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[2016] 1 R.C.F. 388

A-381-14

2015 CAF 156

Sa Majesté la Reine (appelante)

c.

Trudy Tallon (intimée)

Répertorié : Canada c. Tallon

Cour d’appel fédérale, juges Trudel, Ryer et Rennie, J.C.A.—Toronto, 1er juin et 2 juillet 2015.

Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Crédit d’impôt pour frais médicaux — Appel interjeté à l’égard d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.) a accueilli l’appel de l’intimée qui contestait une nouvelle cotisation relativement à son année d’imposition 2009 — La C.C.I. a ordonné au ministre du Revenu national d’établir une nouvelle cotisation pour l’intimée en tenant compte du fait qu’elle était admissible à un crédit d’impôt pour frais médicaux (CIFM), au sens de l’art. 118.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont le montant devait être déterminé en tenant compte du fait qu’elle avait supporté en 2009 des frais médicaux de 25 727,21 $, au sens de l’art. 118.2(2) de la Loi — L’intimée souffre d’une dysfonction articulaire débilitante, qui l’a obligée à faire remplacer les articulations touchées par des prothèses — Pour atténuer ses symptômes, l’intimée et son mari séjournent dans des pays plus chauds pendant l’hiver — Dans sa déclaration de revenus pour 2009, l’intimée a indiqué qu’elle avait supporté des frais médicaux qui se chiffraient en tout à 25 727,21 $, ce qui lui donnait le droit de demander un CIFM pour cette année-là — Le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé une partie des frais médicaux, au motif que ces dépenses ne répondaient pas à la définition de frais médicaux aux art. 118.2(2)g) et h) de la Loi — Des frais d’une nature semblable avaient été acceptés à titre de frais médicaux en vertu d’un jugement de 2008 de la C.C.I. concernant l’intimée — En l’espèce, la C.C.I. a décidé de suivre la décision de 2008 et elle a conclu que les frais refusés avaient été supportés pour obtenir des services médicaux, au sens des art. 118.2(2)g) et h) de la Loi — Il s’agissait de savoir si la C.C.I. a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les frais refusés constituaient des frais médicaux — L’intimée n’a pas démontré que les services médicaux obtenus de médecins à l’étranger n’étaient pas offerts dans la localité où elle résidait — Par conséquent, il était nécessaire de déterminer en l’espèce si les effets bénéfiques d’un climat chaud dans un endroit situé à plus de 40 kilomètres de la localité dans laquelle vit un particulier pouvaient être considérés comme un service médical obtenu par le particulier dans ce lieu pour l’application des art. 118.2(2)g) et h) de la Loi — Il était clair que l’art. 118.2(2)a) de la Loi prévoit que le service médical en question doit être fourni au particulier par une personne ou un hôpital — Selon l’art. 118.2(2)g), le législateur avait l’intention d’offrir une aide financière, au moyen du CIFM, aux Canadiens qui sont forcés de se déplacer de leur localité de résidence vers d’autres lieux pour avoir accès à des services médicaux spécialisés qui ne leur sont pas offerts là où ils vivent — Cette interprétation téléologique de l’art. 118.2(2)g) appuie la conclusion selon laquelle les services médicaux prévus par cette disposition doivent être dispensés au particulier par une personne ou un hôpital — Par conséquent, étant donné que les effets bénéfiques des climats des pays chauds où l’intimée a voyagé ne lui ont pas été fournis par une personne ou un hôpital, ces effets ne pouvaient pas constituer un service médical obtenu par l’intimée, au sens des art. 118.2(2)g) et h) de la Loi — Par conséquent, les frais refusés ne constituaient pas des frais médicaux donnant droit au CIFM — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (C.C.I.), rendue sous le régime de la procédure informelle de cette cour, et par laquelle la C.C.I. a accueilli l’appel de l’intimée, qui contestait une nouvelle cotisation relativement à son année d’imposition 2009. La C.C.I. a ordonné au ministre du Revenu national (le ministre) d’établir une nouvelle cotisation pour l’intimée en tenant compte du fait qu’elle était admissible à un crédit d’impôt pour frais médicaux (CIFM), au sens du paragraphe 118.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont le montant devait être déterminé en tenant compte du fait qu’elle avait supporté en 2009 des frais médicaux de 25 727,21 $, au sens du paragraphe 118.2(2) de la Loi.

L’intimée souffre d’une dysfonction de l’articulation temporomandibulaire, une affection débilitante qui l’a obligée à faire remplacer les articulations touchées par des prothèses et sur lesquelles les températures hivernales ont des effets indésirables. Pour atténuer ses symptômes, l’intimée a séjourné de 1988 à 2009 dans des pays plus chauds avec son mari pendant l’hiver, notamment en Thaïlande et en Indonésie, afin de se soustraire au climat froid de l’hiver canadien. Dans sa déclaration de revenus pour 2009, l’intimée a indiqué qu’elle avait supporté des frais médicaux qui se chiffraient en tout à 25 727,21 $ en 2009, ce qui lui donnait le droit de demander un CIFM pour cette année-là. Dans la nouvelle cotisation, le ministre a refusé une partie des frais médicaux demandés par l’intimée pour 2009, soit 17 530,52 $. Les frais refusés avaient trait au prix des billets d’avion, de l’hébergement et des repas de l’intimée et de son mari à l’occasion d’un voyage qu’ils avaient effectué en Thaïlande et en Indonésie du 2 janvier au 4 mai 2009 ainsi qu’à l’occasion d’un voyage aux États-Unis, pour consulter un médecin. Le ministre a conclu que ces dépenses ne répondaient pas à la définition de frais médicaux aux alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi. L’intimée s’est opposée à la nouvelle cotisation en faisant valoir que des frais d’une nature semblable qu’elle avait supportés en 2008 avaient été acceptés à titre de frais médicaux, en vertu d’un jugement rendu par la C.C.I. Par la suite, le ministre a accepté de considérer le coût du voyage aux États-Unis comme des frais médicaux, mais il a ratifié la nouvelle cotisation en ce qui concerne le reste des frais refusés, plus particulièrement au motif que ceux-ci ne constituaient pas des frais médicaux. La C.C.I. a décidé de suivre la décision de 2008 et elle a conclu que les frais refusés avaient été supportés pour obtenir des services médicaux, au sens des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi.

En appel, l’appelante a plaidé que la C.C.I. a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que les frais refusés constituaient des frais médicaux, que l’intimée a payés dans le but de bénéficier des avantages du climat chaud de la Thaïlande et de l’Indonésie pour atténuer ses douleurs. L’intimée a soutenu que la C.C.I. n’a pas conclu que les effets bénéfiques d’un climat chaud étaient intrinsèquement des services médicaux. Elle a soutenu qu’il était loisible à la C.C.I. de conclure que ses frais de déplacement supportés par l’intimée visaient à obtenir des services médicaux aux fins des alinéas 118.2g) et h) de la Loi selon la preuve dont elle était saisie et la question d’interprétation soulevée par la Couronne ne se posait pas. Par conséquent, elle a plaidé que la C.C.I. n’a fait aucune erreur manifeste et dominante.

La question à trancher était de savoir si la C.C.I. a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les frais refusés constituaient des frais médicaux.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Le CIFM procure un certain allégement fiscal pour des types précis de frais médicaux qui sont énumérés aux alinéas 118.2(2)a) à u) de la Loi. Trois alinéas distincts — les alinéas 118.2(2)a), g) et h) — font mention de « services médicaux ». Le fondement de la décision de la C.C.I. ne pouvait pas être celui qui était invoqué par l’intimée. En suivant la décision de 2008 relativement à l’intimée, la C.C.I. a déterminé que la question en litige était l’interprétation de l’expression « services médicaux » aux alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi. Bien que la C.C.I. fût consciente de l’exigence selon laquelle les services médicaux prévus à ces alinéas ne doivent pas être dispensés localement, on ne trouve nulle part dans les motifs de la Cour les constatations factuelles qui s’imposaient à ce sujet. Par conséquent, la question d’interprétation soulevée par l’appelante devait être réglée dans le présent appel.

L’intimée n’a pas démontré — et la C.C.I. n’a pas conclu — que les services médicaux obtenus par elle de médecins thaïlandais et indonésiens n’étaient pas offerts dans la localité où elle résidait. Il fallait par conséquent savoir si les effets bénéfiques d’un climat chaud dans un endroit situé à plus de 40 kilomètres de la localité dans laquelle vit un particulier pouvaient être considérés comme un service médical obtenu par le particulier dans ce lieu pour l’application des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi. Dans la négative, les frais refusés ne satisfaisaient pas aux exigences de ces dispositions de la Loi.

Une interprétation textuelle de l’alinéa 118.2(2)a) a révélé clairement que les frais médicaux visés à cet alinéa sont les frais payés à un médecin, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé pour des services médicaux que l’un ou l’autre de ceux-ci ont fournis au particulier. Il était donc clair que l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi prévoit que le service médical en question doit être fourni au particulier par une personne ou un hôpital.

L’expression « services médicaux » est également employée à l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi, mais une interprétation purement textuelle de cet alinéa ne permettait pas de conclure sans équivoque que le service médical peut seulement être obtenu d’une personne ou d’un hôpital qui fournit des services de cette nature. Toutefois, la proximité entre cette disposition et l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi permettait de conclure que l’interprétation textuelle claire de l’alinéa 118.2(2)a) dans ce sens devrait être reprise et devrait devenir la bonne façon d’interpréter l’expression « services médicaux » à l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi. Une analyse téléologique de l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi portait à conclure qu’en adoptant cette disposition, le législateur avait l’intention d’offrir une aide financière, au moyen du CIFM, aux Canadiens qui sont forcés de se déplacer de leur localité de résidence vers d’autres lieux pour avoir accès à des services médicaux spécialisés qui ne leur sont pas offerts là où ils vivent. Les circonstances dans lesquelles cette aide financière est offerte ont été soigneusement circonscrites par les limites qui sont prévues dans cet alinéa. De telles limites ne peuvent pas être ignorées ni élargies en présence d’une situation qui suscite la sympathie. Cette interprétation téléologique de l’alinéa 118.2(2)g) appuyait la conclusion selon laquelle les services médicaux prévus par cette disposition doivent être dispensés au particulier par une personne ou un hôpital. L’expression « services médicaux » à l’alinéa 118.2(2)h) devrait être interprétée, pour les mêmes motifs, comme étant des services obtenus par le particulier d’une personne ou d’un hôpital.

Par conséquent, étant donné que les effets bénéfiques des climats chauds de la Thaïlande et de l’Indonésie n’ont pas été fournis à l’intimée par une personne ou un hôpital, ces effets ne pouvaient pas constituer un service médical obtenu par l’intimée, au sens des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi. Par conséquent, les frais refusés en l’espèce ne constituaient pas des frais médicaux donnant droit au CIFM.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 118.2(1),(2).

Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, la Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé et certaines lois connexes, L.C. 1988, ch. 55, art. 92.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; R. c. Clark, 2005 CSC 2, [2005] 1 R.C.S. 6.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Tallon c. La Reine, 2014 CCI 193; Tokarski c. La Reine, 2012 CCI 115.

DÉCISION CITÉE :

Goodwin c. La Reine, 2001 CanLII 38 (C.C.I.).

APPEL interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2014 CCI 193) qui a accueilli l’appel de l’intimée qui contestait une nouvelle cotisation relativement à son année d’imposition 2009, et qui portait sur son admissibilité à un crédit d’impôt pour frais médicaux. Appel accueilli.

ONT COMPARU

André LeBlanc et Ryan Gellings pour l’appelante.

Leigh Somerville Taylor pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelante.

Leigh Somerville Taylor Professional Corporation, Toronto, pour l'intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Ryer, J.C.A. : La Cour est saisie d’un appel interjeté par Sa Majesté la Reine (la Couronne) à l’égard d’une décision du 10 juin 2014 ([Tallon c. La Reine] 2014 CCI 193) de la juge Judith Woods (la juge), de la Cour canadienne de l’impôt, rendue sous le régime de la procédure informelle de cette cour. La juge a accueilli l’appel de Mme Trudy Tallon (la contribuable), qui contestait une nouvelle cotisation établie le 25 octobre 2010 (la nouvelle cotisation) relativement à son année d’imposition 2009.

[2]        La juge a ordonné au ministre du Revenu national d’établir une nouvelle cotisation pour la contribuable en tenant compte du fait qu’elle était admissible à un crédit d’impôt pour frais médicaux (CIFM), au sens du paragraphe 118.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), dont le montant devait être déterminé en tenant compte du fait qu’elle avait supporté en 2009 des frais médicaux de 25 727,21 $ (les frais médicaux), au sens du paragraphe 118.2(2) de la Loi.

I.          LE CONTEXTE

[3]        La contribuable souffre d’une dysfonction de l’articulation temporo-mandibulaire, une affection débilitante qui l’a obligée à faire remplacer les articulations touchées par des prothèses. Les températures hivernales qui sont courantes chez elle à Thunder Bay, en Ontario, ont des effets indésirables sur ces prothèses. Pour atténuer ses symptômes, elle séjourne dans des pays plus chauds avec son mari pendant l’hiver. C’est dans ce but que, de 1988 à 2009, ils se sont rendus en Thaïlande, en Indonésie, au Cambodge, au Vietnam, en Malaisie, aux Philippines, en Birmanie, en Équateur, au Venezuela, au Honduras, au Mexique et au Costa Rica afin de se soustraire au climat froid de l’hiver canadien.

[4]        L’un des médecins de la contribuable, qui exerce au Texas, s’est dit d’avis qu’elle [traduction] « n’avait d’autre choix que de chercher à vivre dans un climat plus chaud pendant les six mois les plus froids de l’année ». Un autre de ses médecins, qui exerce au Canada, a recommandé qu’elle soit accompagnée par son mari comme compagnon de voyage lorsqu’elle se rend dans des pays plus chauds.

[5]        Dans sa déclaration de revenus pour 2009, la contribuable a indiqué qu’elle avait supporté des frais médicaux qui se chiffraient en tout à 25 727,21 $ en 2009, ce qui lui donnait le droit de demander un CIFM pour cette année-là.

[6]        Dans la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé une partie des frais médicaux demandés par la contribuable pour 2009, soit 17 530,52 $ (les frais refusés).

[7]        Les frais refusés avaient trait au prix des billets d’avion, de l’hébergement et des repas de la contribuable et de son mari à l’occasion d’un voyage qu'ils avaient effectué en Thaïlande et en Indonésie du 2 janvier au 4 mai 2009 ainsi qu'à l’occasion d’un voyage à Dallas, au Texas. Le ministre a conclu que ces dépenses ne répondaient pas à la définition de frais médicaux aux alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi, qui sont reproduits ci-dessous.

[8]        La contribuable s’est opposée à la nouvelle cotisation en faisant valoir que des frais d’une nature semblable qu’elle avait supportés en 2008 avaient été acceptés à titre de frais médicaux, en vertu d’un jugement rendu le 4 mai 2011 par la juge Lucie Lamarre, de la Cour canadienne de l’impôt, sous le régime de la procédure informelle de cette cour (la décision de 2008).

[9]        Le 5 juin 2012, le ministre a accepté de considérer le coût du voyage à Dallas comme des frais médicaux, mais il a ratifié la nouvelle cotisation en ce qui concerne le reste des frais refusés au motif que ceux-ci ne constituaient pas des frais médicaux et que la décision de 2008 ne liait pas le ministre pour l’établissement de la nouvelle cotisation, puisqu’elle avait été rendue sous le régime de la procédure informelle de la Cour canadienne de l’impôt. Dans la suite des présents motifs, toute mention des frais refusés désigne le montant afférent au voyage de la contribuable en Thaïlande et en Indonésie.

[10]      La contribuable a interjeté appel de la nouvelle cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt et l’affaire a été instruite par la juge le 3 juin 2014.

II.         LES DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI

[11]      Les dispositions de la Loi qui étaient en cause devant la Cour canadienne de l’impôt et qui le sont dans le présent appel sont reproduites ci-dessous :

118.2 […]

(2) Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

a) à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l’année d'imposition où les frais ont été engagés;

[…]

g) à une personne dont l’activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habitent le particulier, son époux ou conjoint de fait ou une personne à charge visée à l'alinéa a) et le lieu — situé à 40 kilomètres au moins de cette localité — où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice-versa, des personnes suivantes :

(i) le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge,

(ii) un seul particulier accompagnant le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge, si ceux-ci sont, d’après l’attestation écrite d’un médecin, incapables de voyager sans l’aide d’un préposé à leurs soins,

si les conditions suivantes sont réunies :

(iii) il n’est pas possible d’obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents,

(iv) l’itinéraire emprunté par le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge est, compte tenu des circonstances, un itinéraire raisonnablement direct,

(v) le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge se rendent en ce lieu afin d’obtenir des services médicaux pour eux-mêmes et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, qu'ils s’y rendent à cette fin;

h) pour les frais raisonnables de déplacement, à l’exclusion des frais visés à l’alinéa g), engagés à l’égard du particulier, de l’époux ou du conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a) et, si ceux-ci sont, d’après l’attestation écrite d'un médecin, incapables de voyager sans l’aide d’un préposé à leurs soins, à l’égard d’un seul particulier les accompagnant, afin d’obtenir des services médicaux dans un lieu situé à 80 kilomètres au moins de la localité où le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge habitent, si les conditions visées aux sous-alinéas g)(iii) à (v) sont réunies;

Frais médicaux

III.        LA DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

[12]      Devant la Cour canadienne de l’impôt, la Couronne a fait valoir que les frais refusés n’étaient pas admissibles à titre de frais médicaux parce que la contribuable les avait supportés pour profiter des effets bénéfiques du climat chaud de la Thaïlande et de l’Indonésie, et non pour obtenir des services médicaux de médecins ou d’hôpitaux dans ces pays.

[13]      Invoquant la décision Goodwin c. La Reine, 2001 CanLII 38 (C.C.I.), la Couronne a plaidé que les effets bénéfiques d’un climat chaud pour l’état de la contribuable ne constituaient pas un service médical, au sens du sous-alinéa 118.2(2)g)(v).

[14]      Au paragraphe 10 de ses motifs, la juge a décrit la question dont elle était saisie :

Le présent appel a trait aux exigences législatives concernant l'obtention d'un CIFM à l'égard de frais de voyage engagés pour obtenir des services médicaux. Pour être admissibles, les services médicaux ne doivent pas être dispensés localement, l'itinéraire doit être raisonnablement direct et il doit être raisonnable, compte tenu des circonstances, que le contribuable s'y rende pour obtenir les services.

[15]      La juge a ensuite décidé de suivre la décision de 2008 et elle a conclu que les frais refusés avaient été supportés pour obtenir des services médicaux, au sens des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi. Elle a également conclu que l’exigence portant sur l’attestation écrite d’un médecin prévue à l’alinéa 118.2(2)h) avait été remplie par une lettre d’un des médecins de la contribuable.

IV.       LA QUESTION EN LITIGE

[16]      La question à trancher est de savoir si la juge a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les frais refusés constituaient des frais médicaux.

V.        LA NORME DE CONTRÔLE

[17]      La question de savoir si les frais refusés constituent des frais médicaux est une question mixte de fait et de droit. Comme l’enseigne l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 27 et 28, la conclusion du juge de première instance à l’égard de ce genre de question ne doit pas être infirmée en appel en l’absence d’une erreur manifeste et dominante. Une erreur est manifeste si elle est évidente, et elle est dominante si elle est suffisamment grave pour influer sur l’issue de la cause. Si une question mixte de fait et de droit contient une question de droit distincte et facilement isolable, cette question de droit peut être contrôlée par la Cour selon la norme de la décision correcte.

VI.       LES THÈSES DES PARTIES

[18]      Devant la Cour, la Couronne plaide que la juge a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que les frais refusés constituaient des frais médicaux. La Couronne allègue que la contribuable a payé les frais refusés dans le but de bénéficier des avantages du climat chaud de la Thaïlande et de l’Indonésie pour atténuer ses douleurs. Selon la Couronne, la question de droit distincte et isolable consiste à établir si, en se procurant ces avantages, la contribuable a obtenu un service médical, au sens et pour l’application des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi.

[19]      L’avocate de la contribuable soutient que la juge n’a pas conclu que les effets bénéfiques d’un climat chaud étaient intrinsèquement des services médicaux. Ainsi, d’après la contribuable, la question d’interprétation soulevée par la Couronne ne se pose pas.

[20]      L’avocate de la contribuable fait plutôt valoir ce qui suit, au paragraphe 9 de son mémoire :

[traduction] […] la Cour a expressément conclu que les frais de déplacement supportés par l’intimée en 2009 « visaient à obtenir des services médicaux aux fins des alinéas 118.2g) et h) » de la Loi.

La contribuable plaide donc que cette conclusion — en grande partie factuelle — doit être confirmée compte tenu du fait que la juge pouvait la tirer de la preuve dont elle était saisie et qu’aucune erreur manifeste et dominante n’a été prouvée.

[21]      Cette position est reprise au paragraphe 18 du mémoire de la contribuable :

[traduction] Il ne s’agit pas d’un cas dans lequel la Cour canadienne de l’impôt a décidé que les voyages dans les pays au climat plus chaud constituaient et étaient toujours des frais médicaux déductibles. En l’espèce, l’intimée souffre d’une affection débilitante et dégénérative qui est imputable à des services médicaux qu’elle a reçus au Canada. Son traitement au cours de l'année d’imposition 2009 n’était pas une exposition thérapeutique occasionnelle au soleil pour soigner le psoriasis. Le ministre n’a pas soutenu, devant la Cour canadienne de l’impôt, que les frais médicaux payés par l’intimée à l’étranger n’avaient pas été supportés pour des « services médicaux », comme dans le cas d’un spa installé chez un membre de la famille. En l’espèce, l’intimée « n’avait pas d’autre choix » que d’obtenir des soins médicaux à l’extérieur du Canada, car, si elle n’avait pas obtenu ces soins médicaux dans un climat dans lequel ses douleurs pouvaient être maîtrisées sans narcotiques, son médecin spécialiste a estimé que son état continuerait à se dégrader et qu’elle devrait peut-être être hospitalisée. [Notes de bas de page omises.]

VII.      ANALYSE

Le contexte

[22]      Le CIFM a été mis en œuvre à la fin des années 1980 dans le but de remplacer la déduction pour frais médicaux qui était offerte auparavant (voir la Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, la Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé et certaines lois connexes, L.C. 1988, ch. 55, article 92). Le CIFM procure un certain allégement fiscal pour des types précis de frais médicaux qui sont énumérés aux alinéas 118.2(2)a) à u) de la Loi.

[23]      Trois de ces alinéas — les alinéas 118.2(2)a), g) et h) — font mention de « services médicaux ».

[24]      L’alinéa 118.2(2)a) inclut dans les frais médicaux les frais payés à un médecin, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé pour les services médicaux fournis à la personne qui demande le CIFM, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier. Dans le présent appel, les services médicaux en litige concernent seulement l’appelante, qui est la contribuable qui cherche à obtenir un CIFM.

[25]      L’alinéa 118.2(2)g) inclut dans les frais médicaux les frais payés à une personne dont l’activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habitent le particulier et une personne accompagnatrice nécessaire et le lieu — situé à 40 kilomètres au moins de cette localité — où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice-versa, si les conditions suivantes sont réunies :

•      il n’est pas possible d’obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents;

•      l’itinéraire emprunté est raisonnablement direct;

•      le particulier se rend en ce lieu afin d’obtenir des services médicaux pour lui-même et il est raisonnable qu'il s’y rende à cette fin.

[26]      L’alinéa 118.2(2)h) inclut dans les frais médicaux les frais raisonnables de déplacement, à l’exclusion des frais de déplacement décrits ci-dessus, engagés à l’égard du particulier afin d’obtenir des services médicaux dans un lieu situé à 80 kilomètres au moins de la localité où le particulier habite. Sont aussi inclus les frais semblables engagés à l’égard d’un préposé aux soins si le particulier est incapable de voyager sans l’aide de cette personne, selon l’attestation d’un médecin.

Qu’a décidé la juge?

[27]      Étant donné que les parties au présent appel divergent d’opinion, il est nécessaire de déterminer le fondement de la décision de la juge. Cette tâche est rendue difficile par le fait que la décision de 2008 que la juge a suivie n’avait pas été produite devant elle et qu’elle n'a pas été produite devant la Cour.

[28]      À mon avis, le fondement de la décision de la juge ne peut pas être celui qui est invoqué par la contribuable. Je conclus qu’en suivant la décision de 2008, la juge a déterminé que la question en litige était l’interprétation de l’expression « services médicaux » aux alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi.

[29]      L’argument contraire de la contribuable n’est pas convaincant. La juge était consciente de l’exigence selon laquelle les services médicaux prévus à ces alinéas « ne doivent pas être dispensés localement » (paragraphe 10 des motifs de la juge). Toutefois, on ne trouve nulle part dans les motifs de la juge les constatations factuelles qui s’imposaient à ce sujet. En fait, un passage de la transcription de l’audience devant la juge, qui se trouve à la page 119 du dossier d’appel, relate un témoignage de l’époux de la contribuable, lequel aurait empêché la juge d’arriver à une telle conclusion :

[traduction]

Q. Mais vous ne prétendez pas avoir voyagé dans ces pays pour obtenir des services médicaux qui ne sont pas offerts au Canada. Vous dites que vous vous y rendez pour le climat.

R. Oui, nous voyageons pour le climat, et il est très avantageux que des services médicaux y soient offerts. Oui, ils sont offerts ici au Canada, mais bien souvent, l’accès est beaucoup plus facile en Thaïlande. Nous y séjournons pendant des mois, il n’est donc pas possible de se faire dire « tu peux attendre de rentrer à la maison ». Il faut s’occuper de ces problèmes-là dès qu’il est humainement possible de le faire.

Par conséquent, je conclus que la question d’interprétation soulevée par la Couronne doit être réglée dans le présent appel.

La question d’interprétation

[30]      Pour formuler la question d’interprétation distincte, il convient de se rappeler que la Couronne ne remet pas en question la caractérisation à titre de frais médicaux, au sens de l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi, des montants que la contribuable a payés pour les services des médecins qu’elle a consultés en Thaïlande et en Indonésie en 2009. De plus, comme je l’ai établi précédemment, la contribuable n’a pas démontré — et la juge n’a pas conclu — que les services médicaux obtenus par la contribuable de médecins thaïlandais et indonésiens n’étaient pas offerts dans la localité où elle résidait.

[31]      La question d’interprétation distincte dans le présent appel est donc de savoir si les effets bénéfiques d’un climat chaud dans un endroit situé à plus de 40 kilomètres de la localité dans laquelle vit un particulier peuvent être considérés comme un service médical obtenu par le particulier dans ce lieu pour l’application des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi. Dans la négative, les frais refusés ne satisfont pas aux exigences de ces dispositions de la Loi et l’appel doit être accueilli.

La jurisprudence de la Cour canadienne de l’impôt

[32]      À la Cour canadienne de l’impôt, la jurisprudence sur la question de l’interprétation n’est pas cohérente. Il revient donc à la Cour de formuler une interprétation.

La méthode d’interprétation de la Loi

[33]      La façon appropriée d’interpréter les dispositions de la Loi est bien décrite dans le passage suivant de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 (au paragraphe 11) :

[…] De nos jours, il ne fait aucun doute que toutes les lois, y compris la Loi de l’impôt sur le revenu, doivent être interprétées de manière textuelle, contextuelle et téléologique. Cependant, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre l’accent sur l’interprétation textuelle.

L’interprétation de « services médicaux »

[34]      L’expression « services médicaux » est employée dans trois alinéas distincts du paragraphe 118.2(2) de la Loi. La méthode d’interprétation contextuelle commande une interprétation uniforme de cette expression dans chacune de ces dispositions. Comme l’a fait remarquer le juge Fish dans l’arrêt R. c. Clark, 2005 CSC 2, [2005] 1 R.C.S. 6, au paragraphe 51 : « Le législateur ne peut pas avoir voulu que des mots identiques aient des sens différents dans deux dispositions consécutives et connexes du même texte législatif. »

[35]      La première occurrence de cette expression se trouve à l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi. Les passages pertinents de cette disposition sont de nouveau reproduits par souci de commodité :

118.2 […]

(2) Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

a) à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l’année d’imposition où les frais ont été engagés;

Frais médicaux

[36]      Dans le contexte factuel qui a été établi devant la Cour, une interprétation textuelle de cette disposition révèle clairement que les frais médicaux visés à cet alinéa sont les frais payés à un médecin, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé pour des services médicaux que l’un ou l’autre de ceux-ci ont fournis au particulier. Il est donc clair que l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi prévoit que le service médical en question doit être fourni au particulier par une personne ou un hôpital. Autrement dit, pour l’application de l’alinéa 118.2(2)a), un service médical doit être obtenu d’un fournisseur de services médicaux.

[37]      L’expression « services médicaux » est également employée à l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi, dans lequel on en trouve trois occurrences. Nous reproduisons à nouveau cette disposition par souci de commodité.

118.2 […]

(2) […]

g) à une personne dont l’activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habitent le particulier, son époux ou conjoint de fait ou une personne à charge visée à l’alinéa a) et le lieu — situé à 40 kilomètres au moins de cette localité — où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice-versa, des personnes suivantes :

(i) le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge,

(ii) un seul particulier accompagnant le particulier, l’époux ou le conjoint de fait ou la personne à charge, si ceux-ci sont, d’après l’attestation écrite d’un médecin, incapables de voyager sans l’aide d’un préposé à leurs soins,

si les conditions suivantes sont réunies :

(iii) il n’est pas possible d’obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents,

(iv) l’itinéraire emprunté par le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge est, compte tenu des circonstances, un itinéraire raisonnablement direct,

(v) le particulier, l’époux ou conjoint de fait ou la personne à charge se rendent en ce lieu afin d’obtenir des services médicaux pour eux-mêmes et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, qu’ils s’y rendent à cette fin;

[38]      Une interprétation purement textuelle de cet alinéa ne permet pas de conclure sans équivoque que le service médical peut seulement être obtenu d’une personne ou d’un hôpital qui fournit des services de cette nature. Toutefois, la proximité entre cette disposition et l’alinéa 118.2(2)a) de la Loi m’incite à conclure que l’interprétation textuelle claire de l’alinéa 118.2(2)a) dans ce sens devrait être reprise et devrait devenir la bonne façon d’interpréter l’expression « services médicaux » à l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi.

[39]      Une analyse téléologique de l’alinéa 118.2(2)g) de la Loi me porte à conclure qu’en adoptant cette disposition, le législateur avait l’intention d’offrir une aide financière, au moyen du CIFM, aux Canadiens qui sont forcés de se déplacer de leur localité de résidence vers d’autres lieux pour avoir accès à des services médicaux spécialisés qui ne leur sont pas offerts là où ils vivent. Cela étant dit, les circonstances dans lesquelles cette aide financière est offerte ont été soigneusement circonscrites par les limites qui sont prévues dans cet alinéa. De telles limites ne peuvent pas être ignorées ni élargies en présence d’une situation qui suscite la sympathie.

[40]      Pour placer mon interprétation téléologique dans le contexte canadien, je ne puis rien faire de mieux que de reproduire les paragraphes 16 à 18 de la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans l'affaire Tokarski c. La Reine, 2012 CCI 115, qui sont ainsi libellés :

L’avocate de l’intimée a également examiné l’historique législatif de cette disposition autorisant les frais de déplacement à titre de frais médicaux. La disposition a initialement été ajoutée en 1973 s’il fallait effectuer plus de 25 milles afin d’obtenir le service médical en question. Selon le discours du budget de l’époque, cette modification s’appliquait aux déplacements effectués en vue d’obtenir des services médicaux « dans un hôpital, une clinique ou au bureau d’un médecin »; et ensuite : « On a voulu par là aider les gens des régions rurales ou éloignées ou ceux dont l’état exige un traitement spécial dans un centre éloigné. »

L’avocate de l’intimée m’a en outre renvoyé aux débats de la Chambre des communes des 5 et 6 avril 1973. Le 5 avril, l’honorable John N. Turner (ministre des Finances) a déclaré ce qui suit :

On se propose également d’inscrire comme dépenses médicales déductibles les frais de transport commerciaux faits par le contribuable ou son conjoint ou une personne à charge et ceux d’un infirmier au besoin, pour aller à l’hôpital, à la clinique ou au cabinet du médecin, et en revenir, afin d’obtenir les services médicaux inexistants à proximité, à condition que la distance ne soit pas inférieure à 25 miles. Je crois que cette mesure profitera grandement aux habitants de toutes les petites localités au Canada où les services médicaux spécialisés sont éloignés ou difficiles à obtenir et où ces gens doivent aller dans les grands centres pour obtenir les soins qui leur conviennent.

Le 6 avril, un député de la Chambre des communes a dit ce qui suit au sujet de la modification :

Nous avons également une situation dans tout le Canada où les installations et les services offerts à la société sont plus rares dans les zones rurales et moins peuplées qu’ils ne le sont dans les centres urbains et les villes. Invariablement ou presque, si vous avez une maladie extrêmement grave ou même moyennement rare, vous n’obtenez pas les soins médicaux requis dans votre propre ville s’il s'agit d'une localité de petite dimension. Vous devez vous rendre à un grand centre pour les obtenir. Au Manitoba, les gens doivent aller à Winnipeg, à Brandon et à Portage, dans cette partie de la province, pour obtenir les soins médicaux spéciaux qui peuvent être nécessaires. En Colombie-Britannique, c’est à Vancouver, ou à Victoria sur l’île de Vancouver. Je ne connais pas si bien l’Ontario, mais je suis presque certain que la population du nord de l’Ontario ne doit pas avoir autant d’installations médicales que la population de la région Toronto-Hamilton.

[41]      Cette interprétation téléologique de l’alinéa 118.2(2)g) appuie ma conclusion selon laquelle les services médicaux prévus par cette disposition doivent être dispensés au particulier par une personne ou un hôpital.

[42]      La dernière occurrence de l’expression « services médicaux » au paragraphe 118.2(2) de la Loi figure à l’alinéa h) de celui-ci. À mon avis, essentiellement pour les mêmes motifs que j’ai énoncés ci-dessus, je conclus que les services médicaux prévus par cet alinéa doivent également être obtenus par le particulier d’une personne ou d’un hôpital.

[43]      Je dois donc conclure qu’étant donné que les effets bénéfiques des climats chauds de la Thaïlande et de l’Indonésie n'ont pas été fournis à la contribuable par une personne ou un hôpital, ces effets ne peuvent pas constituer un service médical obtenu par la contribuable, au sens des alinéas 118.2(2)g) et h) de la Loi.

[44]      En raison de ces interprétations, les frais refusés ne constituent pas des frais médicaux donnant droit au CIFM.

VIII.     DISPOSITIF

[45]      Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel. Comme convenu par les parties, des dépens de 19 424,06 $ seront payables par la Couronne à la contribuable.

La juge Trudel, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Rennie, J.C.A. : Je suis d’accord.

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