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[1997] 1 C.F. 325

T-1849-96

Union of Nova Scotia Indians, personne morale, Bande indienne de Chapel Island, Bande indienne d’Eskasoni, Bande indienne de Membertou, Bande indienne de Wagmatcook et Bande indienne de Whycocomagh (requérantes)

c.

Procureur général du Canada, représentant le ministre des Pêches et des Océans du Canada et le ministre de l’Environnement du Canada et USG Canadian Mining Limited, personne morale faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (intimés)

T-2005-96

Union of Nova Scotia Indians, personne morale, Bande indienne de Chapel Island, Bande indienne d’Eskasoni, Bande indienne de Membertou, Bande indienne de Wagmatcook et Bande indienne de Whycocomagh (requérantes)

c.

Procureur général du Canada, représentant le ministre des Pêches et des Océans du Canada, et USG Canadian Mining Limited, personne morale faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (intimés)

T-2006-96

Union of Nova Scotia Indians, personne morale, Bande indienne de Chapel Island, Bande indienne d’Eskasoni, Bande indienne de Membertou, Bande indienne de Wagmatcook et Bande indienne de Whycocomagh (requérantes)

c.

Procureur général du Canada, représentant le ministre de l’Environnement, et USG Canadian Mining Limited, personne morale faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (intimés)

Répertorié : Union of Nova Scotia Indians c. Canada (Procureur général) (1re inst.)

Section de première instance, juge MacKay— Halifax, 1er et 2 octobre; Ottawa, 29 octobre 1996.

Droit administratifContrôle judiciaireLes requérantes mettaient en doute les décisions prises pour le compte des ministres d’approuver un rapport d’examen préalable niant que des travaux de dragage du fond de la mer destinés à approfondir un chenal avaient un effet sur l’environnementLes questions soulevées étaient liées à l’équité procédurale et au processus d’évaluation suivi en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementaleLe défaut de prendre en considération l’obligation fiduciaire due aux Indiens constituait un manque d’équitéLa doctrine des attentes légitimes ne s’appliquait pasLes décisions contestées étaient de nature administrative et non judiciaireCes décisions ne doivent être modifiées que si elles sont manifestement déraisonnablesLa conclusion portant approbation du projet sous réserve de la prise de mesures de surveillance et d’atténuation n’était pas manifestement déraisonnable.

EnvironnementDécisions prises pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l’Environnement d’approuver un rapport d’examen préalable selon lequel un projet de dragage n’aurait probablement pas d’effet important sur l’environnementLa question était de savoir si le processus d’évaluation suivi satisfaisait aux exigences et à la norme prévues par la Loi canadienne sur l’évaluation environnementaleLes autorités responsables ont pris en compte des mesures d’atténuation générales et procédé à un examen sérieuxElles ont toutefois négligé de tenir compte de l’obligation fiduciaire due aux Autochtones.

Peuples autochtonesDroit des Autochtones de pêcher à des fins alimentairesLes requérantes font l’aquaculture d’huîtres et de saumons sur des terres de réserveLes représentants des ministres ont négligé d’évaluer les effets négatifs possibles d’un projet de dragage sur l’utilisation, par les Autochtones, des ressources halieutiques des lacs Bras D’Or à des fins traditionnelles, c’est-à-dire alimentairesCe défaut constituait un cas d’iniquité procédurale, et une erreur de droit.

Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire relatives à des décisions, rendues pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l’Environnement, d’accepter comme satisfaisant, sous réserve de la prise de mesures d’atténuation, un rapport d’examen préalable établi en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Les faits de l’affaire sont résumés dans la note de l’arrêtiste. Deux questions ont été soulevées à l’égard des décisions contestées : 1) l’équité procédurale, et 2) la question de savoir si le processus d’évaluation satisfaisait aux exigences et à la norme applicables en vertu de la Loi.

Jugement : les demandes doivent être accueillies.

1) Les requérantes ont fait valoir qu’il était injuste de changer les dispositions prises et que les fonctionnaires du Ministère signent, ou acceptent, le rapport d’examen préalable avant la réunion prévue pour le 16 juillet 1996 avec des scientifiques du ministère des Pêches et des Océans en vue de discuter de leurs préoccupations. Il n’est pas exigé dans la loi de tenir des consultations au sujet d’un examen préalable; par contre, l’autorité responsable peut déterminer dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire qu’une telle mesure s’impose. Les requérantes ont trouvé le processus de consultation insatisfaisant. Toutefois, à moins qu’il y eût un motif autre que le sentiment général d’injustice que suscitait le moment où les faits en question s’étaient produits, la Cour n’avait aucune raison d’intervenir pour annuler la décision. Les droits des Autochtones comprennent, notamment, le droit des Micmacs de pêcher à des fins alimentaires dans les eaux des lacs Bras d’Or et dans les cours d’eau qui s’y déversent. En dépit d’une brève mention, dans le tableau figurant dans le rapport d’examen préalable, des effets négatifs éventuels, les personnes agissant au nom des ministres n’ont pas examiné ou évalué soigneusement l’usage réel que font les Micmacs, à des fins traditionnelles, des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or. Il est essentiel que les autorités responsables aux termes de la LCEE analysent directement les questions incluses dans les « effets environnementaux » définis au paragraphe 2(1) de la Loi.

Un autre aspect d’iniquité par rapport aux droits spéciaux des requérantes à titre d’Autochtones découlerait de l’obligation fiduciaire qu’avait l’État envers ces dernières. Cette obligation comporterait au moins le fait de ne pas permettre que s’exercent des effets négatifs injustifiés sur des droits autochtones permanents, qui comprennent celui de pêcher à des fins alimentaires dans les lacs Bras d’Or, et ce, pendant toute la durée du processus d’évaluation et par la suite. Les autorités responsables, agissant pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l’Environnement, n’ont pas fait mention de l’obligation fiduciaire qu’avait le gouvernement de Sa Majesté envers les Micmacs. Le fait de ne pas avoir pris en compte cette obligation et la responsabilité qu’elle suscitait constituait une omission de la part de ceux qui agissaient pour le compte des ministres intimés de faire preuve d’équité envers les requérantes dans le cadre du processus d’évaluation environnementale. Il s’agissait d’une erreur de droit que de négliger d’examiner la question du droit autochtone et, s’il y avait un effet sur ce dernier, d’évaluer si l’effet en question était justifié ou non. En négligeant de prendre en compte l’obligation fiduciaire due aux requérantes, les personnes qui agissaient au nom des ministres l’ont bel et bien enfreinte. Enfin, en ce qui concerne l’équité procédurale, la doctrine des attentes légitimes ne s’appliquait pas. Aucun processus ou aucune pratique de nature législative ou réglementaire ne prévoit la tenue d’une réunion en vue d’analyser des questions de nature scientifique avec des scientifiques de l’État ou des directeurs généraux régionaux. La décision en question n’était pas typiquement judiciaire; il s’agissait plutôt d’une décision administrative qui devait être prise à la discrétion des ministres concernés.

2) L’alinéa 16(1)d) de la LCEE dispose que toute étude préliminaire d’un projet doit porter notamment sur « les mesures d’atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants ». Il a été fait référence, en termes succincts toutefois, à certaines mesures d’atténuation dans le rapport d’examen préalable. La Loi n’exige pas que tous les détails concernant les mesures d’atténuation soient réglés et examinés avant que l’on accepte le rapport d’examen préalable. Quand le rapport d’examen préalable a été accepté le 15 juillet 1996, les autorités responsables en savaient suffisamment sur les mesures d’atténuation et n’ont pas omis de se conformer aux procédures prévues par la LCEE. En approuvant le rapport d’examen préalable, elles ont pris en compte les mesures d’atténuation générales qu’elles estimaient indiquées pour faire face aux conséquences négatives anticipées, et elles ont fait approuver les plans détaillés définitifs concernant les mesures d’atténuation avant que commencent les travaux. Les personnes agissant pour le compte des ministres ont procédé à un examen sérieux du projet, sauf qu’elles n’ont pas examiné l’usage courant que font les Micmacs des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or et n’ont donc pas pris en compte la responsabilité fiduciaire envers ce peuple. La décision que prennent les ministres en vertu de la LCEE n’est pas de nature scientifique; il s’agit d’un exercice de jugement qui tient compte de questions scientifiques, économiques, politiques et sociales appropriées. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour doit forcément s’en remettre au décisionnaire habilité par la Loi, à moins d’être convaincue que la décision est manifestement déraisonnable. Tant qu’il existe des renseignements sur lesquels la décision pouvait être logiquement fondée, la Cour n’interviendra pas. Hormis des questions d’équité procédurale, la conclusion définitive selon laquelle le projet devait être approuvé sous réserve de la prise de mesures de surveillance et d’atténuation n’était pas manifestement déraisonnable. La critique des requérantes à l’égard de l’examen scientifique de l’étude de LNG n’a pas convaincu la Cour qu’il fallait infirmer la conclusion ultime tirée pour le compte des ministres parce que l’évaluation des renseignements scientifiques sur le projet était moins que sérieuse, comme l’exige la LCEE à propos du processus d’évaluation. Cependant, les décisions d’approuver le projet doivent être annulées parce que les autorités responsables ont omis de satisfaire à l’obligation prévue par la LCEE d’évaluer les effets environnementaux négatifs qui pourraient toucher l’usage, par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or à des fins traditionnelles.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2(1) « effets environnementaux », « mesures d’atténuation », 4a) (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 19), 5, 11, 16(1)a),d), 20(1)a).

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; (1990), 75 D.L.R. (4th) 385; [1991] 2 W.W.R. 145; 2 M.P.L.R. (2d) 217; 69 Man. R. (2d) 134; 46 Admin. L.R. 161; 116 N.R. 46; Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd., [1996] A.C.F. no 1016 (C.A.) (QL).

DÉCISIONS CITÉES :

R. v. Denny et al. (1990), 94 N.S.R. (2d) 253; 247 A.P.R. 253; [1990] 2 C.N.L.R. 115 (C.A.); R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; (1990), 70 D.L.R. (4th) 385; [1990] 4 W.W.R. 410; 46 B.C.L.R. (2d) 1; 56 C.C.C. (3d) 263; [1990] 3 C.N.L.R. 160; 111 N.R. 241; R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101.

DEMANDES de contrôle judiciaire relatives à des décisions, prises pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l’Environnement, en vue d’approuver, sous réserve de mesures d’atténuation, un rapport d’examen préalable établi en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Demandes accueillies.

AVOCATS :

Bruce H. Wildsmith pour les requérantes.

John J. Ashley et Colleen MacKey pour les ministres intimés.

Stephen T. McGrath et Jennifer MacLellan pour l’intimée Little Narrows Gypsum Company.

PROCUREURS :

Bruce H. Wildsmith, Barrs Corner (Nouvelle-Écosse) pour les requérantes.

Le sous-procureur général du Canada pour les ministres intimés.

Boyne Clarke, Darthmouth (Nouvelle-Écosse), pour l’intimée Little Narrows Gypsum Company.

NOTE DE L’ARRÊTISTE

Le directeur général a décidé que, comme le prévoit le paragraphe 58(2) de la Loi sur la Cour fédérale, les présents motifs d’ordonnance, qui s’étendent sur une quarantaine de pages, devraient être publiés sous forme abrégée. Ont été omis les faits de l’affaire, y compris les passages des motifs qui figurent sous les rubriques « Contexte général » et « Faits menant à l’approbation du rapport d’examen préalable et à la délivrance de permis, et début du projet ». L’analyse qu’a faite le juge des questions juridiques est exposée dans son intégralité. La question la plus intéressante était celle de savoir s’il y avait eu omission de s’acquitter d’obligations fiduciaires en tant qu’élément d’iniquité dans le processus d’évaluation environnementale suivi en l’espèce, de sorte que les droits des Autochtones (plus particulièrement celui de pêcher à des fins alimentaires dans les lacs Bras d’Or) n’avaient pas été examinés convenablement.

Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire relatives à des décisions, prises pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l’Environnement, d’approuver un rapport d’examen préalable établi en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, rapport selon lequel l’exécution de travaux de dragage au point d’entrée, pour la navigation, aux lacs Bras d’Or, à l’île du Cap Breton (Nouvelle-Écosse), n’aurait vraisemblablement pas d’impact important sur l’environnement dans la mesure où l’on prenait des mesures d’atténuation appropriées. Little Narrows Gypsum Company exploite sur les rives des lacs Bras d’Or une mine d’où elle expédie son produit dans des navires de haute-mer. À cause des limitations de tirant d’eau du haut-fond de Middle Shoal, la société ne pouvait charger les navires qu’à 80 p. 100 de leur capacité. La part de marché de la société s’amenuisait et celle-ci s’inquiétait du fait qu’à moins de devenir plus efficace en étant capable de charger ses navires à pleine capacité, elle aurait peut-être à fermer la mine, ce qui ferait disparaître une centaine d’emplois. C’est pour cela que le projet de dragage était nécessaire.

La Union, partie requérante représente les Indiens micmacs, qui possèdent des terres de réserve sur les rives des lacs Bras d’Or, où ils élèvent des huîtres et des saumons. De plus, ils exercent le droit dont ils jouissent à titre d’Autochtones de pêcher à des fins alimentaires dans les eaux de ces lacs et dans les cours d’eau qui s’y déversent. Ce droit a été confirmé par la Section d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans l’arrêt R. v. Denny et al. (1990), 94 N.S.R. (2d) 253; 247 A.P.R. 253. La société minière avait engagé les services d’experts-conseils, et un exemplaire de leur étude avait été remise à la Union; toutefois, dans une lettre adressée aux ministres, le président de cette société avait fait état des graves inquiétudes des collectivités micmaques au sujet de l’impact possible du projet sur leurs ressources. La Union voulait qu’une étude d’impact socioéconomique et environnementale indépendante soit menée. Le MAINC a accordé à la Union une subvention pour en financer la réalisation. Il a demandé à Pêches et Océans de consulter directement les Premières nations, dont il fallait régler les préoccupations. Il était entendu que P&O rencontrerait les représentants de la Union. Une réunion a bel et bien eu lieu, mais il a été clairement indiqué que des fonctionnaires avaient déjà rédigé une ébauche du rapport d’examen préliminaire et que la seule question qui se posait était de savoir comment l’on tiendrait compte des préoccupations des Indiens en prenant des mesures d’atténuation. Les représentants de la Union ont quitté précipitamment la réunion mais ont quand même demandé d’autres rencontres et une réponse à leurs conclusions et recommandations. Cependant, les représentants ministériels n’ont pris aucun engagement. P&O a bien fixé une réunion entre des scientifiques du Ministère et des représentants de la Union au 16 juillet 1996, mais la veille, les principaux fonctionnaires ministériels ont donné leur aval au rapport d’examen préliminaire. Ce dernier reconnaissait les études auxquelles les Indiens avaient procédé, de même que leur préoccupations au sujet de l’envasement, des changements de courants et des rejets de contaminants que provoqueraient les travaux de dragage. La conclusion était, toutefois, qu’après la prise de mesures d’atténuation tous les effets éventuellement négatifs seraient négligeables. L’entreprise minière aurait à dresser un plan de protection environnementale soumis à l’autorisation du Ministère; l’État contrôlerait les opérations et la Union serait invitée à participer au processus. Les Indiens n’ont été informés qu’après la conclusion de la réunion du 16 juillet avec les scientifiques du Ministère que le rapport d’examen préalable avait déjà été accepté. C’est à ce moment qu’ils ont été avisés que l’autorisation de donner suite au projet serait donnée après publication d’un avis dans la Gazette du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge MacKay :

LES QUESTIONS EN LITIGE

Les requérantes soulèvent deux questions de base au sujet des décisions contestées en l’espèce. La première a trait essentiellement à l’équité procédurale, c’est-à-dire, selon les avocats, le déni du degré de respect auquel avaient droit les requérantes dans le processus d’évaluation, surtout pour ce qui est de la décision, prise le 15 juillet, de signer — d’accepter — sous réserve de la prise de mesures d’atténuation, le rapport d’examen préalable alors que des réunions avaient été organisées pour le lendemain en vue de discuter de certaines questions avec des scientifiques de P&O [ministère des Pêches et des Océans]. La question de l’équité procédurale, est-il dit, revêt une importance spéciale en l’occurrence, à cause de la situation des Micmacs, que représentent les requérantes, en tant qu’Autochtones, et à cause des attentes légitimes qu’avaient ces dernières du fait de la conduite des personnes agissant pour le compte des deux ministres principalement concernés. Les intimés nient que la situation des Micmacs suscite une préoccupation spéciale de nature procédurale, mais que, s’il était vrai que leurs droits à titre d’Autochtones soulevaient une préoccupation quelconque de cette nature, elle a été satisfaite en l’espèce, et ils nient aussi que la doctrine des attentes légitimes s’applique aux circonstances de l’espèce.

La seconde question de base soulevée est celle de savoir si le processus d’évaluation qui a été suivi dans cette affaire satisfaisait aux exigences et à la norme applicables en vertu de la LCEE [Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37], qui, est-il avancé, oblige à prendre en compte des mesures d’atténuation dans le cadre de ce processus, et le fait que ce dernier comporte une évaluation sérieuse de toutes les preuves scientifiques pertinentes se rapportant aux préoccupations de nature environnementale. Les requérantes soutiennent que ces exigences n’ont pas été remplies, ce que rejettent les intimés.

Le reste des présents motifs porte sur les deux questions de base soulevées.

ÉQUITÉ PROCÉDURALE

Les requérantes font valoir qu’elles n’ont pas eu droit au bénéfice de l’équité procédurale dans le processus qui a amené les ministres intimés à prendre leurs décisions, surtout la décision conjointe du 15 juillet 1996, d’accepter le rapport d’examen préalable. L’iniquité alléguée, disent-elles, concerne trois points, que j’analyserai à tour de rôle.

a)         Équité, moment et séquence des décisions

En premier lieu, est-il dit, dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu des réponses encourageantes des ministres concernés, ainsi que du fait qu’une réunion avait été organisée pour le 16 juillet avec des scientifiques de P&O pour que l’UNSI [Union of Nova Scotia Indians] puisse prendre connaissance des préoccupations des scientifiques à propos du projet et obtenir les commentaires de ces derniers sur certaines questions qui les inquiétaient, il était injuste de changer les dispositions qui avaient été prises et de signer, ou d’accepter, le rapport d’examen préalable avant la tenue des discussions prévues. Au nom des requérantes, Daniel Christmas déclare dans son affidavit daté du 5 septembre 1996 que :

[traduction] À la réunion du 16 juillet 1996, nous avons posé des questions précises au sujet de la migration du saumon de l’Atlantique et du gaspareau dans le secteur des lacs Bras d’Or, ainsi que sur l’impact qu’auraient sur ces poissons les travaux de dragage de Middle Shoal, surtout en ce qui concerne les effets du panache de sédimentation sur leurs signaux olfactifs et leur odorat. Aucun des représentants de P&O ou d’EC n’avait des connaissances ou des informations quelconques au sujet du saumon, du gaspareau et de ces questions, et le personnel de P&O s’était engagé à fournir les renseignements demandés. À ce jour, nous ne les avons pas encore reçus.

Il semble évident qu’à la réunion du 16 juillet, les représentants de l’UNSI n’étaient pas satisfaits de certaines questions scientifiques sur lesquelles ils n’avaient reçu aucune information qui aurait permis de dissiper leurs préoccupations. Le fait d’avoir été informés seulement après la réunion que le rapport d’examen préalable avait été approuvé la veille et que l’on s’attendait à délivrer les autorisations requises en vertu des lois applicables a dû les surprendre. Il n’est pas étonnant que les requérantes jugent le processus décisionnel inéquitable, car l’UNSI avait obtenu du MAINC [ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada] des fonds pour réaliser une étude indépendante avec l’aide d’experts-conseils, et elle avait reçu une réponse encourageante du ministre de P&O et du ministre d’EC [Environnement Canada], ainsi que des assurances générales à propos de l’importance de la participation de l’UNSI au processus d’évaluation. Toutefois, la décision avait été prise avant qu’ait lieu la réunion, organisée à la demande de l’UNSI, avec des scientifiques de P&O en vue de discuter des points qui préoccupaient les requérantes.

Selon les auteurs des affidavits produits pour le compte des ministres concernés, le rapport des experts-conseils que les requérantes ont présenté sur le poisson et l’habitat du poisson, de même que les constatations et recommandations de ces dernières, ont été pris en compte dans l’évaluation. Une réponse écrite a finalement été donnée le vendredi 12 juillet au document exposant les préoccupations principales — les constatations et recommandations — de l’UNSI. Il ressort du dossier que P&O a discuté desdites constatations et recommandations avec des représentants de LNG [Little Narrows Gypsum Company] à la mi-juin, ainsi que vers la fin du mois, au sein de P&O, avec des scientifiques et des agents qui s’occupaient de préparer le rapport d’examen préalable. S’il est vrai que les observations des requérantes ont été analysées sérieusement, il semble curieux qu’il n’en a manifestement pas été question de façon convenable, selon les représentants de l’UNSI, dans les discussions du 5 juillet, et ce n’est que plus tard, quand l’UNSI a demandé que l’on réponde par écrit à ses constatations et recommandations, qu’un effort a été fait pour coordonner une réponse.

En même temps, il est signalé qu’il n’est pas exigé dans la loi de tenir des consultations au sujet d’un examen préalable; par contre, l’autorité responsable peut déterminer dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire qu’une telle mesure s’impose. En l’espèce, aucun engagement exprès n’a été pris à l’égard d’un rôle ou d’un programme de consultation particulier pour l’UNSI. Par ailleurs, sur ce point, le dossier indique bien que les requérantes ont fait des observations écrites, c’est-à-dire les rapports établis pour leur compte sur le poisson et l’habitat du poisson, sur les préoccupations d’ordre océanographique, ainsi que sur l’énoncé des constatations et recommandations de l’UNSI. Il y a eu quelques discussions sur ces questions entre LNG et les agents chargés du processus d’évaluation, d’autres discussions avec P&O, et il y est fait référence sommairement dans le rapport d’examen préalable lui-même. Pourtant, les requérantes ont trouvé le processus de consultation insatisfaisant. Il n’est peut-être pas surprenant que l’avocat des requérantes indique que le processus suivi manifestait un manque de respect. Le moment choisi a été des plus regrettables pour ceux qui devraient se soucier de la participation des collectivités intéressées au règlement de préoccupations concurrentes.

Pourtant, à moins qu’il y ait un motif autre que le sentiment général d’injustice que suscite le moment où les faits en question se sont produits, la Cour n’a aucune raison d’intervenir pour annuler la décision. Les requérantes font valoir qu’il existe une autre raison pour conclure à l’inéquité du processus, c’est-à-dire, compte tenu des droits des requérantes à titre d’Autochtones, la façon dont on a traité de ces droits dans l’évaluation.

b)         Équité et droits à titre d’Autochtones

Ces droits à titre d’Autochtones comprennent, notamment, le droit des Micmacs de pêcher à des fins alimentaires dans les eaux des lacs Bras d’Or et dans les cours d’eaux qui s’y déversent. Ainsi qu’il a été mentionné plus tôt, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a reconnu ce droit dans l’arrêt R. v. Denny et al. [(1990), 94 N.S.R. (2d) 253]. L’exercice de ce droit par rapport à certaines espèces de poisson invoquées dépend manifestement de la migration du poisson, principalement par le lac Grand Bras d’Or, où se déroule le projet [amélioration du chenal de Middle Shoal], même si, pour d’autres espèces non migratrices, tout effet négatif éventuel du projet au sein des lacs serait important.

Il est allégué que les personnes agissant pour le compte des ministres ont négligé de s’acquitter des responsabilités que leur confère la LCEE. À l’alinéa 16(1)a), la Loi dispose que « [l]’examen préalable, l’étude approfondie, … d’un projet portent notamment sur les éléments suivants : a) les effets environnementaux du projet ». Au paragraphe 2(1), la Loi définit l’expression « effets environnementaux »; il s’agit des « changements que la réalisation d’un projet risque de causer à l’environnement … sont comprises parmi les changements à l’environnement les répercussions de ceux-ci … sur l’usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones ». Il est fait référence à cette notion importante des « effets environnementaux » dans la lettre du ministre de l’Environnement, datée du 21 juin, que l’UNSI a reçue le 2 juillet.

Il ressort du dossier que l’examen indépendant du projet concernant le poisson et l’habitat du poisson (le rapport Kenchington) qui a été réalisé pour l’UNSI fait bel et bien référence à l’usage courant, par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or, mais il est signalé également qu’un compte rendu complet de ces ressources était en préparation dans le rapport d’un autre expert-conseil destiné à l’UNSI. L’un des rapports préparés pour LNG est son étude intitulée Middle Shoal Channel Improvement Program : Potential Impacts on Inlake Fish and Fisheries (Programme d’amélioration du chenal de Middle Shoal : effets éventuels sur le poisson et la pêche dans les lacs), qui traite effectivement de la pêche dans les lacs Bras d’Or. Il y est fait expressément mention de l’importante présence historique et actuelle des Micmacs dans ces zones de pêche. Naturellement, c’est sur cette présence des Micmacs et l’usage qu’ils font de cette zone de pêche qu’est fondé leur droit reconnu à titre d’Autochtones. Le rapport de LNG passe en revue certaines des principales espèces intéressantes, et fait référence à des préoccupations suscitées par des aspects qui empêcheraient le poisson de migrer par le chenal du lac Grand Bras d’Or. Le rapport conclut que le projet n’est pas censé avoir d’effet important sur la migration du poisson, que ce soit pour entrer dans les lacs ou en sortir, mais qu’il faudrait établir des programmes pour surveiller la situation pendant toute la durée du projet afin de s’assurer que cela est bien le cas.

Fait surprenant, le rapport d’examen préalable que les représentants des ministres ont approuvé en le signant ne fait pas précisément mention du fait que les Micmacs pêchent dans les lacs Bras d’Or, même dans la brève référence qui y est faite aux Premières nations. Le rapport comporte toutefois dans un [traduction] « Tableau des effets liés aux changements environnementaux » une référence aux effets négatifs éventuels sur [traduction] « [l]’usage courant des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les Autochtones ». Les effets négatifs éventuels sont décrits en ces termes [traduction] : « effet négatif possible des changements aux eaux marines, à l’habitat du poisson et à la migration du poisson sur l’usage des ressources marines par les Autochtones ». Toutefois, l’éventualité de cet effet est tenue pour négligeable, sans effet cumulatif. Par ailleurs, le rapport signale ce qui suit [traduction] : « La mise en œuvre des mesures d’atténuation susmentionnées garantira que l’on évite des effets environnementaux négatifs ». Si, à première vue, cette note semble porter sur l’usage que font les Autochtones des ressources à des fins traditionnelles, ainsi que le prescrit la LCEE, dans le contexte du rapport d’examen préalable, l’usage auquel il est fait référence est, selon moi, l’usage possible des ressources halieutiques au site de dragage et aux sites de rejet de déchets en mer, qui, dans les deux cas, ne préoccupent pas directement les requérantes. La seule préoccupation suscitée par l’effet éventuel du projet sur les ressources halieutiques des lacs dont traite le rapport d’examen préalable des ministres concerne la migration du poisson au site de dragage. Pour ce qui est de cette migration d’espèces dans le lac Grand Bras d’Or, il est reconnu qu’il existait peu d’informations scientifiques, sinon pas, avant août 1996. Les mesures d’atténuation prévoyaient une surveillance de la migration du poisson aux alentours du site de dragage, mais l’utilité des mesures de surveillance et l’importance de tout résultat paraissaient douteuses, aux yeux de quelques spécialistes des pêches de P&O du moins, car l’on en savait peu, sinon rien, sur la migration du poisson dans le secteur ou sur l’efficacité des méthodes de surveillance à employer.

Ma conclusion est la suivante : malgré qu’il y soit fait brièvement référence dans le tableau des effets négatifs éventuels qui figure dans le rapport d’examen préalable, les personnes agissant au nom des ministres n’ont pas examiné ou évalué soigneusement l’usage réel que font les Micmacs, à des fins traditionnelles, des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or. Telle est ma conclusion. Même si LNG en a traité, cet usage des ressources n’a pas été examiné de manière précise dans le rapport d’examen préalable, ou d’une autre façon par les évaluateurs de P&O et d’EC. À mon sens, il est essentiel que les autorités responsables aux termes de la LCEE analysent directement les questions incluses dans les « effets environnementaux » définis au paragraphe 2(1) de la Loi. Il est possible que, après examen, le résultat soit le même que celui qui est présenté dans le tableau du rapport, c’est-à-dire que l’effet éventuel serait considéré comme négligeable, mais on ne peut présumer cela maintenant sans analyser la question, pas plus qu’on aurait pu le faire le 15 juillet, date de l’acceptation du rapport d’examen préalable.

Un autre aspect d’iniquité par rapport aux droits spéciaux des requérantes en tant qu’Autochtones découlerait de l’obligation fiduciaire qu’a l’État envers ces dernières. La nature de cette obligation n’est pas énoncée dans l’argumentation, mais en l’espèce, elle comporterait au moins le fait de ne pas permettre que s’exercent des effets négatifs injustifiés sur des droits autochtones permanents, qui comportent en l’occurrence celui de pêcher à des fins alimentaires dans les lacs Bras d’Or.

Je signale que les requérantes ont donné avis aux intimés avant l’audition des présentes demandes et, en accord avec cet avis, elles ont proposé à l’audience de modifier les motifs énoncés dans les trois demandes comme fondements de leurs demandes de contrôle judiciaire. Elles ont proposé d’ajouter un motif supplémentaire :

[traduction]

12. Les requérantes feront valoir que les ministres ont commis une erreur de droit et de compétence à l’égard de l’obligation fiduciaire qu’a envers elles sa Majesté la Reine du Chef du Canada en ne leur procurant pas une occasion raisonnable d’être entendues, et/ou en n’exigeant pas que le ministre des Affaires indiennes et du Nord, les requérantes, ou une personne agissant en son ou en leur nom, signent le document d’examen préalable exigé par la LCEE à titre d’autorité responsable, et/ou s’assurent par ailleurs que la décision relative à l’examen préalable, l’autorisation et le permis sont conformes aux obligations fiduciaires de Sa Majesté envers les requérantes.

L’avocat du procureur général, qui représentait les ministres, s’est opposé à la modification proposée qui, a-t-il allégué, ajoute à la dernière minute un nouveau motif, quand dans le cas d’une instruction avancée, seuls les motifs initiaux doivent être inclus, surtout que l’État n’a pas eu l’occasion de chercher des éléments de preuve possibles, dans les dossiers du MAINC peut-être, au sujet de toute obligation fiduciaire revendiquée en l’espèce.

Je ne suis pas disposé à faire droit à la modification proposée, mais en arrivant à cette conclusion, je ne règle pas entièrement toute prétention fondée sur la question de l’obligation fiduciaire. Je rejette la modification parce que celle-ci n’est pas nécessaire pour soulever la question du non-respect d’obligations fiduciaires en tant qu’élément d’iniquité au sein du processus. Cet aspect ne surprend pas les intimés, à mon avis, car il y a été fait référence dans l’argumentation présentée au moment de l’audition de la demande de suspension le 29 août, et une violation de l’obligation fiduciaire a été alléguée dans l’argumentation écrite déposée par les requérantes le 20 septembre en accord avec le calendrier fixé pour l’audition.

L’un des buts principaux de la modification proposée était, selon l’avocat des requérantes, d’inviter la Cour à envisager de commenter ou de prescrire la façon dont l’État devait s’acquitter de son obligation fiduciaire au vu du processus exposé dans la LCEE, c’est-à-dire si le MAINC, ou, à la place de ce dernier, les requérantes elles-mêmes devraient être tenus de signer le rapport d’examen préalable. Cette suggestion découle manifestement d’une certaine hésitation quant à la responsabilité concernant l’obligation fiduciaire de l’État envers les requérantes en l’espèce. Ainsi, par exemple, une lettre figurant dans le dossier des agents du MAINC comporte une reconnaissance de la nécessité de s’acquitter de cette obligation fiduciaire, mais le Ministère a refusé de prendre part officiellement à l’acceptation de l’examen préalable ou aux consultations le concernant, et il était dit dans cette lettre que c’était P&O qui devait faire directement affaire avec les requérantes. Par déduction, la position du MAINC aurait été la suivante : la principale autorité responsable en vertu de la LCEE, P&O en l’occurrence, assumait la responsabilité de s’acquitter de l’obligation fiduciaire de l’État. Pourtant, rien ne prouve que l’un quelconque des agents de P&O ayant participé à l’évaluation ait reconnu cette responsabilité. À mon sens, les requérantes ne pouvaient elles-mêmes l’assumer. Ni le MAINC ni les requérantes, ni quiconque en leur nom, ne correspondent à la définition d’une « autorité responsable » afin de veiller à ce que l’on procède d’une manière satisfaisante à une évaluation environnementale aux termes des articles 11 et 5 de la LCEE, et ni l’une ni l’autre de ces parties n’était chargée en vertu de la Loi d’approuver le rapport d’examen préalable.

L’obligation fiduciaire de l’État envers les requérantes, à titre de représentantes des Autochtones, s’est poursuivie pendant toute la durée du processus d’évaluation, ainsi que par la suite. Il se peut que dans la fonction publique, à cette occasion du moins, on ait eu le sentiment que le MAINC était seul à devoir s’acquitter de cette obligation. Ce n’est que dans la mesure où cette obligation est prévue dans le libellé de la LCEE, où il est dit que les effets environnementaux comprennent l’« usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones », qu’il est fait référence implicitement à cette obligation en l’espèce. C’est donc dire qu’il n’en est fait mention que dans la lettre du ministre de l’Environnement datée du 21 juin 1996, et dans le tableau du rapport d’examen préalable où sont présentés les effets environnementaux. J’ai conclu qu’à vrai dire, ce dernier n’indique pas que les autorités chargées de procéder à l’examen ont tenu compte du droit reconnu des Micmacs, à titre d’Autochtones, de pêcher à des fins alimentaires dans les lacs Bras d’Or. Les autorités responsables en cause, agissant pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l’Environnement, n’ont simplement pas fait mention de l’obligation fiduciaire qu’avait le gouvernement de Sa Majesté envers les Micmacs. Le fait de ne pas prendre en compte cette obligation et la responsabilité qu’elle suscite, lorsqu’un droit autochtone a été reconnu antérieurement et peut être négativement touché par le projet, constitue, selon moi, une omission de la part de ceux qui agissaient pour le compte des ministres intimés de faire preuve d’équité envers les requérantes dans le cadre du processus d’évaluation environnementale. En fait, on commet à mon sens une erreur de droit en négligeant d’examiner la question du droit autochtone et, s’il y a un effet sur ce dernier, d’évaluer si cet effet est justifié ou non, conformément à l’approche exposée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, aux pages 1111 à 1119.

Je suis convaincu qu’en négligeant de prendre en compte l’obligation fiduciaire due en l’espèce aux requérantes, quand la décision a été prise au nom des ministres, les personnes qui agissaient au nom de ces derniers l’ont bel et bien enfreinte. Le fait d’examiner cette obligation, afin d’éviter des conséquences négatives injustifiées pour les droits des requérantes sur les ressources halieutiques des lacs Bras d’Or, pourrait conduire à la même conclusion que celle qu’a tirée l’expert-conseil dont LNG avait retenu les services, savoir que le projet n’aurait vraisemblablement pas d’incidence sur les droits relatifs aux ressources halieutiques des lacs. Si tel est le cas, la décision sera prise par les personnes agissant pour le compte de l’État qui sont responsables, au nom de Sa Majesté, envers le peuple micmac. Elle ne s’en remettrait pas simplement à la décision d’une tierce partie privée n’ayant ni le pouvoir ni la responsabilité d’agir au nom de Sa Majesté en prenant en compte l’obligation fiduciaire requise en l’espèce.

Il a été allégué pour le compte des requérantes qu’en vertu de la LCEE, ces dernières, en qualité de représentantes des Autochtones, ont un rôle spécial à jouer dans le processus d’évaluation environnementale, et ce, du fait de la Loi elle-même et de l’obligation fiduciaire qui leur est due. Je n’en suis pas convaincu. Il est clair toutefois que la LCEE exige que l’on évalue tout effet d’un changement environnemental sur l’usage courant de leurs droits sur les ressources halieutiques des lacs Bras d’Or à des fins traditionnelles. Cette évaluation, dans la mesure où l’on évalue l’effet de changements sur ces droits, que protège le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], oblige à appliquer les critères énoncés dans l’arrêt R. c. Sparrow, précité. Dans certains cas, la Loi et tout règlement pertinent peuvent fort bien être soumis aux exigences décrites dans la décision qu’a récemment rendue la Cour suprême dans R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101 mais en l’espèce, aucune question n’est soulevée à propos de la validité ou de l’application de la LCEE.

c)         Équité et attentes légitimes

Enfin, en ce qui concerne l’équité procédurale, les requérantes soutiennent que la doctrine des attentes légitimes s’applique en l’espèce. Cette doctrine est décrite par le juge Sopinka, dans l’arrêt Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, à la page 1204; il s’agit du :

… prolongement des règles de justice naturelle et de l’équité procédurale. [Le principe] accorde à une personne touchée par la décision d’un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances ou, autrement, elle n’aurait pas cette possibilité. La cour supplée à l’omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu’un qu’on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter.

Il est allégué au nom des ministres intimés qu’il n’y a pas eu d’engagement explicite — et cela ne se fait normalement pas lorsque l’on examine un rapport d’examen préalable — qu’une décision ne serait prise qu’après la réunion du 16 juillet, où des questions de nature scientifique devaient être analysées. Les requérantes font valoir que, même sans ces facteurs, il était raisonnable qu’elles s’attendent, comme elles l’ont fait, à ce qu’aucune décision ne soit prise avant que l’on ait discuté de leurs préoccupations relatives aux évaluations scientifiques. Comme il a été mentionné plus tôt, ces attentes découlaient, en partie, de l’octroi de fonds par le MAINC en vue de l’exécution de leurs études indépendantes, ainsi que des assurances données par les ministres de P&O et d’EC que leur travail occuperait une place importante dans l’évaluation, en fait, comme l’a indiqué le ministre d’EC dans sa lettre du 21 juin 1996, qu’on ne délivrerait pas de permis d’immersion de déchets en mer avant d’avoir examiné un rapport de l’UNSI. La réunion tenue le 5 juillet pour régler les préoccupations des requérantes s’est avérée insatisfaisante, et l’UNSI a demandé trois autres mesures, dont deux ont été satisfaites par une réponse écrite à ses constatations et recommandations et par la tenue d’une réunion avec des scientifiques de P&O. La troisième mesure, une autre réunion avec les directeurs régionaux de P&O et d’EC, ne s’est pas concrétisée.

Vu les fonds qu’a obtenus l’UNSI pour réaliser son examen indépendant du projet, fonds dont étaient au courant les ministres concernés et leurs agents compétents, il est surprenant qu’aucun commentaire satisfaisant n’ait été fait sur l’étude de l’UNSI portant sur le poisson et l’habitat du poisson, et le dossier ne fait état d’aucune des autres études que l’UNSI a réalisées, au su des agents de P&O et d’EC, avant que ceux-ci décident d’entériner le rapport d’examen préalable. Il n’est peut-être jamais facile, comme l’illustre la présente affaire, de coordonner la prise de décisions au sein de l’État, surtout lorsqu’il y a plus d’un organisme en cause. En matière d’évaluation environnementale, il est indispensable que la coordination soit bonne si l’on veut que le processus suscite une confiance quelconque chez ceux dont les droits sont touchés par un changement environnemental anticipé.

Néanmoins, selon moi, la doctrine des attentes légitimes ne s’applique pas en l’espèce. Aucun processus ou aucune pratique de nature législative ou réglementaire ne prévoit la tenue d’une réunion, pour analyser des questions de nature scientifique avec des scientifiques de l’État ou des directeurs généraux régionaux, et bien que les requérantes aient demandé les deux, ni l’une ni l’autre n’ont été expressément présentées comme un engagement par les personnes agissant pour le compte des ministres. La Cour n’a nulle raison de conclure à l’existence d’une attente légitime qui l’amènerait à intervenir pour imposer une mesure procédurale obligeant à donner une autre occasion de présenter des observations, soit aux scientifiques de P&O soit aux directeurs généraux régionaux. Il est allégué que les requérantes avaient le droit d’être informées de la « preuve » soumise aux personnes agissant pour le compte des ministres et de faire des observations au sujet de questions scientifiques incluses dans cette « preuve ». La décision dont il est question en l’espèce n’est pas typiquement judiciaire; il s’agit plutôt d’une décision administrative qui doit être prise à la discrétion des ministres concernés. Même si elle s’appliquait en l’espèce, la doctrine des attentes légitimes n’étayerait pas la conclusion que les requérantes avaient droit à plus qu’une occasion de présenter leurs propres observations, afin de contribuer aux documents soumis aux ministres. Il ne s’agirait pas d’une raison de justifier le droit de faire des commentaires sur l’ensemble des documents ou des « éléments de preuve » soumis à l’examen des ministres.

EXIGENCES D’UNE ÉVALUATION EN VERTU DE LA LCEE

Les requérantes prétendent que, en décidant d’approuver le rapport d’examen préalable, les ministres ne se sont pas conformés à l’obligation prévue par la LCEE d’évaluer dans le cadre du processus d’examen les mesures à prendre pour atténuer les effets négatifs et, de plus, qu’ils n’ont pas procédé à une évaluation scientifique sérieuse et raisonnable du projet, comme l’exige la Loi. Au sujet de ce dernier point, il est allégué que les décisionnaires n’ont pas tenu compte des avis scientifiques qui leur avaient été soumis et ont tiré des conclusions manifestement déraisonnables. Les intimés contestent ces arguments et soutiennent qu’eu égard à la norme de contrôle à laquelle est soumise la Cour dans la présente instance, il n’est pas établi que les constatations et conclusions du rapport d’examen préalable étaient manifestement déraisonnables.

Dans le premier de ces arguments, les requérantes font valoir qu’à la date où le rapport d’examen préalable a été accepté, les mesures d’atténuation n’avaient pas toutes été déterminées ou évaluées. Plutôt, le rapport, dans la forme où il a été accepté, prévoyait expressément que LNG devait dresser un plan de protection de l’environnement, un plan d’intervention d’urgence et un plan de gestion de l’élimination des rebuts de dragage, lesquels devaient être soumis à l’approbation de P&O et d’EC avant le début des travaux de dragage. La mise en œuvre des opérations devait être surveillée, et celle des plans non encore établis par LNG garantissait que l’on éviterait des effets négatifs et que l’on évaluerait les prévisions fixées au moment de l’évaluation.

L’argument est fondé sur la Loi, laquelle dispose que toute étude d’un projet porte notamment sur « les mesures d’atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants » (alinéa 16(1)d), LCEE). En l’espèce, la décision a été prise en vertu de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, lequel porte que la décision de l’autorité responsable doit être prise « après avoir pris en compte le rapport d’examen préalable », « compte tenu de l’application des mesures d’atténuation qu’elle estime indiquées ».

Aux termes du paragraphe 2(1) de la LCEE, les mesures d’atténuation signifient la « [m]aîtrise efficace, réduction importante ou élimination des effets environnementaux négatifs d’un projet, éventuellement assortie d’actions de rétablissement notamment par remplacement ou restauration; y est assimilée l’indemnisation des dommages causés ».

Il a été fait référence, en termes succincts toutefois, à certaines mesures d’atténuation dans le rapport d’examen préalable. Ainsi, il est prévu que la création d’un habitat pour le homard et la prise de mesures d’indemnisation atténuent la perte de l’habitat du homard et d’invertébrés au site de dragage, et que l’établissement d’un programme de surveillance pendant la durée des travaux, afin de faciliter la prise de mesures correctrices s’il est perçu que l’on retarde la migration d’importants bancs de poisson dans le chenal du lac Grand Bras d’Or, atténue le bruit et la perturbation attribuables aux travaux de dragage. Les auteurs des affidavits d’EC et de LNG ont également dit qu’au cours de la réalisation de l’étude préalable de LNG, il a été longuement discuté de la prise de mesures d’atténuation pour faire face à des conséquences négatives. En fait, les représentants de l’État en ont parlé à la réunion du 5 juillet avec l’UNSI, en insistant peut-être trop sur les mesures d’atténuation, selon le point de vue des représentants de l’UNSI. Il semble évident qu’avant que le rapport d’examen préalable soit accepté le 15 juillet, les parties examinaient d’éventuelles mesures d’atténuation.

Au vu des faits qui m’ont été soumis, l’argument des requérantes exigerait donc que tous les détails concernant les mesures d’atténuation soient réglés et examinés avant que l’on accepte le rapport d’examen préalable. Je ne suis pas convaincu que c’est ce que requiert la LCEE. La Loi établit pour l’évaluation des effets environnementaux un processus, permanent et dynamique, dans le cadre duquel a lieu un dialogue entre le promoteur du projet, les autorités responsables et souvent, comme c’est le cas en l’occurrence, les groupes communautaires intéressés. Le dragage et le rejet en mer des résidus de dragage sont des activités que l’on connaît bien dans les eaux canadiennes, et ce, même s’il n’y en avait pas eu auparavant à l’endroit où le projet dont il est question en l’espèce devait être exécuté. On savait bien des choses sur les mesures qui permettent d’atténuer les effets négatifs de ces activités en général, et le projet n’a pas été approuvé par l’octroi des permis nécessaires avant que les détails entourant les mesures d’atténuation aient été réglés à la satisfaction des autorités responsables.

Je conclus que, lorsque le rapport d’examen préalable a été accepté le 15 juillet, les autorités responsables en savaient suffisamment sur les mesures d’atténuation, même s’il restait encore à LNG à régler les derniers détails acceptables, et on ne peut pas dire que ces autorités ne se sont pas conformées aux procédures que prévoit la LCEE. Il ressort de la preuve qu’en approuvant le rapport d’examen préalable, elles ont pris en compte les mesures d’atténuation générales qu’elles estimaient indiquées pour faire face aux conséquences négatives anticipées, et elles fait approuver les plans détaillés définitifs concernant les mesures d’atténuation avant que commencent les travaux.

Les requérantes font valoir également que les ministres se trouvaient dans l’obligation de procéder à une évaluation sérieuse et raisonnable du projet en vertu de l’alinéa 4a) [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 19] de la LCEE, lequel précise que cette Loi a pour objet, notamment, « de permettre aux autorités responsables de prendre des mesures à l’égard de tout projet susceptible d’avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets ». Je reconnais que cette norme est compatible avec les objets et les processus que fixe la Loi.

Je ne suis toutefois pas convaincu que les personnes agissant pour le compte des ministres ont négligé de procéder à un examen sérieux, sauf qu’elles n’ont pas examiné l’usage courant que font les Micmacs des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or et n’ont donc pas pris en compte la responsabilité fiduciaire envers ce peuple. La prétention des requérantes selon laquelle la norme de diligence prévue par la loi n’a pas été respectée repose sur plusieurs facteurs. Ainsi, est-il dit, il n’y a pas eu d’examen scientifique général raisonnable du projet, certains renseignements critiques, comme des données de base sur la migration du poisson dans le chenal du lac Grand Bras d’Or n’ont pas été obtenus, et l’on n’a pas tenu compte de certains avis de scientifiques, sur, notamment, l’habitat du poisson à l’un des sites de rejet de déchets en mer, et sur un nouvel habitat pour le homard. Le dossier écrit, extrait des dossiers de P&O et d’EC, contient des messages électroniques enregistrés et déposés, et il révèle que certains scientifiques consultés dans le cadre du processus critiquaient des aspects du projet et des propositions faites en vue de surveiller et d’atténuer les conséquences négatives. Il ressort également de ce dossier qu’en fin de compte, des agents scientifiques de premier plan ont semblé reconnaître que leur avis aurait été plus clair et justifiable s’ils avaient procédé à une évaluation scientifique générale, au lieu de s’organiser simplement pour fournir des commentaires, comme il était demandé à des particuliers de le faire, sur des aspects distincts de la proposition.

Il y a peut-être bien des leçons que peuvent apprendre les scientifiques qui se soucient du fait que l’on prenne de meilleures dispositions pour fournir des conseils scientifiques au sujet des évaluations environnementales de projets à venir. Si c’est le cas, il serait regrettable que les vues divergentes des scientifiques en cause soient passées sous silence. Il serait inusité qu’ils n’aient pas de vues divergentes, comme le révèle en l’espèce le dossier écrit.

Il faut toutefois se souvenir que la décision que prennent les ministres en vertu de la LCEE n’est pas de nature scientifique. Il s’agit d’un exercice de jugement qui tient compte de questions scientifiques, économiques, politiques et sociales appropriées. Dans l’arrêt Alberta Wilderness Assn. c. Express Pipelines Ltd., [1996] A.C.F. no 1016 (C.A.) (QL), la Cour d’appel a décrit en ces termes le processus que prévoit la LCEE [au paragraphe 10] :

Aucun élément d’information portant sur les effets futurs probables d’un projet ne saurait jamais être complet ou exclure toutes les conséquences possibles … le principal critère établi par la loi est l’« importance » des effets environnementaux du projet. Il ne s’agit pas là d’un critère entièrement fixe ou objectif; il fait largement appel au jugement et à l’opinion de la commission. Des personnes raisonnables peuvent ne pas être du même avis—et ne le sont effectivement pas—sur la question de savoir si des éléments de preuve qui prévoient certaines répercussions à venir sont suffisants et exhaustifs et sur l’importance de ces répercussions sans soulever par le fait même des questions de droit.

La nature même de la décision signifie que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour doit forcément s’en remettre au décisionnaire habilité par la loi, à moins d’être convaincue que la décision est manifestement déraisonnable, c’est-à-dire qu’elle ne peut se justifier logiquement au vu de l’ensemble des renseignements dont disposait le décisionnaire au moment où il a pris sa décision. Tant qu’il existe des renseignements sur lesquels la décision pouvait être logiquement fondée, la Cour n’interviendra pas.

Dans la présente affaire, hormis des questions d’équité procédurale, et en dépit de critiques du rôle des scientifiques et de celui des personnes à qui il incombait de coordonner les avis scientifiques et d’autres informations au cours de l’examen préalable du projet, y compris l’étude très sérieuse que LNG avait menée, je ne suis pas convaincu que la conclusion définitive qui est contestée en l’espèce, savoir que le projet soit approuvé sous réserve de la prise de mesures de surveillance et d’atténuation, peut être qualifiée de manifestement déraisonnable. Aussi sérieuse qu’elle puisse être, la critique des requérantes à l’égard de l’examen scientifique de l’étude de LNG ne convainc pas qu’il faudrait infirmer la conclusion ultime tirée pour le compte des ministres parce que l’évaluation des renseignements scientifiques sur le projet était moins que sérieuse, comme l’exige la LCEE à propos du processus d’évaluation.

CONCLUSION

Comme je l’ai indiqué plus tôt, je conclus que les personnes agissant pour le compte des ministres concernés ont omis d’évaluer les effets négatifs éventuels du projet sur l’usage des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or par les Micmacs à des fins traditionnelles, c’est-à-dire, alimentaires. Ainsi que je l’ai signalé plus tôt, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a clairement confirmé cet usage. Il s’agit d’un droit des Autochtones, que les personnes agissant au nom de Sa Majesté se trouvent dans l’obligation fiduciaire de protéger contre les effets négatifs injustifiés du projet, et je suis arrivé à la conclusion que les personnes agissant pour le compte des ministres concernés ont omis de prendre en considération l’obligation fiduciaire qui était requise en l’espèce. Ces omissions constituaient un cas d’iniquité procédurale et des erreurs de droit.

Il est allégué pour le compte de LNG que l’annulation des décisions ferait inévitablement augmenter le coût du projet, elle occasionnerait des obligations à LNG sans que celle-ci retire un bénéfice quelconque du projet, et elle créerait des incertitudes qui pourraient mettre en péril les perspectives à long terme de l’entreprise et de ses travailleurs. Aussi sérieuses qu’elles puissent être, ces préoccupations ne sont pas, à mon avis, de nature à amener la Cour à refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour annuler les décisions d’approuver le projet, surtout que, comme je l’ai conclu, les autorités responsables ont omis de satisfaire à l’obligation prévue par la LCEE d’évaluer les effets environnementaux négatifs qui pourraient toucher l’usage, par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or à des fins traditionnelles.

Une ordonnance a donc été rendue dans le dossier T-1849-96, annulant la décision principale datée du 15 juillet 1996 et renvoyant l’affaire pour nouvel examen, après de plus amples consultations avec les requérantes et le promoteur, LNG, et après un examen des effets négatifs éventuels sur l’usage courant, par les Micmacs, que représentent les requérantes, des ressources halieutiques des lacs. Dans les deux autres dossiers, qui portent les nos T-2005-96 et T-2006-96, il a été ordonné d’annuler et de suspendre les décisions datées du 22 et du 29 juillet respectivement en attendant que soit réexaminée la décision principale d’approuver le rapport d’examen préalable établi à la suite d’une évaluation environnementale.

Le nouvel examen de la décision principale concernant le rapport d’examen préalable devrait être entrepris à la lumière de toutes les informations disponibles à ce moment-là, et non simplement en se fondant sur les renseignements qui se trouvaient dans le dossier en date du 15 juillet 1996. Si cet examen se solde de nouveau par l’approbation du rapport d’examen préalable, qui inclurait donc expressément l’évaluation effectuée au sujet de l’usage, par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d’Or à des fins traditionnelles, alors, sous réserve d’une révision des conditions dans lesquelles les approbations subséquentes ont été accordées de manière à pouvoir intégrer tout changement maintenant indiqué, l’autorisation suspendue que le ministre des Pêches et des Océans avait donnée pourra être rétablie avec l’assentiment de ce dernier, et le permis suspendu que le ministre de l’Environnement avait délivré pourra être rétabli avec l’assentiment de ce dernier, et ce, selon moi, sans autre annonce ou avis officiel publié.

Les ordonnances prescrivaient des dates d’entrée en vigueur, à moins que les avocats des requérantes, des ministres concernés et de LNG ne se soient pas entendus sur des dispositions différentes pour tenir compte des détails pratiques concernant la cessation des activités de dragage et de rejet de résidus en mer.

Les ordonnances prescrivent au ministre des Pêches et des Océans, à titre de principale autorité responsable, en consultation avec le ministre de l’Environnement et LNG, de s’assurer que les modalités de surveillance permanente qu’ils jugeront indiquées sont appliquées aux sites de dragage et de rejet de résidus en mer, en attendant que le rapport d’examen préalable établi à la suite de l’évaluation environnementale soit soumis à un nouvel examen.

Enfin, j’ordonne qu’un exemplaire des présents motifs soit déposé dans les trois dossiers suivants de la Cour : T-1849-96, T-2005-96 et T-2006-96.

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