Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     A-486-98

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (appelant)

c.

Rajadurai Samuel Thangarajan, Annette Thangarajan, William Thangarajan et James Thangarajan, par l'intermédiaire de leur tuteur à l'instance Rajadurai Samuel Thangarajan (intimés)

Répertorié: Thangarajan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.)

Cour d'appel, juges Létourneau, Rothstein et McDonald, J.C.A."Toronto, 21 et 24 juin 1999.

Citoyenneté et Immigration " Exclusion et renvoi " Personnes non admissibles " Appel portant sur la question certifiée suivante: les "services sociaux" visés à l'art. 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration comprennent-ils l'"éducation spécialisée"? " En vertu de l'art. 19(1)a)(ii), les personnes dont l'admission risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ne sont pas admissibles au Canada " Le fils de l'intimé, qui présente un déficit intellectuel modéré, n'a pas été admis pour le motif que son admission entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens " Le juge des requêtes a conclu que l'éducation spécialisée que donne l'école publique aux enfants aux prises avec des difficultés mentales ne constitue pas un service social au sens de l'art. 19(1)a)(ii) " L'appel est accueilli et la question reçoit une réponse positive " L'art. 19(1)a) s'applique quand un immigrant éventuel est jugé souffrir d'une maladie ou d'une invalidité " Les "services sociaux" mentionnés à l'art. 19(1)a)(ii) visent les services fournis aux personnes qui, à la suite d'une évaluation de la nature, de la gravité ou de la durée probable de leur maladie ou de leur invalidité, sont considérées dans le besoin " Comme l'exigence relative à l'éducation spécialisée subventionnée par l'État découle de l'évaluation de la nature, de la gravité et de la durée probable de l'altération des facultés mentales, il n'y a aucun motif pour lequel le législateur exclurait l'éducation spécialisée des services sociaux mentionnés à l'art. 19(1)a)(ii) " Il y a un mouvement de rejet de l'institutionnalisation des personnes présentant un déficit intellectuel au profit de la vie en collectivité " Comme l'institutionnalisation constituerait un service social aux fins de l'art. 19(1)a) (ii), un programme de remplacement subventionné par l'État tel que l'éducation spécialisée doit également être un service social aux fins de cette disposition " L'expression "services sociaux" a une signification plus large que le bien-être social.

Droit constitutionnel " Charte des droits " Droits à l'égalité " L'art. 3f) de la Loi sur l'immigration exige que les critères d'admission excluent toute discrimination contraire à la Charte " En vertu de l'art. 19(1)a) de la Loi sur l'immigration, les personnes dont l'admission risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ne sont pas admissibles " L'intimé prétend que l'art. 19(1)a) est discriminatoire et devrait être interprété restrictivement de façon à exclure l'éducation spécialisée des "services sociaux" " En l'absence d'un débat approprié relativement à l'art. 15 de la Charte et d'une analyse fondée sur l'article premier, la Cour n'est pas prête à conclure, compte tenu de l'argumentation générale, qu'une interprétation de l'expression "services sociaux" contenue à l'art. 19(1)a)(ii) qui comprendrait l'éducation spécialisée est incompatible avec l'art. 3f).

Il s'agit d'un appel portant sur la question certifiée suivante: les "services sociaux" visés au sous-alinéa 19(1)a )(ii) de la Loi sur l'immigration comprennent-ils l'éducation spécialisée (l'éducation d'élèves mentalement inadaptés, dans des écoles relevant de l'enseignement public provincial)? En vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii), les personnes qui risqueraient d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ne sont pas admissibles au Canada. Rajadurai Samuel Thangarajan a présenté une demande de résidence permanente pour lui-même et pour les personnes à sa charge. On a conclu que son fils, William, présentait un déficit intellectuel modéré. De l'avis des médecins agréés, son admission entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens. Un des facteurs retenus est le coût de l'éducation spécialisée qu'il faudrait assurer au fils de l'intimé dans le cadre de l'enseignement public. La demande de résidence permanente a été rejetée. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, le juge des requêtes a conclu que l'éducation spécialisée que donne l'école publique aux enfants aux prises avec des difficultés mentales ne constitue pas un service social au sens du sous-alinéa 19(1)a)(ii).

Compte tenu de l'alinéa 3f) de la Loi sur l'immigration, les critères d'admission doivent exclure toute discrimination contraire à la Charte. L'intimé prétend que l'alinéa 19(1)a) est discriminatoire, présumément en raison de l'altération des facultés mentales, et que, bien que la disposition serait probablement sauvegardée en vertu de l'article premier, elle devrait, parce qu'elle est discriminatoire, être interprétée restrictivement de façon à exclure l'éducation spécialisée des services sociaux.

Arrêt: l'appel est accueilli et la question certifiée reçoit une réponse positive.

Le sous-alinéa 19(1)a)(ii) vise à faire en sorte que les immigrants éventuels n'empêchent pas ni ne restreignent l'accès aux services sociaux et de santé par les citoyens canadiens et les résidents permanents en entraînant un fardeau excessif pour ces services. L'alinéa 19(1)a) s'applique quand un immigrant éventuel est jugé souffrir d'une maladie ou d'une invalidité. Les services sociaux mentionnés au sous-alinéa 19(1)a)(ii) visent les services fournis aux personnes qui, à la suite d'une évaluation de la nature, de la gravité ou de la durée probable de leur maladie ou de leur invalidité, sont considérées dans le besoin. Comme l'exigence relative à l'éducation spécialisée subventionnée par l'État découle de l'évaluation de la nature, de la gravité et de la durée probable de l'altération des facultés mentales, il n'y a aucun motif évident pour lequel le législateur aurait voulu que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) ne comprenne pas l'éducation spécialisée destinée aux personnes présentant un déficit intellectuel.

Il y a un mouvement de rejet de l'institutionnalisation des personnes présentant un déficit intellectuel au profit de la vie en collectivité grâce à un système de soutien communautaire destiné à étayer les services sociaux. Comme l'institutionnalisation constituerait un service social aux fins du sous-alinéa 19(1)a)(ii), un programme de remplacement subventionné par l'État tel que l'éducation spécialisée, qui vise à aider les personnes atteintes d'un déficit intellectuel, doit également être un service social aux fins de cette disposition.

À l'alinéa 19(1)b), le terme "aide sociale" est utilisé dans le contexte du soutien des personnes qui n'ont pas la capacité ou la volonté de subvenir à leurs besoins. L'aide sociale prévue à l'alinéa 19(1)b ) évoque une idée de bien-être social. Les services sociaux mentionnés au sous-alinéa 19(1)a)(ii) comprennent le bien-être social, mais signifient quelque chose de plus.

La Cour ne supposerait pas que l'alinéa 19(1)a) contrevient à l'article 15 de la Charte. En l'absence d'un débat approprié relativement à l'article 15 et d'une analyse fondée sur l'article premier, la Cour n'est pas prête à dire, compte tenu de l'argumentation générale qui lui a été soumise, qu'une interprétation de l'expression "services sociaux" contenue au sous-alinéa 19(1)a )(ii) qui comprendrait l'éducation spécialisée est incompatible avec l'alinéa 3f) de la Loi sur l'immigration.

    lois et règlements

        Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 15.

        Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 3f) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2), 19(1)a) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), b) (mod., idem), 83(1) (mod., idem, art. 73).

    doctrine

        Canada. Débats de la Chambre des communes. Comité permanent de la santé, de la main-d'œuvre et de l'immigration. Procès-verbal de délibération. Fascicule no 11 (5 avril 1977).

        Concise Oxford Dictionary of Current English, 9th ed. Oxford: Clarendon Press, 1995. "social services"

APPEL portant sur la question certifiée suivante: les "services sociaux" visés au sous-alinéa 19(1)a )(ii) de la Loi sur l'immigration comprennent-ils l'éducation spécialisée (l'éducation d'élèves mentalement inadaptés, dans des écoles relevant de l'enseignement public provincial)? L'appel est accueilli et la question reçoit une réponse positive.

    ont comparu:

    Marie-Louise Wcislo pour l'appelant.

    Barbara L. Jackman pour les intimés.

    avocats inscrits au dossier:

    Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.

    Jackman, Waldman & Associates, Toronto, pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par

Le juge Rothstein, J.C.A.: Il s'agit d'un appel portant sur une question certifiée en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 73)]1:

[traduction] Les "services sociaux" au sens du sous-alinéa 19(1)a )(ii) de la Loi sur l'immigration comprennent-ils l'éducation spécialisée décrite dans les motifs de la présente ordonnance?

Dans ses motifs, le juge des requêtes [(1998), 152 F.T.R. 91 (C.F. 1re inst.)] fait référence à [au paragraphe 2] "l'éducation d'élèves mentalement inadaptés, dans des écoles primaires et secondaires relevant de l'enseignement public". Nous en déduisons qu'il s'agit là de la description de l'"éducation spécialisée" que le juge des requêtes avait à l'esprit dans la question certifiée.

L'alinéa 19(1)a) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11] de la Loi sur l'immigration prévoit:

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible:

    a) celles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut être:

        (i) soit des personnes qui constituent ou constitueraient vraisemblablement, pour des raisons d'ordre médical, un danger pour la santé ou la sécurité publiques,

        (ii) soit des personnes dont l'admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif"au sens que donnent les règlements à cette expression"pour les services sociaux désignés par règlement ou les services de santé;

Rajadurai Samuel Thangarajan (ci-après l'intimé) a présenté une demande de résidence permanente au Canada pour lui-même et pour les personnes à sa charge. Un examen médical a révélé que le fils de l'intimé, William, présentait un déficit intellectuel modéré. De l'avis des médecins agréés, son admission entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens. Un des facteurs retenus dans le cadre de cette évaluation est le coût de l'éducation spécialisée qu'il faudrait assurer au fils de l'intimé dans le cadre de l'enseignement public. L'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente.

Dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas, le juge des requêtes a conclu que l'éducation spécialisée que donne l'école publique aux enfants aux prises avec des difficultés mentales ne constitue pas un service social au sens du sous-alinéa 19(1)a)(ii). La demande de résidence permanente de l'intimé a été renvoyée afin de faire l'objet d'un nouvel examen.

Les avis des médecins agréés et la décision de l'agent des visas n'étaient pas fondés uniquement sur le fait que le fils de l'intimé avait besoin d'une éducation spécialisée. En outre, dans ses motifs, le juge des requêtes mentionne d'autres préoccupations que soulèvent chez elle les évaluations médicales en l'espèce. Néanmoins, nous supposons qu'en certifiant une question en vue d'un appel, le juge des requêtes voulait que la réponse à cette question soit concluante quant au résultat du présent litige.

L'expression "services sociaux" n'est pas définie dans la Loi sur l'immigration . L'alinéa 114(1)m.1) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 102] autorise le gouverneur en conseil à désigner des services sociaux pour l'application du sous-alinéa 19(1)a)(ii), mais rien n'a été désigné jusqu'à ce jour.

Le Concise Oxford Dictionary of Current English, 9e éd., définit "social services" ("services sociaux") comme suit:

[traduction] [. . .] services que l'État procure à la communauté, notamment l'éducation, la santé et le logement.

Selon cette définition, les "services sociaux" comprendraient l'éducation spécialisée.

D'une manière plus significative, le contexte dans lequel cette expression est utilisée au sous-alinéa 19(1)a)(ii) va également dans le même sens. Les services sociaux et de santé ne sont pas illimités et gratuits. Le sous-alinéa 19(1)a)(ii) vise clairement à faire en sorte que, dans la mesure du possible, les immigrants éventuels n'empêchent pas ni ne restreignent l'accès aux services sociaux et de santé par les citoyens canadiens et les résidents permanents en entraînant un fardeau excessif pour ces services. L'alinéa 19(1)a) s'applique uniquement quand un immigrant éventuel est jugé souffrir d'une maladie ou d'une invalidité. Les services sociaux mentionnés au sous-alinéa 19(1)a)(ii) visent les services fournis aux personnes qui, à la suite d'une évaluation de la nature, de la gravité ou de la durée probable de leur maladie ou de leur invalidité, sont considérées dans le besoin. Comme l'exigence relative à l'éducation spécialisée subventionnée par l'État découle de l'évaluation de la nature, de la gravité et de la durée probable de l'altération des facultés mentales, il n'y a aucun motif évident pour lequel le législateur aurait voulu que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) ne comprenne pas l'éducation spécialisée destinée aux personnes présentant un déficit intellectuel modéré.

Le témoignage de l'un des médecins agréés, à qui on a demandé une opinion dans la présente affaire, le Dr John Barry Lazarus, soutient davantage ce point de vue. Dans son affidavit, il affirme que la philosophie canadienne actuelle vise à intégrer le plus possible les personnes atteintes d'une incapacité à la société canadienne. Il y a un mouvement clair de rejet de l'isolement et de l'institutionnalisation des personnes présentant un déficit intellectuel au profit de la vie en collectivité grâce à un système de soutien communautaire destiné à étayer les services sociaux. Le Dr Lazarus affirme:

[traduction] En évaluant l'état du fils du demandeur compte tenu des normes philosophiques de base selon lesquelles il convient de garder la personne atteinte d'un déficit intellectuel au foyer, de faciliter son intégration dans la société et sa normalisation par rapport à celle-ci, et d'encourager la maximalisation de ses possibilités grâce à la socialisation et aux moyens de promotion professionnelle, je suis d'avis que le fils du demandeur a besoin principalement d'une éducation spécialisée continue et d'être admis dans un programme de formation professionnelle qui lui donnera une formation professionnelle spécialisée et des possibilités d'emploi dans un environnement de travail "adapté" ainsi que les avantages relatifs à l'interaction avec d'autres personnes et à la socialisation que présente un tel environnement hors foyer.

Il appert que la politique d'institutionnalisation des personnes présentant un déficit intellectuel a été remplacée par une politique visant à l'intégration de ces personnes dans la société. Il n'y a aucun doute qu'aux fins du sous-alinéa 19(1)a)(ii), l'institutionnalisation constituerait un service social. Un programme de remplacement subventionné par l'État tel que l'éducation spécialisée, qui vise à aider les personnes atteintes d'un déficit intellectuel, doit également être un service social aux fins de cette disposition.

Le juge des requêtes était d'avis que les services sociaux visés au sous-alinéa 19(1)a)(ii) devaient être interprétés comme suit [au paragraphe 6]: "dans un sens [. . .] restreint, on entendra par service social le bien-être social proprement dit". À son avis, l'expression "services sociaux ou de santé" indiquent que les services de santé sont distincts des services sociaux et qu'il y a également lieu de distinguer l'enseignement, y compris l'enseignement spécialisé assuré au sein du système scolaire. Avec égards, nous ne pouvons être d'accord.

Bien qu'elle inclurait le bien-être social, l'expression services sociaux signifie quelque chose de plus. À l'alinéa 19(1)b) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11], le législateur a utilisé le terme "aide sociale" dans le contexte du soutien des personnes qui n'ont pas la capacité ou la volonté présente ou future de subvenir à leurs besoins:

19. [. . .]

    b) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles n'ont pas la capacité ou la volonté présente ou future de subvenir tant à leurs besoins qu'à ceux des personnes à leur charge et qui ne peuvent convaincre l'agent d'immigration que les dispositions nécessaires"n'impliquant pas l'aide sociale"ont été prises en vue d'assurer leur soutien; [Non souligné dans l'original.]

L'aide sociale prévue à l'alinéa 19(1)b) évoque une idée de bien-être social. Les services sociaux mentionnés au sous-alinéa 19(1)a)(ii) comprennent le bien-être social, mais aussi des considérations plus larges.

En outre, l'alinéa 19(1)a) comporte un lien entre une maladie ou une invalidité et les services sociaux. La maladie en l'espèce est la déficience mentale et c'est pour cette raison que les médecins agréés ont jugé qu'une éducation spécialisée était nécessaire. Exclure l'éducation spécialisée des "services sociaux" reviendrait à exclure arbitrairement l'application de cette expression au type même de services qui ont été jugés nécessaires en raison d'une incapacité déterminée. Comme nous l'avons dit précédemment, si l'institutionnalisation des personnes atteintes d'une déficience mentale est un service social, et, à notre avis, il en est incontestablement ainsi, un programme de remplacement plus moderne, soit l'éducation spécialisée, est également un service social.

Dans ses motifs, le juge des requêtes se réfère à l'argument de l'intimé selon lequel, vu que l'éducation est un droit et que la fréquentation scolaire est une exigence, l'éducation n'est pas un service social, soit des prestations souvent offertes après étude des ressources ou sous condition de recouvrement. À notre avis, cette distinction n'ajoute rien à l'analyse. La question de savoir si l'éducation spécialisée destinée aux Canadiens est un droit ou si la fréquentation scolaire est une exigence (et nous n'avons aucun renseignement sur ce dernier point) ne change rien au fait qu'il s'agit d'un programme subventionné par l'État destiné aux personnes souffrant d'une déficience mentale. C'est pour cette raison que l'éducation spécialisée est comprise dans les services sociaux prévus au sous-alinéa 19(1)a)(ii).

Dans ses motifs, elle fait ensuite référence à la transcription des travaux de 1977 du Comité permanent du travail, de la main-d'œuvre et de l'immigration quand le sous-alinéa 19(1)a)(ii) a été présenté au Parlement. Nous ne croyons pas que les observations des membres du Comité, des fonctionnaires du gouvernement ou même du ministre soient instructifs en l'espèce. La transcription indique un manque de précision et une ambiguïté dans les opinions exprimées quant à la portée de l'expression "services sociaux". Alors qu'un fonctionnaire semble considérer les services sociaux comme l'équivalent du bien-être social, un autre fonctionnaire parle des [traduction ] "services sociaux qui pourraient être visés du point de vue de la santé". Comme ces observations vont d'une interprétation restrictive à une interprétation très large, nous ne les considérons pas utiles.

Dans ses motifs, le juge des requêtes renvoie ensuite à l'argument selon lequel, en vertu des lois provinciales, les services d'éducation, y compris l'éducation spécialisée, sont fournis conformément à un régime législatif différent de celui relatif aux services sociaux et par un ministère gouvernemental différent du ministère des services sociaux. Nous n'accordons pas un poids important à cet argument. Nous essayons de déterminer le sens que le législateur a voulu donner à l'expression "services sociaux" contenue au sous-alinéa 19(1)a )(ii) de la Loi sur l'immigration. La structure organisationnelle des différents gouvernements provinciaux semblerait constituer un fondement faible pour déterminer la portée de l'expression "services sociaux" que le législateur fédéral a utilisée dans la Loi sur l'immigration .

Émanant de l'intimé, la dernière question litigieuse est, si nous comprenons bien, pour la première fois soulevée devant la Cour; elle concerne l'alinéa 3f) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2] de la Loi sur l'immigration:

3. La politique canadienne d'immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en œuvre, à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité:

    [. . .]

    f) de garantir que les personnes sollicitant leur admission au Canada à titre permanent ou temporaire soient soumises à des critères excluant toute discrimination contraire à la Charte canadienne des droits et libertés;

L'avocate de l'intimé affirme que l'alinéa 19(1)a) est discriminatoire (présumément, dans la présente affaire, en raison de l'altération des facultés mentales). Selon ce qu'elle prétend, bien que, dans le cadre d'une contestation fondée sur la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], la disposition serait sauvegardée en vertu de l'article premier, elle ne devrait pas, parce qu'elle est discriminatoire, se voir accorder sa signification propre et entière, mais elle devrait être interprétée restrictivement de façon à exclure l'éducation spécialisée des services sociaux. Nous ne sommes pas prêts à supposer que l'alinéa 19(1)a) contreviendrait à l'article 15 de la Charte. En l'absence d'un débat approprié relativement à l'article 15 et d'une analyse fondée sur l'article premier, nous ne sommes pas prêts à dire, compte tenu de l'argumentation générale qui nous a été soumise, qu'une interprétation de l'expression "services sociaux" contenue au sous-alinéa 19(1)a )(ii) qui comprendrait l'éducation spécialisée est incompatible avec l'alinéa 3f) de la Loi sur l'immigration.

Pour tous ces motifs, nous estimons que les services sociaux prévus au sous-alinéa 19(1)a)(ii) comprennent l'éducation spécialisée. Nous répondrons à la question certifiée par l'affirmative:

Les services sociaux au sens du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration comprennent l'éducation spécialisée, y compris l'éducation des étudiants souffrant d'une incapacité mentale qui relèvent des systèmes scolaires primaires et secondaires subventionnés par l'État.

L'appel est accueilli et la décision du juge des requêtes d'annuler la décision que l'agent des visas a prise le 1er août 1997 et de renvoyer la demande de résidence permanente de l'intimé afin qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen est annulée. Comme les dépens n'ont pas été demandés, il n'y aura aucune ordonnance en ce sens. Nous notons que l'avocate de l'appelant a précisé que, indépendamment du résultat de l'appel, son client prendrait volontairement une nouvelle décision quant à la demande de résidence permanente de l'intimé, conformément à notre décision.

1 83. (1) Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision ou ordonnance rendue, une mesure prise ou toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application"règlements ou règles"ne peut être porté en appel devant la Cour d'appel fédérale que si la Section de première instance certifie dans son jugement que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.