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[2016] 2 R.C.F. 297

T-60-15

2015 CF 1155

Emilie Taman (demanderesse)

c.

Procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié : Taman c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale, juge Kane—Ottawa, 1er septembre et 13 octobre 2015.

Fonction publiqueActivités politiques — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Commission de la fonction publique (la CFP ou la Commission) a rejeté la requête de la demanderesse qui souhaitait obtenir la permission d’être choisie comme candidate à la prochaine élection fédérale et un congé sans solde, en application des art. 114(4) et (5) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la Loi) La demanderesse a soutenu que la décision de la Commission n’était pas le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés et des objectifs qu’énonce la loi Elle a fait valoir que la décision de la Commission était déraisonnable et a demandé entre autres que la décision soit infirmée La demanderesse travaillait comme procureure fédérale et jouissait d’un degré élevé d’autonomie La Commission n’était pas convaincue que le fait de se porter candidate pendant la période électorale ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale Il s’agissait de savoir si la décision de la CFP était raisonnable en vertu des présentes En l’espèce, la décision n’était pas fondée sur le titre du poste qu’occupe la demanderesse en tant que procureure fédérale plutôt que sur les fonctions qu’elle exerce en sa qualité de procureure fédérale et de fonctionnaire Contrairement à l’argument de la demanderesse, la décision de la Commission n’était pas assimilable à une interdiction de se livrer à des activités politiques à l’endroit de tous les procureurs fédéraux La décision n’était pas non plus incompatible avec le contexte législatif, ce qui inclut la Loi électorale du Canada et diverses lois provinciales La Commission a bien saisi le contexte factuel; ses conclusions étaient étayées par la preuve figurant dans le dossier — La Commission a tenu compte des droits et des intérêts opposés en jeu, comme l’exigeait la Loi — La Commission s’est dite non convaincue que la mise en candidature de la demanderesse ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à sa capacité d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale, soit avant l’élection, soit après son retour au travail — La décision de la Commission était le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits garantis par la Charte, et elle était de ce fait raisonnable — Demande rejetée.

Droit constitutionnel Charte des droits — Libertés fondamentales La Commission de la fonction publique (la CFP ou la Commission) a rejeté la requête de la demanderesse qui souhaitait obtenir la permission d’être choisie comme candidate à la prochaine élection fédérale et un congé sans solde — La demanderesse a soutenu que la décision de la Commission portait atteinte aux droits que lui confèrent les art. 2b), d) et 3 de la Charte canadienne des droits et libertés — Il s’agissait de savoir si la décision de la Commission était le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits garantis par la Charte qui étaient en jeu au vu des objectifs prévus par la loi — Les droits de la demanderesse garantis par les art. 2b) et 3 de la Charte ont été touchés, mais il n’était pas nécessaire de déterminer la portée des droits que l’art. 2d) garantit à la demanderesse (liberté d’association) — En l’espèce, les droits que la Charte garantit à la demanderesse n’étaient pas absolus et le décideur les a mis en balance avec l’objectif de l’impartialité politique — Il était impossible de protéger entièrement le droit de la demanderesse à la liberté d’expression et à celui de se livrer à des activités politiques ou de se porter candidate à une élection, tout en lui permettant de conserver son poste et de le réintégrer après l’élection, en cas d’échec de sa part — La décision de la Commission était le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits de la demanderesse garantis par la Charte, et elle était de ce fait raisonnable.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Commission de la fonction publique (la CFP ou la Commission) a rejeté la requête de la demanderesse qui souhaitait obtenir la permission d’être choisie comme candidate à la prochaine élection fédérale et un congé sans solde, en application des paragraphes 114(4) et (5) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la Loi). La demanderesse a soutenu que la décision de la Commission a porté atteinte aux droits que lui confèrent les alinéas 2b) et d) et l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés et qu’elle n’était pas le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits que lui garantissent la Charte et des objectifs qu’énonce la Loi. Elle a fait valoir que la décision était de ce fait déraisonnable et a demandé, entre autres, que la décision de la Commission soit infirmée. La demanderesse a également sollicité une ordonnance portant qu’elle était en droit, d’une part, de vouloir être nommée comme candidate à la prochaine élection fédérale et, d’autre part, d’obtenir un congé sans solde pendant la période électorale.

La demanderesse a travaillé à titre de procureure fédérale au service de la Direction des poursuites réglementaires et économiques, et de la gestion, et elle jouissait d’un degré élevé d’autonomie. Elle a présenté sa demande à la Commission conformément à l’article 114 de la Loi pour se porter candidate à l’élection fédérale qui aurait lieu le 19 octobre 2015. La demanderesse a suivi la procédure requise dans sa demande de permission en vue d’être choisie comme candidate à une élection et d’obtenir un congé sans solde, le but étant de pouvoir réintégrer son poste si elle n’était pas choisie comme candidate ou si elle n’était pas élue. Elle a fourni à la Commission des observations exhaustives, elle a traité de tous les faits pertinents, elle a décrit tous les aspects de son travail, et elle a suggéré quelques options en guise de solution intermédiaire en vue de se prémunir contre une perception de partialité. La demande de permission de la demanderesse comprenait le point de vue du superviseur immédiat (le chef d’équipe) et de la haute direction de la demanderesse et celui du Bureau du directeur des poursuites pénales (le BDPP). Tant le chef d’équipe de la demanderesse que le BDPP se souciaient du fait que la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions, tant avant la période électorale qu’après son retour au travail, après s’être portée candidate à une élection fédérale, pourrait être atteinte ou sembler l’être.

Dans sa décision, la Commission a fait état de ses doutes que la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions à titre de procureure fédérale d’une manière politiquement impartiale puisse être atteinte ou sembler être atteinte en raison de la nature de ses fonctions ainsi que de la publicité, de la visibilité et de la reconnaissance accrues que l’on associerait au fait qu’elle veuille être choisie comme candidate et se porter candidate à une élection fédérale. Après avoir pris en compte les droits et les intérêts opposés qui étaient en jeu, la CFP a conclu qu’elle n’était pas convaincue que le fait de se porter candidate pendant la période électorale ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale. La Commission a refusé d’accorder à la fois la permission et le congé sans solde, ce qui est une condition à laquelle doit satisfaire tout fonctionnaire désireux d’être élu.

Il s’agissait de savoir si la décision de la CFP était le fruit d’une mise en balance proportionnée des protections garanties par la Charte qui étaient en jeu, compte tenu des objectifs prévus par la loi et si elle était raisonnable.

Jugement : la demande doit être rejetée.

En l’espèce, il n’était pas nécessaire de déterminer la portée des droits que l’alinéa 2d) garantit à la demanderesse (liberté d’association) et en quoi, si c’est le cas, ces droits ont été touchés. Les droits que l’alinéa 2b) (liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression) et l’article 3 (droit de briguer les suffrages des électeurs) de la Charte garantissent à la demanderesse ont été clairement touchés. La demanderesse a soutenu en particulier que la décision de la Commission équivalait à une interdiction concrète à l’endroit des procureurs fédéraux en tant que catégorie de se livrer à des activités politiques et était, de par sa nature, disproportionnée. En l’espèce, la décision était fondée sur le titre du poste qu’occupe la demanderesse en tant que procureure fédérale plutôt que sur les fonctions qu’elle exerce en sa qualité de procureure fédérale et de fonctionnaire. Si la décision était une « interdiction générale » visant l’ensemble des procureurs fédéraux, la Commission n’aurait pas examiné les fonctions particulières qu’exerce la demanderesse en tant que membre de l’équipe chargée des poursuites de nature réglementaire et économique, sa description de tâches, etc. Bien que le directeur des poursuites pénales ait clairement exprimé l’avis qu’il était malvenu que les procureurs fédéraux s’engagent sur le plan politique, la décision de la Commission n’était pas une interdiction qui vise tous les procureurs fédéraux, car elle était fondée sur la demande précise de la demanderesse et était liée aux fonctions précises de cette dernière. D’autres demandes seraient tranchées au cas par cas.

La décision n’était pas non plus incompatible avec le contexte législatif, ce qui inclut la Loi électorale du Canada et diverses lois provinciales. Le législateur n’est pas obligé de suivre une démarche identique dans toutes les lois fédérales. La Loi électorale du Canada ne s’appliquait pas en l’espèce, pas plus que des lois provinciales. La décision en litige a été rendue sous le régime de la Loi, qui régit la totalité des fonctionnaires, y compris l’ensemble des procureurs fédéraux. La Loi ne frappe d’interdiction aucun groupe particulier de fonctionnaires, hormis les administrateurs généraux.

L’article 114 de la Loi montre que le législateur envisageait que des fonctionnaires puissent être choisis comme candidats ou se portent candidats uniquement dans les cas où cela ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à leurs capacités d’exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale. Le législateur n’envisageait pas d’énoncer explicitement chaque catégorie de fonctionnaires qui ne pourraient pas se porter candidats à une charge politique. L’article 114 donne quelques exemples des facteurs que la Commission doit prendre en compte, dont la nature de l’élection et la nature des fonctions du fonctionnaire, facteurs qui sont de nature objective.

La Commission a bien saisi le contexte factuel, et ses conclusions étaient étayées par la preuve figurant dans le dossier. Elle n’a pas fait abstraction des observations de la demanderesse au sujet du contexte factuel pertinent, ou ne les a pas mal interprétées. La Commission a conclu de manière raisonnable que la demanderesse aurait eu plus de visibilité si elle s’était portée candidate et qu’elle occupe un poste déjà très visible, étant donné qu’elle comparaît dans des salles d’audience publique pour le compte du ministère public. Là encore, même si la Commission était bien consciente que la demanderesse était une procureure fédérale, elle a pris en considération sa visibilité en tant que fonctionnaire par rapport à d’autres fonctionnaires fédéraux et par rapport à d’autres procureurs. Il s’agissait là de l’angle qui convenait, car la Loi vise les fonctionnaires en général.

Le point de vue de la demanderesse selon lequel la Commission a mis l’accent sur l’objectif prévu par la loi, soit une fonction publique politiquement impartiale, qu’elle s’en est servi comme point de départ et que, de ce fait, elle a fait abstraction des droits que lui confère la Charte pour ce qui est de se livrer à des activités politiques et a omis de procéder à une mise en balance proportionnée, n’était pas étayé par le dossier. En l’espèce, les droits que la Charte garantit à la demanderesse n’étaient pas absolus et le décideur les a mis en balance avec l’objectif de l’impartialité politique. Dans sa décision, la Commission s’est servie des termes employés dans la loi plutôt que de ceux de la Charte, mais, pour décider s’il convenait d’accorder à la demanderesse la permission de se porter candidate et de se présenter à l’élection ou de lui accorder pour ce faire un congé sans solde, elle a examiné les deux objectifs de la Loi, l’un de ces objectifs reflétant un droit que la Charte garantit (se livrer à des activités politiques). La décision dénote qu’elle a pris en compte la totalité des faits pertinents qui étayaient ses conclusions, y compris le fait que la demanderesse jouissait d’un degré élevé d’autonomie, de pouvoir décisionnel et de visibilité.

La question ultime consistait à savoir si la décision de la Commission protégeait le plus possible les droits que la Charte garantit à la demanderesse. En l’espèce, il était impossible de protéger entièrement le droit de la demanderesse à la liberté d’expression et celui de se livrer à des activités politiques ou de se porter candidate à une élection, tout en lui permettant de conserver son poste et de le réintégrer après l’élection, en cas d’échec de sa part. Il ne lui était pas interdit de poursuivre ses droits, mais le coût d’une telle option était la perte de son poste en tant que procureure et fonctionnaire au sein de la fonction publique fédérale. Après avoir pris en considération la totalité des faits, les facteurs pertinents, les moyens possibles d’atténuer la limite imposée aux droits de la demanderesse ainsi que l’objectif législatif opposé, la Commission s’est dite non convaincue que la mise en candidature de la demanderesse ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à sa capacité d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale, soit avant l’élection, soit après son retour au travail. La décision de la Commission était le fruit d’une mise en balance proportionnée, et elle était de ce fait raisonnable.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 2b),d), 3.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9.

Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13, préambule, art. 11, 112, 113, 114, 116, 117.

Loi sur l’emploi dans la fonction publique, S.R.C. 1970, ch. P-32, art. 32.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

Loi sur le lobbying, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44.

Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. (1985), ch. P-1.

Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14.

Règlement concernant les activités politiques, DORS/2005-373.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395; École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, [2015] 1 R.C.S. 613; Harquail c. Canada (Commission de la fonction publique), 2004 CF 1549; Société Radio-Canada c. Directrice de l’établissement de Bowden, 2015 CF 173.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37, [2003] 1 R.C.S. 912; Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31, [2009] 2 R.C.S. 295; Threader c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 1 C.F. 41 (C.A.); Pinet c. St. Thomas Psychiatric Hospital, 2004 CSC 21, [2004] 1 R.C.S. 528.

DÉCISIONS CITÉES :

R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3; Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] 2 R.C.S. 69; Fraser c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1985] 2 R.C.S. 455; Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 30; Haydon c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 249, [2006] 2 R.C.F. 3; Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l’énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369.

DOCTRINE CITÉE

Guide du Service des poursuites pénales du Canada, 2014, en ligne : <http://www.ppsc-sppc.gc.ca/fra/pub/sfpg-fpsd/sfp-fps/tpd/d-g-fra.pdf>.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Commission de la fonction publique a rejeté la requête de la demanderesse qui souhaitait obtenir la permission d’être choisie comme candidate à la prochaine élection fédérale et un congé sans solde, en application des paragraphes 114(4) et (5) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Christopher C. Rootham et Andrew Reinholdt pour la demanderesse.

Michael Roach et Adrian Bieniasiewicz pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nelligan O’Brien Payne s.r.l., Ottawa, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

La juge Kane :

Survol

[1]        Dans une décision datée du 16 décembre 2014, la Commission de la fonction publique (la Commission) a rejeté la requête de la demanderesse, Emilie Taman, qui souhaitait obtenir la permission d’être choisie comme candidate à la prochaine élection fédérale et un congé sans solde, en application des paragraphes 114(4) et (5) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13 (la LEFP).

[2]        La demanderesse soutient que la décision de la Commission porte atteinte aux droits que lui confèrent les alinéas 2b) et d) et l’article 3 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], qu’elle n’est pas le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits que lui garantissent la Charte et des objectifs qu’énonce la LEFP, et qu’elle est de ce fait déraisonnable.

[3]        Après avoir pris en considération les observations exhaustives de la demanderesse et du défendeur, les dispositions législatives applicables, les motifs de la décision de la Commission, le dossier et la jurisprudence, je conclus que la décision, même si elle restreint les droits que la Charte garantit à la demanderesse, est bel et bien le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits garantis par la Charte qui sont en jeu — se livrer à des activités politiques et se porter candidat à une élection — et du principe de l’impartialité politique au sein de la fonction publique.

[4]        La demanderesse a suivi la procédure requise dans sa demande de permission en vue d’être choisie comme candidate à une élection et d’obtenir un congé sans solde, le but étant de pouvoir réintégrer son poste si elle n’était pas choisie comme candidate ou si elle n’était pas élue. Elle a fourni à la Commission des observations exhaustives dans lesquelles elle a fait état des droits que lui garantit la Charte, elle a traité de tous les faits pertinents, elle a décrit tous les aspects de son travail, en soulignant avec franchise ceux qui pouvaient donner lieu à une perception de partialité, et elle a suggéré quelques options en guise de [traduction] « solution intermédiaire » en vue de se prémunir contre une telle perception.

[5]        Dans les observations qu’il a présentées à la Commission, le directeur des poursuites pénales (le DPP) a mis en évidence le besoin de veiller à ce que son Bureau (le BDPP) s’acquitte de ses fonctions en matière de poursuites d’une manière politiquement impartiale et qu’il n’y ait aucune perception de partialité politique de la part des procureurs fédéraux. Ces observations étaient axées sur l’indépendance et l’intégrité du BDPP, dont la demanderesse fait partie, et non sur l’intégrité de cette dernière, qui n’a jamais été mise en doute. Le souci de la Commission, compte tenu de ces observations, a principalement trait à une question de perception, ce qui, dans le présent contexte, est tout aussi important qu’une impartialité réelle.

[6]        La Commission a pris en compte les droits et les intérêts opposés qui sont en jeu, ainsi que l’exige la LEFP. Il ressort de la décision que la Commission a tenu compte de la totalité des faits et que, à la suite de son examen général, elle a conclu qu’il était impossible de protéger entièrement les droits de la demanderesse tout en préservant l’objectif d’impartialité politique au sein de la fonction publique. Des mesures visant à atténuer l’effet de la limitation des droits de la demanderesse ont été prises en considération, mais, a-t-il été raisonnablement conclu, ces mesures n’ont pas convaincu la Commission que si la demanderesse réintégrait ses fonctions sa capacité de les exercer de façon politiquement impartiale ne serait pas atteinte ou ne semblerait pas l’être.

[7]        La décision a une incidence considérable sur la demanderesse de son propre point de vue — car le compromis qu’il lui faut faire se situe entre le fait de conserver son emploi ou de donner suite à son projet de se porter candidate et d’être élue — mais la question de savoir si cette décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée est guidée par la jurisprudence, qui exige que l’on prenne en compte le contexte législatif et factuel et qui fait ressortir que le but visé est de protéger de la manière la plus complète les droits que garantit la Charte.

[8]        En réalité, il n’est pas toujours possible de trouver un équilibre parfait entre des droits opposés garantis par la Charte ou entre des droits garantis par la Charte et d’autres droits et intérêts. Il se peut que certains droits doivent céder le pas à d’autres d’une manière qu’une des parties ou l’autre jugera disproportionnée. L’idée de protéger de la manière la plus complète possible des droits garantis par la Charte reconnaît que les droits ne sont pas absolus et qu’une protection complète n’est pas toujours possible.

[9]        Pour les motifs plus détaillés qui suivent, la demande est rejetée.

Le contexte

[10]      Me Taman, procureure au service de la Direction des poursuites réglementaires et économiques et de la gestion, laquelle relève du Service des poursuites pénales du Canada (le SPPC), a présenté une demande à la Commission en novembre 2014, conformément à l’article 114 de la LEFP. Me Taman a demandé la permission de présenter sa candidature et, si celle-ci était retenue, de se porter candidate à l’élection fédérale qui aurait lieu le 19 octobre 2015. Elle a aussi demandé un congé sans solde avant et pendant la période électorale. La Commission a rejeté sa demande le 16 décembre 2014.

[11]      Me Taman a décrit le rôle qu’elle joue et les fonctions qu’elle exerce dans sa demande, présentée selon la forme et la procédure applicables, ainsi que dans ses observations à la Commission, auxquelles était jointe sa description de tâches. Dans son affidavit, elle a indiqué qu’elle est chargée d’évaluer des dossiers d’enquête en vue de fournir, avant le dépôt d’une accusation, des conseils ou des opinions juridiques au sujet d’une éventuelle poursuite, de s’occuper de dossiers une fois qu’il a été décidé d’intenter une poursuite, de comparaître en cour pour plaider, de présenter des demandes à un juge au sujet de diverses questions relatives à la détermination de la peine, de négocier avec l’avocat de la partie adverse, et d’aider d’autres procureurs dans le cadre d’affaires ou de projets longs et complexes. Dans son affidavit, elle a fait remarquer que, au SPPC, son équipe était chargée des infractions réglementaires autres qu’en matière de drogue et qu’elle assumait la responsabilité ou travaillait dans le cadre de poursuites intentées en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, de même que de la Loi sur le lobbying, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44.

[12]      Dans les observations qu’elle a présentées à la Commission, en répondant à des questions précises posées dans le formulaire de demande, Me Taman a reconnu qu’il se pouvait que le public perçoive qu’elle ne soit pas capable d’exercer ses fonctions de manière impartiale au cours de la période antérieure à sa mise en candidature ainsi qu’avant et pendant la période électorale, mais elle a ajouté qu’elle avait l’intention d’être en congé sans solde au cours de cette période et de ne pas travailler et que, si elle retournait au travail, advenant que sa candidature ne soit pas retenue ou qu’elle ne soit pas élue, le public comprendrait qu’il y a une distinction entre les opinions personnelles des avocats et les positions que ceux-ci défendent devant les tribunaux.

[13]      La demande de permission soumise à la Commission, dans le formulaire requis, comprenait le point de vue du superviseur immédiat (le chef d’équipe) et de la haute direction de la demanderesse. Le chef d’équipe a indiqué qu’il n’était pas convaincu qu’au cours de la période électorale la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions de façon politiquement impartiale ne serait pas atteinte ou ne semblerait pas l’être. Il a fait remarquer qu’il serait peut-être nécessaire de combler son poste en son absence. Il a toutefois indiqué qu’il était convaincu que si la demanderesse revenait au travail parce que sa candidature n’avait pas été retenue ou qu’elle n’avait pas été élue, sa capacité d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale ne serait pas atteinte ou ne semblerait pas l’être parce que le milieu juridique et le public sont conscients que le travail des avocats est d’appliquer le droit à une série de faits, et non de faire des lois. Autrement dit, le chef d’équipe se souciait du fait que la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions serait atteinte ou semblerait l’être jusqu’au moment de l’élection, mais pas si elle revenait au travail parce qu’elle n’avait pas été élue.

[14]      Le DPP a exprimé l’avis que le fait de solliciter une mise en candidature ou de se porter candidat avant ou pendant une période électorale dénote une forte allégeance envers un parti politique et son programme, ce qui minerait l’indépendance de la fonction de procureur et pourrait amener le public à percevoir que l’allégeance politique de la demanderesse influence son jugement en tant que procureure. Le DPP a également indiqué que la demanderesse pouvait être appelée à travailler à des dossiers de nature politique, comprenant des infractions à la Loi sur le lobbying, la Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch. 9, ainsi que la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. (1985), ch. P-1.

[15]      Le DPP a dit ne pas être convaincu que si la demanderesse réintégrait son poste parce que sa candidature n’avait pas été retenue ou qu’elle n’avait pas été élue, sa capacité d’exécuter ses fonctions d’une manière politiquement impartiale ne serait pas atteinte ou ne semblerait pas l’être. Cela, a-t-il indiqué, présentait le risque que les enquêteurs et le public puissent avoir le sentiment que les décisions prises par la demanderesse étaient influencées par des questions de nature politique. En d’autres termes, le DPP se souciait du fait que la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions, tant avant la période électorale qu’après son retour au travail, après s’être portée candidate à une élection fédérale, pourrait être atteinte ou sembler l’être.

[16]      Le DPP a également fait savoir qu’il ne pouvait pas assurer le retour de la demanderesse à un poste autre que celui de procureur, car les activités de base du BDPP sont les poursuites intentées à l’égard d’infractions fédérales et la fourniture de conseils à des organismes d’enquête, deux types d’activités qui requièrent une impartialité politique ou la perception d’une telle impartialité. Il a ajouté qu’il serait nécessaire de combler le poste de la demanderesse en son absence.

[17]      Le DPP a fait d’autres commentaires pour étoffer les réponses données à des questions précises dans le formulaire de demande; il a indiqué que les activités politiques partisanes auxquelles peuvent se livrer des procureurs minent la fonction de procureur, que l’indépendance est un aspect central du processus décisionnel en matière de poursuite, que ce processus est de nature quasi judiciaire, que les procureurs exercent leurs fonctions quasi judiciaires dans l’intérêt du public et qu’ils doivent être indépendants de toute influence politique partisane, et que, à son avis, les procureurs fédéraux devraient s’abstenir de toute activité politique. Il a également fait état d’un incident antérieur dans lequel le BDPP avait été appelé à régler une plainte relative à une personne qui s’était livrée à des activités politiques avant de devenir procureure fédérale.

[18]      Me Taman a fourni d’autres observations à la Commission en réponse aux commentaires de la haute direction; elle a fait remarquer que la position du DPP ne tenait pas compte des droits que lui garantit la Charte, que l’indépendance des procureurs est de nature institutionnelle et que son propre pouvoir discrétionnaire est hautement circonscrit, que les procureurs ne devraient pas être tenus de respecter la même norme que les juges pour ce qui est des activités partisanes personnelles, que le point de vue du DPP n’est pas partagé par d’autres provinces dans lesquelles des procureurs se sont portés candidats à des élections et ont réintégré leurs postes, qu’il n’est pas interdit à d’anciens candidats politiques de se joindre au SPPC à titre de procureurs, que le SPPC n’a pas fait savoir que les procureurs devraient s’abstenir de toute intervention sur le plan politique, que la simple possibilité qu’une plainte puisse être déposée n’est pas une raison pour refuser une demande, qu’un procureur en particulier peut être isolé des poursuites politiquement délicates, lesquelles sont relativement rares, et qu’il ne convient pas d’accorder un poids excessif à de vagues situations hypothétiques. Elle a ajouté qu’il faudrait envisager de prendre des mesures d’accommodement raisonnables en vue de surmonter les obstacles à la représentation des femmes sur la scène politique et elle a laissé entendre qu’il y avait des moyens de faire droit à sa requête sans imposer un fardeau excessif au SPPC, dont le fait de créer des [traduction] « pare-feux » et d’attribuer à d’autres personnes les dossiers politiquement délicats.

La décision

[19]      La Commission a cité les dispositions législatives applicables. Aux termes des paragraphes 114(1) et (2) de la LEFP, le fonctionnaire désireux d’être choisi comme candidat, avant ou pendant la période électorale, ou de se porter candidat, avant la période électorale, ne peut le faire que s’il a demandé et obtenu la permission de la Commission. Aux termes du paragraphe 114(3), le fonctionnaire ne peut se porter candidat pour la période électorale que s’il a demandé à la Commission et obtenu d’elle un congé sans solde. Enfin, aux termes des paragraphes 114(4) et (5), la Commission n’accorde la permission ou le congé que si elle est convaincue que la capacité du fonctionnaire d’exercer ses fonctions de façon politiquement impartiale ne sera pas atteinte ou ne semblera pas atteinte.

[20]      Le texte des dispositions législatives applicables est reproduit à l’annexe A.

[21]      La Commission a souligné que la demanderesse avait demandé la permission requise, conformément aux paragraphes 114(1), (2) et (3) de la LEFP, et qu’elle avait pris en considération les informations que la demanderesse avait fournies ainsi que celles dont son chef d’équipe et la haute direction du BDPP lui avaient fait part.

[22]      La Commission a fait état de ses doutes que la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions à titre de procureure fédérale d’une manière politiquement impartiale puisse être atteinte ou sembler être atteinte en raison de la nature de ses fonctions ainsi que de la publicité, de la visibilité et de la reconnaissance accrues que l’on associerait au fait qu’elle veuille être choisie comme candidate et se porter candidate à une élection fédérale.

[23]      La Commission a conclu qu’à titre de procureure fédérale au service de la Direction des poursuites réglementaires et économiques, et de la gestion, la demanderesse jouissait d’un degré élevé d’autonomie et de pouvoir décisionnel; elle a fait remarquer que la demanderesse poursuit des infractions réglementaires fédérales, qu’elle fournit des conseils juridiques à la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) et à d’autres organismes fédéraux au sujet de poursuites fédérales, qu’elle peut présenter une demande de saisie ou de confiscation de biens, qu’elle prend part à des discussions en matière de plaidoyers et de peines, qu’elle s’occupe de [traduction] « déterminer le règlement d’une question litigieuse » dans certains dossiers, qu’elle est très visible lorsqu’elle comparaît en cour et qu’elle peut être tenue de faire affaire avec les médias.

[24]      La Commission a fait état du point de vue de la DPP selon lequel la mise en candidature de la demanderesse indique publiquement une allégeance importante à un parti politique et à son programme et que ce fait minerait l’indépendance du BDPP et ses fonctions en matière de poursuite. Elle a conclu que, par ricochet, cela pourrait amener à percevoir que la demanderesse n’est pas capable d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale.

[25]      La Commission a estimé que le risque d’une impartialité politique ne pourrait pas être atténué par un congé sans solde ou par le fait de confier à la demanderesse un rôle autre que celui de procureure si elle retournait au travail. Elle a fait remarquer que le BDPP avait indiqué qu’il ne pouvait pas prendre ces mesures parce qu’il est une organisation de petite taille, que ses activités de base sont la poursuite d’infractions et la fourniture de conseils à des organismes d’enquête et que rares sont les postes d’avocats qui ne sont pas investis de pouvoirs discrétionnaires.

[26]      La Commission a conclu qu’elle n’était pas convaincue que le fait de se porter candidate pendant la période électorale ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale. Elle a refusé d’accorder à la fois la permission et le congé sans solde, ce qui est une condition à laquelle doit satisfaire tout fonctionnaire désireux d’être élu.

La position générale de la demanderesse

[27]      La demanderesse est d’avis que la décision de la Commission est déraisonnable, car elle restreint de manière disproportionnée les droits que lui garantit la Charte, et plus précisément les alinéas 2b) et d) ainsi que l’article 3.

[28]      La demanderesse ne conteste pas la constitutionnalité des dispositions de la LEFP, mais elle soutient plutôt que la décision de la Commission n’est pas le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits que la Charte lui garantit. Elle ajoute que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière conforme au principe établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 R.C.S. 395 (Doré), lequel régit le contrôle des décisions administratives qui mettent en cause et limitent les droits et les valeurs que la Charte reconnaît. La demanderesse prétend de plus que la décision a pour effet d’empêcher tous les procureurs fédéraux de se porter candidats et de se présenter à une élection, et que cette interdiction générale, conjuguée à l’omission de la Commission d’atténuer l’effet de la limite imposée aux droits que lui garantit la Charte, n’est pas proportionnée.

[29]      La demanderesse sollicite une ordonnance infirmant la décision de la Commission et portant qu’elle est en droit, d’une part, de vouloir être nommée comme candidate à la prochaine élection fédérale et, d’autre part, d’obtenir un congé sans solde pendant la période électorale.

La position générale du défendeur

[30]      Le défendeur est d’avis que la Commission a appliqué le bon cadre et que les faits justifient sa décision selon laquelle il peut y avoir une perception d’atteinte à l’impartialité sur le plan politique. Il reconnaît que la décision a une incidence sur les droits que garantissent à la demanderesse l’alinéa 2b) et l’article 3 de la Charte, mais il ne souscrit pas à l’affirmation selon laquelle l’alinéa 2d) s’applique. Il soutient que la LEFP traduit le besoin de mettre en balance les droits et les valeurs reconnus par la Charte et les objectifs opposés de la LEFP. La Commission a le pouvoir discrétionnaire de permettre ou de refuser à un fonctionnaire de se porter candidat et de se présenter à une élection fédérale, conformément aux dispositions de la LEFP. La Commission a évalué la demande de la demanderesse, ainsi que ses fonctions précises, et sa décision ne représente pas une interdiction générale qui vise les procureurs fédéraux. La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière raisonnable et proportionnée.

La norme de contrôle applicable aux décisions administratives ayant une incidence sur des droits garantis par la Charte

[31]      Les parties conviennent que la norme de contrôle à appliquer aux décisions de nature discrétionnaire qui mettent en cause des droits garantis par la Charte est la raisonnabilité et, dans ce contexte, la démarche à suivre a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Doré et, plus récemment, réitérée et appliquée dans l’arrêt École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, [2015] 1 R.C.S. 613 (Loyola).

[32]      Dans l’arrêt Doré, la Cour suprême a établi que les cours de révision devraient appliquer la norme de la raisonnabilité à une décision administrative que l’on conteste pour des motifs fondés sur la Charte, mais que, en agissant de la sorte, ces cours doivent déterminer si la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des protections garanties par la Charte qui sont en jeu et le mandat applicable que confère la loi.

[33]      Les parties conviennent qu’une décision qui est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits et des valeurs garantis par la Charte est raisonnable. Cependant, elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si la décision de la Commission est le fruit d’une mise en balance proportionnée, qui correspond au cadre établi dans l’arrêt Doré.

[34]      Dans l’arrêt Doré, la Cour suprême du Canada a décrit en ces termes la mise en balance que l’on exige du décideur, ainsi que le rôle que joue la Cour au stade du contrôle judiciaire (aux paragraphes 55 à 57) :

Comment un décideur administratif applique-t-il donc les valeurs consacrées par la Charte dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi? Il ou elle met en balance ces valeurs et les objectifs de la loi. Lorsqu’il procède à cette mise en balance, le décideur doit d’abord se pencher sur les objectifs en question. Dans Lake, par exemple, l’importance des obligations internationales du Canada, ses relations avec les gouvernements étrangers ainsi que l’enquête, la poursuite et la répression du crime à l’échelle internationale justifiait, prima facie, la violation de la liberté de circulation visée au par. 6(1) (par. 27). Dans Pinet, c’est le double objectif de protection de la sécurité du public et de traitement équitable qui a fondé l’évaluation de la violation du droit à la liberté pour déterminer si elle était justifiée (par. 19).

Ensuite, le décideur doit se demander comment protéger au mieux la valeur en jeu consacrée par la Charte compte tenu des objectifs visés par la loi. Cette réflexion constitue l’essence même de l’analyse de la proportionnalité et exige que le décideur mette en balance la gravité de l’atteinte à la valeur protégée par la Charte, d’une part, et les objectifs que vise la loi, d’autre part. C’est à cette étape que le rôle de la révision judiciaire visant à juger du caractère raisonnable de la décision s’apparente à celui de l’analyse effectuée dans le contexte de l’application du test de l’arrêt Oakes. Comme la Cour l’a reconnu dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 160, « les tribunaux doivent accorder une certaine latitude au législateur » lorsqu’ils procèdent à une mise en balance au regard de la Charte et il sera satisfait au test de proportionnalité si la mesure « se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables ». Il en est de même dans le contexte de la révision d’une décision administrative pour en évaluer le caractère raisonnable où il convient de faire preuve d’une certaine déférence à l’endroit des décideurs à condition que la décision, comme l’affirme la Cour dans Dunsmuir, « [appartienne] aux issues possibles acceptables » (par. 47).

Dans le contexte d’une révision judiciaire, il s’agit donc de déterminer si — en évaluant l’incidence de la protection pertinente offerte par la Charte et compte tenu de la nature de la décision et des contextes légal et factuel — la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits en cause protégés par la Charte. Comme le juge LeBel l’a souligné dans Multani, lorsqu’une cour est appelée à réviser une décision administrative qui met en jeu les droits protégés par la Charte, « [l]a question se réduit à un problème de proportionnalité » (par. 155) et requiert d’intégrer l’esprit de l’article premier dans la révision judiciaire. Même si cette révision judiciaire est menée selon le cadre d’analyse du droit administratif, il existe néanmoins une harmonie conceptuelle entre l’examen du caractère raisonnable et le cadre d’analyse préconisé dans Oakes puisque les deux démarches supposent de donner une « marge d’appréciation » aux organes administratifs ou législatifs ou de faire preuve de déférence à leur égard lors de la mise en balance des valeurs consacrées par la Charte, d’une part, et les objectifs plus larges, d’autre part.

[35]      Dans l’arrêt Loyola, la Cour suprême du Canada a réitéré et appliqué le cadre établi dans l’arrêt Doré, en faisant remarquer ceci : « pour être défendable, une décision mettant en cause la Charte doit être conforme aux valeurs fondamentales garanties par ce texte » (au paragraphe 37). La Cour a également relevé l’analogie qui est faite avec le concept de l’atteinte minimale aux droits conférés par la Charte (aux paragraphes 40 et 41) :

L’analyse de la proportionnalité prescrite par l’arrêt Doré s’harmonise avec les étapes finales du cadre d’analyse énoncé dans Oakes qui sert pour déterminer si une restriction à un droit garanti par la Charte est raisonnable au regard de l’article premier : atteinte minimale et équilibre. Les arrêts R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, et Doré exigent tous deux que l’on restreigne les protections conférées par la Charte aussi peu que cela est raisonnablement possible eu égard aux objectifs particuliers de l’État : voir RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 160. L’analyse de la proportionnalité préconisée par l’arrêt Doré constitue donc une solide analyse qui « fait intervenir les mêmes réflexes justificateurs » que le test de l’arrêt Oakes : Doré, par. 5.

L’analyse décrite dans Doré constitue aussi un exercice hautement contextuel. Tout comme le volet de l’atteinte minimale de l’analyse prescrite par l’arrêt Oakes, plusieurs issues peuvent être proportionnées et protéger les valeurs consacrées par la Charte aussi pleinement que possible à la lumière des objectifs et mandat applicables prévus par la loi : RJR-MacDonald, par. 160.

[36]      Voici sous forme sommaire les conseils que donne la Cour suprême du Canada quant à la façon dont les décideurs devraient aborder les décisions qui mettent en cause des droits garantis par la Charte et la façon dont les tribunaux devraient procéder à leur contrôle judiciaire :

•           Le but général est de mettre en balance les droits ou les valeurs reconnus par la Charte et les objectifs prévus par la loi et de restreindre le moins possible les droits ou les valeurs que protège la Charte (ou protéger les droits reconnus par la Charte aussi pleinement que possible) à la lumière des objectifs prévus par la loi.

•           Pour opérer cette mise en balance, le décideur devrait :

•           prendre en considération les objectifs prévus par la loi;

•           examiner comment la valeur reconnue par la Charte qui est en jeu sera le mieux protégée au regard des objectifs prévus par la loi;

•           en agissant de la sorte, mettre en balance la gravité de l’atteinte à la protection garantie par la Charte et les objectifs prévus par la loi.

•           Au stade du contrôle ou de la révision judiciaire, la question soumise à la Cour consiste à savoir si le décideur a suivi la démarche décrite ci-dessus; c’est-à-dire, déterminer si la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des protections garanties par la Charte qui sont en jeu, en tenant compte de l’effet des protections garanties par la Charte qui sont pertinentes, ainsi que de la nature de la décision et du contexte législatif et factuel.

•           Qu’est-ce qu’une mise en balance proportionnée?

•           Une mise en balance proportionnée est une mesure qui donne effet, aussi pleinement que possible, aux protections garanties par la Charte qui sont en jeu, compte tenu du mandat applicable que prévoit la loi.

•           Sous l’autre angle, cela signifie que les protections garanties par la Charte doivent être touchées aussi peu que cela est raisonnablement possible compte tenu des objectifs prévus par la loi; cela reflète l’aspect de l’atteinte minimale dont il est question dans le critère énoncé dans l’arrêt Oakes [R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103].

•           L’analyse de la proportionnalité doit être « solide » et contextuelle.

•           Il peut y avoir plus d’une issue proportionnée. On accorde une « marge d’appréciation » au décideur ou l’on fait preuve de déférence à son égard lors de la mise en balance des valeurs consacrées par la Charte et des objectifs plus larges.

•           Enfin, une décision qui met en balance de manière proportionnée les droits ou les valeurs garantis par la Charte et les objectifs prévus par la loi « [appartient] aux issues possibles acceptables » [Doré, au paragraphe 56] et sera considérée comme raisonnable lors du contrôle judiciaire.

[37]      Bien que la Cour ait fourni ces principes directeurs aux décideurs ainsi qu’aux tribunaux qui contrôlent les décisions de ces derniers, leur application pratique n’est pas une mince affaire.

Les droits garantis par la Charte qui sont en cause

L’article 3

[38]      Aux termes de l’article 3 de la Charte, tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. Ce droit a été décrit par la Cour suprême du Canada comme étant celui de « briguer les suffrages des électeurs » (Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37, [2003] 1 R.C.S. 912, aux paragraphes 26 et 29).

[39]      Nul ne conteste que le droit de la demanderesse de briguer les suffrages des électeurs est en cause et qu’il doit être protégé dans la mesure du possible.

L’alinéa 2b)

[40]      L’alinéa 2b) protège, à titre de liberté fondamentale, la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, ce qui inclut la liberté de la presse et des autres moyens de communication.

[41]      Comme l’a fait remarquer la demanderesse, le droit à la liberté d’expression est interprété de manière large et téléologique, et ce droit englobe « [l’]activité par laquelle on transmet ou tente de transmettre un message bénéficie de prime abord de la protection de l’al. 2b) » (Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31, [2009] 2 R.C.S. 295, au paragraphe 27). La capacité qu’a la demanderesse de transmettre des informations et des messages aux membres du parti politique qu’elle souhaite représenter à titre de candidate et au public dans les efforts qu’elle faits pour être élue comme députée est clairement touchée par la décision et elle devrait être protégée dans la mesure du possible.

L’alinéa 2d)

[42]      L’alinéa 2d) protège, à titre de liberté fondamentale, la liberté d’association.

[43]      La demanderesse soutient que la décision de la Commission porte atteinte à sa liberté d’association au sens de l’alinéa 2d), car elle viole son droit de s’associer librement à un parti politique et de chercher à être nommée comme candidate de ce parti. On ne l’empêche pas d’adhérer à un parti politique, ajoute-t-elle, mais on porte atteinte à d’autres aspects de l’alinéa 2d). Elle signale que la liberté d’association comporte trois aspects : constitutif, déductif et téléologique (Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 51 à 54). La demanderesse soutient que la décision porte atteinte aux aspects déductifs de la liberté d’association — le droit à une activité associative qui est expressément liée à d’autres libertés constitutionnelles —, car briguer les suffrages des électeurs est une activité que la Constitution protège. Elle ajoute qu’il ne faut pas négliger l’importance que revêtent les partis politiques pour le processus démocratique, que l’alinéa 2d) envisage plus que le simple fait de s’associer à d’autres, dont des partis politiques, et qu’une approche téléologique reconnaît que le droit de s’associer englobe le fait de chercher à être nommé comme représentant d’un parti politique et à se présenter à une élection.

[44]      Le défendeur conteste que l’alinéa 2d) s’applique, car on n’empêche pas la demanderesse d’adhérer à un parti politique quelconque ou de chercher à présenter sa candidature pour un parti politique particulier. Même s’il lui est interdit de présenter sa candidature en vue d’une charge politique pendant qu’elle est au service de la fonction publique, elle peut tout de même s’associer à d’autres pour soutenir la candidature d’une autre personne.

[45]      Pour les besoins du présent contrôle judiciaire, il n’est pas nécessaire de déterminer la portée des droits que l’alinéa 2d) garantit à la demanderesse et en quoi, si c’est le cas, ces droits ont été touchés. Les droits que l’alinéa 2b) et l’article 3 garantissent à la demanderesse sont clairement touchés et l’argument que celle-ci invoque, à savoir que son droit d’association est lui aussi touché, est lié de près, dans ces circonstances, à la teneur des droits garantis par l’alinéa 2b) et l’article 3 qui sont en cause. La question en litige consiste à savoir si la décision met en balance de manière proportionnée les droits garantis par la Charte et les objectifs prévus par la loi. La détermination du droit d’association n’aura pas d’incidence sur l’issue du présent contrôle judiciaire.

La question en litige

La décision de la Commission est-elle le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits garantis par la Charte qui sont en jeu au vu des objectifs prévus par la loi, et cette décision est-elle de ce fait raisonnable?

Les observations de la demanderesse

[46]      La demanderesse soutient que la décision de la Commission porte atteinte de manière disproportionnée aux droits que lui garantit la Charte, compte tenu de la nature de la décision, du contexte législatif et du contexte factuel.

La nature de la décision

[47]      La demanderesse estime que la décision revient à interdire à tous les procureurs fédéraux de se présenter comme candidats à une élection fédérale. Une telle interdiction générale est incompatible avec la décision Harquail c. Canada (Commission de la fonction publique), 2004 CF 1549 (Harquail). Bien que la Cour ait rejeté le contrôle judiciaire d’une décision refusant la permission requise à une procureure fédérale du fait de son caractère théorique et que cette décision date d’avant l’arrêt Doré, les commentaires de la Cour, qui a critiqué la Commission pour n’avoir pas mené une enquête plus globale ni examiné de vagues possibilités, s’appliquent aux présentes circonstances (au paragraphe 36). Autrement dit, une enquête globale aurait permis à la Commission de rendre une décision favorable dans le cas d’un procureur fédéral.

[48]      La demanderesse fait état de la décision de la Commission, qui fait référence à plusieurs reprises aux mots [traduction] « procureur fédéral », à l’appui de son argument selon lequel la décision est assimilable à une interdiction générale à l’endroit des procureurs. La Commission a fait remarquer qu’elle se [traduction] « soucie du fait que la capacité de Me Taman d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale à titre d’avocate, travaillant comme procureure fédérale, peut être atteinte ou sembler l’être »; [traduction] « à titre de procureure fédérale […] Me Taman jouit d’un degré élevé d’autonomie et de pouvoir décisionnel »; [traduction] « ses préoccupations » [celles du BPP] ont trait à [traduction] « la nature des fonctions qu’exerce Me Taman à titre de procureure fédérale » et [traduction] « Me Taman est très visible lorsqu’elle comparaît devant un tribunal à titre de procureure fédérale ».

[49]      La demanderesse signale aussi que les préoccupations que la Commission a soulevées au sujet de sa visibilité, de son autonomie et de son pouvoir décisionnel, de sa participation à des discussions en matière de plaidoyers et de peines, de ses demandes de saisie et de confiscation ainsi que de la fourniture possible d’informations aux médias, des facteurs qu’elle considère comme pertinents, s’appliqueraient à tous les procureurs fédéraux.

[50]      La demanderesse soutient que la LEFP et un instrument connexe, le Règlement concernant les activités politiques, DORS/2005-373 (le Règlement) ne concordent pas avec l’imposition d’une interdiction générale fondée sur le titre d’un poste. La LEFP et le Règlement requièrent la tenue d’une enquête factuelle et contextuelle, qui comporte un examen de la nature de l’élection, de la nature des fonctions ainsi que du niveau du poste et sa visibilité. La demanderesse soutient que la Commission a omis de procéder à un [traduction] « examen détaillé » de ses fonctions et qu’elle s’est plutôt concentrée sur les procureurs fédéraux en tant que catégorie générale.

[51]      La demanderesse souligne aussi que la Commission s’est fondée sur le point de vue du DPP au sujet de la nature du mandat du BDPP et de celle des fonctions qu’exerce la demanderesse à titre de procureure fédérale, plutôt que sur les fonctions précises qu’elle exerce et les types de poursuite qu’elle mène. La Commission a souscrit à la position générale du DPP, à savoir que le poste de procureur fédéral est incompatible avec le fait de se porter candidat à une charge publique, sans tenir compte d’autres opinions et facteurs.

[52]      La demanderesse soutient que la décision, qui équivaut à une interdiction concrète à l’endroit des procureurs fédéraux en tant que catégorie, est, de par sa nature, disproportionnée (arrêt Loyola, au paragraphe 70).

Le contexte législatif

[53]      La demanderesse soutient que la décision est incompatible avec la LEFP, la Loi électorale du Canada et diverses lois provinciales.

[54]      L’article 112 de la LEFP énonce son objet et reconnaît aux fonctionnaires le droit de se livrer à des activités politiques tout en respectant le principe d’impartialité politique au sein de la fonction publique. La demanderesse soutient toutefois que la Commission n’a pas tenu compte de son droit de se livrer à des activités politiques. Bien que la LEFP tente de mettre en balance les deux intérêts, le point de départ de la Commission et son point de mire ont été la préservation de l’impartialité politique.

[55]      La demanderesse est consciente du principe et de la convention constitutionnelle de longue date au sujet de l’impartialité politique au sein de la fonction publique, mais elle soutient que la convention ne supplante pas les droits reconnus par la Charte qu’il faudrait protéger. La jurisprudence portant sur des questions semblables en matière d’impartialité politique reconnaît que l’impartialité politique et les devoirs de loyauté doivent être mis en balance avec d’autres droits (Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] 2 R.C.S. 69 (Osborne), à la page 97; Fraser c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1985] 2 R.C.S. 455 (Fraser), aux pages 467 à 470).

[56]      La demanderesse estime que le critère établi pour déterminer les conflits d’intérêts des fonctionnaires devrait également s’appliquer aux décisions prises en vertu des paragraphes 114(4) et (5) de la LEFP. Dans l’arrêt Threader c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 1 C.F. 41 (C.A.) (Threader), à la page 57, la Cour a énoncé le critère qui s’applique à ces conflits :

Est-ce qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que, selon toute vraisemblance, le fonctionnaire, consciemment ou non, sera influencé par des considérations d’intérêt personnel dans l’exercice de ses fonctions officielles?

[57]      Selon la demanderesse, la Commission a omis de considérer si une personne parfaitement renseignée et raisonnable conclurait qu’elle serait influencée par des considérations politiques partisanes dans l’exercice de ses fonctions, et elle a donc rendu une décision qui n’est pas conforme au contexte législatif de la LEFP. La demanderesse reconnaît que les paragraphes 114(4) et (5) reflètent jusqu’à un certain point le concept énoncé dans l’arrêt Threader, mais elle ajoute que la disposition devrait comporter un élément objectif — le point de vue de la personne pleinement informée — et que c’est sous cet angle que la Commission aurait dû procéder à la mise en balance.

[58]      La demanderesse a présenté quelques informations historiques de base sur le droit qu’ont les fonctionnaires de chercher à se présenter comme candidats et à se présenter à une élection. À l’origine, il était interdit aux procureurs de la Couronne et aux fonctionnaires de siéger comme député. L’introduction, en 1968, de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, S.R.C. 1970, ch. P-32, article 32, a permis aux fonctionnaires d’un rang inférieur à celui d’administrateur général de briguer les suffrages des électeurs après en avoir obtenu la permission. En 2000, l’interdiction que comportait la Loi électorale du Canada quant au fait que des fonctionnaires se portent candidats à une élection fédérale a été abrogée, laissant ainsi la LEFP comme loi applicable.

[59]      La Loi électorale du Canada continue d’interdire aux procureurs de la Couronne de se porter candidats mais, par définition, cela signifie les procureurs de la Couronne principaux ou régionaux et cela n’inclut pas les procureurs de la Couronne adjoints, ce qu’est la demanderesse.

[60]      La demanderesse soutient qu’il est évident que le législateur s’est penché sur la question de savoir s’il fallait interdire à certains groupes de se porter candidats à une élection dans le cadre de la Loi électorale du Canada. Si le législateur entendait interdire à tous les procureurs fédéraux de se porter candidats, il l’aurait fait aussi dans la LEFP.

[61]      La demanderesse fait également remarquer que diverses lois provinciales comportent des règles relatives aux activités politiques qui reposent sur des classes ou des catégories. En général, dans chaque province, sauf au Nouveau-Brunswick, les lois provinciales permettent aux procureurs qui ne font pas partie de la direction de se porter candidats à une charge publique.

[62]      La demanderesse fait valoir que, pour ce qui est d’examiner si la décision de la Commission est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits que lui garantit la Charte, les démarches suivies dans d’autres provinces sont des facteurs pertinents, notamment parce qu’elle ne fait pas partie de la direction et qu’il aurait fallu tenir compte d’options qui auraient porté le moins possible atteinte aux droits que lui garantit la Charte.

Le contexte factuel

[63]      La demanderesse est d’avis qu’il y a plusieurs faits pertinents que la Commission n’a pas pris en compte au moment de rendre sa décision et de déterminer si une personne pleinement informée conclurait qu’elle serait influencée par des considérations politiques dans l’exercice de ses fonctions.

[64]      La demanderesse souligne qu’elle a demandé un congé sans solde en vue d’être choisie comme candidate et, si elle l’était, en vue d’être élue et que, au cours de cette période, elle n’aurait pas travaillé et n’aurait pas exercé les fonctions qui, a conclu la Commission, étaient visibles, autonomes et de nature décisionnelle. Comme elle n’aurait pas travaillé, il n’y aurait eu aucun risque de créer une perception d’impartialité.

[65]      La demanderesse soutient que son pouvoir discrétionnaire est circonscrit avec soin. L’indépendance des procureurs ne veut pas dire que ces derniers agissent sans supervision ou qu’ils jouissent d’un pouvoir discrétionnaire absolu; cela veut dire que le procureur général doit agir indépendamment de toute considération partisane lorsqu’il supervise les décisions des procureurs (Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 30 (Krieger), au paragraphe 30).

[66]      Le Guide du SPPC [Guide du Service des poursuites pénales du Canada], qui présente les principes directeurs que doivent suivre tous les procureurs fédéraux et les personnes agissant à ce titre, prescrit que les procureurs sont responsables des décisions et des mesures qu’ils prennent envers leurs gestionnaires, ce qui inclut le procureur fédéral en chef, les directeurs adjoints des poursuites pénales et, en fin de compte, le DPP. Les décisions qu’ils prennent doivent être conformes aux politiques, aux directives et aux lignes directrices applicables. Ils sont tenus de consulter leurs collègues d’expérience ainsi que leurs superviseurs ou leurs gestionnaires quand ils sont confrontés à des décisions difficiles, ainsi que de consulter d’autres personnes au sein du gouvernement à l’égard de certaines questions.

[67]      La demanderesse souligne plusieurs extraits du Guide du SPPC, y compris le chapitre 2.1, intitulé « L’indépendance et la responsabilisation dans la prise de décisions », où il est écrit que l’indépendance du procureur est celle du DPP, qui est déléguée aux procureurs, mais, où l’on explique que cela s’entend d’une indépendance institutionnelle.

[68]      La demanderesse reconnaît qu’elle exercerait un certain pouvoir discrétionnaire dans les salles d’audience à mesure que des difficultés se présenteraient, mais qu’elle serait quand même guidée par les politiques et les directives applicables qui sont énoncées dans le Guide du SPPC.

[69]      La demanderesse signale par ailleurs que dans l’arrêt Krieger, au paragraphe 29, la Cour suprême du Canada a reconnu que le procureur général, même s’il est membre du Cabinet, occupe une place tout à fait indépendante quand il exerce ses fonctions en matière de poursuite. Elle ajoute que l’on peut s’attendre à ce que les autres procureurs soient tout aussi indépendants.

[70]      La demanderesse souligne également qu’elle occupe un poste qui ne fait pas partie de la direction et qui est d’un rang relativement subalterne. Elle ajoute que la Cour suprême a conclu que le « rang d[u] fonctionnaire[…] » est un aspect pertinent pour ce qui est de savoir si ce fonctionnaire peut être autorisé à se livrer à une activité politique (arrêt Osborne, à la page 98).

[71]      La demanderesse est d’avis que les seuls rapports qu’elle a eus avec les médias sont survenus après la décision de la Commission. Il n’était pas réaliste de la part de cette dernière de considérer que la vague possibilité d’avoir des rapports avec les médias était un facteur qui dénotait une perception de partialité. Dans la décision Harquail, la Cour a conclu qu’il paraissait raisonnable que la Commission effectue un examen des responsabilités d’un demandeur dans un contexte réaliste (au paragraphe 35). Par ailleurs, si jamais les médias entraient en contact avec la demanderesse, il est indiqué dans le Guide du SPPC que les procureurs doivent consulter la direction avant de s’entretenir avec les médias.

[72]      La demanderesse ajoute qu’il n’y a aucune preuve qu’elle est [traduction] « très visible » et qu’on ne sait pas clairement ce que ce facteur désigne. Elle serait vue dans une salle d’audience publique, mais cela ne dénote pas un manque de partialité et cela ne constituerait pas la « visibilité » qu’envisage la LEFP.

[73]      La demanderesse signale qu’elle n’a pas pris part à des poursuites [traduction] « politiquement délicates ». Les poursuites réglementaires ne sont généralement pas délicates sur le plan politique. De plus, il serait possible d’éviter ce risque en ne lui confiant pas des dossiers de cette nature.

[74]      La demanderesse ajoute qu’il n’y a aucune preuve de crainte raisonnable de partialité politique ou de préjudice réel envers le SPPC. Ce dernier n’a fait référence qu’à une seule affaire dans le passé où un défendeur avait déposé une requête, sans succès toutefois, en vue de faire écarter un procureur parce que celui-ci était un ancien candidat politique. La vague possibilité d’une plainte n’est pas une raison pour rejeter sa demande.

[75]      La demanderesse allègue que la Commission n’a pas pris acte du point de vue de son chef d’équipe, qui avait une meilleure connaissance de ses fonctions précises. Elle convient qu’il est possible de distinguer la décision Harquail de la présente espèce au vu de ses faits, car, dans cette affaire, le sous-ministre de la Justice soutenait la demande de la demanderesse et la Commission l’avait rejetée. Cependant, le principe que l’on dégage de cette décision, à savoir que les superviseurs d’un demandeur sont les mieux placés pour connaître l’étendue de ses responsabilités ainsi que la visibilité de son poste, s’applique tout autant. La demanderesse ajoute que la Commission a préféré retenir les préoccupations du DPP plutôt que le point de vue du chef d’équipe, et ce, sans explication.

[76]      La demanderesse soutient par ailleurs que la Commission n’a pas pris en compte le Code de conduite du SPPC, qui n’interdit pas aux procureurs de se livrer à des activités politiques ou de se porter candidats à une élection fédérale. La Commission n’a pas tenu compte non plus des règles en matière de responsabilité professionnelle qui régissent les avocats, ni du principe selon lequel les avocats sont censés dissocier leurs opinions personnelles des positions qu’ils adoptent pour le compte d’un client. Elle soutient que son rôle de procureure ne constitue pas une adhésion aux politiques gouvernementales, pas plus que cette adhésion ou le fait de critiquer ces politiques ne l’empêcherait de plaider la cause du procureur général.

[77]      La demanderesse fait remarquer que rien n’interdit à un ancien candidat politique d’obtenir un emploi comme procureur fédéral.

[78]      La demanderesse soutient que la Commission a mis l’accent sur le pouvoir discrétionnaire qu’elle exerce, mais sans tenir compte du fait que d’autres fonctionnaires exercent un pouvoir discrétionnaire semblable sans toutefois se voir interdire de briguer les suffrages. Elle souligne que les membres de la GRC et d’autres agents de police sont autorisés à se porter candidats à une charge publique et, soutient-elle, ils exercent un pouvoir discrétionnaire semblable ou supérieur à celui des procureurs.

Les observations du défendeur

Les objectifs prévus par la loi

[79]      Le défendeur soutient que la LEFP a pour objet de mettre en balance, d’une part, les droits des fonctionnaires à la liberté d’expression et à la participation au processus démocratique et, d’autre part, l’importance d’une fonction publique politiquement impartiale. C’est ce qui ressort clairement du préambule de la LEFP et des dispositions de la loi. La mise en balance requise est « intégrée » aux dispositions de l’article 114.

[80]      La neutralité politique réelle et perçue est une caractéristique essentielle de la fonction publique et de la démocratie canadienne, et ce principe est reconnu dans la jurisprudence. Bien qu’une convention constitutionnelle ne jouisse pas du même statut qu’un droit constitutionnel, elle doit tout de même faire partie de l’exercice de mise en balance. Il peut être nécessaire de restreindre le droit d’un fonctionnaire à la liberté d’expression en vue d’assurer l’impartialité requise (arrêt Osborne, à la page 97; arrêt Fraser, aux pages 467 à 470; arrêt Haydon c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 249, [2006] 2 R.C.F. 3 (Haydon), aux paragraphes 23 et 35).

[81]      Selon le défendeur, la LEFP reconnaît que l’on peut refuser la permission de se porter candidat et de se présenter à une élection, c’est-à-dire que les droits peuvent être restreints et refusés, conformément aux considérations législatives pertinentes. Tant que la mise en balance est proportionnée, la décision est raisonnable.

La nature de la décision

[82]      Le défendeur soutient que la décision visait expressément la demande et les fonctions de la demanderesse et qu’elle n’est pas assimilable à une interdiction générale à l’endroit des procureurs qui se portent candidats à une élection quelconque. Toute autre demande mettant en cause un procureur serait tranchée par la Commission à partir des faits et des circonstances qui lui seraient propres.

[83]      Le paragraphe 114(6) énumère les facteurs dont il faut tenir compte, soit, notamment, les fonctions du fonctionnaire, ainsi que le niveau et la visibilité de son poste. La liste des facteurs ne se limite pas à ces exemples et variera au gré des circonstances. Tous les facteurs liés aux fonctions de la demanderesse ont été pris en compte.

Le contexte législatif

[84]      Le défendeur n’est pas d’accord pour dire qu’il y a lieu de prendre en compte le contexte législatif de la Loi électorale du Canada. La Commission était seulement tenue de rendre sa décision en se fondant sur la LEFP ainsi que sur les informations dont elle disposait.

[85]      Le défendeur soutient également que la démarche exposée dans diverses lois provinciales n’est pas pertinente pour ce qui est de déterminer si la décision de la Commission est raisonnable et proportionnée. D’autres provinces ont peut-être établi des cadres législatifs différents de celui de la LEFP, mais c’est cette dernière qui s’applique.

Le contexte factuel

[86]      Le défendeur soutient que les conclusions que la Commission a tirées, et qui, cumulativement, sont à l’origine de sa décision, sont toutes étayées par les faits.

[87]      La LEFP oblige la Commission à évaluer la visibilité, le niveau et la nature du poste ou des fonctions d’un fonctionnaire, et c’est ce qu’elle a fait. Sa conclusion selon laquelle la demanderesse jouissait d’un degré élevé d’autonomie, de pouvoir discrétionnaire et de visibilité est confirmée par le dossier.

[88]      Le défendeur reconnaît que la demanderesse ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire absolu sur le plan décisionnel. Même si le Guide du SPPC énonce la politique et les directives applicables et fournit des conseils à tous les procureurs fédéraux et si, conformément à ce document, la demanderesse consultait des collègues et des gestionnaires à propos de questions précises, cette dernière bénéficierait quand même d’un certain pouvoir discrétionnaire.

[89]      Le défendeur signale également que, d’après la description de tâches de la demanderesse, celle-ci est tenue de [traduction] « faire preuve de discrétion en matière de poursuites devant les tribunaux en vue de présenter une poursuite équitable, complète et juste » et, par ailleurs, le [traduction] « travail oblige à s’adapter rapidement et à réagir aux faits qui surviennent en salle d’audience, ainsi qu’à trouver des solutions, parfois à brève échéance, sans avoir accès à des documents de référence ».

[90]      Le défendeur signale que la note d’information que la Direction des activités politiques et de l’impartialité politique a transmise à la Commission résume et analyse les informations recueillies au sujet de la nature de l’élection, de la nature des fonctions de la demanderesse, de même que du niveau et de la visibilité de son poste, et présente le point de vue de la demanderesse, de son chef d’équipe et de la haute direction.

[91]      La note d’information résume les fonctions qu’exercent la demanderesse, y compris ses responsabilités décisionnelles quant au fait de savoir s’il y a lieu d’intenter une poursuite, sa responsabilité à l’égard de cette poursuite s’il a été décidé d’en intenter une, de même que la présentation d’opinions juridiques à l’étape antérieure au dépôt d’une accusation. De plus, il y est fait référence au rapport annuel du SPPC, qui indique qu’un procureur joue un rôle de nature quasi judiciaire.

[92]      Dans le même ordre d’idées, la conclusion selon laquelle la demanderesse a une certaine visibilité repose sur l’évaluation que la Commission a faite des fonctions de la demanderesse, lesquelles l’obligent à comparaître dans une salle d’audience publique, à être visible aux yeux du public ainsi qu’à être accessible aux médias.

[93]      Le dossier étaye également la conclusion de la Commission selon laquelle il est possible que les médias entrent en contact avec la demanderesse. Même si celle-ci n’a pas été contactée auparavant par les médias et s’il est prescrit dans le Guide du SPPC de renvoyer à d’autres personnes les contacts avec les médias dans la mesure du possible, le fait que la demanderesse reçoive des médias des demandes de renseignements qui requièrent une réponse rapide n’est pas une vague possibilité.

[94]      Le défendeur signale également que, dans sa réponse aux questions posées dans le formulaire de demande de permission de la Commission, la demanderesse a reconnu que le public pourrait percevoir qu’elle ne serait pas capable d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale avant ou pendant l’élection. Dans les observations qu’elle a présentées en réponse à celles de la direction, elle a admis que cette perception pourrait s’appliquer à certains dossiers, notamment sous le régime de la Loi sur le lobbying. La demanderesse, ajoute-t-il, a récemment été chargée de deux poursuites menées sous le régime de cette loi, ce qu’elle a également reconnu.

[95]      Le défendeur soutient que le fait que la demanderesse invoque la décision Harquail à l’appui de son argument selon lequel de vagues possibilités ne sont pas des considérations pertinentes n’aide pas sa cause. La Commission n’a pas pris en compte de vagues possibilités. Il se peut fort bien que les médias entrent en contact avec la demanderesse et que celle-ci s’occupe de dossiers politiquement délicats.

[96]      Dans la décision Harquail, la Cour a fait remarquer que si la demande n’avait pas été théorique et sans objet, elle aurait eu des doutes au sujet de la décision rendue, dont le fait que la Commission n’avait pas tenu compte de la recommandation du sous-ministre. Dans la présente affaire, la Commission a pris en compte le point de vue du chef d’équipe de la demanderesse, ainsi que celui de la haute direction, dont le DPP. Elle n’a pas fait abstraction du point de vue du chef d’équipe, mais elle a accordé plus de poids à celui du DPP. C’est la Commission qui est le décideur, pas le chef d’équipe ou le DPP, et elle avait un motif raisonnable pour privilégier le point de vue de la haute direction.

[97]      Le défendeur réitère que c’est la LEFP qui s’applique. Il est possible que des lois provinciales adoptent une optique différente et que les membres de la GRC et d’autres corps de police soient autorisés à se porter candidats à une élection, mais la demande de la demanderesse tombe sous le coup de la LEFP.

[98]      Le défendeur soutient que la décision de la Commission illustre qu’elle a tenu compte du fait de savoir s’il était possible de prendre des mesures d’accommodement à l’égard de la demande de la demanderesse. La Commission a fait référence à un congé sans solde et à l’affectation de la demanderesse à des tâches autres que celles d’un procureur, mais elle a conclu, en se fondant sur les commentaires du DPP, qu’en raison de la taille de l’organisation et de son mandat il ne s’agissait pas là d’une option.

[99]      Le défendeur signale que dans la décision Société Radio-Canada c. Directrice de l’établissement de Bowden, 2015 CF 173 (Bowden), la Cour a appliqué le cadre établi dans l’arrêt Doré et a conclu que la décision reflétait une mise en balance proportionnée, et ce, même si la directrice en question n’avait pas fait expressément référence aux droits garantis par la Charte dont il fallait tenir compte, car il ressortait clairement du fond de la décision qu’elle avait tenu compte de ces droits (au paragraphe 52). De plus, elle avait pris en compte les mesures d’accommodement proposées en vue d’atténuer l’effet de l’option envisagée, ce qui était le signe d’une mise en balance proportionnée, et ce, même si, en fin de compte, cette option aurait été impossible (au paragraphe 57).

La décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée et elle est raisonnable

[100]   Comme il est indiqué dans l’arrêt Doré, dans le contexte d’une révision judiciaire la question ultime ou globale qu’il convient de trancher consiste à savoir si la décision est le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits garantis par la Charte qui sont en cause, tout en limitant ces droits le moins possible compte tenu des objectifs prévus par la loi.

[101]   La Cour doit tout d’abord examiner la nature de la décision, ainsi que le contexte législatif et factuel.

La nature de la décision

[102]   La décision a été rendue sous le régime de la LEFP par la Commission, qui a pour mission, notamment, d’appliquer les dispositions de la Loi concernant les activités politiques des fonctionnaires et des administrateurs généraux (article 11).

[103]   Comme il est indiqué ci-après au sujet du contexte législatif, la demanderesse a présenté sa demande conformément à la LEFP et au Règlement, ainsi que dans le formulaire prescrit.

[104]   Le processus de demande permet à la demanderesse de présenter des observations initiales, de même que des observations complémentaires en réponse à celles de la direction. Avant de rendre sa décision, la Commission a également reçu un sommaire des informations recueillies ainsi qu’une évaluation préliminaire, sous la forme d’une note d’information établie par la Direction des activités politiques et de l’impartialité politique de la Commission.

[105]   La décision, de par sa nature, a une incidence marquée sur les droits qu’a la demanderesse, aux termes de l’alinéa 2b) et de l’article 3 de la Charte, d’être choisie comme candidate d’un parti politique et de se présenter à l’élection fédérale d’octobre 2015. Bien qu’il ne lui soit pas interdit de s’exprimer librement ou d’exercer son droit de se porter candidate à une charge politique, elle ne peut pas exercer ses droits et conserver son poste de procureure fédérale et de fonctionnaire.

[106]   La demanderesse qualifie la décision d’« interdiction générale » visant tous les procureurs fédéraux et elle soutient que la Commission n’a pas compris que ses fonctions et ses caractéristiques, que cette dernière a considérées comme préoccupantes, sont les mêmes que celles de tous les procureurs fédéraux. Elle signale que la Commission a fait constamment référence à ses fonctions de [traduction] « procureure fédérale » et ne s’est fondée que sur le point de vue du DPP, qui s’appliquerait aux procureurs fédéraux en tant que groupe. Elle allègue aussi que cette interdiction est incompatible avec le contexte législatif et l’intention de la loi, qui requiert une évaluation fondée sur les fonctions exercées.

[107]   Invoquant l’arrêt Loyola, au paragraphe 70, la demanderesse soutient que l’effet de l’interdiction, qu’elle qualifie d’« interdiction dans les faits », dénote que la décision est disproportionnée.

[108]   Je conviens que, dans certaines circonstances, cela peut être un signe de disproportionnalité, mais il ne s’agit pas d’un facteur déterminant. Dans l’arrêt Loyola, il est dit seulement que, compte tenu des faits propres à cette affaire, une décision qui est assimilable à une interdiction peut être un motif supplémentaire ou concordant pour conclure qu’une décision est disproportionnée (au paragraphe 70) :

Le caractère disproportionné de cette décision est renforcé par le fait que cette dernière interdit dans les faits à Loyola d’enseigner l’éthique catholique selon une perspective catholique.

[109]   Cependant, en l’espèce, je ne suis pas d’accord pour dire que la décision est fondée sur le titre du poste qu’occupe la demanderesse en tant que procureure fédérale plutôt que sur les fonctions qu’elle exerce en sa qualité de procureure fédérale et de fonctionnaire. Si la décision était une « interdiction générale » visant l’ensemble des procureurs fédéraux, la Commission n’aurait pas examiné les fonctions particulières qu’exerce la demanderesse en tant que membre de l’équipe chargée des poursuites de nature réglementaire et économique, sa description de tâches, ses observations, de même que les observations de son chef d’équipe et de la haute direction.

[110]   Contrairement aux observations de la demanderesse, la Commission a [traduction] « examiné en détail » et évalué de manière exhaustive ses fonctions précises, telles qu’elle les a décrites et telles qu’elles l’étaient dans sa description de tâches.

[111]   Comme l’a fait remarquer la demanderesse, la Commission a déclaré à plusieurs reprises dans sa décision qu’elle exerçait ses fonctions [traduction] « à titre de procureure fédérale ». Cependant, il s’agit là d’une description nécessaire et factuelle, qui fournit le contexte nécessaire à la description de ses fonctions et à l’évaluation des facteurs que la Commission a effectuée. Sans ce contexte, la référence qui est faite aux fonctions précises de la demanderesse, lesquelles comprennent l’examen de dossiers, la formulation de conseils et d’opinions avant le dépôt d’accusations ainsi que la saisie de biens, n’aurait aucun sens.

[112]   Le DPP a clairement exprimé l’avis qu’il est malvenu que les procureurs fédéraux s’engagent sur le plan politique. Le DPP peut faire part du même point de vue au sujet de n’importe quelle demande semblable de la part d’autres procureurs fédéraux. Cela peut signaler à d’autres procureurs fédéraux qu’on ne leur accorderait vraisemblablement pas la permission de se porter candidats à une élection fédérale. Cependant, la décision de la Commission n’est pas une interdiction qui vise tous les procureurs fédéraux, car elle est fondée sur la demande précise de la demanderesse et est liée aux fonctions précises de cette dernière. D’autres demandes seraient tranchées au cas par cas.

Le contexte législatif et les objectifs prévus par la loi

[113]   Le préambule de la LEFP indique, notamment, qu’« il demeure avantageux pour le Canada de pouvoir compter sur une fonction publique non partisane et axée sur le mérite et […] ces valeurs doivent être protégées de façon indépendante ».

[114]   La partie 7 [articles 111 à 122] de la Loi régit les activités politiques et les demandes de permission de se porter candidat et de se présenter à une élection.

[115]   L’article 112 énonce l’objet de la partie 7, et reconnaît précisément aux fonctionnaires le droit de se livrer à des activités politiques tout en respectant le principe d’impartialité politique au sein de la fonction publique.

[116]   L’article 114 régit les exigences à remplir pour demander la permission et un congé sans solde en vue de se porter candidat à une élection fédérale, provinciale ou territoriale. Les paragraphes 114(4) et (5) adoptent tous deux le même critère pour déterminer s’il convient d’accorder cette permission; la Commission doit être convaincue que « la capacité du fonctionnaire d’exercer ses fonctions de façon politiquement impartiale ne sera pas atteinte ou ne semblera pas être atteinte ».

[117]   Le paragraphe 114(6) prescrit que la Commission peut tenir compte « notamment de la nature des fonctions du fonctionnaire, du niveau et de la visibilité de son poste et de la nature de l’élection ». Il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive.

[118]   Le processus de mise en balance des objectifs prévus par la loi est intégré à l’article 112. Le critère énoncé aux articles 113 et 114, de pair avec les aspects dont il faut tenir compte, complète le but général visé, soit la mise en balance de ces objectifs. Il est un élément implicite de l’économie de la LEFP que le droit de se livrer à des activités politiques peut devoir céder le pas à l’objectif qui consiste à veiller à ce que les fonctionnaires soient capables d’exercer leurs fonctions de manière politiquement impartiale et qu’il se peut qu’on ne leur permette pas de se livrer à des activités politiques.

[119]   Comme il a été signalé dans l’arrêt Doré, les objectifs prévus par la loi qui sont en litige peuvent avoir plus d’un but. Dans cet arrêt, au moment d’examiner la norme de contrôle applicable, la juge Abella s’est reportée à une décision antérieure de la Cour suprême du Canada : Pinet c. St. Thomas Psychiatric Hospital, 2004 CSC 21, [2004] 1 R.C.S. 528 (Pinet), où la question en litige consistait à savoir si une décision rendue par la Commission ontarienne d’examen en vertu du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, qui l’obligeait à se prononcer de la manière la moins restrictive possible pour l’accusé tout en tenant compte de la nécessité de protéger la sécurité du public et d’autres facteurs, c’est-à-dire à atteindre un « double objectif », était raisonnable. Dans cet arrêt, la Cour a fait remarquer que le droit à la liberté est un droit protégé par la Charte, mais qu’il est possible qu’il soit restreint par la nécessité de mettre en balance la sécurité du public au moment de déterminer l’option la moins privative de liberté (aux paragraphes 32 et 56).

[120]   Dans la présente affaire, la LEFP comporte elle aussi un double objectif : elle oblige la Commission à reconnaître et à mettre en balance le droit du fonctionnaire de se livrer à des activités politiques et l’objectif de préserver le principe de l’impartialité politique au sein de la fonction publique. Bien qu’ils ne soient pas expressément mentionnés comme des droits protégés par la Charte dans la LEFP, il est évident que le droit de se livrer à des activités politiques et le droit à la liberté d’expression en ce faisant sont des droits protégés par la Charte.

[121]   Les observations que la demanderesse a présentées à la Commission font ressortir son droit constitutionnel de s’exprimer et de participer sur le plan politique et le besoin que la Commission rende sa décision en tenant compte de la Charte. La Commission n’a pas indiqué que les droits en cause étaient protégés par la Charte, mais sa décision et le processus décisionnel suivi montrent qu’elle a pris en compte la totalité des observations, le but qu’avait la demanderesse de se porter candidate et de se présenter à une élection, ainsi que l’effet d’un refus, qui restreindrait ses droits. Il n’est pas essentiel de faire davantage référence, ou de faire référence de manière précise, aux droits que la Charte garantit à la demanderesse.

[122]   La demanderesse soutient que la décision ne concorde pas avec le contexte législatif, ce qui inclut la Loi électorale du Canada et diverses lois provinciales. Si j’ai bien compris cet argument, elle estime que la LEFP est nettement plus restrictive que d’autres lois et que, dans une analyse contextuelle, ces autres lois feraient ressortir que la décision de la Commission n’est pas le fruit d’une mise en balance proportionnée des droits applicables.

[123]   La demanderesse fait également valoir que, dans les faits, la décision est une interdiction qui vise l’ensemble des procureurs fédéraux et qu’une telle mesure n’est pas envisagée par la LEFP, car le législateur l’aurait expressément énoncée, ainsi qu’il l’a fait dans la Loi électorale du Canada. Comme je l’ai mentionné plus tôt, je ne conviens pas que la décision est une interdiction générale. De plus, le législateur n’est pas obligé de suivre une démarche identique dans toutes les lois fédérales. La Loi électorale du Canada indique peut-être bien que seuls les procureurs de la Couronne ne sont pas éligibles (et non les procureurs de la Couronne adjoints, ce qui est le cas de la demanderesse), mais cette loi ne s’applique pas, pas plus que des lois provinciales. La décision en litige a été rendue sous le régime de la LEFP, qui régit la totalité des fonctionnaires, y compris l’ensemble des procureurs fédéraux. La LEFP ne frappe d’interdiction aucun groupe particulier de fonctionnaires, hormis les administrateurs généraux.

[124]   La référence qui est faite à d’autres lois régissant une conduite identique ou semblable aurait peut-être été pertinente si la contestation visait la LEFP. Mais ce n’est pas le cas en l’espèce.

[125]   L’article 114 montre que le législateur envisageait que des fonctionnaires puissent être choisis comme candidats ou se portent candidats uniquement dans les cas où cela ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à leurs capacités d’exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale. Le législateur n’envisageait pas d’énoncer explicitement chaque catégorie de fonctionnaires qui ne pourraient pas se porter candidats à une charge politique.

[126]   La demanderesse fait également valoir que la décision est contraire au contexte législatif de la LEFP, car, en appliquant le critère énoncé au paragraphe 114(4), la Commission n’a pas procédé sous l’angle de la personne pleinement informée. Elle ajoute que la Commission a fait abstraction de faits pertinents pour déterminer si une personne pleinement informée penserait que la demanderesse serait influencée par ses opinions politiques dans l’exercice de ses fonctions.

[127]   La demanderesse laisse entendre que le critère relatif à l’impartialité politique, au sens du paragraphe 114(4), devrait être guidé par le critère qui s’applique aux conflits d’intérêts des fonctionnaires, que la Cour d’appel fédérale a énoncé dans l’arrêt Threader, au paragraphe 23, à savoir si une personne informée penserait que le fonctionnaire serait influencé par ses opinions politiques dans l’exercice de ses fonctions. Le critère énoncé dans l’arrêt Threader est inspiré du critère relatif à la partialité qui a été établi dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l’énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369.

[128]   La demanderesse soutient que, compte tenu de ce critère, la Commission a omis de prendre en compte plusieurs faits pertinents qu’une personne informée connaîtrait et qui n’étayeraient pas la conclusion selon laquelle la capacité de la demanderesse d’exercer ses fonctions serait atteinte ou semblerait l’être. Elle a évoqué, par exemple, qu’elle serait en congé pendant qu’elle exercerait des activités politiques concrètes, que rien n’empêche d’anciens candidats politiques de se joindre à la fonction publique, et que le rôle d’un avocat et les codes de conduite professionnelle indiquent qu’un avocat est en mesure de dissocier ses opinions personnelles de ses fonctions professionnelles.

[129]   Premièrement, la Commission n’a pas omis de prendre en considération les faits que la demanderesse a signalés.

[130]   Deuxièmement, le critère énoncé dans l’arrêt Threader, soit celui de la personne pleinement informée, n’a pas été adapté et adopté dans la jurisprudence pour que la Commission l’applique aux décisions rendues en vertu de l’article 114.

[131]   Troisièmement, comme l’a reconnu la demanderesse, quelques aspects de ce critère sont intégrés à l’article 114, lequel exige que la Commission soit convaincue que « le fait pour le fonctionnaire d’être candidat pendant la période électorale ne portera pas atteinte ou ne semblera pas porter atteinte à sa capacité d’exercer ses fonctions de manière politiquement impartiale ». L’article 114 donne quelques exemples des facteurs que la Commission doit prendre en compte, dont la nature de l’élection, la nature des fonctions du fonctionnaire, ainsi que le niveau et la visibilité du poste qu’il occupe. Ces facteurs sont de nature objective. La Commission est chargée de rendre la décision et la Commission est « informée ».

Le contexte factuel

[132]   La Commission a bien saisi le contexte factuel, et ses conclusions sont étayées par la preuve figurant dans le dossier. Elle n’a pas fait abstraction des observations de la demanderesse au sujet du contexte factuel pertinent, ou ne les a pas mal interprétées.

[133]   La Commission n’a pas négligé le fait que la demanderesse serait en congé et n’exercerait pas ses fonctions pendant la période électorale. Il ressort clairement de la décision que la Commission a compris que la demanderesse ne travaillerait pas en tant que procureure pendant qu’elle se livrerait à des activités politiques concrètes, car elle a examiné si le risque d’impartialité politique pouvait être atténué par un congé sans solde. La Commission a pris en compte les deux volets de la demande de la demanderesse, comme l’envisage la LEFP : la permission d’être choisie comme candidate et la permission d’obtenir un congé sans solde.

[134]   La conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse bénéficiait d’un [traduction] « degré élevé d’autonomie et de pouvoir décisionnel » est bien étayée par sa description de tâches, par le Guide du SPPC, ainsi que par les observations de la demanderesse et de la haute direction.

[135]   La demanderesse ne bénéficie pas d’un pouvoir discrétionnaire absolu, mais elle a le pouvoir d’exercer un pouvoir discrétionnaire considérable par rapport à d’autres fonctionnaires.

[136]   La demanderesse se qualifie à tort de procureure d’un rang subalterne. Elle est peut-être d’un rang subalterne par rapport à d’autres dans la hiérarchie du SPPC, et d’autres procureurs ont peut-être plus d’autonomie et de pouvoir discrétionnaire parce qu’ils ont plus d’années d’expérience et qu’ils exercent un rôle de supervision, mais la demanderesse a près de 10 ans d’expérience et jouit d’un degré d’autonomie et de pouvoir discrétionnaire dont ne bénéficient pas d’autres fonctionnaires. La Commission a pris en considération le niveau de son poste, de même que ses fonctions et sa description de tâches par rapport à d’autres postes au sein de la fonction publique. Le fait qu’elle ne fasse pas partie de la direction ne veut pas dire qu’elle occupe un poste de [traduction] « faible niveau ».

[137]   Le Guide du SPPC traite d’un grand nombre de questions auxquelles sera confronté un procureur fédéral, mais il compte quand même sur le fait que les procureurs mettront en œuvre les politiques établies en fonction de ce que les circonstances exigeront. La question du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est abordée dans plusieurs chapitres du Guide. Le procureur est appelé à réfléchir et à réagir sur-le-champ et cela l’oblige à exercer un certain pouvoir discrétionnaire, ce qui inclut le fait de savoir quelle politique énoncée dans le Guide s’applique.

[138]   Comme il est indiqué dans la préface du Guide du SPPC : « [l]es poursuivants ont beaucoup de liberté dans le système de justice pénale. Or pour que le public ait confiance en l’administration du système, le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite doit être exercé de façon objective, équitable, transparente et cohérente ». L’objet du Guide et des conseils qu’il offre est de réaliser ces objectifs. Les procureurs prennent des décisions sans crainte d’une ingérence politique ou d’une influence irrégulière ou indue. Ils sont responsables envers le DPP et, par l’entremise de ce dernier, envers le procureur général et le public canadien quant à la façon dont ils exercent cette responsabilité.

[139]   Le chapitre 2.1, intitulé « L’indépendance et la responsabilisation dans la prise de décisions », décrit le principe d’indépendance du procureur fédéral et signale : « [l]es principes d’indépendance, de responsabilisation et de consultation interagissent pour protéger le système de prise de décisions du poursuivant, système dont le procureur de la Couronne fait partie intégrante. Un degré élevé d’indépendance est conféré aux procureurs de la Couronne, mais ils ne jouissent pas d’une discrétion absolue ».

[140]   Le chapitre 2.6, intitulé « La consultation au sein du Service des poursuites pénales du Canada », réitère que les procureurs sont responsables envers le DPP et que leur indépendance est l’indépendance institutionnelle du BDPP. Le chapitre 3.5, intitulé « La délégation de la prise de décisions », signale que la grande majorité des décisions en matière de poursuites sont prises par des procureurs fédéraux agissant pour le compte du DPP.

[141]   Bien que le Guide serve de guide à l’exercice du pouvoir discrétionnaire et limite ce dernier jusqu’à un certain point, il confirme que les procureurs bénéficient d’un tel pouvoir.

[142]   La description de tâches de la demanderesse indique clairement aussi qu’elle exerce un pouvoir discrétionnaire et qu’elle jouit d’une certaine autonomie. Par exemple, sous la rubrique « Effort — Réflexion critique et analyse », les descripteurs comprennent ce qui suit : « Exercer un pouvoir discrétionnaire devant les tribunaux pour présenter des poursuites justes, complètes et équitables sur les questions criminelles conformément aux normes de la pratique du droit. Le travail doit se faire avec persévérance, intégrité, dignité et avec le maximum de professionnalisme pour confirmer les obligations éthiques à l’égard du directeur des poursuites pénales en tant que membre du barreau »; « [l]es dossiers ou les projets peuvent être suivis par les médias »; « [l]e travail exige de s’adapter rapidement et de réagir aux faits nouveaux dans la salle d’audience afin de trouver rapidement des solutions sans avoir accès à des documents de référence »; et « [f]ournir des conseils, des avis et des directives juridiques judicieux à ses collègues, aux organismes d’enquête et aux partenaires sur diverses questions propres à un projet ou à un dossier et sur un large éventail de thèmes relatifs au droit pénal ». Sous la rubrique « Environnement de travail », les descripteurs comprennent : « Il ou elle est un agent public qui travaille dans un contexte d’adversité et qui joue un rôle quasi-judiciaire lorsque les décisions ont des répercussions sur la vie des gens et que la sécurité des collectivités font l’objet d’un examen minutieux. Cette situation crée un type et un niveau de stress uniques »; et « [l]e ou la titulaire est soumis à l’examen minutieux du public et des médias au sujet des affaires controversées ».

[143]   L’exercice du pouvoir discrétionnaire, qui fait partie de l’examen de l’autonomie et du processus décisionnel, semble avoir été examiné par la Commission dans le contexte des employés de l’État et non pas seulement dans celui d’autres procureurs.

[144]   La Commission a conclu de manière raisonnable que la demanderesse aurait eu plus de visibilité si elle s’était portée candidate et qu’elle occupe un poste déjà très visible, étant donné qu’elle comparaît dans des salles d’audience publiques pour le compte du ministère public. Là encore, même si la Commission était bien consciente que la demanderesse était une procureure fédérale, elle a pris en considération sa visibilité en tant que fonctionnaire par rapport à d’autres fonctionnaires fédéraux et par rapport à d’autres procureurs qui ont peut-être une plus grande notoriété parce qu’ils se sont occupés d’affaires particulières ou qu’ils ont comparu devant des tribunaux particuliers. À mon avis, il s’agit là de l’angle qui convient, car la LEFP vise les fonctionnaires en général.

[145]   La demanderesse a fait valoir que la Commission a pris en considération plusieurs faits qui ne justifient pas le rejet de sa demande. Bien que cela puisse être le cas de certains faits particuliers, la Commission a pris en compte l’effet cumulatif de plusieurs faits qui, contrairement aux arguments qu’invoque la demanderesse, ne sont pas de vagues possibilités.

[146]   La demanderesse peut être appelée à répondre aux médias et cela peut se faire sans avoir eu la possibilité de consulter un membre de la haute direction, de renvoyer la demande de renseignements à un porte-parole des médias ou de consulter le Guide du SPPC. Dans le même ordre d’idées, elle peut être chargée de dossiers délicats sur le plan politique. Ce ne sont pas là des faits impossibles ou de vagues possibilités; les deux cas sont mentionnés dans sa description de tâches. Le fait que la demanderesse ait laissé entendre que de tels dossiers pouvaient être réaffectés à quelqu’un d’autre ne tient pas compte du fait que d’autres facteurs auraient vraisemblablement une incidence sur l’utilité de réaffecter un dossier à d’autres procureurs qui ne seraient pas aux prises avec des obstacles semblables ou d’autres conflits d’intérêts. Le fait que le DPP n’ait fait mention que d’une seule plainte antérieure au sujet d’une procureure qui était une ancienne candidate politique n’atténue pas la possibilité que ce fait puisse survenir dans l’avenir.

[147]   La Commission n’a pas fait abstraction du point de vue du chef d’équipe de la demanderesse ou ne s’est pas fiée exclusivement au point de vue du DPP. Le formulaire de demande de la demanderesse incluait les commentaires du chef d’équipe ainsi que ceux du DPP. Il incombe à la Commission de soupeser les éléments de preuve et elle est en droit d’accorder plus de poids au point de vue du DPP, dont le rang est analogue à celui d’un sous-ministre, qu’à celui du chef d’équipe. Aucune preuve n’étaye l’affirmation de la demanderesse selon laquelle son chef d’équipe était davantage au courant de ses fonctions que le DPP. Les observations de ce dernier ont également mis en lumière l’intégrité du Bureau, qui se reflète dans le rôle que jouent la totalité des procureurs.

[148]   Je signale également l’argument de la demanderesse, à savoir qu’il y a lieu de suivre le principe énoncé dans la décision Harquail et qu’il est nécessaire d’effectuer une enquête exhaustive. En l’espèce, la Commission a bel et bien procédé à une telle enquête. Dans la décision Harquail, la Cour a également conclu que la Commission aurait dû prendre davantage en considération le point de vue du sous-ministre. Même si la demanderesse critique la Commission pour avoir privilégié le point de vue du DPP plutôt que celui de son chef d’équipe, conformément à la décision Harquail, la Commission aurait commis une erreur si elle avait fait abstraction du point de vue du DPP qui, comme il a été mentionné plus tôt, occupe un rang analogue à celui d’un sous-ministre.

[149]   Le fait qu’il ne soit pas interdit à d’anciens candidats politiques ou titulaires d’une charge publique d’être embauchés comme procureurs fédéraux n’est pas un aspect pertinent pour ce qui est de déterminer la proportionnalité de la décision de la Commission. Cette dernière a rendu la décision sous le régime de la LEFP, qui régit les fonctionnaires en poste qui sollicitent la permission de se porter candidats à une élection.

[150]   Comme il a été mentionné plus tôt, les lois applicables dans d’autres provinces ne sont pas pertinentes et ne traitent pas des options dont dispose la Commission, soit d’entraver ou de restreindre le moins possible l’effet sur les droits que la Charte garantit à la demanderesse. Les démarches suivies dans d’autres provinces n’offrent pas d’autres options que la Commission aurait pu prendre en considération. Cette dernière a pris en compte la proposition de la demanderesse, à savoir que l’on réaffecte ses dossiers à d’autres personnes et qu’on la réaffecte elle-même à un autre poste.

[151]   Le fait qu’il ne soit pas interdit aux membres de la GRC ou d’autres corps de police de se porter candidats à une élection n’est pas pertinent pour ce qui est du contexte factuel et de la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse jouissait d’un degré élevé d’autonomie et de pouvoir décisionnel. La Commission a appliqué la LEFP, qui ne vise pas les activités politiques des membres de la GRC. De plus, le pouvoir discrétionnaire qu’exerce la demanderesse à titre de procureure fédérale est différent de celui qu’exercent les agents de police pour faire enquête et déposer des accusations. Par exemple, la demanderesse conseillerait la GRC sur les accusations à porter ou pourrait décider de ne pas donner suite à une accusation déposée par la GRC. À mon avis, il s’agit là d’un type de pouvoir discrétionnaire différent, que l’on ne peut pas considérer comme inférieur à celui de la police.

[152]   La demanderesse signale que le Code de conduite du SPPC n’interdit pas aux procureurs de se porter candidats à une élection; toutefois la LEFP ne le fait pas non plus. Pour ce qui est de son observation selon laquelle la Commission n’a pas pris en compte les règles de conduite professionnelle ou le rôle des avocats en général, celle-ci a pris en compte les observations de la demanderesse qui en faisaient état, a bien compris qu’elle est une avocate et a fait référence à maintes reprises à ses fonctions dans le contexte du rôle qu’elle joue à titre de procureure fédérale.

La mise en balance proportionnée

[153]   Le point de vue de la demanderesse selon lequel la Commission a mis l’accent sur l’objectif prévu par la loi, soit une fonction publique politiquement impartiale, qu’elle s’en est servie comme point de départ et que, de ce fait, elle a fait abstraction des droits que lui confère la Charte pour ce qui est de se livrer à des activités politiques et a omis de procéder à une mise en balance proportionnée, n’est pas étayé par le dossier.

[154]   La Commission n’a pas pris acte de la jurisprudence qui oblige les décideurs à procéder à une mise en balance proportionnée dans les cas où des droits garantis par la Charte sont en cause (par exemple, les arrêts Doré ou Loyola), mais la décision est le fruit d’un tel exercice.

[155]   Dans la décision Bowden, le juge Mosley a analysé si la décision d’une directrice d’établissement pénitentiaire de refuser une entrevue en face à face avec un détenu en raison de préoccupations relatives à la sécurité du public et celle de l’établissement était raisonnable et proportionnée. Le juge Mosley a fait remarquer que la décision touchait manifestement les droits garantis par l’alinéa 2b) aux demandeurs, mais que ce droit n’était pas absolu et devait être mis en balance avec les besoins d’assurer la sécurité de l’établissement et de personnes, notamment les employés et la population carcérale (au paragraphe 48).

[156]   En l’espèce, comme dans l’affaire Bowden, les droits que la Charte garantit à la demanderesse ne sont pas absolus et le décideur les a mis en balance avec l’objectif de l’impartialité politique.

[157]   La partie 7 de la LEFP comporte deux objectifs qui, en l’espèce, se font concurrence. L’un de ces objectifs — se livrer à des activités politiques — reflète des droits que la Charte garantit. Même si la Commission n’a pas employé de termes liés à la Charte ou n’a pas expressément reconnu que la demanderesse avait fait valoir des droits garantis par celle-ci, le fond de la décision est plus important que les termes précis qui y sont employés. Dans la décision Bowden, le juge Mosley a fait remarquer (au paragraphe 52) :

Dans sa lettre, la directrice n’a pas explicitement fait référence à la protection constitutionnelle dont jouit la liberté d’expression. On pourrait l’interpréter comme si la décideure n’a pas tenu compte des droits d’expression ou en a minimisé l’importance dans son exercice de mise en balance. Toutefois, il ne ressort pas de l’arrêt Doré que les décideurs doivent faire explicitement référence aux valeurs consacrées par la Charte dans leurs analyses. C’est le fond de la décision qui est important, et non pas la question de savoir si elle fait mention, en passant, des valeurs consacrées par la Charte. Selon la lettre, la directrice a pris en compte les observations présentées par Mme Shephard et par l’avocat des demandeurs. Ces observations faisaient expressément référence à la Charte. Certes, une personne raisonnable peut ne pas être d’accord avec l’issue, mais il n’y a rien dans le dossier dont la Cour dispose qui donne à penser que la directrice n’a pas tenu compte de ces valeurs ou qu’elle les a minimisées. [Non souligné dans l’original.]

[158]   En l’espèce, la Commission s’est servie des termes employés dans la loi plutôt que de ceux de la Charte, mais, pour décider s’il convenait d’accorder à la demanderesse la permission de se porter candidate et de se présenter à l’élection ou de lui accorder pour ce faire un congé sans solde, elle a examiné les deux objectifs de la LEFP. La décision dénote qu’elle a pris en compte la totalité des faits pertinents qui étayent ses conclusions, y compris le fait que la demanderesse jouissait d’un degré élevé d’autonomie, de pouvoir décisionnel et de visibilité.

[159]   La Cour n’a pas pour tâche de soupeser à nouveau la preuve. Comme il a déjà été mentionné, la Commission était en droit d’accorder plus d’importance aux observations du DPP, qui exprimaient le point de vue que la candidature de la demanderesse dénotait un degré élevé d’allégeance à un parti politique, ce qui minerait l’indépendance du rôle du procureur. La Commission a conclu que cela pourrait donner l’impression que la demanderesse ne serait pas capable d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale. Cependant, pour arriver à cette décision, la Commission a également pris en compte les autres informations disponibles, dont la description de tâches. Elle a ensuite évalué les fonctions de la demanderesse, le niveau de son poste, sa visibilité et les autres facteurs pertinents.

[160]   Comme l’a signalé le défendeur, il faut parfois limiter le droit d’un fonctionnaire à la liberté d’expression — et, ajouterais-je, le droit connexe de briguer les suffrages — pour assurer l’impartialité au sein de la fonction publique (arrêt Osborne, à la page 97; arrêt Fraser, aux pages 467 à 470; et arrêt Haydon, au paragraphe 23). Bien que la convention constitutionnelle en matière de neutralité politique ne soit pas un droit garanti par la Charte, elle demeure un facteur pertinent dans l’exercice de mise en balance.

[161]   Il est difficile pour le décideur de savoir si la limite imposée aux droits que la Charte garantit à la demanderesse peut être atténuée ou minimisée, et ce l’est tout autant pour la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. La demanderesse n’a qu’une alternative : poursuivre ses activités politiques et se présenter comme candidate, ou conserver son poste de procureure fédérale. La Commission n’a pas exclu la possibilité que l’on puisse atténuer d’une certaine façon l’effet de la décision sur la demanderesse ou sur la fonction publique, suivant la décision rendue, mais elle a conclu, à la lumière des faits particuliers du dossier, qu’aucune mesure de ce genre ne traiterait du risque de partialité politique ou de la perception d’une telle partialité. La Commission a examiné s’il était possible d’accorder un congé sans solde et si la demanderesse pourrait réintégrer son poste, mais elle a conclu qu’il était impossible de la réaffecter à un poste autre que celui de procureur au sein du SPPC en raison du mandat de ce dernier et du fait que la grande majorité des postes sont des postes de procureur.

[162]   Dans la décision Bowden, le juge Mosley a conclu (au paragraphe 57) :

Il ressort du dossier que la directrice a pris en compte les mesures d’accommodement proposées par les demandeurs afin de minimiser le risque. Bien qu’elle ait conclu que celles-ci n’étaient pas suffisantes, il est évident qu’elle avait au moins l’esprit ouvert quant à cette possibilité.

[163]   Comme dans la décision Bowden, il ressort du dossier que la Commission a vérifié si elle pouvait atténuer l’effet de sa décision sur la demanderesse, mais elle a conclu en fin de compte qu’il n’y avait aucune option réalisable.

[164]   La question ultime consiste à savoir si la décision de la Commission protège le plus possible les droits que la Charte garantit à la demanderesse ou, en d’autres termes, si elle les restreint le moins possible, eu égard aux objectifs prévus par la loi. En l’espèce, il était impossible de protéger entièrement le droit de la demanderesse à la liberté d’expression et celui de se livrer à des activités politiques ou de se porter candidate à une élection, tout en lui permettant de conserver son poste et de le réintégrer après l’élection, en cas d’échec de sa part. Il ne lui est pas interdit de poursuivre ses droits, mais le coût d’une telle option est la perte de son poste en tant que procureure et fonctionnaire au sein de la fonction publique fédérale.

[165]   Dans l’arrêt Doré, la Cour suprême du Canada a confirmé que l’on accorde une « marge d’appréciation » ou une certaine déférence aux organismes administratifs pour ce qui est de mettre en balance les valeurs consacrées par la Charte et des objectifs législatifs plus larges, comme ce serait le cas dans le cadre d’une application plus classique de la norme de contrôle de la raisonnabilité (au paragraphe 57). Dans la présente affaire, la Commission a tenu compte des droits et des intérêts opposés en jeu, comme l’exigeait la LEFP. Après avoir pris en considération la totalité des faits, les facteurs pertinents, les moyens possibles d’atténuer la limite imposée aux droits de la demanderesse ainsi que l’objectif législatif opposé, la Commission s’est dite non convaincue que la mise en candidature de la demanderesse ne porterait pas atteinte ou ne semblerait pas porter atteinte à sa capacité d’exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale, soit avant l’élection, soit après son retour au travail. L’analyse de la Commission reflète, dans une grande mesure, les conseils donnés aux décideurs dans l’arrêt Doré.

[166]   La décision de la Commission est le fruit d’une mise en balance proportionnée, et elle est de ce fait raisonnable.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

ANNEXE A

Dispositions législatives applicables de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Objet

Objet

112 La présente partie a pour objet de reconnaître aux fonctionnaires le droit de se livrer à des activités politiques tout en respectant le principe d’impartialité politique au sein de la fonction publique.

Fonctionnaires

Activité permises

113 (1) Les fonctionnaires peuvent se livrer à des activités politiques, sauf si celles-ci portent ou semblent porter atteinte à leur capacité d’exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale.

Règlements

(2) Le gouverneur en conseil peut par règlement, sur recommandation de la Commission, préciser les activités politiques des fonctionnaires ou des catégories de fonctionnaires qui sont réputées porter atteinte à cette capacité.

Facteurs

(3) Lorsqu’il prend des règlements, le gouverneur en conseil peut tenir compte notamment de la nature de l’activité politique et de celle des fonctions des fonctionnaires, ou des catégories de ceux-ci, ainsi que du niveau et de la visibilité de leur poste.

Fonctionnaires désireux d’être choisi comme candidat

114 (1) Le fonctionnaire désireux d’être choisi, avant ou pendant la période électorale, comme candidat à une élection fédérale, provinciale ou territoriale doit demander et obtenir la permission de la Commission.

Période pré-électorale

(2) Le fonctionnaire qui a été choisi comme candidat à une élection fédérale, provinciale ou territoriale doit, pour la période précédant la période électorale, demander et obtenir la permission de la Commission.

Période électorale

(3) Le fonctionnaire désireux de se porter candidat à une élection fédérale, provinciale ou territoriale doit, pour la période électorale, demander à la Commission et obtenir d’elle un congé sans solde.

Permission

(4) La Commission n’accorde la permission aux termes des paragraphes (1) ou (2) que si elle est convaincue que la capacité du fonctionnaire d’exercer ses fonctions de façon politiquement impartiale ne sera pas atteinte ou ne semblera pas être atteinte.

Condition

(5) La Commission n’accorde le congé aux termes du paragraphe (3) que si elle est convaincue que le fait pour le fonctionnaire d’être candidat pendant la période électorale ne portera pas atteinte ou ne semblera pas porter atteinte à sa capacité d’exercer ses fonctions de façon politiquement impartiale.

Facteurs

(6) Pour prendre sa décision, la Commission peut tenir compte notamment de la nature des fonctions du fonctionnaire, du niveau et de la visibilité de son poste et de la nature de l’élection.

Conditions

(7) La Commission peut assujettir l’octroi de la permission visée au paragraphe (4) à la prise par le fonctionnaire d’un congé sans solde pour tout ou partie de la période au cours de laquelle il tente de devenir candidat ou, lorsqu’il est candidat, pendant la période précédant la période électorale.

Effet de l’élection

(8) Le fonctionnaire déclaré élu dans une élection fédérale, provinciale ou territoriale perd dès lors sa qualité de fonctionnaire.

[…]

Avis

116 Dès qu’elle accorde la permission aux termes du paragraphe 114(4), le congé aux termes du paragraphe 114(5) ou la permission aux termes du paragraphe 115(2), la Commission fait publier un avis de sa décision et du nom du fonctionnaire concerné dans la Gazette du Canada.

Administrateurs généraux

Activité politique

117 Les administrateurs généraux ne peuvent se livrer à aucune activité politique, à l’exception du vote dans le cadre d’une élection.

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