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[1996] 3 F.C. 468

T-1818-91

D and J Coustas Shipping Company S.A., entité constituée en personne morale, et Sveriges Angfartygs Assurans Förening, entité constituée en personne morale (demanderesses)

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre du Revenu national, et le ministre du Revenu national (défendeurs)

Répertorié : D and J Coustas Shipping Co. c. M.R.N. (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay— Halifax, 15 novembre 1995; Ottawa, 4 juin 1996.

Douanes et accise Loi sur les douanes Mémoire spécial présenté en vue de faire statuer définitivement sur une action pour remplacer l’instructionNavire saisi à titre de confiscation après qu’on eut découvert de l’héroïne à son bordLe législateur fédéral a-t-il voulu que la confiscation prévue à l’art. 110 s’applique aux circonstances de l’espèce?Une lettre d’engagement avait été fournie en contrepartie d’une mainlevée de la saisie du navireUne ordonnance a été rendue en vertu de l’art. 139 de la Loi sur les douanesRevenu Canada a rejeté une demande présentée en vertu de l’art. 141 en vue de la restitution de la lettre d’engagementL’art. 141 prévoit que, sur demande de la personne qui a obtenu une ordonnance définitive en vertu de l’art. 139, le sous-ministre fait remettre l’« objet » à cette personneLes demanderesses n’avaient pas droit à la restitution de la lettre d’engagement en vertu de l’art. 141Lorsqu’il a été saisi à titre de confiscation, le navire a été transféré à titre de pénalitéLorsque le navire a été restitué en vertu de l’art. 118, la garantie a été conservée à titre de confiscationL’« objet » constituait un objet saisiL’art. 141 ne s’appliquait pas car l’objet saisi (le navire) avait déjà été restituéLa lettre d’engagement ne pouvait pas être conservée à titre de confiscationÀ la suite de l’ordonnance rendue en vertu de l’art. 139, la saisie n’avait pas porté atteinte au droit de la propriétaire sur le navire, et celui-ci n’avait pas été confisqué au profit de Sa MajestéLorsque le moyen de transport n’est pas susceptible de confiscation, la garantie en tenant lieu n’est pas non plus susceptible de confiscation.

Il s’agissait d’un mémoire spécial présenté en vue de faire statuer définitivement sur une action pour remplacer l’instruction conformément à la Règle 475 des Règles de la Cour fédérale. Le porte-conteneurs transocéanique de la demanderesse a été saisi à titre de confiscation après que des agents des Douanes eurent découvert de l’héroïne à son bord. Sur réception d’une lettre d’engagement de l’assureur de la demanderesse à verser la somme de 100 000 $ sur demande écrite de l’agent des Douanes qui avait effectué la saisie, le ministère du Revenu national a donné mainlevée de la saisie du navire conformément à l’article 118 de la Loi sur les douanes. Sous le régime de l’article 121, la garantie fournie pour remplacer le navire tient lieu de confiscation et, au moment de la levée de la saisie, le navire cesse d’être confisqué. Le ministre a conclu, conformément à l’article 131, que le moyen de transport avait servi au transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction à la Loi sur les douanes, et, conformément à l’article 133, il a réclamé le versement d’un montant de 92 620 $, versement qui n’a pas été effectué. Avant que la décision du ministre ne soit rendue, la Cour de comté de la Nouvelle-Écosse avait rendu conformément à l’article 139 une ordonnance disposant que, au moment de l’infraction présumée, la créancière hypothécaire détenait un privilège de premier rang sur le navire et que la compagnie propriétaire était titulaire d’un droit de rachat, relativement à l’hypothèque, qui n’avait aucune valeur monétaire. L’ordonnance disposait aussi que c’étaient les seuls droits sur la propriété du navire et que la saisie ne portait pas atteinte à ces droits. En outre, ainsi qu’il est mentionné dans l’ordonnance, la compagnie propriétaire et la créancière hypothécaire n’étaient pas impliquées dans l’infraction présumée à la Loi, qu’elles avaient acquis leurs droits de bonne foi avant l’infraction présumée à la Loi et que la créancière hypothécaire avait exercé toute la diligence raisonnable pour se convaincre que le navire ne risquait pas d’être utilisé en infraction à la Loi. Après réception de l’avis de la décision rendue par le ministre en vertu de l’article 131, la demanderesse a demandé conformément à l’article 141 la remise de la garantie représentée par la lettre d’engagement. L’article 141 prévoit que le sous-ministre, une fois la confiscation devenue définitive et sur demande de la personne qui, en vertu de l’article 139, a obtenu une ordonnance définitive au sujet de l’objet saisi, fait remettre l’objet à cette personne. Revenu Canada a rejeté la demande de restitution pour le motif que, comme le navire avait été restitué conformément à l’article 118, l’ordonnance rendue en vertu de l’article 139 n’influait en rien sur les procédures de révision prévues à l’article 129 et suivants. Les demanderesses ont interjeté appel de la décision du ministre au moyen de la présente action.

Il s’agissait de savoir si les demanderesses avaient droit, en vertu de l’article 141, à la restitution de la lettre d’engagement et si les défendeurs avaient le droit de conserver la lettre d’engagement à titre de confiscation.

Jugement : les demanderesses n’avaient pas droit à la restitution de la lettre d’engagement, et les défendeurs n’avaient pas le droit de la garder à titre de confiscation.

Il était douteux que le législateur fédéral ait voulu que la saisie-confiscation d’un moyen de transport en vertu de l’article 110 s’applique aux circonstances de l’espèce. Si telle avait été son intention, cela voudrait dire que la propriétaire d’un transporteur commercial international de marchandises risquerait qu’il y ait saisie-confiscation de son navire ou autre moyen de transport, à la suite d’actions criminelles accomplies par des personnes dont elle n’était apparemment pas responsable. Cependant, cette question n’a pas été soulevée par les parties en l’espèce et n’a donc pas été tranchée.

Lorsqu’ils ont été saisis à titre de confiscation, les marchandises ou les moyens de transport saisis sont transférés à Sa Majesté à titre de pénalité. Ils ne sont pas détenus à titre de garantie pour le paiement d’un droit ou autre pénalité imposés en vertu de la Loi. Lorsque les marchandises ou les moyens de transport saisis sont restitués en vertu des articles 117 à 119, leur confiscation cesse à compter de la réception du montant ou de la garantie, le montant ou la garantie tenant lieu de confiscation. L’« objet » mentionné à l’article 141 renvoie aux marchandises ou au moyen de transport saisis et non pas au montant ou à la garantie fournis, au moment de la levée de la saisie, pour remplacer un « objet » saisi. Comme le navire saisi avait déjà été restitué, l’article 141 ne s’appliquait pas et le sous-ministre n’était pas tenu par cet article de restituer aux demanderesses la lettre d’engagement.

Dans l’ordonnance rendue en vertu de l’article 139, il était déclaré que la saisie n’a pas porté atteinte au droit de la compagnie propriétaire sur le navire et que celui-ci n’a donc pas été confisqué au profit de la Couronne par voie de pénalité. Lorsque le moyen de transport n’est pas susceptible de confiscation, la garantie tenant lieu du moyen de transport au moment de la levée de la saisie n’est pas susceptible non plus de confiscation. Le ministre ne peut pas alors réclamer de paiement à titre de pénalité, que le bien tenant lieu de confiscation soit les marchandises saisies, le moyen de transport saisi ou le montant ou la garantie fournis après leur saisie en vue d’une mainlevée à leur égard. Le ministre n’a pas le pouvoir de refuser la restitution de la totalité des montants versés ou de la garantie fournie lorsque cette restitution est demandée par les propriétaires de l’intégralité des droits sur le moyen de transport qu’on a jugés recevables à obtenir une ordonnance en vertu de l’article 139, puisque la saisie ne porte pas atteinte à leurs droits et que ces derniers ne sont pas susceptibles de confiscation.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 2 « confisquer », 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 475.

DOCTRINE

Shorter Oxford English Dictionary. Oxford : Clarendon Press, 1988, « forfeit », « seize », « seizure ».

MÉMOIRE SPÉCIAL présenté en vue de faire statuer définitivement sur une action pour remplacer l’instruction, où la question principale était de savoir si les demanderesses, après avoir obtenu une ordonnance judiciaire conformément à l’article 139 de la Loi sur les douanes, avaient droit, en vertu de l’article 141, à la restitution de la garantie fournie lorsqu’on a accordé une mainlevée à l’égard du navire qui avait été saisi à titre de confiscation pour le motif qu’il constituait un moyen de transport ayant servi à faire entrer des marchandises au Canada en infraction à la Loi. Les demanderesses n’avaient pas droit à la restitution de la garantie, et Sa Majesté n’avait pas le droit de la garder à titre de confiscation.

AVOCATS :

James E. Gould, c.r, et Vern DaRe pour les demanderesses.

Martin C. Ward pour les défendeurs.

PROCUREURS :

McInnes Cooper & Robertson, Halifax, pour les demanderesses.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge MacKay : Il s’agit d’un mémoire spécial que les parties ont présenté d’un commun accord en vue de faire statuer définitivement sur une action pour remplacer l’instruction conformément à la Règle 475 des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 et ses modifications. Les parties sont d’accord pour que tous les points en litige dans l’action soient décidés sur le fondement du dossier certifié déposé, qui comprend la déclaration et la défense ainsi que le mémoire spécial mentionné, en plus d’un exposé conjoint des faits et des questions principales et des documents y annexés.

Les parties demandent notamment qu’il soit statué sur une question principale, formulée dans l’exposé conjoint des faits, à savoir si les demanderesses, après avoir obtenu une ordonnance judiciaire conformément à l’article 139 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1 (la Loi), ont droit, en vertu de l’article 141 de cette Loi, à la restitution de la garantie fournie antérieurement par l’une des demanderesses, lorsqu’on a accordé au capitaine de la propriétaire demanderesse une mainlevée à l’égard du navire qui avait été saisi à titre de confiscation pour le motif qu’il constituait un moyen de transport ayant servi à faire entrer des marchandises au Canada en infraction à la Loi. Comme, à mon avis, la réponse à cette question ne règle pas toutes celles en litige dans l’action et soulevées dans les plaidoiries des parties, les présents motifs abordent également une autre question-clé.

Cette question a été instruite par la Cour à Halifax le 15 novembre 1995, lorsque le prononcé de la décision a été remis. Ces motifs sont ceux d’une ordonnance, maintenant rendue, concernant l’application de l’article 141 de la Loi dans les circonstances de l’espèce.

Les faits

La demanderesse D and J Coustas Shipping Company S.A., une compagnie panaméenne gérée par une compagnie ayant son siège à Chypre et faisant affaires en Grèce, était aux époques pertinentes propriétaire du navire à moteur Hoegh Mary (le navire). Ce navire, un porte-conteneurs transocéanique, est enregistré sous pavillon grec au Pirée, en Grèce. La deuxième demanderesse (l’assureur), Sveriges Angfartygs Assurans Förening, est constituée en compagnie en vertu de la loi suédoise et était l’un des assureurs du navire. La Royal Bank of Scotland plc détenait sur le Hoegh Mary une hypothèque maritime privilégiée et enregistrée de premier rang. Le capitaine du navire était de nationalité grecque, tout comme les autres officiers, et l’équipage provenait principalement de Sri Lanka.

Le 25 janvier 1989, le navire est arrivé au port de Halifax. À ce moment-là, des agents de la Gendarmerie royale du Canada et de Douanes Canada ont, dans le cadre d’une enquête sur le trafic de l’héroïne, entrepris de surveiller le navire et, après avoir suivi jusqu’à une chambre d’hôtel une personne qui venait de quitter le navire, ils ont trouvé environ 400 grammes d’héroïne. Les agents ont ensuite obtenu un mandat de perquisition et sont montés à bord du navire, où ils ont découvert 71,7 autres grammes d’héroïne, après avoir questionné quelques membres de l’équipage et en avoir obtenu des renseignements.

Le navire a été saisi à titre de confiscation à ce moment-là, soit le 25 janvier 1989, conformément à l’article 110 de la Loi, qui prévoit que :

110. (1) L’agent peut, s’il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises, saisir à titre de confiscation :

a) les marchandises;

b) les moyens de transport dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu’ils ont servi au transport de ces marchandises, lors ou à la suite de l’infraction.

(2) L’agent peut, s’il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait d’un moyen de transport ou des personnes se trouvant à son bord, le saisir à titre de confiscation.

Selon le récépissé de saisie, la saisie était fondée sur le fait que le navire constituait un moyen de transport [traduction] « ayant servi à l’importation de marchandises susceptibles de confiscation en vertu de la Loi sur les douanes ».

À la suite d’observations faites par la compagnie propriétaire et d’autres personnes ayant un droit sur le navire, le ministère du Revenu national a demandé au nom du ministre le versement d’un montant de 100 000 $ à titre de garantie pour la mainlevée, garantie qui était fondée sur la valeur de l’héroïne que l’on croyait avoir été importée en infraction à la Loi. Après examen de la question avec les procureurs des demanderesses, le Ministère a convenu d’accepter une lettre d’engagement de la compagnie d’assurances demanderesse, conformément à l’article 118 de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

118. L’agent peut, sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, restituer les moyens de transport saisis en vertu de la présente loi au saisi ou à son fondé de pouvoir :

a) ou bien sur réception :

(i) soit de la contre-valeur, déterminée par le ministre, des moyens de transport au moment de la saisie,

(ii) soit du montant inférieur ordonné par le ministre;

b) ou bien sur réception de la garantie autorisée et jugée satisfaisante par le ministre.

La deuxième demanderesse, la compagnie d’assurances, a présenté une lettre d’engagement, conformément à l’alinéa 118b), et il y a eu mainlevée de la saisie du navire le 26 janvier 1989. La lettre mentionnait notamment que, en contrepartie de la mainlevée et de la restitution du navire, sur demande écrite de l’agent des douanes qui avait effectué la saisie, la compagnie d’assurances verserait au receveur général du Canada tout montant demandé, jusqu’à concurrence de 100 000 $, et aussi qu’il était convenu que la prise et l’acceptation de l’engagement ainsi que le versement des montants sous son régime.

[traduction] … ne porteront pas atteinte au droit que nous pouvons ou pourrons avoir en qualité de propriétaires, de créanciers hypothécaires du navire ou de tiers ayant un droit sur lui de contester dans tout ressort approprié la saisie du navire, la prise du présent engagement en tenant lieu en vue d’obtenir une mainlevée de la saisie et la restitution du navire, le versement de tout montant sous son régime ou de demander par ailleurs l’application de tout droit que nous pouvons ou pourrons avoir en qualité de propriétaires, de créanciers hypothécaires du navire ou de tiers ayant un droit sur lui relativement à sa saisie, à la suite de celle-ci ou en rapport quelconque avec celle-ci.

Sous le régime de l’article 121 de la Loi, la garantie fournie pour remplacer le navire tient lieu de confiscation et, au moment de la levée de la saisie, le navire cesse d’être confisqué. Cette disposition est libellée ainsi :

121. La confiscation des marchandises ou des moyens de transport cesse à compter de la réception du montant ou de la garantie visés à l’article 117, 118 ou 119, le montant ou la garantie tenant lieu de confiscation.

Le 7 mars 1989, la compagnie propriétaire, entre autres, a présenté une demande en vue de faire rendre au ministre une décision conformément à l’article 129 de la Loi, relativement à la saisie-confiscation du navire. Cet article permet à toute personne dont un moyen de transport est saisi ou qui est propriétaire d’un tel moyen de transport de présenter une demande en vue de faire rendre au ministre une décision en vertu de l’article 131, pour déterminer si le moyen de transport a servi au transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction à la Loi et s’il y a eu ainsi infraction à la Loi. Par avis en date du 20 mars 1989, la Division de l’arbitrage des douanes et de l’accise de Revenu Canada a fait savoir au nom du sous-ministre du Revenu national que la saisie du navire avait été effectuée parce que [traduction] « le moyen de transport a servi à l’importation de marchandises susceptibles de confiscation en vertu de la Loi sur les douanes ».

À la suite de cette décision, la compagnie propriétaire, entre autres, a présenté des observations écrites à la Division de l’arbitrage des douanes et de l’accise de Revenu Canada relativement à la saisie-confiscation du navire. La Loi prévoit que le ministre peut rendre une décision en rapport avec une saisie-confiscation contestée, dans les termes suivants :

131. (1) Après l’expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possible en l’espèce, les circonstances de l’affaire et décide si c’est valablement qu’a été retenu, selon le cas :

b) le motif d’utilisation des moyens de transport en cause dans le transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction aux mêmes loi ou règlements, ou le motif de cette infraction, pour justifier soit la saisie de ces moyens de transport …

(2) Dès qu’il a rendu sa décision, le ministre en signifie par écrit un avis à la personne qui en a fait la demande.

(3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n’est susceptible d’appel, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

Le 15 avril 1991, le Ministère a donné avis de la décision, à l’adresse du navire, aux soins de l’agent maritime au Canada, conformément à l’article 131 de la Loi. Dans cette décision, on concluait que [traduction] « le moyen de transport a servi au transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction à la Loi sur les douanes ou à ses règlements ». Cet avis faisait part également d’une autre décision, apparemment rendue conformément à l’article 133, de réclamer le versement d’un montant de 92 620 $, qui constituait une créance de Sa Majesté. L’article 133, qui permet au ministre de réclamer le versement lorsqu’il y a eu infraction à la Loi comme il est prévu à l’alinéa 131(1)b), dit en partie ce qui suit :

133. (1) Le ministre, s’il décide, en application de l’article 131, que les motifs d’infraction, et, dans le cas des moyens de transport visés à l’alinéa 131(1)b), que les motifs d’utilisation ont été valablement retenus, peut, aux conditions qu’il fixe :

a) restituer les marchandises or les moyens de transport sur réception du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

b) restituer toute fraction des montants ou garanties reçus;

c) réclamer, si nul montant n’a été versé ou nulle garantie donnée, ou s’il estime ces montant ou garantie insuffisants, le montant qu’il juge suffisant, à concurrence de celui déterminé conformément au paragraphe (4) ou (5), selon le cas.

Je remarque que, au moment de l’audience concernant le présent mémoire spécial, le montant réclamé par le ministre n’avait pas été versé et que le Ministère continuait de détenir la lettre d’engagement prévoyant le versement d’un montant jusqu’à concurrence de 100 000 $ à titre de garantie pour le navire qui avait fait l’objet d’une mainlevée de saisie.

Avant que la décision du ministre ne soit rendue, la première demanderesse et la créancière hypothécaire du navire, la Royal Bank of Scotland plc, s’étaient adressées à la Cour de comté de la Nouvelle-Écosse le 16 mars 1989 conformément à l’article 138, pour obtenir conformément à l’article 139 une ordonnance disposant que la saisie ne portait pas atteinte à leurs droits sur le navire et précisant la nature et l’étendue de ceux-ci au moment de l’infraction présumée à la Loi. Le juge Anderson de ce tribunal, après avoir conclu que la question n’avait pas perdu tout intérêt pratique, a ordonné le 26 octobre 1989, avec le consentement de la Couronne quant au libellé de l’ordonnance, que, au moment de l’infraction présumée, la créancière hypothécaire détenait un privilège de premier rang sur le navire évalué à 16 500 000 $ et que la compagnie propriétaire était titulaire d’un droit de rachat, relativement à l’hypothèque, qui n’avait aucune valeur monétaire. L’ordonnance disposait aussi que ces deux droits constituaient tous les droits juridiques et en equity sur la propriété du navire qui n’étaient pas encore réglés au moment de l’infraction présumée à la Loi et que la saisie ne portait pas atteinte à ces droits. En outre, ainsi qu’il est mentionné dans les attendus de son ordonnance, le juge Anderson a conclu que la compagnie propriétaire et la créancière hypothécaire étaient innocentes de toute complicité dans l’infraction présumée à la Loi, qu’elles avaient acquis leurs droits de bonne foi avant l’infraction présumée à la Loi et que la créancière hypothécaire avait exercé toute la diligence raisonnable à l’égard de la débitrice hypothécaire, la compagnie propriétaire, pour se convaincre que le navire ne risquait pas d’être utilisé en infraction à la Loi.

Les articles 138 et 139 prévoient ce qui suit :

138. (1) En cas de saisie-confiscation effectuée en vertu de la présente loi, toute personne qui, sauf si elle était en possession de l’objet au moment de la saisie, revendique à cet égard un droit en qualité de propriétaire, de créancier hypothécaire, de créancier privilégié ou en toute autre qualité comparable peut, dans les soixante jours suivant la saisie, requérir par avis écrit le tribunal de rendre l’ordonnance visée à l’article139.

139. Lors de l’audition de la requête visée à l’article 138, le requérant est recevable à obtenir une ordonnance disposant que la saisie ne porte pas atteinte à son droit et précisant la nature et l’étendue de celui-ci au moment de l’infraction ou de l’utilisation en cause si le tribunal constate qu’il réunit les conditions suivantes :

a) il a acquis son droit de bonne foi avant l’infraction ou l’utilisation;

b) il est innocent de toute complicité ou collusion dans l’infraction ou l’utilisation;

c) il a pris des précautions suffisantes concernant toute personne admise à la possession de l’objet saisi pour se convaincre que celui-ci ne risquait pas d’être utilisé en infraction à la présente loi ou à ses règlements, ou concernant son débiteur dans le cas d’une hypothèque ou d’un privilège.

Après réception de l’avis de la décision rendue par le ministre en vertu de l’article 131, la demanderesse a, le 15 mai 1991, présenté une demande conformément à l’article 141 de la Loi, en vue de l’annulation et de la remise de la garantie représentée par la lettre d’engagement produite par la deuxième demanderesse. Cet article prévoit que :

141. (1) Le sous-ministre ou l’agent qu’il délègue, une fois la confiscation devenue définitive et sur demande de la personne qui, en vertu des articles 139 ou 140, a obtenu une ordonnance définitive au sujet de l’objet saisi, fait remettre à cette personne :

a) soit l’objet;

b) soit un montant dont le calcul est basé sur la contre-valeur de son droit sur l’objet au moment de l’infraction ou de l’utilisation, telle qu’elle est fixée dans l’ordonnance.

(2) En cas de vente ou d’aliénation sous une autre forme d’un objet au sujet duquel un versement est effectué en vertu de l’alinéa (1)b), le montant du versement ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents à l’objet supportés par Sa Majesté; dans les cas où aucun produit ne résulte d’une aliénation effectuée en vertu de la présente loi, aucun versement prévu à l’alinéa (1)b) n’est effectué.

Le 11 juillet 1991, la Direction des douanes et de l’accise de Revenu Canada a rejeté la demande de restitution de la lettre d’engagement pour le motif que, [traduction] « comme le navire a été restitué conformément à l’article 118 de la Loi sur les douanes », l’ordonnance rendue par le juge Anderson en vertu de l’article 139 de la Loi [traduction] « n’influe en rien sur les procédures de révision prévues à l’article 129 et suivants de la Loi sur les douanes ». Le Ministère a également fait savoir, au nom du sous-ministre (Douanes et Accise), que le seul processus de révision s’appliquant à la décision du ministre du 15 avril 1991 serait le contrôle judiciaire en conformité avec l’article 135 de la Loi.

Je remarque que, dans leur déclaration, les demanderesses allèguent que, avant la présentation de la demande prévue à l’article 141, elles avaient fait des observations relativement à la nullité de la saisie-confiscation et réclamé la restitution de la garantie fournie pour le navire. La déclaration mentionne entre autres :

[traduction] 12. Les demanderesses maintiennent que, au moment ou peu de temps à la suite de la saisie du navire, de la levée de la saisie à son égard et de sa restitution sur dépôt de la garantie, et notamment en ce qui concerne la demande susmentionnée présentée à la Cour de comté, les défendeurs ont été informés et étaient tout à fait au courant qu’il n’y avait aucun droit sur le navire auquel la saisie pouvait porter atteinte, et que cela a été confirmé par une ordonnance de la Cour de comté le 26 octobre 1989 ainsi qu’il est indiqué ci-dessus. Les demanderesses ont soutenu que, comme aucun droit ne pouvait être attribué par la saisie et/ou la confiscation, toute garantie fournie pour remplacer le navire devrait être résiliée, annulée et restituée par conséquent, et que cela devrait être communiqué aux défendeurs sous peu. Malgré cela, la Division de l’arbitrage des douanes et de l’accise de Revenu Canada a appliqué ou mal appliqué la loi, sa pratique et sa procédure de sorte qu’elle a forcé les demanderesses et la créancière hypothécaire à entreprendre des démarches juridiques longues et coûteuses, et elle n’a pas tenu compte de l’ordonnance rendue légalement par la Cour de comté et a allégué ou maintenu que d’une façon ou d’une autre, même si la saisie pouvait ne pas porter atteinte à quelque droit sur le navire, elle avait le droit de conserver la garantie et de toucher le montant réclamé de 92 620 $ en plus des intérêts, le tout représentant ou constituant des actes de mauvaise foi, et en outre elle a abusivement et de mauvaise foi rejeté la demande en vertu de l’article 141 de la Loi sur les douanes.

À la suite du refus de remettre la lettre d’engagement en vertu de l’article 141, conformément à l’article 135, qui prévoit la possibilité d’interjeter appel de la décision du ministre au moyen d’une action intentée devant notre Cour, les demanderesses ont déposé une déclaration relativement à laquelle une défense a été produite au nom des défendeurs. Une entente survenue entre les parties a ensuite mené à la présente demande en vue d’un mémoire spécial.

Dans l’exposé conjoint des faits et des questions principales, déposé avec la présent mémoire spécial, les parties sont d’accord pour dire ce qui suit :

[traduction] La principale question à trancher est de savoir si la compagnie propriétaire [c.-à-d. la première demanderesse] et la compagnie d’assurances [c.-à-d. la deuxième demanderesse], après avoir obtenu une ordonnance en vertu de l’article 139 de la Loi, ont droit, en vertu de l’article 141, à la restitution de la garantie jusqu’à concurrence de 100 000 $ fournie par la compagnie d’assurances au Ministère au moyen de la LDE [lettre d’engagement] et ont droit plus particulièrement à ce que soient annulées, résiliées et abandonnées toutes les demandes de paiement en vertu de la LDE ou autrement, lorsque le navire a été restitué au capitaine par le Ministère après que la garantie eut été fournie. Il faudra alors déterminer si l’expression « l’objet » figurant à l’article 141 se rapporte exclusivement dans le présent contexte au navire lui-même comme le dit le Ministère ou si elle devrait s’interpréter également de façon à comprendre tout montant ou garantie fournis conformément aux dispositions de la Loi comme le prétendent les demanderesses.

Les observations des parties

Il est soutenu au nom des demanderesses que le mot « objet » employé à l’article 141 de la Loi comprend la garantie versée au ministre en échange du moyen de transport confisqué. L’article 121 de la Loi , qui dispose que la garantie fournie au moment de la levée de la saisie du navire doit tenir lieu de confiscation pour remplacer le moyen de transport, doit, selon les demanderesses, être pris en considération dans l’application de l’article 141 pour que « l’objet » figurant dans cette dernière disposition soit interprété comme comprenant soit le moyen de transport saisi soit la garantie en tenant lieu.

De l’avis des demanderesses, interpréter l’article 141 de façon à empêcher la restitution de la garantie au requérant qui a obtenu une ordonnance judiciaire en vertu de l’article 139 entraînerait des conséquences absurdes. Les demanderesses allèguent que, si elles ne peuvent pas recouvrer la garantie fournie en vertu de l’article 141, elles ne peuvent pas alors se faire remettre cette garantie en vertu de la Loi, malgré qu’une ordonnance judiciaire les reconnaît innocentes de toute complicité dans l’infraction à la Loi et indique que la saisie ne porte pas atteinte à leurs droits. Les demanderesses prétendent qu’il serait absurde pour elles d’avoir le droit de se faire remettre le navire si elles avaient choisi de le laisser au Ministère à titre de confiscation, mais de ne pas avoir le droit de réclamer la garantie fournie pour remplacer le navire. Elles estiment que l’interprétation mise de l’avant par le ministre lui permettrait de conserver la garantie quelle que soit l’issue de la procédure judiciaire intentée pour protéger leurs droits en qualité de tierces parties qui ne sont pas impliquées dans l’infraction à la Loi. L’ordonnance de la Cour n’influerait en rien sur le droit du ministre de conserver la garantie fournie au moment de la levée de la saisie d’un moyen de transport saisi en vertu de la Loi.

Les demanderesses avancent que la garantie doit être détenue selon les mêmes modalités que celles selon lesquelles le navire aurait été détenu si aucune garantie n’avait été fournie pour sa restitution. Cela, dit-on, va clairement dans le sens de l’article 121, qui prévoit que la garantie obtenue au moment de la levée de la saisie d’un moyen de transport doit « ten[ir] lieu de confiscation ». Selon l’opinion des demanderesses, il serait absurde que le ministre puisse conserver la garantie fournie en échange de la restitution d’un moyen de transport lorsqu’il ne peut conserver le moyen de transport lui-même. Les demanderesses soutiennent que la loi doit s’interpréter de façon à éviter les conséquences absurdes et, pour ce motif, le mot « objet » employé à l’article 141 doit comprendre la garantie fournie pour remplacer un moyen de transport saisi. De plus, on dit que le mot « garantie » n’implique pas en soi un versement irrévocable, indiquant par là qu’elle peut être restituée en vertu de Loi.

Les défendeurs font valoir que la Loi vise à procurer des revenus au gouvernement et doit être interprétée en conséquence. Selon les défendeurs, l’article 132 de la Loi prévoit que, si le ministre a décidé en application de l’article 131 que les motifs d’infraction ou les motifs d’utilisation du moyen de transport saisi n’ont pas été valablement retenus, il doit restituer le moyen de transport ou la garantie en tenant lieu. Ainsi, soutient-on, la Loi prévoit effectivement un mécanisme de restitution de la garantie fournie lorsque la confiscation n’est pas conforme à la Loi. En l’espèce, il n’a pas été décidé que la confiscation n’était pas appropriée ou n’était pas valide, et aucune disposition ne prévoit la restitution de la garantie fournie, en vue de satisfaire à une demande de paiement de montants fixés ou de pénalités imposées en vertu de la Loi.

De plus, les défendeurs font remarquer que plusieurs autres dispositions de la Loi, telles que le paragraphe 132(1) et l’article 133, mentionnent expressément la restitution d’un moyen de transport ou de marchandises saisis ou bien d’une garantie ou d’un montant en tenant lieu au moment de la levée de la saisie. Pour ce motif, avance-t-on, la Loi exclut expressément la garantie de l’application de l’article 141 lorsqu’il n’en est fait aucune mention précise. En outre, on dit que le fait que les articles 118, 121 et 124 aient été adoptés en même temps indique que le législateur fédéral avait l’intention d’exclure de l’application de l’article 141 la garantie fournie parce qu’elle est mentionnée expressément aux articles 118 et 121 en plus des marchandises et moyens de transport saisis mais qu’elle n’est pas mentionnée précisément à l’article 141. Il est dit dans la défense déposée au nom du défendeur :

[traduction] 15. … que le paragraphe 141(1) de la Loi sur les douanes n’habilite pas le sous-ministre à ordonner que la garantie obtenue conformément à l’article 118 en vue d’une mainlevée à l’égard de l’objet saisi à titre de confiscation soit restituée à une personne qui a obtenu une ordonnance conformément à l’article 139 disposant que la saisie ne porte pas atteinte au droit des demanderesses sur l’objet saisi, lorsque l’objet a été restitué à la personne en la possession de laquelle il a été saisi à l’époque de l’ordonnance.

Je ne trouve pas ces observations particulières convaincantes en soi. À mon avis, les objectifs d’articles particuliers diffèrent des objectifs généraux de la Loi et il n’est pas surprenant qu’ils ne se rapportent pas tous aux marchandises ou aux moyens de transport saisis et à la garantie ou au montant en tenant lieu lorsqu’il y a mainlevée de la saisie. De plus, l’absence de disposition précise à l’article 141 en ce qui concerne la restitution de la garantie tenant lieu de confiscation pour remplacer un moyen de transport saisi et faisant l’objet d’une mainlevée ne règle pas en soi la question du droit des défendeurs de conserver la garantie tenant lieu de confiscation dans les cas où une ordonnance visée à l’article 139 a disposé que la saisie ne porte pas atteinte aux droits de tous les propriétaires du moyen de transport saisi.

Les défendeurs prétendent que le mot « objet » à l’article 141 renvoie à quelque chose qui a été saisi et est susceptible de saisie. Selon les défendeurs, la garantie fournie n’est pas quelque chose qui a été saisi; elle est plutôt fournie volontairement en vue d’obtenir la restitution d’un bien saisi. D’après les défendeurs, l’article 141 a un sens ordinaire qui ne s’applique pas dans les circonstances de l’espèce puisque « l’objet » à restituer doit être les marchandises ou le moyen de transport saisis à titre de confiscation, et, dans le cas présent, le moyen de transport saisi a déjà été restitué.

Il est allégué au nom des défendeurs que les articles 138 à 141, qui se rapportent à la revendication des tiers, prévoient une enquête approfondie sur le titre de propriété du moyen de transport saisi ainsi que sur la conduite d’un requérant visé par l’article 138. Les défendeurs maintiennent qu’il s’agit d’un processus distinct de celui qui se trouve dans le processus principal énoncé aux articles 128 à 137, processus par lequel une personne peut obtenir la restitution des marchandises saisies ou d’un moyen de transport saisi ou de la garantie en tenant lieu. La revendication des tiers exposée aux articles 138 à 141 aurait pour objet, selon les défendeurs, de créer une dérogation à la confiscation dans laquelle la Couronne peut effectivement renoncer à son droit sur le bien confisqué dans les cas prévus à l’article 139.

Les défendeurs soutiennent que, si l’article 141 devait s’interpréter comme comprenant un droit à la restitution de la garantie, il pourrait en résulter des conséquences que le législateur fédéral ne recherchait pas. Par exemple, on dit que le propriétaire d’un moyen de transport qui a obtenu un jugement déclaratoire conformément à l’article 139 serait en mesure de réclamer la restitution de la garantie fournie par une autre partie. À mon avis, l’article 141 n’est pas censé protéger le droit d’une personne qui a pu fournir une garantie, à moins que cette personne n’ait un droit sur les marchandises ou le moyen de transport et ait obtenu une ordonnance en vertu de l’article 139. De toute façon, lorsque le droit du propriétaire est inférieur à la valeur totale de l’objet saisi, toute réclamation présentée par un propriétaire devrait se limiter, selon les termes de l’alinéa 141(1)b) et du paragraphe 141(2), à un montant dont le calcul est basé sur la contre-valeur de son droit, telle qu’elle est fixée dans l’ordonnance, dans les limites du produit total de la vente ou de l’aliénation de « l’objet ».

Analyse

Après examen des observations faites par les avocats et de la Loi sur les douanes, notamment les articles 110 à 123 et 128 à 141, je me demande si le législateur fédéral voulait que la saisie-confiscation d’un moyen de transport en vertu de l’article 110 de la Loi s’applique aux circonstances de l’espèce. Si le législateur fédéral l’a voulu ainsi, la propriétaire d’un transporteur commercial international de marchandises risque en l’espèce qu’il y ait saisie-confiscation de son navire, à la suite d’actions accomplies par des personnes dont elle n’est apparemment pas responsable selon la preuve portée à ma connaissance.

Toutefois, je m’empresse de faire remarquer que mes réserves se font jour sans que j’aie bénéficié d’observations des avocats sur l’application de l’article 110, que ceux-ci présumaient appliqué correctement aux fins de la présente affaire. J’accepte cette position en l’espèce, tout en notant que la question de l’applicabilité de l’article 110 n’a pas été contestée par les parties et n’est pas tranchée en l’espèce.

En supposant que l’article 110 s’applique aux circonstances de l’espèce, la revendication des tiers prévue aux articles 138 à 141 est importante pour déterminer les droits des parties sur les marchandises ou les moyens de transport saisis, et implicitement sur tout montant ou toute garantie fournis pour remplacer des marchandises ou des moyens de transport saisis qui font l’objet d’une mainlevée en vertu de la Loi.

Si le législateur fédéral voulait effectivement que la saisie-confiscation du moyen de transport prévue à l’article 110 s’applique aux circonstances de l’espèce, cela conférerait une grande importance à la revendication des tiers en vertu des articles 138 à 141, en ce qui concerne la détermination des droits des parties sur les marchandises ou les moyens de transport saisis, et implicitement sur toute garantie ou tout montant fournis pour remplacer des marchandises ou des moyens de transport saisis qui font l’objet d’une mainlevée en vertu de la Loi.

En passant aux questions soulevées par le mémoire spécial mentionné, il est utile d’examiner la signification et la fonction du processus de saisie-confiscation prévu par la Loi. Les mots « saisir » et « saisie » ne sont pas définis dans la Loi. Le mot « confisquer » est défini à l’article 2 et signifie « [c]onfisquer au profit de Sa Majesté du chef du Canada ». Le Shorter Oxford English Dictionary (1986) en donne, en partie, la définition suivante :

[traduction]

saisirII. Prendre possession … Prendre possession de, confisquer (la propriété d’un navire ou d’un sujet) … Prendre possession par la force.

saisie 1. Action ou acte de saisir, ou fait d’être saisi; confiscation ou prise de possession par la force (de terrains ou de marchandises); fait de s’emparer soudainement.

confiscation … 2. Quelque chose auquel la perpétration d’un crime ou d’une faute fait perdre le droit; par extension, une sanction pénale, une pénalité …

Il semble clair que, dans le contexte des articles 110, 113, 114, 116 à 121, qui traitent de la saisie et de la restitution de marchandises et de moyens de transport ainsi que des conséquences des saisies effectuées au nom de Sa Majesté pour infraction à la Loi et à ses règlements, les saisies entraînent certaines conséquences précises pour les parties. La principale conséquence est que les marchandises ou les moyens de transport saisis sont confisqués au profit de Sa Majesté, c’est-à-dire qu’ils sont transférés à Sa Majesté à titre de pénalité pour infraction à la Loi. Selon l’article 122, une fois saisi à titre de confiscation, le moyen de transport qui a servi au transport des marchandises ayant donné lieu à une infraction à la Loi ou à ses règlements est confisqué « à compter de l’utilisation… Il n’est besoin de nul acte ni de nulle procédure postérieurs à … l’utilisation pour donner effet à la confiscation ».

Lorsqu’ils ont été saisis à titre de confiscation, les marchandises ou les moyens de transport saisis sont transférés à Sa Majesté à titre de pénalité. La confiscation n’a pas pour conséquence que les marchandises ou le moyen de transport confisqués sont détenus à titre de garantie pour le paiement d’un droit ou autre pénalité imposés en vertu de la Loi pour infraction à la Loi ou à ses règlements. Lorsque les marchandises ou les moyens de transport saisis sont restitués en vertu des articles 117 à 119, on prévoit qu’un montant peut être versé ou une garantie peut être fournie selon la décision du ministre, et sur ce, la confiscation des marchandises ou des moyens de transport cesse à compter de la réception du montant ou de la garantie, le montant ou la garantie tenant lieu de confiscation (l’article 121). Toute garantie ainsi fournie tient lieu alors de confiscation, non comme garantie pour le paiement de droits ou autre pénalité imposés en vertu de la Loi. La perception de droits et de pénalités est prévue d’ailleurs par la Loi, qu’une peine supplémentaire au moyen de la confiscation de marchandises ou d’un moyen de transport saisis en vertu de l’article 110 s’applique ou non à un cas donné.

Je passe maintenant à la question principale telle qu’elle est exposée dans le mémoire spécial convenu par les parties. Il s’agit [traduction] « de savoir si la compagnie propriétaire et la compagnie d’assurances, après avoir obtenu une ordonnance en vertu de l’art. 139 de la Loi, ont droit, en vertu de l’art. 141, à la restitution de la garantie jusqu’à concurrence de 100 000 $ fournie par la compagnie d’assurances au Ministère au moyen de la LDE … et ont droit plus particulièrement à ce que soient annulées, résiliées et abandonnées toutes les demandes de paiement en vertu de la LDE ou autrement, lorsque le navire a été restitué au capitaine par le Ministère après que la garantie eut été fournie ».

À mon avis, les demanderesses n’ont pas droit en vertu de la disposition spécifiée, soit l’article 141, à la restitution de la lettre d’engagement. Néanmoins, les défendeurs n’ont aucun motif pour conserver la lettre d’engagement à titre de confiscation et n’ont aucun droit à faire valoir contre les demanderesses afin de recouvrer une créance ou autre paiement à titre de pénalité ou en rapport avec la confiscation en vertu de la lettre d’engagement, malgré la demande de paiement au montant de 92 620 $ présentée par le ministre conformément à l’article 133.

Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que l’article 141 n’exige pas que la lettre d’engagement soit restituée à la requérante sur demande de la demanderesse. Cet article fait mention de « la confiscation » devenue définitive et d’une demande de la personne qui, en vertu de l’article 139, a obtenu une ordonnance définitive. La personne qui a obtenu une telle ordonnance est celle qui a présenté une demande en vertu de l’article 138, c’est-à-dire toute personne, sauf celle qui était en possession de l’objet au moment de la saisie, qui revendique un droit à cet égard, c’est-à-dire sur l’objet saisi. Le texte de l’article 141 comprend un renvoi à « l’objet » ou à « un objet » environ quatre fois dans la version française et dix fois dans la version anglaise, dont un renvoi à un droit sur « l’objet au moment de l’infraction ou de l’utilisation » [soulignements ajoutés] dans l’alinéa 141(1)b),et il ne comprend aucun renvoi au « montant ou à la garantie » fournis au moment de la levée de la saisie des marchandises ou des moyens de transport. À mon avis, l’article 141 en renvoyant à « l’objet » renvoie aux marchandises ou au moyen de transport saisis et non au montant ou à la garantie fournis, au moment de la levée de la saisie, pour remplacer les marchandises ou le moyen de transport saisis. L’« objet » mentionné à l’article 141 renvoie au bien saisi, non pas aux biens acceptés pour en tenir lieu au moment de la levée de la saisie d’un « objet ».

Comme le moyen de transport saisi en l’espèce a déjà été restitué au capitaine, l’article 141 ne s’applique pas et le sous-ministre n’est pas tenu par cet article de restituer aux demanderesses la lettre d’engagement qui a été fournie lorsque le navire a fait l’objet d’une mainlevée de saisie et qui ensuite a tenu lieu de confiscation en vertu de l’article 121.

Bien que cette conclusion tranche ce que les parties ont mentionné dans l’exposé conjoint des faits et des questions principales comme question principale à trancher, elle ne règle pas « tous les points en litige dans l’action » qui, selon le mémoire spécial, « doivent être décidés sur le fondement du dossier certifié déposé en l’espèce ». Elle ne règle pas notamment l’énoncé subsidiaire de la question principale dans l’exposé conjoint, à savoir si les demanderesses ont droit à ce que « soient annulées, résiliées et abandonnées toutes les demandes de paiement en vertu de LDE ou autrement ».

À mon avis, les parties veulent faire trancher non seulement la question principale formulée à la fin de l’exposé conjoint des faits et des questions principales, c’est-à-dire en ce qui concerne l’application de l’article 141 comme il a été mentionné précédemment, mais également l’action amorcée par la déclaration déposée par les demanderesses conformément à l’article 135 de la Loi, qui est le processus prévu pour en appeler de la décision du ministre.

Il me semble que la confiscation, dans les circonstances de l’espèce, ne peut pas être considérée comme efficace compte tenu de l’ordonnance rendue conformément à l’article 139 de la Loi, ordonnance dans laquelle le juge Anderson a statué que la saisie n’a pas porté atteinte aux droits de la compagnie propriétaire et de la créancière hypothécaire, qui ensemble sont titulaires de l’intégralité des droits sur le navire. La saisie effectuée en vertu de la Loi a eu pour principal effet la confiscation du moyen de transport au profit de Sa Majesté. Si la saisie ne porte pas atteinte, en vertu de la Loi, aux droits de la compagnie propriétaire et de la créancière hypothécaire, c’est-à-dire les parties titulaires de toutes les prétentions au droit de propriété sur le navire, ces droits ne pourraient être transmis à Sa Majesté par confiscation, à titre de pénalité imposée en vertu de la Loi. La confiscation, comme toute autre pénalité, s’applique au moment d’une infraction à la Loi ou à ses règlements, mais l’objet de la revendication des tiers prévue aux articles 138 à 141 est de faire en sorte que la saisie ne porte pas atteinte aux droits des propriétaires et autres personnes, qui ne sont pas en possession des moyens de transport au moment de leur utilisation possible pour le transport de marchandises en infraction à la Loi et qui ne sont pas complices de l’infraction. Ainsi, leurs droits ne sont pas susceptibles de confiscation.

En l’espèce, le ministre a, conformément à l’article 131, rendu une décision selon laquelle, d’une part, le navire a été utilisé pour le transport de marchandises en infraction à la Loi ou à ses règlements et, d’autre part, il y a eu infraction à la Loi, et il a, conformément à l’article 133, rendu une autre décision selon laquelle la demande de paiement d’une dette de 92 620 $ devait être dirigée contre le navire. À l’époque où les décisions ont été rendues, en 1991, le navire avait été restitué au capitaine et le ministre était au courant de l’ordonnance rendue par le juge Anderson en vertu de l’article 139. Le bien qui tenait lieu de confiscation, pour remplacer le navire qui avait fait l’objet d’une mainlevée de saisie, était la lettre d’engagement de la compagnie d’assurances. Il était susceptible de confiscation seulement si la pénalité, c’est-à-dire la confiscation, pouvait être exécutée contre la compagnie propriétaire, au nom de laquelle la garantie avait été fournie.

À la suite de l’ordonnance rendue en vertu de l’article 139, la saisie n’a pas porté atteinte au droit de la compagnie propriétaire sur le moyen de transport, et celui-ci n’a pas été confisqué au profit de Sa Majesté par voie de pénalité. À mon avis, la lettre d’engagement tenant lieu de navire n’a pas été confisquée au profit de Sa Majesté. Selon moi, le ministre n’avait pas le pouvoir de réclamer le paiement d’une créance de Sa Majesté comme condition de la mainlevée de la lettre d’engagement. Bien que le paragraphe 133(1) semble conférer au ministre un large pouvoir discrétionnaire de « restituer toute fraction des montants ou garanties reçus », l’hypothèse sous-jacente est que le montant ou la garantie reçus pour remplacer un moyen de transport saisi et ayant fait l’objet d’une mainlevée de saisie sont confisqués au profit de Sa Majesté. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est-à-dire lorsque la totalité du droit de propriété du moyen de transport n’est pas susceptible de confiscation au profit de Sa Majesté, la garantie tenant lieu du moyen de transport au moment de la levée de la saisie n’est pas susceptible non plus de confiscation au profit de Sa Majesté. Le ministre ne peut pas alors réclamer de paiement, que le bien tenant lieu de confiscation soit les marchandises saisies, le moyen de transport saisi ou le montant ou la garantie fournis après leur saisie en vue d’une mainlevée à leur égard.

J’estime que, quels que soient les pouvoirs du ministre de garder une fraction des montants versés ou d’en réclamer le versement en vertu de la garantie fournie, au moment de la levée de la saisie d’un moyen de transport saisi antérieurement en vertu de l’article 110, ils ne comprennent pas celui de refuser la restitution de la totalité des montants versés ou de la garantie fournie lorsque cette restitution est demandée par les propriétaires de l’intégralité des droits sur le moyen de transport qu’on a jugés recevables à obtenir une ordonnance en vertu de l’article 139, puisque la saisie ne porte pas atteinte à leurs droits et que ces derniers ne sont pas susceptibles de confiscation.

Les circonstances diffèrent de celles où l’article 132 s’applique et où le ministre conclut qu’il n’y a pas eu infraction à la Loi, mais le résultat est le même en ce qui concerne le droit de la Couronne de réclamer la confiscation de marchandises ou d’un moyen de transport saisis ou de montants ou de garanties fournis pour remplacer les marchandises ou le moyen de transport saisis et faisant l’objet d’une mainlevée. En l’espèce, à la suite de la revendication des tiers, lorsque l’ordonnance visée à l’article 139 se rapporte à la totalité des droits sur les marchandises ou le moyen de transport saisis et que la saisie ne porte pas atteinte à ces droits, la Couronne n’a pas le droit de réclamer la confiscation à titre de pénalité en vertu de la Loi à l’encontre de ces droits des propriétaires.

Conclusion

En résumé, mes conclusions sont les suivantes.

Les demanderesses n’ont pas droit, en vertu de l’article 141 de la Loi, à la restitution de la lettre d’engagement fournie à titre de garantie pour remplacer le navire Hoegh Mary au moment de la levée de la saisie.

Les propriétaires, dont la créancière hypothécaire, après avoir obtenu une ordonnance conformément à l’article 139, possédaient tous les droits sur le navire, au moment de son utilisation en vue du transport des marchandises d’une manière qui, selon la décision du ministre, constituait une infraction à la Loi, et ces droits, auxquels il a été déclaré que la saisie ne portait pas atteinte, ne sont pas susceptibles de confiscation au profit de Sa Majesté. Le ministre n’avait donc pas le pouvoir de réclamer le paiement d’une créance de la Couronne ou d’un autre paiement dû à celle-ci à titre de pénalité contre la compagnie propriétaire, et Sa Majesté n’avait pas le droit de conserver à titre de confiscation la lettre d’engagement qui avait été fournie à titre de garantie au moment de la levée de la saisie du navire.

Dans leurs plaidoiries, les deux parties demandent que les dépens leur soient accordés, mais il n’en est fait aucunement mention dans le mémoire convenu susmentionné. Selon mes conclusions, les deux parties obtiennent gain de cause en partie, du moins officiellement. Je suis disposé à ne pas rendre d’ordonnance quant aux dépens, laissant chacune des parties supporter les siens, à moins que je sois convaincu du contraire après comparution des avocats des parties par écrit ou en personne sur demande déposée par l’une des parties au plus tard 21 jours suivant la date des présents motifs. Si l’une des parties signifie et dépose des observations écrites dans ce délai, l’autre partie pourra y répondre dans les dix jours suivant la signification des observations du requérant. Si une comparution en personne est souhaitée, on prendra des mesures à cet effet dans les meilleurs délais pour les avocats et la Cour.

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