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[1997] 2 C.F. 791

IMM-3659-95

Senar Sinnappu, Thilagawathy Sinnappu (requérants)

c.

La ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (intimée)

Répertorié : Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, le juge McGillis— Toronto, 13 et 14 janvier; Ottawa, 14 février 1997.

Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Mesures de renvoi en vue de l’expulsion dans un pays engagé dans un conflit arméLes dispositions énoncées dans la Loi et dans le Règlement à l’égard de l’évaluation du risque par suite du rejet d’une revendication du statut de réfugié ne vont pas à l’encontre des principes de justice fondamentaleIl n’appartient pas à la Cour de déterminer l’état de la situation du pays, car cette question relève des agents d’immigration, qui possèdent une formation spécialisée à ce sujetLes délais systémiques ne peuvent toucher la validité du régime législatif sur le plan constitutionnelLes deux avenues distinctes de révision postérieure des revendications rejetées respectent les principes de justice fondamentale.

Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Les mesures de renvoi en vue de l’expulsion des requérants dans un pays engagé dans un conflit armé ne vont pas à l’encontre de l’art. 12 de la CharteL’expulsion ne constitue pas une peineCompte tenu des mesures de protection prévues par le régime législatif, l’expulsion ne serait pas incompatible avec la « dignité humaine » ni ne constituerait une mesure « exagérément disproportionnée » — Le régime législatif relatif à la révision postérieure des revendications respecte les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

Citoyenneté et Immigration Exclusion et renvoi Personnes non admissibles Les mesures de renvoi en vue de l’expulsion des requérants dans un pays engagé dans un conflit armé sont valides sur le plan constitutionnel et sont compatibles avec les obligations du Canada découlant de la Loi sur les conventions de Genève.

Les requérants, qui sont mari et femme, sont des Tamouls citoyens du Sri Lanka. Ils sont arrivés au Canada séparément en 1991 et 1992 et ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Des mesures d’expulsion conditionnelle ont été prises à leur endroit.

En mai 1993, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a décidé que les requérants n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. La Commission a conclu que, même si chacun d’eux avait peut-être raison de craindre d’être persécuté dans le nord du Sri Lanka, ils avaient une possibilité de refuge intérieur à Colombo. Elle a informé les requérants de sa décision dans un avis daté du 17 mai 1993 et les mesures d’expulsion conditionnelle prises à leur endroit sont devenues exécutoires à cette même date. Leur demande en vue d’obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été rejetée en septembre 1993.

En décembre 1995, après avoir reçu une lettre les enjoignant de se présenter en vue de leur renvoi à Colombo, les requérants ont appris qu’il avait été décidé, après examen, qu’ils ne faisaient pas partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Ils n’avaient pas reçu la trousse concernant la catégorie DNRSRC qui leur avait été postée en janvier 1995 ni la lettre en date d’avril 1995 les informant de l’examen et du résultat en découlant.

En décembre 1995, les requérants ont déposé une demande en vue d’obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire afin de contester la décision du ministre visant à les renvoyer au Sri Lanka et, en janvier 1996, l’exécution de la mesure de renvoi a été suspendue jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire. En octobre 1996, les requérants ont présenté une demande d’examen fondée sur des raisons d’ordre humanitaire sous le régime du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration.

Les questions en litige étaient celles de savoir si les mesures de renvoi exigeant l’expulsion des requérants au Sri Lanka, pays engagé dans un conflit armé, allaient à l’encontre des droits garantis par les articles 7 ou 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et si le renvoi des requérants au Sri Lanka allait à l’encontre des obligations du Canada qui découlent de la Loi sur les conventions de Genève.

Jugement : la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

Les lois et règlements en matière d’immigration ainsi que la procédure et les critères applicables aux personnes dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée sont examinés en profondeur.

Article 7 de la Charte

L’article 7 comporte deux éléments d’analyse. Au cours de la première partie de l’analyse, il faut examiner les droits accordés aux termes de la Loi et du Règlement aux requérants en qualité de demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée afin de déterminer la portée de la protection qu’ils peuvent invoquer sous le régime de l’article 7 de la Charte. À cet égard, l’article 3 de la Loi sur l’immigration reconnaît la nécessité de remplir, envers les réfugiés, les obligations imposées au Canada par le droit international et de continuer à faire honneur à la tradition humanitaire du pays à l’endroit des personnes déplacées ou persécutées. La personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée n’a pas le droit de rester au Canada ni le droit de ne pas en être expulsée; cependant, si elle respecte les critères ainsi que les exigences relatives au droit d’établissement énoncés respectivement au paragraphe 2(1) et à l’article 11.4 du Règlement, elle peut obtenir le droit de s’établir au Canada comme résidente permanente. Elle peut également présenter une demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi en vue de faciliter son admission au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire, en invoquant le risque de subir des sanctions sévères ou un traitement inhumain dans le pays d’origine. Ces deux demandes représentent les seuls recours d’origine législative reconnus aux demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée. En principe, la ministre s’abstient de renvoyer une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée, à moins qu’une décision négative n’ait été rendue à l’égard de la demande présumée d’établissement de cette personne comme membre de la catégorie DNRSRC.

Il n’est pas nécessaire de répondre à la question préliminaire de savoir si l’expulsion des requérants dans un pays engagé dans un conflit armé porte atteinte à leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, parce que les dispositions énoncées dans la Loi et dans le Règlement à l’égard de l’évaluation du risque par suite du rejet d’une revendication du statut de réfugié ne vont pas à l’encontre des principes de justice fondamentale.

Il n’appartient pas à la Cour de déterminer l’état de la situation du pays au cours de son analyse des questions liées à l’application de l’article 7 de la Charte. Il serait peu souhaitable qu’un juge entreprenne ce type d’exercice, compte tenu, notamment, du fait que le régime législatif oblige les agents d’immigration, qui possèdent une formation spécialisée à ce sujet, à prendre des décisions de cette nature.

Au cours de la deuxième partie de l’analyse fondée sur l’article 7 de la Charte, il faut examiner la validité constitutionnelle du régime législatif en question dans le contexte des principes et des politiques qui sous-tendent le droit de l’immigration. Tant le fond que les aspects procéduraux du texte législatif doivent être examinés. En ce qui a trait au fond, les dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC respectent les principes de justice fondamentale : la définition du risque dans les critères énoncée au paragraphe 2(1) du Règlement ne va pas à l’encontre des principes de justice fondamentale. En ce qui a trait aux aspects procéduraux, il a été décidé que le délai lié à la procédure d’immigration ne donne pas lieu à un manquement aux droits reconnus par la Charte. Les délais systémiques liés à la mise en œuvre et à la mise à exécution du régime législatif concernant les revendications refusées ne peuvent en toucher la validité sur le plan constitutionnel. Ces délais ne peuvent être considérés à bon droit comme un aspect procédural du texte législatif. L’argument selon lequel l’état de la situation au pays pourrait évoluer avant le renvoi est vicié car, même si le délai était minime, des changements pourraient toujours survenir. Cependant, le retard inhérent à l’application du régime législatif relatif aux revendications refusées peut porter atteinte aux droits d’une personne qui sont garantis par la Charte, si le préjudice ou le traitement inéquitable est établi en bonne et due forme. Dans la présente affaire, l’omission des requérants d’exercer en temps opportun un recours d’origine législative ne peut justifier l’argument subséquent selon lequel ils ont été lésés ou traités de façon inéquitable en raison du délai.

Même si les requérants n’ont pas prouvé de transgression des droits que l’article 7 de la Charte leur garantit, compte tenu des intérêts de la justice et de l’admission selon laquelle le risque auquel les requérants s’exposaient avait été évalué de façon plutôt hâtive, la ministre ne devrait pas les renvoyer au Sri Lanka avant que ses fonctionnaires se soient prononcés sur la demande en cours, soit la demande d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire, qui est fondée, du moins en partie, sur les risques auxquels les requérants s’exposent à leur retour au Sri Lanka.

Étant donné que le régime législatif offre des protections étendues et différents recours aux demandeurs du statut de réfugié, les recours dont disposent les personnes dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi (raisons d’ordre humanitaire) sont conformes aux principes de justice fondamentale. Les dispositions législatives prévoient deux mécanismes distincts pour examiner la preuve concernant l’évolution de la situation du pays et pour évaluer les risques auxquels s’expose le demandeur dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée.

Article 12 de la Charte

L’expulsion ne constitue pas une peine. De plus, l’expulsion d’un résident permanent qui a omis d’observer une condition essentielle de l’autorisation qu’il avait de rester au Canada ne peut être considérée comme une décision incompatible avec la dignité humaine. L’expulsion d’un demandeur dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée dans un pays engagé dans une guerre civile constante ne va pas à l’encontre de l’article 12 de la Charte lorsqu’il ressort de l’évaluation du risque menée en application de la Loi ou du Règlement qu’il est peu probable qu’il soit mis à mort ou qu’il subisse des sanctions excessives ou un traitement inhumain. Compte tenu des mesures de protection accordées par le régime législatif à une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée, l’expulsion ne serait pas incompatible avec la « dignité humaine » ni ne constituerait une mesure « exagérément disproportionnée » au sens de la jurisprudence.

Les critères législatifs servant à évaluer le risque selon le paragraphe 2(1) du Règlement sont compatibles avec nos obligations internationales découlant de la Convention contre la torture.

Loi sur les conventions de Genève

Le retour des requérants au Sri Lanka ne va pas à l’encontre des obligations qui incombent au Canada aux termes de la Loi sur les conventions de Genève. Étant donné que le Canada ne participe nullement au conflit qui fait rage au Sri Lanka, l’article premier des dispositions générales de la Loi n’impose pas à notre pays l’obligation de ne pas renvoyer dans ce pays les demandeurs dont la demande de statut de réfugié a été rejetée. Même si le Canada devait se conformer à cette obligation aux termes de cet article, cette obligation ne touche pas l’application de nos règles de droit en matière d’immigration. Même si le conflit armé du Sri Lanka n’était pas de nature interne, aucun élément de l’article premier des dispositions générales des conventions de Genève de 1949 n’empêcherait le Canada de renvoyer dans le territoire d’un État engagé dans un conflit armé international une personne qui a épuisé tous les recours dont elle dispose aux termes de la Loi et du Règlement.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 11b), 12.

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Rés. AG 39/46, Doc. off. AG NU, 10 décembre 1984.

Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20.

Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20.

Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20.

Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20.

Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3, art. 2(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 14, art. 1).

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 3, 4(1),(2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 3), (2.1) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 2), 5(1), 6(5) (mod., idem, art. 3), 32.1(3) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 12; L.C. 1992, ch. 49, art. 23), (4) (édicté par L.R.C. (1985), (4e suppl.), ch. 28, art. 12), (6) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 23), 44(1) (mod. idem, art. 35), (2) (mod., idem), (3) (mod., idem), 46.02 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 37), 69.1(2) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 60), (3) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18), (9) (édicté, idem), (9.1) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 60), (11) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 60), 82.1(1) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 82.2 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 83(1) (mod., idem), 114(1) (mod., idem, art. 102), (2) (mod., idem).

Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) « demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » (édicté par DORS/93-44, art. 1), 2.1 (édicté, idem, art. 2), 11.2 (édicté, idem, art. 10), 11.4 (édicté, idem; DORS/93-412, art. 6).

Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d’immigration, DORS/93-22, Règle 18(1).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519; (1993), 107 D.L.R. (4th) 342; [1993] 7 W.W.R. 641; 56 W.A.C. 1; 82 B.C.L.R. (2d) 273; 34 B.C.A.C. 1; 85 C.C.C. (3d) 15; 24 C.R. (4th) 281; 158 N.R. 1; Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1995), 32 C.R.R. (2d) 95; 100 F.T.R. 261 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181; 201 N.R. 233 (C.A.F.); Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711; (1992), 90 D.L.R. (4th) 289; 2 Admin. L.R. (2d) 125; 72 C.C.C. (3d) 214; 8 C.R.R. (2d) 234; 16 Imm. L.R. (2d) 1; 135 N.R. 161; Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 C.F. 696 (1993), 100 D.L.R. (4th) 151; 14 C.R.R. (2d) 146; 18 Imm. L.R. (2d) 165; 151 N.R. 69 (C.A.); Chaudhry c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 104 (1994), 83 F.T.R. 81; 25 Imm. L.R. (2d) 139 (1re inst.); Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 581 (1991), 85 D.L.R. (4th) 166; 135 N.R. 310 (C.A.); Barrera c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 C.F. 3 (1992), 99 D.L.R. (4th) 264; 18 Imm. L.R. (2d) 81; 151 N.R. 28 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Akthar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 C.F. 32 (1991), 50 Admin. L.R. 153; 14 Imm. L.R. (2d) 39; 129 N.R. 71 (C.A.); Hernandez c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 154 N.R. 231 (C.A.F.); R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199; (1990), 75 O.R. (2d) 673; 74 D.L.R. (4th) 355; 59 C.C.C. (3d) 449; 79 C.R. (3d) 273; 49 C.R.R. 1; 42 O.A.C. 81.

DÉCISION MENTIONNÉE :

Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1.

DOCTRINE

Citoyenneté et Immigration Canada. Qu’est-ce que la catégorie DNRSRC? Ottawa : Citoyenneté et Immigration Canada, 1994.

Davis, Susan et Lorne Waldman. La voie de la compassion : Études des processus mis à la disposition des personnes à qui on a refusé le statut de réfugié et qui demandent une révision de leur cas pour des considérations humanitaires. Ottawa : Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, mars 1994.

Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/93-44, (1993), 127 Gazette du Canada, Partie II, no 3.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant à contester la validité constitutionnelle des mesures de renvoi exigeant l’expulsion des requérants au Sri Lanka. Demande rejetée.

AVOCATS :

Lorne Waldman, Barbara L. Jackman et Kevin J. MacTavish, pour les requérants.

Sally E. Thomas et Kevin Lunney, pour l’intimée.

PROCUREURS :

Waldman and Associates, Toronto, pour les requérants.

Jackman & Associates, Toronto, pour les requérants.

Le sous-procureur général du Canada, pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge McGillis :

INTRODUCTION

Les requérants, dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée, ont contesté au moyen d’une demande de contrôle judiciaire la validité constitutionnelle des mesures de renvoi exigeant leur expulsion au Sri Lanka. Ils ont également soutenu que leur renvoi au Sri Lanka irait à l’encontre des obligations qui incombent au Canada en vertu de la Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3. Dans onze autres dossiers concernant les mêmes questions, les avocats des parties ont convenu que la décision qui sera rendue en l’espèce les liera.

LES FAITS

Les requérants, qui sont mari et femme, sont des Tamouls citoyens du Sri Lanka. Ils sont arrivés au Canada séparément à la fin de 1991 et au début de 1992 et ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Conformément aux dispositions de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications (Loi), des mesures d’expulsion conditionnelle ont été prises à l’endroit des requérants[1].

La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) a mené une enquête conjointe sur les revendications des requérants et a conclu, le 7 mai 1993, qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Dans ses motifs, la Commission a rejeté spécifiquement le témoignage du requérant selon lequel il a été approché dans sa ville natale de Jaffna par des membres des LTTE [Tigres de libération de l’Eelam tamoul] pour joindre les rangs de cette organisation. Malgré la conclusion négative qu’elle avait rendue au sujet de la crédibilité de cet aspect important du témoignage du requérant, la Commission a décidé d’accorder à celui-ci [traduction] « le bénéfice du doute » en ce qui a trait à [traduction] « l’expérience cumulative qu’il avait vécue avec les LTTE dans le nord du Sri Lanka ». La Commission a donc conclu que le requérant craignait avec raison d’être persécuté dans le nord du Sri Lanka. Cependant, en se fondant sur la preuve verbale et documentaire, la Commission a également conclu que le requérant avait une possibilité de refuge intérieur à Colombo.

Lorsqu’elle a examiné la question de la possibilité de refuge intérieur, la Commission a souligné que le requérant a vécu à Colombo de juillet 1990 jusqu’à ce qu’il quitte le Sri Lanka le 5 janvier 1992. En février 1990, les requérants ont obtenu des passeports sri lankais valables. Le 2 octobre 1990, le requérant a été arrêté parce qu’il était soupçonné d’être un dirigeant terroriste au sein des LTTE. Trois jours plus tard, il a été remis en liberté lorsque son épouse a versé un pot-de-vin. Lors de sa remise en liberté, il a obtenu de la police un « certificat d’autorisation » attestant qu’il n’avait aucun lien avec les LTTE. En octobre 1991, les requérants ont pris des dispositions, avec l’aide d’un passeur, pour quitter le Sri Lanka. Alors qu’ils se rendaient à l’aéroport, ils ont été arrêtés par la police à un point de contrôle. La requérante et le passeur ont été autorisés à poursuivre leur route jusqu’à l’aéroport, mais le requérant a été arrêté et a été remis en liberté le lendemain, après avoir montré son « certificat d’autorisation » à la police. Le requérant est resté à Colombo sans avoir d’autres démêlés avec la police jusqu’à son départ pour le Canada en janvier 1992.

Pour déterminer si le requérant avait une possibilité de refuge intérieur à Colombo, la Commission a examiné certains documents déposés en preuve, notamment une lettre en date du 9 juillet 1992 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ainsi qu’un document de la Commission préparé en décembre 1992 et intitulé « Sri Lanka : les possibilités de fuite intérieure ». Lorsqu’elle a commenté les éléments de preuve documentaire, la Commission a souligné que le gouvernement conservait le contrôle de la majorité du pays, y compris le sud, où se trouve la ville capitale, Colombo. Elle a également mentionné que plus de 250 000 Tamouls vivent à Colombo et que les personnes dont la demande d’asile a été rejetée [traduction] « peuvent généralement retrouver la sécurité et la dignité » dans des régions comme Colombo. De plus, la Commission a examiné la preuve que le requérant a présentée au sujet des expériences qu’il avait vécues à Colombo et a conclu qu’aucun élément n’incitait [traduction] « les autorités du Sri Lanka à conclure qu’il avait avec les LTTE des liens ou des affinités pouvant faire de lui une cible de représailles de la part des autorités gouvernementales ». Compte tenu des conclusions auxquelles elle en était arrivée sur la foi de la preuve dont elle était saisie, la Commission a décidé que le requérant avait une possibilité de refuge intérieur viable à Colombo.

Dans le cas de la requérante, la Commission s’est demandé si l’expérience qu’elle avait vécue avec les LTTE et l’EPRLF [Front révolutionnaire de libération du peuple de l’Eelam] dans le nord du Sri Lanka justifiait à elle seule la crainte qu’elle disait ressentir quant aux risques de persécution, mais a décidé de lui donner le bénéfice du doute sur ce point. Cependant, la Commission a également conclu que la requérante disposait d’une possibilité de refuge intérieur à Colombo, étant donné qu’elle n’avait eu aucun problème au cours de son séjour de 15 mois dans cette ville.

La Commission a informé les requérants de sa décision dans un avis daté du 17 mai 1993. Les mesures d’expulsion conditionnelle prises à l’endroit des requérants sont devenues exécutoires à la même date[2].

Les requérants ont contesté la décision de la Commission dans une demande déposée auprès de la Cour fédérale en vue d’obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. Le 10 septembre 1993, le juge Cullen a rejeté la demande d’autorisation.

Le 13 avril 1995, une lettre a été envoyée à [traduction] « Mme Thilagawathy Sinnapu et sa famille » à l’adresse des requérants; cette lettre visait à les informer qu’il avait été jugé, après examen, que les requérants ne faisaient pas partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC)[3]. Une copie du document intitulé « Analyse de risque/décision » était jointe à la lettre. Dans cette décision, l’agente a souligné, notamment, que les requérants n’avaient pas formulé d’observations dans le délai imparti. Elle a donc conclu que les requérants [traduction] « n’ont indiqué aucun risque objectif auquel ils pouvaient être exposés ». Elle a ajouté qu’il était peu probable que les requérants s’exposent, [traduction] « à leur retour au Sri Lanka, à un risque objectivement identifiable auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus de ce pays… il est peu probable que leur vie soit menacée, que des sanctions excessives soient exercées contre eux ou qu’un traitement inhumain leur soit infligé ». Elle a donc conclu que les requérants n’avaient pas prouvé de façon satisfaisante, comme ils devaient le faire, qu’aucune possibilité de refuge intérieur n’existait pour eux dans d’autres parties du Sri Lanka et que, par conséquent, ils n’appartenaient pas à la catégorie DNRSRC.

Même s’il a été mentionné dans la décision que la trousse concernant la catégorie DNRSRC avait été postée aux requérants en janvier 1995, ceux-ci ne l’ont pas reçue et ignoraient que la révision était en cours. Les requérants n’ont pas reçu non plus la lettre en date du 13 avril 1995 selon laquelle ils n’appartenaient pas à la catégorie DNRSRC.

Dans une lettre du 5 décembre 1995, un agent d’immigration a enjoint aux requérants de se présenter en vue de leur renvoi à Colombo, au Sri Lanka, le 4 janvier 1996. Les requérants ont été mis au courant de l’existence de la décision concernant l’appartenance à la catégorie DNRSRC au cours d’une entrevue précédant le renvoi. Le dossier ne renferme aucun élément de preuve concernant la date à laquelle les requérants ont effectivement reçu la décision. Les requérants n’ont pas cherché à obtenir une prorogation de délai afin de demander l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire pour contester cette décision.

Le 29 décembre 1995, les requérants ont déposé une demande en vue d’obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire afin de contester la mesure de renvoi au Sri Lanka que la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (ministre) avait prise à leur endroit. Par cette demande, les requérants cherchaient à obtenir, notamment, la réparation suivante :

[traduction] Une ordonnance annulant la décision par laquelle la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a ordonné le renvoi des requérants au Sri Lanka, où une guerre civile fait actuellement rage et où les requérants s’exposent à des risques de torture et à des menaces pour leur vie.

Le 4 janvier 1996, le juge Pinard a suspendu l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

En octobre 1996, les requérants ont présenté une demande d’examen fondée sur des raisons d’ordre humanitaire sous le régime du paragraphe 114(2) [mod. par L.C. 1992, c. 49, art. 102] de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications (Loi). Le 1er novembre 1996, cette demande a été renvoyée du bureau de traitement central de Vegreville (Alberta) au bureau local de Mississauga (Ontario) en vue d’une décision. Jusqu’à maintenant, les requérants n’ont reçu aucun avis ou autre communication de l’intimée au sujet de cette demande.

Le 15 novembre 1996, le juge Rothstein a fait droit à la demande d’autorisation et a statué que la demande de contrôle judiciaire dans cette affaire était présumée avoir été introduite.

Dans l’affidavit qu’il a déposé au soutien de la demande de contrôle judiciaire, le requérant a déclaré, notamment, ce qui suit :

[traduction] Au cours de l’audience tenue au sujet de ma revendication, le tribunal a décidé que j’avais de bonnes raisons de craindre d’être persécuté dans le nord du Sri Lanka, mais que je disposais d’une possibilité de refuge intérieur à Colombo. Cette conclusion était fondée sur le fait que, même si j’avais été détenu par la police à deux occasions alors que je restais à Colombo et que j’ai été battu à ces deux occasions, je n’aurais probablement éprouvé aucune autre difficulté après le dernier incident en raison de l’état actuel de la situation au Sri Lanka.

Au cours de son contre-interrogatoire concernant son affidavit, le requérant a mentionné qu’il avait été maltraité lorsqu’il a été détenu pour la deuxième fois. Cependant, lors de son réinterrogatoire, le requérant a décrit les blessures qu’il aurait subies et a mentionné qu’il avait été maltraité à chacune des deux occasions où il a été détenu. Il appert d’un examen des motifs de la Commission que le requérant n’a nullement fait allusion, sur son formulaire de renseignements personnels, aux mauvais traitements qu’il aurait subis aux mains des autorités au cours de ces deux périodes de détention. Lorsque ce fait a été porté à son attention au cours de son contre-interrogatoire, le requérant a répondu que l’interprète [traduction] « l’a probablement oublié ». Le requérant a ajouté en contre-interrogatoire qu’il avait informé la Commission des mauvais traitements qu’il avait subis lors de sa deuxième détention. Cependant, la Commission a mentionné spécifiquement dans ses motifs que la police n’avait pas maltraité le requérant. À mon avis, le témoignage du requérant selon lequel il avait été maltraité au cours de l’une ou l’autre des périodes de détention n’est tout simplement pas digne de foi et je le rejette. Je souligne également que, dans son affidavit, le requérant a mentionné à tort que la Commission avait tenu compte, pour en arriver à sa décision, des mauvais traitements qu’il avait subis. Bien au contraire, la Commission a mentionné spécifiquement que le requérant n’avait subi aucun mauvais traitement.

Les parties ont présenté en l’espèce une preuve par affidavit et une preuve documentaire étoffées au sujet de l’état de la situation au Sri Lanka. Il n’est pas nécessaire que je décrive cette preuve; il suffit de mentionner que le Sri Lanka est déchiré par un conflit armé découlant d’une guerre civile qui se poursuit presque sans relâche depuis environ 1983.

Les parties ont également présenté une preuve par affidavit concernant les obligations internationales qui incombent au Canada aux termes des [quatre] conventions de Genève de 1949 [Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20; Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20; Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20; Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, [1965] R.T. Can. no 20]. Je n’ai pas l’intention de résumer la preuve présentée dans les affidavits des témoins des parties. J’ai examiné attentivement l’ensemble de cette preuve, y compris les transcriptions des contre-interrogatoires concernant les affidavits. Lorsque l’analyse et les conclusions des témoins étaient différentes, l’opinion exprimée par Christopher Greenwood, le témoin de l’intimée, m’a semblé plus utile. À mon avis, le témoignage de cette personne était censé, logique et fondé sur des principes de droit international reconnus.

QUESTIONS EN LITIGE

La présente demande de contrôle judiciaire porte sur les questions suivantes :

(i) les mesures de renvoi exigeant l’expulsion des requérants au Sri Lanka, pays engagé dans un conflit armé, vont-elles à l’encontre des droits garantis par l’article 7 ou 12 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (Charte)?

(ii) le renvoi des requérants au Sri Lanka va-t-il à l’encontre des obligations du Canada qui découlent de la Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3?

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives mentionnées dans les présents motifs sont reproduites à l’annexe « A ».

ANALYSE

(i)         Système législatif

Pour déterminer la validité constitutionnelle des mesures de renvoi dans la présente affaire, il faut examiner en profondeur le système législatif applicable à une personne dont la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est rejetée.

La Loi accorde le droit d’entrer au Canada aux citoyens canadiens et, sous réserve de certaines restrictions, aux résidents permanents[4]. De plus, elle permet aux citoyens canadiens de rester au Canada, tandis que ce droit est assujetti à certaines restrictions dans le cas des résidents permanents et des réfugiés au sens de la Convention[5]. Aucune autre personne n’est autorisée à entrer au Canada et à y demeurer[6].

Une personne qui se trouve au Canada peut revendiquer le statut de réfugié en avisant en ce sens un agent d’immigration[7]. Sur réception de cet avis, l’agent d’immigration défère sans délai le cas à un agent principal[8]. Lorsqu’une personne qui fait l’objet d’une enquête sous le régime de la Loi revendique le statut de réfugié au sens de la Convention, l’arbitre qui mène l’enquête détermine si elle doit être autorisée à entrer au Canada ou à y demeurer[9]. Si l’arbitre répond par l’affirmative à cette question, il doit prendre la mesure indiquée à cette fin, habituellement une mesure de renvoi conditionnel[10]. Ainsi, dans la présente affaire, l’arbitre pouvait prendre une mesure d’expulsion conditionnelle pour permettre à l’intéressé d’entrer au Canada et d’y demeurer jusqu’à ce que la revendication du statut de réfugié soit tranchée. S’il conclut à la recevabilité de la revendication, l’agent défère sans délai le cas à la Commission[11].

Après le dépôt du formulaire de renseignements personnels, la Commission informe le demandeur du statut de réfugié et la ministre des date, heure et lieu de l’audience et entreprend celle-ci dans les meilleurs délais[12]. Après avoir examiné la preuve présentée, la Commission rend sa décision le plus tôt possible après l’audience et la notifie à l’intéressé et au ministre par écrit[13]. Si la Commission décide de rejeter la demande, elle transmet ses motifs en même temps que l’avis de sa décision[14]. Toute mesure de renvoi conditionnel prise pour permettre au demandeur du statut de réfugié de demeurer au Canada jusqu’à ce que sa revendication soit tranchée est exécutoire lorsque « la section du statut lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention et lui a dûment notifié le refus »[15]. En d’autres termes, dès qu’il est informé que la Commission a rejeté sa revendication, le demandeur du statut de réfugié n’a pas le droit de demeurer au Canada et peut être expulsé aux termes de la mesure de renvoi.

Le demandeur du statut de réfugié dont la revendication a été rejetée par la Commission peut contester la décision de celle-ci en engageant des procédures devant la Cour fédérale[16]. S’il ne le fait pas ou que sa demande présentée devant la Cour fédérale est rejetée, d’autres recours s’offrent encore à lui.

Avant le 1er février 1993, un agent d’immigration examinait automatiquement toute affaire concernant une demande de statut de réfugié rejetée afin de déterminer si les personnes concernées subiraient « des traitements inhumains ou cruels dans le pays où elles seraient renvoyées »[17]. Si la décision découlant de cet examen était favorable, le demandeur concerné obtenait le droit de s’établir au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire sous le régime de la disposition remplacée par l’actuel paragraphe 114(2) de la Loi.

Le 1er février 1993, le gouvernement a pris un règlement en application du paragraphe 6(5) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 3] et de l’alinéa 114(1)e) [mod., idem, art. 102] de la Loi afin de permettre à une personne dont la revendication du statut de réfugié était rejetée d’obtenir le droit de s’établir au Canada comme membre de la catégorie DNRSRC[18]. En précisant les critères d’admissibilité des réfugiés concernés comme membres de cette catégorie, le gouvernement souhaitait clarifier la procédure d’examen, codifier les pratiques existantes et accroître l’uniformité du processus décisionnel[19]. Il désirait également « mettre en place un « filet de sécurité » pour les personnes qui, n’ayant pas satisfait aux critères de la définition de réfugié au sens de la Convention, s’exposeraient à des risques si elles retournaient dans leur pays d’origine »[20]. Cependant, les critères devaient être « circonscrits pour éviter de superposer un autre processus au processus d’admissibilité existant lors de la détermination positive du statut de réfugié »[21].

Pour être admissible comme membre de la catégorie DNRSRC, la personne dont la demande de statut de réfugié a été refusée doit respecter les critères d’admissibilité énoncés au paragraphe 2(1) [mod. par DORS/93-44, art. 1] du Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172 (Règlement). Toutes les personnes dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée sont automatiquement présumées demander le droit de s’établir au Canada comme membres de la catégorie DNRSRC[22]. Cependant, les critères énoncés au paragraphe 2(1) du Règlement excluent spécifiquement de cette catégorie le demandeur qui a retiré sa revendication ou s’est désisté de celle-ci, le demandeur dont la revendication n’a pas un minimum de fondement aux termes du paragraphe 69.1(9.1) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 60] de la Loi ou le demandeur qui a quitté le Canada après la décision de la Commission. La personne à laquelle un agent d’immigration a déjà refusé le droit d’établissement aux termes de l’article 11.4 [édicté par DORS/93-44, art. 10; DORS/93-412, art. 6] du Règlement est également exclue de la catégorie. Lorsqu’une personne n’est pas exclue de la catégorie DNRSRC au motif que l’une ou l’autre des exigences préliminaires précédemment décrites n’est pas respectée, elle doit satisfaire aux critères fondés sur le risque du paragraphe 2(1) du Règlement. Plus précisément, elle doit démontrer que son renvoi au pays en question l’exposerait, « en tout lieu de ce pays », à un risque « objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus provenant de ce pays ou s’y trouvant ». De plus, il doit s’agir d’un risque pour la vie ou d’un risque de sanctions excessives ou de traitements inhumains.

Tel qu’il est mentionné plus haut, la personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée est automatiquement présumée avoir demandé le droit de s’établir au Canada comme membre de la catégorie DNRSRC. Après l’adoption du Règlement, la trousse d’information concernant la demande présumée a été envoyée à toute personne dont la revendication du statut de réfugié avait été rejetée par suite de la décision négative de la Commission. Toutefois, depuis mai ou juillet 1994, l’enveloppe renfermant l’avis de décision que la Commission fait parvenir à la personne dont la demande de statut de réfugié a été refusée comprend également des documents l’informant qu’elle est présumée avoir demandé le droit de s’établir comme membre de la catégorie DNRSRC et qu’elle peut présenter des observations écrites au soutien de cette demande. L’intéressé reçoit également des explications au sujet des critères à établir pour être admissible comme membre de cette catégorie[23].

Selon le Règlement, la personne dont la demande de statut de réfugié a été refusée et qui veut s’établir au Canada comme membre de la catégorie DNRSRC dispose d’un délai de 15 jours suivant la date de la notification de la décision de la Commission pour présenter des observations écrites à un agent de révision des revendications refusées (agent) afin de prouver qu’elle respecte les critères énoncés au paragraphe 2(1) du Règlement[24]. Cependant, selon la pratique actuellement en vigueur, l’intéressé dispose d’un délai de 30 jours, plus sept jours pour la mise à la poste, à cette fin. Lorsqu’une personne conteste la décision de la Commission, elle peut présenter d’autres observations écrites dans les 15 jours suivant l’expiration des recours dont elle dispose devant les tribunaux[25]. Au cours de la période allant de novembre 1994 à octobre 1996, des observations ont été présentées à l’égard de 53 % des demandes. L’agent n’est pas tenu de prendre une décision au sujet de la demande d’établissement d’une personne comme membre de la catégorie DNRSRC avant que celle-ci ait épuisé ses recours juridiques à l’égard de ladite décision.

À un certain moment suivant l’expiration des délais pertinents, l’agent procédera à un examen complet du matériel soumis. Pour évaluer la question cruciale du risque, il peut se fonder sur les documents publics concernant la situation du pays, mais il n’informera pas le requérant des éléments de preuve spécifiques examinés. Cependant, si les documents à examiner ne font pas partie du domaine public, l’agent les communiquera au requérant et lui demandera de soumettre des observations à ce sujet. Une personne peut soumettre des renseignements en tout temps jusqu’à la date à laquelle la décision est rendue. Par conséquent, si la situation du pays change de façon à modifier le degré de risque auquel s’expose la personne qui formule la demande, celle-ci peut présenter d’autres éléments de preuve et d’autres observations en tout temps avant la décision. Dès qu’un agent a rendu une décision au sujet de la demande d’établissement d’une personne comme membre de la catégorie DNRSRC, cette décision est définitive et ne peut être révisée ou modifiée, même si un changement important touche la situation du pays en question. Même si la ministre, en principe, ne met pas à exécution les mesures de renvoi avant que la décision concernant la demande d’établissement d’une personne comme membre de la catégorie DNRSRC soit rendue, aucune disposition de la Loi ou du Règlement ne l’empêche de le faire.

Les agents qui examinent les demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC sont des agents d’immigration expérimentés qui suivent un programme de formation spécialisée de deux semaines. Une partie de la formation porte sur l’étude des traités et engagements internationaux. Les agents assistent aussi régulièrement à des colloques dirigés par des spécialistes d’organisations comme Amnistie Internationale, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Canadian Centre for Victims of Torture et le Conseil canadien pour les réfugiés, lesquels colloques portent sur différents sujets comme le trouble de stress post-traumatique, la torture, le risque lié au sexe et la sensibilité aux autres ethnies.

En 1994, la ministre a entrepris un examen des procédures concernant la catégorie DNRSRC en partie par suite de plaintes reçues au sujet du faible taux d’acceptation de 0,5 %. Par suite de l’examen, il a été recommandé d’élargir la portée de la définition du paragraphe 2(1) du Règlement en y ajoutant les facteurs de risque général auquel s’expose la personne renvoyée au pays en question. Même si cette recommandation n’a pas été acceptée, il a été décidé d’élaborer des lignes directrices afin d’aider les agents à interpréter les critères du Règlement. En juillet 1994, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (ministère) a fait paraître des lignes directrices intitulées Qu’est-ce que la catégorie DNRSRC? (lignes directrices sur la catégorie DNRSRC) afin d’aider les agents chargés d’examiner les demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC à interpréter les critères du Règlement. Aux fins de la présente affaire, je reproduis ci-après les parties pertinentes de ces lignes directrices :

« … l’expose

personnellement …

à l’un des risques

suivants,

objectivement

identifiable … »

Le risque est, par définition, prospectif, et concerne la possibilité de subir un préjudice ou de se trouver en danger. Lorsqu’on évalue le risque, on évalue les conséquences probables qu’aura le renvoi. « Possibilité raisonnable » est moins fort que « nette possibilité » ou même « prépondérance des probabilités », mais plus qu’une simple possibilité. Un risque réel doit être justifié par des éléments de preuve crédibles. L’expression « l’expose personnellement » signifie qu’il doit y avoir quelque chose de « particulier »; toutefois, le risque ne doit pas nécessairement être un risque que court un individu dans un cas particulier.

« … en tout lieu

de ce pays … »

Lorsque le risque que pourrait courir une personne du fait de son renvoi dans son pays (d’origine ou de nationalité) n’existe que dans une partie du pays, on pourrait faire valoir qu’il serait déraisonnable d’exiger d’une personne qu’elle aille vivre ailleurs dans le pays. Dans ce cas, la possibilité de refuge intérieur (PRI) doit être étudiée de façon judicieuse, sensible, souple et en tenant compte des réalités culturelles … Il incombe à la personne de démontrer que la PRI n’existe pas ou qu’il serait déraisonnable de l’obliger à aller vivre ailleurs dans son pays.

« … auquel ne sont

pas généralement

exposés d’autres

individus … »

Il ne s’agit pas seulement d’un risque que pourrait courir un individu dans un cas particulier, il ‘agit d’un risque que pourraient aussi courir d’autres individus qui se trouveraient dans une situation semblable. Les risques ne se limitent pas à des considérations ethniques, politiques, religieuses ou sociales comme pour les motifs de persécution dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Cet élément s’applique, que le risque soit relié ou non à un motif prévu par la « Convention ». Cependant, sous réserve de ce qui précède, il faut tenir compte de la limite qu’impose la définition de DNRSRC dans l’expression « à l’un des risques suivants, (…) auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus ». Ainsi, une décision favorable ne peut être prise aux termes de cette disposition réglementaire dans le cas d’un risque auquel sont exposés tous les résidents et citoyens du pays d’origine.

« … sa vie est

menacée … des

sanctions

excessives …

un traitement

inhumain … »

Ces risques comprennent tout acte constituant une violation des droits fondamentaux de la personne comme (sans être restrictif) les violences physiques ou psychologiques faites à un individu. Un exemple clair serait l’interdiction de renvoyer « une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture » (article 3 de la Convention contre la torture).

Plus précisément, les lignes directrices indiquent que les critères du paragraphe 2(1) du Règlement ne se limitent pas à un « risque que pourrait courir un individu dans un cas particulier », mais comprennent un risque que pourraient aussi courir d’autres individus qui se trouveraient dans une situation semblable. De plus, d’après les lignes directrices, les mots du Règlement « auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus » signifient qu’une décision favorable pourrait être rendue dans le cas d’un risque auquel sont exposés tous les résidents et citoyens de ce pays. Effectivement, au cours de son contre-interrogatoire, Gilbert Troutet, spécialiste des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC, a mentionné que l’exclusion s’appliquerait uniquement [traduction] « dans les situations extrêmes comme une catastrophe généralisée qui toucherait tous les habitants d’un pays donné. En pareil cas, elle [l’intimée] peut appliquer des programmes spécifiques pour couvrir ce genre de situation »[26].

Le Ministère a également apporté d’autres changements par suite de l’examen ministériel. Au début de 1995, il a entrepris une démarche visant à observer le rendement des agents qui prennent des décisions fondées sur les dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC. Dans le cadre de leurs fonctions, les agents d’observation examinent les décisions prises aux bureaux d’immigration locaux, relèvent les erreurs de procédure ou d’analyse et avisent l’agent et les superviseurs de celui-ci de leurs constatations. Cependant, les agents d’observation ne sont pas autorisés à exprimer leur désaccord au sujet d’une décision.

Au cours du contre-interrogatoire de Gilbert Troutet, l’avocat des requérants a passé en revue avec lui environ quatre décisions non liées concernant l’appartenance à la catégorie DNRSRC qui ont été déposées en preuve en l’espèce. M. Troutet a admis franchement que les agents avaient commis une erreur dans ces décisions en ce qui a trait à l’application du Règlement et des lignes directrices aux situations de conflits armés. L’avocat des requérants a également examiné avec M. Troutet la décision en date du 13 avril 1995 par laquelle un agent a conclu que les requérants n’étaient pas membres de la catégorie DNRSRC. M. Troutet a dit que l’agent avait évalué les risques auxquels les requérants s’exposaient [traduction] « d’une façon plutôt hâtive ». Effectivement, il appert clairement du témoignage de M. Troutet que l’élément de risque n’a pas été bien évalué lors de l’étude de la demande d’établissement des requérants fondée sur leur appartenance à la catégorie DNRSRC.

Après l’adoption des lignes directrices sur la catégorie DNRSRC, le taux d’acceptation des demandes d’établissement à titre de la catégorie DNRSRC a augmenté et un total de 5,8 % des décisions rendues au cours de la période de vingt-quatre mois allant de novembre 1994 à octobre 1996 ont été positives. Pendant dix-sept de ces vingt-quatre mois, le Sri Lanka a figuré parmi les dix premiers pays à l’égard desquels des décisions positives ont été rendues. Dans le cas de neuf de ces dix-sept mois, le Sri Lanka s’est classé au premier rang, le taux d’acceptation des décisions s’y rapportant ayant varié de 14 % à 38 %, soit une moyenne d’environ 25 %.

Depuis qu’il a été mis sur pied, le système d’examen des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC est pour ainsi dire paralysé par les retards. Ainsi, en 1995, il y avait un arriéré d’environ 16 000 à 17 000 affaires en attente d’une décision à l’échelle nationale. En 1995 et 1996, environ 5 200 nouvelles demandes d’établissement à titre de la catégorie DNRSRC ont été reçues pour examen au cours de chacune de ces années. Vers la fin de 1996, il y avait un arriéré d’environ 10 000 affaires. À l’heure actuelle, de 600 à 700 décisions sont rendues chaque mois. En 1995, une politique visant l’examen des demandes selon la méthode « dernier demandeur arrivé »premier expulsé » a été adoptée. Cependant, la politique n’est pas appliquée de façon officielle et n’est pas suivie partout au pays.

La preuve est contradictoire en ce qui a trait à la période d’attente précédant l’obtention d’une décision en Ontario à l’égard d’une demande d’établissement fondée sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC. Harold Taylor, le directeur de la Section de la révision postérieure des revendications refusées de la région de l’Ontario, a dit qu’à l’heure actuelle, une décision fondée sur les dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC est prise dans les trois mois suivant la date à laquelle la Commission rejette la revendication de l’intéressé. Toutefois, il a reconnu qu’en Ontario, il y a un arriéré de 4 000 affaires, de sorte qu’il faut compter de 14 à 18 mois pour atteindre la plus ancienne demande. En raison de l’arriéré, les agents examinent « généralement » les demandes en appliquant la politique « dernier demandeur arrivé »premier expulsé ». M. Taylor a admis en contre-interrogatoire qu’il estimait qu’un délai de trois mois correspondait « à peu près » au délai devant s’écouler avant qu’un agent rende sa décision en Ontario, mais il n’a pu fournir aucune statistique pour appuyer ses dires. En revanche, les requérants ont présenté le témoignage d’une avocate expérimentée dans la pratique de l’immigration en Ontario, Toni Schweitzer, qui a déclaré sous serment dans son affidavit qu’un [traduction] « long délai peut s’écouler » avant qu’une décision soit rendue au sujet des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC. En contre-interrogatoire, Mme Schweitzer a dit que, même si elle s’était occupée de deux dossiers seulement concernant ce type de demande, elle était personnellement au courant d’une vingtaine de dossiers et avait parlé à d’autres avocats, qui étaient au courant d’environ quatre-vingts dossiers, au sujet de leur expérience. Mme Schweitzer a déclaré que, d’après les renseignements dont elle disposait, un délai de six mois à un an n’était [traduction] « pas rare ».

La position exprimée par Mme Schweitzer est appuyée par onze décisions rendues en Ontario en 1995 et 1996 au sujet des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC et présentées en preuve en l’espèce. Il appert d’un examen de cette preuve qu’une décision a été rendue dans un délai de quatre mois, deux dans un délai de cinq mois et une dans un délai de six mois; les sept autres décisions ont été rendues dans un délai variant de dix à vingt et un mois. Cependant, compte tenu du volume mensuel de décisions rendues au sujet de ces demandes, l’examen de onze décisions n’est pas nécessairement représentatif de la situation actuelle. À mon avis, d’après l’ensemble de la preuve présentée par les parties au sujet du délai, il y a lieu de conclure que certaines décisions concernant les demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC sont rendues dans un délai de trois mois en Ontario, mais que des délais plus longs ne sont pas rares.

En plus de la demande présumée d’établissement à titre de DNRSRC, le demandeur dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée peut également présenter une demande en vue de faciliter son admission au Canada sous le régime du paragraphe 114(2) de la Loi (raisons d’ordre humanitaire). Effectivement, la procédure de réexamen permettant à une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée d’obtenir le droit de s’établir au Canada en satisfaisant aux critères définis à l’égard de la catégorie DNRSRC visait à compléter la réparation fondée sur des raisons d’ordre humanitaire du paragraphe 114(2) de la Loi[27]. Les agents d’immigration prennent les décisions relatives aux demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire sur une base discrétionnaire en exerçant le pouvoir délégué de la ministre aux termes de l’article 2.1 [édicté par DORS/93-44, art. 2] du Règlement. Une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire peut être présentée en tout temps et appuyée de tous documents ou observations écrites; il est permis de soumettre des éléments de preuve supplémentaires pour examen en tout temps avant la décision. D’après les lignes directrices que le Ministère a fait parvenir aux agents d’immigration, il existe des considérations humanitaires « lorsque des difficultés inhabituelles, injustes ou indues seraient causées à la personne sollicitant l’examen de son cas si celle-ci devait quitter le Canada ». Les lignes directrices fournissent des exemples de situations pouvant justifier une réponse fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, notamment l’existence de sanctions sévères ou de traitements inhumains dans le pays d’origine de l’intéressé. À cet égard, les lignes directrices prévoient ce qui suit :

4) Sanctions sévères ou mauvais traitements dans le pays d’origine

a) Un examen favorable peut être justifié dans les cas où, du fait de leur situation particulière dans leur pays d’origine, des personnes pourraient faire face à des difficultés excessives si elles étaient renvoyées. Ces personnes pourraient être frappées de sanctions par le gouvernement à leur retour du fait de choses qu’elles auront pu dire ou faire pendant leur séjour au Canada, p. ex., un visiteur qui, pendant son séjour au Canada, a condamné publiquement les politiques de son gouvernement ou critiqué ouvertement les mesures répressives de celui-ci. Citons à titre d’exemple les cas de membres de délégations officielles, d’équipes sportives ou de groupes culturels qui pourront s’être prononcés contre leur gouvernement ou avoir déployé, en vue de rester au Canada, des efforts susceptibles de les exposer à des sanctions officielles à leur retour dans leur pays d’origine.

b) D’autres personnes pourront faire étudier leur demande du fait de leur situation personnelle au regard des lois et pratiques en vigueur dans leur pays d’origine. Il s’agit de personnes qui ont des motifs raisonnables de craindre de faire l’objet de mauvais traitements si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine. Il devrait y avoir dans ces cas de bonnes raisons de croire que la vie de la personne serait menacée dans son pays d’origine en conséquence directe de la situation politique ou sociale qui règne dans ce pays. De telles situations sont plus susceptibles de se produire dans les pays dirigés par des gouvernements répressifs ou agités par des troubles civils ou une guerre.

c) Les personnes susmentionnées auront, dans la plupart des cas, manifesté leur intention de revendiquer le statut de réfugié et leur cas sera examiné suivant les règles relatives aux revendications du statut de réfugié…

d) L’agent doit tenir compte des faits relatifs au cas et recommander la mesure qu’il estime raisonnable compte tenu de la situation particulière du demandeur. C’est au demandeur qu’il appartient de prouver à l’agent a) qu’il existe une situation particulière dans son pays et b) que sa situation personnelle eu égard à la situation qui règne dans son pays justifie que celui-ci examine favorablement son cas grâce aux pouvoirs discrétionnaires qui lui ont été conférés.

Lorsqu’une personne présente une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire en raison des sanctions sévères ou des traitements inhumains auxquels elle s’expose, l’agent d’immigration qui révise le dossier peut examiner parmi les facteurs à évaluer une décision négative à l’égard d’une revendication du statut de réfugié ou d’une demande d’établissement à titre DNRSRC. De plus, l’agent en question consulte l’agent qui examine ce dernier type de demande afin d’obtenir une opinion sur les allégations relatives au risque; cette opinion sera elle-même fondée sur les critères définis au paragraphe 2(1) à l’égard du risque. L’agent d’immigration examine ensuite l’opinion qu’il a reçue ainsi que tous les autres éléments de preuve et arguments dont il est saisi pour trancher une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

Toute personne qui présente une demande d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire doit la faire parvenir à Vegreville (Alberta). Le centre de Vegreville renvoie environ 35 à 40 % de toutes ces demandes, y compris celles au sujet desquelles des entrevues doivent être menées, aux bureaux d’immigration locaux pour examen. Il faut compter un délai d’environ deux à trois mois pour l’ouverture du dossier à Vegreville et son retour à un bureau local. Lorsqu’une demande est reçue à un bureau local, aucune autre mesure n’est prise avant environ six mois et un autre délai doit encore s’écouler avant qu’une décision soit prise. Le dépôt d’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire n’a pas pour effet de retarder la procédure de renvoi.

Une personne peut contester une décision négative fondée sur les dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC ou sur le paragraphe 114(2) de la Loi en déposant une demande visant à obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

En Ontario, un bureau central est chargé de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le renvoi des personnes qui ne peuvent être envoyées aux États-Unis aux termes de l’accord réciproque et qui doivent être renvoyées du Canada par avion. Dans bien des cas, un long délai doit s’écouler entre la date à laquelle une personne est passible de renvoi en droit et la date à laquelle un agent informe l’intéressé des mesures de renvoi en cours. Les agents de renvoi prennent simplement les dispositions nécessaires pour assurer le renvoi de la personne concernée; ils n’évaluent pas l’état de la situation du pays pour déterminer si la personne peut s’exposer à des risques dans le pays où elle doit être renvoyée. Cependant, en principe, l’agent de renvoi doit confirmer qu’une décision négative a été rendue au sujet de la demande présumée d’établissement de l’intéressé à titre de DNRSRC avant de procéder au renvoi de celui-ci.

(ii)        Article 7 de la Charte

Voici le libellé de l’article 7 de la Charte :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Dans l’arrêt Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519, le juge Sopinka a expliqué, à la page 584, le raisonnement à suivre pour évaluer une allégation de manquement à l’article 7 de la Charte, qui concerne les droits de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne :

L’article 7 comporte deux éléments d’analyse. Le premier se rapporte aux valeurs en jeu en ce qui concerne l’individu. Le second se rapporte aux restrictions éventuelles de ces valeurs sous l’angle de leur conformité avec les principes de justice fondamentale.

Au cours de la première partie de l’analyse, il faut examiner les droits accordés aux termes de la Loi et du Règlement aux requérants en qualité de demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée afin de déterminer la portée de la protection qu’ils peuvent invoquer sous le régime de l’article 7 de la Charte[28]. L’énoncé de ces droits représente la confirmation par le législateur des « valeurs en jeu en ce qui concerne l’individu ».

L’article 3 de la Loi sur l’immigration énonce que la politique ainsi que les règles et règlements en matière d’immigration visent, dans leur conception et leur mise en œuvre, à promouvoir les intérêts du Canada sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité,

3.

g) de remplir, envers les réfugiés, les obligations imposées au Canada par le droit international et de continuer à faire honneur à la tradition humanitaire du pays à l’endroit des personnes déplacées ou persécutées[29].

Dans l’arrêt Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181 (C.A.F.), j’ai souligné, à la page 687, que, reconnaissant les obligations qui lui sont imposées en ce qui a trait aux réfugiés, le législateur fédéral a accordé dans la Loi sur l’immigration certains droits limités aux réfugiés au sens de la Convention, y compris le droit restreint de demeurer au Canada et l’interdiction restreinte de les renvoyer dans un pays où leur vie ou leur liberté serait menacée[30]. Aucun de ces droits d’origine législative ne s’applique à une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée. Effectivement, toute analyse des droits accordés à ces personnes doit être fondée sur le principe de base selon lequel ces personnes n’ont pas le droit de rester au Canada ni le droit de ne pas en être expulsées. Cependant, compte tenu de notre tradition humanitaire à l’endroit des personnes déplacées et persécutées, le Parlement a reconnu, lorsqu’il a adopté les dispositions réglementaires concernant la catégorie DNRSRC sous l’autorité du paragraphe 6(5) et de l’alinéa 114(1)e) de la Loi, qu’une personne dont la revendication du statut de réfugié est rejetée peut s’exposer à des risques sérieux à son retour dans son pays d’origine. Selon ces dispositions réglementaires, la personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée et qui respecte les critères ainsi que les exigences relatives au droit d’établissement énoncés respectivement au paragraphe 2(1) et à l’article 11.4 du Règlement peut obtenir le droit de s’établir au Canada comme résident permanent. Cette personne peut également présenter une demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi en vue de faciliter son admission au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire; cette demande peut être fondée, notamment, sur le risque de subir des sanctions sévères ou un traitement inhumain dans le pays d’origine. Ces deux demandes représentent les seuls recours d’origine législative reconnus aux demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée. Aucune disposition de la Loi ou du Règlement n’interdit l’expulsion d’un demandeur éconduit avant qu’une décision soit prise au sujet de l’un ou l’autre de ces types de demandes. Cependant, par principe, la ministre s’abstient de renvoyer une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée à moins qu’une décision négative n’ait été rendue à l’égard de la demande présumée d’établissement de cette personne comme membre de la catégorie DNRSRC.

La question préliminaire à trancher au cours de la première partie de l’analyse fondée sur l’article 7 est celle de savoir si l’expulsion des requérants dans un pays engagé dans un conflit armé porte atteinte à leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Cependant, il n’est pas nécessaire que je réponde à cette question, parce que j’estime que les dispositions énoncées dans la Loi et dans le Règlement à l’égard de l’évaluation du risque par suite du rejet d’une revendication du statut de réfugié ne vont pas à l’encontre des principes de justice fondamentale[31].

Avant d’entreprendre la deuxième partie de l’analyse concernant l’article 7 de la Charte, je dois examiner un argument formulé par l’avocat de l’intimée. Au cours de sa plaidoirie, celui-ci a soutenu, notamment, que la Cour devait déterminer l’état de la situation caractérisant le Sri Lanka afin de savoir si l’application de l’article 7 de la Charte était déclenchée. Plus précisément, il a fait valoir que l’application de l’article 7 de la Charte ne pouvait être déclenchée en l’espèce que par suite d’un examen de la preuve documentaire concernant l’état de la situation au Sri Lanka et de la détermination par la Cour du fait que les requérants risquaient d’être torturés ou mis à mort à leur retour. Il a fondé cet argument sur les commentaires suivants que le juge Marceau, de la Cour d’appel fédérale, a formulés dans l’arrêt Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 C.F. 696 aux pages 708 et 709 :

Nous avons traité en l’espèce : tout d’abord, de la délivrance d’une mesure d’expulsion, et non de sa mise à exécution vers un pays précis, et deuxièmement, du refus de faire enquête sur l’affirmation d’une crainte de persécution, non du refus de prendre en considération la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que la personne expulsée, si elle était renvoyée dans un certain pays, serait victime de persécution, dont la torture et peut-être l’exécution. J’aurais pu conclure aisément que les règles de justice naturelle n’exigeaient pas, dans le cas d’un criminel reconnu constituer un danger public, une enquête approfondie sur sa crainte de persécution avant qu’il ne fasse l’objet d’une mesure d’expulsion. Je serais toutefois d’avis que le ministre violerait carrément la Charte s’il prétendait exécuter une mesure d’expulsion en forçant l’intéressé à retourner dans un pays où, selon la preuve, il sera torturé et peut-être mis à mort.

À mon avis, les arguments que l’avocat de l’intimée a invoqués sont fondés sur une interprétation erronée de ces commentaires. Plus précisément, le juge Marceau, J.C.A., n’a pas mentionné qu’il serait nécessaire d’appliquer cette norme de preuve pour trancher la question préliminaire concernant l’application de l’article 7. De plus, aucun élément des motifs du juge Marceau, J.C.A., n’indique à mon sens que la Cour doit déterminer l’état de la situation du pays au cours de son analyse des questions liées à l’application de l’article 7 de la Charte. J’estime même qu’il n’appartient tout simplement pas au juge, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de cette nature, de déterminer l’état de la situation du pays. J’ajoute qu’il serait peu souhaitable qu’un juge entreprenne ce type d’exercice, compte tenu, notamment, du fait que le régime législatif oblige les agents d’immigration, qui possèdent une formation et une compétence spécialisées à ce sujet, à prendre des décisions de cette nature.

En ce qui a trait au raisonnement à suivre lors de la deuxième partie de l’analyse concernant l’article 7, voici ce que j’ai dit dans l’arrêt Ahani c. Canada, précité, à la page 690 :

En ce qui a trait au second volet de l’analyse fondée sur l’article 7 de la Charte, les principes à appliquer pour déterminer si un régime législatif donné viole les principes de justice fondamentale ont été énoncés par le juge Sopinka dans l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711. Pour examiner la constitutionnalité des dispositions législatives antérieures régissant le renvoi de résidents permanents reconnus coupables de certaines infractions criminelles, le juge Sopinka a confirmé l’importance d’adopter une méthode contextuelle pour interpréter l’article 7 de la Charte. À cet égard, il a déclaré ce qui suit aux pages 733 et 734 :

Donc, pour déterminer la portée des principes de justice fondamentale en tant qu’ils s’appliquent en l’espèce, la Cour doit tenir compte des principes et des politiques qui sous-tendent le droit de l’immigration. Or, le principe le plus fondamental du droit de l’immigration veut que les non-citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer au pays ou d’y demeurer. En common law, les étrangers ne jouissent pas du droit d’entrer au pays ou d’y demeurer.

La distinction entre citoyens et non-citoyens est reconnue dans la Charte. Bien que le par. 6(2) accorde aux résidents permanents le droit de se déplacer dans tout le pays, d’établir leur résidence et de gagner leur vie dans toute province, seuls les citoyens ont le droit « de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir », que garantit le par. 6(1).

Le Parlement a donc le droit d’adopter une politique en matière d’immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu’il leur soit permis d’entrer au Canada et d’y demeurer. C’est ce qu’il a fait dans la Loi sur l’immigration

La validité constitutionnelle du régime législatif en question doit donc être analysée dans le contexte « des principes et des politiques qui sous-tendent le droit de l’immigration ». De plus, comme le juge Marceau, J.C.A., l’a mentionné dans l’arrêt Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), précité, à la page 706, tant le fond que les aspects procéduraux du texte législatif doivent être examinés.

En ce qui a trait au fond du texte législatif, l’avocat des requérants a allégué que la définition « restreinte » du risque dans les critères énoncés au paragraphe 2(1) du Règlement va à l’encontre des principes de justice fondamentale. Je ne suis pas d’accord. Comme l’a dit le juge Sopinka dans l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), précité, aux pages 733 et 734, « [l]e Parlement a donc le droit d’adopter une politique en matière d’immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu’il leur soit permis d’entrer au Canada et d’y demeurer ». À mon avis, le Parlement pouvait à bon droit définir les critères relatifs au risque comme il l’a fait. Effectivement, dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation joint au Règlement, l’intention du législateur d’élaborer les critères de façon restrictive « pour éviter de superposer un autre processus au processus d’admissibilité existant lors de la détermination positive du statut de réfugié »[32] est expressément reconnue. De plus, par suite des plaintes selon lesquelles le taux d’acceptation des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC était trop faible, un examen ministériel a été mené peu après la mise en œuvre du système en 1993. Après cet examen, le Ministère a fait paraître des lignes directrices compatibles avec les critères du Règlement afin d’aider les agents à interpréter et à appliquer les dispositions de celui-ci. Il a également instauré un système interne d’observation des décisions afin de tenter d’accroître l’exactitude et l’uniformité du processus décisionnel. Depuis la mise en œuvre de ces changements, le taux d’acceptation des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC a augmenté, notamment en ce qui a trait aux pays comme le Sri Lanka, où un conflit armé fait rage. En fait, au cours d’une récente période de neuf mois, les demandes concernant le Sri Lanka ont atteint le taux d’acceptation le plus élevé, soit environ 25 %. À tout événement, comme le juge Nadon l’a mentionné dans l’arrêt Chaudhry c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 104 (1re inst.), à la page 125, un taux d’acceptation peu élevé ne signifie pas que la procédure ne respecte pas les principes de justice fondamentale. Dans les circonstances, je ne puis admettre que la définition du risque dans les critères énoncés au paragraphe 2(1) du Règlement va à l’encontre des principes de justice fondamentale. J’en suis donc arrivé à la conclusion que le fond des dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC respecte ces principes.

En ce qui a trait aux aspects procéduraux du texte législatif, l’avocat des requérants a soutenu que le régime [traduction] « n’offre pas de protections suffisantes à l’encontre des transgressions des articles 7 et 12 de la Charte ». Plus précisément, il a fait valoir que les délais qu’impose le système pour évaluer le risque en application des dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC vont à l’encontre des principes de justice fondamentale, parce que l’évaluation ne tient pas compte de l’état réel de la situation du pays à la date de l’expulsion.

La Cour d’appel fédérale s’est demandé à deux occasions si le délai lié à la procédure d’immigration donne lieu à un manquement aux droits reconnus par la Charte. Dans l’arrêt Akthar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 C.F. 32 (C.A.), le juge Hugessen, J.C.A., s’est demandé si un délai entre la présentation d’une revendication du statut de réfugié et la première étape de l’audition de la revendication pouvait donner lieu à une transgression des droits garantis par la Charte. Pour les besoins de son analyse, le juge Hugessen a présumé que la procédure d’examen des revendications du statut de réfugié déclenchait l’application des droits reconnus à l’article 7 de la Charte et que le droit de se faire entendre dans un délai raisonnable constituait un aspect des principes de justice fondamentale. Dans son analyse, le juge Hugessen [à la page 38] a mentionné que « deux obstacles insurmontables s’opposent … à la prétention des parties requérantes que le retard apporté au traitement de leurs revendications constitue une violation des droits que leur confère la Charte ». En ce qui a trait au premier obstacle, il a souligné que le revendicateur du statut de réfugié ne se trouve pas dans la même situation juridique qu’une personne accusée d’un crime. Par conséquent, il a conclu, à la page 40 de la décision, que « toute prétention à la violation de la Charte fondée sur le retard doit dépendre de la preuve d’un préjudice causé au demandeur, à savoir que le retard était abusif pour une personne dans sa situation ». Le deuxième obstacle est la question de savoir si la preuve présentée dans l’affaire démontre qu’un préjudice a été causé au demandeur. Sur ce point, il a formulé l’avertissement suivant à la page 42 de sa décision :

À mon avis, dans les affaires non criminelles, toute prétention à la violation de la Charte fondée sur un retard doit s’appuyer sur la preuve, ou à tout le moins sur quelque inférence tirée des circonstances environnantes, que la partie demanderesse a réellement subi un préjudice ou une injustice imputable au retard.

Même si le juge Hugessen n’a pas [à la page 43] « [exclu] la possibilité que le retard à tenir l’audience d’un réfugié donne lieu à une réparation fondée sur la Charte », il a conclu que les requérants n’avaient pas prouvé qu’un droit garanti par la Charte avait été transgressé.

Dans l’arrêt Hernandez c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 154 N.R. 231 (C.A.F.), la Cour a rejeté l’argument selon lequel le retard à traiter une revendication du statut de réfugié allait à l’encontre de l’article 7 de la Charte. Commentant l’analyse de l’arrêt Akthar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), précité, le juge Robertson, J.C.A., a mentionné, aux pages 232 et 233, que « il est bien clair que l’argument « retard abusif » ne saurait être perçu comme un motif fécond d’annulation des décisions judiciaires. Sur le plan juridique, il est probablement plus réaliste de présupposer que cet argument sera rarement, ou jamais, invoqué avec succès ».

Les décisions rendues dans les affaires Akthar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) et Hernandez c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, précitées, indiquent que, lorsqu’une personne présente une preuve démontrant l’existence d’un préjudice ou d’un traitement inéquitable, le retard à traiter une revendication du statut de réfugié peut donner lieu à une transgression des droits garantis par la Charte. Cependant, dans la présente affaire, l’avocat des requérants veut étendre l’application de ce principe afin d’invalider tout le régime législatif en raison du délai systémique. Plus précisément, il soutient que, en raison des retards inhérents au système, l’évaluation du risque ne tient pas compte de l’état de la situation régnant au pays à la date même du renvoi. À mon avis, le raisonnement que propose l’avocat des requérants a pour effet d’élargir indûment et sans raison valable la portée des principes que la Cour d’appel fédérale a énoncés dans les arrêts Akthar et Hernandez, susmentionnés. Je ne connais aucune décision dans laquelle un tribunal canadien a déclaré un régime législatif invalide sur le plan constitutionnel en raison des retards liés à son administration ou à son application. Effectivement, dans l’arrêt R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199, où la Cour suprême du Canada a examiné les conséquences du délai systémique dans le contexte du droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable conformément à l’alinéa 11b) de la Charte, la Cour a conclu que ce délai systémique n’était que l’un des facteurs à examiner pour déterminer si le délai était raisonnable. Sur ce point, le juge Cory, qui s’exprimait au nom de la majorité, a dit ce qui suit à la page 1226 :

Il sera toujours difficile au Canada de déterminer à partir de quel moment un délai est trop long en ce qui concerne un délai institutionnel. Il faut répondre en fonction des faits de chaque affaire.

Les décisions de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale indiquent que la question du délai doit être analysée en fonction des faits de chaque affaire. Pour ce seul motif, l’argument de l’avocat des requérants doit être rejeté. De plus, même si un délai systémique peut nuire au fonctionnement efficace d’un régime législatif, il ne peut être considéré à bon droit comme un aspect procédural du texte législatif pour l’analyse des principes de justice fondamentale. Enfin, j’estime que l’hypothèse sous-jacente à l’argument de l’avocat des requérants est viciée, car l’état de la situation au pays pourrait évoluer avant le renvoi, même si le délai inhérent au système était minime ou presque inexistant. En conséquence, il se peut que le retard ne soit même pas un facteur pertinent dans bon nombre de cas où la situation du pays concerné évolue avant l’expulsion. Pour ces raisons, j’en suis arrivé à la conclusion que les délais systémiques liés à la mise en œuvre et à la mise à exécution du régime législatif concernant les revendications refusées ne peuvent en toucher la validité sur le plan constitutionnel. Cependant, compte tenu des paramètres définis énoncés dans les arrêts Akthar et Hernandez, précités, le retard inhérent à l’application du régime législatif relatif aux revendications refusées peut porter atteinte aux droits d’une personne qui sont garantis par la Charte, si le préjudice ou le traitement inéquitable est établi en bonne et due forme. En d’autres termes, pour constituer le fondement d’une réparation aux termes de la Charte, le délai systémique doit être lié aux circonstances d’une affaire spécifique dans laquelle la partie requérante présente des éléments de preuve établissant un préjudice ou un traitement inéquitable.

Ayant conclu que le délai systémique ne peut toucher la validité constitutionnelle de l’ensemble du régime législatif, je dois maintenant me demander, comme question subsidiaire, si les requérants ont présenté des éléments de preuve établissant que le retard lié au traitement de leur demande présumée d’établissement comme membres de la catégorie DNRSRC ou leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire a porté atteinte aux droits qui leur sont reconnus à l’article 7 de la Charte.

Dans la présente affaire, la Commission a informé les requérants du rejet de leur revendication du statut de réfugié dans un avis de décision daté du 17 mai 1993. C’est à cette date que les mesures d’expulsion conditionnelle précédemment prises à leur endroit sont devenues exécutoires. Environ quatre mois plus tard, le 10 septembre 1993, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation des requérants en vue de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision de la Commission. Même si les requérants n’avaient pas le droit de rester au Canada, ils n’ont pris aucune mesure pour déterminer le sort de leur demande présumée aux termes des dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC et n’ont pas présenté de demande visant à faciliter leur admission au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire. Effectivement, les requérants n’ont rien fait pendant plus de deux ans, jusqu’à ce qu’ils soient convoqués à une entrevue concernant leur renvoi le 5 décembre 1995. Même si ce n’est qu’au cours de cette entrevue qu’ils ont appris qu’ils n’avaient pas été reconnus membres de la catégorie DNRSRC, les requérants n’ont pas tenté d’obtenir une prorogation de délai pour contester cette décision au moyen d’une demande visant à obtenir l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. Surtout, les requérants n’ont déposé leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi qu’en octobre 1996, soit près d’un an après la date fixée pour leur renvoi au Sri Lanka et plus de trois ans après la date à laquelle les mesures d’expulsion prises à leur endroit sont devenues exécutoires. Tel qu’il est mentionné plus tôt dans les présents motifs, les dispositions du Règlement concernant la catégorie DNRSRC visaient uniquement à compléter les réparations existantes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi[33]; rien n’obligeait les requérants, comme demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée, à attendre les résultats de leur demande présumée d’établissement à titre de DNRSRC avant de présenter une demande sous le régime du paragraphe 114(2) de la Loi en vue d’obtenir un traitement humanitaire en raison de ce risque. En fait, les requérants, qui n’ont pas le droit de rester au Canada, devaient exercer activement et de façon résolue tous les recours d’origine législative qui s’offraient à eux afin d’obtenir le droit de s’établir au Canada. L’omission des requérants d’exercer en temps opportun un recours d’origine législative ne peut justifier l’argument subséquent selon lequel ils ont été lésés ou traités de façon inéquitable en raison du délai. Dans les circonstances, étant donné que les requérants n’ont pas épuisé leurs recours législatifs en présentant une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire avant la date fixée pour leur renvoi, ils n’ont pas prouvé que les droits qui leur sont reconnus à l’article 7 de la Charte ont été transgressés.

Même si j’ai conclu que les requérants n’ont pas prouvé de transgression des droits que l’article 7 de la Charte leur garantit, il faut rappeler que, d’après le témoin de l’intimée, M. Troutet, l’élément de risque n’avait pas été bien évalué lors de l’examen de leur demande d’établissement à titre de DNRSRC. Étant donné que les requérants ont déposé la présente demande plutôt que de contester la décision relative à leur appartenance à la catégorie DNRSRC et qu’ils n’ont présenté que beaucoup plus tard leur demande d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire, la question du risque n’a pas encore été évaluée en bonne et due forme. Au nom de la justice, la ministre ne devrait donc pas renvoyer les requérants au Sri Lanka avant que ses fonctionnaires se soient prononcés sur la demande en cours, soit la demande d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire, qui est fondée, du moins en partie, sur les risques auxquels les requérants s’exposent à leur retour au Sri Lanka.

En ce qui a trait aux aspects procéduraux du texte législatif, l’avocat des requérants a également soutenu que l’impossibilité pour un agent d’examiner une décision concernant l’appartenance à la catégorie DNRSRC pour évaluer les changements touchant l’état de la situation du pays avant la mise à exécution de la mesure d’expulsion constitue un manquement aux principes de justice fondamentale.

Dans au moins deux décisions antérieures, la Cour a examiné les principes de justice fondamentale dans le contexte de l’évolution de la situation du pays.

Dans l’arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 581 (C.A.), le juge Linden, J.C.A., qui a rendu la décision au nom de la Cour, a examiné une situation dans laquelle une personne avait tenté de rouvrir une enquête afin d’invoquer, pour la quatrième fois, de nouveaux faits concernant les risques auxquels elle serait exposée si elle était renvoyée dans son pays d’origine. Commentant les principes de justice fondamentale, le juge Linden a dit ce qui suit [à la page 589] :

À mon avis, la justice canadienne n’a pas, de façon inique, fermé sa porte au requérant. Au contraire, celui-ci a eu la possibilité de présenter ses faits nouveaux, sous une forme ou sous une autre, à plusieurs autorités, sans qu’il ait réussi à les convaincre. Il se peut que ces faits nouveaux n’aient pas été examinés comme il aurait voulu qu’ils le fussent, mais la justice fondamentale n’exige pas l’observation de telle ou telle méthode d’instruire des points de droit ou de fait. Ce qu’exige l’article 7 dans les cas comme celui qui nous intéresse en l’espèce, c’est que le demandeur de statut de réfugié se voie accorder la possibilité de présenter les nouvelles preuves du risque de persécution dans son pays d’origine, à l’autorité compétente qui doit les instruire convenablement.

De la même façon, lorsqu’il s’est demandé si les recours dont disposent les demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi (raisons d’ordre humanitaire) sont conformes aux principes de justice fondamentale, le juge Nadon a conclu en ces termes dans l’arrêt Chaudhry c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), précité, à la page 127 :

J’estime que le paragraphe 114(2) et la pratique du ministre en ce qui a trait à cette disposition assurent aux revendicateurs une « occasion valable » de faire examiner par une « autorité compétente » la nouvelle preuve du changement de situation dans un pays, conformément à l’esprit des arrêts prononcés par la Cour d’appel fédérale dans les affaires Chiarelli et Grewal, et que par conséquent, ils ne vont pas à l’encontre de l’article 7.

Pour appliquer ces principes à la présente affaire, il faut se rappeler que le régime législatif offre des protections étendues et différents recours à un revendicateur du statut de réfugié. Dès le départ, cette personne a le droit de se faire entendre devant un organisme quasi judiciaire et de demander à la Cour l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision négative de la Commission. De plus, aux termes du régime d’examen des revendications refusées, le revendicateur éconduit est automatiquement présumé demander le droit de s’établir au Canada comme membre de la catégorie DNRSRC. Il a le droit de présenter des observations écrites au soutien de cette demande afin de prouver qu’il respecte les critères énoncés au Règlement à l’égard du risque. Si la situation de son pays d’origine évolue, il peut présenter d’autres observations écrites en tout temps avant la décision. Il peut engager des poursuites judiciaires pour contester une décision négative. De plus, d’après la politique ministérielle déclarée, il ne sera pas expulsé du pays avant qu’une décision négative soit rendue au sujet de sa demande d’établissement comme membre de la catégorie DNRSRC. Par ailleurs, le demandeur dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée peut également, en tout temps, présenter une demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi en invoquant le risque auquel il s’expose ou tout autre facteur afin de faciliter son établissement au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire. Effectivement, il peut présenter plusieurs demandes d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire. Lorsqu’il reçoit une décision négative au sujet de l’une ou l’autre de ces demandes, il peut engager des poursuites judiciaires pour la contester. Une demande de traitement comme membre de la catégorie DNRSRC et une demande d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire constituent des procédures séparées et complémentaires. Les dispositions législatives prévoient donc deux mécanismes distincts pour examiner la preuve concernant l’évolution de la situation du pays et pour évaluer les risques auxquels s’expose le demandeur dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée.

Malgré les deux recours dont dispose le revendicateur qui n’a pas gain de cause, l’avocat des requérants a fait valoir qu’il peut y avoir des cas dans lesquels il est impossible d’examiner l’évolution de la situation du pays avant l’expulsion. Plus précisément, il a soutenu que la procédure relative à l’examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire est viciée, parce qu’elle n’a pas pour effet de retarder le renvoi. Je ne puis souscrire à cet argument, car la ministre dispose toujours d’un pouvoir discrétionnaire concernant la date du renvoi d’une personne. Dans des circonstances appropriées concernant un changement important de la situation d’un pays, la ministre peut décider de reporter le renvoi jusqu’à l’examen du risque invoqué dans une autre demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Cependant, il faut reconnaître qu’à un certain point du système, il doit y avoir une décision définitive. À mon avis, les deux recours distincts de révision postérieure des revendications rejetées sont conformes aux principes de justice fondamentale.

Après avoir passé en revue le fond et les aspects procéduraux du texte législatif, j’en arrive à la conclusion que les requérants n’ont prouvé aucun manquement aux droits qui leur sont reconnus à l’article 7 de la Charte.

(iii)       Article 12 de la Charte

L’avocat des requérants a soutenu que le renvoi de ceux-ci dans leur pays d’origine, le Sri Lanka, qui est engagé dans une guerre civile constante, constitue un traitement ou une peine cruel et inusité allant à l’encontre de l’article 12 de la Charte.

Pour déterminer si le renvoi d’un résident permanent qui avait commis des crimes graves allait à l’encontre de l’article 12 de la Charte, le juge Sopinka a indiqué sans équivoque dans l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), précité, aux pages 735 et 736, que l’expulsion ne constitue pas une peine. Il a ajouté que l’expulsion d’un résident permanent qui a omis d’observer une condition essentielle de l’autorisation qu’il avait de rester au Canada « ne saurait être considérée comme incompatible avec la dignité humaine ». Dans l’arrêt Barrera c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 C.F. 3 (C.A.), le juge MacGuigan, J.C.A., qui a rédigé les motifs au nom de la Cour, a passé en revue les principes que le juge Sopinka avait énoncés dans l’arrêt Chiarelli, précité, et conclu [à la page 20] « que la question concernant le « traitement » et « cruel et inusité » n’est toujours pas réglée ». Même si le juge MacGuigan n’a pas tranché la question de la norme constitutionnelle applicable au « traitement cruel et inusité », il a fait remarquer qu’il peut s’agir d’une « exigence d’équilibre », c’est-à-dire d’une question de déterminer si l’expulsion constitue une mesure exagérément disproportionnée. Cependant, compte tenu des faits de l’affaire, il a conclu qu’il n’était pas nécessaire de déterminer si le retour d’un réfugié au sens de la Convention dans son pays d’origine allait à l’encontre de l’article 12 de la Charte.

À mon avis, l’expulsion d’un demandeur dont la revendication a été rejetée dans un pays engagé dans une guerre civile constante ne va pas à l’encontre de l’article 12 de la Charte lorsqu’il ressort de l’évaluation du risque menée en application de la Loi ou du Règlement qu’il est peu probable qu’il soit mis à mort ou qu’il subisse des sanctions excessives ou un traitement inhumain. Compte tenu des mesures de protection accordées par le régime législatif à une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée, l’expulsion ne serait pas incompatible avec la « dignité humaine » au sens de l’arrêt Chiarelli, précité, ni ne constituerait une mesure « exagérément disproportionnée » au sens de l’arrêt Barrera, précité.

En l’espèce, il a été jugé, après une audience devant un organisme quasi judiciaire, que les requérants n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. La Cour fédérale a rejeté leur demande d’autorisation en vue de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision. Même si les requérants n’ont pas le droit de rester au Canada, ils avaient le droit d’exercer deux recours de révision postérieurs en ce qui a trait au degré de risque auquel ils s’exposaient dans leur pays d’origine. Même s’il est vrai que leur demande de traitement comme membres de la catégorie DNRSRC a été rejetée de façon sommaire, les requérants n’ont pris aucune mesure, après avoir été informés de la décision négative, pour demander une prorogation de délai afin de la contester. De plus, après avoir appris que leur revendication du statut de réfugié avait été rejetée, les requérants ont omis de présenter en temps opportun une demande d’admission au Canada pour des raisons d’ordre humanitaire. Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut dans les présents motifs, compte tenu du témoignage d’un agent de l’intimée selon lequel la question du risque n’a pas été bien évaluée lors de l’examen de la demande de traitement des requérants comme membres de la catégorie DNRSRC, la ministre ne devrait pas les renvoyer avant qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande d’admission pour des raisons d’ordre humanitaire qui a été présentée sous le régime du paragraphe 114(2) et qui est en cours. Si une décision négative est rendue au sujet de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, l’expulsion des requérants n’ira pas à l’encontre de l’article 12 de la Charte. J’aimerais souligner que les faits de la présente affaire sont inhabituels, compte tenu de l’omission des requérants de contester la décision relative à l’appartenance à la catégorie DNRSRC et du témoignage d’un agent de l’intimée selon lequel l’évaluation du risque était incomplète. L’avertissement que je donne à la ministre de ne pas renvoyer les requérants avant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire doit donc être examiné à la lumière des circonstances particulières de la présente affaire.

L’avocat des requérants a également soutenu que l’article 12 de la Charte doit être interprété d’une façon compatible avec nos obligations internationales en matière de droits de la personne. Plus précisément, il a fait valoir que l’expulsion des requérants au Sri Lanka irait à l’encontre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention). Je ne puis souscrire à cet argument, parce que j’estime que les critères législatifs servant à évaluer le risque selon le paragraphe 2(1) du Règlement sont compatibles avec nos obligations internationales découlant de la Convention. De plus, selon les lignes directrices concernant la catégorie DNRSRC, les agents qui procèdent à des évaluations du risque sont tenus d’examiner les dispositions pertinentes de la Convention. À cet égard, voici les conseils donnés à l’agent dans les lignes directrices :

Ces risques comprennent tout acte constituant une violation des droits fondamentaux de la personne comme (sans être restrictif) les violences physiques ou psychologiques faites à un individu. Un exemple clair serait l’interdiction de renvoyer « une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture » (article 3 de la Convention contre la torture).

À mon avis, le régime législatif relatif à la révision postérieure des revendications rejetées respecte les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

(iv)       Loi sur les conventions de Genève

L’avocat des requérants a allégué que le retour de ceux-ci au Sri Lanka va à l’encontre des obligations qui incombent au Canada aux termes de la Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3. Malgré les arguments étoffés que l’avocat a présentés à ce sujet, je ne puis admettre que l’article premier des dispositions générales des conventions de Genève de 1949 impose au Canada l’obligation de ne pas renvoyer au Sri Lanka les demandeurs dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée. À mon avis, le Sri Lanka est engagé dans un conflit armé interne auquel s’appliquent l’article 3 des dispositions générales des conventions de Genève de 1949 et les règles de common law sur les conflits armés. Étant donné que le Canada ne participe nullement à ce conflit, l’article premier des dispositions générales des conventions de Genève de 1949 n’impose pas à notre pays l’obligation de veiller à ce que les parties au conflit respectent l’article 3. De plus, même si le Canada devait se conformer à cette obligation aux termes de l’article premier, je ne puis admettre que cette obligation touche l’application de nos règles de droit en matière d’immigration. Subsidiairement, même si j’ai tort de conclure que le conflit armé du Sri Lanka est de nature interne, j’estime qu’aucun élément de l’article premier des dispositions générales des conventions de Genève de 1949 n’empêcherait le Canada de renvoyer une personne qui a épuisé tous les recours dont elle dispose aux termes de la Loi et du Règlement dans le territoire d’un État engagé dans un conflit armé international.

DÉCISION

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

À la fin de l’audience, j’ai convenu que, après la parution des présents motifs, les avocats des parties auraient la possibilité, au cours d’une téléconférence, de présenter une demande en vue de certifier une question grave de portée générale aux termes du paragraphe 18(1) des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d’immigration [DORS/93-22]. La téléconférence aura lieu aujourd’hui à 13 h. Toute question devant être certifiée dans la présente affaire sera précisée dans l’ordonnance que je signerai plus tard aujourd’hui.

ANNEXE « A »

Charte candienne des droits et libertés

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2

3. La politique canadienne d’immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en œuvre, à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité :

g) de remplir, envers les réfugiés, les obligations imposées au Canada par le droit international et de continuer à faire honneur à la tradition humanitaire du pays à l’endroit des personnes déplacées ou persécutées;

4. (1) Ont le droit d’entrer au Canada les citoyens canadiens et, sauf s’il a été établi qu’ils appartiennent à l’une des catégories visées au paragraphe 27(1), les résidents permanents.

(2) Sous réserve des autres lois fédérales, les citoyens canadiens et, sauf s’il a été établi qu’ils appartiennent à l’une des catégories visées au paragraphe 27(1), les résidents permanents ont le droit de demeurer au Canada.

(2.1) Sous réserve des autres lois fédérales, la personne à qui le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu en vertu de la présente loi ou dans le cadre des règlements et qui se trouve légalement au Canada a le droit d’y demeurer, sauf si elle tombe sous le coup des alinéas 19(1)c.1), c.2), d), e), f), g), j), k) ou l) ou a été déclarée coupable d’une infraction prévue par une loi fédérale :

a) soit pour laquelle une peine d’emprisonnement de plus de six mois a été infligée;

b) soit qui peut être punissable d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans.

5. (1) Seules les personnes visées à l’article 4 sont de droit autorisées à entrer au Canada et à y demeurer.

6.

(5) Sous réserve du paragraphe (8) mais par dérogation aux autres dispositions de la présente loi et aux règlements d’application de l’alinéa 114(1)a), peuvent également obtenir le droit d’établissement pour des motifs d’ordre humanitaire ou d’intérêt public l’immigrant et, le cas échéant, toutes les personnes à sa charge, s’il appartient à l’une des catégories prévues aux règlements d’application de l’alinéa 114(1)e) et satisfait aux exigences relatives à l’établissement visées à cet alinéa.

32.1

(3) S’il constate que le demandeur de statut faisant l’objet d’une enquête avait demandé l’admission au moment de l’interrogatoire et conclut qu’il fait partie d’une catégorie non admissible, l’arbitre :

b) prend une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle s’il s’agit d’une autre catégorie non admissible.

(4) S’il conclut que le demandeur de statut faisant l’objet d’une enquête relève d’un des cas visés par le paragraphe 27(2), l’arbitre, sous réserve du paragraphe (5), prend une mesure d’expulsion conditionnelle à son endroit.

(6) La mesure de renvoi conditionnel ne devient exécutoire que si se réalise l’une ou l’autre des conditions suivantes :

a) le demandeur de statut renonce à sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention;

a.1) sa revendication a été jugée irrecevable par l’agent principal, qui le lui a dûment notifié;

b) son désistement a été constaté par la section du statut, qui le lui a dûment notifié;

c) la section du statut lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention et lui a dûment notifié le refus;

d) il a été déterminé conformément au paragraphe 46.07(2) que le demandeur de statut n’avait pas le droit que confère le paragraphe 4(2.1) de demeurer au Canada et le demandeur en a été avisé.

44. (1) Toute personne se trouvant au Canada peut revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention en avisant en ce sens un agent d’immigration, à condition de ne pas être frappée d’une mesure de renvoi qui n’a pas été exécutée, à moins que la mesure n’ait été annulée en appel.

(2) Le cas échéant, l’agent d’immigration défère sans délai le cas à un agent principal.

(3) Lorsque la personne qui fait l’objet d’une enquête revendique le statut de réfugié au sens de la Convention conformément au paragraphe (1), l’arbitre détermine si elle doit être autorisée à entrer au Canada ou à y demeurer et prend à son égard la mesure indiquée prévue aux paragraphes 32(1), (3) ou (4) ou à l’article 32.1.

46.02 S’il conclut à la recevabilité de la revendication, l’agent principal défère sans délai le cas à la section du statut selon les modalités prévues par les règles mentionnées au paragraphe 65(1).

69.1

(2) Lorsque le cas lui est déféré aux termes des articles 46.02 ou 46.03, la section du statut communique au ministre, si celui-ci en fait la demande par écrit au moment où elle en est saisie, les renseignements afférents visés au paragraphe 46.03(2) et entend la revendication le plus tôt possible après l’expiration du délai prévu au paragraphe (7.1).

(3) La section du statut notifie par écrit à l’intéressé et au ministre les date, heure et lieu de l’audience.

(9) La section du statut rend sa décision sur la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention le plus tôt possible après l’audience et la notifie à l’intéressé et au ministre par écrit.

(9.1) La décision doit faire état de l’absence de minimum de fondement, lorsque chacun des membres de la section du statut ayant entendu la revendication conclut que l’intéressé n’est pas un réfugié au sens de la Convention et estime qu’il n’a été présenté à l’audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel il aurait pu se fonder pour reconnaître à l’intéressé ce statut.

(11) La section du statut n’est tenue de motiver par écrit sa décision que dans les cas suivants :

a) la décision est défavorable à l’intéressé, auquel cas la transmission des motifs se fait avec sa notification;

82.1 (1) La présentation d’une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ne peut, pour ce qui est des décisions ou ordonnances rendues, des mesures prises ou de toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d’application—règlements ou règles—se faire qu’avec l’autorisation d’un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale.

82.2 Le jugement d’un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale sur une demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale est sans appel.

83. (1) Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision ou ordonnance rendue, une mesure prise ou toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d’application—règlements ou règles—ne peut être porté en appel devant la Cour d’appel fédérale que si la Section de première instance certifie dans son jugement que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

114. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

e) pour l’application du paragraphe 6(5), préciser des catégories d’immigrants, établir à leur égard et à l’égard des personnes à leur charge des exigences relatives à l’établissement, déterminer à partir de quelle étape de l’examen des demandes d’établissement ces exigences s’appliquent, en tout ou en partie, à l’une de ces catégories d’immigrants et aux personnes à leur charge;

(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, autoriser le ministre à accorder, pour des raisons d’ordre humanitaire, une dispense d’application d’un règlement pris aux termes du paragraphe (1) ou à faciliter l’admission de toute autre manière.

Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172

2. (1) …

« demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » Immigrant au Canada :

a) à l’égard duquel la section du statut a décidé, le 1er février 1993 ou après cette date, de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, à l’exclusion d’un immigrant, selon le cas :

(i) qui a retiré sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention,

(ii) à l’égard duquel la section du statut a, en vertu du paragraphe 69.1(6) de la Loi, conclu au désistement de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention,

(iii) à l’égard duquel la section du statut a déterminé, en vertu du paragraphe 69.1(9.1) de la Loi, que sa revendication n’a pas un minimum de fondement,

(iv) qui a quitté le Canada à tout moment après qu’il a été déterminé qu’il n’est pas un réfugié au sens de la Convention;

b) auquel un agent d’immigration n’a pas déjà refusé le droit d’établissement en vertu de l’article 11.4;

c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé l’expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l’un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus provenant de ce pays ou s’y trouvant :

(i) sa vie est menacée pour des raisons autres que l’incapacité de ce pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats,

(ii) des sanctions excessives peuvent être exercées contre lui,

(iii) un traitement inhumain peut lui être infligé.

2.1 Le ministre est autorisé à accorder, pour des raisons d’ordre humanitaire, une dispense d’application d’un règlement pris aux termes du paragraphe 114(1) de la Loi ou à faciliter l’admission au Canada de toute autre manière.

11.2 Sont des catégories réglementaires d’immigrants pour l’application des paragraphes 6(5) et (8) de la Loi :

b) la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada.

a) ni lui ni aucune des personnes à sa charge n’appartiennent à une catégorie visée à l’un des alinéas 19(1)c) à g), j) à l) et (2)a) ou au sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi, d’après ce qu’en conclut l’agent d’immigration en application du paragraphe 6(8) de la Loi;

b) ni lui ni aucune des personnes à sa charge n’ont été déclarées coupables d’une infraction visée à l’alinéa 27(2)d) de la Loi pour laquelle une peine d’emprisonnement de plus de six mois a été infligée ou qui peut être punissable d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans;

c) le demandeur était au Canada le jour où ils sont devenus demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada et il est demeuré au Canada depuis ce jour;

d) le demandeur possède un passeport ou un document de voyage en cours de validité ou des papiers d’identité acceptables.

(2) Pour l’application du paragraphe 6(5) de la Loi, la personne à l’égard de laquelle la section du statut a décidé, le 1er février 1993 ou après cette date, de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention est réputée avoir soumis une demande d’établissement à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada à un agent d’immigration le jour où la section du statut a rendu cette décision.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), les exigences relatives à l’établissement visées au paragraphe (1) ne s’appliquent qu’à compter de l’expiration du délai de 15 jours qui suit la notification à la personne, par la section du statut, du refus du statut de réfugié au sens de la Convention, afin que la personne ait la possibilité de présenter par écrit à un agent d’immigration ses observations concernant les questions visées à l’alinéa c) de la définition de « demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » au paragraphe 2(1).

(4) Lorsque la personne visée au paragraphe (2), à la suite de la décision de la section du statut de lui refuser le statut de réfugié au sens de la Convention, fait l’objet d’une demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ou fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire, l’agent d’immigration n’est pas tenu de statuer sur la demande d’établissement de la personne tant que, selon le cas :

a) la Section de première instance de la Cour fédérale n’a pas rejeté la demande d’autorisation ou la demande de contrôle judiciaire;

b) la Cour d’appel fédérale n’a pas rendu de décision défavorable à l’égard de cette personne sur l’appel interjeté à l’égard d’un jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale sur la demande de contrôle judiciaire;

c) la Cour suprême du Canada n’a pas rendu de décision défavorable à l’égard de cette personne sur l’appel interjeté à l’égard d’un jugement de la Cour d’appel fédérale sur la demande de contrôle judiciaire.

(5) La personne visée au paragraphe (2) peut, une seule fois, présenter par écrit à un agent d’immigration des observations complémentaires à l’égard des questions visées à l’alinéa c) de la définition de « demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » au paragraphe 2(1), dans l’un ou l’autre des délais suivants :

a) dans le cas où la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation relative à la présentation d’une demande de contrôle judiciaire, dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé pour en appeler du jugement de celle-ci;

b) dans le cas où la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire et qu’elle n’a pas certifié dans son jugement que l’affaire soulève une question grave de portée générale, dans les 15 jours qui suivent le prononcé du jugement;

c) dans le cas où la Cour d’appel fédérale a rendu une décision défavorable à l’égard de cette personne à la suite d’un appel du jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale, dans les 15 jours qui suivent le délai de 60 jours accordé pour déposer l’avis d’une demande d’autorisation d’appel du jugement auprès de la Cour suprême du Canada;

d) dans le cas où la Cour suprême du Canada a rendu une décision défavorable à cette personne à la suite d’un appel du jugement de la Cour d’appel fédérale, dans les 15 jours qui suivent le prononcé du jugement de celle-ci.

Loi sur les conventions de Genève, L.R.C. (1985), ch. G-3, art. 2(1) [mod. par L.C. 1990, ch. 14, art. 1].

2. (1) Sont approuvées les conventions de Genève pour la protection des victimes de guerre, signées à Genève le 12 août 1949 et reproduites aux annexes I à IV.

Dispositions générales des conventions de Genève I à IV (1949), [1965] R.T. Can. no 20.

Article I

Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances.

Article 3

En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d’appliquer au moins les dispositions suivantes :

(1) Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue.

À cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l’égard des personnes mentionnées ci-dessus :

a) les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices;

b) les prises d’otages;

c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants;

d) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.



[1] Une mesure d’expulsion conditionnelle a été prise à l’endroit du requérant le 14 avril 1992, aux termes de l’art. 32.1(3)b) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 12; L.C. 1992, ch. 49, art. 23) de la Loi sur l’immigration. Le 19 novembre 1992, une mesure d’expulsion conditionnelle a été prise à l’endroit de la requérante aux termes de l’art. 32.1(4) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 12) de la Loi sur l’immigration.

[2] Art. 32.1(6)c) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 23) de la Loi.

[3] Depuis juillet 1994, une personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée reçoit la trousse concernant la catégorie DNRSRC dans la même enveloppe que la décision de la Commission. Cette procédure n’était pas en vigueur lorsque les requérants ont reçu leur décision de la Commission.

[4] Voir l’art. 4(1) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 2) de la Loi sur l’immigration.

[5] Art. 4(2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 3) et (2.1) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 2) de la Loi sur l’immigration.

[6] Art. 5(1) de la Loi sur l’immigration.

[7] Art. 44(1) (mod., idem, art. 35) de la Loi sur l’immigration.

[8] Art. 44(2) (mod., idem) de la Loi sur l’immigration.

[9] Art. 44(3) (mod., idem) de la Loi sur l’immigration.

[10] Ibid.

[11] Art. 46.02 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 37) de la Loi sur l’immigration.

[12] Art. 69.1(2) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 60) et (3) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18) de la Loi sur l’immigration. La procédure régissant le déroulement de l’audience et les droits accordés au demandeur du statut de réfugié au cours de cette audience sont énoncés aux art. 68, 68.1, 69 et 69.1 de la Loi sur l’immigration. Aux fins de la présente demande, il n’est pas nécessaire de décrire cette procédure ou ces droits ou d’en faire mention.

[13] Art. 69.1(9) (édicté, idem) de la Loi sur l’immigration.

[14] Art. 69.1(11)a) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 60) de la Loi sur l’immigration.

[15] Art. 32.1(6)c) de la Loi. L’art. 32.1(6) prévoit également d’autres cas dans lesquels une mesure de renvoi conditionnel devient exécutoire.

[16] Voir l’art. 82.1(1) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), l’art. 82.2 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73) et l’art. 83(1) (mod., idem) de la Loi sur l’immigration.

[17] Résumé de l’étude d’impact de la réglementation DORS/93-44, Gazette du Canada, Partie II, vol. 127, no 3, à la p. 655.

[18] L’art. 6(5) de la Loi énonce qu’un immigrant appartenant à l’une des catégories prévues aux règlements d’application de l’art. 114(1)e) peut obtenir le droit de s’établir au Canada « pour des motifs d’ordre humanitaire ou d’intérêt public » s’il respecte les exigences énoncées à l’alinéa 114(1)e) de la Loi. Voici le libellé de cette dernière disposition :

114. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

e) pour l’application du paragraphe 6(5), préciser des catégories d’immigrants, établir à leur égard et à l’égard des personnes à leur charge des exigences relatives à l’établissement, déterminer à partir de quelle étape de l’examen des demandes d’établissement ces exigences s’appliquent, en tout ou en partie, à l’une de ces catégories d’immigrants et aux personnes à leur charge.

[19] Précité, note 17, aux p. 653, 655 et 656.

[20] La voie de la compassion : Étude des processus mis à la disposition des personnes à qui on a refusé le statut de réfugié et qui demandent une révision de leur cas pour des considérations humanitaires, Susan Davis et Lorne Waldman, mars 1994, à la p. 6.

[21] Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, précité, note 17, à la p. 655.

[22] L’art. 11.4(2) du Règlement énonce que la personne dont la revendication du statut de réfugié a été rejetée est réputée avoir soumis une demande d’établissement au Canada comme membre de la catégorie DNRSRC à la date à laquelle la Commission a rendu cette décision.

[23] La procédure en question n’était pas en vigueur à la date à laquelle les requérants ont reçu leur décision négative de la Commission.

[24] Art. 11.4(3) du Règlement.

[25] Art. 11.4(5) du Règlement.

[26] Contre-interrogatoire de Gilbert Troutet, vol. 1, à la p. 30.

[27] Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, précité, note 17, à la p. 653.

[28] Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, décision de Mme le juge Wilson, à la p. 204.

[29] Art. 3g) de la Loi sur l’immigration.

[30] Pour une description plus complète des droits accordés aux réfugiés au sens de la Convention, voir les p. 687 et 688 de ce jugement.

[31] Voir le raisonnement qu’a suivi le juge Sopinka dans l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, aux p. 731 et 732.

[32] Voir la note 21, supra.

[33] Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, précité, note 17, à la p. 653.

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