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[2016] 3 R.C.F. 141

A-565-14

2015 CAF 279

Olympia Trust Company (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Olympia Trust Company c. Canada

Cour d’appel fédérale, juges Ryer, Boivin et Rennie, J.C.A.—Calgary, 2 novembre; Ottawa, 4 décembre 2015.

Impôt sur le revenu — Non-résidents — Acheteur d’un bien canadien imposable — Appel d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a conclu, dans une requête visant à faire déterminer une question mixte de fait et de droit conformément à l’art. 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (la question à déterminer), que l’appelante était l’acheteur des actions d’une société fermée au sens de l’art. 116(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu — La question à déterminer était celle de savoir si, en se fondant sur les faits reconnus de l’affaire, l’appelante était l’acheteur (au sens de l’art. 116(3) de la Loi) en vertu de l’art. 116(5) de ladite Loi — Les rentiers concernés ont établi des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et ont transféré des fonds à l’appelante en qualité de fiduciaire de ces REER, créant ainsi des fiducies — Le ministre du Revenu national a établi des cotisations à l’endroit de l’appelante, conformément à la Loi, pour plusieurs années d’imposition — Les cotisations étaient fondées sur la conclusion du ministre selon laquelle l’appelante était l’acheteur selon l’art. 116 d’un bien canadien imposable d’une personne non résidente (un vendeur non-résident) au sens de l’art. 116(5) — Il s’agissait de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’appelante était l’acheteur selon l’art. 116 des actions de la société fermée pour les besoins de l’art. 116(5) — La question à déterminer appelait une interprétation des art. 116(3) et (5) de la Loi — L’acheteur selon l’art. 116 est la personne en faveur de laquelle le non-résident a disposé du bien canadien imposable — En l’espèce, chaque vendeur non-résident a conclu une convention d’achat d’actions aux termes de laquelle un rentier était décrit comme l’acheteur des actions de la société fermée — Cependant, chaque vendeur non-résident a transféré les actions de la société fermée à l’appelante, en fiducie au titre d’un REER — La Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant que les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’art. 116 des actions de la société fermée — En interprétant les conventions d’achat d’actions, la Cour avait le loisir d’examiner les circonstances entourant ces conventions — Les instructions soumises appuyaient la conclusion de la Cour selon laquelle les rentiers ont participé aux conventions d’achat d’actions en qualité de représentants et non d’acheteurs à part entière des actions de la société fermée — La Cour canadienne de l’impôt n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant que les vendeurs non-résidents ont transféré à l’appelante les actions de la société fermée et que l’appelante a payé le prix d’achat de ces actions à ces vendeurs — Appel rejeté.

Il s’agissait d’un appel d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt a conclu, dans une requête visant à faire déterminer une question mixte de fait et de droit conformément à l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (la question à déterminer), que l’appelante était l’acheteur des actions d’une société fermée au sens du paragraphe 116(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu. La question à déterminer était celle de savoir si, en se fondant sur les faits reconnus de l’affaire, l’appelante était l’acheteur (au sens du paragraphe 116(3) de la Loi) en vertu du paragraphe 116(5) de ladite Loi. La question à déterminer découlait d’un certain nombre de cotisations établies par le ministre du Revenu national à l’endroit de l’appelante, conformément à la Loi, pour ses années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004.

Les rentiers concernés ont établi des régimes enregistrés d’épargne-retraite au sens du paragraphe 146(1) de la Loi (les REER), et ont transféré des fonds à l’appelante en qualité de fiduciaire de ces REER, créant ainsi des fiducies (les fiducies des REER) dans chaque cas. Chaque REER était autogéré. Les vendeurs des actions de la société fermée étaient des non-résidents du Canada selon la Loi. Chaque rentier avait l’intention d’acheter plusieurs actions de la société fermée et a remis à l’appelante les documents requis pour effectuer l’achat des actions de la société fermée par son REER. Lorsque les conventions d’achat d’actions ont été conclues, l’appelante a transféré le prix d’achat des actions de la société fermée du REER de chaque rentier au vendeur non-résident de ces actions. En ce qui concerne les ventes des actions de la société fermée, les vendeurs non-résidents ont omis de remettre au ministre les avis exigés par le paragraphe 116(3) de la Loi, le ministre n’a pas délivré de « certificat de décharge » en vertu du paragraphe 116(2) ou (4), et aucun impôt sur le revenu n’a été remis au ministre conformément au paragraphe 116(5) par une personne visée par la définition du terme « acheteur » au paragraphe 116(3) de la Loi. Les cotisations établies par le ministre étaient fondées sur la conclusion du ministre selon laquelle l’appelante est l’acheteur selon l’article 116 d’un bien canadien imposable d’une personne non-résidente (un vendeur non-résident) au sens du paragraphe 116(5).

La Cour canadienne de l’impôt a plutôt conclu que l’intention des rentiers et de l’appelante était que cette dernière acquière et détienne les actions de la société fermée comme des biens en fiducie au titre des REER. Elle a conclu que le prix d’achat relatif à chaque achat d’actions a été payé à même les fonds détenus par l’appelante en qualité de fiduciaire de chacun des REER concernés et que le titre de propriété de ces actions était inscrit au nom de l’appelante en qualité de fiduciaire. Enfin, la Cour a conclu que les actions de la société fermée ont été acquises en toute légalité par l’appelante et faisaient partie des biens en fiducie de chaque REER, indépendamment du fait que [traduction] « l’usage et la valeur du REER » appartenaient à chaque rentier.

La question à trancher était celle de savoir si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’appelante était l’acheteur selon l’article 116 des actions de la société fermée pour les besoins du paragraphe 116(5).

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

L’examen de la question à déterminer appelait une interprétation des paragraphes 116(3) et (5) de la Loi. La définition d’un acheteur selon l’article 116 qui se trouve au paragraphe 116(3) de la Loi a été examinée. Le texte du paragraphe 116(3) indique clairement que l’identité de l’acheteur selon l’article 116 est établie par renvoi au non-résident qui dispose de son bien. Ainsi, l’acheteur selon l’article 116 est la personne en faveur de laquelle le non-résident a disposé du bien canadien imposable. Le contexte légal du paragraphe 116(3) est la section D, qui traite de l’impôt auquel sont assujettis les non-résidents, comme les non-résidents qui disposent d’un bien en vertu de la partie I de la Loi. Quant au paragraphe 116(5), cette disposition impose à l’acheteur selon l’article 116 un impôt d’un montant établi par référence au montant payé par cet acheteur au vendeur non-résident pour acquérir le bien canadien imposable en cause. Les mentions au paragraphe 116(5) (« coût pour l’acheteur » du bien canadien imposable; déduction ou retenue d’un montant) indiquent que l’acheteur selon l’article 116 n’est pas seulement la personne qui reçoit le bien canadien imposable du vendeur non-résident, mais aussi la personne qui paie le prix d’achat du bien canadien imposable au non-résident. Par conséquent, le paragraphe 116(3) identifie la personne responsable de payer l’impôt prévu au paragraphe 116(5) de la Loi. Cette interprétation du paragraphe 116(3) est tout à fait applicable à une transaction usuelle d’achat et de vente entre deux parties seulement. Elle est également conforme à l’objet du paragraphe 116(5) de la Loi, qui est de mettre à la disposition du ministre un mécanisme lui permettant d’obtenir ce qui revient à un acompte provisionnel au titre de l’impôt de la partie I qui est susceptible d’être payable par un non-résident en vertu de l’article 115. Néanmoins, dans la présente affaire, l’application du paragraphe 116(5) était compliquée par l’existence de plusieurs parties. En l’espèce, chaque vendeur non-résident a conclu une convention d’achat d’actions aux termes de laquelle un rentier était décrit comme l’acheteur des actions de la société fermée. Cependant, chaque vendeur non-résident a transféré les actions de la société fermée à l’appelante, en fiducie au titre d’un REER, et a reçu le paiement du prix d’achat de ces actions de l’appelante, en fiducie au titre de ce REER.

La Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant que les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée. En interprétant les conventions d’achat d’actions, la Cour avait le loisir d’examiner les circonstances entourant ces conventions. Ensuite, elle s’est reportée aux autres documents ayant trait aux conventions d’achat d’actions, notamment les instructions, qui indiquaient comment et par qui le prix d’achat devait être payé en vertu de chacune de ces conventions. Ainsi, la Cour canadienne de l’impôt n’a commis aucune erreur de droit dans la façon dont elle a interprété les conventions d’achat d’actions. Les dispositions des instructions appuyaient la conclusion de la Cour selon laquelle les rentiers ont participé aux conventions d’achat d’actions en qualité de représentants et non d’acheteurs à part entière des actions de la société fermée.

L’argument de l’appelante selon lequel elle ne devait être considérée comme l’acheteur selon l’article 116 qu’en qualité de fiduciaire des REER et non à titre « personnel » a été rejeté. Les fiducies des REER n’ont en common law aucune existence juridique indépendante. Étant donné les éléments cruciaux du paragraphe 116(5), comme les paiements ou les versements du montant de l’impôt (c.-à-d. des actes qu’une personne fictive ne peut pas effectuer), l’existence juridique indépendante d’une fiducie en vertu de la Loi est en pratique assortie de limites. Du fait de ces limites, il était difficile en l’espèce de concevoir que les fiducies des REER puissent être considérées comme des acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée. L’existence d’une indépendance juridique réputée ou fictive des fiducies en vertu de la Loi, y compris des REER, les empêche d’être des acheteurs selon l’article 116. La Cour canadienne de l’impôt n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant que les vendeurs non-résidents ont transféré à l’appelante les actions de la société fermée et que l’appelante a payé le prix d’achat de ces actions à ces vendeurs. L’application à ces conclusions de l’interprétation des paragraphes 116(3) et (5) qui apparaît ci-dessus a amené à conclure que l’appelante était l’acheteur selon l’article 116. Ainsi, la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt en ce sens ne comportait aucune erreur justifiant une intervention.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 104(1),(2), 115, 115.1, 115.2, 116, 146(1), 153(1)j), 159, 248(1) « personne ».

Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90-688a, art. 58.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Coast Capital Savings Credit Union c. La Reine, 2015 CCI 195.

DÉCISION EXAMINÉE :

Fundy Settlement c. Canada, 2010 CAF 309, [2012] 2 R.C.F. 374.

DÉCISIONS CITÉES :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; Canada (Revenu national) c. Morris, 2009 CAF 373; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633; Minister of National Revenue v. Wardean Drilling Ltd, [1969] 2 R.C. de l’É. 166.

APPEL interjeté à l’encontre d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (2014 CCI 372) a conclu, dans une requête visant à faire déterminer une question mixte de fait et de droit, que l’appelante était l’acheteur des actions d’une société fermée au sens du paragraphe 116(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Appel rejeté.

ONT COMPARU

Jehad Haymour et Jason Kujath pour l’appelante.

Donna Tomljanovic et Neil Goodridge pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dentons Canada LLP, Calgary, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Ryer, J.C.A. : Il s’agit d’un appel d’une décision du juge Randall Bocock de la Cour canadienne de l’impôt (le juge) du 19 décembre 2014, dont la référence est 2014 CCI 372 [Olympia Trust Company c. La Reine].

[2]        Le juge était saisi d’une requête visant à faire déterminer une question mixte de droit et de fait conformément à l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), DORS/90-688a (la question à déterminer). La question à déterminer s’énonce comme suit [au paragraphe 1 de 2014 CCI 372] :

[traduction] En se fondant sur les faits reconnus de l'affaire, comme énoncés à la pièce A de l'avis de requête modifié, ou sur les autres faits que la Cour peut accepter ou indiquer dans les circonstances, la société Olympia Trust Company (« Olympia Trust ») est-elle l'acheteur [au sens du paragraphe 116(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR)] en vertu du paragraphe 116(5) de la LIR?

[3]        La question à déterminer découle d’un certain nombre de cotisations (les cotisations) établies par le ministre du Revenu national (le ministre) à l’endroit de l’Olympia Trust Company (Olympia ou l’appelante), conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), pour ses années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 (les années en cause). Toutes les références à des textes légaux renvoient aux dispositions de la Loi qui étaient en vigueur au cours des années en cause.

[4]        Le juge a répondu par l’affirmative à la question à déterminer. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’il n’a commis à cet égard aucune erreur qui justifierait une intervention de notre part.

I.          Les faits et les hypothèses

[5]        Les parties se sont entendues sur certains faits et certaines hypothèses et ont remis au juge des documents pour lui permettre de trancher la question à déterminer. Le dossier renferme des documents relatifs à 10 particuliers (les rentiers). Même si les documents concernant chaque rentier ne sont pas identiques, aucune des parties n’a affirmé que les différences dans les documents figurant au dossier devraient nous amener à formuler une réponse différente à la question à déterminer. Les faits et les hypothèses pertinents aux présents motifs pour les années en cause sont résumés ci-dessous.

[6]        Les rentiers ont établi des régimes enregistrés d’épargne-retraite au sens du paragraphe 146(1) (les REER), et ont transféré des fonds à Olympia en qualité de fiduciaire de ces REER, créant ainsi des fiducies (les fiducies des REER) dans chaque cas.

[7]        Chaque REER était « autogéré ». À cet égard, les faits convenus sont les suivants :

a)         Olympia était chargée d’exécuter les instructions des rentiers en ce qui concerne le traitement des biens détenus dans leur REER;

b)         chaque rentier dirigeait la gestion des biens détenus dans son REER;

c)         chaque rentier désignait les biens qui devaient être achetés avec les fonds initialement déposés dans son REER.

[8]        Les rentiers ont demandé que soient effectués des transferts en espèces de leur REER existant à leur REER nouvellement créé. Olympia a confirmé à chaque institution effectuant le transfert qu’elle porterait au crédit du REER de chaque rentier qui l’avait demandé les fonds reçus de cette institution. Sinon, l’institution effectuant le transfert n’aurait pas effectué le transfert de fonds en franchise d’impôt, conformément à l’alinéa 153(1)j).

[9]        Conformément à des documents (les documents d’indemnisation) tels que ceux qui se trouvent à la page 162 du dossier d’appel, chaque rentier :

a)         a exprimé le souhait que son REER autogéré investisse un montant établi dans l’achat d’un certain nombre d’actions (les actions de la société fermée) d’une société fermée (dans chaque cas, une société fermée canadienne);

b)         a reconnu avoir sollicité tous les conseils indépendants nécessaires ou souhaitables en ce qui concerne son placement dans les actions de la société fermée pour son REER;

c)         a reconnu qu’Olympia, en acceptant que les actions de la société fermée soient dans son REER, n’était pas tenue de décider de l’admissibilité d’un placement dans les actions de la société fermée dans un REER en vertu des dispositions de la Loi sur les REER, ni de déterminer la juste valeur marchande de ces actions;

d)         a convenu d’indemniser Olympia à l’égard des impôts, pénalités, amendes, coûts ou dépenses, ou des autres actions ou réclamations découlant des instructions qu’il a données de faire le placement dans les actions de la société fermée et de les détenir dans son REER.

[10]      Dans chaque cas, le vendeur (le vendeur non-résident) des actions de la société fermée était un non-résident du Canada selon la Loi.

[11]      Conformément à de la correspondance (les instructions) telle que celle qui se trouve à la page 195 du dossier d’appel, chaque rentier :

a)         a remis à Olympia les documents requis pour effectuer l’achat des actions de la société fermée par son REER;

b)         a autorisé Olympia à verser le prix d’achat des actions de la société fermée, au vendeur de ces actions, des fonds dans son REER;

c)         a pressé Olympia de verser les fonds et de conclure la convention d’achat pertinente le plus rapidement possible.

[12]      Les instructions renvoient aux documents remis par les rentiers à Olympia relativement à l’achat des actions de la société fermée. Ces documents incluaient des conventions (les conventions d’achat d’actions) telles que celles qui se trouvent aux pages 230 à 232 du dossier d’appel. Il convient de noter ce qui suit :

a)         chaque rentier était décrit comme l’acheteur des actions de la société fermée;

b)         les conventions ne prévoyaient pas le mode de paiement du prix d’achat des actions de la société fermée au vendeur non-résident;

c)         chaque rentier demandait à ce que les actions de la société fermée soient inscrites au nom d’Olympia en fiducie pour son REER;

d)         chaque rentier déclarait au vendeur non-résident qu’il achetait les actions de la société fermée pour son propre compte, et non en qualité de mandataire d'une autre personne;

e)         le vendeur non-résident acceptait de détenir les actions de la société fermée en fiducie pour chaque rentier, en attendant que les actions de la société fermée soient enregistrées au nom d’Olympia en fiducie pour le REER de chaque rentier.

[13]      Lorsque les conventions d’achat d’actions ont été conclues :

a)         conformément aux instructions de chaque rentier, Olympia a transféré le prix d’achat des actions de la société fermée du REER de ce rentier au vendeur non-résident de ces actions;

b)         les actions de la société fermée canadienne en cause ont été inscrites au registre des valeurs mobilières de cette société au nom d’Olympia en fiducie pour le REER de chaque rentier;

c)         les actions de la société fermée visées par les instructions ont été inscrites par Olympia comme des biens du REER du rentier qui a donné les instructions.

[14]      En ce qui concerne les ventes des actions de la société fermée, les vendeurs non-résidents ont omis de remettre au ministre les avis exigés par le paragraphe 116(3), le ministre n’a pas délivré de « certificat de décharge » en vertu des paragraphes 116(2) ou (4), et aucun impôt sur le revenu n’a été remis au ministre conformément au paragraphe 116(5) par une personne visée par la définition du terme « acheteur » au paragraphe 116(3) (un acheteur selon l’article 116).

[15]      Les cotisations sont fondées sur la conclusion du ministre selon laquelle Olympia est l’acheteur selon l’article 116 d’un bien canadien imposable d’une personne non-résidente (un vendeur non-résident) au sens du paragraphe 116(5). Cependant, il convient de faire observer que dans la réponse à l’avis d’appel d’Olympia, le ministre a également affirmé que la responsabilité d’Olympia au titre des cotisations pouvait être fondée sur le paragraphe 159(1), si les fiducies des REER étaient les acheteurs selon l’article 116.

[16]      La validité des cotisations n’est pas en cause dans le présent appel. La question à trancher est plutôt celle de savoir si le juge a commis une erreur en concluant qu’Olympia était l’acheteur selon l’article 116 des actions de la société fermée pour les besoins du paragraphe 116(5).

II.         Les dispositions légales pertinentes

[17]      Les dispositions légales pertinentes sont les paragraphes 116(3) et (5), lesquels s’énoncent comme suit :

116 […]

Avis au ministre

(3) La personne non-résidente qui dispose de son bien canadien imposable, […] au cours d’une année d’imposition est tenue d’envoyer au ministre, dans les dix jours suivant la disposition, sous pli recommandé, un avis contenant les renseignements suivants :

a) les nom et adresse de la personne en faveur de qui elle a disposé du bien (appelée l’« acheteur » au présent article);

[…]

Assujettissement de l'acheteur

(5) L’acheteur qui, au cours d’une année d’imposition, acquiert auprès d’une personne non-résidente un bien canadien imposable […] d’une telle personne est redevable, pour le compte de cette personne, d’un impôt en vertu de la présente partie pour l’année, sauf si, selon le cas :

a) après enquête sérieuse, l’acheteur n’avait aucune raison de croire que la personne ne résidait pas au Canada;

a.1) le paragraphe (5.01) s’applique à l’acquisition;

b) le ministre a délivré à l’acheteur, en application du paragraphe (4), un certificat concernant le bien.

Cet impôt — à remettre au receveur général dans les 30 jours suivant la fin du mois au cours duquel l’acheteur a acquis le bien — est égal à 25 % de l’excédent éventuel du coût visé à l’alinéa c) sur la limite visée à l’alinéa d) :

c) le coût pour l’acheteur du bien ainsi acquis;

d) la limite prévue par le certificat délivré en application du paragraphe (2) concernant la disposition du bien par la personne non-résidente en faveur de l’acheteur.

L’acheteur a le droit de déduire d’un montant qu’il a versé à la personne non-résidente, ou porté à son crédit, ou de retenir sur un tel montant, ou de recouvrer autrement d’une telle personne, tout montant qu’il a payé au titre de cet impôt.

III.        La décision du juge

[18]      Le juge a examiné les mesures prises pour acheter les actions de la société fermée, y compris les documents pertinents, en tenant compte du régime légal régissant les REER.

[19]      Dans ce contexte, le juge a conclu que les rentiers et Olympia n’ont pas pu avoir voulu que les rentiers achètent les actions de la société fermée, parce que ces acquisitions auraient exigé que les rentiers effectuent des retraits imposables de leur REER, ce qui n’avait pu être leur intention. Le juge a plutôt conclu que l’intention des rentiers et d’Olympia était que cette dernière acquière et détienne les actions de la société fermée comme des biens en fiducie au titre des REER. Il a conclu que le fait que les rentiers ont donné des instructions en ce sens, conformément à leur [traduction] « droit d'autogestion », n’était pas incompatible avec cette conclusion.

[20]      Le juge a ensuite conclu qu’Olympia était l’acheteur selon l’article 116 des actions de la société fermée. Il a conclu que le prix d’achat relatif à chaque achat d’actions a été payé à même les fonds détenus par Olympia en qualité de fiduciaire de chacun des REER concernés et que le titre de propriété de ces actions était inscrit au nom d’Olympia en qualité de fiduciaire. Il a déterminé qu’aucun des rentiers, pas plus qu’Olympia, n’a voulu que le prix d’achat des actions de la société fermée soit payé par le rentier ou que le titre de propriété de ces actions soit inscrit à son nom. Il a conclu en particulier que les documents indiquaient clairement à toutes les parties — y compris les vendeurs non-résidents ou leur avocat — que c’était Olympia qui acquitterait le prix d’achat des actions de la société fermée et qui prendrait livraison des certificats d’actions.

[21]      Enfin, le juge a conclu [au paragraphe 37] que les actions de la société fermée ont été acquises en toute légalité par Olympia et faisaient partie des biens en fiducie de chaque REER, indépendamment du fait que [traduction] « l’usage et la valeur du REER » appartenaient à chaque rentier. Il a ensuite déclaré [au paragraphe 40] que si un fiduciaire ou une autre personne est un acheteur selon l’article 116 qui [traduction] « acquiert sans se conformer à la loi » un bien canadien imposable d’un vendeur non-résident, la responsabilité de ce dernier devient alors la responsabilité de quiconque est l’acheteur selon l’article 116. Par conséquent, il a conclu qu’il fallait répondre par l’affirmative à la question à déterminer et qu’Olympia était l’acheteur selon l’article 116 des actions de la société fermée conformément au paragraphe 116(5).

IV.       La question à trancher

[22]      La question à trancher dans le présent appel consiste à décider si le juge a commis une erreur en concluant que la réponse à la question à déterminer est qu’Olympia était l’acheteur selon l’article 116 des actions de la société fermée en vertu du paragraphe 116(5).

V.        La norme de contrôle

[23]      La norme de contrôle pour les questions de droit est celle de la décision correcte. En ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit où il n’y a pas de question de droit isolable, la norme de contrôle est celle de l’erreur manifeste et dominante (voir Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 7 à 37).

VI.       Analyse

A.        Introduction

[24]      Bien que la question à déterminer soit formulée comme une question mixte de fait et de droit, il est important de situer les faits et les hypothèses présentés au juge dans le contexte du stratagème qui est décrit dans la réponse du ministre à l’avis d’appel d’Olympia devant la Cour canadienne de l’impôt (le stratagème).

[25]      Sans vouloir faire de commentaires sur l’efficacité du stratagème, je note à tout le moins la présence d’un motif d’évitement fiscal chez les participants au stratagème, motif qui ressort de la manière dont les transactions ont été arrangées. Il suffit de dire que la structure des transactions et la rédaction des documents utilisés pour les mettre en œuvre s’écartent de manière évidente des pratiques commerciales courantes.

[26]      Dans l'affaire Coast Capital Savings Credit Union c. La Reine, 2015 CCI 195, le contribuable, un fiduciaire qui se trouvait dans une situation assez semblable à celle d’Olympia en l’espèce, a demandé l’autorisation de modifier ses actes de procédure pour alléguer que des personnes comparables aux rentiers et aux vendeurs non-résidents dans le présent appel [traduction] « avaient délibérément fait de fausses déclarations » sur la véritable nature des transactions auxquelles il avait participé et que ces transactions étaient un [traduction] « trompe-l'œil ».

[27]      Bien qu’aucune allégation de la sorte ne figure dans le dossier dont le juge était saisi, le fait que de telles allégations ont pu être faites dans un autre litige traitant de circonstances assez analogues met les circonstances présentes dans leur contexte.

B.        Le contexte légal

[28]      L’examen de la question à déterminer appelle une interprétation des paragraphes 116(3) et (5). Ces dispositions font partie de la section D de la Loi, intitulée « Revenu imposable gagné au Canada par des non-résidents », qui comprend quatre articles : les articles 115, 115.1, 115.2 et 116.

[29]      La juge Valerie Miller s’est livrée à un bon examen de la portée et de l’application de l’article 116 au paragraphe 10 de la décision Coast Capital Savings Credit Union. Ce paragraphe se lit comme suit :

[traduction] L’article 116 de la Loi prévoit un mécanisme permettant de faciliter le recouvrement de l’impôt de la partie I des non-résidents qui disposent d'un bien canadien imposable (un « BCI »). Les paragraphes 116(1), (2) et (3) prévoient que le vendeur non-résident doit remettre un avis au ministre avant la disposition du BCI ou dans les 10 jours suivant la disposition et payer un montant au titre de l’impôt ou fournir une garantie concernant la disposition. Si le non-résident s’est conformé à ces exigences, le ministre remet un certificat au non-résident et à l’acheteur. Cependant, si le non-résident ne s’est pas conformé à ces exigences, l’acheteur devient responsable de la dette fiscale du non-résident. Le paragraphe 116(5) prévoit que l’acheteur du BCI peut être redevable de l’impôt dû par le vendeur non-résident. Il s’agit là de dispositions qui facilitent le recouvrement de l’impôt et qui permettent au ministre de recouvrer l’impôt que doit le vendeur non-résident de l’acheteur du BCI.

[30]      Le paragraphe 116(3) définit un acheteur selon l’article 116 comme la personne en faveur de laquelle le non-résident dispose du bien canadien imposable. Il est évident qu’un acheteur selon l’article 116 n’est pas nécessairement un acheteur au sens du droit commercial. Le sens attribué au terme « acheteur » au paragraphe 116(3) doit plutôt être compris à la lumière de l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique bien connue qui est énoncée dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

[31]      Le texte du paragraphe 116(3) indique clairement que l’identité de l’acheteur selon l’article 116 est établie par renvoi au non-résident qui dispose de son bien. Ainsi, l’acheteur selon l’article 116 est la personne en faveur de laquelle le non-résident a disposé du bien canadien imposable.

[32]      Le contexte légal du paragraphe 116(3) est la section D, qui traite de l’impôt auquel sont assujettis les non-résidents, comme les non-résidents qui disposent d’un bien en vertu de la partie I [articles 2 à 181.71] de la Loi. Le paragraphe 116(3) est également près, quant au contexte, du paragraphe 116(5). Cette disposition impose à l’acheteur selon l’article 116 un impôt d’un montant établi par référence au montant payé par cet acheteur au vendeur non-résident pour acquérir le bien canadien imposable en cause.

[33]      Ceci découle de la mention, à l’alinéa 116(5)c), du « coût pour l’acheteur » du bien canadien imposable. De plus, la dernière phrase du paragraphe 116(5) parle du fait, pour l’acheteur selon l’article 116, « de déduire d’un montant qu’il a versé à la personne non-résidente, ou porté à son crédit, ou de retenir sur un tel montant [...], tout montant qu’il a payé ».

[34]      Ces mentions indiquent que l’acheteur selon l’article 116 n’est pas seulement la personne qui reçoit le bien canadien imposable du vendeur non-résident, mais aussi la personne qui paie le prix d’achat du bien canadien imposable au non-résident.

[35]      L’objet du paragraphe 116(3), en définissant l’acheteur selon l’article 116, est ainsi évident. Il s’agit de désigner la personne qui est responsable de payer l’impôt prévu au paragraphe 116(5). Cette personne est bien placée pour faciliter le paiement de l’impôt par le vendeur non-résident, puisqu’elle est celle qui est obligée de payer au non-résident le prix d’achat du bien canadien imposable, dont la disposition est susceptible d’assujettir le non-résident à l’impôt en vertu de l’article 115.

[36]      Je précise « est susceptible », parce que le montant versé par un acheteur selon l’article 116 conformément au paragraphe 116(5) est essentiellement un acompte provisionnel au titre de l’impôt sur le revenu pour le compte du vendeur non-résident. Lorsqu’il produit une déclaration de revenus canadienne, le non-résident indiquera le montant, le cas échéant, de l’impôt dont il est redevable en vertu de l’article 115, et il aura droit à un remboursement de l’excédent, s’il y a lieu, du montant du paiement prévu au paragraphe 116(5) sur le montant réel d’impôt dont le non-résident est redevable selon sa déclaration de revenus (en supposant que le ministre accepte ce calcul).

[37]      Cette interprétation est tout à fait applicable à une transaction usuelle d’achat et de vente entre deux parties seulement. L’acheteur selon l’article 116 peut être facilement identifié comme étant la personne à laquelle le non-résident transfère le bien canadien imposable et de laquelle le non-résident reçoit le prix d’achat.

[38]      En ce sens, l’application du paragraphe 116(5) est relativement simple. Si le ministre n’a pas délivré de « certificat de décharge », l’acheteur selon l’article 116 sera redevable d’un impôt correspondant essentiellement à 25 p. 100 du prix d’achat payable pour le bien canadien imposable. L’acheteur selon l’article 116 est libre d’acquitter cet impôt de ses propres ressources et ensuite de chercher à le recouvrer du vendeur non-résident, ou il peut déduire le montant exigé du montant payable au non-résident au titre du prix d’achat du bien canadien imposable.

[39]      Bien que cela ne soit pas pertinent à la question soulevée dans le présent appel, je remarque qu’un acheteur selon l’article 116 n’a aucune obligation de retenir un montant sur le prix d’achat du bien canadien imposable. Il s’ensuit que l’imposition d’un impôt en vertu du paragraphe 116(5) ne découle pas du fait que l’acheteur selon l’article 116 a « omis de se conformer » à l’obligation d’effectuer une retenue.

[40]      Cette interprétation du paragraphe 116(3) est conforme à ce que je crois être l’objet du paragraphe 116(5), qui est de mettre à la disposition du ministre un mécanisme lui permettant d’obtenir ce qui revient à un acompte provisionnel au titre de l’impôt de la partie I qui est susceptible d’être payable par un non-résident en vertu de l’article 115. Comme l’indique la juge Miller dans la décision Coast Capital Savings Credit Union, le paragraphe 116(5) est un outil de perception qui permet au ministre de percevoir un montant au titre de l’impôt à payer par un non-résident de la personne à laquelle un bien canadien imposable est transféré et de laquelle le prix d’achat est reçu. Notre Cour, dans l’arrêt Canada (Revenu national) c. Morris, 2009 CAF 373, a confirmé que l’objet de l’article 116 est d’aider à la perception.

[41]      Envisagée sous l’angle de cet objet, l’importance du paiement du prix d’achat est encore rehaussée. Sur le plan commercial, en l’absence d’un « certificat de décharge », un acheteur selon l’article 116 se prévaudrait habituellement du droit de retenue afin d’être en mesure de payer l’impôt dont il est redevable en vertu du paragraphe 116(5).

[42]      Un acheteur selon l’article 116 ayant des objectifs commerciaux suivrait cette avenue, même s’il agissait en qualité de représentant, comme un mandataire d’un mandant non connu, un prête-nom ou un « nu-fiduciaire ». Dans l’un ou l’autre cas, on pourrait soutenir que le représentant n’acquiert pas la propriété bénéficiaire du bien canadien imposable. Néanmoins, l’acquisition d’un droit de propriété bénéficiaire par un acheteur selon l’article 116 à l’égard du bien n’est pas la caractéristique déterminante du mécanisme visé par le paragraphe 116(5). Le paragraphe 116(5) impose plutôt un impôt à la personne à laquelle le vendeur non-résident transfère son droit de propriété sur le bien canadien imposable et de laquelle le non-résident reçoit le prix d’achat de ce bien.

[43]      L’application simple du paragraphe 116(5) à une transaction entre deux personnes peut être compliquée par l’introduction d’une autre partie, comme c’est le cas dans le présent appel.

[44]      En l’espèce, chaque vendeur non-résident a conclu une convention d’achat d’actions aux termes de laquelle un rentier était décrit comme l’acheteur des actions de la société fermée. Cependant, chaque vendeur non-résident a transféré les actions de la société fermée à Olympia, en fiducie au titre d’un REER, et a reçu le paiement du prix d’achat de ces actions d’Olympia, en fiducie au titre de ce REER.

[45]      Il s’agit là du contexte factuel dans lequel les questions en jeu dans le présent appel doivent être tranchées à la lumière de l’interprétation des paragraphes 116(3) et (5) qui précède.

C.        Le juge a-t-il commis une erreur en concluant que les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée?

[46]      L’appelante affirme que le juge a commis une erreur dans son interprétation des conventions d’achat d’actions lorsqu’il a conclu que les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée aux termes de ces conventions.

[47]      L’appelante reconnaît que depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, l’interprétation d’un contrat est une question mixte de fait et de droit pour laquelle la norme de contrôle est celle de l’erreur manifeste et dominante. Cependant, l’appelante affirme à bon droit que si une question de droit peut être isolée d’une telle question mixte de fait et de droit, alors la norme de contrôle applicable demeure celle de la décision correcte.

[48]      À cet égard, l’appelante a affirmé à l’audience que le juge avait commis une erreur de droit dans son interprétation des conventions d’achat d’actions en allant au-delà du libellé de ces conventions.

[49]      Même si cet argument ne figure pas dans le mémoire de l’appelante, je peux en disposer facilement.

[50]      Tout d’abord, en interprétant les conventions d’achat d’actions, le juge avait le loisir d’examiner les circonstances entourant ces conventions. À cet égard, le régime prévu par la Loi pour les REER est très pertinent. Chaque convention d’achat d’actions désigne Olympia comme fiduciaire en vertu d’un REER. De plus, les faits présentés au juge pour lui permettre de trancher la question à déterminer renvoient fréquemment aux REER.

[51]      Ensuite, le juge s’est reporté aux autres documents ayant trait aux conventions d’achat d’actions. Parmi ceux-ci, les instructions sont importantes, puisqu’elles indiquent comment et par qui le prix d’achat doit être payé en vertu de chacune de ces conventions. Un renvoi aux instructions s’imposait parce que, comme l’a reconnu l’avocat de l’appelante, aucune des conventions ne précisait comment le prix d’achat des actions de la société fermée devait être payé.

[52]      Ainsi, je conclus que le juge n’a commis aucune erreur de droit dans la façon dont il a interprété les conventions d’achat d’actions.

[53]      L’appelante soutient que le juge aurait dû reconnaître que les rentiers étaient les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée parce qu’ils étaient désignés comme tels dans les conventions d’achat d’actions et que ces conventions renfermaient des déclarations selon lesquelles les rentiers achetaient ces actions pour leur propre compte et non pas à titre de mandataires.

[54]      Le juge a conclu que ces clauses contractuelles n’étaient pas déterminantes et que l’interprétation proposée par l’appelante n’aurait pas pu refléter l’intention des rentiers ou d’Olympia, parce qu’elle aurait entraîné des retraits imposables des REER des rentiers.

[55]      Pour le juge, il était clair que les rentiers n’étaient pas censés être les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée. Au paragraphe 34 de ses motifs, il précise :

[traduction] Toutefois, dans le cas qui nous occupe, les documents dans l’ensemble indiquent qu’Olympia remettrait le prix d’achat, recevrait le titre de propriété et prendrait livraison des actions : tous ces faits étaient connus et conformes aux documents signés par les vendeurs ou leurs mandataires et avocats.

[56]      Les instructions dont le juge a été saisi contredisent les clauses contractuelles sur lesquelles se fonde l’appelante. Selon les instructions données par les rentiers à Olympia, les rentiers ont indiqué qu’ils fournissaient à Olympia les documents qui sont [traduction] « exigés par votre société aux fins de réaliser un achat d’actions d’une société privée pour mon REER ». Les instructions pressent ensuite Olympia [traduction] « d’effectuer le transfert et de conclure la convention d’achat le plus rapidement possible ».

[57]      Ces dispositions des instructions appuient la conclusion du juge selon laquelle les rentiers ont participé aux conventions d’achat d’actions en qualité de représentants et non d’acheteurs à part entière des actions de la société fermée. De plus, si les rentiers avaient été les acheteurs selon l’article 116 de ces actions, il y aurait eu des retraits des REER et Olympia aurait été obligée de procéder aux retenues visées par l’alinéa 153(1)j). Le fait qu’aucune retenue de la sorte n’a été faite par Olympia étaye encore davantage la conclusion du juge.

[58]      L’appelante soutient aussi que les rentiers étaient les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée parce qu’ils ont acquis tous les attributs du droit de propriété afférent à ces actions, soit l’utilisation, la possession et le risque; elle renvoie à la décision Minister of National Revenue v. Wardean Drilling Ltd, [1969] 2 R.C. de l’É. 166, à l’appui de ce moyen. Du même souffle, l’avocat de l’appelante soutient que les fonds provenant d’Olympia, en qualité de fiduciaire des REER, constituaient le paiement du prix d’achat des actions de la société fermée. Avec égards, ces deux affirmations sont contradictoires et ne sauraient être toutes les deux valides.

[59]      Dans les circonstances, la dernière affirmation est de loin la plus plausible. Comme je l’ai fait remarquer précédemment, s’il en était autrement, les retraits des fonds des fiducies des REER devraient être qualifiés de retraits imposables par les rentiers de leur REER, conséquence qu’ils n’ont pas pu vouloir. À mon avis, l’affirmation de l’appelante selon laquelle le prix d’achat a été payé des fiducies des REER va à l’encontre de l’autre affirmation de l’appelante selon laquelle les rentiers ont acquis, à l’égard des actions de la société fermée, [traduction] « l’utilisation, la possession et le risque ». Par contre, l’affirmation de l’appelante selon laquelle le prix d’achat des actions de la société fermée a été payé à même les fiducies des REER va tout à fait dans le sens de la conclusion du juge selon laquelle les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée.

[60]      Pour ces motifs, je suis d’avis que le juge n’a commis aucune erreur justifiant une intervention de notre part en concluant que les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée aux termes des conventions d’achat d’actions.

D.        Le juge a-t-il commis une erreur en concluant qu’Olympia était l’acheteur selon l’article 116 des actions de la société fermée?

[61]      Si les rentiers n’étaient pas les acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée, l’appelante soutient qu’elle ne devrait être considérée comme l’acheteur selon l’article 116 qu’en qualité de fiduciaire des REER et non à titre « personnel ». Dans les faits, l’appelante soutient essentiellement que les acheteurs selon l’article 116 étaient les fiducies des REER.

[62]      L’appelante affirme que les fiducies des REER ont une existence indépendante aux fins de la Loi et sont imposables en vertu de celle-ci, soit parce qu’elles sont réputées être des particuliers, par l’effet du paragraphe 104(2), relativement aux biens de la fiducie, soit parce qu’elles correspondent à la définition d’une « personne » qui se trouve au paragraphe 248(1).

[63]      Même s’il se peut fort bien que ces affirmations soient justes, les fiducies des REER n’ont en common law aucune existence juridique indépendante. Le législateur a reconnu cette importante limite lorsqu’il a adopté le paragraphe 104(1), lequel prévoit qu’une mention dans la Loi d’une fiducie vaut également mention, sauf indication contraire du contexte, du fiduciaire ayant le contrôle des biens de la fiducie. Par conséquent, comme l’a reconnu la juge Sharlow dans l’arrêt Fundy Settlement c. Canada, 2010 CAF 309, [2012] 2 R.C.F. 374 [au paragraphe 64], le paragraphe 104(1) établit un lien entre une fiducie et son fiduciaire afin de résoudre les « problèmes fiscaux d’ordre pratique qui vont nécessairement survenir » du fait que les fiducies sont imposables en vertu de la Loi, étant donné qu’elles sont dénuées d’une existence juridique indépendante.

[64]      Le caractère indépendant des fiducies des REER en vertu de la Loi, et leur assujettissement à l’impôt à ce titre, constituent une réalité pratique uniquement en raison des efforts d’Olympia, en qualité de fiduciaire de ces fiducies et à titre de personne par laquelle elles s’acquittent de leurs obligations prévues par la Loi.

[65]      La question est donc celle de savoir comment l’assujettissement à l’impôt des fiducies en vertu de la Loi, facilité par leur personnalité ou leur existence indépendante réputée ou imposée par la Loi, peut être lié aux obligations d’un acheteur selon l’article 116 de la Loi.

[66]      En pratique, l’élément crucial du paragraphe 116(5) concerne le paiement au vendeur non-résident ou le crédit en sa faveur du prix d’achat ou du coût d’acquisition du bien canadien imposable qu’il a transféré. Une telle mesure ne peut être prise par une personne fictive.

[67]      Un autre élément important du paragraphe 116(5) est le versement au ministre du montant de l’impôt payable par l’acheteur selon l’article 116. Là encore, il s’agit d’un acte qu’une personne fictive ne peut pas effectuer. Par conséquent, il est évident que l’existence juridique indépendante d’une fiducie en vertu de la Loi est en pratique assortie de limites.

[68]      Du fait de ces limites, il est difficile de concevoir que les fiducies des REER puissent être considérées comme des acheteurs selon l’article 116 des actions de la société fermée. Il se peut très bien qu’aux fins de l’application de la Loi, les fiducies des REER ont acquis la propriété bénéficiaire de ces actions. Néanmoins, à mon avis, l’identité de l’acheteur selon l’article 116, dont on doit se rappeler qu’il existe dans le contexte du mécanisme de recouvrement de l’impôt d’un non-résident prévu au paragraphe 116(5), est établie par renvoi au non-résident qui dispose d’un bien canadien imposable et qui reçoit le prix d’achat de ce bien.

[69]      Par conséquent, à mon avis, l’existence d’une indépendance juridique réputée ou fictive des fiducies en vertu de la Loi, y compris des REER, les empêche d’être des acheteurs selon l’article 116. C’est parce qu’elles n’ont pas de personnalité juridique que les fiducies ne peuvent pas recevoir de biens canadiens imposables ni payer leur prix d’achat. Fait important, les fiducies ne peuvent pas tenir le rôle d’un acheteur selon l’article 116, qui consiste à faciliter la perception d’un impôt du non-résident qui dispose d’un bien canadien imposable. Même s’il est vrai qu’un acheteur selon l’article 116 n’a aucune obligation de « retenir » une partie du prix d’achat payable pour le bien canadien imposable, en règle générale, c’est ce qui se fait dans les transactions commerciales. Il se peut qu’il y ait des circonstances dans lesquelles un acheteur selon l’article 116 paierait le prix d’achat de ce bien sans effectuer de retenue. Cependant, l’acheteur selon l’article 116 se retrouverait alors dans la situation que le paragraphe 116(5) vise à éviter au ministre, soit celle d’avoir à essayer de recouvrer un montant d’une personne qui se trouve à l’extérieur du Canada. Dans le monde des affaires, la retenue par l’acheteur selon l’article 116 constitue la règle, et non l’exception.

[70]      L’appelante affirme qu’il n’est pas permis d’imposer une responsabilité à Olympia parce que le législateur a voulu que les fiduciaires ne soient redevables de l’impôt que dans les circonstances particulières énoncées à l’article 159. À mon avis, il faut rejeter cette affirmation parce qu’elle est incompatible avec l’intention qui était celle du législateur lorsqu’il a établi le mécanisme de perception prévu au paragraphe 116(5).

[71]      L’appelante affirme aussi, au paragraphe 66 de son mémoire, que [traduction] « dans le contexte de la Loi, la personne qui est en premier lieu responsable des actes commis par la fiducie est la fiducie elle-même, en tant que contribuable particulier distinct ». Cette affirmation est incompatible avec le principe de common law selon lequel une fiducie n’a pas de personnalité juridique et ne peut agir que par son fiduciaire. Il en est ainsi même si elle a une existence juridique fictive ou réputée qui permet au ministre d’imposer un impôt, de la façon prévue par la Loi, sur le revenu tiré des biens de la fiducie.

[72]      Le juge a conclu que les vendeurs non-résidents ont transféré à Olympia les actions de la société fermée et qu’Olympia a payé le prix d’achat de ces actions à ces vendeurs. En arrivant à ces conclusions, le juge n’a commis aucune erreur manifeste et dominante. L’application à ces conclusions de l’interprétation des paragraphes 116(3) et (5) qui apparaît ci-dessus amène à conclure qu’Olympia était l’acheteur selon l’article 116. Ainsi, à mon avis, la conclusion du juge en ce sens ne comporte aucune erreur justifiant une intervention de notre part.

[73]      J’ajouterais que les transactions qui ont été effectuées avaient décidément un caractère non commercial. Les fonds ont été versés aux vendeurs non-résidents en l’absence de « certificats de décharge » délivrés conformément aux paragraphes 116(2) ou (4), et aucune retenue n’a été effectuée sur ces fonds. Les faits énoncés relativement à la question à déterminer n’éclairent aucunement cet écart par rapport aux pratiques commerciales normales.

[74]      Bien qu’il soit possible qu’Olympia se fiait dans une certaine mesure aux rentiers et à leurs conseillers en ce qui concerne les documents et la réalisation des transactions liées aux achats des actions de la société fermée, comme l’a conclu le juge et ainsi qu’il a été affirmé dans les présents motifs, Olympia a acheté ces actions pour les fiducies des REER et pour leur compte, et, d’elle-même et de ces fiducies, Olympia était la seule personne possédant une existence juridique (par opposition à une existence réputée ou fictive prévue par la Loi) qui était en mesure de vérifier que ces transactions étaient exécutées selon des pratiques commerciales conformes aux exigences du paragraphe 116(5).

[75]      Il convient de faire observer qu’Olympia a obtenu des rentiers une indemnisation la protégeant des impôts, pénalités et autres coûts découlant de l’exécution de ces achats conformément aux instructions données par les rentiers. La question de savoir si cette indemnisation a fait qu’Olympia ait permis qu’on effectue les transactions selon des pratiques aussi peu commerciales n’est pas une question dont nous sommes saisis dans le présent appel.

[76]      Pour être tout à fait exhaustif, je ferai observer que, dans son mémoire, l’appelante a affirmé que les fiducies des REER étaient des « nues-fiducies », ce qui a pour conséquence qu’on ne devrait pas en tenir compte pour les besoins de la Loi. À mon avis, cette affirmation est peu convaincante. Tout d’abord, Olympia en tant que fiduciaire des fiducies des REER est investie de pouvoirs et de responsabilités réels. En particulier, il est clair qu’alors que les rentiers jouissent de droits d’autogestion, Olympia a le pouvoir de bloquer des ordres de vente de biens des fiducies. De plus, des obligations en matière de déclaration et de retenue fiscales à l’égard de ces fiducies incombent à Olympia. Enfin, chaque fiducie de REER a un bénéficiaire qui n’est pas le rentier. Ces facteurs sont suffisants pour rejeter l’affirmation relative à la « nue-fiducie ».

VII.      Dispositif

[77]      Pour ces motifs, je rejetterais l’appel. Les dépens du présent appel suivront l’issue de la cause.

Le juge Boivin, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Rennie, J.C.A. : Je suis d’accord.

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