le droit des Kurdes à l’autodétermination. Elle a toutefois conclu que cet argument en était un qu’il conviendrait davantage d’invoquer comme facteur atténuant à l’appui d’une demande d’exception ministérielle présentée au titre de l’article 42.1 de la LIPR.

[13]      Après avoir conclu que M. Haqi était membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est l’auteur d’actes visant au renversement du gouvernement iranien, la SI a conclu que M. Haqi était interdit de territoire au Canada et a pris une mesure d’expulsion contre lui. Cette décision a récemment été confirmée par la Cour : Haqi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1167.

[14]      Le 7 janvier 2014, un agent de l’ASFC a avisé la SPR et M. Haqi que la demande d’asile de M. Haqi était irrecevable pour examen par la SPR. L’agent a souligné que, selon l’alinéa 101(1)f) de la LIPR, une demande est irrecevable pour examen par la SPR, lorsqu’un demandeur a été déclaré interdit de territoire pour raison de sécurité.

[15]      Selon le paragraphe 104(2) de la LIPR, la signification de cet avis a eu pour effet de mettre fin à la procédure de M. Haqi en cours devant la SPR. C’est cet avis qui est contesté par M. Haqi dans la présente demande de contrôle judiciaire.

II.         La décision faisant l’objet du contrôle

[16]      La décision en litige dans la présente instance est courte et est ainsi libellée :

[traduction] La Section de la protection des réfugiés est avisée par la présente que, en vertu de l’article 104 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il a été décidé que votre demande d’asile est irrecevable pour examen par la Section de la protection des réfugiés, et ce, pour les motifs suivants :

Conformément à l’alinéa 101(1)f), la Section d’immigration a statué que vous êtes interdit de territoire pour raison de sécurité, comme il est décrit à l’article 34 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Par conséquent, en application de l’article 104, le présent avis met fin à l’examen de votre demande d’asile.

III.        La question en litige

[17]      Selon M. Haqi, sont soulevées en l’espèce la question de [traduction] « la portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent de mettre fin à une demande d’asile en application de l’article 104 de la LIPR et la question de savoir si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé équitablement en l’espèce ».

[18]      Toutefois, avant d’aborder la question de la portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent de l’ASFC, une question préliminaire doit d’abord être abordée. Il s’agit de savoir si l’article 104 de la LIPR confère vraiment aux agents de l’ASFC le pouvoir discrétionnaire de ne pas mettre fin à une procédure relative à une demande d’asile dans les cas où la SI a jugé qu’une personne est interdite de territoire pour raison de sécurité.

[19]      La décision de l’agent de l’ASFC ne traite pas expressément de cette question, mais il ressort implicitement de l’emploi par l’agent du mot « [p]ar conséquent », au dernier paragraphe de l’avis, qu’il était d’avis que dès que la SI a conclu qu’une personne est interdite de territoire pour raison de sécurité, une demande d’asile est irrecevable pour examen par la SPR et toute procédure en cours devant la SPR prend forcément fin.

IV.       Norme de contrôle

[20]      Aucune des parties, dans leurs observations, n’a abordé la question de la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer.

[21]      Conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 57 et 62, lorsqu’elle décide quelle norme de contrôle il convient d’appliquer, la Cour doit d’abord vérifier si la jurisprudence a déjà établi de façon satisfaisante le degré de déférence dont il faut faire montre à l’égard de la question particulière en cause. Le cas échéant, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse complète quant à la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer.

[22]      Dans la décision Tjiueza c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CF 1247, [2010] 4 R.C.F. 523, au paragraphe 11, le juge de Montigny a conclu que la question de savoir si l’alinéa 104(1)b) de la LIPR conférait un pouvoir discrétionnaire à l’agent de l’ASFC concernant la délivrance d’un avis mettant fin à une procédure relative à une demande d’asile soulève une question de droit, et ainsi, c’est la norme de contrôle de la décision correcte qui devrait s’appliquer.

[23]      Il convient toutefois de souligner que la décision Tjiueza a été rendue en 2009 et que le droit a évolué depuis ce temps en ce qui concerne le degré de déférence dont il faut faire montre à l’égard de décideurs qui exercent des pouvoirs conférés par la loi : voir, par exemple, Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160, aux paragraphes 26 à 28; Hernandez Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 324, [2014] 2 R.C.F. 224, conf. par 2014 CSC 68, [2014] 3 R.C.S. 431. Compte tenu de cette jurisprudence plus récente, la norme de la raisonnabilité est présumée s’appliquer à l’interprétation faite par l’agent de sa loi constitutive.

[24]      En même temps, la question en litige en l’espèce est une question d’interprétation législative pure. Il n’y a aucune clause privative dans la LIPR, et les agents de l’ASFC n’ont aucune expertise en interprétation des lois. Ces facteurs donnent à penser que la présomption voulant que la norme de la raisonnabilité devrait s’appliquer a été réfutée en l’espèce.

[25]      Toutefois, au bout du compte, il se peut qu’il s’agisse d’une situation où la distinction entre les normes de contrôle de la décision correcte et de la raisonnabilité est plus illusoire que réelle. Il en est ainsi parce qu’il n’y a que deux réponses possibles à la question d’interprétation législative soulevée par la présente affaire : l’agent de l’ASFC agissant en vertu de l’alinéa 104(1)b) de la LIPR soit a le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner avis mettant fin à une demande d’asile lorsqu’une personne a été déclarée interdite de territoire pour des raisons de sécurité, soit ne possède pas ce pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, les « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » [dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47] sont très limitées en l’espèce.

[26]      En effet, dans l’arrêt McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, la Cour suprême a conclu que lorsque les méthodes habituelles d’interprétation législative mènent à une seule interprétation raisonnable et que c’est l’autre interprétation possible qui est retenue, celle-ci est nécessairement déraisonnable.

[27]      De plus, j’arriverais à la même conclusion en appliquant l’une ou l’autre norme de contrôle car je suis convaincue que l’interprétation implicite faite, par l’agent, de la loi en cause était raisonnable et correcte.

V.        L’importance de la décision rendue par la Cour dans Tjiueza

[28]      Il semble que ce n’est que dans la décision Tjiueza que la Cour a examiné les dispositions relatives aux avis contenues au paragraphe 104(1) de la LIPR. Dans cette décision, le juge de Montigny a conclu qu’un agent de l’ASFC n’a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner l’avis prévu à l’article 104 de la LIPR après que la SI a tiré une conclusion d’interdiction de territoire pour raison de sécurité. Le défendeur affirme que je n’ai aucune raison de m’écarter du raisonnement suivi dans la décision Tjiueza, qui tranche les questions soulevées par M. Haqi.

[29]      M. Haqi prétend que deux modifications importantes ont été apportées au droit depuis que la décision Tjiueza a été rendue, de sorte que je devrais réexaminer l’interprétation faite dans la décision Tjiueza quant à l’article 104 en ce qui concerne la question du pouvoir discrétionnaire.

[30]      Avant d’examiner les arguments de M. Haqi concernant les récentes modifications apportées au droit, je dois d’abord examiner ce que la Cour a en fait décidé dans la décision Tjiueza. Il est alors nécessaire de tenir compte des principes de la courtoisie judiciaire pour déterminer les répercussions de la décision Tjiueza sur la présente affaire.

A.        La décision Tjiueza

[31]      Dans la décision Tjiueza, le demandeur était membre du Caprivi Liberation Movement (CLM) en Namibie, une organisation qui aurait commis des actes visant au renversement du gouvernement namibien. Un agent de l’ASFC a établi un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR indiquant qu’il était d’avis que M. Tjiueza était interdit de territoire au Canada parce qu’il était membre du CLM. Le cas de M. Tjiueza a ensuite été déféré à la SI pour enquête et l’étude de la demande d’asile de M. Tjiueza a été interrompue en vertu de l’alinéa 103(1)a) de la LIPR.

[32]      La SI a ensuite déclaré M. Tjiueza interdit de territoire pour raison de sécurité. Pour arriver à cette conclusion, la SI a reconnu que rien ne prouvait que M. Tjiueza avait pris part à des actes violents commis par le CLM, qu’il avait appuyé de tels actes ou qu’il en avait eu une connaissance préalable. Après que la SI eut rendu sa décision, un agent de l’ASFC a donné un avis en vertu de l’alinéa 104(1)b) de la LIPR, mettant ainsi fin à la demande d’asile de M. Tjiueza.

[33]      La question en litige dans la décision Tjiueza était de savoir si l’agent de l’ASFC avait le pouvoir discrétionnaire de ne pas donner l’avis prévu à l’article 104, et, le cas échéant, s’il avait mal exercé ce pouvoir discrétionnaire.

[34]      M. Tjiueza a souligné, comme le fait M. Haqi, que le libellé du paragraphe 104(1) a un caractère facultatif en prévoyant ce qui suit dans sa version anglaise : « [a]n officer may, with respect to a claim that is before the Refugee Protection Division [...] give notice that an officer has determined that [...] (b) the claim is ineligible under paragraph 101(1)(f) » (non souligné dans l’original). Selon M. Tjiueza et M. Haqi, l’emploi du mot « may » signifie que même si une demande d’asile ne peut pas être déférée à la SPR en application de l’alinéa 101(1)f), l’agent de l'ASFC a le pouvoir discrétionnaire de décider de donner ou non un avis mettant fin à la demande d’asile du demandeur.

[35]      Invoquant l’article 11 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, le juge de Montigny a convenu que le mot « may » implique habituellement un pouvoir discrétionnaire. Il a toutefois ensuite conclu en disant « mais cela ne peut pas être déterminant en l’espèce, ne serait-ce que parce que la version française du paragraphe 104(1) “[l]’agent donne un avis” est de nature plus impérative et semble prescrire à l’agent de donner un avis dans les circonstances exposées aux alinéas a) à d) » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 13.

[36]      Le juge de Montigny a de plus conclu que le paragraphe 104(1) de la LIPR ne peut pas être interprété isolément et qu’un examen approfondi du régime législatif dans son ensemble dénote l’intention qu’avait le législateur d’exclure tout pouvoir discrétionnaire dans les cas où le demandeur d’asile est déclaré interdit de territoire.

[37]      Le juge de Montigny a souligné que l’article 101 de la LIPR énumère les motifs pour lesquels une demande d’asile est irrecevable pour examen par la Section de la protection des réfugiés. Selon l’alinéa 101(1)f), une demande est irrecevable dans le cas suivant : « “prononcé d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ” » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 14.

[38]      Le juge de Montigny a souligné que selon les paragraphes 100(1) et (3) de la LIPR, « l’agent doit décider si une demande d’asile peut être déférée à la SPR dans les trois jours ouvrables suivant sa réception. Si aucune décision n’est prise dans ce délai de trois jours, la demande est réputée être déférée à la SPR ». Il a de plus souligné que l’alinéa 100(2)a) de la LIPR « prescrit toutefois que l’agent sursoit à l’étude de la recevabilité de la demande de la personne si le cas a déjà été déféré en vertu de l’article 44 à la Section de l’immigration en vue de décider si cette personne est interdite de territoire pour raison de sécurité » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 15.

[39]      Le juge de Montigny a fait remarquer qu’après qu’une demande d’asile a été déférée à la SPR, l’alinéa 103(1)a) de la LIPR « autorise l’agent à donner avis à la SPR que le cas a été déféré à la SI “pour constat d’interdiction de territoire” et ce, pour certains motifs, dont la sécurité » et que cet avis « a pour effet de suspendre les procédures de la SPR » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 16.

[40]      Le juge de Montigny a souligné que « [l]es motifs pour lesquels une audition de la SPR peut être suspendue sont restreints, et ils n’incluent pas tous ceux pour lesquels une demande peut être irrecevable », et que « [l]a suspension d’une demande empêche la SPR de rendre une décision avant que l’on ait statué sur la recevabilité de la demande » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 16.

[41]      Comme l’a fait remarquer le juge de Montigny, une fois suspendues en vertu de l’alinéa 103(1)a) par suite d’un avis donné en vertu de l’article 104 de la LIPR, « les procédures de la SPR ne peuvent reprendre que si un agent avise la SPR que la demande suspendue est recevable » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 17.

[42]      Pour autant que l’article 104 de la LIPR est concerné, le juge de Montigny a souligné que cette disposition autorise un agent à mettre fin aux procédures de la SPR qui sont en instance si cet agent « décide que la demande est irrecevable, ou qu’une demande irrecevable a été déférée à la SPR par suite de présentations erronées sur un fait important ou de réticence sur ce fait ». Il a de plus souligné que le pouvoir de mettre fin à des procédures de la SPR qui sont en instance « ne dépend pas du fait que ces procédures ont d’abord été suspendues » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 18.

[43]      Après avoir fait cet examen du régime législatif, le juge de Montigny a ensuite abordé la question de l’interprétation qu’il convient de donner au paragraphe 104(1) de la LIPR. Étant donné l’importance de son analyse pour la présente affaire, je reproduis intégralement les extraits pertinents de sa décision (aux paragraphes 20 à 27) :

M. Tjiueza soutient que l’article 104 de la LIPR conférait à l’agent Gross le pouvoir discrétionnaire d’aviser ou non la SPR que sa demande était irrecevable, mettant ainsi fin aux procédures de la SPR le concernant. L’argument de M. Tjiueza, s’il est retenu, mènerait au résultat absurde que ces procédures seraient suspendues pendant un temps indéfini.

En fait, à première vue, le libellé de l’article 103 suspend les procédures de la SPR pendant un temps indéfini, sauf si elles sont reprises en vertu du paragraphe 103(2). Il est dit au paragraphe 103(1) que l’on « sursoit à l’étude de la demande » sur avis de l’agent portant que le cas a été déféré à la SI. Il n’est pas sursis à l’étude de la demande « en attendant » la décision de la SI ou « jusqu’à ce que » cette dernière ait été rendue. Le paragraphe 103(2) mentionne que « [l’] étude de la demande reprend sur avis portant que la demande est recevable ». La loi ne prévoit aucun autre moyen de poursuivre une procédure. Il semble donc que si un agent ne décide pas expressément si une demande est recevable ou irrecevable, les procédures de la SPR resteront en suspens. Je suis d’accord avec le défendeur que le législateur n’a pu envisager que l’on confère à l’agent le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures de la SPR pendant un temps indéfini.

Il semble plus logique de considérer les deux articles 103 et 104 comme un régime législatif qui envisage qu’un agent ne peut suspendre les procédures de la SPR que jusqu’à ce qu’il ait pu recueillir suffisamment de renseignements, au moyen de la décision de la SI, pour se prononcer sur la recevabilité. Ce régime envisage ensuite que l’agent met fin à la suspension soit en donnant avis à la SPR que la demande suspendue est recevable en vertu du paragraphe 103(2), soit en donnant avis que la demande est irrecevable par suite de la décision de la SI rendue en vertu de l’article 104.

Pour ces motifs, bien que l’article 104 de la LIPR confère de manière générale à un agent le pouvoir discrétionnaire de réexaminer ou non la recevabilité d’une demande, ce pouvoir discrétionnaire n’existe pas dans le cas d’une demande qui a été suspendue en vertu de l’article 103 de la LIPR. Dans le cas d’une demande qui a été suspendue, le pouvoir discrétionnaire quelconque qui peut exister au sujet du réexamen de la recevabilité d’une demande aurait été exercé au moment de décider, en vertu de l’article 103, de suspendre les procédures de la SPR. Une fois qu’une demande est suspendue, la LIPR ne prévoit que deux résultats possibles : soit l’étude se poursuit parce qu’un agent avise la SPR que la demande est recevable, soit il est mis fin à l’étude parce qu’un agent avise la SPR que la demande est irrecevable.

Il est possible aussi d’éclairer quelque peu les intentions du législateur en consultant le Guide opérationnel : Guides sur les personnes protégées (PP). Chapitre PP1 : Traitement des demandes de protection au Canada, qui mentionne ce qui suit (à la page 55) :

L’agent « peut » procéder à un nouvel examen de la recevabilité s’il dispose de renseignements qui font en sorte que le demandeur n’aurait pas dû être considéré comme admissible à une demande ou n’y est désormais plus admissible. L’article 104 permet à l’agent de procéder à un nouvel examen de la recevabilité d’une demande et d’aviser la Section de la protection des réfugiés que la demande n’est désormais plus recevable, mettant ainsi fin à l’administration du cas.

Bien que la décision de procéder à un nouvel examen relève du pouvoir discrétionnaire de l’agent, si l’on dispose d’éléments de preuve attestant qu’une personne n’est pas admissible, un nouvel examen devrait être la ligne de conduite à privilégier. Il peut toutefois y avoir des situations où il convient de faire en sorte que la SPR prenne une décision concernant la demande.

Ce guide confirme donc que l’agent dispose en général d’un pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 104. Cependant, il mentionne que l’agent n’exerce ce pouvoir discrétionnaire que parce qu’il peut arriver que la SPR doive se prononcer sur la demande (par exemple dans un cas mettant en cause des clauses d’exclusion). Étant donné qu’une demande qui a été suspendue en application de l’article 103 restera dans cet état pendant un temps indéfini, la SPR ne se prononcera jamais sur ce genre de demande. Il semble donc que le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 104 n’a jamais été conçu pour s’appliquer à cette situation.

Cette interprétation cadre avec les dispositions de la LIPR et avec les objectifs de cette Loi qui exigent que l’on traite les demandes d’asile de manière efficace et expéditive. En particulier, le paragraphe 162(2) de la LIPR exige que la SPR « fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité ».

De plus, cette interprétation est étayée par le fait qu’une suspension d’une durée indéfinie ne procurerait au demandeur aucun avantage pratique. Sa demande d’asile ne serait toujours pas tranchée par la SPR. De ce fait, il ne serait pas admissible au statut de résident permanent, ni aux droits et aux privilèges qui y sont associés. Il resterait sous le coup de la mesure de renvoi prise par la SI. Il demeurerait également sous le coup de la restriction imposée aux personnes interdites de territoire pour raison de sécurité, à savoir qu’une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) ne peut pas donner lieu à l’octroi de l’asile. En bref, si l’agent exerçait le pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 104 de ne pas mettre fin à la procédure de la SPR, le demandeur n’en retirerait aucun avantage pratique. Il semble absurde que le législateur accorde à un agent un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice ne répond à aucun besoin pratique. Cela serait contraire à l’article 12 de la Loi d’interprétation, précitée, selon lequel « [t]out texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

[44]      Après avoir conclu que l’agent de l’ASFC qui s’était occupé du dossier de M. Tjiueza n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas donner en vertu de l’article 104 l’avis mettant fin à la demande d’asile de M. Tjiueza, le juge de Montigny a conclu qu’il n’était pas nécessaire de traiter les arguments de M. Tjiueza concernant la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent et le caractère équitable du processus.

[45]      Le juge de Montigny a conclu son analyse en faisant remarquer qu’« [i]l va sans dire que même si la SPR ne peut entendre la demande de M. Tjiueza, ce dernier peut encore, en présentant une demande d’ERAR, faire examiner les risques qu’il court » : Tjiueza, précitée, au paragraphe 28.

[46]      Dans la décision Tjiueza, le juge de Montigny a certifié, pour la Cour fédérale, une question portant sur l’interprétation du paragraphe 104(1) de la LIPR, mais aucun appel n’a été interjeté à l’encontre de cette décision.

[47]      Après avoir examiné ce qui a été décidé dans la décision Tjiueza, je dois apprécier l’incidence que cette décision a sur la présente affaire. Je dois d’abord examiner le principe de la courtoisie judiciaire.

VI.       Courtoisie judiciaire

[48]      Selon le principe de l’autorité de la chose jugée, les juges d’une cour de justice ne sont pas liés par les décisions des membres de cette même cour de justice. Toutefois, selon le principe de la courtoisie judiciaire, les juges doivent se conformer aux décisions de leurs collègues portant sur l’interprétation de dispositions législatives, sauf s’il existe une bonne raison de s’écarter d’une décision antérieure.

[49]      Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308, au paragraphe 43, le principe de la courtoisie judiciaire vise à favoriser la certitude du droit en empêchant les juges d’une même cour de trancher la même question de manière différente.

[50]      Cela dit, il est également bien établi qu’un juge de la Cour ne doit pas s’écarter de l’interprétation faite par un collègue d’une disposition législative à moins d’être convaincu qu’il est nécessaire de le faire et de pouvoir faire état de motifs convaincants à l’appui : Allergan Inc., précité, au paragraphe 48.

[51]      Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un juge peut décider de ne pas suivre l’interprétation donnée à une disposition législative par un autre juge de la Cour. Il est possible que des décisions qui ont été rendues entretemps aient eu une incidence sur la validité de la décision antérieure, ou que la Cour, dans la décision antérieure, n’a pas tenu compte d’un précédent faisant autorité ou d’une loi pertinente. Un juge peut également s’écarter d’une décision antérieure lorsque cette décision a été « rendue sans délibéré », c’est-à-dire que l’urgence de l’instance est telle que le juge doit rendre immédiatement sa décision sans avoir le temps de consulter la jurisprudence, ou lorsqu’une injustice serait créée s’il suivait la décision antérieure : Almrei c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1025, aux paragraphes 61 et 62; Baron c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 341, au paragraphe 52.

[52]      S’il se trouve en présence de l’une de ces circonstances, un juge peut s’écarter de la ligne établie par la décision antérieure, « à la condition qu’il expose clairement ses motifs de ce faire et, dans une affaire d’immigration, qu’il permette à la Cour d’appel fédérale de clarifier le droit en certifiant une question » : Baron, précitée, au paragraphe 52.

[53]      Vu que le juge de Montigny a déjà formulé une opinion mûrement réfléchie dans la décision Tjiueza quant à savoir si un agent dispose du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 104 de la LIPR, la question qui se pose est celle de savoir si M. Haqi a démontré qu’il existe une bonne raison de s’écarter de l’interprétation du juge de Montigny quant à la disposition législative en litige. C'est la question que je vais maintenant examiner.

VII.      Le droit a-t-il beaucoup changé depuis que la décision Tjiueza a été rendue?

[54]      M. Haqi prétend qu’il y a eu des changements dans le droit canadien en matière d’immigration depuis que le juge de Montigny a rendu sa décision en décembre 2009. À l’appui de cette prétention, il renvoie à la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 R.C.S. 678, et à l’édiction de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 (LVPSIC), et affirme que, en raison de cette évolution du droit, la Cour doit réexaminer son interprétation du paragraphe 104(1) de la LIPR et tirer une conclusion différente.

[55]      Selon M. Haqi, par suite de l’arrêt Ezokola et de la LVPSIC, les dispositions de la LIPR qui portent sur l’admissibilité ne reflètent plus aussi exactement l’exclusion prévue dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, qu’à l’époque où le juge de Montigny a rendu la décision Tjiueza.

[56]      Le défendeur affirme que tout changement apporté au droit par suite de l’arrêt Ezokola et de la LVPSIC n’a aucune incidence sur la question en litige en l’espèce et que je devrais donc retenir l’interprétation faite par le juge de Montigny du paragraphe 104(1) de la LIPR.

[57]      Avant d’examiner ces arguments, il est utile de bien comprendre les termes « recevabilité », « interdiction de territoire » et « exclusion » qui sont employés dans la LIPR :

i.     « Recevabilité » fait référence à la question de savoir si une demande d’asile peut être déférée à la SPR. Le régime de la recevabilité figure aux articles 100 à 104 de la LIPR où le législateur a clairement précisé que ce ne sont pas toutes les demandes d’asile qui doivent être examinées par la SPR. Si une demande n’est pas recevable, pour des raisons de sécurité, par exemple, la SPR n’a pas compétence pour connaître de la demande.

ii.    « Interdiction de territoire » fait référence à la question de savoir si des étrangers ou des résidents permanents peuvent entrer et/ou demeurer au Canada. Les motifs d’interdiction de territoire sont énoncés aux articles 33 à 42.1 de la LIPR. Sont notamment interdits de territoire au Canada les membres d’organisations qui commettent des actes visant au renversement d’un gouvernement par la force.

iii.   « Exclusion » fait référence à la question de savoir si un demandeur répond à la définition de « réfugié » à la lumière des sections E et F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, qui sont incorporés par renvoi à l’article 98 de la LIPR. Les sections E et F excluent certaines personnes de la définition de réfugié, notamment (comme ce fut le cas dans l’arrêt Ezokola) les personnes qui ont commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.

[58]      Chacun de ces termes a un sens distinct et peut s’appliquer indépendamment des autres. La plupart des motifs de recevabilité énoncés à l’article 101 de la LIPR n’ont rien à voir avec la recevabilité. Par exemple, une demande d’asile peut être irrecevable pour examen par la SPR parce que la personne qui fait la demande est arrivée au Canada d’un pays tiers sûr. L’exception est le motif d’irrecevabilité prévu à l’alinéa 101(1)f), dont j’ai déjà fait mention, selon lequel une demande est jugée irrecevable pour examen par la SPR, lorsque le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour raison de sécurité.

[59]      Dans le même ordre d’idées, une personne peut être exclue par application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, non pas pour des raisons liées à son admissibilité au Canada, mais parce que la personne possède déjà la citoyenneté d’un autre pays. Dans la même veine, une personne peut devenir interdite de territoire au Canada pour grande criminalité par application de l’article 36 de la LIPR, un motif pour lequel aucune exclusion n’est prévue aux sections E et F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.

[60]      Après avoir examiné la terminologie pertinente, je vais maintenant examiner les arguments de M. Haqi.

A.        L’incidence de l’arrêt Ezokola

[61]      M. Haqi prétend qu’avant que la Cour suprême rende sa décision dans l’arrêt Ezokola, une personne déclarée interdite de territoire aux termes de l’article 34 de la LIPR aurait probablement également été exclue de la définition de réfugié par application de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Toutefois, M. Haqi affirme qu’il ne pouvait pas être conclu, en vertu du critère plus strict de la complicité énoncé dans l’arrêt Ezokola, qu’il a volontairement apporté une contribution consciente et significative aux crimes commis par le PDKI et qu’il ne pouvait donc pas être exclu de la protection conférée par la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.

[62]      M. Haqi prétend que, à la lumière de l’interprétation large donnée à l’article 34 de la LIPR, afin de se conformer aux obligations internationales du Canada, les agents de l’ASFC doivent disposer du pouvoir discrétionnaire d’évaluer si l’exclusion est effectivement possible avant de mettre fin à une demande d’asile. Il prétend en outre que, selon les principes en matière d’équité, il faut donner aux demandeurs d’asile la possibilité de présenter des observations à cet égard.

[63]      Selon M. Haqi, les récentes modifications apportées à la législation en matière d’immigration ont limité de façon importante les recours dont disposent, dans sa situation, les demandeurs d’asile. Ces modifications ont notamment eu pour effet de limiter l’accès à la prise de mesures fondées sur des motifs d’ordre humanitaire en ce qui concerne les personnes déclarées interdites de territoire pour raison de sécurité, et d’imposer des restrictions quant à la possibilité, pour les demandeurs qui peuvent convaincre le ministre qu’il ne serait pas contraire à l’intérêt national de les déclarer admissible au Canada, de demander une exception ministérielle en vertu du paragraphe 42.1 de la LIPR.

[64]      Par conséquent, M. Haqi prétend qu’un demandeur qui se trouve dans sa situation aura un statut incertain pendant de nombreuses années et ne pourra pas voyager ou parrainer des membres de sa famille, ce qui va directement à l’encontre des obligations du Canada aux termes de la Convention relative au statut des réfugiés. M. Haqi affirme que cette situation lui cause du stress et viole les droits qui lui sont garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] (Charte).

[65]      Il convient de souligner que M. Haqi n’a pas contesté le paragraphe 104(1) de la LIPR au regard de la Charte. M. Haqi n’a que brièvement effleuré la question, mais, selon ce que je comprends, il prétend que les lois devraient être interprétées de manière à éviter que les droits qui lui sont garantis par la Charte soient violés.

[66]      Les tribunaux doivent résoudre toute ambiguïté qui figure dans une loi de manière à ce que la loi respecte la Charte, mais ce principe d’interprétation ne s’applique que lorsque la loi est bel et bien ambiguë. Comme je l’expliquerai plus loin, je n’ai relevé aucune ambiguïté en l’espèce.

[67]      Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que c’est à tort que M. Haqi invoque la décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt Ezokola, car cette décision n’a aucune incidence sur le régime de recevabilité prévu dans la LIPR en général, ou sur l’interprétation des articles 103 et 104 de la LIPR en particulier. L’arrêt Ezokola traite de la portée de la définition de « réfugié » et plus particulièrement de l’exclusion de cette définition en vertu de la section F de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, une disposition qui n’entre en jeu que lorsqu’une demande d’asile est déclarée recevable et peut donc être déférée à la SPR, ce qui n’était pas le cas de M. Haqi.

[68]      Je suis également d’accord avec le défendeur pour affirmer que M. Haqi semble avoir confondu la question de savoir si la SPR a compétence pour examiner une demande d’asile (recevabilité) avec la question de savoir si, en présumant que la SPR a compétence, une personne concernée est en fait une réfugiée au sens de la Convention relative au statut des réfugiés (exclusion : la question en litige dans l’arrêt Ezokola).

[69]      Étant donné que l’agent de l’ASFC a conclu que la demande d’asile de M. Haqi était irrecevable pour examen par la SPR parce que M. Haqi était interdit de territoire pour raison de sécurité, il s’ensuivait nécessairement que la SPR n’avait pas compétence pour examiner la question de l’exclusion et de l’incidence de l’arrêt Ezokola.

B.        L’incidence de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada

[70]      M. Haqi prétend également que, par suite de l’édiction de la LVPSIC, la Cour devra réexaminer l’interprétation qu’elle a déjà donnée, dans la décision Tjiueza, au paragraphe 104(1) de la LIPR et tirer une conclusion différente.

[71]      M. Haqi n’a renvoyé à aucune disposition législative précise à l’appui de cet argument, soutenant plutôt que [traduction] « la portée élargie des dispositions d’irrecevabilité à la suite des modifications apportées dans la Loi visant à protéger le système d'immigration du Canada […] combinée à une application sans cesse croissante de l’article 34 par le ministre, il s’agira du premier d’une série de demandeurs d’asile dont les demandes seront déclarées irrecevables dans des cas où ils ne seraient pas exclus en vertu de la Convention ».

[72]      Comme le souligne le défendeur, les seules modifications que la LVPSIC a apportées aux articles 103 et 104 de la LIPR ont été la suppression des renvois à la « Section d’appel des réfugiés » aux paragraphes 103(1) et (2). Je ne suis donc pas convaincue que l’édiction de la LVPSIC devrait m’amener à tirer une conclusion différente de celle qu’a tirée le juge de Montigny dans la décision Tjiueza.

VIII.     Observations finales

[73]      Pour ces motifs, M. Haqi ne m’a pas convaincue que les principes de la courtoisie judiciaire ne devraient pas s’appliquer en l’espèce ou qu’il existe un motif justifiant de tirer une conclusion différente concernant l’interprétation correcte du paragraphe 104(1) de la LIPR de celle qui a été tirée dans la décision Tjiueza.

[74]      De plus, il existe d’autres facteurs qui justifient la conclusion du juge de Montigny selon laquelle le paragraphe 104(1) de la LIPR ne confère aucun pouvoir discrétionnaire aux agents de l’ASFC.

[75]      Le premier facteur a trait à l’utilisation du mot « may » dans la version anglaise du paragraphe 104(1) de la LIPR. Comme je l’ai déjà souligné, le juge de Montigny a accepté que le mot « may » implique habituellement un certain pouvoir discrétionnaire, mais il a conclu que ce n’était pas le cas dans cette affaire car la version française du paragraphe 104(1) est de nature impérative et prescrit aux agents de donner, dans les circonstances prescrites, un avis portant que les procédures relatives à la demande d’asile sont terminées : voir Tjiueza, précitée, au paragraphe 13.

[76]      En effet, comme la Cour suprême l’a fait remarquer, lorsqu’il y a divergence entre les versions française et anglaise d’un même texte et qu’une version est ambiguë tandis que l’autre est claire et sans équivoque, il faut privilégier le sens commun aux deux versions. Lorsqu’une des deux versions possède un sens plus large que l’autre, le sens commun aux deux favorise le sens le plus restreint ou limité : R. c. Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 R.C.S. 217, au paragraphe 26.

[77]      Il convient également de souligner que l’utilisation du mot « may » crée une présomption de pouvoir discrétionnaire, et il ne s’agit pas là d’une règle absolue. Selon les circonstances, le mot « may » peut impliquer l’existence d’un large pouvoir discrétionnaire, prévoir un pouvoir discrétionnaire limité ou équivaloir à l’impératif « shall » : R. c. Lavigne, 2006 CSC 10, [2006] 1 R.C.S. 392, aux paragraphes 22 à 38. Voir également Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis, 2008), aux pages 68 à 74.

[78]      Comme il est expliqué dans la décision Tjiueza, un examen du régime législatif dans son ensemble, conjugué au caractère impératif de la version française du paragraphe 104(1) de la LIPR étaye la conclusion que le mot « may » devrait être interprété comme ayant un effet contraignant. Par conséquent, les agents de l’ASFC n’ont pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas donner un avis portant qu’il est mis fin aux procédures de demande d’asile dès qu’un demandeur a été déclaré interdit de territoire au Canada pour des raisons de sécurité.

[79]      Enfin, un examen de l’historique législatif du paragraphe 104(1) de la LIPR mène à une conclusion semblable.

[80]      Selon l’alinéa 46.01(1)e) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9] de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, la demande d’asile d’un demandeur qui avait été déclaré non admissible pour des raisons de sécurité n’était pas automatiquement déclarée irrecevable pour examen par la SPR. De telles demandes ne pouvaient pas être entendues seulement si le ministre était d’avis qu’il allait à l’encontre de l’intérêt national qu’une demande soit entendue.

[81]      En 2002, la LIPR a remplacé la Loi sur l’immigration. En édictant le paragraphe 104(1) de la LIPR, le législateur a expressément refusé d’inclure une disposition comparable à l’alinéa 46.01(1)e) de l’ancienne Loi.

[82]      Comme il a été souligné dans l’analyse « article par article » qui était jointe au projet de loi, « [l]es dispositions relatives à l’irrecevabilité de la [Loi sur l’immigration] interdisent l’accès au processus de détermination du statut de réfugié aux personnes jugées interdites de territoire pour raison de sécurité, de terrorisme ou d’atteinte aux droits de l’homme, si le ministre est d’avis qu’il irait à l’encontre de l’intérêt national qu’une demande soit entendue ». Cependant, le paragraphe 104(1) a été rédigé précisément dans le but de « mieux protéger la sûreté et la sécurité de la population canadienne » en éliminant la nécessité d’obtenir l’opinion du ministre.

[83]      Cette modification donne à penser que le législateur voulait que l’irrecevabilité découle automatiquement de l’interdiction de territoire pour raison de sécurité, et ce, afin de refléter l’intention de donner priorité à la sécurité dans la LIPR : Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539, au paragraphe 10.

IX.       Conclusion

[84]      Puisque j’ai conclu que M. Haqi n’a pas démontré qu’il existe de bons motifs d’adopter, quant à l’alinéa 104(1)b) de la LIPR, une interprétation différente de celle qui a été adoptée par le juge de Montigny dans la décision Tjiueza, la demande de contrôle judiciaire de M. Haqi est donc rejetée.

X.        Certification

[85]      M. Haqi propose la question suivante aux fins de certification :

Une fois qu’une audition de la SPR a été suspendue en vertu de l’article 103 de la Loi sur limmigration et la protection des réfugiés, si la SI décide que le demandeur est interdit de territoire pour raison de sécurité dans des circonstances pour lesquelles le demandeur n’est pas exclu par application de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, l’agent a-t-il le pouvoir discrétionnaire, avant de mettre fin à la procédure de demande d’asile en vertu de l’article 104, d’attendre de voir si le ministre accordera une dispense en vertu de l’article 42.1?

[86]      Le défendeur s’oppose à la certification de cette question, ou de toute autre question, car il prétend que rien ne permet de mettre en doute la justesse de la décision rendue par le juge de Montigny dans la décision Tjiueza. Subsidiairement, le défendeur affirme que s’il y a une question à certifier en l’espèce, il doit s’agir de la même question qui a été certifiée dans la décision Tjiueza, à savoir :

Une fois qu’une audition de la SPR a été suspendue en vertu de l’article 103 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en attendant que la SI entende et réexamine la recevabilité d’une demande, si la SI décide que le demandeur est interdit de territoire pour raison de sécurité, l’agent a-t-il, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le pouvoir discrétionnaire de ne pas réexaminer la recevabilité de la demande et de ne pas aviser la SPR de sa décision au sujet de la recevabilité, et de suspendre ainsi pendant un temps indéfini l’audition de la SPR?

[87]      J’estime qu’il convient de certifier la question de droit soulevée en l’espèce car il s’agit d’une question d’importance générale qui transcende les intérêts des parties immédiates et qui permet de trancher l’appel : Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129, au paragraphe 28.

[88]      Toutefois, la question proposée par M. Haqi pose deux problèmes. Premièrement, elle présuppose que les circonstances à l’origine de l’interdiction de territoire prononcée contre lui ne pouvaient pas mener à son exclusion par application de la section F de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés car sa participation à des actes visant au renversement du gouvernement iranien n’a pas pu être établie selon le critère de l’arrêt Ezokola. Ce n’est pas à moi qu’il revient de se prononcer sur cette question, mais je me bornerai à dire que, selon moi, la question n'est pas aussi claire que M. Haqi le prétend.

[89]      Le problème plus fondamental que soulève la question proposée par M. Haqi est qu’elle présuppose que le ministre était saisi d’une demande d’exception lorsque l’agent de l’ASFC a donné l’avis prévu à l’article 104.

[90]      L’argument de M. Haqi selon lequel l’avis prévu à l’article 104 n’aurait pas dû être tenu en suspens en attendant que soit tranchée sa demande d’exception ministérielle a été soulevé pour la première fois à l’audition de sa demande. Non seulement s’agissait-il d’un argument tout à fait nouveau, mais également rien au dossier n’indiquait que M. Haqi avait en fait déposé une demande d’exception ministérielle. En effet, il y a eu beaucoup de confusion à l’audience quant à la question de savoir si une telle exception avait été demandée.

[91]      Dans des observations soumises après l’audience, M. Haqi a confirmé que, en janvier 2014, lorsque l’agent de l’ASFC a donné l’avis prévu au paragraphe 104(1) de la LIPR, il n’avait pas soumis une telle demande, ni au moment où sa demande de contrôle judiciaire a été entendue, soit en septembre 2014. Il semble que M. Haqi n’a déposé une demande d’exception ministérielle qu’après l’audition de sa demande de contrôle judiciaire — environ neuf mois après que la décision en litige en l’espèce fut rendue. Par conséquent, la question telle que formulée par M. Haqi ne se pose tout simplement pas, compte tenu des faits de l’espèce.

[92]      Je suis également préoccupée par le fait que la question proposée par le défendeur soulève quelques difficultés car elle présuppose qu’interpréter le paragraphe 104(1) comme conférant un pouvoir discrétionnaire à l’agent de l’ASFC de ne pas donner avis à la SPR a pour effet de suspendre pendant un temps indéfini les procédures de la SPR. Il me semble que cette question devrait être examinée lorsque l’on répond à la question de savoir quelle interprétation il convient de donner au paragraphe 104(1), plutôt que de faire partie de la question elle-même.

[93]      Par conséquent, je propose de certifier une version modifiée de la question certifiée dans la décision Tjiueza, à savoir :

Une fois qu’une audition de la Section de la protection des réfugiés a été suspendue en vertu de l’alinéa 103(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en attendant que la Section de l’immigration se prononce sur l’admissibilité d’un demandeur d’asile, si la Section de l’immigration décide, en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, que le demandeur est interdit de territoire pour raison de sécurité, l’agent de l’ASFC a-t-il, en vertu de l’alinéa 104(1)b) de la LIPR, le pouvoir discrétionnaire de ne pas réexaminer la recevabilité de la demande et de ne pas aviser la Section de la protection des réfugiés de sa décision au sujet de la recevabilité?

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante est certifiée.

Une fois qu’une audition de la Section de la protection des réfugiés a été suspendue en vertu de l’alinéa 103(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en attendant que la Section de l’immigration se prononce sur l’admissibilité d’un demandeur d’asile, si la Section de l’immigration décide, en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, que le demandeur est interdit de territoire pour raison de sécurité, l’agent de l’ASFC a-t-il, en vertu de l’alinéa 104(1)b) de la LIPR, le pouvoir discrétionnaire de ne pas réexaminer la recevabilité de la demande et de ne pas aviser la Section de la protection des réfugiés de sa décision au sujet de la recevabilité?

ANNEXE

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 46.01 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36; 1995, ch. 15, art. 9] (abrogés)

46.01(1) La revendication de statut n’est pas recevable par la section du statut si l’intéressé se trouve dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

a) il s’est déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention par un autre pays dans lequel il peut être renvoyé;

b) il est arrivé au Canada, directement ou non, d’un pays — autre que celui dont il a la nationalité ou, s’il n’a pas de nationalité, que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle — qui figure dans la liste établie en vertu des règlements d’application de l’alinéa 114(1)s);

c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l’objet :

(i) soit d’une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou établissant le désistement de sa revendication,

(ii) soit d’une décision d’irrecevabilité de sa revendication par un agent principal;

d) le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements;

e) l’arbitre a décidé, selon le cas :

(i) qu’il appartient à l’une des catégories non admissibles visées à l’alinéa 19(1)c) ou au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada,

(ii) qu’il appartient à l’une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)e), f), g), j), k) ou l) et, selon le ministre, il serait contraire à l’intérêt public de faire étudier sa revendication aux termes de la présente loi,

(iii) qu’il relève du cas visé au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada,

(iv) qu’il relève, pour toute infraction punissable aux termes d’une loi fédérale d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l’alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada.

Critères de recevabilité

(1.1) La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée à compter de la date d’entrée en vigueur du présent paragraphe n’est pas recevable par la section du statut si l’intéressé, à la fois :

a) a présenté, avant cette date, une revendication dont il a été déterminé qu’elle n’avait pas de minimum de fondement;

b) a fait l’objet, avant cette date, d’un avis d’interdiction de séjour;

c) est demeuré au Canada depuis la prise de l’avis d’interdiction de séjour.

Idem

(2) Le ministre peut, par arrêté, suspendre l’application de l’alinéa (1)b) soit pour une période donnée, soit à l’égard de catégories de personnes.

Application facultative

(3) Pour l’application de l’alinéa (1)b), le pays de provenance de l’intéressé est celui d’où il est parti pour le Canada, indépendamment du caractère légal ou non de son séjour dans ce pays, sauf, sous réserve de tout accord conclu en vertu de l’article 108.1, s’il ne s’y trouvait qu'en vue d’un vol de correspondance à destination du Canada.

Pays de provenance

(4) Dans le cadre de l’alinéa (1)b), il appartient à la personne désireuse d’entrer au Canada qui arrive à bord d’un véhicule et qui, non munie d’un passeport ou d’un titre de voyage en cours de validité qui lui a été délivré, revendique le statut de réfugié au sens de la Convention de prouver qu’elle n’est pas venue au Canada à partir du dernier pays où le véhicule a pris des passagers à bord.

Charge de la preuve

(5) La rentrée au Canada de l’intéressé après un séjour à l’étranger d’au plus quatre-vingt-dix jours n’est pas, pour l’application de l’alinéa (1)c), prise en compte pour la détermination de la date de la dernière venue de celui-ci au Canada

(6) [Abrogés, 1992, ch. 49, art. 36.]

(7) [Abrogés, 1992, ch. 49, art. 36.]

Séjour à l'étranger

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

c) se livrer au terrorisme;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(2) [Abrogé, 2013, ch. 16, art. 13]

[…]

Sécurité

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

Grande criminalité

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.

Criminalité

(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

a) l’infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;

b) la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort ou en cas de suspension du casier — sauf cas de révocation ou de nullité — au titre de la Loi sur le casier judiciaire;

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

d) la preuve du fait visé à l’alinéa (1)c) est, s’agissant du résident permanent, fondée sur la prépondérance des probabilités;

e) l’interdiction de territoire ne peut être fondée sur les infractions suivantes :

(i) celles qui sont qualifiées de contraventions en vertu de la Loi sur les contraventions,

(ii) celles dont le résident permanent ou l’étranger est déclaré coupable sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985),

(iii) celles pour lesquelles le résident permanent ou l’étranger a reçu une peine spécifique en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

[…]

Application

42.1 (1) Le ministre peut, sur demande d’un étranger, déclarer que les faits visés à l’article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger si celui-ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

Exception — demande au ministre

(2) Le ministre peut, de sa propre initiative, déclarer que les faits visés à l’article 34, aux alinéas 35(1)b) ou c) ou au paragraphe 37(1) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de tout étranger s’il est convaincu que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.

Exception — à l’initiative du ministre

(3) Pour décider s’il fait la déclaration, le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l’étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada.

[…]

Considérations

Constat de l’interdiction de territoire

44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

Rapport d’interdiction de territoire

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Suivi

(3) L’agent ou la Section de l’immigration peut imposer les conditions qu’il estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution, au résident permanent ou à l’étranger qui fait l’objet d’un rapport ou d’une enquête ou, étant au Canada, d’une mesure de renvoi.

[…]

Conditions

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

[…]

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

100. (1) Dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la demande, l’agent statue sur sa recevabilité et défère, conformément aux règles de la Commission, celle jugée recevable à la Section de la protection des réfugiés.

Examen de la recevabilité

(1.1) La preuve de la recevabilité incombe au demandeur, qui doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées.

Charge de la preuve

(2) L’agent sursoit à l’étude de la recevabilité dans les cas suivants :

a) le cas a déjà été déféré à la Section de l’immigration pour constat d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée;

b) il l’estime nécessaire, afin qu’il soit statué sur une accusation pour infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

Sursis pour décision

(3) La saisine de la section survient sur déféré de la demande; sauf sursis ou constat d’irrecevabilité, elle est réputée survenue à l’expiration des trois jours.

Saisine

(4) La personne se trouvant au Canada, qui demande l’asile à un point d’entrée et dont la demande est déférée à la Section de la protection des réfugiés est tenue de lui fournir, dans les délais prévus par règlement et conformément aux règles de la Commission, les renseignements et documents — y compris ceux qui sont relatifs au fondement de la demande — exigés par ces règles.

Renseignements et documents à fournir

(4.1) L’agent qui défère la demande d’asile fixe, conformément aux règlements, aux règles de la Commission et à toutes directives de son président, la date de l’audition du cas du demandeur par la Section de la protection des réfugiés.

Date de l’audition

(5) Le délai prévu aux paragraphes (1) et (3) ne court pas durant une période d’isolement ou de détention ordonnée en application de la Loi sur la mise en quarantaine.

Loi sur la mise en quarantaine

101. (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

a) l’asile a été conféré au demandeur au titre de la présente loi;

b) rejet antérieur de la demande d’asile par la Commission;

c) décision prononçant l’irrecevabilité, le désistement ou le retrait d’une demande antérieure;

d) reconnaissance de la qualité de réfugié par un pays vers lequel il peut être renvoyé;

e) arrivée, directement ou indirectement, d’un pays désigné par règlement autre que celui dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

f) prononcé d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux — exception faite des personnes interdites de territoire au seul titre de l’alinéa 35(1)c) — , grande criminalité ou criminalité organisée.

Irrecevabilité

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité visée à l’alinéa (1)f) n’emporte irrecevabilité de la demande que si elle a pour objet :

a) une déclaration de culpabilité au Canada pour une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

b) une déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

[…]

Grande criminalité

103. (1) La Section de la protection des réfugiés sursoit à l’étude de la demande d’asile sur avis de l’agent portant que :

a) le cas a été déféré à la Section de l’immigration pour constat d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée;

b) il l’estime nécessaire, afin qu’il soit statué sur une accusation pour infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

Sursis

(2) L’étude de la demande reprend sur avis portant que la demande est recevable.

Continuation

104. (1) L’agent donne un avis portant, en ce qui touche une demande d’asile dont la Section de protection des réfugiés est saisie ou dans le cas visé à l’alinéa d) dont la Section de protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés sont ou ont été saisies, que :

a) il y a eu constat d’irrecevabilité au titre des alinéas 101(1)a) à e);

b) il y a eu constat d’irrecevabilité au seul titre de l’alinéa 101(1)f);

c) la demande n’étant pas recevable par ailleurs, la recevabilité résulte, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait;

d) la demande n’est pas la première reçue par un agent.

Avis sur la recevabilité de la demande d’asile

(2) L’avis a pour effet, s’il est donné au titre :

a) des alinéas (1)a) à c), de mettre fin à l’affaire en cours devant la Section de protection des réfugiés;

b) de l’alinéa (1)d), de mettre fin à l’affaire en cours et d’annuler toute décision ne portant pas sur la demande initiale.

Classement et nullité

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