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[1996] 3 C.F. 134

T-638-91

Clayton Charles Ruby (requérant)

c.

Le Solliciteur Général (intimé)

Répertorié : Ruby c. Canada (Solliciteur Général) (1re inst.)

Section de première instance, juge Simpson— Ottawa, 6 mars et 31 mai 1996.

Protection des renseignements personnels L’art. 51 de la Loi (qui prévoit des auditions à huis clos et la présentation d’arguments en l’absence d’une autre partie en cas de demande d’accès à des renseignements délicats) contrevient au droit à la liberté de la presse garanti par l’art. 2b) de la CharteDérogation justifiée en vertu de l’art. premier de la Charte.

Droit constitutionnel Charte des droits Clause limitative Loi sur la protection des renseignements personnelsL’art. 51 (qui prévoit des auditions à huis clos et la présentation d’arguments en l’absence d’une autre partie en cas de demande d’accès à des renseignements délicats) contrevient au droit à la liberté de la presse garanti par l’art. 2b) de la CharteDérogation justifiée en vertu de l’art. premierObjectif urgent et importantSatisfaction du critère de proportionnalité.

Renseignement de sécurité Dans le contexte d’une demande au SCRS visant l’accès à des renseignements délicats en vertu de l’art. 12 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les demandes d’exemption faites par le SCRS en vertu des art. 19, 21, 22 et 26 de la Loi, la constitutionnalité de l’art. 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est contestéeL’art. 51 (qui prévoit des auditions à huis clos et la présentation d’arguments en l’absence d’une autre partie en cas de demande d’accès à des renseignements délicats) contrevient au droit à la liberté de la presse garanti par l’art. 2b) de la Charte mais se justifie en vertu de son art. premier.

Le requérant a déposé une demande de renseignements en application du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour avoir accès à des documents contenant des renseignements personnels le concernant et figurant dans une banque de données du SCRS sur l’antiterrorisme. Le SCRS a demandé d’en être dispensé en vertu, entre autres, des articles 19 et 21 de la Loi. Quand le requérant a compris que le contrôle judiciaire qu’il avait demandé conformément à l’article 41 de la Loi se ferait conformément à l’article 51 de la Loi (à huis clos et en l’absence d’une autre partie), il a décidé, comme question préliminaire, de contester la constitutionnalité de l’alinéa 51(2)a) et du paragraphe 51(3). La Cour a conclu que les dispositions contestées portaient atteinte au droit à la liberté de la presse garanti par l’alinéa 2b) de la Charte.

La question en l’espèce, à laquelle n’a pas répondu la première décision, est celle de savoir si les dispositions contestées pouvaient se justifier au regard de l’article premier de la Charte.

Jugement : la contestation, par le requérant, de la constitutionnalité des décisions contestées, doit être rejetée.

L’article 51 ne joue que lorsque les exceptions demandées portent soit sur des renseignements qui sont reçus à titre confidentiel de gouvernements étrangers ou d’organisations internationales d’États, soit sur des renseignements qui porteraient éventuellement préjudice à la conduite des affaires internationales ou à la sécurité nationale. Lorsqu’un contrôle est régi par l’article 51 et que les exceptions prévues aux alinéas 19(1)a) ou b) ou à l’article 21 font partie de celles qui sont réclamées, un affidavit confidentiel doit être accepté et des preuves doivent être reçues en l’absence d’une autre partie. De même, le contrôle doit avoir lieu à huis clos.

Les principes relatifs à une analyse de l’article premier énoncés dans l’arrêt de la Cour suprême R. c. Oakes s’appliquent toujours mais doivent être considérés comme des critères ou des directives et non comme des impératifs : RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général).

(1) L’objectif que les dispositions contestées sont censées atteindre doit être suffisamment urgent et important pour justifier qu’on passe outre à un droit ou à une liberté protégée par la constitution. La preuve fournie par l’intimé (affidavit relatifs aux activités du SCRS, du ministère de la Défense nationale et du ministère des Affaires étrangères) montre que l’objectif consiste à éviter que les alliés du Canada et ses sources d’information ne recueillent l’impression qu’une divulgation de renseignements puisse, par inadvertance, survenir. Une telle impression compromettrait la position actuelle du Canada en matière d’accès aux sources de renseignements étrangères. D’après la preuve fournie, les dispositions contestées visent un objectif appréciable de nature importante et urgente.

(2) Il existe un lien rationnel entre les dispositions contestées et l’objectif. Une procédure à huis clos et des arguments présentés en l’absence d’une autre partie atténuent le risque de divulgation accidentelle d’une information délicate. Après avoir examiné la situation au Canada, en Australie et aux États-Unis, il faut conclure que les dispositions incriminées constituent une dérogation minimale au droit du requérant énoncé à l’alinéa 2b) de la Charte. Les dispositions répondent au critère énoncé pour la première fois dans l’arrêt Oakes et réaffirmé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dagenais c. Société Radio-Canada, à savoir qu’il doit y avoir un lien de proportionnalité entre les conséquences néfastes et les conséquences salutaires des mesures.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Archives Act 1983, No. 79, 1983 (Aust.), art. 44, 47.

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b), 7.

Exec. Order No. 12958, 60 Fed. Reg. 19825 (1995) (U.S.).

Freedom of Information Act, 5 U.S.C. § 552 (1994).

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 15.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 57 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21. art. 12(1), 16(2), 19, 21, 22, 23, 24 (mod. par L.C. 1994, ch. 26, art. 56), 25, 26, 27, 28, 41, 46(1), 51, 52.

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 12, 13 (mod. par L.C. 1995, ch. 5, art. 25), 14, 15, 16 (mod., idem), 17 (mod., idem), 18, 19 (mod., idem), 20, 39(1).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199; (1995), 127 D.L.R. (4th) 1; 100 C.C.C. (3d) 449; 62 C.P.R. (3d) 417; 31 C.R.R. (2d) 189; 187 N.R. 1; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; (1986), 26 D.L.R. (4th) 200; 24 C.C.C. (3d) 321; 50 C.R. (3d) 1; 19 C.R.R. 308; 14 O.A.C. 335; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; (1994), 120 D.L.R. (4th) 12; 94 C.C.C. (3d) 289; 34 C.R. (4th) 269; 25 C.R.R. (2d) 1; 175 N.R. 1; 76 O.A.C. 81.

DISTINCTION FAITE AVEC :

R. c. Durette, [1994] 1 R.C.S. 469; (1994), 28 C.R. (4th) 1.

DOCTRINE

Accès et renseignements personnels : Les prochaines étapes. Ottawa : Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1987.

Australie. Parliamentary Joint Committee on the Australian Security Intelligence Organization. ASIO and the Archives Act : The Effect on ASIO of the Operation of the Access Provisions of the Archives Act. Avril 1992.

Canada. Chambre des communes. Comité permanent de la Justice et des questions juridiques. Procès-verbaux et témoignages, fascicule no 94 (le 8 juin 1982).

Canada. Chambre des communes. Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général sur l’examen de la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Rapport : Une question à deux volets : Comment améliorer le droit d’accès à l’information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels. Ottawa : Imprimerie de la Reine, 1987.

United States. Department of Justice. Guide to the Freedom of Information Act. U.S.G.P.O., 1995.

QUESTION CONSTITUTIONNELLE — Dans le contexte du contrôle judiciaire du refus d’une demande faite au SCRS en vue d’obtenir des renseignements aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels , deuxième volet (analyse selon l’article premier de la Charte) de la question de la validité constitutionnelle de l’alinéa 51(2)a) et du paragraphe 51(3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à l’égard desquels, dans une première affaire (Ruby c. Canada (Solliciteur général) (1994), 22 C.R.R. (2d) 324; 80 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.)), il avait été conclu qu’ils contrevenaient au droit à la liberté de la presse garanti par l’alinéa 2b) de la Charte. La contestation de la validité constitutionnelle des dispositions visées est rejetée.

AVOCATS :

Jill Copeland pour le requérant.

Barbara A. McIsaac, c.r. pour l’intimé.

PROCUREURS :

Ruby & Edwardh, Toronto, pour le requérant.

McCarthy Tétrault, Ottawa, pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Simpson :

CONTEXTE

La présente affaire a été engagée suite à une demande de renseignements datée du 22 mars 1988, présentée par Clayton Ruby (le requérant) au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), en application du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21 (la Loi). Le requérant voulait avoir accès aux renseignements personnels le concernant (les renseignements) figurant au fichier SIS/P-PUO10 (fichier 10) dont le SCRS assure la surveillance et qui est décrit dans l’affidavit donné sous serment par Robert MacEwan le 18 février 1993 (affidavit MacEwan), en sa qualité de directeur général de l’antiterrorisme au SCRS. Comme le dit MacEwan dans son affidavit, le fichier 10 renferme des renseignements délicats et courants d’ordre opérationnel relatifs à des individus que l’on peut soupçonner, pour des motifs raisonnables, de se livrer à des activités directement liées à l’espionnage ou au sabotage et de nature hostile ou préjudiciable aux intérêts du Canada. Bien que la demande du requérant ne portât que sur le fichier 10, le SCRS y a donné suite en tenant compte également des informations conservées dans le fichier de renseignements personnels SIS/P-PU-015 (fichier 15), lequel, toujours selon l’affidavit MacEwan, contient des informations semblables à celles du fichier 10, mais moins courantes et délicates.

Le requérant a obtenu des renseignements du fichier 15 avant aussi bien qu’après l’intervention du Commissaire à la protection de la vie privée. Mais, le SCRS a demandé, en vertu des articles 19, 21, et des alinéas 22(1)a) et b) de la Loi, d’être dispensé de communiquer le reste des informations reposant au fichier 15 que le requérant ne peut toujours pas obtenir. En ce qui concerne le fichier 10, le SCRS, se fondant sur le paragraphe 16(2) de la Loi, a refusé de confirmer ou de nier l’existence des renseignements en question. Il a également déclaré qu’au cas où ces renseignements existent au fichier 10, il invoquera les exceptions prévues aux articles 19, 21, 22 et 26 de la Loi.

Le requérant n’accepte, en l’espèce, aucune des exceptions invoquées par le SCRS et a demandé un contrôle judiciaire conformément à l’article 41 de la Loi (le contrôle). Du fait que les exceptions dont se prévaut le SCRS en comprennent d’autres qui font l’objet des articles 19 et 21 de la Loi, le contrôle doit se faire en conformité avec l’article 51 de la Loi (l’article 51).

Le contrôle n’a pas encore eu lieu du fait que, par avis daté du 29 avril 1994 et déposé conformément à l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19], le requérant a contesté la constitutionnalité de l’article 51, en particulier en ce qui a trait aux auditions à huis clos et en l’absence d’une partie, dont il est question à l’alinéa 51(2)a) et au paragraphe 51(3) (les dispositions contestées).

J’ai conclu, dans ma décision du 6 juin 1994 [(1994), 22 C.R.R. (2d) 324], que les dispositions contestées portent atteinte au droit à la liberté de presse énoncé à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), apendice II, no 44]]. J’ai maintenant modifié cette décision à la page 10 pour préciser que seuls étaient incriminés l’alinéa 51(2)a) et le paragraphe 51(3). Une copie du texte modificateur de l’ordonnance est jointe aux présents et en fait partie intégrante (voir l’annexe « A »)*.

À la demande des avocats des parties, j’ai remis, pour discussion ultérieure, la question de savoir si les dispositions contestées se justifiaient au regard de l’article premier de la Charte (article premier). L’intimé a choisi de poursuivre la question de l’article premier qui devait être plaidée en septembre 1995. En raison toutefois du dépôt tardif des documents du requérant, l’audition a été ajournée à la demande de l’intimé et elle a eu lieu le 6 mars 1996. Par conséquent, cette partie des motifs porte sur l’article premier et les dépens.

Je devrais signaler qu’un autre dossier portant le numéro T-867-90 fait également l’objet du contrôle. Cependant, les dispositions contestées ne sont pas en cause dans ce dossier-là et les présents motifs ne s’appliquent pas à ce cas.

INSTRUMENTS LÉGISLATIFS

L’article 51 de la Loi s’énonce ainsi :

51. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas où le refus de donner communication de renseignements personnels est lié aux alinéas 19(1)a) ou b) ou à l’article 21 et sur les cas concernant la présence des dossiers dans chacun desquels dominent des renseignements visés à l’article 21 dans des fichiers inconsultables classés comme tels en vertu de l’article 18 sont exercés devant le juge en chef adjoint de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu’il charge de leur audition.

(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l’objet d’une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la capitale nationale définie à l’annexe de la Loi sur la capitale nationale si le responsable de l’institution fédérale concernée le demande.

(3) Le responsable de l’institution fédérale concernée a, au cours des auditions en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l’absence d’une autre partie. [Non souligné dans le texte original.]

La Loi renferme tout un éventail d’exceptions justifiant la non-divulgation de renseignements personnels. De façon générale cependant, l’article 51 ne joue que lorsque les exceptions demandées portent soit sur des renseignements qui sont reçus à titre confidentiel de gouvernements étrangers ou d’organisations internationales d’États, soit qui porteraient éventuellement préjudice à la conduite des affaires internationales ou à la sécurité nationale. Ces exceptions se trouvent aux alinéas 19(1)a) et b) et à l’article 21 de la Loi.

Les alinéas 19(1)a) et b) prévoient des exceptions obligatoires et s’énoncent ainsi :

19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) qui ont été obtenus à titre confidentiel :

a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;

b) des organisations internationales d’États ou de leurs organismes; [Non souligné dans le texte original.]

L’article 21 accorde un pouvoir discrétionnaire de non-divulgation de renseignements dans les termes suivants :

21. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada, au sens du paragraphe 15(2) de la Loi sur l’accès à l’information, ou à ses efforts de détection, de prévention ou de répression d’activités hostiles ou subversives, au sens du paragraphe 15(2) de la même loi, notamment les renseignements visés à ses alinéas 15(1)a) à i). [Non souligné dans le texte original.]

Je qualifierai, ci-après, de « renseignements délicats », les renseignements exemptés aux termes des alinéas 19(1)a) et b) et de l’article 21 de la Loi. L’article 21 fait référence à l’article 15 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (la Loi sur l’accès). Pour compléter le dossier, cette disposition est jointe aux présents (voir annexe « B »). Elle traite de renseignements relatifs à des questions comme les opérations militaires, l’équipement de défense, la détection des activités subversives, les négociations internationales, la correspondance et les communications diplomatiques ainsi que les systèmes de collecte de renseignements.

D’autres exceptions figurent aux alinéas 19(1)c) et d) et aux articles 22 à 28 de la Loi [article 24 (mod. par L.C. 1994, ch. 26, art. 56)]; elles traitent des renseignements obtenus à titre confidentiel de gouvernements provinciaux ou d’administrations municipales ou qui se rapportent à des enquêtes policières, à l’application d’une loi provinciale, à des menaces à la sécurité du Canada, à des enquêtes de sécurité ou à des rapports relatifs à la libération conditionnelle, lorsque la communication de tels renseignements est de nature à causer vraisemblablement des préjudices déterminés. Ces mêmes dispositions prévoient la non-communication de renseignements qui risquent de nuire à la sécurité d’autrui, de révéler des renseignements sur des tiers ou d’enfreindre le secret professionnel qui lie un avocat à son client. Quant aux dossiers médicaux, la communication de renseignements peut être refusée au cas où leur divulgation desservirait le requérant. Les dispositions obligatoires prévues à l’article 51 concernant la tenue d’audiences à huis clos ou en l’absence d’une partie, ne s’appliquent pas aux audiences portant sur le bien-fondé des plaintes relatives à ces exceptions; c’est le paragraphe 46(1) qui s’applique plutôt. Il dispose que le juge, saisi d’un recours contre des exceptions (autres que celles indiquées aux alinéas 19(1)a) et b) et à l’article 21), peut, à sa discrétion, tenir des audiences à huis clos ou en l’absence d’une partie.

Le paragraphe 46(1) s’énonce comme suit :

46. (1) À l’occasion des procédures relatives aux recours prévus aux articles 41, 42 ou 43, la Cour prend toutes les précautions possibles, notamment, si c’est indiqué, par la tenue d’audiences à huis clos et l’audition d’arguments en l’absence d’une partie, pour éviter que ne soient divulgués de par son propre fait ou celui de quiconque :

a) des renseignements qui justifient un refus de communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) ou de renseignements contenus dans un document demandé sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information;

b) des renseignements faisant état de l’existence de renseignements personnels que le responsable d’une institution fédérale a refusé de communiquer sans indiquer s’ils existaient ou non.

LE CONTEXTE PRATIQUE

La procédure de contrôle prévue à l’article 41 de la Loi est engagée par un avis de demande d’accès. On m’informe que, typiquement, la demande est appuyée par un affidavit qui est déposé au greffe. En l’espèce, l’affidavit MacEwan joue ce rôle. Il fait, en termes généraux, l’historique de la demande du requérant visant l’accès à son dossier personnel et ce qu’il a réussi à obtenir à cet égard. Il décrit les fichiers de renseignements pertinents et leur contenu et s’emploie à justifier la collecte des données qu’ils renferment en expliquant pourquoi les informations qu’on n’a pas fournies au requérant sont inconsultables et quelle sorte de préjudice leur divulgation peut entraîner.

Tout au long de l’affidavit MacEwan, mention est faite d’un affidavit secret (l’affidavit secret), que M. MacEwan a fait sous serment et que l’avocat de l’intimé envisage de produire en tablant sur le fait qu’il doit être accepté comme des observations faites en l’absence d’une partie, comme le prévoit le paragraphe 51(3) de la Loi. En attendant que soit tranchée la question constitutionnelle, l’affidavit secret n’a pas été déposé. Cependant, selon l’affidavit MacEwan, l’affidavit secret comprendra, en annexe, tous les renseignements du fichier 15 pour lesquels une exception est réclamée et chacun d’eux figurera en regard de l’exception correspondante. De même, l’affidavit secret indiquera si le fichier 10 renferme effectivement des renseignements sur le requérant et, dans l’affirmative, ceux-ci y seront annexés avec les exceptions pertinentes accompagnées de leur justification.

Au début d’une procédure de contrôle à laquelle l’article 51 ne s’applique pas, l’avocat de l’intimé déposerait vraisemblablement au greffe un affidavit faisant l’historique de la demande. Il expliquerait ensuite en quoi consiste généralement les exceptions requises et les renseignements demandés. Il pourrait, à tout moment, demander au juge chargé du contrôle d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’interdire la salle au public, d’accepter un affidavit secret ou, autrement, des observations à huis clos ou en l’absence d’une partie, conformément à l’article 46 de la Loi. La seule différence d’avec un contrôle régi par l’article 51 tient au fait que les exceptions prévues aux alinéas 19(1)a) et b) ou à l’article 21 font partie de celles qui sont réclamées et, partant, un affidavit confidentiel doit être accepté et des preuves doivent être reçues en l’absence d’une autre partie. De même, le contrôle doit avoir lieu à huis clos.

L’ARTICLE PREMIER DE LA CHARTE

J’aborde l’analyse qui suit à la lumière de l’arrêt que la Cour suprême du Canada vient récemment de rendre dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199 (RJR). Me fondant là-dessus, j’ai conclu que les principes relatifs à une analyse dans le cadre de l’article premier, tels qu’énoncés dans l’arrêt de la Cour suprême R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 (Oakes) doivent être considérés comme des critères ou des directives et non comme des impératifs. Je note, en outre, que je dois faire preuve de souplesse et de réalisme doublés de bon sens, de façon que l’intuition et le raisonnement déductif jouent un rôle dans l’application de la norme habituelle régissant la preuve civile. Finalement, une justification raisonnée et démontrée s’impose. Compte tenu de tout ce qui précède, j’en viens aux facteurs énoncés dans Oakes, dans la mesure où ils se rapportent au cas présent.

i)          Objectif urgent et important

L’objectif que les dispositions contestées sont censées atteindre doit être suffisamment urgent et important pour justifier qu’on passe outre à un droit ou à une liberté protégés par la constitution. Prise dans son ensemble, la preuve fournie par l’intimé montre que l’objectif en question consiste à éviter que les alliés du Canada et ses sources d’information ne recueillent l’impression qu’une divulgation de renseignements délicats puisse, par inadvertance, survenir (l’objectif); une telle impression compromettrait la position actuelle du Canada en matière d’accès aux sources de renseignement étrangères.

En plus de l’affidavit MacEwan, l’intimé a déposé cinq autres affidavits concernant l’article premier. Ils portaient sur les opérations du SCRS, de la GRC, du ministère de la Défense nationale et de celui des Affaires extérieures (aujourd’hui les Affaires étrangères). Seul M. MacEwan a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit. Je vais décrire tour à tour chacun des affidavits additionnels.

a)         Le SCRS

L’affidavit de Margaret Ann Purdy est daté du 31 octobre 1994 (l’affidavit Purdy). Elle venait d’être nommée au poste de directrice générale de l’antiterrorisme dont elle avait été précédemment la directrice générale adjointe. Elle décrit son emploi antérieur en ces termes :

[traduction] 2. De 1975 à 1980 et, par la suite, de 1982 à 1988, j’étais attachée à la direction générale de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à titre de membre civil œuvrant dans les domaines de la protection policière, de la sécurité nationale et des renseignements et enquêtes criminels. De 1988 à 1990, j’étais conseillère principale au bureau de l’inspecteur général du SCRS, ministère du Solliciteur général. Je suis devenue une employée du SCRS en avril 1992.

Au troisième paragraphe de son affidavit, Mme Purdy dit également que [traduction] « ses rapports avec les gouvernements et les organismes étrangers portaient tant sur l’échange de renseignements d’ordre criminel que sur les renseignements touchant la sécurité du Canada et le terrorisme international ». À ce titre, elle s’occupait habituellement de l’échange de renseignements d’une part entre les gouvernements et les corps policiers et les organismes de sécurité étrangers, et de l’autre, avec le SCRS.

L’affidavit Purdy décrit le mandat du SCRS en précisant que celui-ci a pour mission de recueillir et de conserver les renseignements sur les activités dont on soupçonne qu’elles constituent des menaces pour la sécurité du Canada. Ces menaces sont définies aux articles 12 à 20 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23 (la Loi sur le SCRS) [articles 13, 16, 17 et 19 modifiés par L.C. 1995, ch. 5, art. 25]. Dans l’exercice de son mandat et sous réserve des approbations et consultations prescrites, le SCRS peut, aux termes de l’alinéa 17(1)b) de la Loi sur le SCRC, conclure, comme il l’a déjà fait, des ententes de coopération prévoyant notamment l’échange de renseignements avec des gouvernements et des organismes étrangers ainsi qu’avec des organisations internationales d’États.

Selon le paragraphe 14 de l’affidavit Purdy, le SCRS reçoit des renseignements délicats qui sont [traduction] « invariablement obtenus à titre confidentiel, étant explicitement ou implicitement entendu que ni ces renseignements ni leur origine ne seront dévoilés sans le consentement préalable de l’entité qui les a fournis ». Mme Purdy indique ensuite que ce principe, largement répandu parmi les corps de police et les organismes du renseignement de sécurité, porte le nom de [traduction] « règle de la tierce partie ». Le SCRS se conforme à ce principe lorsqu’il communique ou reçoit des renseignements.

L’affidavit Purdy dit encore que si le SCRS obtient des renseignements délicats, ce n’est pas uniquement à cause de la règle de la tierce partie qui exige de lui le respect de leur caractère confidentiel, mais aussi parce que les sources d’information sont confiantes que le gouvernement canadien comprend que la confidentialité de l’information est nécessaire et qu’il a mis en place des pratiques et des procédures pour la sauvegarder. Mme Purdy est persuadée que les sources d’information canadiennes sont au courant des mesures de protection garanties par l’article 51. Pour conclure sur ce sujet, l’affidavit Purdy indique aux paragraphes 18, 19, 23, 25, 26 et 29 que Mme Purdy est d’avis que si ces entités venaient à perdre confiance dans l’engagement ou la capacité du SCRS et du gouvernement canadien à protéger de tels renseignements délicats, l’aptitude du SCRS à recueillir à l’avenir pareilles informations et à remplir son mandat, serait gravement compromise.

Mme Purdy croit que si l’on ne peut plus se prévaloir, au cours d’une procédure de contrôle judiciaire, de l’article 51 en tant que mesure de sauvegarde obligatoire contre la divulgation accidentelle de renseignements délicats, le SCRS pourrait être mis dans l’obligation d’informer ses alliés et associés que son aptitude à protéger leurs renseignements a été amoindrie. Il est raisonnable, dit-elle, de s’attendre à des réactions variées de la part de nos alliés quant à la suppression des dispositions obligatoires de l’article 51. Certains d’entre eux mettront peut-être fin à leur alliance ou association avec nous; d’autres pourraient la maintenir tout en manifestant une certaine réticence à ne rien cacher. À son avis, l’absence de dispositions obligatoires tendrait également à décourager de nouveaux alliés et partenaires d’établir avec nous des relations. En tout état de cause, toute diminution de la protection relative aux renseignements délicats se refléterait négativement sur les courants et la qualité de ces informations, et il est nécessaire de contribuer à assurer la sécurité et la défense du Canada et de ses alliés et partenaires.

De l’avis de Mme Purdy, il faut protéger les renseignements de nature à identifier les individus qui en sont la source ou qui font l’objet d’enquêtes ou à compromettre l’aptitude du SCRS à remplir le mandat que le Parlement lui a confié par la Loi sur le SCRS. Elle souligne ensuite que si le SCRS n’est plus aussi apte qu’auparavant à recueillir des renseignements délicats, sa capacité à détecter, prévenir ou réprimer les activités hostiles ou subversives est compromise tout autant que la sécurité des Canadiens.

b)         La GRC

François M. J. Hummel a déposé un affidavit sous serment le 4 novembre 1994 (l’affidavit Hummel). Il occupait à ce moment-là les fonctions de surintendant à la GRC, chargé également de la sous-direction des liaisons internationales de police, Direction de l’immigration et des services à l’étranger. Il a décrit ses fonctions actuelles et passées aux paragraphes 2 et 10 de son affidavit dans les termes suivants :

[traduction] 2. Je suis chargé de la gestion des activités de la GRC liées à l’Organisation internationale de la police criminelle (OIPC), communément appelée Interpol, des projets concernant les services extérieurs, du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) et de l’interface du National Law Enforcement Telecommunications System (NLETS) et du (Système automatisé d’échange d’informations policières entre le Canada et les États-Unis (ACUPIES)). Je surveille également les opérations outre-mer de nos agents de liaison en poste à l’étranger.

10. Dans mes fonctions antérieures, j’ai fréquemment traité, et traite encore, avec des représentants de gouvernements étrangers ainsi que des corps de police et des organismes de sécurité étrangers en matière d’échanges d’informations entre ces organismes et la GRC. Les informations en question portent sur des activités criminelles et le terrorisme international. Durant mon affectation à Berne (Suisse) de 1980 à 1984, je me suis occupé des renseignements touchant la sécurité du Canada.

L’affidavit Hummel décrit le large mandat dont jouit la GRC pour connaître des questions qui comprennent notamment la répression des drogues, les délits d’ordre économique et informatique, les questions relatives aux douanes et à l’immigration ainsi que la contrefaçon. La GRC est aussi le Bureau central national pour le Canada à l’Organisation internationale de la police criminelle, autrement appelée Interpol. Elle est également chargée de remplir les fonctions d’agent de la paix à l’égard des comportements qui constituent une menace pour la sécurité du pays aux termes de la Loi sur le SCRS.

L’affidavit précise que, pour la plupart de ses activités, la GRC doit obtenir de l’information et des renseignements de l’extérieur. À cette fin, elle a conclu des ententes avec des corps de police, des organismes et des gouvernements étrangers ainsi que des organisations internationales comme Interpol. Ces ententes reposent sur le principe que les renseignements échangés resteront confidentiels.

Quant à l’importance de l’article 51, M. Hummel a témoigné comme il suit au paragraphe 32 de son affidavit :

[traduction] À défaut de pouvoir invoquer l’article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, en tant que méthode assurée de révision judiciaire d’informations obtenues à titre confidentiel de la part d’organismes policiers étrangers, préalablement à une divulgation possible de ces informations, la GRC se trouverait dans la situation de devoir informer ces organismes étrangers dont elle reçoit des renseignements policiers ou liés à la sécurité, que son aptitude à protéger le caractère confidentiel de tels renseignements a été réduite. Comme on l’a dit plus haut, cela peut interrompre le flot d’informations ou réduire la communication d’informations utiles.

c)         Le ministère de la Défense nationale

L’affidavit du brigadier général Barry Wayne Ashton (Ashton) a été fait sous serment le 7 novembre 1994 (l’affidavit Ashton). À ce moment-là, Ashton était le directeur général, plans et opérations militaires/chef d’État major J3 au quartier général des forces armées canadiennes au ministère de la Défense nationale. Entre autres fonctions, Ashton exerçait la direction et le contrôle des opérations militaires des Forces canadiennes (FC), ce qui comprenait notamment la planification et le déploiement effectif de nos forces dans le cadre d’opérations canadiennes aussi bien au Canada qu’à l’étranger. Ashton était également chargé du déploiement des Forces canadiennes pour venir en aide à la GRC. Cette assistance est habituellement fournie pour les opérations de lutte contre les stupéfiants mettant en cause l’importation illégale de ces substances par voie aérienne ou maritime.

L’échange d’informations entre des forces armées coopérantes faisait partie des fonctions d’Ashton, lequel a affirmé que certains renseignements portant sur la technologie, la stratégie, la tactique et les opérations étaient de nature délicate et que leur divulgation aurait pu mettre en danger la vie du personnel des services armés. Il a également déposé que l’échange de renseignements se faisait à titre confidentiel, étant entendu que ceux-ci ne seraient communiqués qu’à ceux qui avaient besoin d’en prendre connaissance. Sa conclusion au sujet de l’importance de l’article 51 fait l’objet, dans son affidavit, des paragraphes 15 et 16 que voici :

[traduction] 15. Le contrôle judiciaire du refus de divulguer certains renseignements communiqués « à titre confidentiel » par des sources militaires étrangères tel que prévu dans la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, devrait, à mon avis, limiter absolument le nombre des personnes qui ont accès aux informations détaillées que l’on cherche à obtenir. Une procédure de contrôle en justice qui donnerait à un plus grand nombre d’individus le droit d’accès à ces renseignements et qui pourrait entraîner leur divulgation dans le public, aurait pour conséquence quasi certaine de restreindre, sinon d’écarter complètement, la possibilité que le Canada obtienne à l’avenir ces renseignements de pays qui partagent sa même ligne de pensée.

16. La capacité des Forces armées du Canada à remplir nos engagements envers nos alliés et à procéder à des opérations et à des manœuvres avec nos partenaires de l’alliance ou d’autres forces armées, serait gravement limitée si les Forces canadiennes n’avaient pas facilement accès à ces informations ou renseignements. En outre, les missions canadiennes et leur personnel seraient compromis s’ils ne pouvaient obtenir à temps des renseignements détaillés de sources alliées concernant les risques que courent les membres des Forces canadiennes là où elles sont ou peuvent être déployées.

d)         Le ministère des Affaires étrangères

i) Dans l’affidavit donné sous serment le 9 novembre 1994 (l’affidavit Bowker), Alan Franklin Bowker a déclaré qu’il avait été au service du ministère des Affaires étrangères (MAE) pendant 21 ans en tant qu’agent du service extérieur et qu’il connaissait en détail les rouages et les impératifs politiques de presque tous les secteurs du MAE. Au moment où il a déposé son affidavit sous serment, il était le coordonnateur en matière d’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels.

M. Bowker a souligné dans son affidavit combien il importait que le MAE dispose d’un courant continu de renseignements sur les événements d’ordre politique, militaire, économique et commercial. Il a fait observer que l’information obtenue, à titre officiel ou officieux, de gouvernements étrangers et d’organisations internationales revêtait une importance critique pour la conduite efficace des relations extérieures du Canada. De plus, a-t-il noté, la pratique et l’usage internationaux prescrivent que de tels renseignements soient obtenus sous le sceau de la confidentialité, à moins d’une entente expresse prévoyant le contraire.

De l’avis de M. Bowker, toute atteinte à l’aptitude du Canada à protéger les renseignements confidentiels obtenus de gouvernements étrangers, se reflétera sur la bonne volonté de ceux-ci à échanger avec nous des renseignements de nature délicate. Il a soutenu que notre capacité de protéger l’information confidentielle que nous recevons ne doit souffrir aucune réserve et être perçue comme telle. Il a opiné en disant qu’un système procédural susceptible de mener à la divulgation involontaire de renseignements délicats ou de leur source ou des deux à la fois, ébranlerait considérablement la confiance des pays étrangers quant à la capacité du Canada à protéger de tels renseignements.

M. Bowker a poursuivi en observant, dans les termes suivants, que le Canada est un importateur net d’information :

[traduction] 14. Le Canada n’est pas une grande puissance. Il n’a pas la même capacité de recueillir et d’évaluer l’information que les États-Unis, le Royaume-Uni ou la France, par exemple. Il ne peut offrir en échange le même volume et la même qualité de renseignements qu’il obtient des pays qui sont sa principale source d’information. Si la confiance de ces partenaires dans notre aptitude à protéger ces renseignements venait à être ébranlée, le fait que nous soyons une source d’information relativement moins importante que d’autres accroît le risque que les portes d’accès aux renseignements délicats nous soient fermées.

15. D’autres gouvernements qui fournissent au Canada de l’information, y compris des données personnelles, savent que le Canada s’est doté de lois sur la protection des renseignements personnels et l’accès à l’information. Le gouvernement canadien peut appeler leur attention sur les articles 19 et 21 de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour leur assurer que les renseignements obtenus d’un gouvernement à titre confidentiel, ainsi que l’information dont la communication serait préjudiciable à la conduite des relations internationales, peuvent être protégés par cette Loi. Ces gouvernements sont au courant que tout refus par le gouvernement du Canada de donner suite à une demande de communication de renseignements personnels peut être contesté devant la justice canadienne. Ils n’ignorent pas non plus que le système judiciaire canadien étant essentiellement public, le risque est là qu’une telle information puisse être divulguée involontairement ou parce qu’elle est incidemment nécessaire pour trancher des questions en litige. Les dispositions de l’article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoyant la tenue obligatoire d’auditions à huis clos ainsi que le droit de présenter des observations en l’absence d’une partie, garantissent que pareille divulgation ne surviendra pas et le gouvernement canadien peut s’en prévaloir pour assurer les États étrangers qu’aucune information délicate ne sera divulguée par inadvertance. À défaut de ces sauvegardes supplémentaires d’ordre procédural, les protections substantives objet des articles 19 et 21 de la Loi perdraient largement de leur valeur. La confiance des gouvernements étrangers ne serait plus la même, car si le Canada peut donner l’assurance qu’une demande visant à obtenir ce genre d’information pourrait être et serait rejetée en vertu de la loi canadienne, il ne pourrait garantir que l’information serait nécessairement protégée contre une divulgation involontaire survenant au cours d’une audition.

ii) Le professeur John M. Fraser, ancien agent du service extérieur canadien, a déposé un affidavit sous serment le 16 novembre 1994 (l’affidavit Fraser). Il était à ce moment-là professeur adjoint et conférencier de session à l’université Carleton à Ottawa. De 1987 à 1992, cependant, le professeur Fraser occupait le poste de directeur général à la Direction du renseignement extérieur au ministère des Affaires extérieures. Auparavant, il était ambassadeur en Yougoslavie accrédité simultanément auprès de la Bulgarie, et ambassadeur en Pologne accrédité auprès de la République démocratique allemande. C’est durant cette période que des changements importants sont survenus en Pologne avec la fondation du Syndicat solidarité, l’imposition de la loi martiale et son retrait subséquent. Dans ses affectations antérieures à 1980, M. Fraser a eu affaire avec des pays s’étalant géographiquement de la Lybie à l’Iran. C’était une période agitée qu’il a décrite en ces termes :

[traduction] 7. … Les événements qui se sont succédés durant mon affectation à ce titre comprenaient notamment la visite du président Sadat à Jérusalem et les accords subséquents de Camp David, la chute du Shah d’Iran, l’arrivée au pouvoir de l’Ayatollah Khomeini et l’occupation de l’ambassade américaine à Téhéran. Je me suis occupé de questions concernant le vote du Canada sur d’innombrables résolutions touchant le Moyen-Orient à l’assemblée générale des Nations Unies, l’élaboration (de concert avec le ministère de l’Industrie et du Commerce) de la politique gouvernementale relative au boycottage arabe d’Israël ainsi que des mesures visant à décourager ou empêcher les sociétés canadiennes de respecter ce boycottage.

Antérieurement, M. Fraser a procédé, à titre de chargé d’affaires, à l’installation de l’ambassade canadienne en République populaire de Chine.

L’annexe « A » de l’affidavit Fraser n’est autre que le rapport du professeur Fraser (le rapport Fraser) qui s’appuie sur la grande expérience de son auteur et traite de la collecte et de l’échange d’informations diplomatiques et de renseignements dans la communauté internationale. Ce rapport souligne les points suivants :

[traduction] 4. A. En dépit d’une tendance vers une plus grande ouverture et de la publication d’un nombre considérable d’ouvrages sur la diplomatie, le renseignement et la sécurité, la confidentialité est toujours une caractéristique fondamentale et nécessaire à ces trois champs d’activité.

B. La protection des sources et des méthodes est au cœur même des exigences propres aux organismes chargés de la sécurité et du renseignement dans tous les pays. La protection des sources revêt également une très grande importance dans les comptes rendus diplomatiques.

C. La protection assurée des informations obtenues à titre confidentiel de la part d’autres gouvernements est une condition préalable pour que ceux-ci continuent, de bon gré, à fournir de telles informations.

D. L’échange d’informations et d’évaluations avec nos principaux alliés et autres pays amis est d’un très grand intérêt pour la sécurité et le renseignement ainsi que la politique étrangère du Canada. Dans l’un et l’autre domaine, le Canada reçoit beaucoup plus qu’il ne contribue.

E. L’existence et l’application de nos lois sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels ont suscité de l’inquiétude chez certains de nos alliés avec qui nous échangeons des renseignements quant à notre aptitude à assurer la protection de l’information qu’ils nous fournissent à titre confidentiel. Toute perception de faiblesse à cet égard pourrait entraîner une certaine hésitation de leur part à nous fournir des renseignements délicats et se traduirait probablement par une réduction du nombre, de la qualité ou des deux à la fois, de l’information qu’ils étaient disposés à partager.

18. Un manque de protection à l’égard de tout genre d’information obtenue à titre confidentiel, ou l’affaiblissement de la protection légale ou structurelle contre la divulgation, minerait la volonté de nos partenaires à partager des renseignements avec le Canada, ce qui ne veut pas dire qu’un arrêt total et immédiat des échanges s’ensuivra. À moins que le manquement n’ait été extrêmement sérieux, les inquiétudes quant à notre capacité de protéger l’information se traduirait probablement par le tarissement des renseignements auxquels le Canada a accès et ce, à notre insu peut-être. Il serait difficile de vérifier cela car on ne connaît pas ce que l’on n’obtient pas.

19. En matière de renseignement et d’échanges diplomatiques confidentiels, les réactions à la divulgation ou à la possibilité que des renseignements de nature délicate qui nous sont communiqués à titre confidentiel puissent être révélés, n’ont pas grand-chose à voir avec le contenu de ces renseignements. La perception que nous ayons été un confident moins fiable qu’à l’heure actuelle suffirait pour que les hauts responsables d’autres pays hésitent à parler franchement aux diplomates canadiens et que les organismes de renseignements étrangers passent au crible les renseignements qu’ils nous communiquent de peur d’être éventuellement compromis.

23. D’autres pays échangent avec nous des informations et des renseignements parce qu’ils estiment qu’ils ont intérêt à le faire. Dans presque tous les cas, ils jugeraient utile de partager avec nous un certain nombre de renseignements, mais leur évaluation des risques et des avantages pourrait bien différer souvent, s’ils estiment que nous ne sommes potentiellement pas fiables eu égard à notre aptitude à assurer la protection des renseignements qu’ils nous communiquent à titre confidentiel.

26. Les alliés avec qui nous échangeons des renseignements sont bien au courant de nos lois sur l’accès à l’information et sur la protection des renseignements personnels et ils sont rassurés, jusqu’à un certain point, par les dispositions qui exceptent les informations obtenues de gouvernements étrangers à titre confidentiel, ou dont la divulgation pourrait porter préjudice aux relations étrangères du Canada. Le fait que des audiences à huis clos et en l’absence d’une partie soient obligatoires dans des cas semblables à celui-ci contribue à les rassurer encore plus, surtout en ce qui concerne le danger de divulgation accidentelle. Ils ne sont pas entièrement rassurés cependant. Certains d’entre eux ont dit leur inquiétude quant à la possibilité de divulgation; d’autres ont eu recours à divers moyens, en apposant, par exemple, sur les documents qu’ils nous transmettent la mention « PROPRIÉTÉ DU GOUVERNEMENT ________________________ », afin de réduire encore plus le risque.

27. Il est certain que toute atteinte à notre capacité d’assurer la protection des informations qu’ils nous communiquent à titre confidentiel ne passera pas inaperçue. Si les audiences à huis clos et en l’absence d’une partie perdent leur caractère obligatoire pour ne dépendre que de la discrétion du tribunal au cas par cas, nos alliés verraient là certainement un affaiblissement appréciable, quoique léger dans la plupart des cas, de notre aptitude à assurer cette protection. Bien que chacun admette que des fuites, des indiscrétions et d’autres brèches à la sécurité puissent survenir, quelle que soit la portée des mesures visant à les empêcher (et aucun pays n’en a été probablement exempt), cela n’atténue pas l’importance que nos alliés et nos partenaires attachent à la mise en place d’autant d’obstacles que possible pour protéger les renseignements délicats contre toute divulgation accidentelle ou délibérée. L’article 51 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives analogues forment une catégorie importante d’obstacles à cet égard.

Après étude des affidavits, on a appelé mon attention sur les Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent de la Justice et des questions juridiques du 8 juin 1982[1]. À ce moment-là, l’article 53 du projet de la Loi sur la protection des renseignements personnels (aujourd’hui, l’article 51 de la Loi) faisait l’objet d’étude et l’honorable Francis Fox, alors ministre des Communications, a déclaré ce qui suit :

… Monsieur le président, voici une modification relative aux demandes et à l’accès aux documents qui ont trait aux Affaires extérieures et à la Défense. Il est question ici de certains des documents qui sont le plus délicats et touchent de près l’intérêt national du Canada.

Les propositions que vous avez sous les yeux garantiraient que toute révision de refus, si un tel refus se fondait sur ces propositions, seraient faites selon une série de règles spéciales établies par la motion, et qui empêcheraient que l’un quelconque de ces documents dont l’accès avait été refusé devienne public accidentellement. Si le juge, bien sûr, conclut qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de refus de la part du ministre, les documents seraient alors rendus publics.

En attentant cette décision, ces modifications serviraient à garantir que l’audience soit tenue à huis clos, que l’audience ait lieu en présence du juge en chef associé de la Cour fédérale ou de son remplaçant désigné. Et que la chose soit entendue dans la région de la Capitale nationale, si l’établissement qui refuse le demande. Grâce à ces garanties, nous n’aurions pas à envoyer des documents de portée particulièrement délicate dans tous les coins du pays. Elles visent aussi à assurer que le tribunal permette que des représentations soient faites ex parte, là où le chef du service gouvernemental le demande, ce qui veut dire au fond qu’au cours de l’audience à huis clos, le chef du service gouvernemental pourrait faire des représentations au juge désigné faisant état de ces motifs raisonnables de croire que la divulgation des documents irait à l’encontre de l’intérêt du pays. [Non souligné dans le texte original.]

Considérant l’ensemble des preuves qu’on vient de décrire, je n’ai aucune difficulté à conclure que les dispositions contestées visent un objectif appréciable de nature importante et urgente.

ii)         Proportionnalité

a)         Lien rationnel

J’ai également conclu à l’existence d’un lien rationnel entre les dispositions contestées et l’objectif. Je n’ai aucun doute que la procédure à huis clos et les arguments présentés en l’absence d’une partie atténuent le risque de divulgation accidentelle d’une information délicate. Je devrais noter, pour mettre les choses au clair, qu’à mon avis et dans le présent contexte, les participants à la procédure à huis clos ne doivent jamais en discuter avec quiconque n’y assistait pas.

b)         Dérogation minimale

En abordant ce sujet, j’ai centré mon attention sur la question de savoir s’il y avait pratiquement un moyen d’atteindre l’objectif consistant à empiéter, dans une moindre mesure, sur les droits du requérant énoncés à l’alinéa 2b) de la Charte, lesquels ne lui sont ni personnels ni particuliers. Ainsi, on ne cherche pas ici à savoir dans quelle mesure M. Ruby devrait avoir le droit de prendre connaissance de ses propres renseignements personnels qu’il essaie d’obtenir en vertu de la Loi. Le requérant se trouve, aux fins de la présente discussion, dans la même situation que les représentants de la presse qui, à leur tour, se substituent censément aux membres du public.

Selon l’avocate de l’intimé, l’article 51 concrétise le principe de la dérogation minimale, du fait qu’il s’applique uniquement lorsque les exceptions prévues aux alinéas 19(1)a) et b) et à l’article 21 font effectivement l’objet d’étude. Elle soutient qu’il n’est pas nécessaire que la procédure toute entière ait lieu à huis clos et que les arguments ne doivent être obligatoirement présentés en l’absence d’une partie qu’à l’égard des exceptions objet des alinéas 19(1)a) et b) et de l’article 21. Je suis d’accord sur la seconde partie de cette observation seulement. À mon point de vue, si les exceptions en litige comprennent celles que prévoient les alinéas 19(1)a) et b) et l’article 21 en supposant, comme on me l’a fait savoir, qu’on accepte, au départ, le dépôt d’un affidavit secret, le huis clos est de rigueur pour toute la procédure de contrôle afin de prévenir effectivement toute divulgation accidentelle. Il est clair à mes yeux, cependant, que la présentation d’observations en l’absence d’une partie n’est obligatoire que dans la mesure où ces observations se rapportent aux exceptions objet des alinéas 19(1)a) et b) et de l’article 21 concernant les renseignements délicats.

L’avocate de l’intimé soutient, en outre, qu’en raison de la teneur de l’affidavit MacEwan qui est un document public, la nécessité que le public comprenne le cas en litige est satisfaite et les raisons qui motivent les diverses exceptions sont exposées. Elle souligne que l’affidavit secret a une portée limitée du fait qu’il concerne seulement les renseignements délicats et ce en quoi ils se rapportent aux exceptions. Elle note également que si un juge estime qu’un affidavit public est incomplet, il peut ordonner la divulgation d’informations supplémentaires. Elle soutient aussi que l’effet des dispositions contestées peut être de courte durée car, advenant qu’un juge décide que les exceptions invoquées sont injustifiées, l’information retenue en raison de ces exceptions sera rendue publique.

Pour sa part, le requérant estime qu’une procédure semblable à celle qu’a approuvée la Cour suprême du Canada[2] pour l’examen des affidavits visant à obtenir une autorisation d’écoute électronique, illustre le principe de la dérogation minimale. Cette procédure judiciaire a lieu en public. Le juge revoit l’affidavit qu’a en main l’avocat de la Couronne, mais en l’absence de l’avocat de l’accusé. Le juge siégeant en contrôle remanie l’affidavit en opacifiant les renseignements délicats tels que les noms des sources d’information ou les techniques d’enquête. Durant ce processus, les avocats des parties présentent des observations. Finalement, le juge produit un affidavit comportant des ratures accompagné d’un sommaire anodin des passages supprimés. Cette procédure a été mise au point pour protéger les droits des accusés en application de l’article 7 de la Charte.

Je suis d’avis qu’une procédure de ce genre, même si elle a lieu à huis clos, souvent ne serait pas pratique. Elle ne pourrait, par exemple, servir dans un cas comme celui-ci où l’intimé refuse de confirmer ou de nier l’existence de l’information. On ne saurait l’appliquer dans les affaires comportant un grand nombre de documents ou un petit nombre de documents compliqués. Je noterai également que l’article 7 de la Charte n’est pas en cause dans le processus de contrôle.

Le requérant a pour témoin le professeur Reg Whitaker de l’université York. Il a obtenu son baccalauréat et sa maîtrise de l’université Carleton et il faisait partie du Département de sciences politiques de 1972 à 1984. Entre-temps, il a obtenu un doctorat en économie politique de l’Université de Toronto et, en 1984, il a occupé ses fonctions actuelles de professeur d’économie politique à l’université York. Il a déposé son affidavit sous serment le 14 septembre 1995 (l’affidavit Whitaker). Il y décrit son champ d’expertise dans les termes suivants :

[traduction] 2. Je suis spécialiste des questions relatives à la sécurité et au renseignement et j’ai publié des ouvrages et des articles sur ce sujet dans des revues spécialisées. J’enseigne la politique touchant ces matières aux étudiants des premier et deuxième cycles à l’université York. Je suis membre [et ancien membre] du Comité exécutif de l’Association canadienne pour l’étude de la sécurité et du renseignement, une organisation comprenant aussi bien des universitaires que des praticiens, qui tient des conférences annuelles et spéciales (dont quelques-unes ont obtenu le soutien de divers organismes fédéraux). Le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS) ainsi que des comités parlementaires de la sécurité nationale m’ont consulté par le passé. J’ai également comparu en tant que témoin-expert devant le CSARS et à des auditions concernant l’immigration, la déportation et les réfugiés, pour des questions ayant trait aux renseignements. J’ai participé sur invitation, en juin 1989, à un colloque des membres du CSARS portant sur la revue quinquennale de la Loi sur le SCRS. On m’a demandé de prendre part, en qualité de conférencier invité, à des conférences parrainées par le CSARS. De même, le comité spécial d’examen de la Loi sur le SCRS m’a invité à lui présenter des observations, ce que j’ai fait en juin 1989. J’ai été reconnu comme témoin-expert en matière de renseignement dans l’affaire Baroud c. MEI, à la Cour fédérale du Canada.

3. Au cours de mes travaux de recherche, j’ai eu l’occasion de recourir largement à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels au sujet des dossiers relatifs à la sécurité nationale et, de fait, je suis l’un des usagers les plus versés en matière de législation sur l’accès à l’information dans ce domaine au Canada. En raison de cette grande expérience, on m’a souvent invité à prendre la parole sur les questions d’accès à l’information lors de conférences et de réunions publiques. De 1987 à 1990, j’étais membre d’un conseil consultatif sur les documents gouvernementaux et les moyens d’en disposer, documents qui concernaient entre autres des fonctionnaires et un petit nombre de représentants non gouvernementaux. J’ai été nommé, en 1991, membre d’un organisme consultatif, le Researchers’ Forum auprès des Archives nationales du Canada. Je suis expert des questions relatives au danger ou autres risques que pose la divulgation des renseignements gouvernementaux à la sécurité nationale.

Le professeur Whitaker expose la situation qui prévaut aux États-Unis et en Australie. Il dit que la Freedom of Information Act américaine, 5 U.S.C. § 552 (1994), ne prévoit pas de protection spéciale à l’égard des renseignements, même ceux qui portent sur la sécurité nationale que les États-Unis obtiennent à titre confidentiel. Il poursuit en disant ce qui suit :

[traduction] Les États-Unis, le principal partenaire de l’alliance des pays de l’Ouest, est la plus importante source des informations qui sont échangées dans le réseau de renseignement occidental. Malgré cela, ils n’offrent pas une protection, à titre réciproque, contre la divulgation des renseignements confidentiels qu’ils obtiennent de leurs alliés.

Cette affirmation est inexacte. L’article 552(b)(1)(A) de la Loi américaine en question prescrit que les organismes sont exemptés de la divulgation publique lorsqu’il s’agit de questions [traduction] « qu’un décret présidentiel autorise expressément, et conformément à des critères qui y sont établis, de garder secrètes dans l’intérêt de la défense nationale ou de la politique étrangère et, (B) qui sont en fait régulièrement classifiées conformément à un tel décret ». Le décret présidentiel 12958, du 20 avril 1995 [60 Fed. Reg. 19825], explique en quoi consiste un renseignement classifié relatif à la sécurité nationale. L’article 1.5 du décret, considéré en corrélation avec le texte introductif du document, reconnaît que l’intérêt national des États-Unis exige que certains renseignements obtenus de gouvernements étrangers et certaines informations touchant la sécurité nationale puissent ne pas être divulgués afin de protéger, entre autres, la position des États-Unis dans le concert des nations. Si de tels renseignements sont classifiés et qu’on refuse de les communiquer, la personne qui a demandé à les obtenir peut porter plainte aux termes de l’article 552(a)(4)(B) du United States Code, titre 5. Dans ce cas, le tribunal de district américain :

[traduction] … a compétence pour enjoindre à l’organisme visé de ne pas retenir les documents qui lui appartiennent et toute autre pièce indûment refusée au plaignant. Dans ce cas, le tribunal devra étudier la question une nouvelle fois et il peut examiner, à huis clos, le contenu des dossiers de l’organisme en question pour déterminer s’il faut les retenir en tout ou en partie en application de l’une ou l’autre des exceptions énoncées à l’alinéa (b) de cet article et il incombe à l’organisme concerné de défendre sa position.

Un certain degré de protection est exercé, par conséquent, grâce à un processus discrétionnaire à huis clos, même si une audience a lieu.

Enfin, le Guide to the Freedom of Information Act de Département de la Justice des États-Unis daté de septembre 1995, note à la page 67, qu’à l’instar des autorités canadiennes, les organismes américains peuvent refuser de confirmer ou de nier l’existence ou l’absence d’information, lorsque cette existence ou absence est classifiée en application du décret présidentiel 12958.

Il s’agit de savoir si la pratique américaine devrait servir de modèle en matière de dérogation minimale dans le contexte canadien. J’ai conclu qu’elle n’était pas un modèle approprié, car la preuve indique que la position des États-Unis diffère beaucoup de la nôtre. Les Américains sont des exportateurs nets de renseignements et sont appuyés, à cette fin, par un immense réseau de collecte d’information. Par contraste, le Canada est un importateur net de renseignements et il est doté de beaucoup moins de ressources. Dans ces circonstances, il est logique qu’il s’inquiète davantage de la perception qu’ont de lui ses alliés quant à sa capacité à assurer efficacement la confidentialité des renseignements délicats.

Dans son témoignage, le professeur Whitaker a également déclaré que la pratique australienne est régie par la Archives Act 1983 [no 79, 1983]. L’article 44 de cette loi énonce les pouvoirs et les procédures de l’Administrative Appeals Tribunal (AAT) qui revoit la décision des archives australiennes relatives à l’accès à l’information. Toutefois, l’AAT ne peut rendre une ordonnance exigeant la divulgation d’un document déjà excepté par une attestation. Il peut, cependant, décider que le refus de divulguer ne repose pas sur des motifs raisonnables et le ministre compétent dispose alors de 28 jours pour réétudier la question. Il doit faire rapport au Parlement s’il confirme la décision de ne pas divulguer.

L’alinéa 47(2)(a) de la Archives Act 1983, prescrit de tenir obligatoirement des auditions à huis clos lorsque des questions exemptées sont en cause; en outre, le paragraphe 47(3) accorde le pouvoir discrétionnaire de procéder en l’absence d’une autre partie et d’interdire la publication. On peut raisonnablement se demander si la procédure obligatoire à huis clos et discrétionnairement, en l’absence d’une partie suivant le modèle australien, constituerait une dérogation minimale. Deux points sont à relever en ce qui nous concerne. En premier lieu, le requérant n’a pas invoqué cet argument, préférant soutenir que la procédure de contrôle relative à l’affidavit sur l’écoute électronique était le seul modèle acceptable de dérogation minimale. En second lieu, en avril 1992, la Australian Security Intelligence Organization (l’ASIO) a, devant le Comité parlementaire mixte australien de l’ASIO (le Comité), adopté la position voulant que les renseignements confidentiels obtenus de sources étrangères soient soustraits à la divulgation et à la révision de l’AAT pour la durée en vigueur dans le pays d’origine. Les témoins de l’ASIO partageaient les inquiétudes que manifestaient les déposants des affidavits de l’intimé dans ce cas-ci. Les témoignages ont donné lieu aux discussions suivantes[3] :

[traduction] 3.1.7 Le Comité a reçu un mémoire du ministre des Affaires étrangères, l’honorable sénateur Gareth Evans, MP. S’étant dit favorable au principe de la liberté d’information et de l’accès aux documents gouvernementaux, le ministre a poursuivi en ces termes :

« je dois cependant souligner qu’il importe que les amis et alliés de l’Australie continuent d’avoir confiance dans notre aptitude à protéger les rapports d’évaluation et les renseignements qu’ils nous communiquent à titre confidentiel. Cette confiance ne peut subsister qu’aussi longtemps que nous pouvons démontrer que nous avons jeté les fondements légaux et institutionnels visant à protéger les documents en question. Les échanges d’informations à titre confidentiel sont un élément essentiel à la conduite effective des relations diplomatiques et à l’élaboration des politiques étrangères et de défense. Bien que l’ASIO s’occupe de questions internes, ses dossiers renfermeront inévitablement des documents étrangers. Le manque de protection contre la divulgation de ces renseignements aurait, entre autres conséquences, celle de dérégler la communication de renseignements précieux et de compromettre ainsi nos intérêts nationaux. »

3.1.8 Il a souligné ensuite qu’il fallait tout autant faire échec à la communication de données obtenues de n’importe quelle source et dont la divulgation porterait atteinte aux relations étrangères de l’Australie ou à sa défense et sa sécurité. Les documents en question comprendraient, bien sûr, nos rapports d’évaluation des renseignements. Le Office of National Assessments (ONA) a appelé l’attention du comité sur ces points. Dans une lettre qu’il lui a adressée au nom du bureau du premier ministre et du cabinet, le secrétaire de ce bureau, M. M. H. Codd, AC, a présenté des observations similaires lorsqu’il a évoqué :

« l’inquiétude exprimée par certains organismes de renseignement de pays étrangers voulant que le gouvernement ne soit pas en mesure de donner des assurances absolues (et non pas assorties de réserve) quant à la non-divulgation des renseignements communiqués confidentiellement à l’Australie. La réticence de la part des pays d’outre-mer à nous fournir, comme par le passé, certains renseignements délicats, se refléterait négativement sur nos propres capacités et sur le maintien d’accords de liaison généraux et productifs. »

3.2.1 Il importe que les relations internationales de l’Australie et ses intérêts en matière de défense ne soient pas compromis en raison d’une communication délibérée ou involontaire de renseignements qui sont de nature à porter préjudice à ces relations ou à ces intérêts. Il s’agit, par conséquent, de savoir si ces intérêts sont suffisamment protégés par les dispositions actuelles. Les organismes de renseignement qui ont présenté au Comité des observations, lui ont fait part de leur inquiétude quant aux effets qu’un assouplissement apparent des restrictions actuelles sur la communication de renseignements obtenus de sources étrangères aurait sur les activités de l’ASIO.

3.2.3 Il semblerait qu’on n’ait jamais divulgué un renseignement non recherché. Ce qui inquiète, c’est de percevoir que cette possibilité existe et cela suffit à saper la confiance de certaines sources de renseignement quant à la protection absolue contre toute divulgation de leurs informations. Cette méfiance peut éventuellement susciter le genre de réaction négative conduisant aux conséquences dont l’ASIO fait état dans son mémoire.

Dans son rapport[4], le Comité a formulé les recommandations suivantes :

[traduction]

RECOMMANDATION 1 :

Que le Ministre donne des instructions aux organismes de renseignement exigeant que les informations et documents étrangers reçus à titre confidentiel soient exemptés de divulgation pour une période correspondant à celle où l’accès du public à ces informations et documents est restreint dans le pays d’origine.

RECOMMANDATION 2 :

Que la Archives Act soit modifiée de façon à interdire tout appel à l’Administration Appeal Tribunal d’une attestation donnée par l’inspecteur général des renseignements et de la sécurité que les instructions du Ministre relatives à la protection des renseignements et documents d’origine étrangère ont été dûment observées.

Aucune modification législative n’a eu lieu jusqu’à ce jour pour mettre en œuvre ces recommandations.

Considérant ce contexte, cependant, je ne suis pas disposée à conclure que la pratique australienne actuelle constitue un exemple raisonnable de dérogation minimale.

En 1987, un comité permanent du Parlement canadien[5] a formulé des recommandations qui, si elles avaient été appliquées, auraient atténué les restrictions au moment où des exceptions sont demandées. La recommandation pertinente en l’espèce voulait que l’article 19 de la Loi ne soit plus obligatoirement appliqué par le responsable de l’institution fédérale et que la notion de préjudice serve de critère pour justifier la non-communication. Cependant, la citation tirée du chapitre 3 du Rapport du Comité permanent, l’annexe C de l’affidavit Whitaker, ne traite pas du processus de contrôle ni des dispositions contestées.

Le gouvernement a répondu à la recommandation du Comité dans un document intitulé Accès et renseignements personnels : Les prochaines étapes, publié par le Ministre des Approvisionnements et Services Canada en 1987. À la page 42 et suivantes, la notion de préjudice considérable servant de base à la mise en œuvre d’exceptions a été rejetée et l’exception relative aux renseignements obtenus d’autres gouvernements à titre confidentiel justifiée, à la page 44, par le fait que « les gouvernements [seraient] moins désireux d’échanger des informations à la suite de la mise en œuvre d’une recommandation visant à réduire le niveau de protection prévu ». Encore une fois, comme ce fut le cas dans le Rapport du Comité permanent, il n’a pas été question des dispositions contestées ni de la procédure de contrôle.

Les pratiques australiennes et canadiennes montrent que le débat se poursuit en vue de trouver le meilleur moyen de réaliser l’équilibre entre les droits d’accès à l’information et la coopération dont on a besoin pour les échanges internationaux d’informations confidentielles. À mon avis, cependant, les discussions n’ont pas donné lieu à des propositions permettant de remplacer les dispositions contestées et d’atteindre l’objectif en dérogeant, dans une moindre mesure, à l’alinéa 2b) de la Charte des droits.

En finale à ce sujet, on m’a demandé mon opinion sur la procédure en usage au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS). Un protocole conclu entre le SCRS et le CSARS est joint à l’affidavit Whitaker en tant qu’annexe « E ». Ce document énonce que le CSARS a droit d’obtenir tous les renseignements détenus par le SCRS, à l’exception des documents confidentiels du cabinet. Toutefois, si les renseignements requis par le CSARS proviennent de tierces parties, il est convenu ce qui suit :

[traduction] Lorsque des renseignements obtenus de tierces parties doivent être communiqués au CSARS, le SCRS disposera d’un délai raisonnable pour en informer l’organisme d’origine. Celui-ci peut adresser au CSARS, par les soins du SCRS, toute observation, mise en garde additionnelle ou explication jugée opportune. Le CSARS observera alors toutes les précautions spéciales que l’organisme demandera.

Les renseignements de sources tierces fournis par le SCRS au CSARS seront clairement identifiés comme tels et le CSARS en fera usage avec une extrême précaution.

Le CSARS ne communiquera pas à autrui les informations obtenues de tierces parties à moins d’avoir obtenu, à cet effet, l’autorisation expresse de l’organisme d’origine.

Le CSARS fait partie du système de renseignement institué par la Loi sur le SCRS et, partant, est assujetti aux restrictions prévues dans cette Loi relativement à la protection de la sécurité nationale et des renseignements y afférents. En ce qui concerne les informations obtenues de « tierces parties » et communiquées au CSARS, celui-ci sera lié par toute mise en garde accompagnant ces informations, sauf s’il est expressément dégagé de cette obligation par l’organisme d’origine.

À mon avis, même si le paragraphe 39(1) de la Loi sur le SCRS donne au CSARS le droit d’établir ses propres procédures sans lui imposer de tenir des auditions à huis clos ou en l’absence d’une partie, le protocole ci-dessus énonce clairement que le CSARS aura recours à de telles procédures dans la mesure nécessaire à la protection des renseignements confidentiels obtenus de tiers. Le protocole précise également que le CSARS fait partie du SCRS et qu’il reconnaît l’importance que revêt la protection de ces renseignements. Dans ces circonstances et en l’absence de preuve quant à la pratique du CSARS dans l’exécution de ses diverses fonctions, je ne suis pas disposée à prendre les procédures de cet organisme comme modèle incontournable de dérogation minimale qui devrait s’appliquer à une institution indépendante telle que la Cour fédérale.

En tout état de cause, je suis prête à conclure que les dispositions incriminées constituent une dérogation minimale au droit du requérant énoncé à l’alinéa 2b) de la Charte.

c)         Proportionnalité générale

Cette partie du critère formulée dans l’arrêt Oakes a été récemment reprise par le juge en chef Lamer, au nom de la majorité de la Cour, dans l’affaire Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835 (Dagenais) lorsqu’il a déclaré, en l’espèce, ce qui suit (à la page 889) :

Je reprendrais … la troisième partie du critère Oakes comme suit : il doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures restreignant un droit ou une liberté et l’objectif, et il doit y avoir proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets bénéfiques.

Le juge en chef a expliqué, à la page 887 de l’arrêt Dagenais pourquoi il reformulait le critère de la proportionnalité des effets; il dit :

Il arrive fréquemment qu’une mesure permette d’atteindre pleinement ou presque un objectif législatif. La troisième étape du critère de proportionnalité exige alors l’examen de l’équilibre qui a été atteint entre l’objectif en question et les effets préjudiciables que subissent des droits protégés par la Constitution du fait des moyens utilisés pour atteindre cet objectif.

Le professeur Fraser, au nom de l’intimé, dit que la suppression des dispositions contestées donnerait aux partenaires avec lesquels le Canada échange des renseignements, l’impression que notre aptitude à protéger les renseignements délicats s’est relâchée et cette impression [traduction] « aurait probablement pour effet de dévaloriser la quantité, la qualité ou les deux à la fois, des renseignements qu’ils étaient disposés à partager ». Il dit que l’arrêt de l’information ne serait ni total ni immédiat, mais que le tarissement serait plutôt progressif, ce qui serait difficile à vérifier. Il conclut en disant que toute modification visant à remplacer les dispositions contestées par des mesures de protection discrétionnaires, n’échappera pas aux alliés avec qui nous échangeons des renseignements et sera perçue comme une atteinte [traduction] « appréciable », quoique [traduction] « légère » à notre aptitude à protéger les renseignements délicats contre toute divulgation accidentelle.

Le requérant dit, pour sa part, que la preuve à l’appui des avantages attribués aux dispositions contestées est faible et d’ordre spéculatif. Je conviens que la preuve concernant le préjudice possible est de nature spéculative, mais j’admets que les opinions des témoins de l’intimé sont dignes de foi et bien fondés. Ce sont aussi, à mon avis, les meilleurs éléments de preuve dont on dispose. Il ne serait pas raisonnable de supposer qu’un allié du Canada ou qu’un informateur individuel irait déposer un affidavit indiquant avec précision la façon dont il réagirait advenant la suppression des dispositions contestées.

J’ai conclu que les effets salutaires de ces dispositions sont difficiles à quantifier. Elles mettent en cause la réduction appréciable, quoique légère, de notre aptitude à recueillir des renseignements délicats.

J’ai également conclu que les conséquences néfastes des dispositions contestées sur la liberté de presse étaient minimes. Je dis cela parce que même en l’absence des dispositions incriminées, il est pratiquement certain, à mon point de vue, que si l’intimé produisait des preuves suffisantes démontrant que les renseignements délicats et les exceptions connexes, objet du présent contrôle, mettaient en cause des questions relatives à la sécurité nationale ou qui sont de nature hautement confidentielle, le juge, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire énoncé au paragraphe 46(1), examinera ces questions à huis clos et, s’il en est requis, en l’absence d’une partie.

Dans cette conjoncture, j’ai conclu que les dispositions contestées ont protégé de façon raisonnable l’objectif visé et que le critère de proportionnalité a été respecté.

Conclusion

Les dispositions litigieuses de la Loi se justifient par l’article premier de la Charte. La contestation du requérant quant à la constitutionnalité de ces dispositions sera rejetée.

Dépens

Le requérant a conclu en réclamant de la Cour qu’elle lui accorde des frais et dépens et les deux parties au litige ont présenté des observations à ce sujet. Le requérant invoque sur ce point l’article 52 de la Loi qui s’énonce ainsi :

52. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

(2) Dans le cas où elle estime que l’objet du recours a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours. [Non souligné dans le texte original.]

Dans ses observations écrites, le requérant s’est fondé sur le paragraphe 52(1) de la Loi au cas où il aurait eu gain de cause sur la question relative à la Charte. À défaut, il a réclamé des dépens au regard de l’argumentation concernant la Charte aux termes du paragraphe 52(2). L’intimé n’a réclamé aucuns dépens pour le moment.

En ce qui concerne le paragraphe 52(1), le requérant a réussi à me persuader que les dispositions contestées étaient inconstitutionnelles. Toutefois, les arguments avancés par l’intimé touchant l’article premier ont prévalu par la suite. Cela étant, je vais exercer mon pouvoir discrétionnaire et n’adjuger aucuns dépens en application du paragraphe 52(1).

À mon avis, le paragraphe 52(2) régit uniquement la demande de contrôle judiciaire dans la mesure où elle porte sur le bien-fondé du contrôle. Comme celle-ci n’a pas eu lieu, il serait prématuré d’appliquer le paragraphe 52(2) à cette étape-ci des procédures.

ANNEXE « B »

Loi sur l’accès à l’information, article 15

15. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives, notamment :

a) des renseignements d’ordre tactique ou stratégique ou des renseignements relatifs aux manœuvres et opérations destinées à la préparation d’hostilités ou entreprises dans le cadre de la détection, de la prévention ou de la répression d’activités hostiles ou subversives;

b) des renseignements concernant la quantité, les caractéristiques, les capacités ou le déploiement des armes ou des matériels de défense, ou de tout ce qui est conçu, mis au point, produit ou prévu à ces fins;

c) des renseignements concernant les caractéristiques, les capacités, le rendement, le potentiel, le déploiement, les fonctions ou le rôle des établissements de défense, des forces, unités ou personnels militaires ou des personnes ou organisations chargées de la détection, de la prévention ou de la répression d’activités hostiles ou subversives;

d) des éléments d’information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif à :

(i) la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada,

(ii) la détection, la prévention ou la répression d’activités hostiles ou subversives;

e) des éléments d’information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif aux États étrangers, aux organisations internationales d’États ou aux citoyens étrangers et utilisés par le gouvernement du Canada dans le cadre de délibérations ou consultations ou dans la conduite des affaires internationales;

f) des renseignements concernant les méthodes et le matériel technique ou scientifique de collecte, d’analyse ou de traitement des éléments d’information visés aux alinéas d) et e), ainsi que des renseignements concernant leurs sources;

g) des renseignements concernant les positions adoptées ou envisagées, dans le cadre de négociations internationales présentes ou futures, par le gouvernement du Canada, les gouvernements d’États étrangers ou les organisations internationales d’États;

h) des renseignements contenus dans la correspondance diplomatique échangée avec des États étrangers ou des organisations internationales d’États, ou dans la correspondance officielle échangée avec des missions diplomatiques ou des postes consulaires canadiens;

i) des renseignements relatifs à ceux des réseaux de communications et des procédés de cryptographie du Canada ou d’États étrangers qui sont utilisés dans les buts suivants :

(i) la conduite des affaires internationales,

(ii) la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada,

(iii) la détection, la prévention ou la répression d’activités hostiles ou subversives.

(2) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« activités hostiles ou subversives »

a) L’espionnage dirigé contre le Canada ou des États alliés ou associés avec le Canada;

b) le sabotage;

c) les activités visant la perpétration d’actes de terrorisme, y compris les détournements de moyens de transport, contre le Canada ou un État étranger ou sur leur territoire;

d) les activités visant un changement de gouvernement au Canada ou sur le territoire d’États étrangers par l’emploi de moyens criminels, dont la force ou la violence, ou par l’incitation à l’emploi de ces moyens;

e) les activités visant à recueillir des éléments d’information aux fins du renseignement relatif au Canada ou aux États qui sont alliés ou associés avec lui;

f) les activités destinées à menacer, à l’étranger, la sécurité des citoyens ou des fonctionnaires fédéraux canadiens ou à mettre en danger des biens fédéraux situés à l’étranger.

« défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada » Sont assimilés à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada les efforts déployés par le Canada et des États étrangers pour détecter, prévenir ou réprimer les activités entreprises par des États étrangers en vue d’une attaque réelle ou éventuelle ou de la perpétration d’autres actes d’agression contre le Canada ou des États alliés ou associés avec le Canada.



* Note de l’arrêtiste : Pour la décision du 6 juin 1994, voir la fiche analytique de celle-ci publiée à [1994] 3 C.F. F-41. La partie modifiée, où on parlait à tort de l’art. 51(1) se trouve à la page F-42. L’annexe « A », qui contient les motifs modifiés, ne sera pas publié dans le présent Recueil.

[1] Chambre des communes. Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent de la Justice et des questions juridiques, no 94 (8 juin 1982), à la p. 93.

[2] R. c. Durette, [1994] 1 R.C.S. 469.

[3] Australie. Parliamentary Joint Committee on the Australian Security Intelligence Organization. ASIO and the Archives Act : The Effect on ASIO of the Operation of the Access Provisions of the Archives Act (avril 1992) (ci-après le rapport), aux p. 23 et 24.

[4] Ibid., à la p. 25.

[5] Chambre des communes. Comité permanent de la Justice et du Solliciteur général sur l’examen de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection de renseignements personnels : Rapport : Une question à deux volets : Comment améliorer le droit d’accès à l’information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels (mars 1987), à la p. 21.

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